B. Méthodologie de travail
La réalisation du travail de mémoire doit
pouvoir confronter aux éléments théoriques des
éléments pratiques. Afin d'apporter une réflexion
poussée sur notre sujet, il a ainsi été nécessaire
de déterminer un terrain d'étude avant de choisir un protocole
d'analyse, adapté à ce dernier. Dans ce sens, nous avons
décidé de travailler sur les émissions service elles-
mêmes. Le choix de nos documents sonores, tout comme la définition
de la métho dologie à adopter, répondent à un
certain nombre de critères. Nous souhaitons ici exposer les
différentes étapes qui ont permis la mise en place de ce terrain
d'analyse riche et solide.
Dans un premier temps, nous avons navigué sur les sites
internet de nombreuses radios françaises. L'étude des grilles de
programmes ainsi que les sites des émissions interactives, nous a
confirmé l'omniprésence ainsi que la diversité de ces
dernières sur la bande FM. Présentes aux différentes
tranches horaires (matinée, après-midi, soirée), les
émissions interactives couvrent un large panel de public.
Nous avons procédé à l'élimination
des émissions qui n'entraient pas dans notre catégorie. Par
exemple, nous avons exclu les émissions interactives tournées
vers l'actualité, la politique, le sport, ainsi que les libres antennes
sur les radios jeunes, etc. En adoptant un spectre d'écoute large, nous
nous sommes familiarisé avec les différents types
d'émissions service. En collaboration avec notre maître de
mémoire, nous avons à ce stade commencé à
définir les critères pour constituer notre corpus.
Ne pouvant être exhaustifs, nous souhaitons
néanmoins réaliser un large examen de ces programmes. Notre
recherche se focalise sur les émissions service, afin d'en
étudier les mécanismes et tenter de faire apparaître des
tendances générales au niveau sociétal. Il fallait donc
que les émissions étudiées bénéficient d'un
taux d'écoute important. Nous nous sommes donc concentré sur
l'offre des radios ayant un rayonnement national et proposant plusieurs
programmes interactifs dans leurs grilles. Nous pouvons schématiser
l'offre radiophonique française en trois grands ensembles. Le secteur
privé commercial, le secteur public et le
secteur associatif non commercial.120 Ce dernier
regroupe toutefois essentiellement des radios n'ayant qu'un impact local. Notre
choix a donc dû tenir compte de cette division proposant l'analyse
d'émissions issues tant du secteur public que du secteur
privé.
Les émissions service occupent une place importante au
sein des grilles de programmes des radios, en particulier en semaine. De plus,
la quotidienneté des émissions service constitue un
élément d'analyse à ne pas négliger. Nous avons
donc éliminé les émissions programmées le week-end.
De même, nous avons exclu les émissions de nuit, le régime
d'écoute ainsi que l'auditoire étant spécifiques à
ces tranches horaires.
L'éclectisme des thématiques devait aussi
transparaître dans notre sélection. Ne voulant écarter
aucun type de public, nous avons éliminé les émissions
traitant de sujets trop spécifiques, pour nous concentrer sur des
thématiques ordinaires pouvant potentiellement intéresser un
grand nombre de personnes. Dans ce sens, nous avons sélectionné
trois émissions : «Service public », «Ça peut vous
arriver », «Lahaie, l'amour et vous» sur France Inter, RTL et
RMC-Info. Nous avons ainsi une émission du service public, et deux
émissions proposées par des stations privées.
Après avoir défini notre corpus, nous avons mis
en place un protocole d'analyse, afin d'infirmer ou de confirmer nos
hypothèses. Malgré la diversité des émissions, il a
été nécessaire de trouver des dénominateurs communs
aux trois émissions, notre objectif étant de fournir une analyse
comparative.
Avant de mettre en place une grille d'analyse, nous nous
sommes immergé dans notre corpus en fournissant une écoute active
quotidienne des émissions. « Service Public» et «
Ça peut vous arriver » ont des horaires qui se chevauchent. Nous
avons de ce fait opté pour le podcast de l'émission
« Service Public », la deuxième n'étant
écoutable qu'en direct. Cette
120 CHEVAL Jean Jacques, op.cit. p 168 / 169
pratique nous a permis de mieux connaître leurs
contenus, la manière dont elles sont construites. En effet, une
émission suit un conducteur précis et minuté, ayant pour
but de l'encadrer. Il indique le moment où l'animateur prend la parole,
celui où les invités sont interrogés, mais aussi les
moments dédiés aux interventions des auditeurs, sans oublier les
coupures musicales, voire publicitaires s'il y a lieu. De cette manière,
nous avons pu nous faire une idée en substance des programmes avant
d'entrer plus dans le détail et le décorticage du contenu. Une
écoute prolongée offre la possibilité de distinguer
certains éléments qui ne seraient pas nécessairement
présents dans notre corpus ; par exemple, une émission
spéciale, la mise en place d'un partenariat, ou des
évènements plus exceptionnels tels qu'un auditeur trompant le
standard par l'annonce d'un thème d'intervention fictif. Ces
interventions ont été notées, afin d'être
utilisées dans l'analyse des émissions.
Puis, nous avons commencé à relever les
éléments à intégrer dans notre étude de
terrain. La relation interactive établie dans le cadre des
émissions services a été notre point d'entrée afin
de mieux comprendre la nature du dispositif. Notre écoute nous a permis
d'en distinguer différents types. Dans ce sens, notre grille d'analyse
se divise en trois grandes catégories:
- L'évocation de
l'interactivité: il s'agit de toutes les occurrences faisant
référence à l'interactivité. Par exemple, lorsque
l'animateur incite les auditeurs à intervenir à l'antenne, un
jingle diffusant le numéro de téléphone du standard, etc.
Ici, aucune intervention d'auditeur n'est relevée. Cette
catégorie nous permet d'analyser comment l'animateur attire les
auditeurs sur l'antenne et à quelle fréquence.
- La relation interactive « indirecte
»: nous faisons référence aux différentes
contributions des auditeurs au contenu de l'émission qui sont
relayées par l'animateur (lecture de témoignages laissés
au standard, SMS, e-mails) ou par un média (lorsqu'un auditeur
laisse un message sur le répondeur de l'émission et que celui-ci
est diffusé à l'antenne).
- La relation interactive « directe
»: cette catégorie comprend les interventions
téléphoniques des auditeurs en direct. Nous pouvons entendre sa
voix, il exprime (dans la mesure du possible) son témoignage de lui-
même. Il peut interagir avec l'animateur et les autres participants de
l'émission.
Ces différentes catégories nous permettent de
considérer indépendamment la prise de parole des auditeurs
à l'antenne. De plus, cette division tripartite nous offre la
possibilité de nous questionner sur la place de l'animateur dans le
dispositif pour chacune des émissions. Nous souhaitons comprendre
comment l'animateur incite les auditeurs à appeler. Comment leur
donne-t-il la parole? Quels usages sont faits de leurs témoignages? Et
de ce fait, quelle est la place consentie à l'auditeur ?
Afin de répondre à ces questions, notre grille
d'analyse comprend plusieurs sous catégories. Chaque intervention est
relevée et décortiquée: de quelles informations dispose-t-
on de l'auditeur ? De quel type d'intervention s'agit-il ? L'auditeur
bénéficie-t-il d'un droit de suite? Mais aussi, quel rôle
joue l'animateur? Comment annonce-t-il les auditeurs à l'antenne?
Nous avons adopté le même type de comportement
pour chaque émission. Lors de l'écoute, nous avons retranscrit
chaque situation où l'interactivité est en question. Chaque
occurrence est temporalisée; ceci nous permettant de conserver la
chronologie des évènements une fois sortis de leur contexte, de
calculer le temps d'expression des auditeurs, mais aussi de percevoir les
éventuels changements de comportement de l'animateur entre le
début et la fin de l'émission. L'étape suivante a
consisté à intégrer ces différents
éléments dans nos trois tableaux d'analyse, en réunissant
au sein de sous-catégories les données identiques, dans un souci
de clarté. Malgré la similitude d'analyse des émissions,
nous avons dû assouplir notre protocole afin d'intégrer des
éléments annexes et / ou spécifiques pour chacun des
programmes.
> L'émission « Service Public »
fait relativement peu appel aux auditeurs par
rapport aux deux autres émissions
étudiées. De ce fait, nous avons décidé ainsi de
retranscrire une émission afin d'entrer dans le détail des
propos. Toutefois, nous nous sommes cantonné aux interventions pouvant
être intégrées à nos tableaux d'analyse. De plus,
les auditeurs de « Service public» entrent très rarement en
contact direct avec les invités de l'émission. Nous n'avons donc
pas jugé nécessaire de faire apparaître les interventions
des invités. Enfin, nous avons décidé de considérer
à part le reportage proposé par l'émission. En effet, en
début d'émission, un reportage effectué par un journaliste
vient illustrer la thématique du jour. Les personnes interviewées
sont des anonymes, mais aucun indice ne nous permet d'affirmer qu'ils sont
auditeurs de l'émission. Même si le reportage n'est pas
intégré au tableau dédié à la relation
interactive indirecte, il nous a semblé important d'en tenir compte dans
notre réflexion, dans la mesure où nous sommes en présence
d'un acte de don de la parole à un ou plusieurs anonymes.
> Pour « Ça peut vous arriver
», il nous a fallu adapter nos différents tableaux
afin de rester fidèle au contenu de l'émission
lors du traitement des données recueillies. Arrêtons-nous un
instant sur le tableau dédié à la relation interactive
directe. Julien Courbet n'est pas le seul intervenant sur les ondes, même
si son temps de parole est largement supérieur aux autres. Ces derniers,
avocats, huissiers, juristes et médiateurs, font partie de
l'équipe de l'émission, ils sont les soutiens de Julien Courbet
dans sa mission. La plupart du temps, les auditeurs ne parlent qu'à
Julien Courbet, mais il peut arriver qu'ils s'adressent directement à
l'avocat ou au médiateur. De plus, lors du traitement du « dossier
» (qualifié ainsi par l'animateur), l'auditeur n'intervient
quasiment pas. Dans ce sens, nous avons intégré les interventions
des collaborateurs de l'animateur dans notre tableau ; sans pour autant entrer
dans le détail, étant considérées comme des
éléments secondaires. L'autre spécificité de la
relation interactive dans cette émission réside dans le
fractionnement du traitement des «dossiers ». En effet, il est
très courant que Julien Courbet revienne plusieurs fois sur le cas d'un
auditeur lors d'une émission, faisant transparaître les
étapes dans la résolution de l'affaire. Les interventions propres
à chaque « dossier» sont réunies linéairement
dans le tableau réservé à la relation interactive directe,
pour une meilleure lisibilité et une meilleure compréhension.
Enfin, le tableau dédié à
l'évocation de l'interactivité a dû
être organisé, compte tenu de la récurrence des
interventions de l'animateur, en les réunissant par
thématique.
> Enfin « Lahaie, l'amour et vous »
s'inscrit dans un format classique
d'émission de libre antenne. Les auditeurs se
succèdent durant les deux heures de l'émission,
entrecoupées de pauses publicitaires et musicales. Les émissions
sur lesquelles nous avons travaillé sont issues du podcast,
fonctionnalité mise en place sur le site de RMC-Info. Il faut signaler
que les versions en ligne sont exemptées de publicités, et qu'il
n'y a qu'un extrait de la musique diffusée. Ceci est la
conséquence de règlementations divergentes entre la diffusion sur
les ondes hertziennes et la diffusion sur internet, en particulier dans les
domaines des droits d'auteur et celui des droits publicitaires. Il a
été ainsi plus complexe de déterminer
précisément la durée des coupures publicitaires et
musicales. Nous avons chronométré ces différents
éléments lors d'une émission en direct, afin de pouvoir
intégrer ces données à notre analyse comparative. Autre
spécificité de l'émission, l'existence d'un chat
en parallèle de l'émission. Une partie du contenu produit en
ligne par les internautes trouve un écho sur l'antenne. Nous avons donc
intégré les prises de parole de la «châtelaine»
(modératrice du chat) au sein du tableau consacré
à l'interactivité indirecte. En effet, les propos du chat
ne sont pas recueillis et lus par l'animatrice, mais par un autre membre
officiel de l'émission. Il est donc légitime que nous les
intégrions dans notre étude. Enfin, « Lahaie, l'amour et
vous» invite régulièrement (mais pas
systématiquement) un invité. Ce dernier peut intervenir à
tout moment dans l'émission, même si des séquences
d'interview lui sont consacrées. Il peut toutefois arriver que
l'invité s'adresse directement à l'auditeur, ou vient
compléter les propos de l'animatrice. Nous avons intégré
les interventions de l'invité seulement lorsqu'elles étaient en
lien avec un auditeur.
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