4.2.2. Résultats
économétriques et interprétations
Pour mieux examiner l'association entre le travail des
enfants et le rendement scolaire, il a été jugé
nécessaire de procéder à des analyses multivariées
relatives au genre et au lieu de résidence. Les résultats de ces
analyses qui figurent dans les tableaux 10 et 11 ont été obtenus
à l'aide du logiciel STATA 9.
4.2.2.1. Analyse du
rendement scolaire selon le sexe
Les résultats du tableau 10 nous montrent globalement
qu'au Cameroun, toutes choses égales par ailleurs, les garçons
ont environ 22 % de chances en moins de négocier leur passage en classe
supérieure que les filles. Le milieu de résidence influence
significativement le rendement scolaire des enfants. En effet, les enfants
vivant en milieu urbain ont 27 % de chances en plus de réussir que leurs
homologues résidant en milieu rural. Ce constat est plus marqué
chez les garçons, soit de 30 % contre 24 % chez les filles.
Généralement, la réussite scolaire est moins probable dans
le groupe d'âge 5-9 ans que les autres. Cette association se maintient
quelque soit le sexe. Par ailleurs, dans l'ensemble, les conditions de vie
demeurent également déterminantes dans le parcours scolaire des
élèves. Les enfants issus de ménages pauvres ont 25 % de
chances en moins de réussir que leurs prochains issus de ménages
moyens. Cette relation n'est significative que pour le genre masculin.
Néanmoins, les enfants logeant dans des maisons sans
électricité ont 28 % de chances en plus de réussir que
ceux vivant dans des logements possédant de l'électricité.
Cette association n'est cependant significative que chez les filles. Ce
paradoxe peut trouver raison dans le fait que le premier groupe d'enfants,
à savoir ceux ne possédant pas d'électricité, ont
leur énergie canalisée sur l'essentiel à savoir leurs
activités académiques. De plus, le fait d'être
privés d'électricité les oblige à travailler de
façon assidue notamment avant la tombée de la nuit afin de ne
point abîmer leurs yeux. Par contre, la deuxième classe d'enfants
sus-citée a davantage de loisirs audiovisuels.
Outre les résultats obtenus plus haut et qui
confirment certaines présomptions, les équations
élaborées conduisent à une association positive entre le
travail des enfants et le rendement scolaire. De manière globale, toutes
choses égales par ailleurs, la probabilité de réussite
croît avec le temps consacré au travail. Ainsi, un enfant qui
travaillera une heure de plus que son semblable aura près de 2 % de
chances en plus de réussir que lui. Mais cette croissance n'est pas
infinie. En effet, la valeur du rapport de chances inférieure ou
égale à 1 liée à la variable « heure de
travail au carré » (ou encore le coefficient estimé
négatif associé à cette variable) indique que la
probabilité de réussite augmente fortement dans les
premières heures de travail, puis croît de moins en moins au fur
et à mesure que le temps évolue, pour ensuite s'estomper. Cette
valeur n'est toutefois pas statistiquement significative chez les
garçons. Le fait de travailler semble positivement associé
à la réussite scolaire. Les enfants qui travaillent ont 21 % plus
de chances de réussite que ceux qui ne travaillent pas. Cette
association forte significative et bien intense chez les filles, l'est moins
chez les garçons. En particulier, de manière
générale, ceteris paribus, la probabilité de
réussir croît avec le nombre d'heures de travail domestique et un
enfant travaillant une heure supplémentaire a en plus 3 % de chances de
réussir que son congénère. Comme pour les heures de
travail total, cette croissance n'est pas infinie. Toutefois, cette relation
n'est statistiquement significative que chez les garçons. Tous ces
résultats tendent simplement à élucider le fait que
lorsqu'un enfant travaille pendant un nombre d'heures ne dépassant pas
un certain seuil, il a autant de chances de succès que son homologue qui
ne travaille pas.
Qu'est ce qui peut expliquer le fait que les enfants qui
conjuguent école et travail au Cameroun réussissent mieux que
leurs camarades qui ne font que l'école ? Ce résultat peut
s'expliquer par le fait que l'assimilation des leçons peut se faire
généralement lors des cours en classe et non seulement à
la maison. Comme nous l'avons constaté, les enfants bi-actifs sont
autant assidus que ceux ne faisant que l'école. Pour cela, les enfants
ne se consacrant qu'à l'école ne sont pas forcément plus
avantagés que les enfants travailleurs. En outre, rien ne
démontre que les enfants qui font seulement l'école
étudient plus que ceux qui travaillent. En effet, le temps de loisirs
des enfants qui ne travaillent pas peut être supérieur à
celui de travail des enfants bi-actifs. De plus, les loisirs absorbent plus
l'esprit de l'enfant que le travail. En général, les enfants
bi-actifs sont issus de familles démunies. Pour ces familles, pourvoir
aux moyens financiers nécessaires à l'instruction de l'enfant est
un investissement fort important. Ceci conduit à une attention
particulière des parents quant à la réussite scolaire de
ce dernier ; d'où la responsabilisation de l'enfant, même
très jeune. De fait, quand celui-ci ne réussit pas, il est
généralement forcé de mettre fin à son cursus
scolaire, les parents ne voulant plus prendre de risques face à
l'échec, preuve d'un investissement non rentable. Ainsi, ces enfants
sont conscients que leur avenir leur appartient et sont donc
déterminés à réussir.
Par ailleurs, comme on pouvait s'y attendre le nombre de fois
par semaine où l'enfant se rend à l'école influence
positivement le rendement scolaire de l'enfant. Ainsi, un enfant qui ira
à l'école 1 jour de plus que son camarade aura environ 8 % de
chances en plus de réussir que ce dernier. Le constat est significatif
pour les garçons mais nullement pour les filles. Les enfants de 5-14 ans
du niveau secondaire ont 3,3 fois plus de chances de réussir que ceux du
niveau primaire. La possession des livres de lecture et de mathématiques
favorise la réussite scolaire des enfants. Dans l'ensemble, un enfant
qui possède le livre de mathématiques (respectivement le livre de
lecture) aura 47 % (respectivement 40 %) plus de chances de succès que
son camarade qui n'en possède pas. S'agissant du livre de
mathématiques, cet avantage est plus accentué chez les
garçons, soit de 58 % contre 26 % chez les filles. Tandis que pour le
livre de lecture, cet atout est plus marqué chez les filles, soit de 65
% contre 30 % pour les filles. Ceci laisse croire que les garçons sont
plus doués en mathématiques et les filles plus douées en
français. Le nombre d'enfants de moins de cinq ans dans le ménage
semble avoir un poids assez important sur le rendement scolaire des enfants.
Les résultats du tableau 10 illustrent bien ce constat. En effet, la
probabilité de succès décroît avec le nombre
d'enfants de moins de cinq ans présents dans le ménage. De ce
fait, un enfant qui vit dans un ménage où le nombre d'enfants de
moins de cinq ans dépasse de un celui de son homologue, aura 10 % de
chances en moins de réussir que ce dernier. Ce constat se justifie par
le fait que les enfants résidant dans les ménages avec des
enfants de moins de cinq ans consacrent probablement moins de temps à
leurs études les soirs à la maison, car ils doivent aider leurs
parents dans l'entretien et l'éducation de leurs frères et soeurs
moins âgés.
4.2.2.2. Analyse du
rendement scolaire selon le sexe et le milieu de résidence
L'analyse selon le milieu de résidence laisse croire
que le travail des enfants a un rôle à un effet significatif sur
le rendement scolaire des enfants. Un enfant qui travaille a plus de chances de
réussir que celui qui ne travaille pas et ceci quelque soit le milieu de
résidence. Le volume horaire de travail joue un rôle positif sur
le rendement scolaire des enfants en milieu rural et spécifiquement chez
les filles. Tandis que les tâches domestiques jouent un rôle
positif sur le travail des enfants en milieu urbain et particulièrement
chez les filles. Toutefois, cette intensité n'est pas infinie. Quant aux
garçons des milieux urbain et rural, aucune relation entre le nombre
d'heures de travail total, en particulier celui domestique et le rendement
scolaire n'est significative. Quelque soit le milieu de résidence et
quelque soit le sexe, la réussite des enfants âgés de 5
à 9 ans est moins probable que celle des autres. Le nombre de jours par
semaine où un enfant se rend à l'école influence
positivement le rendement scolaire chez les garçons et ceci
indépendamment du milieu de résidence. Concernant le sexe
féminin, la relation n'est pas significative. De façon globale,
le fait de posséder le livre de mathématiques ou le livre de
lecture est un facteur favorable à la réussite tant dans le
milieu rural que dans le milieu urbain. Pour le livre de mathématiques,
cette association se vérifie tant chez les garçons que chez les
filles du milieu urbain et n'est significative que pour les garçons en
zone rurale. S'agissant du livre de lecture, la relation se vérifie tant
chez les garçons que chez les filles du milieu rural et n'est
significative que pour les filles en milieu urbain.
Les modèles d'analyse construits selon le milieu de
résidence font penser que la présence des enfants de moins de
cinq ans dans le ménage joue un rôle négatif sur le
rendement scolaire des enfants. Cependant, cette association n'est
déterminante que chez les filles en zone rurale. Le niveau d'instruction
du chef de ménage influence positivement et fortement la réussite
scolaire des enfants garçons vivant en milieu urbain ; le contraire
est néanmoins observé en ce qui concerne le niveau d'instruction
de la mère du ménage. En considérant le niveau de vie du
ménage, les résultats du tableau 11 montrent que les filles en
zone urbaine issues des ménages très pauvres ont 41 % de chances
en moins de réussite que leurs camarades filles du milieu rural. Par
contre, les filles en milieu urbain logeant dans des ménages utilisant
l'énergie électrique ont 48 % de chances en moins de
réussir que celles résidant dans des ménages n'ayant pas
accès à l'électricité. Les garçons du milieu
rural semblent beaucoup aider leurs parents dans l'entretien et
l'éducation de leurs frères et/ou soeurs moins âgés.
Les résultats du modèle 6 (tableau 11) illustrent bien cette
observation. En effet, les garçons du milieu rural ont plus de chances
de réussir quand il n'y a aucun enfant de moins de cinq ans dans le
ménage. De plus, les ménages ruraux qui vivent en
général dans les conditions économiques les plus
difficiles, n'utilisent pratiquement pas de domestiques. La main d'oeuvre
infantile demeure alors indispensable dans ce contexte.
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