Paragraphe 5 : Enfants en conflit avec la loi
Les Droits de l'enfant s'exercent également dans le
domaine de la justice, et la Convention des Droits de l'Enfant garantit une
protection à l'enfant en conflit avec la loi, à travers notamment
l'article 37, qui porte sur la torture et les traitement dégradants, qui
sont interdits, ainsi que sur la privation de liberté, qui doit
être une mesure en conformité avec la loi, prise en dernier
ressort et d'une durée aussi courte que possible. Selon cet article,
l'enfant privé de liberté doit être considéré
avec humanité et respect, en tenant compte des besoins des personnes de
son âge, et il a certains droits qui doivent être respectés
(séparation d'avec les adultes, contacts avec sa famille, assistance
juridique, présomption d'innocence, rapidité de traitement du
dossier...). L'article 40, relatif à l'administration de la justice des
mineurs, garantit à l'enfant le droit à un traitement
adapté à son âge et qui soit de nature à favoriser
son sens de la dignité et de la valeur personnelle. Quant aux
établissements pour mineurs, ils sont régis par les principes des
Nations Unies relatifs aux mineurs privés de liberté, qui
prévoient notamment la possibilité pour les mineurs
détenus de pouvoir acquérir des connaissances utiles à
leur épanouissement et d'avoir accès à des
activités et dispositions facilitant leur réinsertion.
Jusqu'en 1993, la législation pénale en
Mauritanie ne faisait qu'accessoirement la différence entre les adultes
et les mineurs. Elle assimilait les uns aux autres au niveau de la
procédure et des lieux de détention.
Même si le système juridique avait offert des
garanties universelles d'équité (droit à la
défense, présomption d'innocence et égalité des
justiciables devant la loi), et s'il mentionne la consécration de
l'excuse de minorité et des circonstances atténuantes en cas de
mineurs en conflit avec la loi, le Code de procédure pénal
Mauritanien ne faisait pas de distinction entre les
délinquants. Une même procédure pénale
s'était toujours appliquée aux enfants et aux adultes. Cela se
traduit notamment pour les enfants par la lenteur de la procédure et des
délais de détention préventive longs, quelque soit la
nature du délit et la gravité des peines encourues.
Pour améliorer cette situation, les pouvoirs publics
ont créé par la loi du 24 juillet 1999 des Chambres judiciaires
spécialisées dans l'instruction des affaires impliquant des
délinquants mineurs dans chacune des treize régions du pays. Dans
ce cadre, treize juges pour mineurs ont été formés en 2001
et une formation a été dispensée aux policiers et aux
assistantes sociales impliquées. Cependant, les attributions des
Chambres judiciaires ainsi que des Cabinets d'instruction chargés de les
seconder n'avaient pas été établies par un texte
juridique. De même, les procédures judiciaires spécifiques
aux enfants et les sanctions adaptées n'étaient pas
déterminées par la loi. Dans ce contexte, les magistrats
recourent le plus souvent à des principes généraux pour
résoudre les litiges, sans invoquer les normes internationales en
matière de justice juvénile, ainsi que cela pourrait être
le cas compte tenu des Conventions ratifiées par la Mauritanie.
En matière pénale, le code pénal et de
procédure pénale disposaient que de peu de dispositions
protégeant les enfants. Ainsi le délai de garde à vue dans
les commissariats de police ou les brigades de gendarmerie a été
de deux jours pour les adultes comme pour les enfants.
Le délinquant mineur mauritanien est
généralement âgé dans la plupart des cas de 12
à 16 ans, il n'a pas bénéficié d'encadrement
familial approprié. La majorité de ces jeunes délinquants
sont en déperdition scolaire ou ils n'ont même pas eu l'occasion
d'aller à l'école initialement. Ils sont à 90% issus de
familles éclatées souvent pour des raisons de divorce et qui
vivent des conditions de vie très précaires. Jusque là il
ne bénéficiait d'aucune prérogative lié à
son statut . Depuis le début des années 1990, des espaces
exclusifs réservés aux mineurs ont été
créés, en premier lieu à Nouakchott, où un centre
de rééducation des enfants en conflit avec la loi, consacrant le
principe de séparation des mineurs et des adultes en milieu
carcéral, a été mis en place. A Nouadhibou, une mission
interministérielle réalisée en 2001, qui a mis en
évidence les conditions difficiles de détention des mineurs, a
conduit à la réhabilitation de la prison, avec une aile
réservée pour les mineurs et les femmes.
Une centaine d'enfants sont accueillis chaque année
dans le centre de Beyla. Le motif le plus fréquent
d'incarcération est le vol (71% des motifs de placement), suivi par les
bagarres avec coups et blessures (13%),1% de meurtre et 4% de viol. Les cas de
récidive sont nombreux. Ainsi en 2006, sur les 123 enfants, 34
étaient récidivistes. Par ailleurs, 9 enfants étaient
âgés de moins de quatorze ans.
La situation carcérale des enfants en Mauritanie s'est
certes largement amélioré avec le code de procédure
pénal en vigueur, ouvrant ainsi de nombreuses perspectives au jeune
délinquant, mais demeure toujours inquiétante.
Ainsi comme nous l'avons vu, l'analyse de la situation de
l'enfant en Mauritanie nous a permis de mieux cerner la réalité
de l'enfant et les nombreux obstacles qui freinent son développement.
Ces pratiques qui jusque là ont été
considérées sans incidence sur la vie de l'enfant, mieux on y
voyait son « honneur » vont susciter certaines questions
liées à leurs conséquences notamment sur l'avenir de
l'enfant.
C'est donc dans contexte qu'est apparue en Mauritanie pour la
première fois l'idée de protection des enfants en tant que sujet
de droit et non comme objet de certaines pratiques préjudiciable.
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