La pluralité comme condition de l'action et du pouvoir politique chez Hannah Arendt( Télécharger le fichier original )par André-Joël MAKWA Université Pontificale Grégirienne/ Faculté de Philosophie Saint Pierre Canisius-Kinshasa - Graduat en Philosophie 2006 |
I. 2. 2. 6. L'oeuvre d'artL'oeuvre d'art se classe parmi les objets qui assurent la stabilité à l'artifice humain. Cette oeuvre se caractérise par son inutilité et par sa permanence à travers les siècles52(*). Chez Hannah Arendt, l'oeuvre d'art doit être écartée du contexte des objets d'usage ordinaires. Ce rapport n'est pas du même type que celui que nous pouvons avoir avec un objet d'usage ordinaire. Car le rapport qu'on a avec l'oeuvre d'art n'est certainement pas un rapport d'utilité. Les oeuvres d'art, en raison de leur permanence, sont toutes des objets tangibles du monde. Ces oeuvres ont une durabilité qui résiste aux effets destructifs. Elles sont le fruit de la réification de la nature. Notons que la réification est plus qu'une simple transformation dans le cas des oeuvres d'art ; « c'est une transfiguration, une véritable métamorphose... »53(*) Pour que la réification devienne concrète, il lui faut un prix : « le prix en est la vie en elle-même : c'est toujours dans la lettre morte que l'esprit vivant doit survivre... »54(*) A ce stade, Hannah Arendt évoque le caractère permanent des oeuvres d'art qui ont une durabilité dépassant celle des autres objets. C'est que ces oeuvres sont des objets de pensée qui peuvent se matérialiser en recourant aux mains humaines. Cependant, notre auteur établit la distinction entre le penser et le connaître. La pensée, source des oeuvres d'art, se manifeste sans la transformation ni la transfiguration de la grande philosophie55(*). En revanche, la principale manifestation des processus cognitifs se trouve dans la science. La cognition poursuit un but défini qui, une fois atteint, s'achève. Alors que la pensée n'a ni fin ni but hors de soi. Elle ne produit pas de résultat. Toutefois, l'activité de penser est incessante et répétitive comme la vie. La cognition, quant à elle, appartient à tous les processus d'oeuvres (intellectuelles, artistiques...). Le monde d'objets fait par l'homme ne devient pour les mortels une patrie que dans la mesure où il transcende le pur fonctionnalisme et la pure utilité des objets produits pour l'usage56(*). La vie, qui ne se réduit pas au sens biologique, se déploie aussi bien dans l'action que dans la parole, en ce sens qu'"accomplir de grandes actions et dire de grandes paroles" ne laisse pas de traces. Ainsi l'homo faber se situe au centre de la vie. Cependant, cet homme n'est pas au niveau de l'action et de la parole. Il est encore apolitique puisqu'il ignore encore la catégorie de pluralité. En résumé, retenons que l'oeuvre est l'humanité de l'homme. « Le monde ne devient monde que par le truchement de l'homo faber. »57(*) Dans l'oeuvre, les objets assurent une durabilité sans laquelle il n'y aurait point de monde possible. Aussi, la condition de l'homo faber est l'appartenance au monde. Si Dieu a créé le monde ex nihilo, l'homme, a contrario, l'homo faber, crée toujours à partir d'une substance en détruisant ou en transformant la nature. Toutefois, la durabilité est soumise à l'utilité et aux cycles des moyens et des fins. Il convient alors de penser à l'action. La pluralité et la conception arendtienne du pouvoir seront les thèmes majeurs de notre deuxième chapitre. * 52 Sylvie Courthine-Denamy, op. cit., p. 319. * 53 Hannah Arendt, op. cit. p. 188. * 54 Ibidem. * 55 Idem., p. 191. * 56 Idem., p. 194. * 57 André Enégren, op. cit., p. 37. |
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