DISCUSSION
Cette approche qualitative donne des éléments de
description de l'organisation des services de prise en charge à travers
la structure organisationnelle qui est satisfaisante dans l'ensemble
excepté le service d'accueil du CHD/O.P. L'étude permet aussi
d'évaluer le niveau de performance du personnel qui est assez bon, de
mesurer le niveau de satisfaction des utilisateurs qui est assez bon, mais qui
est non satisfaisant chez les prestataires. Enfin, nous avons
récolté des facteurs liés aux accessibilités
géographique, financière et linguistique dans les
différents services. Ce sont ces principaux bénéficiaires
des services de prises en charge qui ont exprimé leur opinion sur la
qualité des services.
Une étude de prise en charge psychosociale du malade du
SIDA et du séropositif réalisée à Cotonou en
janvier 1996 avait interviewé 19 jeunes. Les adolescents, et adultes
jeunes sont en effet sexuellement plus actifs. Ils sont également actifs
économiquement et leur apport en revenus dans la famille est
substantiel. Leur état infectieux entraîne donc un amenuisement
des ressources familiales et par ricochet, de nombreux problèmes sociaux
[Onambele G, 1999]. Selon ARCAT-SIDA que « les décès
d'adultes jeunes laissent de nombreux enfants, femmes et vieillards sans
soutient » [Ministère de la Santé Publique, 2002].
« Nous voulions rester ensemble après que nos
parents et nos grands-parents soient morts du SIDA. J'aimerais bien retourner
à l'école, mais nous n'avons pas d'argent....Je dois travailler
dur pour avoir une bonne vie et prendre soin de moi pour ne pas attraper la
maladie comme ma mère et mon père. ». Félix, 15
ans, seul travailleur rémunéré dans une famille qui compte
ses cinq frères et soeurs plus jeunes ainsi qu'un grand-oncle de 80 ans.
Martin 25 ans, étudiant, dit à l'assistant social :
« Je sais depuis deux mois que je suis séropositif. Je suis en
arrêt maladie pour 15 jours. Je suis dépressif. Je n'ai pas
d'intérêt, je suis vide... Je n'arrive pas à rencontrer
l'autre... Je suis très angoissé à l'idée de
mourir. Je me demande comment gérer cette
séropositivité ; je suis envahie par mon imaginaire de
mort». Au moment de l'annonce de la séropositivité, il est
naturel que les personnes rencontrent des difficultés psychologiques
[PNLS Bénin, 2004]. L'annonce d'une maladie grave entraîne
souvent un état dépressif et un repli sur soi. L'angoisse est
alors envahissante, on se sent ralenti, on n'éprouve plus rien. Il est
fréquent qu'on perde le goût de se nourrir et qu'on ne puisse plus
assumer le quotidien. Les troubles du sommeil sont souvent rencontrés.
C'est une tragédie sociale que les jeunes soient exposés à
des maladies incurables qui n'ont pour issues que de les faucher dans la fleur
de l'âge laissant généralement des progénitures
très jeunes sans soutient réel.
Cette épidémie est une menace pour la population
car consciemment ou non ces jeunes infectés vont distribuer facilement
le mal et rapporte cette recommandation de l'OMS que « ...la
population du groupe de 15 à 24 ans est la plus vulnérable et
devrait être activement protégée contre la pandémie
VIH/SIDA... » [Edouard, 2000 ; OMS, 2003].
30 femmes sur les 51 enquêtés sont les plus
touchées que les hommes. Ces résultats se rapprochent
également de ceux déclarés par le PNLS où les
femmes représentent 96% chez les femmes mariées. Cette forte
représentation féminine pourrait être expliquée par
des raisons traditionnelles [Population Services International, 2000]. Il est
en effet est toléré que les l'homme africain et même
polygame puissent avoir des rapports extra conjugaux alors que chez la femme,
de tels actes sont réprouvés et sanctionnés par la
société. L'homme qui peut avoir plusieurs partenaires sexuels se
trouve par conséquent plus exposé et en cas d'infection, il vient
contaminer sa femme. Cela peut s'expliquer également par leur
vulnérabilité face à la maladie, aussi du fait de leur
situation socio économique précaire et la polygamie constituent
un risque de dissémination du VIH [Sossou, 1997].
Les personnes célibataires sont plus atteintes (36%).
Cela s'explique par le fait que le libertinage sexuel est plus observé
dans cette catégorie sociale. Le célibataire s'arroge le droit
d'activités sexuelles multiples, prétextant souvent qu'il faut
varier pour faire un bon choix. Dans le contexte actuel, une telle variation
expose au SIDA et doit être contrôlée à défaut
de pouvoir l'éviter [Ministère de la Santé Publique,
2002]. Les femmes travailleuses de sexe qui se livrent à plusieurs
hommes pour des raisons pécuniaires partagent à chaque acte le
VIH/SIDA aux clients non avertis ou têtus [PNLS Bénin, 2001].
La population du niveau d'instruction primaire et secondaire
occupe une proportion importante dans notre échantillon. En effet elle
connaît les méthodes modernes de protection tel le
préservatif ou elle en a entendu parlé au moins une fois. Aussi
est-elle réticente prétextant que le préservatif diminue
le plaisir, qu'il n'est pas naturel et n'est pas un moyen sûr. De part de
leur occupation principale, ce sont les chauffeurs qui sont les plus
touchés. Leurs métiers les obligent à se déplacer
pendant longtemps loin de leurs maisons, ce qui peut les amener à avoir
des comportements à risque [PNLS Bénin 2001]. Toutefois il faut
remarquer que la profession et le niveau d'instruction ne sont pas un
« préservatif » contre le VIH/SIDA, moins encore le
titre de l'individu dans la société.
Le christianisme regroupe à lui seul 23
séropositifs et malades de SIDA sur les 51, suivi de la religion
traditionnelle (30%). A Porto-Novo, il existe une forte influence de
l'église. Le fort taux de chrétien nous incite à penser
à l'importance de l'utilisation des églises pour l'information,
l'éducation et la communication sur le SIDA.
Dans une étude réalisée au Zimbabwe, il a
été montré que des ouvriers d'une usine avaient appris,
pour 6 dollars à peine par ouvrier, à fournir à leurs
collègues une information sur le SIDA et sur les services à
l'appui des comportements sans danger. Cette démarche a fait tomber le
nombre des infections à VIH d'un tiers par rapport aux usines qui
n'avaient pas investi dans la prévention. Pour 170 dollars par
entreprise et par année, ces employeurs se sont unis à d'autres
pour créer un fonds d'investissement destiné à financer
l'éducation des travailleurs, le conseil et le dépistage gratuits
pour tous les employés qui le souhaitent [OMS, 2003]. Les
activités de prévention et les soins offerts par les entreprises
peuvent permettre de maintenir, voire d'accroître la productivité
et la rentabilité. En effet, investir dans la prise en charge peut
assurer une vie meilleure et plus longue aux employés vivant avec le VIH
et contribue au maintien en poste le plus longtemps possible d'individus
qualifiés, expérimentés et loyaux [Coopération
française, 2000].
Des efforts ont été consentis par le
gouvernement béninois et les partenaires au développement pour
structurer et améliorer la prise en charge. Il y a eu peu
d'études sur la qualité de prise en charge médicale et
psychosociale des PVVIH et personnes malades du SIDA au Bénin.
Une étude qualitative axée sur l'identification
des facteurs socioculturels et économiques influençant la
participation de la famille à la prise en charge psychosociale de son
membre atteint du SIDA à Cotonou a déjà été
réalisée [Onambele, 1999].
Il est important que de telles études continuent
à être réalisées dans le pays. Elles devraient
permettrent de tirer des leçons des différentes activités
réalisées afin d'améliorer la qualité de la prise
en charge psychosociale des PVVIH et des personnes malades du SIDA.
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