CHAPITRE 1 : PRESENTATION DE LA ZONE D'ETUDE
1. SITUATION GEOGRAPHIQUE
La région d'étude est située en
Afrique Centrale (Fig.1). Elle couvre le sud Cameroun, le sud-ouest de la
R.C.A., le nord de la Guinée équatoriale, du Gabon et le nord-est
du Congo. Elle s'étend entre les latitudes 2° et 4° 5 N et
les longitudes 9°50 et 17°E. Les principales villes qu'on y rencontre
sont : Yaoundé, Ebolowa, Sangmélima, Mbalmayo, Akonolinga,
Djoum, Ayos, Kribi, Edéa, Pouma, Monatélé, Abong-Mbang,
Yokadouma, Batouri, Bertoua, Ouesso.
Fig. 1 : Localisation de la zone
d'étude
Le climat qui y règne est du type
équatorial guinéen, caractérisé par quatre saisons
(deux saisons sèches et deux saisons de pluie) et par l'abondance des
pluies avec des températures relativement peu élevées et
régulières.
La zone d'étude comporte une partie
côtière à l'ouest du méridien 10°E et une
partie continentale à l'Est.
La partie côtière s'étend de
l'océan vers l'intérieur sur environ 150 km en direction de l'Est
et est occupée dans sa presque totalité par la forêt dense
ombrophile. Une côte basse à mangrove borde la baie de Douala,
sorte d'entonnoir profond de 30 km et large de 50 km. Cette baie est le
réceptacle des principaux fleuves de la région : le Mungo,
la Dibamba et le Wouri et la Sanaga (Giresse et al., 1996). Une longue
côte sableuse d'orientation méridienne va de l'estuaire de la
Sanaga jusqu'à Campo (Morin et Kuete, 1989).
L'altitude moyenne de la surface continentale est de
700 m. Cette altitude est de 750 m à Yaoundé et
décroît vers le Sud. L'uniformité de cette surface est
l'une de ses caractéristiques majeures. Vers l'Est, il n'existe pas de
véritable escarpement entre la surface continentale et la cuvette
congolaise ; en effet Yokadouma est à 550 m et Moloundou à
350 m.
La région d'étude est drainée
par le bassin du Congo. La Sanaga est le fleuve le plus important du
réseau hydrographique de la région. Plus au Sud, le Nyong et son
affluent le So'o coulent d'Est en Ouest, dans la région de Mbalmayo et
d'Akonolinga. Le Ntem, parallèle au Nyong coule plus bas au Sud et
quitte la surface continentale par une série de rapides (Giresse et
al., 1996). La région est également arrosée par
le Dja dans la région nord-est de Sangmélima et son affluent (le
Lobo) et la Mvilla dans la localité d'Ebolowa.
2. CONTEXTES GEOLOGIQUE ET TECTONIQUE
Le domaine d'étude porte les traces des divers
évènements tectoniques qui ont marqué le continent
africain au cours des temps géologiques. Il chevauche la marge
septentrionale du craton du Congo représenté par le groupe du
Ntem et la partie Sud de la chaîne panafricaine Nord-équatoriale
représenté par les séries de Yaoundé.
2.1. Le craton
Il affleure au sud du parallèle 3°5N. Les
roches les plus anciennes forment le groupe du Ntem d'âge archéen
(> 3,7 Ga) rajeuni pendant l'éburnéen (2,2-1,8 Ga) (Gazel,
1956 ; Bessoles et Trompette, 1980). Au Sud-est les affleurements du
complexe du Ntem sont recouverts par des formations d'âge
protérozoïque supérieur.
2.1.1. Le complexe du
Ntem
Il est formé d'Ouest en Est
par les unités tectoniques du Bas Nyong, du Ntem et de l'Ayina (Fig.
2).
- L'unité du Ntem
est composée d'un ensemble de gneiss granulitiques
(série rubanée) et un complexe intrusif. Le complexe intrusif
est essentiellement composé de granitoïdes charnockitiques mis en
place vers 2.9 Ga (Delhal et Ledent, 1975 ; Lasserre et Soba, 1976 ;
Cahen et al.,1984 ; Toteu et al.,1994 ; Tchameni et
al.,1996) ; sa composition est celle des TTG
(Tonalites-Trondjhémites-Granodiorites) (Nédelec et Nsifa,
1987 ; Nédelec et al.,1990).
La série
rubanée est constituée des ceintures de roches vertes qui
contiennent des roches basiques et des quartzites ferrifères ou
stériles (Vicat, 1998). Les ceintures de roches vertes de
Lolodorf-Ngomezap se mettent en place vers 3 Ga (Tchameni, 1997). Elles sont
caractérisées par l'association de métabasites et de
quartzites ferrifères. Les amphibolites et les quartzites ont subi le
métamorphisme granulitique à pyroxènes et grenat de
l'unité du Ntem. L'orogenèse éburnéenne se
manifeste dans l'unité du Ntem par un épisode thermique
daté vers 2 Ga (Toteu et al., 1994 ; Tchameni, 1997).
- L'unité du Bas
Nyong
Les caractéristiques
pétrologiques et chimiques des ceintures de roches vertes de
l'unité du Nyong les rattachent aux roches du complexe du Ntem. Les
caractéristiques tectoniques et métamorphiques témoignent
d'une évolution structurale beaucoup plus vigoureuse que l'unité
du Ntem pendant l'érosion éburnéenne et de l'influence de
la tectonique panafricaine (Nédelec et al., 1990).
L'orogenèse éburnéenne est
responsable de la structuration N-S et du déversement sur
l'unité du Ntem de l'unité du Bas Nyong au Sud-est
(Nédelec et al., 1990). Une légère
rétromorphose dans le faciès schiste vert peut être
attribué au métamorphisme panafricain (Toteu et al.,
1994).
- L'unité de l'Ayina
Au Sud-est, l'unité de l'Ayina rapportée
à l'archéen borde l'unité du Ntem. Cette unité
comprend en majorité des roches cristallophylliennes (leptynites,
amphibolites, gneiss), des roches à caractère intrusif (granites,
syénites, tonalites) et des greenstones, qui passent en
continuité de l'unité du Ntem à celle de l'Ayina. Plus
à l'Est, affleure la série volcano-sédimentaire de Mbalam
caractérisée par un métamorphisme moins intense. Les
formations de Mbalam (chlorito-schistes, séricito-schistes, schistes
à amphibole, amphibolites et quartzites ferrugineux) sont très
redressées (sub-verticales) et affectées par une tectonique
cassante.
Fig. 2 : Carte géologique du
sud-ouest du Cameroun (D'après Feybesse ,1987)
1-Formations précambriennes ; 2-Unités
du Protérozoïque ; 3-Granites post-greenstones
4-Greenstones ; 5-Unité d'Ebolowa ; 6-
Série rubanée (Ntem) et série feuilletée
(Nyong)
2.1.2. La couverture
protérozoïque du craton
Elle se localise dans la partie sud-est du Cameroun.
Elle repose à l'Ouest en discordance sur la série de Mbalam et
disparaît au Nord sous la nappe de Yaoundé qui la recouvre
partiellement (Vicat, 1998).On distingue quatre séries
(Laplaine,1971 ;PNUD, 1987) : la série du Dja
supérieur, le complexe tillitique, la série du Dja
inférieur et la ride de Lobéké (Fig.3).
- La série du Dja
supérieur est localisée dans la région de
Mintom. Elle est discordante sur le socle du Ntem et sur la série du Dja
inférieur. Déposée au Néoprotérozoïque
(650-540 Ma), elle appartient au cycle eustatique schisto-calcaire (Alvarez,
1998).
- Le complexe
tillitique rattaché au Cryogénique
(550-650 Ma) (Alvarez, 1998) comprend la tillite de Bele-Libongo à la
frontière Centrafricaine, la tillite de Bodou dans la pointe sud-est du
Cameroun et la tillite de Moloundou à la frontière du Congo. Ce
complexe repose en discordance sur la série du Dja inférieur.
Fig. 3 : Géologie du sud-est
du Cameroun (D'après Feybesse et al., 1987)
- La série
du Dja inférieur est
déposée au Paléoprotérozoïque
postérieurement à la phase majeure éburnéenne
individualisée en Centrafrique et au Cameroun (Vicat et
al.,1997 ; Vicat, 1998). Des filons de dolérites et des
basaltes en coussins mis en place vers 2 Ga sont associés aux
dépôts. On rencontre par endroits dans la série du Dja des
roches intrusives telles que les syénites qui sont non datées
(PNUD, 1984).
- La ride de
Lobéké est composée de quartzites massifs
alternant avec des quartzo-phuliades et des séricito-schistes. Des
granodiorites éburnéennes sont intrusives dans les
dépôts de la ride de Lobéké (Vicat et al.,
1997).
2.2. La chaîne
panafricaine.
La chaîne panafricaine est la
zone située entre le craton Ouest africain au Nord-Ouest et le craton du
Congo au Sud. Les roches appartenant à ce domaine sont celles qui ont
été soumises à la tectonique panafricaine, dont les
âges géochronologiques montrent un rajeunissement à 500-600
Ma. La chaîne panafricaine est représentée par les
séries d'Ayos-Mbalmayo-Bengbis, de Yokadouma et de Yaoundé. La
série d'Ayos-Mbalmayo-Bengbis est surtout formée de schistes
verdâtres d'aspect lustré. Le métamorphisme épizonal
est très faible dans ces formations. Le cadre géodynamique est
celui d'un bassin intracontinental.
- La série de
Mbalmayo-Bengbis a une orientation générale
Est-ouest (Gazel et al., 1965). Les roches de la série d'Ayos
sont également caractérisées par un faible degré
de métamorphisme. On y trouve des micaschistes à deux micas, des
schistes à muscovite et chloritoschistes. Les schistes qui forment le
sommet de la série sont peu ou pas granitisés (Van Der Hende,
1969).
- La série de
Yokadouma est composée de schistes et de quartzite
recristallisés dans les conditions du faciès schiste vert (Vicat,
1998). Le magmatisme basique associé, à composition de
tholérites traduit un amincissement lithosphérique (Vicat et
al., 1997).
Le cadre géodynamique est celui d'un rift continental.
La série de Yokadouma déposée en bordure du craton du
Congo est équivalente aux séries d'Ayos-Mbalmayo-Bengbis et
constitue une écaille à la base de la nappe de Yaoundé.
- La série de
Yaoundé située au nord du craton du Congo est
formée de gneiss et de migmatites à grenats provenant d'anciens
sédiments granitisés et métamorphisés dans le
faciès granulite de haute pression ; elle constitue le coeur de la
nappe panafricaine (Nzenti et al., 1984 ; Nédelec et
al.,1986 ; Nzenti, 1987 ; Nzenti et al.,1988).
Structuralement, la série de Yaoundé est
interprétée comme une vaste nappe qui chevauche au Sud la
terminaison Nord du craton du Congo (Ball et al., 1984 ;
Nédelec et al.,1986 ; Nzenti, 1987). L'âge
panafricain de la migmatisation et du métamorphisme est
démontré (Penaye et al., 1993 ; Nzenti, 1987 ;
Nzenti et al., 1988). Les termes les plus métamorphiques sont
situés au niveau de la ville de Yaoundé (4°N) et
correspondent à des gneiss granulitiques. Dans la région de
Yaoundé, les granulites sont surtout d'origine sédimentaire mais
on note la présence de roches ignées syn-métamorphiques
aux environs et dans la ville (Nzenti et al., 1988), traduisant une
collision continentale et des remontées des roches profondes de la
croûte.
On trouve à l'ouest du domaine d'étude
les bassins sédimentaires de Campo-Kribi et de
Douala. Les roches sont successivement des sédiments tertiaires puis
crétacés passant sans accident topographique particulier, aux
roches métamorphiques du socle (Segalen, 1967). Les séries du
bassin de Campo débutent à l'Albien et ont une épaisseur
de l'ordre de 600 m. Le bassin de campo est séparé du bassin de
Douala au Nord par une avancée dans la mer des roches du socle
(région de Kribi). D'après les études sismiques, la
couverture sédimentaire dans le bassin de Douala peut atteindre 3000 m,
4000 m et parfois même 7000 m (Schlumberger, 1983).
2.3. Tectonique
Les travaux géochronologiques (Tchameni,
1997 ; Tchameni et Nsifa, 1998) permettent de scinder l'évolution
de la bordure septentrionale du craton du Congo en deux grands épisodes
tectoniques :
- L'épisode archéen qui commence à
3,1 Ga et correspond à une phase de distension avec formation des
bassins marins ou continentaux comblés de matériels
volcano-sédimentaires, injectés par la suite de roches basiques.
Cette phase de distension est suivie d'une phase compressive (2,9 à 2,6
Ga) associée à un abondant plutonisme charnockitique, tonalitique
et granitique. Les granitoïdes observés d'âge environ 2,6 Ga
sont les produits de la fusion crustale. Le cycle archéen est
clôturé dans la zone par une phase de magmatisme calco-alcalin
(2,6 Ga).
- L'épisode protérozoïque
inférieur commence vers 2,4 Ga avec fracturation et
évènements thermiques. Un réchauffement favorise un
remaniement des formations archéennes, les syénites alcalines
montent diapiriquement. Les fractures développées
antérieurement sont colmatées par des dolérites vers 2,1
Ga. Un métamorphisme de haut degré daté à 2,05 Ga
accompagne la déformation D2 qui prend de l'ampleur dans
l'unité du Bas Nyong. L'unité du Bas Nyong est le résultat
de la collision entre les cratons du Congo-SaÕ Fransisco au
Protérozoïque inférieur.
Au Protérozoïque supérieur, le craton
du Congo est effondré par un réseau de fossés
intracratoniques dont l'aulacogène de la Sangha est la pièce
maîtresse (Alvarez, 1998). Les formations d'âge
protérozoïque supérieur affleurant au sud-est du Cameroun
(série du Dja, Bessoles et Trompette, 1980) sont supposées dans
les zones effondrées du craton, masquées par des
dépôts récents de la forêt équatoriale de la
cuvette congolaise.
Ces différentes phases tectoniques ont conduit à
la mise en place des unités structurales de la région.
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