Source : Ménard, 1995
4.4.3.- La période de propagation
La période de propagation est celle où
la gestion de projet s'est rapidement propagée des domaines de la
construction, de l'aéronautique et des armements à de nombreux
autres secteurs d'activités. On mentionne entre autre l'informatique,
l'ingénierie industrielle, la santé, le loisir, les programmes
sociaux, les changements organisationnels, etc.... Elle est la période
au cours de laquelle la gestion de projet a, en quelque sorte, acquis
définitivement ses lettres de noblesse comme étant la
façon la plus efficace de gérer des entreprises de durée
limitée. L'évolution de l'environnement économique,
technologique et social ont permis d'enrichir son paradigme de nouvelles
approches et techniques.
4.4.4.- La période d'universalisation
La période d'universalisation est
caractérisée par de bouleversements majeurs à
l'échelle planétaire. Celle-ci correspond également
à l'éclatement des grandes structures politico-économiques
(l'URSS) et la formation de nouveaux blocs économiques (ALENA, CEE,
...). L'économie mondiale se globalise et la concurrence
s'internationalise davantage. Les entreprises ne peuvent plus produire comme
auparavant et sont forcées par conséquent à repenser leurs
stratégies pour survivre. Le changement constant devient le nouvel ordre
établi et la routine s'estompe progressivement. L'ingénierie
simultanée ; la ré-ingénierie des processus ;
l'Internet et les nouvelles formes d'organisation sont devenues des
expressions courantes dans les milieux d'affaires. Ces expressions sont
déjà devenues des réalités pour un nombre croissant
d'entreprises de toute nature.
4.5.- Les nouvelles formes d'organisation en gestion de
projet
Ce paragraphe se réfère aux
idées d'Hervé Serieyx et Toms Peters qui sont les deux
éminents gourous les plus écoutés aujourd'hui par les
dirigeants d'entreprises et d'institutions publiques. Leur message indique
qu'il est temps de réaliser un changement radical de la structure et du
mode de fonctionnement de nos entreprises. Les entreprises qui ne marchent pas
dans cette voie risquent de s'auto destituer dans ce nouveau monde qui se
crée. Les nouvelles valeurs, comme la responsabilité sociale, la
dissémination du pouvoir et l'initiative deviennent des facteurs
essentiels de réussite dans le monde des affaires au renoncement de la
responsabilité narcissique; de la centralisation du pouvoir et la
docilité, a souligné Serieyx (1993) dans son ouvrage
« Le Big Bang des organisations ». Aussi, les
réseaux, la souplesse, la subsidiarité devront remplacer
respectivement l'information verticale, les encadrements et le prêt du
pouvoir qui sont de techniques traditionnellement utilisées dans nos
entreprises. Dans plusieurs rapports publiés sur l'environnement, il a
été démontré que l'intégration des objectifs
du développement durable, particulièrement l'environnement, dans
les stratégies de gestion des entreprises, est une méthode
importante afin d'acquérir un avantage décisif au sein de
l'univers concurrentiel (Porter & Van der Linde, 1995 ; Hart,
1995 ; et Persais, 2004).
4.6.- Les nouvelles approches à la conception
des processus en gestion de projet
Parmi les nouvelles approches à la conception
des processus organisationnels, nous identifions aujourd'hui
l'ingénierie simultanée et la ré-ingénierie comme
étant deux nouvelles approches qui sont très utilisées par
les entreprises dites « progressistes ».
La première approche
concerne surtout les projets de développement de nouveaux produits.
C'est une approche systématique au design et intégré d'un
produit et de ses procédés qui incluent la fabrication et le
support technique. D'après Serieyx, le but est d'inciter le concepteur
à considérer depuis au début tous les
éléments du cycle de vie de projet, de la conception à la
phase de fermeture, incluant les objectifs de qualité, de coûts et
de délais ainsi que les besoins du client. Au terme d'idées
maîtresses, l'accent est mis sur les besoins et les priorités du
client. La qualité passe par l'amélioration des
procédés et repose sur l'utilisation des nouvelles technologies
de l'information. Au terme d'impact organisationnel, il faut mentionner
l'intégration hâtive de tous les joueurs importants, les
communications ouvertes et instantanées, et l'apparition d'un
partenariat avec l'externe (fournisseurs, sous traitants, ...). À
cela s'ajoutent le changement de culture de gestion, des attitudes et des
habitudes qui font partie de ce type d'impact.
La seconde approche s'adresse à
l'ensemble des processus de l'entreprise, qu'ils soient reliés aux
systèmes de production ou aux systèmes administratifs. Elle est
une remise en cause fondamentale et une redéfinition radicale des
processus opérationnels d'une organisation. Le but est d'obtenir une
meilleure performance en termes de délais, de coûts, de
qualité et de service à la clientèle. Comme dans le
premier cas, la ré-ingénierie repose sur l'utilisation des
nouvelles technologies de l'information mais, elle rejette tout ce qui
n'engendre pas une valeur ajoutée au produit ou service pour le client.
Elle entraîne une réduction de la paperasse et aussi encourage
l'élimination des activités non nécessaires. Les
équipes de travail sont alors devenues multifonctionnelles dans les
choix de processus organisationnel.
En fonction de l'environnement, les incidences
concernant ces nouvelles approches sur la gestion de projet sont importantes
comme l'indique le tableau 3 suivant .
Tableau 3.- Nouvelles approches de gestion de
projet
Environnement
|
Traits caractéristiques
|
Incidence sur la gestion de projet
|
Économique
|
- Incertitude et imprévisibilité
- Rythme accéléré de changements
- Danger de perte de contrôle sur les coûts.
|
- Gestion de risques
- Analyse de la valeur
- Gestion de conflit
|
Technologique
|
Prolifération de la microinformatique
|
Accessibilité à une multitude de logiciels de
gestion de projet (MS Project, etc.)
|
Social
et écologique
|
Nouveaux concepts et nouvelles approches tels que la
qualité totale, le développement durable, le commerce
équitable, les certifications environnementales, ect ...
|
Accent plus marqué sur la gestion de la qualité
des projets
|
Source : Ménard, 1995 ; repris par le
professeur Pierre Cadieux, UQAR, automne 2005
Tout au long des paragraphes
précédents, il s'est avéré de véritables
arguments quant aux problématiques liées à
l'intégration l'environnement et du développement durable dans
les processus décisionnels des entreprises. Nous avons examiné en
quoi l'approche des parties prenantes peut constituer un cadre de
réflexion utile pour les chefs de projet, c'est-à-dire un cadre
qui est capable d'opérationnaliser le développement durable. La
théorie des parties prenantes est une approche théorique qui est
susceptible de contribuer à développer et à renforcer les
fondements de notre réflexion. Celle-ci peut servir de base solide pour
concrétiser les efforts de l'intégration du développement
durable et du respect de l'environnement.
Dans plusieurs études, telles que les
études de O'Shaugnhessy (1992), de Shrivastava & Hart (1996), et
celles de Persais (2004), il est rapporté que peu d'entreprises
accordent une importance relative à l'écologie. Ces études
ont montré encore que les efforts pour faire accepter socialement un
projet dans les collectivités ne sont encore pas une option
envisagée par les entreprises. Plusieurs parmi ces entreprises se voient
une obligation de se lancer, mais d'autres sont encore à leur stade de
réflexion. Les cadres théoriques qui permettent de structurer une
réflexion de fond sur les pratiques sociales et environnementales au
sein des entreprises font défaut, à l'exception de l'approche des
parties prenantes.
Tout au long de ces paragraphes, plusieurs concepts
ont été abordés et analysés, dont le but est de
démontrer la relation positive qui pourrait exister entre l'approche
partie prenante et les questions d'environnement, puis de l'entreprise et de
son milieu social. Cette relation n'est pas encore évidente selon
certains chercheurs, comme le démontrent plusieurs études
(O'Shaughnessy, 1992 ; Shrivastava & Hart, 1996 et Persais, 2004).
Dans l'optique de trouver quelques pistes de solutions par le
développement d'une nouvelle réflexion, nous expliquons, dans les
chapitres qui suivent, comment les objectifs du développement durable,
notamment l'environnement, pourraient bien être insérés au
sein des entreprises, que ce soit dans leurs activités et dans leurs
interactions avec leurs parties prenantes. Nous allons élaborer une
approche intégrée et participative basée sur les outils du
modèle de gestion du cycle de projet (GCP), ayant à la base le
cadre logique. Celle-ci sera orientée vers l'analyse des parties
prenantes, l'analyse des problèmes, l'analyse des objectifs et l'analyse
des stratégies. Elle pourra donc servir de bases méthodologiques
pour la conception d'un modèle de planification « socialement
et écologiquement » responsable pour la conduite des projets
sensibles à l'environnement.
Pour ce qui est de ce travail de recherche, nous
allons privilégier une approche de participation et de concertation
comparativement à une approche « monolithique ».
CHAPITRE 5.- COMMENT INTÉGRER LES QUESTIONS
D'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS LA GESTION DE PROJET.
UNE APPROCHE PARTICIPATIVE ORIENTÉE VERS L'ANALYSE DE L'OUTIL
« CADRE LOGIQUE »
Ce cinquième chapitre illustre une approche de
gestion visant à intégrer les objectifs du développement
durable dans l'ensemble des méthodologies de la gestion de projet. Cette
nouvelle réflexion repose sur l'analyse de l'outil « cadre
logique » en gestion de projet. Une telle réflexion devrait en
effet se placer au centre de la méthodologie d'identification d'un
projet. Comme le soulignent Ledant et Leroi, dans une étude
européenne publiée en 2005, les bases méthodologiques du
cadre logique devraient donc se situer au coeur de la démarche
d'identification de projet. En même temps, elles constituent la cible
centrale à viser par les efforts consacrés à
l'intégration des questions d'environnement et du développement
durable dans la démarche de conception de projet, si
l'on souhaite que l'intégration de cette grande question transversale ne
reste pas purement hypothétique. Mais le cadre logique ne semble connu
que de manière superficielle par une minorité de chefs de projet.
Ce travail de recherche est donc à la fois
pour rappeler à des professionnels de projet, tels que les
économistes, les ingénieurs, les agronomes, les
environnementalistes, les administrateurs, les banquiers, ... l'importance de
l'approche cadre logique (ACL) dans le développement de leurs projets,
et montrer surtout comment celle-ci peut leur permettre
d'opérationnaliser l'environnement et le développement durable
tout au long du cycle d'un projet.
5.1.- Projet et cycle de projet
5.1.1.- L'idée de projet
Dans notre démarche, il est
considéré qu'un projet de développement est un effort
collectif et organisé, limité dans le temps, qui vise à
obtenir une situation améliorée pour un groupe
cible, cela en tant que contribution durable à, et donc jamais au
détriment, d'une situation améliorée
générale. Sans cette dernière condition, il y aurait
encore projet mais non pas projet de développement
(Ledant & Leroi, 2005). Un projet particulier se distingue d'un autre par
la situation améliorée particulière qu'il cherche à
obtenir, comme contribution à un mieux général. Cette
situation particulière visée par le projet constitue son objectif
direct et opérationnel, qualifié de spécifique au sens
où il lui est propre : à moins que n'arrivent des facteurs
favorables inattendus, l'amélioration en cause sera imputable au projet
lui-même, qui ne se contentera pas d'y apporter une simple contribution,
diluée parmi d'autres.
L'objectif spécifique est en principe unique. En effet,
lorsqu'un projet prétend poursuivre deux ou trois objectifs qui ne
convergent pas en un seul objectif, il sera qualifié de double ou de
triple... car c'est l'objectif spécifique qui caractérise un
projet (Commission européenne, 2001). Un projet idéalement
conçu se définit donc par son objectif et non par les
institutions impliquées. Ces dernières peuvent être
nombreuses ou variables, se joindre au projet ou le quitter, sans mettre
nécessairement en cause l'identité du projet.
5.1.2.- Le cycle de projet
Le cycle de projet est la séquence de phases
dans la vie d'un projet, depuis le cadre de programmation d'où
émergent les premières idées de projet jusqu'aux
activités d'évaluation qui suivent de son exécution.
L'idée de cycle de projet fait référence à la
répétition des phases d'un projet à l'autre et au fait que
les leçons tirées de la dernière phase d'un cycle de
projet (l'évaluation) sont censées inspirer et influencer les
projets futurs (Dufumier, 1995). Mais il est bien évident qu'aucun
projet individuel n'est censé tourner en rond, puisque ses étapes
s'enchaînent linéairement dans le temps. Le cycle de projet est
l'ensemble des phases qui relient le début du projet à sa fin.
Celui-ci représente les différentes phases distinctes franchies
par le projet ainsi que les diverses activités qui les composent. La
définition du cycle de vie d'un projet aide à traiter les
études de faisabilité en tant que première phase ou en
tant que projet séparé et indépendant (O'Shaughnessy,
1992, p-13).
Dans le cycle de vie d'un projet, la transition d'une
phase à l'autre implique généralement une forme de
transition de transfert technique ou de transmission de responsabilité.
Ainsi, les activités dans une phase doivent être terminées
et approuvées avant que les activités de la phase suivante
débute. Il n'existe pas de seule et meilleure définition de
cycle de vie idéal d'un projet (PMBOK, 2004, p-20).
5.1.3.- Les rôles du gestionnaire dans le cycle
de projet
La prise en compte des objectifs du
développement durable au sein des entreprises signifie donc pour un
gestionnaire de projet de veiller surtout à la rentabilité
économique des projets tout en minimisant leur impact sur
l'environnement et en respectant les hommes et les femmes (Dontenwill, 2005,
p-87). Le poste « gestionnaire de projet » se
réfère à toute personne qui excerce la fonction de gestion
de projet, c'est-à-dire à toute personne qui a la
responsabilité de réaliser un ou plusieurs projets assujettis
à des contraintes techniques, budgétaires et
d'échéancier. En même temps, nous savons que les
rôles et les attributions des personnes qui exercent la fonction de
gestionnaire de projet peuvent varier d'un pays à l'autre, ou d'un mileu
organisationnel à l'autre. La responsabilité du gestionnaire de
projet varie également selon le type et la taille du projet dont il est
question.
En se référant au modèle de
Fayol, le rôle d'un gestionnaire est défini suivant les fonctions
traditionnelles de management suivantes : « planifier »,
« organiser », « décider » et
« contrôler ». Aujourd'hui, il faudrait aussi ajouter
la fonction « communiquer », compte tenu l'importance de
celle-ci dans la gestion des parties prenantes. Le gestionnaire de projet
excerce fondamentalement les mêmes fonctions que le responsable d'une
unité administrative, mais que son travail l'oblige à accorder
plus d'importance à l'exercice de certains rôles et à les
jouer de façon forte, efficace et différente (Hobbs, 1989 ;
Ménard,1995, p-23). La figure 1 suivante en est l'illustration d'un
modèle général des principaux rôles du gestionnaire
de projet.
Figure 1.- Interrelation de rôles des chefs de
projet
Roles interpersonnels
Roles décisionnels
Stratège :
Gestion de l'environnement
C
O
M
M
U
N
I
C
A
T
I
O
N
S
Pilotage :
Gestion des travaux
Négociation :
Gestion des ressources
Leadership :
Gestion de l'équipe
Dépannage :
Gestion des problèmes
Liaison avec l'environnement externe
Clients; utilisateurs
Bailleurs de fonds
Régulateurs
Fournisseurs
Groupes de pression
Groupes d'écologistes
...
Liaison avec les contractuels
Supérieurs hiérarchiques
Unités administratives
Collègues ; sous-traitants
...
Liaison avec les ressources du projet
Ressources propres
Mandataires
...
Source : Hobbs, 1989 ; Ménard, 1995
À l'instar de ce que démontrent
d'autres études, le chef de projet passe la majorité de son temps
en interaction avec les intervenants du projet. Ce temps est estimé
à environ 90%, selon plusieurs travaux consultés à ce
propos (Ménard, 1995 ; Commission européenne, 2001 ;
Ledant, 2005). Comme l'indique la figure 1 présentée plus haut,
un chef de projet exerce deux rôles principaux dans le cycle des
projets. Dans la foulée des débats quotidiens autour des
questions d'environnement et de développement durable, il a un tout
premier rôle de liaison avec tous les intervenants au projet. Ce
rôle est donc devenu primordial aujourd'hui pour la survie surtout pour
un projet de développement. C'est donc pour le chef de projet d'agir
comme point d'intersection de toutes ces liaisons et les parties
impliquées au projet.
Ces rôles de liaison sont constitués des
activités de communication ayant pour objet de faciliter et de rendre
plus efficace l'exercice des autres rôles, qui sont les rôles
décisionnels. Ce dernier groupe de rôles du gestionnaire est au
nombre de cinq (5). Un tout premier rôle de stratège qui se
réfère à la gestion de l'environnement sociopolitique du
projet . Ce rôle de stratège a donc pour objet de permettre une
meilleure de l'environnement, c'est-à-dire un meilleur contrôle de
l'incertitude. Comme le souligne le professeur Ménard, le chef de projet
dispose de plusieurs techniques pour le faire. Parmi ces techniques, nous
pouvons citer:
? l'analyse des parties prenantes
interactionnelles ;
? la gestion des risques ;
? les techniques de prospective.
Nous soulignons également un rôle de pilotage qui
se rapporte à la gestion des travaux, puis un rôle de
négociateur qui se consacre à la gestion des ressources, un
rôle de leader qui facilite la gestion de l'équipe et enfin un
rôle de dépanneur qui se réfère à la gestion
des problèmes souvent techniques (Hobbs & Ménard, 1989). Dans
ce dernier rôle décisionnel, le chef de projet intervient
habituellement dans un contexte d'urgence. De telles interventions
nécessitent néanmoins des habiletés techniques
(expériences, connaissances techniques, ...), lesquelles lui permettent
de proposer des solutions adéquates à ce problème afin de
limiter son impact sur le cycle de vie du projet, soit sur son
échéancier.
Il doit exister une relation étroite entre les
rôles décisionnels et ceux qualifiés de liaison. Un partage
continu d'informations entre le gestionnaire du projet et ses intervenants
s'avère important pour garantir un bon déroulement du projet.
D'où le rôle communicateur. Mentionnons que si ce rôle n'est
pas convenablement exercé, les problèmes peuvent survenir
à un rythme élevé et risquent d'être très
importants. Ce qui amenera sans doute ce dernier à exercer moins
efficacement son rôle de dépannage ou pire encore à devenir
incapable de prendre des décisions importantes.
|