Comment intégrer les questions de développement durable dans l'ensemble des méthodologies de la gestion de projet : une démarche conceptuelle orientée vers un modèle de planification de projet basé sur l'Approche cadre Logique( Télécharger le fichier original )par Jean Gynse Bolivar Université du Québec à Rimouski - Maîtrise en gestion de projet 2008 |
CHAPITRE 3.- DÉFINITION DE CONCEPTS : ENVIRONNEMENT, DÉVELOPPEMENT DURABLEDepuis ces dernières années, les notions de l'environnement et du développement durable ont suscité de nombreux débats parmi des chercheurs, dirigeants et écologistes. Il est donc difficile de concevoir que les projets puissent échapper de la notion de développement durable qui, selon une idée difficilement contestable. Cette situation soulève actuellement plusieurs questions à l'endroit des entreprises, mêmes celles souhaitant de s'engager dans cette voie, que ce soit par volonté ou sous contrainte réglementaire. 3.1.- Que signifie les concepts « developpement durable » et « environnement » en contexte de gestion de projet? Mme Gro Harlem Brundtland (1987), dans son rapport publié sur l'environnement, a défini le « développement durable » comme étant un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs (CMED, 1987). Selon l'auteur, il s'appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable de trois (3) dimensions des activités de développement: environnementale, sociale et économique. Le concept de développement durable suppose un équilibre entre ces trois (3) dimensions qui donnent lieu à la représentation bien connue d'aujourd'hui et repose également sur trois (3) principes fondamentaux : le principe d'équité entre les peuples et les générations, le principe de précaution et le principe de participation induisant de nouveaux modes de gouvernance (Dontenwill, 2005). Il suppose une réconciliation permanente entre l'économique, l'écologique et le social. Une intégration des objectifs du développement durable dans l'ensemble des méthodologies de la gestion de projet signifierait pour un chef de projet de veiller à la rentabilité économique de son projet tout en minimisant l'impact de celui-ci sur l'environnement. 3.2.- Les objectifs du développement durable L'objectif du développement durable est de définir des schémas viables et conciliant les trois aspects économique, social et environnemental des activités humaines; « trois piliers » à prendre en considération par les entreprises et les individus. L'excellence durable suppose un équilibre entre les piliers : · Économique : performance « classique », mais aussi capacité à contribuer au développement économique de la zone d'implantation de l'entreprise et à celui de tous échelons; · Social : conséquences sociales de l'activité de l'entreprise au niveau de tous ses échelons : employés (conditions de travail, niveau de rémunération, ...), fournisseurs, clients, communautés locales et société en général; · Environnemental : compatibilité entre l'activité sociale de l'entreprise et le maintien de la biodiversité et des écosystèmes. Il comprend une analyse des impacts du développement social des entreprises et de leurs produits en termes de flux, de consommation de ressources, difficilement ou lentement renouvelables, ainsi qu'en terme de production de déchets et d'émissions polluantes, ect. Ce dernier pilier est donc nécessaire aux deux autres. Schéma 1.- Les piliers du développement durable Environnemental 1/3
DD 1/3 1/3 Social Économique
Au terme de ces trois objectifs s'ajoute un enjeu transversal, indispensable à la définition et la mise en place de politiques et d'actions relatives au développement durable : la gouvernance. La gouvernance consiste en la participation de tous les acteurs concernés (citoyens, entreprises, ...c'est une forme de démocratie participative). Le développement durable correspond au point central DD défini par la recontre des trois (3) médianes du triangle formé. Il est donc la juxtaposition des trois piliers économiques, environnementaux et sociaux. Plus l'entreprise s'éloigne du point central DD, moins que celle-ci aura atteint le stade de l'excellence durable. Comme vu précédemment, la définition classique du développement durable découle du rapport Brundtland de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement. Il rappelle le propre propos prêté à Antoine de Saint-Exupéry : « Nous n'héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants ». Ce rapport Brundtland insiste sur la nécessité de protéger la diversité des gènes, des espèces et de l'ensemble des écosystèmes naturels terrestres et aquatiques, et ce, notamment, par des mesures de protection de la qualité de l'environnement, par la restauration, l'aménagement et le maintien des habitats essentiels aux espèces ainsi que par une gestion durable de l'utilisation des populations animales et végétales exploitées. Il est toutefois difficile de séparer le patrimoine naturel et le patrimoine culturel. L'idée de transmission de génération alliée à celle de diversité culturelle (on pense aussi aux populations les démunies) et à celle d'interaction entre les communautés humaines et la nature est bien résumée dans la définition que donne l'UNESCO du patrimoine culturel : « Ce patrimoine culturel (immatériel), transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et les groupes en fonctions de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d'identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine ». Nous pouvons considérer que les objectifs se partagent entre trois grandes catégories : · Ceux qui sont à traiter à l'échelle de la planète : rapports entre nations, individus, générations; · Ceux qui relèvent des autorités publiques dans chaque grande zone économique (Union européenne, Amérique latine, Asie, ...), à travers les réseaux territoriaux par exemple; · Ceux qui relèvent de la responsabilité des entreprises. Le développement durable, associé à la notion de bonne gouvernance, n'est pas un état statique d'harmonie mais un processus de transformation dans lequel l'exploitation des ressources, le choix des investissements, l'orientation des changements technologiques et institutionnels sont rendus cohérents avec l'avenir comme avec les besoins du présent. Pour le respect d'objectifs de développement durable par les entreprises, spécifiquement on parle de responsabilité sociale des entreprises (corporate social responsability) ou parfois plus précisément responsabilité sociétale des entreprises puisque le volet de responsabilité ne correspond pas uniquement au volet social. La responsabilité sociale des entreprises est un concept par lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, dans leurs activités et dans leur interaction avec leurs parties prenantes sur une base volontaire. Il y a en effet, jusqu'à présent, peu d'obligations législatives, de contraintes ou de pénalités : à citer cependant en France, une loi relative aux nouvelles régulations économiques qui oblige les entreprises cotées en bourse à inclure dans leur rapport annuel une série d'information relatives aux conséquences sociales et environnementales de leurs activités. En 2005, la province de Québec a également adopté une nouvelle loi relative sur le développement durable (Loi no 118) qui demande les entreprises à mieux intégrer la recherche d'un développement durable dans les politiques, les programmes, et les actions de l'Administration, ainsi qu'à assurer, notamment par la prise en compte d'un ensemble de principes et par l'adoption d'une stratégie de développement durable, la cohérence des actions gouvernementales en ce domaine. Pour les uns, le concept de développement durable est assez clair pour être opérationnel. D'autres le voient comme une panacée et un catalogue de bonnes intentions qui devraient permettre tout à la fois, sans trop préciser comment, de combiner un ensemble d'exigences : · La satisfaction des besoins essentiels des communautés humaines présentes et futures, en rapport avec les contraintes démographiques : accès et d'égale chance pour tous à l'emploi, accès à l'eau potable et à l'éducation, ... · L'amélioration de la qualité de vie : accès aux services sociaux, accès aux soins de santé, accès à un logement de qualité, ...Le renforcement de nouvelles formes d'énergies renouvelables : énergie éolienne, énergie solaire et de biomasse, ... · Le respect des droits et des libertés de la personne : participation pour l'ensemble des groupes de la société aux différents processus de prise de décision, statut des femmes et des minorités. 3.3.- Les critiques et limites du concept de développement durable
3.3.1.- Critiques Plusieurs critiques sont adressées au concept de développement durable pendant ces dernières années. Ces critiques sont rencontrées à plusieurs niveaux. · Critique conventionnelle Il existe une confusion autour de l'expression de développement durable, la notion de « développement » étant elle-même floue car pouvant se rapporter soit au développement humain, soit à la croissance économique. De prime abord, le concept de développement durable peut rallier à peu près tous les suffrages, à condition souvent de ne pas recevoir de contenu trop explicite; certains retenant surtout de cette expression. Le premier mot « développement », entendant par là que le développement tel que mené jusqu'alors doit se poursuivre et s'amplifier; et, de plus, durablement, d'autres percevant dans l'adjectif « durable » la remise en cause des excès du développement actuel, à savoir, l'épuisement des ressources naturelles, la pollution, les émissions incontrôlées de gaz à effet de serre, ect. L'équivoque de l'expression « développement durable » garantit son succès, y compris, voire surtout, dans les négociations internationales d'autant que, puisque le développement est proclamé durable, donc implicitement sans effets négatifs, il est consacré comme le modèle absolu à généraliser sur l'ensemble de la planète6(*) . · Reproche anti-occidental Historiquement, le concept de développement durable corrobore la pensée occidentale. Un de ses effets est de tenter de prolonger le concept actuel durablement (Serge Latouche, 1989)7(*). · C'est un paradoxisme Les opposants à l'idéologie du concept et de la croissance considèrent que le terme de développement durable est un paradoxe. Sur une planète, expliquent la plupart d'entre eux, où 20% de la population planétaire consomme 80% des ressources naturelles, il n'est pas, pour ces 20% les plus riches, de développement qui puisse être durable. Comme l'a souligné (2007) l'auteur Jean-Marc Jancovici8(*) : « En revenant à la définition du concept durable, c'est-à-dire, ce qui permet de répondre aux besoins des générations actuelles, sans pour autant compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. Alors, le terme approprié pour les pays riches est bien la décroissance soutenable ».
3.3.2.- Limites et dérives du concept Comme pour tout concept, le développement durable a aussi des limites. En effet, la société capitaliste, dans laquelle nous sommes, a su redistribuer les dividendes de la production à l'économie (sous la forme de réinvestissements) et au social (la hausse du niveau de revenu des salariés) pendant toute son existence. La balance entre ces deux pôles s'est réalisée au gré des diverses luttes sociales et des convictions politiques des dirigeants. Une question s'impose: comment prendre en compte l'environnement dans cette balance alors que l'équilibre entre le social et l'économique est déjà actuellement dans une impasse? Le concept de développement durable peut dériver vers d'autres concepts et modèles (Serge Latouche, 1989; André Comte-Sponville, 2006). À ce propos, ils ont rapporté plusieurs remarques importantes. Ici pour ce travail, nous les groupons en huit (8) rubriques, ce qu'ils ont présentées et argumentées: · Le concept de développement durable peut aussi dériver vers une vision malthusienne de notre société. Ces auteurs, à travers leurs études, se demandent, pourquoi les pays riches, maintenant développés, imposeraient-t-ils aux pays en voie de développement une vision limitative de leur développement ? Le concept est bon, ses objectifs louables, mais il sert peut-être à justifier une politique protectionniste de certains pays qui craignent une trop grande concurrence. En pratique, les pays développés ne se privent de commercer avec la Chine, l'Indonésie et le Brésil, malgré les risques de dérive de leur empreinte écologique. · Un deuxième risque est celui d'une communication mal équilibrée. Soit la communication ne serait pas suivie d'actions, dans le domaine de l'innovation par exemple, et l'entreprise se fragiliserait par rapport à ses concurrents plus importants. Soit au contraire la communication dévoilerait trop d'informations, confidentielles. Dans les deux cas, la cohérence de l'organisation et la compétitivité de l'entreprise en pâtiraient dans le contexte de la révolution Internet. · Un troisième risque est celui d'une dérive vers les modèles de durabilité faible, c'est-à-dire admettant la substitution du capital naturel par un capital de connaissances. Ce modèle est celui des organismes nord-américains particulièrement les États-Unis d'Amériques, surtout au niveau fédéral ou de leurs ramifications mondiales. Ce risque se traduit par la constitution de réseaux d'innovation pilotés en dehors du continent européen qui risqueraient de déstabiliser les institutions européennes et les États de l'Union européenne, telles que la recherche, les universités, ...). · Un quatrième risque, plus pernicieux encore, est souligné par le philosophe français André Comte-Sponville (2006). Celui-ci craint que l'éthique d'entreprise criée haut et fort dans les colloques, au nom de l'intérêt de l'entreprise ne masque en réalité le manque d'une morale plus large. En pratique, la fluidité des flux d'informations et financiers de la mondialisation aboutit à une multiplication des investissements étrangers qui sont non contrôlés. Cela risque de court-circuiter les actions coordonnées européennes, dans le domaine politique et juridique en particulier, du fait de biais culturels et de rigidités administratives des États. En 2006, le philosophe français Comte-Sponville en a conclu à la nécessité d'une morale dépassant le cadre de l'entreprise. Une réorganisation du droit paraît en outre nécessaire. · Un cinquième risque vient de l'accaparement, par les puissances qui maîtrisent les technologies de l'information, des procédures de normalisation et de régulation internationaux. De ce fait, les plus riches risquent d'imposer un modèle qui aboutit de fait à une répartition encore plus injuste des savoirs, et par conséquent des ressources naturelles. Les sociétés développées ont favorisé la mise en oeuvre d'un groupe de logitiels dits « Open source » pou réduire ce risque. · Un sixième risque est que les critères d'évaluation soient mal équilibrés et croisés entre l'environnement, le social, et l'économique, ou bien la mise en oeuvre de modèles globaux biaisés. Ce qui nous dirige vers une sorte d'utopies et de certaines formes d'idéologies. Par exemple, le biais environnemental peut masquer d'autres carences. · Un septième risque est que le label « développement durable » soit récupéré pour appuyer de plus en plus de politiques ou d'actes n'ayant aucun rapport avec la notion même, ou s'y rattachant d'une façon très superficielle. Par exemple, le « tourisme durable », application au tourisme du concept de développement durable, a tendance à être un tourisme d'élite qui, au nom du respect de l'environnement, dresse une barrière sociale en augmentant le tarif des séjours afin de « préserver l'environnement », oubliant le volet social. · Enfin, un huitième risque est que les analystes financiers chargés d'évaluer les rapports de développement durable des entreprises ne disposent de la formation nécessaire sur les concepts de développement durable, et qu'ils ne disposent pas des outils d'analyse, d'où un manque de structuration. 3.4.-Les problèmes autour de l'intégration de l'environnement et du développement durable au sein d'une entreprise Formé historiquement comme un projet politique, le développement durable a également émergé comme projet managérial dans de nombreuses entreprises au fil des années. La demande en matière d'évaluation de performance environnementale dans les milieux d'affaires n'a cessé cependant de s'accroître ces dernières années (Guay, 2004). Cette situation traduit l'intérêt et les préoccupations du public en général, des gouvernements et des entreprises pour un meilleur développement des projets et programmes. La plupart des bilans environnementaux ont été produits dans la foulée du rapport Brundtland qui recommandait de faire de la protection de l'environnement une priorité internationale (ONU, 1988). Ces bilans environnementaux s'inspirent généralement du modèle pression-état-réponse utilisé pour les examens des performances environnementales9(*). Ce modèle comporte des lacunes importantes, notamement pour la représentativité à divers niveaux de perception. Il repose sur la notion de causalité : les activités humaines exercent des pressions sur l'environnement et modifient la qualité des ressources naturelles. La société répond à ces changements en adoptant des mesures de politiques d'environnement, économiques et sociales (OCDE, 1994). Quoiqu'il y ait plusieurs similarités dans la réalisation des bilans environnementaux, il n'existe aucune normalisation des méthodes utilisées, ni du choix des indicateurs pris en compte ou de modèles de structurations des rapports sur le développement durable (Guay et al., 2004, p-201). Les efforts pour le respect de l'environnement varient d'une entreprise à l'autre et les bilans environnementaux quant aux activités se prêtent peu aux comparaisons. L'idée d'une convergence entre économie et environnement est, aujourd'hui, largement acceptée au sein du monde des affaires. La variable environnementale se range au niveau des éléments contraignants pour une majorité de dirigeants d'entreprises ou de chefs de projets (Walley, 1994). La quête de l'excellence durable est devenue un veritable credo pour de nombreuses firmes qui cherchent à exercer un leadership dans leurs domaines de production. Rapporté par le chercheur Éric Persais (2004), la déclaration de B. Collomb est significative de cette évolution des mentalités, lorsqu'il a souligné : « La performance environnementale et sociale vient appuyer et renforcer la performance économique ». Une situation qui fait naître un débat permanent entre consultants, auditeurs et certificateurs qui évaluent la performance sociétale des entreprises, labellisent des produits éthiques et proposent leurs offres de conseils. Le chef de projet responsable doit évaluer toute décision à l'aune de ces trois performances sans en privilégier aucune : la performance économique, la performance environnementale et la performance sociétale. Dans plusieurs études scientifiques, il a été rapporté que leur juxtaposition ne va pas de soi et se trouve au centre des grands débats quant aux problèmes de l'intégration des questions d'environnement et de développement durable dans les grandes décisions stratégiques (Lauriol et al., 2003). À cette aune, le projet managérial du développement durable présente deux caractéristiques principalement : il concerne potentiellement tous les domaines d'activités de l'entreprise - la stratégie générale, la communication, la gouvernance d'entreprise, la conception de produits, les activités productives, etc. - ; il repose sur la promesse d'un capitalisme oeuvrant à sa réconciliation avec l'ensemble de la société en faisant siennes les préoccupations de cette dernières comme la responsabilité environnementale et l'équité sociale au sein du processus de développement économique. 3.5.- Les fondements théoriques de notre refléxion : l'approche des parties prenantesL'étude des phénomènes organisationnels, en relation avec le terme de l'environnement, offre la possibilité aux chercheurs d'intégrer un courant majeur de pensée stratégique : l'approche des parties prenantes. Dans cette approche, il s'agit de montrer qu'un projet, en tant que système ouvert, est en relation avec de multiples parties prenantes et que la prise en compte de leurs intérêts est un des éléments majeurs de sa réussite (Freeman, 1984 ; Caroll, 1993 ; Clarkson, 1995 ; Donaldson & Preston, 1995 ; Freeman, 1999 ; Persais, 2004). Bien que cette vision est sujette de controverses entre plusieurs auteurs, il faut penser qu'elle est susceptible de s'enrichir mutuellement et de permettre une meilleure compréhension de la manière dont les chefs de projets doivent intégrer l'environnement et le développement durable dans leurs stratégies de gestion. Dans le but de disposer d'un cadre de réflexion opératoire, Freeman a développé la théorie des parties prenantes. Selon la définition la plus large, le terme partie prenante , se traduisant en anglais par « stakeholders », désigne : « tout groupe ou tout individu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs d'une organisation »(Freeman, 1984). Donaldson (1995) a identifié deux apports dans celle-ci. Sur le plan descriptif, il a considéré l'entreprise comme une constellation d'intérêts convergents ou divergents, voire contradictoires (Donaldson et Preston, 1995). Sur le plan instrumental, il a montré le lien qui existe entre les pratiques sur lesquelles se sont fondées l'approche des parties prenantes et les performances de l'entreprise. Sur le plan normatif, l'entreprise est étudiée suivant l'angle éthique et la théorie des parties prenantes s'impose par devoir moral, puisqu'il n'est pas éthiquement tenable de servir en priorité les intérêts des actionnaires. Cette approche présente donc des vertus d'opérationnalisation et plus particulièrement pour l'environnement et définit un cadre de réflexion qui s'inscrit dans le prolongement de l'approche en trois piliers ; en identifiant les individus et les organisations qui ont, dans l'entreprise, un intérêt environnemental, économique ou social (Dontenwill, 2005, p-88). L'aspect traditionnel s'en tient aux parties prenantes contractuelles que sont les actionnaires, les clients, les fournisseurs et les salariés. L'originalité de l'approche consiste donc à élargir ce périmètre à des parties prenantes secondaires qui n'ont pas de relations formelles officielles ou contractuelles (Caroll, 1989, p-58). L'approche des parties prenantes est naturellement la plus associée à la notion du développement durable et est de plus en plus utilisée dans les rapports de développement durable publiés par les chercheurs et par les organismes. Eu égard de la problématique environnementale, elle trouve donc un champ d'application de l'organisation en tant que lieu de relations, d'influences et de conciliations d'intérêts multiples. Mercier (2001) a montré que celle-ci constitue un outil d'analyse tout à fait intéressant pour : · proposer une vision alternative de la gouvernance des entreprises ; · aborder les problèmes de respect de la personne, en matière d'équité et de justice organisationnelle en gestion des ressources humaines ; · concrétiser la notion de développement durable et de respect de l'environnement ; · puis d'analyser les mécanismes de gestion des parties prenantes qui sont introduits dans les organisations : adoption de code de conduite, création de comités éthiques, publication de bilans environnementaux et sociaux. Dans le temps, les parties prenantes « porteurs d'enjeux » se réduisaient aux actionnaires, aux clients, puis au personnel et enfin à la communauté. Certains considéraient que ce dernier acteur appartenait à l'extérieur de l'entreprise. Cette vision dépasse la mode et appartient au passé. Le périmètre « extérieur » à l'entreprise sous-entend en effet un périmètre délimité et connu par avance pour et par l'entreprise. Or celui-ci évolue et varie, bien sûr selon les produits, les marchés, les pays, les contextes géopolitiques ou culturels, les événements locaux ou mondiaux, et surtout en fonction des intérêts patrimoniaux des parties prenantes, comme nous allons l'aborder plus loin dans ce travail de recherche. Il est plus juste de parler d'un périmètre à géométrie variable. Une partie prenante est jugée interne lorsqu'elle partage une partie des enjeux induits par l'activité de l'entreprise sur le « contrat d'équilibre »10(*) , même si traditionnellement cette partie prenante était considérée comme externe. L'importance de la relation entre l'entreprise et cette partie prenante se définira par l'occurrence et l'importance des impacts mutuels. Dans ce contexte, une partie prenante est en quelque sorte l'« actionnaire » de la responsabilité de l'entreprise, en matière du développement durable. Le hic est qu'il existe une interdépendance étroite entre l'entreprise et l'ensemble de ses parties prenantes. C'est un fait objectif pour ces acteurs stratégiques qui demandent souvent d'être entendus et revendiquent leur droit de savoir et de participation aux activités de l'entreprise. Cette mission leur rend une cible vitale pour la performance, l'attractivité et la pérennité de l'entreprise. Cette reconnaissance va pousser celle-ci à tenter de répondre à leurs besoins et à leurs aspirations. L'entreprise est amenée en conséquence à prendre compte des impacts économiques, sociaux et sociétaux, environnementaux de son activité quotidienne. Mais les difficultés pour une entreprise résident dans l'identification des parties prenantes les plus influentes, de l'ensemble du pays qui expriment leur droit de savoir et de participer activement dans la gestion des processus décisionnels. * 6 Déclaré en 2005 par le sénateur français Marcel Déneux, membre du groupe Union centriste, de la politique française. * 7 Professeur et auteur de « L'Occidentalisation du monde : Essai sur la signification, la portée et les limites de l'uniformisation planétaire ». Édition La Découverte, Paris, 1989. Version révisée en 2004. * 8 De Wikipédia. C'est une encyclopédie libre qui peut être, sous certaine reserve, considérée comme une source d'informations fiable. Les auteurs sont des bénévoles, mais ils sont soumis aux règlements et principes qui sont définis par l'organisme. * 9 Tiré du livre de Guay et al. (2004), publié sur le Développement durable. Il s'agit d'un modèle ou cadre conceptuel utilisé pour les examens des performances environnementales des pays de l'OCDE. * 10 Tiré de l'ouvrage « Mettre en pratique le développement durable » et utilisé au sens d'un compromis entre la génération présente et les générations futures ». Dubigeon, Paris, Éditions Village Montréal, 2002, p-7. |
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