La pluralité comme condition de l'action et du pouvoir politique chez Hannah Arendt( Télécharger le fichier original )par André-Joël MAKWA Université Pontificale Grégirienne/ Faculté de Philosophie Saint Pierre Canisius-Kinshasa - Graduat en Philosophie 2006 |
III. 3. LA CRISE DU POLITIQUE, REGNE DE L'ECONOMIQUEL'agir politique, avons-nous dit, n'est plus comme au temps de la Grèce antique, c'est-à-dire au premier plan de la scène, en première place. Le social a remplacé le politique, à tel point que la quasi-totalité des questions politiques ont été transformées en problèmes liés aux revendications sociales et économiques. Le travail qui a absorbé l'oeuvre tend de plus en plus à soumettre le politique à son service. Actuellement, l'homme ne se définit pas d'abord comme zôon politikon mais comme homo oeconomicus, car tout est réduit à l'économique. Toutes les fonctions, comme l'écrit Hannah Arendt, visent à leur manière, le désir du lucre. C'est ce dont il est aussi question à propos des "fonctions" politiques. La quasi-totalité des hommes politiques en Afrique n'échappent pas à cette crise. Avec l'élévation du travail au niveau de l'absolu, il sied de reconnaître que le politique est maintenant au service de l'économique114(*). C'est-à-dire que « l'économique l'emporte sur le politique. »115(*) Quel est ce programme politique qui peut se passer de l'économique au risque de s'effondrer ou de ne pas être approuvé aux élections? Partout dans les sociétés capitalistes ou communistes, on milite pour que l'économique reste toujours au premier plan. Les grands lobbyings, les grands entrepreneurs ne contrôlent-ils pas tous les appareils étatiques ? Les relations inter-Etats ne se basent-elles pas à leur tour sur les intérêts économiques? A vrai dire, l'économique engendré par la valorisation du travail est devenu, comme le déclare Ignacio Ramonet116(*), un pouvoir important dans la société de travailleurs où le politique a perdu son influence. La polis, au sens grec, a disparu pour céder la place au social et à l'économique qui règlent tous les accords entre les hommes. Désormais, ce n'est plus la parole et l'action qui comptent mais ce qui règne, c'est la puissance économique générée par le travail. L'analyse critique de la modernité par Hannah Arendt, nous montre qu'avec la société moderne, nous sommes arrivés maintenant à une société qui déifie le travail au point d'éliminer toute transcendance. Actuellement, beaucoup ne croient plus au travail en dehors duquel il n'y aurait pas de sens. L'importance excessive donnée au travail a conduit à celle de l'économique dans le monde moderne capitaliste où seuls comptent les intérêts. Il faut toujours produire pour gagner. Ceux qui possèdent la richesse sont maîtres du monde et dominent ce dernier comme ils le veulent, à telle enseigne qu'ils arrivent même à imposer leurs vues au politique. Le politique est ainsi devenu une science ancillaire de l'économique. La réduction du citoyen libre de ses paroles et de ses actes au producteur consommateur a conduit certains Etats à des bavures, notamment en matière de justice sociale et de respects de droits de l'homme. * 114 Ignacio Ramonet déclare qu'aux yeux des grandes entreprises le pouvoir politique n'est que le troisième pouvoir. Il y a d'abord le pouvoir économique, puis le pouvoir médiatique. Et quand on possède ces deux derniers, s'emparer du pouvoir politique n'est plus qu'une formalité. * 115 Ignacio Ramonet, Nouveaux pouvoirs, nouveaux maîtres du monde. Conférence du 21 mars 1996 donnée au Musée de la civilisation à Québec [Canada], éditions Fides, p. 25. * 116 Toujours dans les Nouveaux pouvoirs, nouveaux maîtres du monde, Ignacio Ramonet présente deux paradigmes (à savoir, le marché et la communication) qui régissent le monde actuel. Selon lui, avec l'avènement de nouveaux maîtres du monde (les grandes entreprises, les grandes chaînes de médias, etc.) le pouvoir traditionnel n'est plus politique, il est plutôt devenu économique et médiatique. |
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