Chapitre troisième :
L'IMPACT DU DECOUPAGE TERRITORIAL SUR L'ORGANISATION
ADMINISTRATIVE DE LA PROVINCE DU KASAI ORIENTAL.
Dans ce chapitre, nous nous efforcerons à faire un
exposé prospectif sur les mécanismes de collaboration entre les
autorités administratives centrales et celles provinciales et
dégager si possible les conséquences du découpage
territorial sur l'organisation administrative de la province du Kasaï
oriental dans sa configuration actuelle et dans la perspective du
découpage de celle-ci.
Section 1. DES MECANISMES DE COLLABORATION ENTRE LES
AUTORITES ADMINISTRATIVES CENTRALES
ET
PROVINCIALES.
Il sera question dans cette section de décrire ou de
structurer les mécanismes de collaboration et de mettre en exergue des
propositions de résolution des conflits de chevauchement pouvant surgir
entre les différents services nationaux et provinciaux.
§1. Des mécanismes de
collaboration
A. Entre le gouvernement central et les
provinces.
La constitution du 18/02/2006 a prévu dans certaines de
ses dispositions (articles 202, 203 et 204) les mécanismes de
collaboration entre les autorités administratives centrales et
provinciales en ce sens qu'elle a mis en exergue les matières à
traiter par les autorités centrales exclusivement ; par les
autorités provinciales exclusivement et les matières susceptibles
de collaboration ou des matières à concurrence
partagée.
Cette répartition des matières est faite,
à notre humble avis, en vue d'éviter tout risque de
télescopage, de chevauchement et de conflit de compétence. Ainsi,
en décidant la répartition des matières, le
législateur congolais a voulu placer des garde-fous afin de ne pas
permettre l'empiètement des compétences.
Ainsi donc, le Chef de l'Etat ne peut pas révoquer le
gouvernement provincial qui est une émanation de l'Assemblée
provinciale, seul organe habilité à le révoquer par motion
de censure.
Dans le domaine de compétence concurrente, il va sans
dire que la province doit non seulement informer le gouvernement central de
tout ce qu'elle entreprend aussi bien dans les matières qui sont de son
exclusive compétence que dans les matières de collaboration, mais
il faudrait qu'elle soit aussi constamment informée de ce que le
gouvernement central entreprend en sa faveur ou en sa défaveur.
D'où la nécessité de la présence d'un agent de
liaison entre les institutions nationales et provinciales. Et cet agent de
liaison n'est autre que le gouverneur de province.
La question qui se pose alors est celle de savoir quel sera le
statut du gouverneur de province dès lors qu'il est élu par
l'Assemblée provinciale et investit par une ordonnance
présidentielle ?
A notre avis, nous trouvons que le gouverneur de province
portera une double casquette ou une double fonction.
Sur le plan national, le gouverneur de province
représente le gouvernement central en province avec le statut de haut
fonctionnaire de l'Etat.
Ainsi, dans sa mission en tant que représentant du
gouvernement central, le gouverneur de province relève du pouvoir
hiérarchique du gouvernement central à travers le
ministère national de l'Intérieur.
Sur le plan provincial, le gouverneur de province est le chef
de l'exécutif provincial et tous les services déconcentrés
de l'Etat en province sont placés sous son autorité.
Pour ce qui est des matières de la compétence
exclusive des provinces, il est vrai que la collaboration ne doit pas
être permanente et suivie comme dans le cas de la compétence
concurrente, mais il faudra néanmoins qu'il y ait concertation
permanente entre le gouverneur de province et les divisions provinciales qui
sont les représentations des ministères du pouvoir central en
province.
B. Entre la province et les Entités
Administratives Décentralisées.
Conformément à l'art. 3 al. 2 de la constitution
du 18/02/2006, seuls la ville, la commune, le secteur et la chefferie
constituent des EAD.
Ainsi, le maire, le bourgoumestre et le chef de secteur ou de
chefferie sont à la fois des autorités exécutives locales
et représentants, et du gouvernement central et du gouvernement
provincial dans leur juridictions respectives. Ils coordonnent la bonne marche
de l'administration de chacune de leurs juridictions et sont responsables du
bon fonctionnement des services (centraux et provinciaux) dans leurs
entités.
Ainsi donc, toutes ces autorités exécutives des
EAD, bien qu'élues au suffrage universel indirect par leurs organes
délibérants respectifs, ne peuvent pas agir en toute
indépendance vis-à-vis de l'autorité centrale.
Pour la bonne continuité des affaires publiques, une
concertation permanente est toujours nécessaire entre l'autorité
provinciale et les autorités de différentes EAD.
§2. Les matières de la
compétence exclusive des provinces.
Au nombre de 29, ces matières sont reprises dans la
constitution, spécialement en son article 204.
Bien que le législateur ait utilisé le
terme « exclusive », nous trouvons que la
collaboration entre la province et le pouvoir central est quasi-obligatoire
dans certaines matières vue leur importance, et notamment du fait
qu'elles renvoient soit à la législation nationale, soit parce
qu'elles postulent une politique d'ensemble pour promouvoir
l'intérêt national et éviter les disparités et les
contradictions entre les actions et législations de diverses
provinces.
Parmi ces matières, nous pouvons épingler celles
qui sont les plus en vue : le plan d'aménagement de la province, la
fonction publique provinciale et locale, l'application des normes
régissant l'état civil, les finances publiques provinciales,
l'exécution du droit coutumier, la planification provinciale, etc.
§3. Les matières de la
compétence concurrente du pouvoir central et des
Provinces
Pour le domaine de la compétence concurrente, le
législateur congolais a prévu 25 matières dont la
compétence est partagée entre le pouvoir central et les
provinces.
Il faudra noter qu'en ces matières, la loi nationale
prime sur les édits provinciaux.
En principe, toutes ces matières doivent faire l'objet
de collaboration entre le pouvoir central et les provinces mais nous allons
citer ici les domaines qui nous semblent les plus importants et qui postulent
une collaboration plus proche du fait de certaines spécificités.
Il s'agit des matières ci-après : la mise en oeuvre des
mécanismes de promotion et de sauvegarde des droits humains et des
libertés fondamentales consacrés dans la constitution ; les
droits civils et coutumiers ; les statistiques et les recensements ;
la sûreté intérieure ; l'administration des cours et
tribunaux, des maisons d'arrêt et de correction et des prisons pour
peines ; l'exécution des mesures sur la police des
étrangers ; les droits fonciers et miniers, l'aménagement du
territoire, régime des eaux et forets ; la prévention des
épidémies et épizooties dangereuses pour la
collectivité ; la protection de l'environnement, des sites
naturels, des paysages et la conservation des sites ; la création
des établissements primaires, secondaires, supérieurs et
universitaires.
§4. La résolution des conflits de
chevauchement.
A. La résolution des conflits entre les services
nationaux et provinciaux
En évoquant la résolution des conflits de
chevauchement entre les différents services, le problème est de
savoir comment sera résolu les conflits qui naitraient des actes
contradictoires des services administratifs centraux et ceux de la province.
Pour ce qui est de l'interprétation de la constitution,
notamment quant à la répartition des compétences entre le
pouvoir central et les provinces, il est vrai qu'il sera fait recours au juge
constitutionnel dans le cadre du contentieux conformément à
l'art. 161 al. 3 de la constitution.
Mais est-il qu'en cas d'une crise permanente entre les
autorités centrales et provinciales, le pouvoir central peut reformer ou
se substituer au pouvoir du gouverneur de province.
Si la crise a été
délibérément créée par le gouverneur de
province, le pouvoir central peut, dans le souci de conserver l'harmonie au
sein de la société, suspendre le gouverneur de province comme
représentant du gouvernement central en province.
Pendant la durée de sa suspension, le gouverneur de
province pourrait être remplacé par le Directeur de province et
lequel Directeur dépendra directement du pouvoir central pendant toute
la durée de suspension du gouverneur.
B. La résolution des conflits entre la province
et les ETD.
En cas de conflit de compétence entre les
autorités provinciales et celles des ETD, il sera fait recours au juge
administratif et cela dans les cours et tribunaux siégeant en
province.
S'il y a persistance du conflit, il pourrait alors y avoir la
possibilité de faire un recours hiérarchique devant le
ministère national ayant dans ses attributions les affaires
intérieures et d'autre part, on pourra faire le recours juridictionnel
devant la cour administrative d'appel de son ressort, avec possibilité
d'appel devant le conseil d'Etat qui statuera en deuxième et dernier
ressort.
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