PREMIÈRE PARTIE : L'ADMISSION EXPRESSE
DU PRINCIPE DE RESPONSABILITÉ DE L'EXPÉDITEUR PAR LE
LÉGISLATEUR OHADA.
L'apparition d'une responsabilité implique d'abord la
constatation d'un fait exigeant une réponse du droit,
c'est-à-dire d'un besoin de réaction juridique24(*). L'acte uniforme OHADA relatif
aux contrats de transport de marchandises par route (AUCTMR) innove en
présentant les causes de la responsabilité de
l'expéditeur. Autrefois, les règles relatives à celles-ci
étaient souvent délaissées aux règles de droit
commun des obligations ou déduites du régime des
exonérations du transporteur. Toutefois, nous constatons à la
lecture de cet acte que les dispositions relatives à cette
responsabilité sont éparses, à la différence de
celles relatives à la responsabilité du transporteur. La
responsabilité du transporteur est organisée. Il s'agit d'une
responsabilité de plein droit qui revêt un caractère
d'ordre public. Cependant, on pourrait déduire de la
considération accordée à l'exécution des
obligations par l'expéditeur que le législateur OHADA admet
expressément le principe de responsabilité de celui-ci.
En effet, le contrat de transport est un contrat
synallagmatique. Autrement dit, les parties ont des obligations
réciproques les unes envers les autres. Alors, c'est dans un souci de
proportionnalité entre les charges contractuelles que s'inscrit l'acte
uniforme. L'expéditeur doit exécuter ses obligations
conformément aux prescriptions de l'AUCTMR, pour participer à la
réalisation du contrat de transport. Ainsi, l'examen des dispositions
relatives aux charges qui incombent à l'expéditeur nous
amènera à dégager les causes qui déterminent sa
responsabilité (chapitre 1). Bien plus, à travers les
dispositions contenues dans cet acte, il est possible de dégager les cas
d'exonération de responsabilité de l'expéditeur de
marchandises (chapitre 2).
CHAPITRE I - LA DETERMINATION DE LA
RESPONSABILITÉ DE L'EXPEDITEUR.
Etre responsable c'est avoir, en matière contractuelle,
méconnu ses engagements, en matière délictuelle, mal
rempli ses devoirs, soit en commettant une faute, soit en ayant mal
contrôlé les choses dont on a la garde ou les personnes que l'on a
sous son autorité25(*). L'acte uniforme met à la charge de
l'expéditeur plusieurs obligations dont la mauvaise exécution ou
l'inexécution entraîne sa responsabilité.
En effet, pour l'exécution du contrat de transport,
l'expéditeur est tenu d'une obligation de moyens encore assimilée
à l'obligation de diligence. Autrement dit, la mise en jeu de la
responsabilité de l'expéditeur suppose la démonstration
non seulement qu'il n'a pas travaillé dans les règles de l'art
comme il s'y était obligé, mais également une relation
directe de cause à effet entre son comportement fautif et le
préjudice qui en est résulté pour la victime26(*).
Au demeurant, il s'avère nécessaire de
préciser les conditions de la mise en oeuvre de la responsabilité
de l'expéditeur. Celle-ci suppose un préjudice, qui est le
dommage subi par la victime ; un fait générateur, qui est la
cause du dommage et le lien de causalité qui établit la relation
de cause à effets entre le fait générateur et le
préjudice.
C'est la réunion de ces conditions qui nous conduit
à la détermination de la responsabilité de
l'expéditeur, qui peut avoir une origine soit contractuelle (section I),
soit extra-contractuelle (section II), sans qu'il soit toutefois possible de
cumuler les deux actions.
SECTION I- La responsabilité d'origine
contractuelle.
Lorsqu'un débiteur n'exécute pas l'obligation
qu'il a assumée par contrat, il peut être tenu de réparer
le dommage que cette défaillance cause à son
créancier27(*). La
défaillance dont il s'agit, peut être constituée par un
fait ou une faute de l'expéditeur. Cependant, l'acte uniforme a
prévu des risques particuliers 28(*)qui, lorsqu'ils sont établis par la victime,
laissent apparaître le dommage comme une suite raisonnable.
Dans le cadre de l'exécution du contrat de transport,
la faute de l'expéditeur réside dans l'attitude qui dénote
de sa part une négligence, une imprudence ou une malveillance. Elle peut
consister soit en une mauvaise exécution, soit en une inexécution
des obligations contractuelles.
Comme nous l'avons évoqué plus haut, avec
l'intervention de la notion de risques particuliers, le concept de faute de
l'expéditeur au sens de l'article 17 alinéa 1 de l'acte uniforme
paraît plus intellectuel que physique. Cela signifie que
l'expéditeur est débiteur d'une obligation légale
d'information, et sa faute pourrait résider dans l'inexécution ou
la mauvaise exécution de cette obligation d'information. Il peut s'agir
d'une mauvaise rédaction de la lettre de voiture ou l'indication d'une
adresse inexacte ou erronée. Ainsi, l'expéditeur peut voir sa
responsabilité engagée en cas de faute commise par lui ou
à la suite des dommages causés par un des risques particuliers
évoqués par l'acte uniforme. L'examen de ces causes nous
amènera donc à envisager les causes inhérentes à
l'inobservation des formalités du transport (paragraphe 1) et les causes
inhérentes à l'inaccomplissement des opérations
matérielles (paragraphe 2).
* 24 VINEY (G), article
précité, p.279.
* 25 STARK (B), ROLAND
(H.), BOYER (L.), Introduction au droit , Paris, Litec,5e
édition, 2000,p.36,n°82 -83.
* 26 BOKALLI (V.E.), SOSSA
(D.C.), OHADA droit des contrats de transport de marchandises par
route, Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit Uniforme
Africain », juriscope, 2006, p.86, n°302.
* 27 RODIERE (R.),
«Une notion menacée : la faute ordinaire dans les
contrats », RTD.civ.1954, pp.201.
* 28 Art.17 al.2 AUCTMR.
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