INTRODUCTION
Notre étude porte sur le Kankourang, masque
d'initiation des mandingues de la Sénégambie dont le rituel est
classé patrimoine culturel immatériel mondial par l'UNESCO
(3e proclamation du 26 novembre 2005). L'apparition de ce masque,
considéré comme génie protecteur de la communauté
mandingue, et au-delà, d'autres communautés ethniques de la
Sénégambie (Diola, Baïnouks, Peuls du Fouladou, Balantes,
Manjack, etc. ...) entraîne une ambiance festive avec des
activités culturelles et artistiques menées par des ballets
autour du « Jambadon », marquées également
par des chants et danses au rythme du « Kutiiroo », du
« Junkurado » et du « Sabaroo ». Le
Kankourang, objet d'attraction, de curiosité et de crainte est l'un des
rares masques africains entièrement couverts de fibres ou
associés aux feuilles.
Notre future vocation d'enseignant d'arts plastiques, de
chercheur et d'acteur culturel, nous incite à interroger plus
profondément la dimension esthétique de ce masque dont la
variété des formes et des supports matériels
échappe au temps.
Cependant, avant d'analyser les fondements de la
création du Kankourang de même que ses caractéristiques et
son rôle, nous essaierons de rappeler quelques aspects culturels de la
civilisation mandingue, notamment le rôle initiatique de la
circoncision.
Ainsi, notre étude s'articulera autour de quatre
parties :
· D'abord le cadre de référence dans lequel
nous abordons la problématique, la justification du choix du sujet, la
revue de la littérature, la définition des concepts, et les
objectifs de l'étude
· Ensuite la méthodologie qui comprendra deux
parties. D'une part, l'univers de l'étude, et d'autre part la
stratégie de l'étude.
· Puis, l'analyse et l'interprétation où
nous essaierons de répondre à tous les objectifs de notre
étude : le cadre de l'étude, les aspects culturels de la
civilisation mandingue, le rite initiatique, la description des
différents masques du Kankourang ainsi que leurs rôles
· Enfin, l'analyse plastique des découvertes
opérées sur ses formes et ses matières.
PREMIERE PARTIE :
CADRE DE REFERENCE
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE
Quand on regarde une oeuvre d'art traditionnel telle que les
masques, on est toujours saisi par sa beauté, par son incroyable force
d'expression, et par cet indéfinissable mystère qui s'en
dégage. Mais, on ne peut s'arrêter à ces simples
constatations de beauté, de force et de mystère, sans quoi nous
n'apprendrions rein du Kankourang qui semble stigmatiser notre intellect.
Pourtant en nous tournant vers le monde moderne, nous remarquons
immédiatement que rien autour de nous n'est semblable à cette
oeuvre d'art où l'on discerne la profondeur de réflexion qui a
présidé à sa conception. Il n'est point besoin pour nous
d'avoir étudié l'art pour percevoir qu'une courbe est pure, que
les proportions sont équilibrées, que les couleurs sont
harmonieuses, qu'une mélodie est envoûtante, que les idées
d'un poème ou d'un chant initiatique s'enchainent magiquement, que
l'histoire d'un mythe conte l'histoire primordiale. En effet, en observant le
Kankourang, nous comprenons sans que notre raison n'en sache rien, que
nous avons, là, l'évocation d'une vérité
inaltérable et immuable, qui ne dépend ni des modes ni des
courants de pensée. Malheureusement, comme le dit un proverbe
mandingue : « l'étranger ne comprend les choses
qu'avec ce qu'il sait ». L'ethnographie occidentale n'étudie
les masques qu'en tenant compte uniquement de sa partie en matériau
solide (le visage souvent gravé dans le bois) tout en perdant de vue que
le masque est tout aussi un vêtement, le corps du porteur étant
enveloppé dans un costume aux textures, aux structures, aux couleurs et
aux matériaux variés d'où sa richesse plastique.
Par ailleurs, le rituel du Kankourang ou
mama marque le temps fort de la vie culturelle
mandingue. En effet, il est associé le plus souvent à la
circoncision, étape essentielle de la constitution de l'identité
que chacun doit franchir, et qui s'accompagne de cérémonies
complexes et variées. Le fait initiatique est considéré
comme un processus de marquage, un mécanisme d'inscription ou encore
comme une machine imprimante : il serait à la fois marque, signe et
trace.
L'intervention du masque dans l'initiation des adolescents
favorise une inscription sur leurs corps réels ou symboliques des codes
et des valeurs culturelles mandingues.
Dans cette société traditionnelle, le masque est
un art de vivre car lié au folklore riche d'une rythmique qui dope
initiés, hommes et femmes mandingues ainsi que d'autres
communautés voire des touristes (l'exemple de la ville de Mbour, de
Sédhiou, de Ziguinchor et de Kédougou)
Chez les mandingues, le Kankourang est toujours porteur d'une
charge magique redoutable pour ceux qui l'animent comme pour ceux qui le
voient.
Pour comprendre l'origine de cette puissance supposée,
il apparaît donc intéressant de remonter à la
création de son support matériel, la cérémonie
initiatique qui l'anime, la musique et la danse qui l'accompagnent.
CHAPITRE II : JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET
L'intérêt de plus en plus porter au sujet de
notre étude se justifie à plus d'un titre.
En effet, elle suscite beaucoup d'espoir aussi bien chez les
institutions culturelles nationales (Ministère de la Culture et du
Patrimoine Historique Classé, Musées, presses,
collectivités locales (cas des communes de Mbour, Sédhiou au
Sénégal, et de Birkama en Gambie), les instituts
de formation et de recherche comme l'ENA et
l'UCAD, les instituions internationales
(UNESCO), les acteurs socioculturels et nous-mêmes.
v Pour les institutions culturelles, les collectivités
locales et les acteurs socioculturels, il s'agit de leur apporter de nouvelles
connaissances, des informations inédites sur ce masque et son rituel
pour qu'ils puissent s'en servir afin ouvrir de nouveaux champs d'investigation
permettant de mieux connaître et de faire connaître au monde les
messages du dialogue des cultures proposé par cette communauté
ethnique à travers ses manifestations folkloriques.
v Pour les institutions de formation telles que
l'ENA, il s'agit de leur apporter dans le domaine qui est le
leur non seulement des résultats et des connaissances nouvelles ainsi
qu'une proposition artistique plastique qui prendra en compte les
découvertes esthétiques de l'étude. L'interrogation sur
les formes, les couleurs et les matières nous amènent
inéluctablement vers une écriture plastique dont le concept
pourrait enrichir d'autres horizons pédagogiques des pratiques de
classes.
v Pour nous, après deux ans de recherche à
travers les zones de peuplement mandingue de l'espace
sénégambien, cette étude nous donne l'occasion
d'acquérir des connaissances par la découverte des
réalités géographiques, historiques, socioculturelles d'un
peuple au riche patrimoine. Ces connaissances peuvent être
utilisées, et transmises à d'autres personnes vivant dans la
société.
Et ceci contribue davantage à faire avancer la
profession au niveau de l'art et faire de nous des personnes compétentes
au service de notre société, de notre pays.
Notre étude s'inscrit parfaitement dans la philosophie
même de la formation dispensée à l'ENA dont le contenu met
l'accent sur l'homme, son éducation et son intégration,
c'est-à-dire son contact aves l'environnement social et matériel.
Elle peut permettre d'élargir notre sensibilité
esthétique, par l'approche plastique des formes, des couleurs, des
lignes et des textures au profit de la communauté éducative et du
patrimoine artistique universel.
CHAPITRE III : REVUE DE LA LITTERATURE ET DEFINITION DES
CONCEPTS
3.1- Revue de la littérature
Après nos investigations, nous n'avons trouvé
que quelques documents parcellaires publiés sur notre sujet. Pour
parvenir à une représentation valable de notre étude, nous
avons été obligés à juste titre de réserver
une place privilégiée aux différents chercheurs qui ont
abordé les thèmes qui s'articulent autour de l'ethnie mandingue,
de ses us et coutumes, en général, du masque et de l'initiation
en particulier.
Ø Doumbia (Tamba).- Groupes d'âge et
éducation chez les malinkés du Sud du
Mali.-Paris : Harmattan, 2001.
L'auteur a passé en revue l'ensemble des classes
d'âge du peuple Malinké partant de son village de Niagadina au sud
du Mali. Il en décrit également le fonctionnement. L'étude
de l'auteur représente un témoignage très fouillé
sur le rituel initiatique mandingue.
Ø Griaule (Marcel).- Masques
dogons.-Paris : Institut d'éthnologie, 1938.-896p.
Dans cet ouvrage, l'auteur traite les fondements culturels et
les mythes fondateurs du peuple dogon et de la création des masques. Il
est revenu très largement sur la notion du
Nyama, l'être mythique et ses rapports avec les
hommes, terme qu'on retrouve dans le support matériel de l'objet
d'étude.
Ø Ndiaye (Bokar).- Les castes au Mali.-
Bamako : Populaires, 1970.-(Hier)
L'auteur traite d'un sujet fort controversé, mais il
nous fournit des éléments d'appréciation du système
de castes dans le milieu mandingue, en donnant quelques précisions
utiles sur les origines, les structures et les rôles des castes.
L'initiation dans ce milieu est confiée à ces dernières
d'où l'importance que nous accordions aux travaux de l'auteur.
Ø Cissokho (Sékéné Mody) et Sambou
(Kaoussou).- Recueil des traditions orales des mandingues de Gambie
et de Casamance.-Niamey : CRDTO.
Les auteurs, après plusieurs investigations
ponctuées de témoignages orales, ont tenté
d'élucider les mouvements migratoires des mandingues de l'ouest. Cette
étude nous a fourni des informations sur les noms authentiques des zones
de peuplement mandingue en Sénégambie ainsi que sur l'origine des
brassages culturels interethniques dans ces territoires. Cependant, aucune date
précise n'a été énoncée par leurs
informateurs.
Ø Sylla (Abdou).- Le problème de la
création dans l'art africain traditionnel.-(Thèse de
Doctorat de IIIe cycle, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne,
1978-1979).
L'auteur est un éminent chercheur sur
l'ethno-esthétique africaine. Vu l'aspect volumineux de la thèse,
notre recherche s'est consacrée au chapitre intitulé :
« Sens et consciences esthétiques » où il
évoque la notion de culte chez les peuples africains.Par ailleurs, il
s'est beaucoup intéressé aux différentes fonctions des
masques africains. L'intérêt de ses réflexions
réside dans l'analyse plastique et éthno- esthétique des
masques et du mécanisme de fonctionnement des sociétés
secrètes, notamment celui de
« Komo » dont est issu notre objet
d'étude.
3.2 - Définition des concepts (Clarification
conceptuelle)
Notre étude fait appel à un certain nombre de
concepts que nous essayerons de définir. Il s'agit de l'Art, de
l'Initiation, du masque et du mythe.
3.2.1 - L'Art
Dans son sens premier, peu utilisé, l'art se
définit comme une pratique qui met en oeuvre l'application de
connaissances et d'un savoir faire en vue d'atteindre un objectif.
La compréhension du mot artisan rejoint cette
définition, car celle ait référence à
l'habileté. Ainsi, l'art aura pour synonyme technique et science
appliquée.
Toutefois, son sens associé à la technique, est
toujours présent dans certaines expressions telles que « l'art
de la médecine ». Dans son sens moderne, le plus couramment
utilisé, l'art est considéré comme une pratique en vue de
la production d'oeuvres susceptibles d'exprimer un idéal moral,
métaphysique et esthétique. Les six arts traditionnels
(architecture, sculpture, peinture, musique, gravure, dessin) correspondent
à cette définition.
Ce n'est que tardivement, principalement suite à
l'arrivée de nouveaux courants artistiques, tels que le romantisme, le
symbolisme, l'expressionisme, le cubisme, ainsi que par l'invention de nouveaux
médium (photographie, cinéma, l'informatique) que l'art est
considéré comme l'expression et la communication d'émotion
et de sentiment au moyen de divers média (photographie, cinéma,
l'informatique).
On peut voir l'art comme ce qui est exposé (viandes,
excréments, cadavres, peintures, prostituées, etc.). Cette
définition, sujette à controverse, correspond à
l'éclatement des courants artistiques post moderne les plus fous et
improbables de ces dernières années où l'on remit en cause
le concept d'esthétisme.
C'est aux définitions deux et trois que correspond le
mot d'artiste. L'application du titre artiste à la quatrième
définition pose problème puisqu'elle fait en sorte que toute
personne qui expose quoi que ce soit pourrait être
considéré comme un artiste. Aujourd'hui, l'art établit une
relation qui permet d'englober dans une même interaction, dans un
même échange, une oeuvre, son créateur et le
récepteur.
Les différentes formes que peut revêtir cette
médiation déterminent certaines relations entre l'homme et la
nature.
L'art est un jeu avec les apparences sensibles, les
matières, les couleurs, les formes et les volumes dont la source
première d'inspiration est la nature dont le spectacle et la
beauté a beaucoup influencé l'homme. En outre, cette nature
fournit à l'homme des formes, des modèles et des
matériaux.
Ainsi, selon René HYGUE, dans La puissance de
l'image, « l'art comporte la collaboration de trois
partenaires : Le monde réel qui fournit
à l'artiste les matériaux, les formes de son objet,
la plastique qui impose ses exigences à leur
agencement et, l'artiste qui cherche à
exprimer ce qui fait éprouver le spectacle des choses qui choisit les
matériaux et qui, grâce à son intelligence, sa
volonté, sa sensibilité, dirige, dispose les formes, les signes,
les symboles, les lignes, les couleurs et les images ».
3.2.2 - Le mythe
Le mythe est bien autre chose qu'une simple légende
romancée ou qu'une faible fantaisiste, il est un rythme d'histoire
archétypale qui conte une part des lois universelles. Il est
intéressant de comparer l'étymologie des mots grecs desquels sont
issus « mythe » et « fable ».
« Fabula » est tiré de
« fari » qui signifie parler
alors que « Muthos » est
tiré de la racine « mu » qui représente la
bouche fermée et désigne le silence. La fonction, d'ordre
métaphysique et initiatique, est d'exprimer par le symbole et l'analogie
une vérité que l'on ne peut rendre en parlant (par le langage
ordinaire). D'autre part, le silence permet d'appréhender les concepts
d'Etre et du Non-être. Un mythe a une fonction d'enseignement, de
transmission de connaissances inexprimables par les moyens ordinaires.
3.2.3 - L'Initiation
Dans les sociétés traditionnelles, la notion
d'initiation est associée aux rites de passage qui introduisent
l'individu dans l'âge adulte. Le rite initiatique peut être
analysé sous deux dimensions fondamentales :
ü Au niveau individuel, il constitue un ensemble
complexe de techniques visant à harmoniser, c'est-à-dire
culturaliser et socialiser l'être humain par le biais de la connaissance
libératrice et des épreuves bienfaisantes afin de l'orienter vers
ses responsabilités d'adulte, de spécifier son statut et ses
rôles qu'un tel passage ne manque pas de provoquer. Le rite initiatique
devient ainsi une étape essentielle de la constitution de
l'identité que chacun doit franchir, et qui s'accompagne de
cérémonies complexes. Devenir adulte n'est pas chose simple. Il
faut se montrer responsable, capable de maîtrise de soi, de courage et
d'abnégation pour pouvoir tenir sa place dans la société.
Il s'agit bien de passer d'un monde d'insouciance et d'innocence à un
autre, plus complexe, fait de droits et de devoirs. Cette idée va se
concrétiser dans une mise à l'épreuve de la
capacité de l'initié à surmonter la peur, la douleur, la
solitude. C'est pourquoi, dans la société traditionnelle
mandingue, l'initiation s'accompagne d'épreuves physiques, dont
certaines très douloureuses, et d'épreuves morales.
L'initié sera marqué dans sa chair pour éprouver sa
capacité à maîtriser son corps, à affermir son
âme. Il gardera ainsi la trace et le souvenir toute sa vie.
ü Au niveau collectif : il s'agit d'un
ensemble de procédés où le profane côtoie le
sacré (rites religieux, de passage) par lesquels la
société, directement
ou par la médiation de groupes
spécialisés (sociétés initiatiques,
sociétés culturelles) prend en main son destin, soit qu'elle
assure la continuité et la succession des générations,
soit qu'elle lutte contre l'usure du temps et les effets dissolvants de la
mort, soit enfin, qu'elle favorise son unité.
3.2.4 - Le Masque
Le masque est un objet de déguisement qui donne
à son porteur une fausse apparence en recouvrant son visage ou son
corps.
Il sert selon les lieux et les époques, à
cacher, à effrayer, à transformer, à faire
apparaître, à communiquer avec l'au-delà. Il favorise
l'expression du corps. Plus généralement, on peut dire qu'il est
la concrétisation d'un esprit, d'une créature surnaturelle
intervenant dans la vie de la collectivité. Le masque perpétue et
réactive régulièrement le récit historique dont il
est le reflet. L'histoire s'est souvent figée en mythes. Le masque donne
vie aux mythes fondateurs de l'ethnie. Il se situe à la rencontre du
sacré et du profane. L'au-delà devient visible et règle
l'existence des individus. L'esprit auquel le masque fournit un support formel
peut se faire le défenseur d'un code moral non écrit, traquer et
punir ceux qui ne se plient pas aux lois coutumières.
Grâce au jeu des masques, ces lois bien qu'orales sont
transmises de génération en génération. Elles sont
personnifiées et accompagnées d'un redoutable pouvoir
répressif d'autant que, par les masques, elles sont
transfigurées, transposées dans un monde surnaturel qui les rend
d'autant plus contraignantes. Selon Laude MEYER (in Masques, sculptures,
bijoux.- Edition Terrail, 1991) « Le masque, quel qu'il soit
se distingue profondément de la statuette sculptée. (...)
Même si un artiste travaille dans ces deux domaines parallèlement,
son style diffère. (...) Le masque est souvent porteur de combinaisons
formelles surprenantes qui incorporent à l'humain non seulement la forme
d'un animal, mais surtout la force vitale à laquelle il participe. (p.
74) »
Finalement, création indépendante des hommes, le
masque leur ressemble rarement. Il diffère d'eux volontairement. C'est
cette différence qui fait sa force.
Chez les mandingues de la Sénégambie, le
kankourang apparaît particulièrement dans trois
circonstances : dans les rites de circoncision ou d'initiation à la
vie adulte, de fertilité (Dimbaya) et les
graves évènements sociaux (conflits, sorcellerie, interdits...)
pour « enchanter » les divinités et les forces
errantes (esprits ou ancêtres) considérées comme
dangereuses.
IV - LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
Notre étude comporte six objectifs dont un objectif
général et cinq objectifs spécifiques.
3.1 - Objectif
général
L'objectif général de notre étude est
d'examiner les aspects plastiques et esthétiques du kankourang.
3.2 - Objectifs spécifiques
Ils sont au nombre de cinq, et sont les
suivants :
· La présentation du cadre de l'étude
· Les réalités culturelles mandingues
· Le Kouyan ou rite
initiatique
· La description et le rôle des masques du
kankourang
· L'analyse du dossier artistique plastique
DEUXIEME PARTIE :
METHODOLOGIE
Dans cette partie, nous essayerons d'identifier et d'analyser
à la fois
la méthode de recherche, l'univers et la
stratégie de l'étude.
I - METHODE DE RECHERCHE
Pour apporter plus d'éclairage à notre objet
d'étude, nous avons choisi la recherche qualitative et le type de
recherche ethnographique.
II - UNIVERS DE L'ETUDE
2.1 - Cadre de l'étude
Compte tenu de l'importance de l'étude, de par sa
dimension multinationale, notre enquête nous a mené vers quelques
zones de peuplements mandingues du Sénégal
(Sédhiou, Kolda, Kédougou,
Mbour) de la Gambie (Soma, Birkama, Kanifing)
et de la Guinée Bissau (Mansaban, Bafata, Farim).
2.2- La population à
l'étude
Il s'agit des mandingues ou
socés de la Sénégambie. Pour
mener à bien notre recherche, nous avons ciblés les
communicateurs traditionnels, les initiés, les forgerons ou
Noumo , les cordonniers ou
Farbo , les griots ou
Jaloo , les vanniers ou
Finno et des chefs du Bois sacré
ou Kouyan Mansa .
III - STRATEGIE DE L'ETUDE
Dans ce chapitre, nous examinerons les stratégies
utilisées pour mieux élucider notre recherche ainsi que les
contraintes rencontrées.
3.1- Recherche documentaire
Dans cette étude, nous avons utilisé la
recherche documentaire. Cette recherche s'est effectuée au niveau des
centres culturels, des bibliothèques, des archives nationales, des
instituts de formation, dans l'Internet, des radios et
télévisions nationales et auprès des personnes ressources.
3.2- Collecte des
données :
La collecte des données audio-visuelles, entamée
depuis trois ans, a été effectuée dans quelques zones de
peuplement mandingue du Sénégal, de la Gambie et de la
Guinée Bissau ainsi que dans plusieurs centres de documentation
cités ci-haut. Les données de la tradition orale sont obtenues
par le biais des entretiens ciblés et des images que nous essaierons
d'analyser dans la troisième partie.
3.3 - Mode d'analyse
Les activités de l'étude ont produit des
quantités significatives de données brutes à analyser.
Ainsi, après avoir reçu toutes ces informations, nous avons fait
un tri en regroupant les données les plus importantes concernant notre
étude et les informations à extraire, ensuite les sérier
en vue de leur traitement et enfin de présenter et d'analyser les
résultats ainsi que leur support visuel (photos, tableaux, cartes
etc....).
3.4-Limites et
difficultés :
Notre recherche s'est effectuée dans de bonnes
conditions .Cependant, nous avons rencontré quelques difficultés
liées à la complexité et l'aspect sacré du sujet
.Par ailleurs, beaucoup de personnes ignorent les fondements historiques et
culturels du sujet d'étude. Les seuls informateurs que nous avons
rencontrés se sont plutôt réjouis de l'initiative.
TROISIEME PARTIE :
ANALYSE ET INTERPRETATION
CHAPITRE I : SITUATION GEOGRAPHIQUE DE LA
SENEGAMBIE
L'ensemble géographique sénégambien est
constitué de deux pays : le Sénégal et la Gambie,
dont les similitudes du relief, de la végétation, du climat de la
faune et de l'hydrographie ont joué un grand rôle dans les
échanges et les migrations intercommunautaires.
1.1.1 - LE SENEGAL
Le Sénégal est situé entre
12° 5 et 16° 5 de latitude nord,
12° et 17° de longitude ouest. Il
se loge sur la côte atlantique de l'Afrique entre la Mauritanie (au
Nord), le Mali (à l'Est), la Guinée Bissau et la
République de Guinée. Sa superficie est de 196.722
km2. Le littoral du Sénégal mesure à peu
prés 700 km Le Sénégal possède 813
km de frontière avec la Mauritanie, 619 km
avec le Mali, 338 km avec la Guinée Bissau et
330 km la Guinée. Il est à noter que la Gambie
est enclavée à l'intérieur du Sénégal et
possède 740 km de frontière avec le
Sénégal.
- Le relief sénégalais est très peu
accidenté. Il est constitué par les plaines et cuvettes couvrent
4/5ème du territoire national (soit
156.944 km2). Elles portent le nom de bassin
sédimentaire.
- Le Sénégal connaît un climat chaud et
sec même si par endroits ce stress est atténué par les
700 km qui constituent la façade maritime et son
avancée vers l'Océan Atlantique. Le pays subit
l'Alizé, la Mousson et l'Harmattan.
- La distribution des températures et des pluies
explique la division du Sénégal en régions bioclimatiques
du Sud au Nord. Les deux saisons principales qui marquent le régime
climatique sont : une saison des sèches (de novembre en Mai) et une
saison pluvieuse, (de Mai -Juin en Octobre, période de
célébration de la circoncision en Sénégambie)
- La végétation est constituée de savanes
arbustives et de forêts denses notamment en Casamance et au
Sénégal Oriental. Parmi les espèces d'arbres qu'on peut y
retrouver, il y a le Fara Ju?o (le semmelier) une des
matières de confection du Kankourang.
- Le Sénégal est drainé par les fleuves
Sénégal au Nord, Gambie au centre et Casamance au Sud. Ces trois
fleuves ont une alimentation pluviale et un régime tropical
caractérisé par son irrégularité. Il faut
simplement signaler que ces fleuves ont joué un grand rôle, de par
leur navigabilité, dans les migrations et les échanges
interculturelles.
- La population sénégalaise est estimée
en 2006, à 11 millions d'habitants. Elle est
cosmopolite.
Les principales ethnies qui la composent sont :
Les wolofs, les peuls, les Sérères, les
Diolas, les mandingues, les Balantes, les Bassaris, les Soninkés, les
Manjacks, les Mancagnes....
- Les mandingues, ethnie qui fait l'objet de notre recherche
constitue 09% de la population sénégalaise.
1.1.2 - LA GAMBIE
La Gambie est entourée par le territoire du
Sénégal. Elle a la forme d'une bande étroite longue de
330 km d'Ouest en Est et large de 20 à 40 km
qui s'étend sur les deux rives du fleuve du même nom et
possède une façade sur l'Océan Atlantique. Le territoire
est situé entre 13° 40' et 16°
50' longitude Ouest et 13° et 14° de
latitude Nord. Sa superficie est de 11.295 km2.
- La Gambie est située sur le bassin
sédimentaire sénégalo-mauritanien.
L'épaisseur du bassin augmente vers l'Ouest, en direction de
l'Océan Atlantique.
- Le trait physique majeur du pays est l'estuaire de la
Gambie et sa vallée affaissée longeant un plateau de grès
tertiaires. A l'Ouest du fleuve, le relief plus vallonné est
constitué de collines sablonneuses qui séparent des plaines
basses et sableuses. A l'Est, les terres sont plus élevées entre
les affluents de la Gambie.
- La Gambie a un climat de savane sahélienne. La
pluviométrie dans le pays varie de 1000 mm dans le Sud-Ouest
à 700 mm au Nord-Est. L'absence de relief et la petite taille
du pays font qu'il y a peu de variation des facteurs climatiques autres que la
pluie.
- La végétation est dominée par la savane
arbustive. Au Nord et au Sud de l'embouchure de la Gambie, la côte
sableuse est bordée de lignes parallèles, de dunes qui portent
des peuplements littoraux d'arbustes et de broussailles.
- Le principal cours d'eau est le fleuve Gambie qui prend sa
source en Guinée qui partage le pays en deux. Diverses rivières
atteignent la mer et leurs embouchures, déviées par la
dérive littorale, forment des lagunes sableuses.
- La population gambienne est estimée à
1,5 millions en 2000. Les différents ethnies
sont : les mandingues (majoritaires avec 41% de la
population), les Diolas, les Wolofs, les
Sérères, les Peuls...
Chapitre II : LE CADRE HISTORIQUE
2.1 - ORIGINES DES MANDINGUES
2.1.1 - LE MYTHE
COSMOGONIQUE :
Les ancêtres premiers des mandingues seraient descendus
du ciel dans l'arche de Fara, l'un des deux jumeaux
mâles de « oeuf de Dieu » dit « oeuf du
monde » ou « placenta du monde » s'appelait
Maïe. L'autre jumeau, appelé
Pemba, désirant s'approprier la
création, était sorti de l'oeuf avant terme en arrachant la
partie de son placenta où se trouvait fixé le cordon ombilical.
Il descendit dans l'espace vide : le morceau arraché devint la
terre, sèche et stérile dont il ne put rien faire.
Pour réparer la faute de Pemba et
purifier la terre, Fara fut tout d'abord
éviré, puis sacrifié au ciel. Son corps
découpé et partagé fut projeté dans l'espace en
parcelles, qui sur terre, se manifestèrent en arbres, symbole d'une
résurrection végétale et de la
régénération effectuée par son sacrifice. Puis
Mangala le ressuscitera au ciel sous forme humaine et le fit
descendre sur la terre au moyen d'une arche faite d'un fragment de son propre
placenta céleste. L'arrivée des ancêtres humains est
figurée dans les monts Kouroula (Guinée) par les
sommets suivants :
- « fyé Kuru »,
mont du vent qui représente Kanisimbo
- « dyeli kuru mi »,
petit mont du griot qui représente kaniyogosimbo
- « tawrata », c'est pour
moi qui représente Simboumba Tagnagati
- « dyeli kuru ba »,
grand mont du griot qui représente le griot
Sourakata
- « dyologo fyé kuru
(ou fyé djigi) » qui
représente le forgeron.
Après la création de ces ancêtres, on
arrive à la révélation de la première parole, des
techniques agricoles et à l'édification des deux sanctuaires
primordiaux.
2.1.2 - VERSION HISTORIQUE
DU MYTHE
Selon de nombreux chercheurs, le Manding ne
comptait pas plus de 20.000 km2 de superficie. C'était une
sorte d'enclave, appelée Manding kaaba pour
rappeler leur origine orientale, au milieu des terres bambaras. C'est cette
petite province à la population bigarrée qui devait donner
naissance au grand empire du Mali.
Selon la tradition orale, l'enclave de Manding Kaaba fait
parti du royaume bambara. Ce royaume fut successivement gouverné par six
rois bambaras. Ensuite, il tombe entre les mains des Keïta
déjà connus pour la bravoure militaire. A cette époque au
XIe siècle, la province du Manding était un
vassal de l'empire du Ghana (Ibn Batouta).
- Tarikh El Fettah p.55.
Comme la fait la dynastie des Bânu Sayf du
Kanem, les familles royales manding se sont données des
généalogies remontant à la tribu du Prophète
Mohamed (P.S.L) ou à ses proches, et les traditions
citent les ancêtres descendants de musulmans illustres, comme
Allakoi Moussa Djigui dont parle Maurice Delafosse
(1912), qui aurait régné de 1200
à 1218 et qui appartenait à la descendance de Bilali,
compagnon du Prophète Mohamed (P.S.L). Selon les griots de
Keyla, les mandingues descendent de Labilatoul
Kalabi, lui-même descendant de Bilali
Bonama.
Ce Bilal est bien connu de la tradition
islamique, Bilal Ibn Rabah connu sous le nom de Bilal Al Habashi
ou Jon Bilal, fils de Hamâmah,
une esclave d'Abyssinie (actuel Erythrée) fut l'esclave
d'Umayyah Ibn Khalaf, un notable de la
Mecque. Il fut parmi les tout premiers convertis à
l'islam, et se dévoua entièrement au service du Prophète.
Il était le premier muezzin de l'islam.
Lahilatoul Kalabi, eut sept fils.
L'aîné, Lawalo partit de la
Mecque et s'établit au Manding
où il aurait fondé la ville de Kiri ou Ki (travail). Il
eut deux fils, Kalabi Boniba, le premier, choisit le pouvoir,
le cadet, Kalabi Dauman, choisit la richesse (il serait
l'ancêtres des Dioulas). Kalabi Boniba eut pour fils
Mamadi Kani (maître chasseur), qui eut trois fils. C'est
d'eux que descendent les trente anciennes familles du
Manding.
Ces trente familles sont : cinq familles
Mansaring ou Keïta, dites
« Mammura sike duru » issues de
cinq frères Keïta descendants de
Soundiata.
- cinq familles de
marabouts, dites « mori si ke
duru » (Bérété, Touré, Haydara,
Fofana, Saganogo)
- quatre familles de gens de
caste, dites wara nani ou nyamakala
(- les généalogistes ou griots
« dyelu »- les forgerons
« numu » - les travailleurs du cuir
« garanké » le vannier
« fina » ou
« fine »
- seize familles de
« captifs nobles » dites
« totadyê ta woro », (seize captifs
qui ont pris l'équipement de guerre). Ce sont les alliés
volontaires de Keïta, avec lesquels ceux-ci sont unis parfois
également par le mariage : (Traoré, Koné,
Kamara, (ou Doumbia), Kourouma, Mogasouba, Dansokho,
Koulibali, Dagnogo, Diarra, Dianté, Dougono, Kanté
(ou Sogoré), Diallo (ou
Diakité), Sidibé, Sangharé).
2.2 - Histoire des mandingues de la
Sénégambie
L'histoire des mandingues de l'Ouest Atlantique, notamment de
la Guinée-Bissau, du Sénégal et de la Gambie n'est pas
suffisamment étudiée et la tradition orale demeure la source
essentielle des chercheurs. Les traditions attribuent les premières
migrations mandingues à Tiramakhan Traoré (Chef
de guerre de Soundjata Keïta, Roi de l'empire du
Mali entre 1235 et 1255), suite à la conquête du
Kabou, de la Gambie et d'une grande partie du
Sénégal.
Les descendants de Tiramakhan se nomment les
« niantio », Mané et
Sané. Ils auraient fondé la plupart des royaumes de la
Sénégambie dont le plus grand était le
Kabou situé à cheval entre la Guinée
Bissau, la Guinée, la Gambie et le Sénégal. Ce royaume
domina toute la région depuis Farim en
Guinée Bissau jusqu'à Niamina (près de
Badibu) en Gambie.
Les zones de peuplement mandingue en Gambie (Niomi -
Badibu - Niani - Wouli - Kiang - Kombo - Diara - Bambouck) et au
Sénégal (les régions de Kolda, Ziguinchor,
Tambacounda, Fatick, et Thiès) sont le résultat de
l'expansion mandingue qui atteignit les plaines du Djolof et du
Cayor ».
Dans le courant du XIVe
siècle, les Guelewars s'installèrent
dans les plaines du Sine et du Saloum, provinces de l'empire du Djolof
qui s'étendait alors du fleuve Sénégal aux rives
de la Gambie. Le Sine, le Saloum comme les autres régions avaient
déjà connu des mouvements migratoires d'ampleur variable. De
petites colonies mandingues ou
« socé » étaient
généralement fixées dans les secteurs salubres et en
communication avec le reste du pays. On les trouvait, pour ce qui nous
intéresse, le long du littoral entre Bargny et Mbour.
C'est de cette première vague de colonisation mandingue que proviennent,
semble t-il, les villages de Gandial, de Malicounda et de
Sali. D'ailleurs, les légendes Sérères et
mandingue rattachent la dynastie princière des
Guelewars du Sine à Mansa Wali Dione
Mané. Ainsi selon L. Aujas « des guerriers de
race mandé, venant de Gabou, chassés de leur
pays d'origine à la suite de guerre intestine, s'enfuirent avec leur
partisans, s'infiltrèrent en Basse Casamance,
pénétrèrent en Gambie. Ils franchirent le fleuve du
même nom, traversèrent le Rip, occupèrent le village de
Coular, dans le Niombato,
s'élancèrent au-delà du Saloum et envahirent le Sine. Ils
s'emparèrent du village de Mbissel, près de
Joal, où ils allèrent et dont ils firent leur
capitale. Le premier prince dont le nom fut transmis par la renommée est
Maïssa Wali Dione. Les Sérères, vaincus
firent leur soumission. » Un fait est tout cas
sûr, selon le professeur Mbaye GUEYE, c'est
l'existence du contact et du métissage des Sérères et des
Mandingues surtout des régions limitrophes comme le Niomi et le
Badibu.
- L'origine de la présence mandingue en Casamance n'est
pas encore déterminée de façon précise. Ainsi les
traditions orales recueillies par le professeur
Sékéné Mody CISSOKO, les
Malinkés sont venus du kabou pour pénétrer en Moyenne
Casamance où ils se sont opposés au Bainunk.
Le Pakao apparaît à travers les
traditions comme la première zone d'implantation. Les quatre premiers
villages mandingues seraient Jana-ba, Diama, Karantaba et
Darsilame. Tous portent des toponymes d'origine islamique. Ce qui
porte à penser vraisemblablement que ces villages sont
créés par des lettrés musulmans. Cela est confirmé
par les habitants de Karantaba et de Udukar. En effet, le
fondateur du village de Karantaba est Fodé Ba
Dramé d'origine Sarakolé et celui de Udukar
est Boubacar Silla, un
diaxanké venu du Boundu.
L'arrivée des immigrants date du XVIIe
siècle selon deux itinéraires : l'une des bords du
Niger, après la chute du Mali au XIVe siècle,
l'autre du Kabou dont les habitants se sont dispersés dans
toute la Casamance surtout après la bataille de Tourban Kansala
(1867).
D'autres peuplements mandingues sont signalés par
l'histoire aux alentours des régions de la haute Gambie (dans l'actuel
département de Kédougou), soit au point de vue historique, les
régions de Niokolo, du
Bélédougou (centre de Kossanto), du
Sirimana (Balakonko), du Dantila (Saraya), du
Bademba (Bandafassi), et des Bassari
(Ethiolo).
Le peuplement de ces régions par les mandingues
remonte à l'époque de Soundiata, au XIIIe
siècle. Les Cissé y fondèrent le CISSELA, qui perdit ce
nom pour s'appeler SIRIMANA lorsque les Cissé reconnurent comme roi un
nouveau venu du Manding, un conquérant nommé Dansiriman.
Au temps de Koli Tinguela, au
XVIe siècle, se sont installés, dans
ce qui deviendra le DATILA (du nom d'un célèbre
chasseur de « dan » - les buffles - qui devint roi du
pays), les Samoura se sont installés dans la région de
Satadougou. Au Sud du NIOKOLO, se sont
installés les familles Keïta, les Sadiogo ou Sadiakhou, les Soukho,
les Soumaré, les Kamara et les Danfaka.
Chapitre III : CADRE SOCIO - CULTUREL
Les mandingues de la Sénégambie sont
subdivisé en plusieurs groupes : les Mandinko
(Malinké), les Kabunko (du Kabu), les
Sarakolé (ou Soninké ou Marka), les
Dianxanké, les Bambara (ou Banmana),
les Dialonké (vers le Sénégal Oriental,
en Casamance et en Gambie).
3.1 - LA SOCIETE MANDINGUE
En pays mandingues, les villages sont souvent groupés
dans une stratégie de défense.
L'habitat est fait de cases rondes ou carrées en bancos
surmontés d'un toit en paille tressé (Kankaran)
et d'une case réservée à la cuisine
(Buntun) mais le plus souvent surmonté d'un hangar
(Buntun Kalan) où sont gardées les
récoltes de l'année. Chaque groupe familial appartient à
un lignage qui vit dans une concession (korda ou
luwo). La concession rassemble plusieurs frères et leurs
familles sous l'autorité du plus âgé. Le groupe masculin
ou daboda se distingue du groupe féminin Buntun
da. Chaque concession était entourée par des haies
élevées qui la séparent du groupe voisin. Le village est
généralement divisé en quartiers des autochtones
(Doumasou - Temasou - Sansankono - Santassou), des marabouts
(Morikounda) et des étrangers (Sourouwakounda -
Diolakounda....). Chaque quartier est parsemé de ruelles
étroites et nombreuses qui dessinent un vrai labyrinthe.
L'autorité du village était exercée
généralement par l'homme le plus âgé de la branche
la plus ancienne du lignage issu du fondateur de la communauté. Le chef
de village se nomme Alkali. Avec l'islamisation,
apparaît l'Almami, chef religieux fort respecté
et souvent consulté par les notables pour toute décision
importante qui intéresse la communauté.
Les hommes et les femmes sont répartis
séparément en quatre groupes d'âge : les enfants, les
adolescents, les adultes et les vieux. Les hommes se regroupent le plus souvent
sous l'arbre à Palabre appelé Bantaba (lieu de
réunion et de repos).
La société mandingue est fortement
hiérarchisée, entre les hommes libres (Foro) et
les esclaves (jon) se trouvent les castes
« Niamalo ou Niamakala .»Ce vocable vient
de :
- « Niama » est, selon la
croyance mandingue, la force, l'énergie qui peut se concentrer dans les
organes vitaux (oeil, foie, coeur, crâne, sang). Il est la vie, le
mouvement, la parole ; c'est une énergie en instance, impersonnelle
qui existe dans les animaux les végétaux et les humains (la
bouche).
- Et de « Kala » qui
désigne un bâtonnet et par extension, une brindille, un caillou
bref tout objet végétal ou minéral que l'on trouve
à portée de main et que l'on jette sur le cadavre d'un animal
(chien, chat, serpent etc....) La plupart des rites initiatiques sont
dirigés par les « Niamalo »
composés de :
- Les « noumo » (les
forgerons) : Ce sont les familles Camara - Kanté - Diassy -
Sonko - Biaye - Thiamo. C'est une caste spécialiste des métaux.
Ils seraient, selon Bocar Ndiaye « les descendants de Noun -
Fahiri, fils de Suntumba de Kaïbara (ville historique du Yemen en
Asie), qui serait venu en Afrique avec Banzoumana Bounfana, conquérant
arabe du XIe siècle.
Noun Fahiri (le mot noumo proviendrait de son
prénom Noun), qui savait extraire les métaux et les
façonner, se fixa en Afrique et transmet ainsi à sa descendance
la profession de forgeron. Cependant, d'après une autre version, les
Noumo sont d'origine hébraïque. Leur ancêtre
serait quelqu'un de très proche du prophète Ibrahim (P.S.L).
- Les « Karanke » (les
cordonniers) : Ce sont les familles Yafa - Touré - Fati -
Niako - Korobun - Danfa - Fadéra - Diawara, Kidiéra, artisans du
cuir. Leur origine remonterait, selon la tradition orale, au temps du
Prophète Mohamed (P.S.L). leur ancêtre s'appellerait
Walali Buraïma.
- Les
« Finna » : Ils portent
généralement les noms de famille Camara, Dahaba, Faty, Yafa. Ils
jouissent souvent d'une vaste culture coranique. Leur performance consiste
à chanter et à exalter la vie du Prophète Mohamed (P.S.L)
à l'occasion des cérémonies religieuses ou familiales
(baptême, mariage, décès). Ils passent, de même que
les griots, les héritiers du premier griot mythique
Sourakata, contemporain du Prophète.
- Les
« Jali » : Dans cette caste, on
distingue les griots de naissance ou des cours royaux (Diebaté,
Kouyaté, Cissokho, Koutoudio, Konté, Sakho, Diolo, Iradian
etc....) et les griots poètes « Forila ». En
fonction de l'instrument de musique utilisé, les mandingues, les
classent en dix catégories :
1- Madiba jalo (ou falala
Jalo ou untang jalo)
2- Joka jalo
3- Bala jalo (balafonniste)
4- Kontin jalo
5- Junjun jalo
6- Bolon bata jalo
7- Kora jalo (les koristes)
8- Danaa jalo (griot chasseur)
9- Rumba jalo
10- Bongo jalo
3.2- LES REALITES CULTURELLES
MANDINGUES
La culture mandingue comporte deux éléments
fondamentaux, l'un animiste et l'autre islamique. L'élément
islamique l'a aujourd'hui emporté dans les peuplements mandingues de la
Sénégambie grâce aux marabouts et aux
commerçants.
Pourtant, beaucoup de mandingues restent très
attachés aux croyances et aux traditions ancestrales qu'ils racontent
souvent avec respect et dignité en dépit de leur esprit
d'ouverture vers les autres cultures et la modernité.
3.2.1 - LES CROYANCES
TRADITIONNELLES
Les mandingues croient à la tradition orale ;
celle-ci baigne la vie quotidienne des villages avec les griots et autres
communicateurs traditionnels.
Par ailleurs, chez les mandingues, chaque individu doit son
existence aux ancêtres qui ont bâti le monde où il
évolue. Ces ancêtres sont célébrés par des
mythes d'origine, des légendes, des contes, des poésies et des
chants initiatiques. La vision que les mandingues font de l'homme, est
révélatrice de leur syncrétisme religieux.
En effet, chez eux, l'homme n'est pas seulement un être
humain. C'est aussi un certain animal appelé Tana et un
certain phénomène appelé Yelema dont il
peut prendre l'apparence. La croyance aux démons est présente
chez les mandingues.
Quoiqu'il en soit de la nature exacte de celle-ci, il est
évident que l'islam n'a pu l'extirper des mentalités. Dans
l'imaginaire collectif mandingue, on retrouve différentes
catégories d'êtres démoniques :
sutamo (sorciers anthropophages), jino
(génies), kondrong et aux jalan
(autels des féticheurs.)
Les démons les plus craints sont : les
sutamo et les jino. Ils occasionnent la
sortie du Kankourang. Selon notre interlocuteur, le Sutamo
possède deux paires d'yeux : Une paire visible commune à
l'espèce humaine et une paire invisible logée au cou. Il a quatre
paires d'ailes au cou, aux épaules, aux poignets, et aux petits orteils.
Il est capable de se métamorphoser en hibou, en hyène, en
serpent...
Quant au Jino (le diable), sa forme et ses
moeurs sont bien connues des initiés. Ses formes sont changeantes ;
il apparaît et disparaît à volonté. Il vit plus
souvent dans les termitières, les montagnes, les forêts, les
grottes, les sources, les marées et sur les tamariniers. On lui donne
souvent comme forme visible celle d'un animal fantastique, d'allure pacifique
ou effrayante. Les endroits qu'il fréquente le plus souvent sont des
lieux déserts, les ruelles, les cimetières et les endroits
boisés. Le Jino peut agir positivement ou
négativement sur l'homme du seul fait de son apparition subite. C'est
pour cela que les populations islamisées mandingues font
régulièrement recours au marabout, personnage remplaçant
le devin, le guérisseur et parfois le sorcier.
En effet, pour le mandingue, le marabout connaît es
versets coraniques, les formules magiques, les chiffres, la numérologie,
et qui a le pouvoir de prédire l'avenir (Juberla),
guérir ou éloigner le mauvais sort (Jarala).
D'ailleurs, selon Finna Malang Faty « il ne peut y'avoir de
sorcellerie sans l'existence de Diables et de Djinns. Ce sont eux qui ont
appris aux hommes la sorcellerie et la magie ». Cette
assertion est confirmée par le Coran quand Dieu dit au
Prophète Mohamed (P.S.L)
« Et ils suivirent ce que les Diables racontent
contre le règne de Souleyman. Alors que Souleyman n'a jamais
été mécréant mais bien les diables ils enseignent
aux gens la magie ainsi que ce qui est descendu aux deux anges Hârout
et Mârout, à Babylone ; mais
ceux-ci n'enseignent rien à personnes q'ils n'aient dit d'abord :
nous ne sommes rien qu'une tentation : ne soit pas
mécréant ; ils apprennent auprès d'eux ce qui
sème la désunion entre l'homme et son épouse. Or ils ne
sont capables de nuire à quelqu'un qu'avec la permission d'Allah. Et les
gens apprennent ce qui leur nuit et ne leur est pas profitable. Et ils savent,
très certainement, que celui qui acquiert ce pouvoir n'aura aucune part
dans l'au delà. Certes, quelle détestable marchandise pour
laquelle ils ont vendu leurs âmes ! Si seulement ils
savaient ! » (Coran
sourate 2.verset 102) pour faire allusion aux juifs qui ont
abandonné la vérité des messages divins et suivi ce que
dictaient les Diables comme magie au royaume de Salomon.
Pour les gardiens de l'orthodoxie religieuse la croyance dans
les bons et les mauvais génies relève du paganisme. Il en est de
même du culte des ancêtres et des mythes et les
cérémonies qui s'y attachent. Ils tiennent la croyance dans les
génies comme une survivance de l'animisme eux- même étant
identifiés au Diable (chaytan) Cette position
fait référence à la sourate 27, verset 65 du
Coran ou Dieu dit « Nul de ceux qui sont dans les cieux
et sur la terre ne connaît l'invisible, à part Allah. Et ils ne
savent pas quand ils seront ressuscités »
Malgré le poids de l'islam, les coutumes et moeurs
traditionnelles sont encore pratiquées, notamment avec la sortie du
kankourang lors des cérémonies traditionnelles d'initiation, les
chants, les danses et costumes traditionnels.
2.2.2 - Les costumes traditionnels
Les costumes traditionnels mandingues ont très
tôt subi l'influence des habits arabes à cause de leur forte
islamisation. Cependant, nous trouvons encore des costumes traditionnels parmi
lesquels nous pouvons citer :
- Dinku sinde?o (ou
Tinku sinde?o) :
c'est une petite culotte bouffante qui va jusqu'à la hauteur des genoux.
Il appartient une certaine classe d'âge, celui des adolescents. Les
mandingues partagent ce costume avec les peuls.
- Daba kurto :
c'est un grand pantalon bouffant qui va jusqu'à la hauteur des
chevilles. Ce costume est très prisé par les vieux il est souvent
porte par les « sakala?o »
(personnes invulnérables aux objets en fer) lors des
cérémonies d'initiation.
-
Kulenbe?o : c'est une bande
d'étoffe avec des cordillères que portent les jeunes
initiés en milieu mandingue.
- Niansun Fano : c'est
le pagne de la jeune initiée. Il est décoré de perles et
des brisures de miroirs. Ce pagne, en général de couleur bleu,
marque le passage d'un monde innocent à un monde mûr ; celui
des adultes. Il est porté à la sortie du bois sacré
(wulaba).
- Dimba jasa fano :
c'est le pagne de la femme qui a des problèmes de
fécondité et de stérilité. Cette femme se distingue
des autres femmes par son déguisement. Elle est souvent vêtue
d'une chemise en bandoulière et d'un pagne décoré de
perles multicolores, et porte autour du cou des colliers de coquillages ou d'os
de poisson. Elle a toujours un bâton où est attaché le
Fara (les fibres du Kankourang). Ce bâton
symbolise l'enfant qu'elle souhaite avoir.
- Dala : c'est le
costume traditionnel du lutteur mandingue. Il est très beau et fait de
tissus de qualités très colorées. Le
dala est constitué d'une culotte et de bandes
d'étoffes larges (laro) qui descendent
jusqu'au mollet. Ce dala est destiné à la parade
et à la danse (Nioborin
?ania)
Il faut signaler, en outre que le dala de parade peut
être porté par les initiés (Niansun)
à leur sortie du Bois sacré pour l'exécution des pas de
danse devant la communauté.
3.2.3 - Les danses traditionnelles
mandingues
Elles sont nombreuses et elles constituent un facteur de
cohésion du groupe. Parmi celles-ci, nous avons :
- Les danses
féminines : lenje?o,
madiba do?o, rumba do?o, kora do?o, jibata do?o...
- Les danses masculines :
Joka do?o, Poule
do?o, Niobirin
do?o...
- Les danses populaires : le
jambado? (danse des feuilles lors des
cérémonies d'initiation ou autres réjouissances
populaires).
- Les danses initiatiques : le
kindo?o (danses des initiés des deux sexes
qui s'apprennent pendant la retraite dans les bois sacrés).
- Le fait culturel qui mobilise le plus la communauté
mandingue de la Sénégambie est sans doute la
cérémonie d'initiation appelée
Kuyang qui occasionne la sortie des Masques.
Kankourang dont les formes et les matières feront l'objet de notre
dossier artistique plastique.
3.2.4 - Le rite de la circoncision
L'initiation, comme annoncé dans la définition
conceptuelle, marque, non seulement le passage d'un état social
à un autre mais aussi l'achèvement d'une période de la vie
l'enfance au profit d'un autre, la jeunesse responsable. Ce rituel comporte,
chez les mandingues de la Sénégambie, des purifications, une
formation du caractère et des leçons d'éducation civique
cours desquelles on apprend aux
«niansun » (nouveaux circoncis) les
conduites, les lois et les coutumes qui régissent la vie des adultes et
de la communauté. Les adolescents sont circoncis
généralement entre douze et seize ans, mais peu à peu
l'âge auquel ils ont soumis à l'opération se rapproche de
petite enfance.
Selon la tradition mandingue, le rite initiatique ou
Kouyan trouve son explication dans un mythe
fondateur. En effet, les mandingues expliquent la circoncision à travers
trois systèmes distincts, le plan cosmologique, le plan
éthnographique et le plan médico-hygiènique et sexuel.
-Les récits mythologiques mandingues prétendent
qu'à l'origine la circoncision était le résultat d'un
désordre. L'auteur de ce désordre est un héros
perturbateur du nom de Pemba, fils de l'ancêtre mythique
Fara. En, voulant retrouver sa soeur jumelle
Maie capturée par ses ennemis,
Pemba a fini pour brouiller l'ordre divin. Ses
péripéties se sont ainsi répercutées sur le plan
humain, si bien que tous ceux qui se réclament de lui doivent circoncire
leurs garçons et exciser leurs filles. L'une et l'autre des
opérations sont censées supprimer la part androgyne dans chaque
sexe en fixant les individus à leurs sexes respectifs.
- Sur le plan éthnographique, il faut noter que la
circoncision ratifie l'entrée de l'enfant dans la vie adulte. Il devient
ainsi un homme.
Enfin sur le plan médico-hygiènique et sexuel,
la circoncision concerne essentiellement le membre viril, puisque celui-ci est
la charpente du système de fécondité.
Ainsi, elle devient une affaire d'hygiène. Les
différentes étapes de cette circoncision sont :
v Les Préparatifs de l'initiation ou
«Jomboyoo» :
- L'annonce, après une assemblée, des vieux et
adultes des localités concernées, de la date de l'initiation
- Les travaux du séjour dans le Kouyan
joujouwo ou wanaos ou Bois
Sacré.
- La campagne d'information ou
Sarandiroo des futurs circoncis auprès de
leurs parents et allées des quartiers et village voisins.
v Le départ pour le Bois
Sacré : Elle comprend deux étapes
essentielles :
- Le regroupement ou Foufandiroo des
futurs initiés chez le Kouyan-mansa
(chef de l'initiation).
- L'accompagnement des futurs initiés vers le Bois
Sacré avec le Jambadon (la danse des
feuilles) qui ne laisse personne indifférent.
v La vie dans le Bois
Sacré :
Le Kouyan
Joujouwo (Bois Sacré) est un lieu de retraite des
circoncis. C'est une sorte de caserne militaire où ne rentre ou sort qui
veut. Le Kankourang prend une part active
à l'éducation et à la formation des jeunes circoncis. Avec
la venue du Kankourang, les initiés ou
niansun se prosternent en signe de respect tout comme
l'adulte dans la rue car regarder le masque droit dans les yeux serait un
véritable signe de défi. Ses accompagnateurs
(lambé ou kintao ou
kombé) sont ceux-là même
qui ont assisté à la création de son mystère dans
son Bois Sacré. Toutes les exigences du masque doivent être
remplies dans le Bois Sacré et au sein de la communauté sinon les
plats de ses deux machettes (Fao) qui s'abattent sur
l'infortuné, initié ou récalcitrant de la
communauté.
Ainsi, il peut même punir des personnes
âgées devant les enfants car il supprime la hiérarchie et
instaure le nivellement primordial des individus.Il favorise le recul de
l'individualisme, préservant ainsi l'unité de la
communauté. C'est pour cela, dès concessions au Bois
sacré, tous les plats destinés aux initiés et
portés par les formateurs sont à l'air libre, seule une baguette
est plantée au juste milieu du met pour conjurer tous les
maléfices et montrer ainsi la stabilité du groupe, sa
pérennité et sa force.
Ce séjour dans le Kouyan
joujouwo est marqué par :
-Les chants et les repas rituels
-Les épreuves d'endurance physique et morale
-Le rêve des initiés ou
sibondiroo qui comprend : la veillée de
chants rituels ou fanikindiroo et banquet ou
sibondi domoroo
-La sortie des nouveaux initiés
ou niansoun bondoo :
Après trois mois d'une longue et dure retraite, les
jeunes initiés sont libérés et remis à leurs
familles dans l'allégresse générale. Ce n'est qu'à
cet occasion qu'ils prennent leur premier bain rituel ou
samasoo. Ce premier bain se fait au marigot. Il
apparaît comme une pratique propitiatoire destinée à
expurger toute impureté, toute souillure chez le nouvel initié
.L'eau des cours d'eau a dans la mentalité collective des vertus
lustrales. En effet, cette eau combat efficacement tous les maléfices.
Le prisonnier, à sa sortie, va au marigot, de même que celui que
les machettes du kankourang auront touché fera de même car on
considère que celles-ci portent malheur.
Au cours de cette épreuve du
samasoo, certains initiés usent de leurs
pouvoirs surnaturels. Durant ces festivités, se souvient
Finna Malang
FATY, «le Kankourang montrait jadis
ses véritables dons mystiques. Volant d'une concession à une
autre, d'un arbre à l'autre, marchant parfois sur les toits des maisons,
lançant des cris stridents.
Il dominait tout le monde avec le bruit métallique de
ses machettes ».
En outre, les nouveaux initiés séjournent dans
un nouvelle hutte ou joujousemaa auprès des
adultes et du Niamalo circonciseur. Ce séjour
peut varier d'un jour à une semaine.
Enfin, les nouveaux initiés participent à la
fête en revêtant une nouvelle tenue généralement
faite de grandes bandes d'étoffes ou kabantao
et d'une chéchia rouge. Ils dansent le kinwo,
danse rituelle des initiés, que seuls connaissent ceux qui ont
fréquenté le Bois sacré.
Les initiés regagnent, au crépuscule, leurs
familles respectueuses accompagnées du
Jambadon.
CHAPITRE IV : GENESE DES MASQUES KANKOURANG
4.1.- ORIGINE ORIENTALE :
Selon Finna Malang FATY dit Man Finda, historien et
communicateur traditionnel, l'apparition du koukanrang daterait de l'ère
du Prophète Abraham (Ibrahima) PSL. Cela
remonterait au 2e millénaire avant jésus Christ. Le
prophète Abraham était membre d'un clan
polythéiste établi à UR en
Chaldée. Il reçut de Dieu l'ordre de quitter sa patrie et de
partir pour un pays inconnu qui devait devenir sa terre promise. Après
un séjour en Egypte, il s'établit à Canaan aves sa femme
Sarata (Sara) et de son neveu
Loth. Là, Dieu demandera à Abraham de
se circoncire, en signe d'alliance avec lui, à l'âge de quarante
(48) ans, selon notre informateur, quatre vingt dix (90) ans, selon la Bible.
Sarata, n'ayant pas d'enfant, demanda à son mari
d'épouser sa servante Adjara (Agar), une
négresse originaire d'Abyssinie, qui lui donna
Ismaël. C'est au cours de la circoncision d'Ismaël
et des autres garçons du village mythique
d'Akwaba que le masque rouge apparaît sous la
forme d'un boubou qui cachait toute la tête. En effet, selon Finna Malang
FATY, « pour éloigner les forces du mal, et sous la
recommandation de Dieu, le prophète Ibrahima
(PSL) fabriqua le masque rouge en miniature appelé chez
les mandingues joubourlan. Ce masque en
miniature est visible de nos jours dans les champs et les rizières sous
formes de marionnette rouge dont le rôle est de protéger les
récoltes contre les animaux (singes, oiseaux, reptiles, ...).
Devant la menace des sorciers sur les circoncis, Dieu ordonna de nouveau au
Prophète Ibrahima, selon toujours notre informateur, « de
porter le masque rouge la nuit, durant toute la circoncision, pour créer
la crainte et la peur éternelle chez les esprits maléfiques et
errantes de l'obscurité. Ce déguisement, appelé chez les
mandingues « Bourmous wouli?o » a
continué d'exister jusqu'à l'ère de
Dianké Waly SANE, dernier roi du
Kabou »
4.2- ORIGINE
MALIENNE
D'après d'autres sources, le kankourang
serait originaire de l'Empire du Mali à partir d'un masque
puissant appelé le Koma. Le
koma fait parti d'un ensemble de masques des mandingues du
Mali entretenu par la société secrète des
komo : c'était des
chasseurs organisés autour de ces sociétés
traditionnelles (Komo, Nama, Koré, Nya).
- Le Koma aurait
été introduit en pays mandé, selon la légende,
par El Hadji Moussa qui n'ayant pas obtenu le pardon de ses
péchés lors de son pèlerinage à la
Mecque, se serait adonne à l'étude de la
magie .
- D'après une autre légende, le
koma aurait été importé d'Orient, non par
El Hadji Moussa, mais par Fa Koli Sissoko
vers le mandé particulièrement chez les Bambara
de Ségou.
La société secrète du
komo est une sorte de famille spirituelle que se
comporte intérieurement comme une communauté à filiation
naturelle. Les cris, les vociférations, les sons tirés des
trompes et des rhombes, initient les cris de
l'éléphant et du lion
La société secrète du
komo s'organise, avec un clergé, d'une discipline et
des règles strictes, autour du magicien. Le culte du
komo se fait par des pratiques magiques.
4.3- ORIGINE BISSAO - GUINEENNE
Le Kankourang dans ses formes actuelles
serait originaire de l'ancien royaume du Kabou plus
particulièrement dans la partie
Bissao-Guinèenne. Son masque était
composé d'un manteau rouge appelé Burmus
wulin qui couvrait entièrement l'initié.
L'apparition du masque en fibres était liée,
selon le Vieux Papiya Touré, à un
événement grave lors la circoncision de Kumus Nema
en Guinée - Bissau au début du
XXe siècle. Le territoire étant sous
administration portugaise. En effet, un circoncis serait
décédé dans le Bois sacré et aurait
créé l'inquiétude au sien des familles.
En représailles contre les sorciers (sutamo
ou buaa), le Kouyan
Mansa et les notables décidèrent la sortie
du masque.
Ainsi, il aurait tué, dans ses représailles, la
fille de Malamine Berthé (d'autres sources
parlent d'une femme enceinte). Ce dernier aurait avec la complicité de
Bourama Bayo (gendarme du service colonial portugais)
porté plainte contre le Kankouran en soutenant
que ce n'est pas un esprit mais une personne.
Le commandant de Kumus Néma
envoya une convocation au Kouyan Mansa en ordonnant le jour et l'heure
auxquels le Kankouran devra
impérativement se présenter. Les notables, après
concertation, se confièrent à la confrérie secrète
du Mama Jombo de
Woye Bironki Touré Kounda.
Sur instruction du Kouyan Mansa
Malang Touré, on envoya un
initié à Kumus Néma. Les notables se sont
présentés, non avec les burmus
wulin mais pour la première fois avec le
costume en fibres extraites des écorces du semmelier (Fara
Jung) appelé Kankouran Fanoo (le pagne du
masque).
Ce jour là, le Kankouran devient
Fambondi (le roi des masques)
et sera désormais identifié dans toute Communauté
mandingue à un Jinné (Esprit).
Ce masque aurait été introduit au Sénégal et en
Gambie au début du XXe siècle. En
effet, c'est en 1904 que le Kouyan Mansa
Baye Mady KOTE (né en 1853 à
Mansa Mansidi dans le Kabou, en Guinée -
Bissau) a introduit le Kankourang
à Mbour.
CHAPITRE V : DESCRIPTION DES MASQUES
Selon Michel LERIS dans : l'Afrique Noire, la
création plastique 1967. « le masque est un faux
visage superposé en face du porteur, mais il peut consister aussi en une
sorte de casque dépourvu de cagoule ou bien un grand vêtement, de
fibre ou de paille sous lequel le porteur disparaît
entièrement »(p 120). Dans sa définition du masque nous
pouvons placer les masques d'initiation des mandingues de la
Sénégambie dans la troisième approche.
Le nom générique de ces masques mandingues est
le Kankourang (celui qui crie). Ils sont connus
également sous d'autres appellations :
Mama (Grand-père) - Gangran
(chez les mandingues du Sénégal Oriental) - Jata
Wuling (lion rouge) chez les mandingues de la Gambie.
Les différents types de Kankourang connus dans
l'espace sénégambien sont :
5.1- LE FARA
KANKOURANG
Le Fara Kankourang est un masque entièrement
couvert de fibres traitées à partir des écorces du
chigommier (Fara Jun). Les fibres sont
découpées et établies sous forme de pagnes appelés
Kabantan qui sont au nombre de trois
(celui des pieds, des bras et du bassin).
- La tête du porteur est couverte par une sorte de
masque heaume appelé Koumbiting
dan entièrement composé de fibres. Ce masque
heaume comprend deux parties :
· Le Joubolo : c'est une
accumulation de fibres attachées qui couvre toute la face du
Kankourang.
· Le laroo : c'est une
longue corde en bandoulière composée de fibres tressées
attachées à ses extrémités.
- Le corps du masque est solidement attaché par des
cordes du dajulo qui forme une multitude de
noeuds visibles sur l'ensemble du déguisement.
- La succession des noeuds entraîne une accumulation des
fibres créant ainsi des volumes aux lignes courbes et aux formes
concaves.
- Le dessèchement progressif des fibres engendre la
couleur rouge du masque qui rappelle celle du burmus wulin. le masque
est muni de deux coupe-coupe de protection.
5.2- LE JAMBA KANKOURANG
C'est un masque qui apparaît généralement
dans les villages mandingues de la Gambie et dans les départements de
Kédougou, de Kolda et de Vélingara (Sénégal).
Son déguisement comprend trois parties :
a) La tête : elle est entièrement
couverte d'un masque heaume dont la face est composée d'une
juxtaposition verticale de tiges de Bambou. Parfois d'autres têtes sont
entièrement couvertes par le Joubolo.
b) Le bassin du masque comprend une accumulation de
fibres extraites du chigommier (Fara) de couleur rouge.
c) Les épaules et les reins du masque sont
couverts de feuilles du Jalo Ju?o. Il porte une
machette et un long bâton
5.3-LE FATAR KANKOURANG
C'est un masque entièrement couvert d'une accumulation
de bandes de tissus en cordillères. Sa matière de base est le
pagne tissé teint de couleur rouge. De nos jours, ce masque existe dans
les villages mandingues du département de Sédhiou. Il est aussi
muni de deux machettes.
5.4 -LE SISAL KANKOURANG
C'est un masque entièrement couvert de fibres du sisal
rouge. Il est muni de deux coupes-coupes.
L'accumulation des fibres accentue sa masse et
créé des structures linéaires qui forment, par les
mouvements du masque des espaces, des courbes, des lignes ondoyantes et des
lignes tourbillons.
CHAPITRE VI - LES DIMENSIONS DU KANKOURANG
Le Kankourang occupe plusieurs dimensions dans l'imaginaire
des peuples mandingues de la Sénégambie. Parmi celles-ci, nous
pouvons retenir :
6.1- LA DIMENSION HISTORIQUE
Les masques Kankourang représentent les ancêtres
mythiques du peuple mandingue. Ils sont destinés à attirer le
couple de Pemba et de
Maïe appelé
« mama » et à capitaliser leur
puissance vitale. Immortels, ils sont les dépositaires du patrimoine
culturel mandingue. Ainsi, leur seule apparition en public raconte l'histoire
d'un peuple et symbolise, du coup, sa mémoire collective.
6.1- LA DIMENSION RELIGIEUSE
Les masques Kankourang sont les supports
privilégiés de la force vitale du « mama »
chez les mandingues. Mystérieux par nature, le Kankourang est
en relation étroite avec l'initiation (Kouyan), soit avec le
cérémonial d'un enseignement que les nouveaux reçoivent de
leurs anciens et sur lequel ils doivent garder le secret. Cette initiation
comporte :
- Un rite de séparation : les
initiés vivent séparés de l'ensemble de la
communauté, pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois dans le Kouyan
joujouwo ou wanao ou Bois sacré. Ce bois sacré se situe à
quatre ou cinq kilomètres du village. La tradition mandingue du
Kabou dit que du bois sacré, on ne dois pas entendre les coups de pilon
des femmes qui sont au village ». Cet isolement des initiés
est une mise à l'épreuve de leur capacité à
surmonter la peur, la douleur et la solitude.
- Un rite de transformation : le Kouyan
reproduit les rapports de subordination et la structure hiérarchique de
la société mandingue. Le corps réel ou symbolique du
niansun (circoncis) est ici utilisé comme parchemin où
viennent s'inscrirent les codes et les valeurs culturelles par une série
d'épreuve, de tortures, de marques, de traces et de coupures.
Cette formation morale et religieuse est confiée aux
Kouyan Mansa (Roi du Bois sacré) à ses assistants
Lambé ou Kintan et sous la protection du
Kankourang.
- Un rite de
réintégration : le Kouyan met l'initié en
présence des esprits et des ancêtres. D'abord, l'initié est
mise en relation avec le sacré sous forme enfantine (les esprits sont
les masques qui font peur), puis il est mis en relation sous forme adulte avec
le sacré (révélation des masques en tant que tels,
distincts des esprits eux-mêmes). Ces deux phases de démonstration
permettent à l'initié de briser la religion superstitieuse des
femmes et des enfants pour s'introduire dans la religion plus spirituelle de
l'homme. Le niansun (le circoncis) intègre ainsi le monde des
adultes.
Les initiés porteurs des masques Kankourang
répudient leur personnalité courante pour devenir, tant qu'ils
sont revêtus, des êtres situés dans une zone confinant au
surnaturel. Les formes des kankourang se réfèrent visiblement
à différents règnes :
- Celui des esprits, matérialisés selon
l'idée qu'on s'en fait ou, parfois, selon les désirs qu'ils
expriment en se montrant en rêve.
- Celui des êtres humains de par ses mouvements ses deux
machettes et ses cris. En milieu mandingue, des précautions (offrandes
et sacrifices, ports d'amulettes et de gris-gris, état d'abstinence,
incantations) sont d'ordinaire tenues pour nécessaires contre les
risques entraînés par la confection et par l'usage du
Kankourang, car celui-ci, outre qu'il est destiné à se
charger d'une force dont le contact est dangereux, tire sa matière
d'éléments naturels conçus (les écorces et les
feuilles d'arbres). Selon l'imaginaire des mandingues, le chigommier
(Fara Ju?o) est l'habitat et la propriété du
Kankourang considéré comme l'expression
du sacré et dont le rôle est de protéger la
communauté contre les esprits néfastes et les sorciers.
6.1 DIMENSION SOCIO-ECONOMIQUE
Les masques Kankourang jouent un rôle essentiel dans le
rétablissement de l'ordre social dans les villages mandingues. Ils
veillent à l'harmonie de la communauté et punissent ceux qui
apportent le désordre et l'insécurité. Ils assurent la
pérennité de l'initiation et garantissant la hiérarchie
sociale.
Ils interviennent directement dans la production
économique (opération d'assainissement, champs collectifs), comme
éléments mobilisateurs des forces. Le kankourang donnait une
bonne leçon de préservation de l'environnement en facilitant la
levée des population lors des travaux publics qui rentraient dans le
cadre de la lutte contre les calamités naturelles, la
déforestation, l'exploitation anarchique des ressources halieutiques
.Il assure la protection des récoltes par ses apparitions et surtout par
ses interdits. En effet, quelques fibres de Fara
détachées de son corps et attachées à la
branche d'un arbre (palmier, manguier, palmier etc....) protégeaient ses
fruits verts contre les vandales. Il faut souligner, qu'aussi longtemps que la
fibre du masque restait accroché à l'arbre, l'interdit demeurait.
6.4- LA DIMENSION CULTURELLE
Les masques Kankourang sont associés aux
sociétés culturelles et secrètes du Mama
Jombo (Guinée-Bissau, Sénégal) et du
Mama Para
(Gambie) composées essentiellement de forgerons (noumo), de
cordonniers (farbo), de vanniers (fino) et de griots
(jalo). Ces derniers sont les dépositaires de l'Institution
traditionnelle du Kouyang (la circoncision). La sortie des masques
Kankourang marque le début des festivités de l'initiation qui
sont liées au Jambadon (danse des feuilles). La danse du
Jambadon est une imitation des mouvements corporels du Kankourang.
Le Jambadon est un fait culturel bien ancré
dans les traditions de la majeure partie des ethnies de Casamance, de la Gambie
et de la ville de Mbour. Les danseurs du Jambadon chantent au rythme
des tam-tams, font deux pas en avant, deux pas en arrière, en
brandissant les feuilles fraîches des arbres, symbole de la
regenérence.
Le Kankourang est le dépositaire de la
culture traditionnelle des mandingues de la Sénégambie. En effet,
la société évolue, les peuples mandingues se
déplacent, mais le Kankourang demeure le témoin
privilégié de ces multiples changements et mutations.
Aujourd'hui, toute la communauté mandingue voire nationale s'est
félicitée de l'élévation du kankourang
comme patrimoine oral et immatériel de l'humanité par
l'UNESCO car il est considéré comme une
expression culturelle originale.
6.1LA DIMENSION ESTHETIQUE
La tradition mandingue ne s'est guère
préoccupée à chercher par delà les significations
utilitaires, sociales ou religieuses, les normes esthétiques du
Kankourang.
Cependant, lorsque nous adoptons une attitude
esthétique face aux différents types de Kankourang, nous
découvrons une richesse plastique intrinsèque de ces
masques ; il s'agit notamment de la variété des formes et
des matières, des lignes, des jeux de volumes
géométriques, arrondis, bombés et des jeux de courbes. A
ceux là, s'ajoute la prédominance des couleurs rouge et verte .La
dimension esthétique du masque Kankourang, par-delà ses
significations utilitaires, sociales ou religieuses, peut s'appréhender
par la forme, les matières et les couleurs.
v La forme :
La forme n'est pas seulement la parure sensible du contenu du
Kankouran mais elle est ce contenu rendu concret. La morphologie de ce masque
met en valeur la puissance des masses ainsi que leur densité. Le
modèle reste à la surface, comme une ondulation profonde.
L'accumulation les plis et la superposition des matières fibreuses du
fara accentuent les volumes et les reliefs des différentes
parties du masque. Les lignes de contour du masque font ressortir une
alternance des lignes courbes concaves et convexes résultant de bosses
et des creux. En effet, l'amas de gonflement des fibres produits une sorte de
revêtement, d'habillage, d'enchevêtrement suggéré par
les différentes cordes nouées. Ces noeuds définissent la
forme finale et les structures du Kankourang.
Les rapports entre l'accumulation des fibres et la
stratification des noeuds engendre les formes des kankourang dans toute leur
plénitude et sous tous leurs aspects. En outre, le formes des
différents kankourang, par leur mouvement, mesurent et qualifient
l'espace et la matière en se manifestant par l'équilibre
précaire de leurs masses, par les variations du clair à l'obscur,
par les tons, par les textures qu'elles soient peintes, collées ou
sculptées.
- Les
matières :
Les masques Kankourang sont revêtus par des fibres, des
feuilles d'arbres
- Les fibres :
Ce sont les éléments filamenteux
végétaux qui sont extraites des écorces du semmelier
Le semmelier (philiostigma
reticulatum) connu en milieu mandingue sous le nom de
Fara Juo (ou niama ke)
et chez les wolof «ngigis» est une plante qui se
rencontre soit sous la forme d'un arbuste à nombreux rejets partant de
la souche, à fût contourné et retombant, de 0,5
à 2m de hauteur, soit, en milieu favorable (Gambie Casamance,
Guinée-Bissau), sous la forme d'un petit arbre au tronc puissant, de 8
à 9m de haut au port tourmenté. L'écorce du Fara
est souvent fissurée longitudinalement, fibreuse et liégeuses. La
souplesse de cette matière, au contact des cordes du
dajulo suggère un agencement des formes en
relief visibles autour des contours de la masse du masque. Avec l'exploitation
abusive du chigommier au profit des bois de chauffe, du charbon, des
cordes, de la fabrication des manches d'outils et de la pharmacopée
traditionnelle, le Kankourang connaîtra un nouveau déguisement
fait de fibres vasculaires végétales extraites de l'agave
(sisal) et des fibres synthétiques (le nylon).
Par ailleurs, les bandes tissées de coton concourent
également à la confection du masque (cas du Mourfé
Kankourang).
Avec l'exploitation abusive du semmelier au profit
des bois de chauffe, du charbon, des cordes, de la fabrication des manches
d'outils et de la pharmacopée traditionnelle, le Kankourang
connaîtra un nouveau déguisement fait de fibres vasculaires
végétales extraites de l'agave (sisal)
et des fibres synthétiques (le nylon). Par ailleurs, les bandes
tissées de coton concourent également à la confection du
masque (cas du Mourfé Kankourang).
- Les feuilles qui entrent dans la confection du Jamba
Kankourang proviennent du caîcédrat.
Le caîcédrat (khaya
senegalensis «jaloo» en
mandingue) est un grand arbre pouvant atteindre jusqu'à 35m de
hauteur, au fût sans branches sur 5 à 10cm et d'un diamètre
excédent 1m chez les individus de grande taille. La cime est puissamment
charpentée et ovoïde. Les branches sont robustes, grisâtre
foncé ou brunâtre et couvertes de petites écailles.
Les feuilles, utilisées pour couvrir certaines parties
du Jamba Kankourang, sont alternes, glabres,
composées, paripennées et groupées aux
extrémités des rameaux.
- Les couleurs :
Les couleurs dominantes des masques kankourang sont : le
rouge des fibres et le vert des feuilles et des cordes
-Le rouge :
En milieu traditionnel mandingue le rouge symbolise l'amour divin. C'est la
couleur du sang frais ou vicié du pacte initiatique. Elle est la couleur
du feu de fara (ancêtre mythique des mandingues).Le
rouge symbolise la vie, la chaleur et la régénération mais
aussi la destruction. Chez les mandingues, le rouge est lié aux
pratiques rituelles de l'initiation, du mariage et de l'intronisation du
Mansa (Roi).D'ailleurs, les souverains du
royaume du Kabou sont intronisés par le port d'un manteau rouge
(Bourmous woulin) sous la supervision des Niamalo .Les deux machettes
du kankourang sont l'oeuvre des forgerons gardiens des métaux
souterrains.
La durée de vie des fibres est relativement très
courte car les conditions de conservation sont très complexes .La
couleur des fibres se dégrade au fil des jours et fait ressortir des
nuances surprenantes visibles sur texture et le volume des masques.
Par contre, au niveau psychologique, le rouge
représenté, selon les chercheurs, la joie de vivre, l'optimisme,
la vigueur, l'instinct combatif et ses tendances agressives, la pulsion
sexuelle, le désir amoureux, la passion, le besoin de
conquête.
v Le vert :
C'est la couleur des cordes et des feuilles fraîches du
Jamba Kankourang et de la danse du
Jamba Dong. Le vert symbolise, le monde végétal. Il est
doté d'un pouvoir de régénération et de
fertilité, car il capte l'énergie solaire et la transforme en
énergie, vitale. Chez les mandingues, le vert témoignait la
courtoisie, l'honneur, la joie, la satisfaction, l'espérance et
l'unité de la communauté. Par ailleurs, le vert désignait
la fondation du temps, la création du monde et symbolisait la naissance
matérielle et spirituelle, c'est-à-dire les mystères de
l'initiation. Sur le plan psychologique, le vert reflète le besoin
d'épanouissement, d'estime, de valorisation, de culture et de
connaissance.
v Les noeuds :
Le Fara Kankourang et le Jamba Kankourang
sont enroulés d'une multitude de cordes à noeuds
entrelacés. Ces noeuds, pris dans leur globalité, constituent un
assemblage accumulé qui contribue à enrichir
l'enchevêtrement dans l'habillage de ces masques. Ils dessinent la forme
finale des masques. Selon Finna Malang FATY «les cordes du
dajulos sont les plus indiquées pour attacher les fibres
du masque en utilisant les techniques de nouages masculins car les noeuds
signifient tafoo c'est-à-dire le secret
symbole sacré chez les mandingues, le noeud est présent dans le
mariage (Futu sitoo), les amulettes
(tafoo), le secret de la parole (Kuma
tafo ; kumokada, damaroo) et
dans le mauvais sort (sitikon)...etc. le noeud
indique la clôture, le secret qui entoure les mystères
sacrés : seuls ceux qui le forment savent le défaire parce
qu'ils en possèdent le secret.
Le noeud est le lien magique utilisé aussi par la
sorcellerie pour troubler l'ordre naturel des choses. Mais, il est ambivalent
et guérit les maux qu'il a provoqués. Les noeuds qu'on retrouve
dans le déguisement des masques Kankourang sont des noeuds
bénéfiques car ils sont les symboles de protection et les moyens
de défense contre les sortilèges, les démons, les maladies
et les animaux.
QUATRIEME PARTIE
ANALYSE DU DOSSIER PLASTIQUE ET PEDAGOGIQUE
CHAPITRE I : DOSSIER ARTISTIQUE PLASTIQUE
Le dossier artistique, plastique est une phase très
importante de notre mémoire. En effet, il constitue un prétexte,
pour les élèves-professeurs de démontrer leurs
capacités d'élaborer une démarche plastique
cohérente par le biais du graphisme, de la couleur et du volume.
Ainsi, pour interroger les formes et les matières des
masques Kankourang, nous avons choisi trois phases :
- La phase descriptive, la phase d'analyse et la phase
d'expression chacune des phases comprend des planches que nous essayons
d'analyser et d'en tirer les intérêts plastiques et
pédagogiques.
I-1. LA PHASE
DESCRIPTIVE :
La phase descriptive ou d'imprégnation est la
première étape de notre démarche. Elle a constitué
à une collecte des images de notre objet l'étude (photos- films).
Ces images sont par la suite reproduites à travers une étude
documentaire. Celle-ci nous permet d'analyser les plus petits détails de
la structure et de la texture de l'image. Elle nous permet également
d'identifier l'organisation du volume, de l'espace et de la forme des
différents éléments de l'image grâce aux ligues de
contour.
Nous avons utilisé dans cette phase quelques
techniques de représentation (graphique-couleurs-volume)
étudiées durant le premier cycle pour traduire plastiquement les
données du réel. En tant que mode d'expression plastique, le
style figuratif permet d'aiguiser notre sens de l'observation et notre
fidélité dans la restitution des images de notre l'objet
d'étude. En se référant à l'histoire de l'art, ce
style, qui consiste à imiter et à copier le réel, nos
rappelle le réalisme de l'art classique européen. En effet depuis
l'antiquité primitive, l'art grec et romain ont été
réalistes, reproductions ou initiations des êtres et des choses
de la nature.
Les deux formes les plus connues du réalisme artistique
ont été appelées portraitisme et
paysagisme. Il y a peu d'artistes qui n'aient pas
réalisé soit des portraits, soit des paysages ou natures
mortes.
Le mouvement réaliste nous rappelle les oeuvres
de :
- Duccio di Buoninsegna (1255-1348) : La Madame Rucellai
- Ciotto di Bondone (1266-1337) : Lamentation
- Léonard de Vinci (1452-1519) : La Joconde (Mona
Lisa)
- Michel-Ange (1475-1564) : La création d'Adam.
- Gustave Courbet (1819-1877° : l'Atelier du
peintre...
Planche N° 01
Dimension : 50 x 35
Support : Papier canson
Technique : Etude documentaire au crayonnage
- Composition : La
reproduction de cette image du masque met en valeur la forme, les
détails de la structure et de la texture, elle fait, ressortir les
notions de contraste, de ligne et de valeur.
- Intérêt
plastique : L'exploitation des données fournies
par ce portait nous permet d'analyser les phénomènes
visuels :
- Le rôle spatial de la lumière et ombre dans la
définition du relief et des valeurs de notre image.
- Les rapports entre la forme et l'espace
- Intérêt
pédagogique : Ce type d'exercice permet à
l'apprenant
- D'observer et de traduire plastiquement les données
du réel
- D'acquérir la maîtrise de la technique du
crayonnage
PLANCHE N° 02 :
- Dimension : 95 x 50
- Support : Carton - Matériels : Peinture
acrylique
- Technique : Alternance des formes et des couleurs
- Composition : Mise en valeur
des formes du masque avec un traitement coloré les silhouettes. Le
contraste coloré chaud/froid éclaire la disposition des
silhouettes du masque et facilite une meilleure lecture de la
composition.-
Intérêt plastique : Des
silhouettes et de leur composition exploitation du contraste chaud/froid.
- Intérêt
pédagogique : Cette planche peut être un
prétexte pour l'exploitation pédagogique des principes
décoratifs et de la technique du pochoir.
Planche N°
03 :
Dimension : 50/35
Support : Papier canson
Matériels : peinture
Technique : Etude
documentaire à la peinture
- Composition : Mise en
valeur des contours de la masse et des formes secondaires du masque
- La reproduction de cette image s'accroche aux plus petits
détails des matières (la structure linéaire dominante-le
relief et les creux de la texture-les couleurs).
- Intérêt
plastique : Analyse des phénomènes
visuels : rôle spatial de la lumière et de l'ombre. Le
rôle spatial de la couleur (la luminosité. Les effets de
rétraction ou de dilatation, de rapprochement ou d'éloignement,
le ton et l'harmonie des nuances). Les rapports entre la forme et l'espace.
- Intérêt
pédagogique : Développer chez l'apprenant
le sens de l'observation et la fidélité dans la restitution des
objets récupérés dans son environnement.
- Acquérir la maîtrise de quelques notions
techniques en peinture (le ton le nuance, le contraste, la
tonalité...)
1.2- Phase d'analyse ou
d'exploitation :
Cette phase s'intéresse à l'identification et
à l'analyse des constituants plastiques, à
l'expérimentation et à l'utilisation des techniques. Ainsi,
à travers un parcours visuels sélectif, nous avons choisi les
formes des bras du masque et avons fait l'analyse formelle des lignes de
contours, des matières et des espaces. Cette analyse s'est
articulée sur : Les lignes dominantes du contour, les rapports de
proportions, la subordination des détails à l'ensemble de la
masse, la répartition formes/valeurs/couleurs/matières,
l'organisation des pleins et vides, les rythmes formels, lumineux et
chromatique. Les procédés plastiques mis en valeur dans cette
phase sont : Les reliefs, le raclage, le sablage, le collage de papier de
tissus et de fibres, la peinture, l'accumulation, la superposition des motifs
et des formes.
Ces procédés plastiques trouvent leur
référence historique dans le cubisme (avec Pablo Picasso, Georges
Braque) et le surréalisme (Marcel Duchamp, Ernst).
PLANCHE N° 04 :
- Dimension : 48 x 23
- Support : Papier canson
- Matériel : Peinture acrylique
- Technique : Etude documentaire d'une fenêtre du
masque
- Composition : Mise en valeur
des détails des structures des nervures de la fibre, de la texture, des
creux, des reliefs, les nuances de la couleur rouge. Ces détails sont
éclairés par l'introduction des effets de lumière et de
l'ombre. La dominance des lignes verticales accentue la pesanteur et
l'accumulation des fibres.
- Intérêt
plastique : Maîtrise des techniques de l'étude
documentaire avec une utilisation correcte des nuances d'une contour- Etude du
camaïeu.
- Intérêt
pédagogique : Observer et reproduire correctement la
fenêtre d'une image.
PLANCHE N° 05 :
- Dimension : 45 x 35
- Support : Papier canson
- Matériel : Peinture acritique
- Technique : Etude documentaire en camaïeu
- Composition :
Traitement plastique d'une fenêtre du masque avec l'introduction des
couleurs froides (verts, bleu) qui créant un contraste de ton et de
tonalité.
- Intérêt
plastique : Etude du contraste, des tons et de la
tonalité des couleurs
- Traitement plastique : avec la technique du
camaïeu.
- Intérêt
pédagogique : Etudier la technique de reproduction de
la fenêtre d'une image. Utilisation des contrastes colorés.
PLANCHE N° 06 :
- Dimension : 56 x 23 x 42
- Support : Ronde-bosse
- Matériels : Peinture, fer, toile de jute,
tissu-colle de farine
- Technique : Assemble-nouage peinture, collage,
enroulement
- Composition : La forme est
traversée par la structure linéaire avec une accumulation des
matériaux. Les contours de la masse tracent les lignes courbes visibles
aux bras et aux pieds avec l'accentuation du volume des fibres créant
ainsi des creux et des reliefs.
- La couleur rouge des fibres contraste avec la couleur jaune
des machettes
- Intérêt
plastique : Construction d'une sculpture en ronde-bosse avec
l'utilisation des matériaux de l'environnement et de la colle de
farine.
- Intérêt
pédagogique : Permettre à l'enfant d'utiliser
les techniques d'assembler, de nuage, de collage.
PLANCHE N° 07 :
- Dimension : 62 x 20 x 24
- Support : Sculpture en ronde-bosse
- Matériels : Fer, tissus, papiers
mâchés, peinture
- Technique : Assemblage, enroulement, nouage,
vaporisation
- Composition :
Représentation de deux colonnes des pieds avec une accumulation des
matériaux autour d'une succession de formes cylindrique. Enroulement et
nouage des cordes pour mettre en relief les contours des deux formes.
Vaporisation des couleurs jaune-or et rouge pour marquer le contraste des
teintes et de tons. Les cordes bleu créant une segmentation des couleurs
et de la masse.
- Intérêt
plastique : Construction d'une sculpture en ronde bosse.
Exploitation des matériaux de l'environnement.
- Intérêt
pédagogique : Permettre à l'apprenant de
construire une sculpture par la juxtapositions des formes cylindriques.
PLANCHE N° 08 :
- Dimension : 77 x 37
- Support : Papier canson
- Matériels : Peinture, tissus, fibres de
coco-colle de farine
- Technique : Assemblage, collage-nouage,
collage-enroulement
- Composition :
Représentation du bras du masque avec la accumulation des fibres en
bas-relief. L'enroulement et le nouage des cordes segmentent les fibres
à structure linéaire verticale. Le traitement plastique de la
forme et du fond du bras. Evoque la dégradation progressive de la
matière et de la couleur. La tonalité sombre de la planche est
liée à l'utilisation de la matière aux couleurs terre.
- Intérêt
plastique : Utilisation des matériaux d'origine
végétale et industrielle dans une composition. Application des
techniques du collage.
- Intérêt
pédagogique : Permettre aux élèves de
coller, le nouer, d'utiliser les colles locales et les matériaux de
l'environnement dans une composition simple.
PLANCHE N° 09 :
- Dimension : 95 x 50
- Support : Papier bristol
- Matériels : Peinture
- Technique : Camaïeu-estampage
- Composition : Traitement de
la forme et de la texture des fibres et de la machette en camaïeu. Le fond
de la planche est traité en estampage. La structure linéaire
verticale accentue la pesanteur de la forme.
- Intérêt
plastique : application des techniques du camaïeu et de
l'estampage
- Intérêt
pédagogique: Permettre aux apprenants d'appliquer deux
techniques plastiques : le camaïeu - l'estampage.
PLANCHE N° 10 :
- Dimension :
- Support : carton
- Matériels : Fibres, mèches, tissus, fils
plastiques, peinture.
- Technique : Assemblage, collage, enroulement, nouage
peinture.
- Composition : Accumulation et
juxtapositions des matières des couleurs différentes. Mises en
valeur de la segmentation des formes et des pleins/vides.
- Intérêt
plastique : exploitation des matériaux de
l'environnement. Utilisation des
matières-couleurs/couleurs-matières pour mettre en relief les
rapports d'articulation, d'imbrication et de pénétration des
éléments de la composition.
- Intérêt
pédagogique : établir les rapports
couleurs-matières et les rapports pleins-vides.
PLANCHE N° 11 :
- Dimension : 74 x 43
- Support : Contre-plaqué
- Matériels : Suies de bois peintures, colle de
farine.
- Techniques : Superposition, collage, peinture
- Composition : Les
formes sont superposées avec une alternance couleur/matière. Le
fond est traité au dégradé lié au bleu. Contraste
chaud/froid.
- Intérêt
plastique : Application des techniques de superposition, de
dégradé lié sur les motifs des bras de maques. Utilisation
des matériaux de l'environnement.
- Intérêt
pédagogique : Permettons aux élèves
d'animer un support par la juxtaposition des motifs décoratifs.
PLANCHE N° 12 :
- Dimension : 108 x 12
- Support : Contre-plaqué
- Matériels : Fibres, papier, peinture, colle de
farine, tissu
- Technique : Collage-peinture, bas-relief
- Composition : Juxtaposition
superposition et entrelacement des formes en bas relief. Contraste
chaud/froid-Impression de mouvement.
- Intérêt
plastiques : Application des matériaux de
l'environnement dans la composition en bas-relief. .
- Intérêt
pédagogique : Permettre à l'apprenant
d'identifier et d'appliquer la peinture et le collage des matériaux dans
une composition. Etablir le rapport couleur/forme/matière.
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