Archives photographiques au bénin : Problématique de la gestion d'un patrimoine documentaire menacé( Télécharger le fichier original )par Franck Komlan OGOU Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature / Université d'Abomey Calavi - Technicien supérieur de l'information documentaire 2004 |
S'il est admis que le développement du Bénin passe par l'agriculture, il est aussi démontré que le socle de tout développement durable reste fondamentalement tributaire de son volet culturel. La culture s'impose incontestablement comme l'un des maillons du développement comme le soulignait Léopold Sédar SENGHOR lorsqu'il écrivait que : «La culture est au début et à la fin de tout développement»1(*). Un développement auto dépendant est donc impossible sans une motivation culturelle profonde qui doit sous-tendre les données technologiques de la transformation économique, sans pour autant détruire les valeurs traditionnelles. Quarante années de développement économique inadapté n'ont fait que ruiner l'Afrique. Aujourd'hui, il n'est plus question de développement sans bases culturelles saines, le changement n'est possible qu'à travers la mémoire. La diversité des sites touristiques et des monuments, les lieux de culte aussi différents les uns des autres, les palais royaux, les musées, l'impressionnante masse documentaire gardée à la Direction des Archives Nationales (D.A.N), le fonds d'archives privées résultant des activités des familles, témoignent du potentiel culturel diversifié du Bénin qui, utilisé judicieusement à l'heure de la mondialisation, pourrait permettre la conquête de vastes marchés. Elle constitue la base des échanges dans un monde qui tend à s'unifier. C'est dans cette logique que l'Ambassadeur de l'Italie près le Bénin et le Nigeria lors d'une visite à l'Ecole du Patrimoine Africain déclarait que : «En dehors de ses valeurs culturelles, l'Afrique ne saurait répondre efficacement aux défis de la globalisation. Notre attente est très grande vis-à-vis de l'Afrique pour équilibrer les forces sur le plan culturel»2(*). Au nombre de ces biens culturels dont le Bénin peut s'enorgueillir figurent en bonne place les archives photographiques. Inventée dans les années 1822 par Niepce, la photographie a pour particularité de retracer et de faire revivre des souvenirs du passé. Elle aide à la reconstitution de l'histoire, à attester certains faits racontés à travers les documents écrits aux générations actuelles. C'est justement à ce titre que Gérard DUCHEMIN écrivait que : «l'image c'est ce qui reste quand on aura tout perdu. Pour certains elle réveille la nostalgie de merveilleux souvenirs». Ce nouveau support d'information diffère des supports traditionnels par sa sensibilité à l'environnement dans lequel il se trouve. Cela exige donc un minimum de conditions adéquates pour sa conservation. Conserver les photographies devrait donc être une préoccupation majeure. Sans doute doit-on y voir la preuve de l'angoisse qui étreint les hommes dans un monde où tout change à un rythme accéléré, où l'environnement se dégrade et les choses qui paraissent les plus solides, les plus immuables se détruisent sous nos yeux plus rapidement qu'elles ne l'avaient été au cours des siècles passés. Faut-il que les témoignages que nous ont laissés les générations passées comme ceux que nous laisserons aux générations futures soient matériellement préservés ? Introduite au Bénin pendant la colonisation, la photographie a été très vite adoptée par les peuples et constitue dès lors un moyen d'immortaliser un souvenir, un événement. Mais il est aujourd'hui difficile voire impossible de se servir de ces chefs-d'oeuvre anciens pour des travaux de recherche ou autres usages. Cet état de chose est dû à l'inexistence d'une structure pouvant recueillir ces fonds ou l'inexistence d'une politique de mise en valeur des archives photographiques. Et si rien n'est fait contre la détérioration des supports, le trafic illicite, l'histoire est menacée d'être dépossédée d'une partie sensible de ses sources. Malgré toutes les dispositions contenues dans la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, la loi N° 91-006 du 25 février 1991 portant charte culturelle en République du Bénin et l'article 4 de la Convention du Patrimoine Mondial qui font de l'Etat dépositaire de l'identité culturelle, il est fréquent de voir les archives photographiques qui constituent une source de l'identité culturelle dans les mains des privés. Une enquête faite auprès de certaines personnes confirment tout cela. Pour donc pallier ces différents problèmes et donner une autre vision à la gestion des archives photographiques au Bénin, nous nous sommes proposé de réfléchir sur le thème : Archives photographiques au Bénin : Problématique de la gestion d'un patrimoine documentaire menacé. Cette étude vise essentiellement à la valorisation du patrimoine documentaire photographique par : - l'identification des lieux potentiels de détention des photographies, - l'état des lieux, - l'évaluation de ces fonds et - les propositions d'actions et d'activités à court, moyen et long terme. Pour y parvenir, nous avons adopté quatre techniques de recherche à savoir : la revue documentaire, les descentes sur le terrain, les entretiens et les questionnaires. La présente étude s'articule autour de quatre grands axes. La première partie présente un bref historique et le cadre légal de protection des biens culturels. La deuxième partie est consacrée à l'identification des lieux de détention des archives photographiques. C'est à cette étape que nous avons fait le point de nos enquêtes de terrain quant à l'évaluation et l'état de conservation des fonds photographiques. Avant d'aborder la dernière partie des suggestions et propositions, nous avons dans la troisième partie montré l'importance des fonds photographiques pour la recherche et analysé les résultats des questionnaires. Bref historique de la photographie et cadre réglementaire de protection des biens culturelsCHAPITRE I :
La photographie est à la fois une technique et un art dont l'invention en 1822 a bouleversé les pratiques socioculturelles dans le monde. Cette technique introduite en Afrique a permis de constituer des mémoires visuelles de grande valeur à partir de la période coloniale. 1.1.1. La photographie dans le monde * 1 Il a été cité par Gaston AGBOTON in Culture des peuples. Paris, Présence Africaine, 1997, p.11. * 2 Marcello RICOVERI, in déclaration à l'EPA le jeudi 23 septembre 2004. |
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