SECTION II- ANALYSE QUALITATIVE DU CORRIDOR
Après les enquêtes nous avons jugé utile
de confirmer nos résultats par des données issues d'une analyse
qualitative faite sur le terrain.
Dans cette partie, les conditions générales de
transit des marchandises seront passées en revue au niveau du corridor
à la lumière des résultats des différentes
enquêtes menées ainsi que de divers rapports et constats faits sur
le terrain. Un accent particulier sera mis sur les délais portuaires et
de transport terrestre ainsi que les tracasseries que subissent les usagers de
la route.
Les opérations portuaires et délais
Le transit des marchandises par le Port Autonome de Cotonou
fait l'objet d'une succession d'opérations depuis l'arrivée du
navire jusqu'au transport de la cargaison par camions. En rappel, les
principales opérations se résument comme suit :
- la réception du navire par la Capitainerie ;
- le débarquement des marchandises qui donne lieu au
dépôt du manifeste auprès de la Douane portuaire et de la
Société Béninoise de Manutention Portuaire (SOBEMAP) ;
- l'établissement de la déclaration en Douane et
sa liquidation ;
- Le stockage des marchandises par le manutentionnaire se fait
sur le parc à conteneurs pour les produits conteneurisés, tandis
que les autres marchandises sont orientées vers les magasins ou le
terre- plein en fonction de leur volume et leur conditionnement;
- Le transit des marchandises qui donne lieu à un
ensemble de formalités tels que l'échange connaissement pour
l'obtention de Bon à enlever, le dépôt de ce document au
service de facturation du port, le paiement des charges, les formalités
du CNUT, la mise à disposition des camions ou des wagons pour le
chargement etc.
Si certaines formalités ou opérations sont
effectuées immédiatement, sans délais (échange
connaissement, facturation du port, obtention de l'autorisation de sortie par
le consignataire, disponibilité de camion pour chargement etc...),
d'autres par contre requièrent des délais plus ou moins longs
(attente de documents, déclaration en douane et circuit pour bon
à enlever, attente de wagons pour le transport ferroviaire par l'OCBN,
transport routier ou ferroviaire etc...).
Le tableau N°5 ci - dessous présente le
délai d'attente des marchandises au Port de Cotonou.
Opérations
|
Durée moyenne
|
Attente de documents
|
3 à 5 jours
|
Echange connaissement
|
Sans délai
|
Dépôt auprès de SOBEMAP pour facturation
acconage
|
Sans délai
|
Déclaration en douane et circuit pour bon à enlever
|
2 à 4 jours
|
Facturation Port Autonome
|
Immédiatement
|
Autorisation de sortie par le consignataire
|
Bon de Sortie
|
Attente wagons pour chargement (transport rail/ route)
|
4 à 6 jours
|
Attente camions pour transport direct
|
Sans délai
|
Sources : Synthèse des rapports d'enquêtes et
Revue Eco 2003
Tableau N°7 : Délais d'attente des
marchandises au PAC
Les délais au PAC ne se limitent pas seulement aux
opérations décrites ci haut. Nos différentes
enquêtes et recherches ont en effet révélé que les
difficultés d'accès à l'enceinte portuaire par les
camionneurs constituent également un facteur de perte de temps. En effet
l'exiguïté du domaine portuaire ne permet qu'un accès
filtré des camions dans l'enceinte portuaire, ce qui pénalise
souvent les marchandises de l'hinterland, notamment les conteneurs.
Le Transport terrestre des marchandises et
délais
L'acheminement des marchandises sur le Niger par le corridor
béninois offre la possibilité d'utiliser soit le transport
combiné rail/ Route à travers l'OCBN, soit le transport routier
de bout en bout, de Cotonou jusqu'au Niger.
Le transport combiné
En terme de délai, le transport combiné rail/
route est le plus pénalisant. Le problème de disponibilité
à temps des wagons au port, couplé avec la vétusté
des infrastructures ferroviaires, la rupture de charges à Parakou et les
opérations de transbordement occasionnent un délai de route
prolongé. Cependant, parmi les opérateurs économiques
soumis aux questionnaires (chargeurs et transporteurs), aucun n'a
effectué le transport à travers l' OCBN. Ce qui signifie que le
ferroutage est actuellement très peu utilisé, au profit du
transport direct.
Le segment ferroviaire, long de 438 km est franchi en une
journée en moyenne. Les opérations de transbordement et autres
formalités (lettre de voiture, délivrance du Carnet de Transit
Routier, le laissez passer de l' OCBN etc...) peuvent prendre jusqu'à
deux jours.
Il convient de noter que les camions de pool OCBN font
généralement face à moins de formalités et de
tracasseries sur la route à partir de Parakou par rapport à ceux
qui effectuent le transport direct.
Le parcours routier Parakou - Malanville, distant d'environ
465 km est effectué en une demi- journée sans compter les
formalités de transit frontalier.
A l'étape de Gayâ au Niger, on assiste
également à la levée d'un nouveau Carnet (CTR), au
prélèvement du fonds de Garantie (0,25 % de la valeur CAF de la
marchandise) et à l'organisation d'une escorte douanière jusqu'au
bureau de dédouanement indiqué. Les 300 km reliant Gaya à
Niamey sont en général franchis en une demi journée.
Le transport routier direct Cotonou - Niger
Sur le corridor, le transport routier de bout en bout a pris
de l'ampleur surtout en raison du mauvais fonctionnement de l'OCBN. Selon les
réponses données par la plupart des opérateurs
économiques interrogés, les délais de route Cotonou
destination Niger sont les suivants :
· Cotonou - Niamey (1056 km) : 4 à 5 jours
· Cotonou - Gayâ (760 km) : 3 jours
· Cotonou - Arlit (2180 km) : 14 jours
· Cotonou - Maradi ou Tahoua (1433 km) : 6 à 7
jours.
Comme on le verra plus loin, ce parcours est jalonné de
multiples barrières occasionnant ainsi des arrêts et pertes de
temps pour les camionneurs.
Les tracasseries routières sur le corridor
Comme démontré dans les précédents
développements, le corridor béninois occupe la première
place en terme de volume de fret nigérien en transit à
l'importation. Les raisons de cette suprématie sont notamment d'ordre
géographique (distance relativement faible par rapport aux autres voies
de desserte avec traversée d'une seule frontière).
Cependant, de l'avis de la majorité des usagers
empruntant ce corridor, l'insécurité et les tracasseries
routières en ont longtemps constitué les principaux handicaps. En
effet nos enquêtes ont révélé de nombreux goulots
d'étranglement qui pénalisent le corridor. Il s'agit, notamment
de :
- l'insécurité des personnes et des biens dans
l'enceinte portuaire (vol de marchandises et des organes des véhicules
d'occasion, accidents, brutalités sur les chauffeurs et leurs apprentis
etc...).Mais avec l'application des normes internationales de
sécurité et de sûreté portuaire régies par le
code ISPS les entrées dans le port de cotonou sont désormais
minutieusement filtrées. Aussi à compter de Janvier 2009
l'accès au port de Cotonou se fera avec des cartes d'accès
personnalisées dotées de puces électroniques. Ce
problème d'insécurité et de vol dans le port ne saurait
plus donc constituer un vrai goulet d'étranglement
- l'importance des faux- frais et la pléthore des
barrages de contrôles sur les axes routiers. Les enquêtes
menées par l'Observatoire des Transports entre 2003 et 2005 ont
également confirmé l'existence d'une trentaine de postes de
contrôles sur l'axe Cotonou - Niamey sans compter les barrières
des Syndicats, des péages routiers et des Municipalités.
Au niveau de la plupart de ces postes, le rançonnement
est systématique. En moyenne, une somme de 1000 F à 5000 F est
prélevée par les agents en poste. Les temps d'arrêts sont
variables et vont de 7 à 12 minutes, selon certains chauffeurs.
Les véhicules d'occasion sont systématiquement
rançonnés à chaque barrière de contrôle. Pour
la traversée de certaines villes, des taxes de voirie d'un montant
correspondant à 0,85% de la valeur déclarée sont
prélevées sur chaque camion chargé.
Une certaine accalmie a été observée
à partir de 2005, avec la mise en application de nouvelles mesures qui
consistent à effectuer des contrôles (police, Douane, Gendarmerie)
dans l'enceinte portuaire à tous les véhicules en transit et
à leur délivrer un macaron.
Selon ces nouvelles dispositions, seule l'authenticité
de ce macaron est contrôlée tout au long de l'itinéraire.
Un Comité de Coordination pluridisciplinaire pour le contrôle des
Corridors du Bénin a été mis en place sous l'égide
de la Chambre de Commerce du Bénin. La mission de ce Comité se
résume à superviser la libre circulation des marchandises des
pays de l'hinterland, à s'assurer que les transporteurs ne subissent
plus de tracasseries et que les postes de contrôle sont effectivement
réduits. Parallèlement, un autre Comité paritaire
similaire devrait être créé au niveau de chaque pays de
l'hinterland. Malheureusement tous ces Comités n'ont en
réalité pas fonctionné de façon efficiente et
pérenne à cette date, par manque d'un suivi rigoureux.
Toutefois, de l'avis de certains transporteurs, le
système de contrôle du macaron a permis d'observer un léger
répit concernant les tracasseries, pendant un certain temps.
Le récapitulatif des délais sur le corridor
béninois est présenté dans le tableau ci- dessous.
Différentes opérations
|
Mode de transport
|
Délais
|
Vrac et sacherie
|
Conteneurs
|
Formalités portuaires
|
Rail
|
12 à 15 jours
|
10 à 19 jours
|
Route
|
8 à 9 jours
|
Transport terrestre
|
Transport combiné
|
4 à 5 jours
|
3 à 5 jours
|
Transport routier
|
3 jours
|
Total
|
Transport combiné
|
16 à 20 jours
|
Transport routier
|
11 à 12 jours
|
Sources : Revue Eco 2003 et enquêtes sur le terrain
2004
Tableau N°8: Récapitulatif des délais sur le
corridor béninois
PARAGRAPHE II- SUGGESTIONS ET
RECOMMANDATIONS
Avant d'aborder cette question, il faut souligner que les
problèmes auxquels sont confrontés le Transport de marchandises
par route sur le corridor BENIN-NIGER ne lui sont pas pour autant
spécifiques; ils se généralisent quelque peu à
l'ensemble de la sous-région. Ainsi les recommandations que nous
formulerons ne seront donc pas seulement valables pour les deux pays
concernés à savoir le NIGER et le BENIN, mais aussi en partie
pour tous les autres pays de la région.
A : LE ROLE A JOUER PAR LES
ETATS
Il s'agira d'enclencher des mesures de facilitation du
commerce des marchandises en transit à travers la simplification,
l'harmonisation et la normalisation des procédures applicables à
ces marchandises transportées d'un pays à un autre, notamment en
matière de douane, de réglementation, d'assurance et
d'opérations bancaires, ainsi que tout autre mesures qui influe sur le
mouvement transfrontière des marchandises. Pour les pays sans littoral,
notamment le NIGER, ceci constituera à améliorer la
fluidité du transit des marchandises.
Le NIGER, tout comme le BENIN pays de transit, devraient
accorder une importance particulière à la simplification,
à l'harmonisation et à la normalisation des procédures
administratives et juridiques liées aux opérations
douanières, au transit et aux formalités portuaires.
L'utilisation de systèmes d'information sur les marchandises peut
également simplifier et accélérer l'acheminement physique
des marchandises en transit.
Il faudrait en outre parvenir à des compromis
concernant les problèmes qui empêchent de donner effet aux accords
convenus de transit au niveau bilatéral et régional, telle la
Convention sur le transit routier inter-États, ce qui faciliterait
grandement l'application de ces accords et, partant, améliorerait le
transport en transit.
Des infrastructures modernes et efficaces de transport peuvent
sensiblement contribuer au développement économique du NIGER et
du BENIN en leur permettant de participer de manière avantageuse au
processus d'intégration régionale et de mondialisation.
C'est le lieu ici de féliciter le gouvernement
Béninois pour certaines nouvelles réalisations entre autres
-la mise en place d'une représentation du Port de
Cotonou au NIGER
-la construction du Terminal MAERSK-NIGER (Port sec) au port
de Cotonou
-les travaux en cours pour la réalisation d'un Port sec
à Parakou
Cependant, outre le financement et l'investissement requis
pour mettre en oeuvre les stratégies préconisées, il faut
pour que de tels efforts portent leurs fruits que les gouvernements des deux
pays manifestent la volonté politique nécessaire afin de
remédier aux problèmes persistants de transit.
B- UNE PRISE DE CONSCIENCE DES ENTREPRISES DE
TRANSPORT
Il apparaît évident que de nombreux efforts restent
à fournir à ce niveau. En effet un renouvellement de leurs moyens
roulants s'impose ou tout au moins elles doivent leur assurer une maintenance
permanente afin de limiter en partie les multiples pannes observées le
long du corridor.
Aussi les propriétaires des camions pourraient se
réunir en groupement économique afin de mieux s'imposer sur le
terrain. En effet ils auraient un parc plus impressionnant et seront contraints
de mieux structurer et gérer leur entreprise désormais commune,
les intérêts de chacun étant en jeu. Ils pourraient aussi
former des associations à l'image des conférences maritimes, ceci
pour fixer des conditions visant à la réduction de la concurrence
déloyale sur le terrain.
Un autre avantage de se regrouper serait qu'ils auraient une
facilité d'obtenir des financements auprès des grandes
Institutions Financières.
C -INVESTIR EFFICACEMENT EN QUALITE DES
TRANSPORTS
D'un point de vue strictement commercial, l'investissement en
qualité des transports va engendrer des coûts logistiques
supérieurs. Les entreprises demeurent sous la pression de la
compétitivité à laquelle il n'est pas envisageable de se
soustraire.
Néanmoins, en transportant mieux, beaucoup moins de
marchandises subiront d'avaries durant le transport parce qu'en effet,
aujourd'hui, des milliers de tonnes de marchandises sont endommagées
durant le transport chaque année et il convient d'y remédier.
Pour les transporteurs, un transport de qualité
engendrerait une confiance certaine de la part des importateurs, ainsi cela
permettrait de compenser leur investissement en augmentant leur chiffre
d'affaires en transportant plus.
Mais un investissement en qualité des transports
produirait une hausse des prix pouvant être en partie compensée
par davantage de confiance dans les produits (augmentation des commandes). A
l'heure où le pouvoir d'achat baisse, que des guerres se poursuivent
dans le monde, et au vu de la conjoncture économique actuelle, la seule
manière de lier le transport de qualité au prix des produits sur
le terrain est d'octroyer des aides aux transporteurs pour les inciter à
investir dans de nouveaux véhicules.
Une fois que les entreprises de transport et les gouvernements
ont évolué dans leurs mentalités et qu'ils ont pris
conscience du rôle qui est le leur, il est nécessaire qu'ils
désirent un changement certain.
Bien que très proches, les notions d'évolution
des mentalités et de désir de changement restent distinctes. En
effet, comprendre le problème est important, mettre en oeuvre une
solution et l'appliquer reste capital.
En admettant l'évolution des mentalités
effectuée et le désir de changement latent, il faut maintenant
réunir les moyens nécessaires afin de mettre en place les
nouveaux aménagements possibles pour le transport de marchandises
par route.
LIMITES DU TRAVAIL
Qu'il s'agisse de barrières financières ou
organisationnelles, travailler conjointement sur de nouvelles méthodes
de transport international de marchandises par route n'est pas une tâche
aisée. En effet, cela demande du temps et de l'argent.
· -Au niveau Béninois et Nigérien, à
combien doit s'élever l'enveloppe globale pour un investissement en
qualité des transports ?
· Cette enveloppe doit-elle faire partie des budgets
nationaux ou doit-on créer une nouvelle politique des transports des
marchandises?
· A combien doit se monter cet investissement?
· Les deux pays sont-ils aptes financièrement ?
Voici un certain nombre de questions qui demeurent sans
réponse. Actuellement, nous ne pouvons répondre à cela.
Nous pouvons mettre en place quelques hypothèses, demander une
étude complète de cet investissement, travailler avec des experts
en logistique des transports mais ne pouvons apporter une réponse
financière concrète pour le moment.
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