Les fonctions de la délégation( Télécharger le fichier original )par Yannick Santiago Université Rennes 1 - DEA droit privé fondamental 2007 |
Section I : Les fonctions de la délégation consacrées par la jurisprudence
Il s'agit en réalité de fonctions implicitement consacrées. En effet, il est possible de déduire cette consécration du fait qu'il n'existe aucune décision ayant censuré une délégation en paiement, ou une délégation à titre de garantie, pour la seule raison qu'il s'est agi d'une délégation. À l'évidence, toute délégation encourt la nullité si elle ne respecte pas les règles essentielles de formation des contrats, exposées aux articles 1108 et suivants du Code Civil ; ou, la requalification, conformément à l'article 12 du NCPC, si le contrat soumis au juge ne répond pas au(x) critère(s) de la délégation. Dans toutes les hypothèses précédentes, il s'agit d'invalidations pour des raisons d'ordre général, non spécifiques au recours à la délégation en lui-même.
Une fois les questions spécifiques de validité générale évacuées, et admis le principe de la validité, en soi, de la délégation ; il faut envisager comment elle se meut concrètement dans ce qui est pour ainsi dire sa fonction naturelle : le paiement (I). Il faudra ensuite s'attarder sur la seconde fonction à laquelle recourt la pratique contractuelle, avec la bénédiction de la Jurisprudence, la garantie du crédit (II). § I : La simplification du paiement, fonction naturelle et originelle de la délégation L'office premier et naturel de la délégation est le paiement. Ce rôle est si important qu'il a pu être affirmé qu'il s'agissait de son unique utilité91(*). Toute importante que soit cette application, elle n'est pas unique. En effet, comme cela sera mis en évidence plus loin, la délégation sert de plus en plus, sous l'impulsion de la pratique contractuelle, de technique de garantie du crédit. Cette seconde fonction est cependant plus problématique que la fonction extinctive de la délégation. En effet, contrairement à celle-là, celle-ci ne cause pas de difficulté théorique majeure, dans la mesure où il existe une quasi unanimité doctrinale sur la fonction simplificatrice de la délégation en matière de paiement92(*). L'utilisation de la délégation aux fins de simplification du paiement n'est pas une « découverte » de la pratique, toutefois, celle-ci la déploie de façon habile et originale, pour éteindre la dette du délégant envers le délégataire, simultanément à celle du délégué envers le délégant. Au reste, il faut préciser que l'article 1275 du Code Civil ne définit pas expressément la délégation comme une technique de paiement simplifié ; il se situe simplement dans la partie du Code relative à l'extinction des obligations. Il est uniquement possible d'en déduire que la délégation a au moins pour finalité le paiement. L'observation de la pratique contractuelle contentieuse révèle un certain « appétit » pour cette fonction originelle de la délégation (A), sans doute parcqu'elle engendre un effet incident de garantie (B). Toutefois, il est nécessaire de préciser que lorsque la pratique des affaires recourt à la délégation en paiement, que nous proposons d'appeler délégation-paiement, c'est avec pour objectif principal sa simplification. L'effet de garantie n'est en réalité qu'accessoire, et peut-être même, ignoré des parties. A - L'utilisation pratique de la délégation aux fins de simplification du paiement De prime abord, on aurait pu penser que la pratique des affaires serait simplement restée en contemplation devant ce qu'il est possible de considérer comme la fonction naturelle de la délégation : le paiement. En effet, la délégation est une technique très peu définie au régime juridique inachevé93(*). Par ailleurs, le Code Civil connaît d'autres techniques permettant de simplifier le paiement, à l'exemple de la compensation ou de la dation en paiement. Ces arguments n'ont toutefois pas suffi à freiner le relatif engouement pratique pour la délégation-paiement. En effet, l'observation de la jurisprudence récente nous démontre qu'il s'agit d'une fonction encore vivace et concrète de la délégation. Etayons notre propos par l'exemple. Parmi les décisions récentes les plus illustratives, il est possible de retenir un arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, en date du 22 Février 200594(*). En l'espèce, une société a vendu à une autre un immeuble à usage commercial. Par une clause du contrat de vente, les parties sont convenues que l'acquéreur payerait un supplément de prix en cas de réalisation d'une condition prévue au contrat. Il se trouvera que la société ayant cédé l'immeuble a elle-même un créancier, qui, selon toute vraisemblance, a participé à la construction ou à la rénovation de l'immeuble cédé. Afin d'éviter un mouvement de fonds inutile, le vendeur de l'immeuble délèguera au profit de son créancier le complément de prix dû par l'acquéreur. En conséquence, le créancier du vendeur pourra directement s'adresser à l'acquéreur pour obtenir son paiement. Un mouvement inutile de fond est ainsi évité. La ligne droite n'est-elle pas toujours le plus court chemin ? Tel est l'office premier de la délégation : « Transformer une ligne brisée en ligne droite »95(*). Il ne s'agit pas d'un exemple isolé, ni propre à la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation. Aussi peut-on relever, devant la première Chambre Civile, des hypothèses de recours à la délégation-paiement, qui est loin d'être un monopole des commerçants. Ainsi est-il possible de mentionner, entre autres, une décision du 18 mars 2003 rendue par la première Chambre Civile de la Cour de Cassation96(*). Les faits sont explicitement dans le sens d'une délégation-paiement. Une société consentira en l'espèce un bail de sous location à une autre. Selon le schéma ordinaire de la sous location, le sous locataire devra verser un loyer ou sous-bailleur, qui devra lui-même verser un loyer au bailleur propriétaire. Il en résulte un double mouvement de fonds, non seulement inutile, mais encore, éventuellement coûteux (frais du paiement etc.). Dans l'espèce qu'a eu à connaître la troisième Chambre Civile, les parties ont, sans doute sur recommandation d'un conseil averti, décidé de conclure un contrat de délégation, afin de simplifier le paiement. Ainsi le sous locataire a-t-il consenti, sur invitation du second bailleur, à s'engager à verser directement le montant du loyer au profit du primo bailleur. Cette opération a pour finalité essentielle d'éviter que le sous bailleur ait à encaisser puis décaisser les loyers. D'un point de vue strictement économique, il s'agit, comme nous l'avons souligné, d'une véritable rationalisation du paiement. La matière immobilière n'est pas l'unique domaine pratique de la délégation-paiement. Le financement de l'acquisition de parts sociales peut aussi, opportunément, donner lieu à une simplification du paiement par voie de délégation. C'est l'enseignement qui ressort des faits d'un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 17 juillet 200197(*). Les faits sont une fois de plus assez explicitement dans le sens d'une délégation en paiement : L'associé d'une SCI cède à une autre société ses parts dans la SCI en question. Il se trouve que le cédant est lui-même débiteur d'un établissement de crédit, au titre d'un prêt conclu auparavant, apparemment pour le financement de l'acquisition des parts de la SCI. Dans une configuration ordinaire, le cédant devrait percevoir le prix des mains du cessionnaire, ce qui est censé étoffer son patrimoine, de façon qu'il puisse lui-même régler sa dette envers la banque. Le problème qui surgit inéluctablement est la longueur du circuit, engendré par la répétition des paiements : le cessionnaire envers le cédant, le cédant à l'égard du banquier. Pour favoriser la simplicité de l'opération, le cessionnaire s'est en l'espèce engagé à payer directement le prix des parts sociales entre les mains de la banque. Parmi toutes les délégations-paiement relevées, un autre exemple d'utilisation assez ingénieuse mérite d'être rapporté. Il provient d'une décision de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 3 Avril 200198(*). En l'espèce, une société spécialisée dans le matériel d'impression achètera une rotative dans le but de la revendre, non sans avoir effectué quelques réparations sur celle-ci. Le premier acquéreur, plutôt que de payer le prix d'un matériel qu'il ne conservera que le temps nécessaire à sa réparation, préférera déléguer au profit du vendeur, le sous acquéreur, déjà connu, du bien. Cette « manoeuvre » permet d'éviter que le premier acquéreur du bien ait à payer son prix entre les mains du vendeur, alors qu'il a déjà cédé le bien à un sous acquéreur, dont il est créancier du prix. Encore une fois, on parvient au même résultat, c'est-à-dire la suppression d'une étape inutile du paiement. À cet égard, la délégation-paiement à une fonction comparable à celle de la compensation. La délégation en paiement est en définitive une figure juridique bien connue de la pratique contractuelle française. Elle permet une extinction simplifiée de la dette du délégant envers le délégataire, et de la dette du délégué envers le délégant. On constate, qu'en pratique, ce double rapport de droit est toujours nécessaire, faute de quoi, la délégation en paiement n'aurait aucune espèce d'intérêt. En effet, pour avoir à payer, il faut qu'il existe une dette préalable. Pour simplifier, il est impératif qu'il y ait deux dettes préalables. Peut-être ne s'agit-il pas d'une condition de validité de la délégation-paiement ; en revanche, c'est indéniablement une question de bon sens. Comment pourrait-on simplifier un circuit de paiement qui n'a rien de complexe ? Économiquement, la délégation-paiement permet une rationalisation du paiement, en supprimant des étapes inutiles du circuit. Juridiquement, elle produit un effet supplétif et accessoire de garantie, qui n'est cependant pas le motif déterminant des parties. Toutefois, il est fortement probable que cet effet incident constituera un critère de sélection permettant d'opter pour la délégation en paiement, quand d'autres modes de paiement eurent été envisagés par les parties. B - L'effet supplétif et accessoire de garantie engendré par le recours à la délégation-paiement.
Le recours à la délégation-paiement engendre un effet incident de garantie, dont on peut supposer qu'il est parfois inconnu des parties. Au demeurant, quand bien même eût-il été connu, il n'est pas principalement recherché de celles-ci. En effet, il s'agit d'un effet produit par les textes régissant la délégation, non par les conventions particulières des parties. Dans la mesure où il s'agit de textes supplétifs, les parties pourront, le cas échéant, les écarter. Mais encore faut-il qu'elles les connaissent, et qu'elles le souhaitent. Dès lors que la délégation-paiement est conclue afin de simplifier le paiement, les parties sont censées être indifférentes à la garantie d'une quelconque obligation. De la volonté de simplification du paiement, il est possible de déduire qu'elles ont nécessairement, en amont, considéré celui-ci comme suffisamment sûr. C'est pourquoi un tel effet de garantie doit être considéré comme accessoire, il n'est pas recherché pour lui même. Pour autant, un tel résultat n'est en pratique pas négligeable. Il offre une garantie supplémentaire au délégataire, constituée par l'adjonction d'un second débiteur au débiteur initial. Cette accumulation de débiteur est la résultante du principe général selon lequel la novation ne se présume pas (art. 1273 du Code Civil). Ce principe est appliqué au cas particulier de la délégation par l'article 1275 du Code Civil, dont il résulte que la délégation « n'opère point de novation, si le créancier n'a pas expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation » (la délégation imparfaite est de principe). Il s'agit, comme nous l'avons souligné, d'une règle supplétive. Toutefois, elle paraît un peu moins supplétive que les règles de même nature, la convention contraire ne pouvant être qu' « expresse ». Concrètement, le fait de ne pas écarter cette disposition supplétive (en concluant une délégation novatoire) a des effets importants. Il est possible de les analyser à partir des illustrations jurisprudentielles apportées à propos de la délégation-paiement. C'est ainsi que dans l'exemple de délégation-paiement précédemment envisagé, et soumis à la Cour de Cassation le 22 février 2005, la Chambre Commerciale, en se fondant sur la règle de l'inopposabilité des exceptions, refusera à l'acquéreur la possibilité d'invoquer à l'encontre de délégataire une créance qu'il aurait envers le délégant99(*). Il en ressort inexorablement une sécurisation de la créance du délégataire, résultant de la nouveauté de l'engagement du délégué, cumulée à la persistance de la créance du délégataire envers le délégant. Cette superposition de débiteurs offre au délégataire un second droit de gage général, sur un second patrimoine. N'est-ce pas le trait commun de toutes les sûretés personnelles ? 100(*) Toutefois, ce n'est pas le but poursuivi par les parties dans l'espèce relatée. Leur objectif principal, voire unique, était de procéder à une simplification du mode de règlement du créancier du vendeur de l'immeuble, en éteignant concomitamment la dette de l'acquéreur envers le vendeur. Cette simplification résulte de l'unicité du paiement à intervenir. L'effet de garantie, inhérent à l'opération de délégation imparfaite, n'était pas recherché en tant que tel. Sans doute intervient-il à l'insu même des parties. Il reste alors à savoir s'il est possible d'utiliser cet effet accessoire et inhérent à la délégation imparfaite, à titre principal, indépendamment de toute simplification du paiement. En d'autres termes, il s'agirait de multiplier les débiteurs non pour éviter la multiplication inutile des paiements, mais pour en garantir la bonne exécution101(*). Comme nous le verrons immédiatement, la pratique contractuelle recourt de plus en plus à la délégation en tant que technique de garantie du crédit. Il n'est donc pas fondé d'affirmer qu'une telle convention est impossible, car elle se réalise déjà en pratique. On ne peut que critiquer le « mal déjà fait ». § II : L'utilisation récurrente et valable de la délégation comme technique de garantie du crédit La question qui se pose est simple : La jurisprudence offre-t-elle des illustrations d'une utilisation valable de la délégation aux fins de garantie du crédit ? C'est-à-dire, selon les mêmes objectifs que les sûretés personnelles nommées102(*). La réponse est tout aussi simple : oui. Sans dire que de tels exemples sont légion en jurisprudence, force est de constater que la pratique contractuelle récente nous en donne quelques figures. Le développement récent du recours «quasi massif » à la délégation a engendré une croissance de son contentieux ; ce phénomène est intéressant à observer. En effet, comme nous le verrons plus loin, les différents modes de recours à la délégation conduisent à s'interroger sur l'unité et l'identité de la notion elle-même. Il semble ressortir de l'observation de la jurisprudence que, sous l'impulsion de la pratique notariale d'abord, et de la pratique bancaire ensuite, se soit développée une sorte de figure pratique primitive la délégation à titre de garantie : La délégation de locataire (ou d'acquéreur), notamment au profit du prêteur des deniers ayant financé l'acquisition de l'immeuble103(*). Quantitativement, c'est le cas le plus fréquemment rencontré dans la jurisprudence récente (A)104(*). Par la suite, il est probable qu'à partir de ce modèle primitif, l'utilisation de la délégation à titre de garantie, que l'on peut appeler avec M. Lachièze la « délégation-sureté », se soit développée dans d'autres branches de l'activité juridique (B)105(*). A - La délégation de locataire à titre de garantie : archétype de la délégation-sureté En pratique, la délégation de locataire à titre de garantie est utilisée avec l'assentiment, au moins implicite, de la jurisprudence. À certains égards, cette dernière parait même l'encourager. 1) L'utilisation de la délégation de locataire par la pratique contractuelle : Comme nous l'avons souligné, il se rencontre dans la pratique immobilière, aussi bien la délégation de locataire, que la délégation d'acquéreur à titre de garantie. Toutefois, l'engagement de délégué, de l'acquéreur d'un bien immobilier, envers un créancier du délégant, se prête davantage à la délégation-paiement, qu'à la délégation à titre de garantie. En effet, l'absence d'échéances successives et périodiques (sauf aménagement conventionnel) ne permet pas d'étaler la garantie dans le temps, en la calquant sur les échéances du prêt. En conséquence, la délégation de l'acquéreur de l'immeuble est mieux adaptée au paiement d'un capital, éventuellement à un créancier autre que le prêteur. Le modèle pratique primitif de la délégation-sureté est, pour cette raison, la délégation de locataire à titre de garantie. Rappelons du reste qu'il s'agit vraisemblablement d'une « invention » de la pratique notariale. Il est à constater que la délégation de locataire à titre de garantie peut produire, sur le modèle de la délégation-paiement, un effet accessoire. Il s'agit d'une simplification incidente du paiement, en évitant un double transfert de fonds (Le locataire délégué payera ainsi directement au créancier [délégataire] du délégant). Toutefois, ce n'est pas le mobile déterminant de l'engagement des parties. Dans l'intégralité des hypothèses de délégation rapportées ci-dessous, le but des contractants sera non pas de simplifier le paiement, mais d'accorder une garantie au prêteur (délégataire), ayant financé la construction ou l'acquisition de l'immeuble. Il en résulte que la créance préalable du délégataire envers le délégant, à défaut d'être une condition juridique, constitue, encore une fois, une condition logique de la délégation-sûreté. Dans le cas contraire, il n'y aurait rien à garantir. En revanche, au même titre que l'obligation de la caution ou du garant autonome envers le débiteur garanti serait indifférente, l'existence de l'obligation du délégué en garantie, à l'égard du délégant, est indifférente. En son absence, il n'y aura tout bonnement pas de simplification incidente du paiement. L'hypothèse pratique qui se réitère dans plusieurs arrêts récents est la suivante : Une personne souscrit auprès d'un établissement de crédit un prêt afin de financer la construction ou l'acquisition d'un immeuble. Sans doute apportera t-elle au prêteur les garanties classiques pour ce type de crédit : cautionnement d'une autre banque, d'une entreprise, d'un proche, hypothèque sur l'immeuble futur, voire antichrèse. Mais, il est de plus en plus fréquent que la pratique recoure à la délégation de locataire à titre de garantie, pour sécuriser des financements immobiliers. Dans cette perspective, l'emprunteur (bailleur) invitera ses locataires (ou futurs locataires), à s'engager directement à payer les loyers à l'établissement de crédit prêteur des fonds ayant financé l'acquisition ou la construction de l'immeuble. Pour étayer notre affirmation, il est indispensable de produire quelques uns des récents arrêts examinés. Parmi les plus topiques, on peut faire mention de la décision de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation en date du 23 janvier 2001106(*). Le texte de l'arrêt mérite d'être cité ad litteram : « Attendu (...) qu'en garantie d'un prêt que lui consentait la société SODERO, la société de transport MEUNIER a, par acte notarié des 4 et 12 novembre 1992, délégué à celle-ci les loyers à percevoir de la société ARCATIME jusqu'au remboursement intégral de l'emprunt ». Il s'agit bien d'une utilisation on ne peut plus classique de la délégation de locataire à titre de garantie, archétype de la délégation-sûreté. Il faut en outre relever, qu'en l'espèce, il s'agit d'une délégation notariée ; sans doute conclue suite aux conseils avisés du notaire, spécialiste de ce montage juridique107(*). Pour renforcer par l'exemple, l'illustration précédente, il est possible de se référer à la lettre de l'attendu d'une décision postérieure de la Chambre commerciale, en date du 3 décembre 2002 : « Attendu (...) que la société Alta a acquis un Immeuble (...) payé par un prêt consenti par la banque (...), qu'en garantie du remboursement du prêt, la société Alta a donné à la banque une délégation des loyers de l'immeuble »108(*). N'est-ce pas encore un cas de recours à la délégation à titre de garantie ? À l'aune des décisions précitées, qui ne sont que des exemples sélectionnés parmi d'autres, il n'est plus permis de douter que la pratique contractuelle recoure de plus en plus à la délégation à titre de garantie, ou délégation-sûreté. L'avantage de cette technique est lié, comme il a été souligné, au caractère nouveau et autonome de l'engagement du délégué, qui, sauf en cas de délégation novatoire, soumise à l'acceptation expresse du délégataire, se cumule à la créance de celui-ci envers le délégant, au titre du financement immobilier. De ce fait, le prêteur est titulaire de deux droits de poursuite autonomes l'un de l'autre, ce qui a pour conséquence l'inopposabilité des exceptions109(*). La jurisprudence tempère cependant la règle de l'inopposabilité des exceptions. Ainsi la première Chambre Civile admet-elle une exception à ce principe, en cas de délégation incertaine, c'est-à-dire quand l'objet de l'engagement du délégué est calqué sur celui de l'une ou de l'autre des obligations antérieures existantes110(*). Il est cependant assez aisé de contourner l'obstacle que constitue cette jurisprudence, en concluant une délégation certaine. De la sorte, le locataire sera simplement obligé de verser au banquier un certain « "flux financier", sans indiquer qu'il s'agit de la dette de remboursement du prêt »111(*). Au demeurant, à l'inverse de la première Chambre Civile, il ne semble pas que la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation tempère de la sorte le principe de l'inopposabilité des exceptions112(*) ; or, la pratique commerciale est vraisemblablement le plus grand « consommateur » de délégation-sûreté. En effet, dans la plupart des décisions analysées, les usagers de la délégation seront justiciables de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation. Partant, le champ d'efficacité rationne personae de la délégation de locataire à titre de garantie n'est que sensiblement réduit113(*). En définitive, on constate que pour la délégation de locataire puisse jouer son rôle de garantie, il est nécessaire qu'elle soit conclue imparfaite (ou non novatoire), de façon que puissent s'agréger les dettes respectives du délégué et du délégant envers le délégataire. Ce cumul de droit de gages généraux n'est-il pas le trait commun de toute sûreté personnelle114(*) ? La pratique offre en outre une autre hypothèse de cumul, au-delà même du cadre stricte de la délégation. En effet, il n'est pas rare de relever dans la pratique contractuelle récente, des hypothèses de concentration de garanties comprenant, entre autres, une délégation-sureté. C'est ainsi que l'on a pu observer en pratique, la juxtaposition, en garantie d'un même financement, d'une délégation de locataire et d'une hypothèque conventionnelle au profit de la banque ayant financé l'immeuble115(*). En l'espèce, la délégation vient renforcer l'hypothèque, à moins que ce ne soit l'inverse116(*). Le cumul d'une sûreté réelle est d'une sûreté personnelle est en l'occurrence avantageux pour le banquier ; il a un droit de préférence et de suite sur l'immeuble acquis et, surtout, il se ménage un autre débiteur, qui, à la différence de la caution, n'est pas un débiteur accessoire. Si la location immobilière ordinaire est un des terrains d'épanouissement de la délégation de locataire à titre de garantie, les autres variétés de baux ne sont pas en reste. En effet, on peut comparer au schéma classique du financement immobilier garanti par une délégation de locataire, une hypothèse assez proche, soumise à la chambre commerciale de la Cour de Cassation le 26 novembre 2002117(*). En l'espèce, il s'agissait d'une délégation, non de locataire, mais de crédit preneur, à titre de garantie, au profit du prêteur ayant financé l'acquisition d'un investissement locatif. Il en résulte que la délégation de locataire à titre de garantie se généralise peu à peu à un éventail de plus en plus large de locataires. De l'ensemble de ce qui précède, il ressort que la pratique contractuelle ne limite pas la délégation à sa fonction de paiement. Les conventions litigieuses soumises à la jurisprudence stipulent d'ailleurs expressément qu'il s'agit de délégations en vue de garantir un financement. Il est, en conséquence, possible d'en déduire qu'il s'agit là d'une finalité non équivoque, dans la mesure où elle est contenue dans l'acte de délégation lui-même. Sans insinuer que la délégation de locataire à titre de garantie soit ostensiblement encouragée par les juridictions, dès lors qu'existe un financement d'investissement locatif, on peut affirmer qu'elle n'est pas condamnée. Partant, il s'agit réellement d'une consécration implicite de ce montage juridique. Au demeurant, il est des hypothèses où il nous semble que la jurisprudence est particulièrement bienveillante à l'égard de la délégation de locataire à titre de garantie. 2) Appui de la jurisprudence à la délégation de locataire en garantie Très récemment, la Cour de Cassation a ravivé l'efficacité de la délégation de locataire à titre de garantie. En effet, cette opération juridique occasionne une difficulté très particulière, dans la mesure où la délégation conclue par les parties n'est pas novatoire. Comme nous l'avons relevé tantôt, c'est la condition de son effet de garantie. Ainsi, en l'absence de décharge expresse du délégataire à l'égard du délégant, celui-ci n'est pas libéré par l'engagement du délégué ; non plus que le délégué, à l'égard du délégant, par son engagement envers le délégataire118(*). La délégation n'est donc, en principe, ni simplement, ni doublement novatoire. En conséquence, la créance de loyers du délégant à l'encontre du délégué subsiste. Cette créance fait partie du crédit apparent du délégant, de telle sorte que les créanciers de celui-ci pourraient s'y intéresser, et entrer en concours avec le délégataire ou ses propres créanciers. Un tel résultat aurait inéluctablement pour effet d'affaiblir l'efficacité de la délégation de locataire à titre de garantie, en éludant l'exclusivité que pouvait légitiment attendre le délégataire. La jurisprudence, qui ne répugne vraisemblablement pas à l'utilisation de la délégation comme garantie d'un financement immobilier, a semble-t-il été sensible à cet inconvénient pratique. C'est ainsi que la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a, statuant à l'occasion d'une délégation de locataire à titre de garantie, estimé que la créance de loyers du délégant à l'encontre du délégué était insaisissable, à compter de l'acceptation du délégataire119(*). La créance du délégant demeure bien dans le patrimoine de celui-ci, mais elle est indisponible. Partant, les créanciers du délégant ne peuvent valablement effectuer une saisie attribution de la créance de loyers entre les mains du locataire délégué. Cette solution est au demeurant conforme à celle proposée par l'avant projet « Catala », de réforme du droit des obligations et de la prescription120(*) . La solution adoptée par la cour de cassation n'a d'autre but que de renforcer l'efficacité de la délégation de loyers à titre de garantie. Elle a en effet pour répercussion d'augmenter les chances du délégataire d'être payé, en lui évitant de se retrouver dans une situation de concours avec le délégant ou ses créanciers. En conséquence, il n'est pas possible de contester que la délégation serve quotidiennement à sécuriser les opérations d'acquisitions ou de construction immobilières, avec l'assentiment, voire l'encouragement, de la Jurisprudence. Ainsi est-il établi que la délégation de locataire à titre de garantie constitue l'archétype de la délégation-sureté. Elle s'est développée à la faveur de la pratique notariale puis bancaire, et, comme nous l'avons souligné, au-delà de la location immobilière ordinaire. Néanmoins, il faut relever que la délégation de débiteur à titre de garantie ne s'est pour autant pas limitée au locataire. S'appuyant sur cette dernière figure, elle s'est, en pratique, développée par delà la garantie du financement immobilier. Par mimétisme de la pratique notariale, il est apparu une multitude d'hypothèses dérivées. B Les hypothèses pratiques dérivées de recours à la délégation à titre de garantie Par « hypothèses dérivées », il est entendu que celles-ci sont nées du modèle initial de délégation-sûreté, inventé par les notaires : La délégation de locataire à titre de garantie. Celle-ci s'est exportée hors des études notariales et, surtout, elle a été utilisée dans d'autres circonstances que la matière immobilière. En conséquence, dans les différentes espèces rapportées, le délégué ne sera pas nécessairement un locataire, ni le délégant un investisseur immobilier octroyant une garantie au banquier prêteur. La jurisprudence est donc marquée par une certaine diversité des recours à la délégation en garantie. Son efficacité suppose toutefois une évidente condition d'intelligibilité. 1- La diversité des recours à la délégation en garantie La délégation-sûreté n'est pas l'objet d'un monopole du monde du financement et de la pratique immobiliers. Ainsi a-t-elle été utilisée, en garantie de contrats d'entreprise, notamment en matière de construction. C'est une application qui ressort, entre autres, des faits d'un récent arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, en date du 13 juin 2006121(*). Les fait de l'espèce sont relativement simples : Des époux confient à une société des travaux de construction. Pour ce faire, la société recourra à un fournisseur, qui procurera au maître d'oeuvre différents matériaux nécessaires à la réalisation desdits travaux. Par acte de délégation, le maître de l'ouvrage (le couple) s'engagera à payer au fournisseur toutes les sommes qui seraient dues à ce dernier par l'entrepreneur principal. Par la suite, l'entrepreneur principal fera l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, l'empêchant de payer sa dette envers le fournisseur. Fort heureusement, celui-ci avait pris le soin de se faire consentir une délégation incertaine à la charge du maître de l'ouvrage (le couple). Celui-ci s'était en effet engagé à payer ce que pouvait devoir le délégant. Cet effet de garantie est du reste particulièrement efficace, en dépit de la procédure collective de l'entrepreneur principal. En effet, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation estimera que dans la mesure où le délégué a souscrit une dette propre à l'égard du délégataire, il ne saurait reprocher à ce dernier l'extinction de sa créance à l'encontre de l'entrepreneur pour défaut de déclaration122(*). L'analyse des faits de l'espèce ne souffre pas l'équivoque. Si le fournisseur a pris le soin de se faire consentir une délégation, ce n'est pas pour être payé de façon plus simple, mais pour être sûr d'être payé. L'enjeu n'est pas dans cette espèce la modalité du paiement, mais le paiement lui-même. Le mobile des parties était effectivement de prémunir le sous-traitant contre l'insolvabilité de l'entrepreneur, de façon plus efficace qu'un simple cautionnement, par exemple. Cette efficacité sera en l'espèce le fruit du principe d'inopposabilité des exceptions. Il ressort de l'exemple précèdent que, non seulement, la Cour de Cassation ne condamne pas le recours à la délégation-sûreté au profit du sous-traitant, mais encore, elle donne à la délégation son plein effet, en interdisant au délégué d'invoquer à l'encontre du délégataire l'ancienne extinction de la créance pour non déclaration au passif de la procédure123(*). L'obligation du délégué étant nouvelle et autonome, quand bien même la délégation serait conclue incertaine, elle garantit efficacement le fournisseur contre la défaillance du maître de l'ouvrage. Il en résulte indubitablement que la jurisprudence admet la validité du recours à la délégation-sûreté, dans d'autres hypothèses que la délégation de locataire à titre de garantie, figure originelle du mécanisme. La délégation du maître de l'ouvrage à titre de garantie en est un exemple suffisamment convaincant. Sans doute le lecteur rétorquera-t-il que la délégation du maître de l'ouvrage, à titre de garantie, est expressément prévue par la Loi, et que, peut-être, en dehors de cette situation particulière, n'y aurait-il pas de délégation-sûreté possible124(*). La pratique contractuelle démontre le contraire. En effet, non contente de recourir à la délégation-sûreté en dehors des contrats de maîtrises d'ouvrage, la pratique des affaires s'autorise même à cumuler la délégation à titre de garantie et le cautionnement. C'est l'enseignement qui ressort de la Jurisprudence, notamment des faits d'une décision récente de la deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation125(*). Selon les termes de la décision, une société emprunteuse a obtenu d'une banque « un prêt garanti d'une part, par un engagement de délégation de créance [...] d'autre part, par une caution solidaire de M. X ». Il est donc permis de constater que, dans la pratique du monde des affaires, la délégation n'a pas uniquement vocation à éluder le cautionnement, au profit d'une technique plus sévère à l'égard du débiteur ; elle peut s'adjoindre à celui-là dans le cadre d'un montage juridique plus élaboré, et, en conséquence, plus sûr pour le créancier. Dans l'espèce ci-dessus rapportée, la Cour de Cassation n'a pas opposé d'objection à l'encontre du montage proposé, et, à notre connaissance, il n'existe pas d'arrêt de la Cour de Cassation censurant un recours à la délégation à titre de garantie, simplement parcequ'une autre sûreté eût été plus adéquate126(*). Au contraire, il nous semble que la possibilité de cumul avec une autre sûreté nommée, notamment le cautionnement, soit l'expression paroxystique de la liberté de recourir à la délégation-sûreté. La seule difficulté qui peut se poser est, comme nous le verrons plus loin, une question ponctuelle de validité de la délégation eu égard aux circonstances dans lesquelles elle est conclue. Ainsi pourrait-t-on concevoir que le juge annule, le cas échéant, une délégation conclue pendant la période suspecte. Cette question de validité n'est toutefois pas spécifique à la délégation, et peut concerner d'autres « sûretés anormales » octroyées pendant la période suspecte. Au demeurant, encore faudrait t-il que le droit des procédures collectives envisage la délégation comme une sûreté. En définitive, il n'est pas remis en cause la validité intrinsèque du recours à la délégation-sûreté. Au reste, une partie de la doctrine renforce les exemples jurisprudentiels rapportés, considérant que la Loi elle même n'interdit aucunement le recours à des « sûretés personnelles non spécialement réglementées, telles (...) la délégation »127(*). Cette absence de réglementation spécifique, ainsi que, la liberté contractuelle qui en découle, imposent cependant d'être précautionneux dans la rédaction de la délégation en garantie. En effet, il est en l'occurrence impossible de faire simplement référence à un contrat prédéterminé et, pré réglementé. 2-L'exigence jurisprudentielle d'une certaine intelligibilité de la délégation-sûreté Pour qu'elle soit efficace, encore faudrait-il que les termes de la délégation à titre de garantie soient, un tant soit peu, limpides ; cela implique une rédaction minutieuse en pratique128(*). Il est consternant de lire, dans certains contrats, qu'un emprunteur, pour garantir l'exécution de son obligation de restitution, « cède, subroge, et transporte », ou, mieux encore, « cède, "délègue", et transporte », une créance à l'encontre d'un tiers. Dans cette hypothèse, le juge sera face à une difficulté d'interprétation, et les parties encourent le risque de voir leur sort laissé à l'appréciation souveraine des juges du fond. Selon la jurisprudence actuelle de la Cour de Cassation, de telles stipulations, « contradictoires et ambiguës, nécessitent une interprétation de l'acte pour permettre sa qualification »129(*). Dans l'espèce exposée, la Cour d'Appel a pu déduire de la volonté des parties que la convention litigieuse devait s'analyser en une cession de créance, et non en une délégation. La faute rédactionnelle est fâcheuse. Or, à n'en pas douter, le but poursuivi par les parties était une délégation à titre de garantie. En effet, la situation s'y prêtait ; elle s'y prête encore plus, au regard de la fragilité actuelle de la cession de créance à titre de garantie, due aux risques de requalification encourus130(*). Une certaine rigueur dans la rédaction de la délégation à titre de garantie s'impose en conséquence pour l'avenir ; il s'agira d'éviter qu'elle soit requalifiée en cession de créance de droit commun à titre de garantie, et, partant, au regard de la jurisprudence récente, en nantissement de créance, acte non translatif. Il semble réellement que la volonté des parties soit bridée en matière de cession de créance de droit commun à titre de garantie. La requalification en nantissement de créance étant encourue, il paraît plus avantageux, pour constituer une garantie efficace, ainsi qu'une situation d'exclusivité au profit du créancier, de recourir à la délégation-sûreté. Il est possible de constater, en définitive, que la dynamique pratique tend à une généralisation de la délégation à titre de garantie, renforcée, le cas échéant, par une sûreté personnelle ou réelle « classique ». La liberté concrète de recourir à la délégation-sûreté semble être au faîte de sa manifestation, lorsque celle-ci est cumulée à une sûreté personnelle traditionnelle, notamment le cautionnement. Du reste, la délégation-sûreté nous semble aussi plus avantageuse et plus sûre que la cession de créance à titre de garantie. Cette dynamique pratique est toutefois freinée par la jurisprudence, qui n'admet pas que la délégation, puisse servir de « commode bonne à tout faire du droit français des obligations »131(*). Certes, ses applications sont larges. Elles ne sauraient pour autant être illimitées. Elles se cantonnent, à notre opinion, au paiement et à la garantie. Ainsi, la vocation impérialiste de la délégation est tempérée, dès lors que l'on veut en faire une échappatoire pour couper à une obligation ou à une impossibilité (par ex. la cession de dette). Certes s'agira t-il, en partie seulement, d'une question de validité, et non directement d'utilité. Toutefois, ces restrictions à la validité de la délégation limitent quantitativement et indirectement ses fonctions. Section II : Les fonctions rejetées ou limitées par la jurisprudence Il est des fonctions que la délégation n'est pas de taille à remplir, nonobstant les multiples tentatives de la pratique en ce sens. En effet, la jurisprudence oppose systématiquement son refus à toute tentative de recourir à ces fonctions « bannies ». Comme nous l'avons souligné plus tôt, il ne s'agit pas de prohibition pour des questions de validité générale. Ainsi que tout contrat, il est certain qu'une délégation ayant une cause illicite ou immorale serait invalidée. En revanche, il existe des finalités particulières auxquelles la délégation ne saurait tendre. Soit, parcqu'elles sont impossibles (I), soit, parcque les circonstances particulières de la conventions n'y sont pas favorables (II) § I : L'impossibilité de réaliser une cession de dette par voie de délégation Ainsi que nous avons eu l'occasion de le prouver, à la lumière de la jurisprudence, la délégation est uniquement une technique de paiement et de garantie des obligations. Elle n'a, en conséquence, pas pour fonction de permettre la réalisation d'une cession de dette. Certains auteurs envisagent pourtant la délégation au titre de la cession de dette, ou de la « circulation de l'obligation par changement de débiteur » ; estimant que la délégation serait un mécanisme de « transfert de dette avec protection du créancier »132(*). D'autres l'analysent « en un mode de reprise de dette plutôt qu'une sûreté sui generis»133(*). La jurisprudence n'admet cependant aucune possibilité de transporter une quelconque dette par voie de délégation. Sans entrer dans le débat relatif à l'intérêt de la cession de dette, notamment pour le cessionnaire, il faut considérer que celle-ci n'est par réalisable par voie de délégation. En effet « nul ne peut être contraint à changer de débiteur »134(*) ; le délégant ne saurait donc imposer au délégataire, la substitution de l'engagement du délégué, à sa propre obligation envers celui-là.
Plus généralement, il faut considérer que la cession de dette est incompatible avec la délégation. Cette dernière n'a aucun effet translatif, ni activement, ni, a fortiori, passivement135(*). En effet, elle ne permet pas « la transmission entre vif, du cédant au cessionnaire, d'un droit réel ou personnel à titre onéreux ou gratuit »136(*). En réalité, plutôt que de servir de véhicule juridique à la cession de dette, l'existence même de la délégation est un des obstacles à celle-ci137(*). Cette affirmation, apparemment paradoxale, est la résultante de l'analyse des faits soumis à la jurisprudence, et constituant une démarche dans le sens d'une reprise de dette. En effet, il semble qu'en droit des obligations, toute tentative de cession de dette sera requalifiée en délégation. C'est une preuve irréfutable de l'incompatibilité entre la délégation et la cession de dette, et, du fait que l'existence de la délégation soit, en elle-même, un obstacle au transport de dette. Pour étayer notre affirmation, il faut se référer à un arrêt relativement récent de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation, en date du 7 décembre 2004138(*). Il ressort des faits de cette décision que les parties ont ostensiblement entendu organiser une cession de dette139(*). En l'espèce, des époux anciennement titulaires d'un bail commercial ont obtenu en justice l'allocation d'une indemnité d'éviction. Le bailleur, débiteur de l'indemnité, a par la suite vendu l'immeuble contenant les locaux litigieux. C'est à cette occasion que l'acquéreur de l'immeuble s'engagera à payer l'indemnité due aux époux par le bailleur. L'objectif de l'acquéreur était indéniablement de reprendre la dette du vendeur, à l'égard des époux locataires, à sa charge. Par la suite, le bailleur débiteur de l'indemnité sera placé en redressement judiciaire. Les créanciers de l'indemnité d'éviction intenteront naturellement une action en paiement contre l'acquéreur, pseudo cessionnaire de la dette du bailleur. Les moyens du pourvoi de l'acquéreur sont particulièrement intéressants, ils illustrent au demeurant la volonté d'opérer une cession de dette. L'acquéreur soutient en effet que « les époux X faisaient expressément valoir que le contrat de vente du (...) réalisait une cession de dette », et que l'acquéreur « serait subrogé dans les droits et "obligations" du vendeur (...) tant activement que "passivement" ». De la sorte, il serait fondé à opposer aux créanciers de l'indemnité d'éviction l'extinction de leur créance d'indemnité pour défaut de déclaration à la procédure collective du bailleur. Le raisonnement peut paraître logique ; si le bailleur a cédé sa dette à l'acquéreur, et que celle-ci se trouve éteinte pour une raison tenant au bailleur, l'acquéreur, ayant recueilli cette même dette, se trouverait de ce fait libéré. La Cour de Cassation ne souscrit toutefois pas à ce raisonnement. Considérant que l'assignation en paiement du créancier équivalait à une acceptation à titre de délégataire, elle estime que « la cour d'appel a déduit, à bon droit, que cette opération juridique s'analysait en une délégation au sens de l'article 1275 du Code Civil ». Partant, elle considère que le délégué, en l'espèce l'acquéreur soi-disant cessionnaire de la dette, a souscrit une obligation personnelle et indépendante envers les délégataires, les locataires créanciers de l'indemnité d'éviction. Ainsi, la créance de ceux-ci envers celui là subsiste, nonobstant le défaut de déclaration à la procédure collective du délégant. Il s'agit d'une application du principe de l'autonomie de l'obligation du délégué et de sa conséquence : l'inopposabilité des exceptions. Cet engagement nouveau du délégué est incompatible avec toute idée de cession et de permanence de la dette cédée. Cet arrêt illustre le fait que toute tentative de cession de dette sera irrémédiablement requalifiée en délégation, le débiteur ne pouvant imposer au créancier un autre débiteur. En effet, il suffira que le créancier intente une action en paiement envers le prétendu cessionnaire de la dette, pour que cette manifestation de volonté soit interprétée comme une acceptation provenant d'un délégataire. En conséquence, la requalification est inévitable, quelle que soit l'ingéniosité des clauses des parties. En définitive, il est à constater que la délégation ne permet pas le transport de dette de façon efficace. Sans doute parvient-on à un résultat semblable, que la Doctrine qualifie de « cession imparfaite » ; mais, en réalité, une cession est nécessairement parfaite, ou n'est pas. Par analogie, il serait difficile d'appeler « vente », un contrat non translatif de propriété. Ainsi est-il prouvé que la délégation n'a pas pour fonction de transporter la dette. Plus encore, elle en constitue un obstacle. En effet, toute tentative de cession de dette sera requalifiée en délégation, en cas de demande en paiement du pseudo créancier cédé140(*). Si la jurisprudence rend impossible la cession de dette par voie de délégation, elle limite aussi, dans une certaine mesure, la fonction extinctive de celle-ci. Le droit des procédures collectives appréhende la délégation exclusivement comme un paiement. La jurisprudence tire des conséquences non négligeables de cette réalité, en ce qui concerne le rôle extinctif de la délégation § II : L'appréhension restrictive de la fonction extinctive de la délégation par le droit des procédures collectives Le droit des procédures collectives appréhende exclusivement la délégation comme un mode de paiement. En conséquence, celle-ci ne saurait avoir pour fonction de permettre aux parties de contourner les effets de la procédure, notamment l'interdiction du paiement de dettes non échues pendant la période suspecte141(*). Il s'agit d'un impératif d'ordre public, imposé afin d'assurer le respect du principe d'égalité des créanciers du débiteur objet de la procédure. Quant aux paiements des dettes échues pendant la même période, la Loi impose qu'ils soient faits selon des modes précis ou, au moins, communément admis dans le monde des affaires. Cette question, qui peut sembler exclusivement technique, oblige en réalité à s'interroger sur la réalité de la banalisation de la délégation-paiement dans le monde des affaires. Réalité qu'il a été tentée de démontrer plus tôt. A - L'interdiction de la délégation-paiement dans un souci d'égalité des créanciers Ainsi que nous l'avons souligné, le droit des procédures collectives appréhende la délégation comme un simple paiement, en dépit de la dualité démontrée de ses fonctions. Dans cette perspective, la délégation, en tant que mode de paiement, peut subir les foudres des juridictions examinant les actes accomplis par le débiteur pendant la période suspecte. En effet, certains actes, notamment des paiements, peuvent être effectués pour avantager un créancier au détriment des autres. Ainsi sont-ils prohibés. La délégation étant, au sens du droit des procédures collectives, un mode de paiement, elle est susceptible de rentrer dans le champ d'application de cette prohibition. Conformément à l'article L. 632-1, 3° du Code de Commerce, la délégation encourt une nullité de plein droit, si elle a été utilisée pour payer, avant terme, une dette du débiteur pendant la période suspecte. En effet, la Loi frappe de nullité tout paiement pour dettes non échues au jour du paiement, « quel qu'en ait été le mode ». La délégation étant, comme nous l'avons démontré tantôt, un mode de paiement, elle sera, le cas échéant, sanctionnée de nullité142(*). La restriction de la fonction extinctive de la délégation ne pose donc pas de difficultés particulières en ce qui concerne le paiement de dettes échues. En définitive, il est possible de déduire de notre démonstration précédente, qu'à l'inverse de la compensation, la délégation n'est pas une technique de paiement qui a pour fonction de permettre de contourner les effets de la procédure collective143(*). En revanche, le droit des procédures collectives semble quelque peut perturber la relative banalisation de la fonction extinctive de la délégation, telle que nous l'avons présentée auparavant. B - La possible remise en cause, par la jurisprudence, de la vulgarisation du recours à délégation-paiement À n'en pas douter, la délégation est un mode de paiement, même si ce n'est pas son unique fonction. Nous avons précédemment tenté de démontrer, au regard de l'importance du contentieux la concernant, qu'elle est devenue une pratique relativement courante dans le monde des affaires. Il semble toutefois que la jurisprudence relative aux procédures collectives pourrait, dans l'avenir, inviter à reconsidérer cette affirmation. Non seulement, elle n'appréhende la délégation qu'en tant que mode de paiement, mais encore, il se pourrait qu'elle limite le domaine de cette fonction extinctive. En effet, la loi interdit, pendant la période suspecte, tout paiement pour dettes échues, non effectués par le biais d'instruments spécifiés, ainsi que tout paiement effectué « autrement que selon un mode communément admis dans la pratique des affaires »144(*). Nous avons soutenu que la délégation-paiement était devenue une pratique récurrente, notamment dans les relations d'affaires. Or, il semble que la disposition susvisée puisse inciter la jurisprudence à contredire cette affirmation. En effet, on peut se demander si en interdisant tout mode de paiement « non communément admis dans les relations d'affaires », on ne dénie pas à la délégation une partie sa fonction extinctive, contrecarrant ainsi l'allant qu'elle a engendré chez les praticiens. En réalité, la jurisprudence ne condamne nullement la banalisation de la délégation-paiement, ni le paiement de dettes échues, par voie de délégation, pendant la période suspecte. En effet, elle tient compte de la pratique des affaires, et du fait que la délégation-paiement soit ou non devenue une technique de droit économique dans le milieu concerné. En conséquence, tout est question de casuistique. C'est ainsi que « Doit être annulée la délégation faite, par une société de commerce de viande en cessation des paiements, d'une créance qu'elle détient sur une compagnie d'assurance, au profit du propriétaire des marchandises sinistrées, dès lors que le bénéficiaire de la délégation ne peut sérieusement soutenir qu'un tel mode de paiement ponctuel, issu d'un événement inhabituel, est normal, compte tenu des usages de la profession, et qu' il ressort ainsi que la délégation de créance n'est pas communément admise dans les relations d'affaires considérées relatives au commerce des viandes »145(*). La pratique du commerce des viandes n'est apparemment pas assez rompue à la délégation paiement, pour que l'on estime qu'il puisse s'agir d'un mode de paiement commun dans ce secteur d'activité. En revanche, comme nous l'avons démontré auparavant, la délégation-paiement est prisée et récurrente en matière immobilière, notamment à l'occasion d'un financement immobilier par une banque. La jurisprudence actuelle renforce notre démonstration, admettant la validité de la délégation-paiement pour dette échue, pendant la période suspecte, dans ce domaine d'activité précis. En effet, elle estime que « Justifie sa décision la cour d'appel qui se réfère aux relations entre l'établissement de crédit ayant financé le prêt et l'emprunteur pour déterminer si la délégation de créance faite par ce dernier constitue une pratique générale et habituelle dans les relations d'affaires du secteur bancaire pour la mise en place d'un prêt immobilier »146(*). La Cour de Cassation encourage ainsi les juges du fond à tenir compte du secteur d'activité concerné. En conséquence, la limitation de la fonction extinctive de la délégation par le droit des procédures collectives sera circonscrite aux secteurs d'activité peu « initiés » à la délégation-paiement. Aussi, pour les secteurs bancaire et immobilier, grands « consommateurs » de délégation, la restriction de la vulgarisation du recours à la délégation-paiement devrait être largement moins sévère, notamment si le délégué est un professionnel, réglant par exemple ses dettes d'emprunts. Finalement, il est piquant de constater que plus la délégation en paiement sera utilisée par un secteur d'activité, plus sa fonction de paiement sera renforcée. Cette remarque, bien que spécifique aux procédures collectives, ne résume t-elle pas toute la logique de l'évolution fonctionnelle que vise à établir notre étude ? En effet, il est incontestable que le rôle délégation a évolué, passant de l'unité à la dualité. Sa logique propre semble assez simple : Plus elle sera utilisée, plus elle pourra avoir d'utilités. Il est alors fort probable que, pour les besoins de la pratique, et sous l'impulsion intellectuelle de la Doctrine, il lui soit forgé de nouvelles fonctions. Il deviendra alors nécessaire d'opérer une nouvelle mise à jour de ses utilités. En attendant, il semble qu'à force d'être mise en oeuvre par la pratique contractuelle dans des finalités précises, la délégation puisse elle-même embrasser ces finalités. En réalité, il ne s'agit pas d'une possibilité mais d'une nécessité ; l'identification concrète des fonctions de la délégation révèle l'identité fonctionnelle de celle-ci. La notion même de délégation est imprégnée, voire pénétrée, de ses fonctions. Il convient en conséquence de mettre au jour cette imbricatio PARTIE II : Mise au jour de la notion de délégation Définir la délégation est un exercice délicat. En effet, il ne lui est généralement « pas reconnu une nature juridique particulière en raisons des multiples fonctions qui lui sont ordinairement attribués »147(*). Marc Billiau avait, il y a près de vingt ans, déjà relevé cette difficulté théorique. Elle illustre la nature fonctionnelle de la délégation, et, l'impossibilité actuelle de la réduire à une définition calquée uniquement sur l'une de ses fonctions : L'extinction des obligations. Pourtant, l'auteur susvisé n'a semble-t-il pas poussé cette logique jusqu'au bout. En effet, il envisage et définit de façon unitaire le concept de délégation, lui attribuant simultanément une fonction juridique unique (V. supra, p. 21). Or, il nous semble que le « renouveau »148(*) pratique de la délégation impose de prendre en compte son rôle de garantie, y compris dans la définition de la notion elle-même. Une fois encore, ce sont les acteurs quotidiens du Droit qui, de part l'utilisation orienté de celui-ci, invite à réfléchir sur ses concepts. En effet, à l'instar de ce qui se produit pour le fonds de commerce, les praticiens utilisent de façon récurrente la délégation, sans réellement savoir de quoi il s'agit149(*). La délégation semble aussi faire partie de ces choses que la pratique exploite, mais que le Droit a du mal à nommer. C'est peut-être la raison pour laquelle « la doctrine étudie la délégation principalement sous l'aspect, au demeurant limité, de ses effets » et s'intéresse assez peu à sa nature juridique150(*). Si la notion de délégation est aussi difficile à définir, c'est en partie parcqu'elle n'entre pas dans les catégories habituelles du Droit. Est-ce un contrat sui generis ? Une réponse affirmative paraît difficile, dans la mesure où les articles 1275 et 1276 du Code Civil contiennent expressément le terme de délégation. Il ne s'agit donc pas d'un contrat ignoré de la Loi. Est-ce pour autant un contrat nommé (ou spécial) ? Une réponse affirmative paraît encore délicate, du fait que délégation se trouve envisagée au titre III du livre III du Code Civil, c'est-à-dire : Les contrats et obligations conventionnelles en général. A priori, elle n'aurait en conséquence rien de « spécial » ; sauf à estimer qu'il y aurait des contrats nommés dans une partie du code relative au droit commun des contrats et obligations. En réalité, la question de la nature juridique de la délégation nous paraît insoluble, dès lors que l'on se limite à la qualification imprécise de « délégation », et à la définition usuelle à laquelle elle renvoie (supra p.7). Il faudra se rendre à l'évidence qu'il n'est pas possible d'envisager le concept de délégation de façon unitaire, mais, uniquement en considération de ses fonctions. Les diverses fonctions de la délégation font chacune éclore une notion autonome (I). En conséquence, il sera proposé, pour chacune de ces notions, un régime juridique adéquat (II). Le régime juridique suggéré sera à notre sens convenable, en ce qu'il sera modelé sur la finalité de la délégation en question, autrement dit, sa cause. Chapitre I : L'impossibilité de réduire la notion de délégation à l'unité, et le pluralisme consécutif Ainsi que nous l'avons souligné, il est malaisé de cerner la notion de délégation, en raison de son attitude rétive à l'égard des catégories habituelles et générales du droit des contrats. En effet, celles-ci sont inaptes à rendre compte de la nature juridique de la délégation (I). Cette situation pourrait mener à penser que la question de la nature juridique de la délégation est insoluble ; non seulement, il ne lui serait « pas reconnu une nature juridique particulière »151(*), mais encore, elle ne parviendrait pas à se fondre, à l'instar de tout contrat, dans la distinction on ne peut plus classique entre contrats nommés et innommés. De ce fait, il serait par exemple impossible de savoir si la délégation-sûreté, que nous avons présentée plus tôt, relève ou non de la catégorie des sûretés personnelles nommées. En réalité, il semble que le juriste sera condamné à revenir de façon cyclique sur la question de la nature juridique de la délégation, tant que celle-ci ne sera pas appréhendée de façon plurale (II). Section I : L'insuffisance des définitions et catégories classiques pour rendre compte de la nature juridique de la délégation La distinction entre les contrats nommés et les contrats innommés, fondement de l'étude du droit spécial des contrats, ne semble pas pouvoir être applicable à la délégation. Le classement de la délégation parmi l'une de ces catégories pourrait cependant être un élément de définition générale de la notion et, du reste, un indice de sa nature juridique particulière. Force est de constater qu'une telle entreprise est vouée à l'échec (I). C'est ce qui a amené certains auteurs à fustiger le fait que la délégation puisse être un contrat innommé auquel le Code Civil ferait néanmoins allusion (infra p.71.). La spécificité de la délégation atteste l'insuffisance de cette dichotomie classique. En effet, il sera possible de constater qu'il s'agit d'une notion qui, en tant que telle, n'a aucun élément caractéristique, et, plus encore, point de signification (II). § I : L'impossibilité de rendre compte de la nature juridique de la délégation au travers de la distinction entre contrats nommés et innommés La distinction entre les contrats nommés et innommés ne permet de définir de façon générale la notion de délégation. Cette dernière est en réalité inclassable. Au surplus, un choix de qualification semblerait à la rigueur inutile, en l'absence de définition et de réglementation suffisantes. A - Délégation et contrats nommés Le droit français des contrats distingue les contrats nommés des contrats innommés. Les premiers font l'objet d'une réglementation particulière, tandis que les seconds ne sont soumis qu'aux règles générales régissant la formation et l'exécution des conventions. Ainsi les contrats nommés sont-ils soumis, en tant que tels, à des règles spéciales découlant de leur qualification. Il semble malgré tout difficile de réduire la délégation à l'une de ces deux catégories, tant la notion de délégation paraît fuyante. En effet, elle ne se laisse pas saisir par la définition censée lui être propre (supra p.7), non plus que par des distinctions plus générales, telles que celle entre contrats nommés et innommés. Or, comment la délégation pourrait-elle avoir une nature juridique particulière, s'il est préalablement impossible de la classer parmi les catégories juridiques les plus larges du Droit privé ? Comment saurait-elle pouvoir le plus sans pouvoir le moins ? C'est pourquoi il est nécessaire, avant de s'attarder sur la nature spécifique de la délégation, d'envisager sa nature « générale », au regard des distinctions classiques du Droit privé. Tentant de cerner de façon générale la notion de délégation, un auteur a pu stigmatiser : « cette doctrine », qui « refoule, en fait, la délégation dans le domaine des techniques juridiques non définies ». Aussi fustige-t-il le fait que la délégation puisse être « une espèce de contrat innomé dont le Code Civil ferait néanmoins état »152(*). En dépit de cette critique, force est de constater que la délégation, même si elle constitue une technique « prévue » par l'article 1275 du Code Civil, peine à être classée parmi les contrats nommés153(*). En effet, la pauvreté de son régime juridique la rend incomparable à d'autres contrats tels que la vente, le mandat, le bail, etc., qui sont d'authentiques contrats nommés. Ainsi la spécificité de la notion apparaît-elle ; sa difficulté aussi. A priori, la distinction entre contrats nommés et innommés pourrait être envisagée comme une véritable suma divisio. Pourtant, il n'est pas évident que la délégation puisse se laisser enfermer dans l'une de ces catégories. Au reste, il est à remarquer que le simple fait de s'attarder sur la nature juridique de la délégation, force à s'interroger sur des catégories apparemment intangibles du droit privé. Cela atteste qu'il s'agit bien d'une notion atypique. En conséquence, il semble nécessaire de lui inventer une nature juridique idoine. Il n'est pas possible d'affirmer catégoriquement que la délégation ressortit de la catégorie des contrats nommés. En effet, elle n'est que « simplement invoquée »154(*) par la Loi. L'avant projet « Catala » de réforme du droit des obligations et de la prescription n'a-t-il pas « jugé utile de fixer dans le Code Civil les contours de l'institution, à la fois pour éviter les incertitudes liées à certaines discussions doctrinales et pour combattre des incertitudes jurisprudentielle peu propices à l'essor de la délégation » ?155(*) Le professeur H. Synvet estime en outre que, sans l'intervention de l'avant projet, « la délégation aurait sans doute pu continuer à "s'épanouir dans la discrétion" à l'abri des rigidités qu'induit toute intervention législative »156(*). Il s'agit d'un aveu patent de l'absence de réglementation suffisante, relativement à la délégation. Or, le propre du contrat nommé n'est-il pas d'être défini et réglementé en tant que tel ?157(*) Vraisemblablement, il faudrait déduire de ce qui précède le caractère innommé du contrat de délégation. Une telle conclusion serait cependant aussi imprudente que la première. En effet, le terme de « délégation » figure expressément dans les articles 1275 et 1276 du Code Civil. La Loi « nomme » ainsi délégation l'opération : « par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur »158(*). C'est la quadrature du cercle : il ne semble pas possible de classer la délégation. En définitive, il faut donc se rendre à l'évidence que la distinction entre contrats nommés et innommés est inapte à rendre compte de la nature juridique générale de la délégation. Or, comment la délégation saurait-elle avoir une nature juridique particulière, si l'on ne parvient pas à la classer dans l'une ou l'autre de ces deux grandes catégories de contrats ? Qui ne peut le moins, ne pourra pas le plus. En dernière analyse, il serait possible de se demander si la délégation, à l'instar du fonds de commerce, du compte courant etc., ne fait pas partie de ces « choses juridiques indéfinissables ». Au demeurant, il faut remarquer qu'en l'absence de définition et de régime juridique bien établis, il sera en pratique inutile de savoir si la délégation est un contrat sui generis ou un contrat nommé. B - L'inutilité pratique du classement de la délégation dans la catégorie des contrats nommés Jusqu'à la révision du droit des sûretés par l'ordonnance du 23 Mars 2006 (v. supra p.29), la pratique des affaires recouraient à deux types de garanties personnelles innommées, en marge du cautionnement : la garantie autonome, et la lettre d'intention. L'ordonnance susvisée les a désormais consacrées en tant que sûretés personnelles « nommées dans le Code Civil »159(*). Il est cependant regrettable que la réforme n'ait pas consacré la délégation en tant que nouvelle sûreté personnelle, même si ce n'est pas, comme nous l'avons souligné, son unique utilité. En effet, délégation, garantie autonome, et lettre d'intention partagent un sort commun, ou, plutôt, une imprécation commune. Elles font partie des quelques techniques juridiques qui, bien que prévues par la Loi, sont tellement peu réglementées qu'il parait difficile de les classer160(*). En conséquence, il conviendrait d'affiner les catégories générales usuelles pour y faire entrer la délégation. Il nous semble qu'il serait possible de distinguer entre les contrats nommés et les contrats régis par la Loi. Si tous les contrats régis sont nommés, l'inverse n'est pas nécessairement vrai. Le Code Civil nomme par exemple la vente, il la vise en tant que telle (Titre sixième du livre III : « De la vente »). Il la définit ensuite (art.1582 du Code Civil) ; avant de la régir enfin. La vente est le type même du contrat nommé. Elle invite à distinguer trois étapes : la désignation, la définition, la réglementation. La désignation est une simple référence au nom du contrat. Quant à la définition, elle permettra de qualifier le contrat afin d'établir la réglementation qui lui est spécifique. Si la vente a franchi sans difficulté ces trois étapes, la délégation s'est semble-t-il limitée à la première. C'est précisément pourquoi elle n'est pas un contrat comme les autres. Certes, la délégation est désignée par l'article 1275 du Code Civil, mais, comme nous l'avons souligné tantôt, elle n'est pas, ou pas suffisamment, définie, mais simplement décrite ; elle est encore moins spécialement régie par la Loi. Dans un sens, il serait possible d'affirmer qu'elle constitue un contrat nommé, le terme même de délégation figurant dans les textes. Toutefois, à quoi servirait-il de qualifier un contrat de « délégation », s'il n'est pas possible de le rattacher à des critères d'identification préalables (absence de définition), ou à un régime juridique prédéterminé (absence de réglementation) ? La qualification de délégation n'a de ce fait pas plus d'intérêt que la qualification de contrat sui generis. En effet, le régime juridique déclenché par celle-ci semble n'avoir rien de spécifique. Par l'opération de délégation, le délégué s'oblige à exécuter une prestation envers le délégataire. N'est-ce pas un trait commun de tout contrat engendrant une obligation, une partie devenant débitrice de l'autre ? La nature spécifique de la délégation met en exergue l'insuffisance de la distinction entre contrats nommés et innommés ; il semble difficile, et surtout inutile, de la classer parmi une de ces catégories. En effet, le fait qu'il puisse s'agir d'un contrat nommé n'engendre aucune spécificité, la catégorie de rattachement étant une coquille quasiment vide. Peu importe en définitive que la délégation soit un contrat nommé ou innommé. Dès lors que la désignation d'une opération juridique sera restreinte au simple qualificatif de délégation, il sera possible de remarquer qu'elle n'a aucun élément caractéristique propre. § II : L'absence d'élément caractéristique propre à la délégation pure et simple Au regard de la définition actuelle de la délégation, il semble que l'élément caractéristique de celle-ci soit l'invitation du délégant, et l'engagement subséquent du délégué161(*). Cette proposition, bien que généralement admise, mérite d'être rejetée. En effet, l'invitation du délégant, non plus que l'engagement subséquent du délégué, ne permettent d'identifier la délégation. Sans doute seront-ils, ensemble, un élément participant de la définition de celle-ci ; ils n'en seront pas pour autant distinctifs. Pour étayer notre propos, imaginons un exemple assez simple, difficilement distinguable de la délégation. Il s'agit du cas du paiement spontané de la dette d'autrui. Le tiers qui paie la dette d'autrui peut, s'il le souhaite, le faire de façon médiate, en s'engageant au préalable envers le créancier à régler la dette du débiteur, indépendamment d'une quelconque défaillance de celui-ci, et sans sollicitation de sa part. Dans une telle hypothèse, le tiers en question souscrit une obligation personnelle; la qualification d'indication de paiement est donc à écarter162(*). La doctrine lui préférera en général celle d'adpromissio163(*). Pourtant, l'opération en question ressemble à s'y méprendre à une délégation, quand bien même il n'y aurait pas d'engagement sur initiative du pseudo délégant. Une telle situation, parfaitement imaginable en pratique (même si ce que la Doctrine appelle adpromissio est assez rare), se distingue de la simple indication de paiement, qui ne crée pas de droit nouveau au profit du créancier. S'agit-il pour autant d'une délégation ? La question se pose réellement, car le Code Civil ignore la notion d'adpromissio, qui n'est pas une catégorie juridique légale. D'aucuns répondront par la négative, en l'absence d'invitation, au moins implicite, du supposé délégant. Pourtant, l'engagement de payer résultant de l'exemple exposé semble autonome, sur le modèle de l'engagement du délégué, même en l'absence d'invitation du délégant. Il semble aussi que, selon le Code Civil, il n'y aurait pas de situation intermédiaire entre l'indication de paiement (non contraignante pour le futur solvens) et la délégation (qui assujettit le délégué). La soi-disant adpromisso ne serait ainsi qu'une forme de délégation sans invitation du délégant. En réalité, l'exemple précité est parfaitement assimilable à une délégation incertaine non novatoire, par laquelle le délégué s'engagerait pour ce que doit le délégant. Pareillement, si dans notre exemple, le créancier libèrerait le premier débiteur à l'occasion de l'engagement du tiers, la situation serait analogue à une délégation novatoire. Dans les deux hypothèses, la seule différence avec la délégation est l'absence d'invitation du débiteur initial. Il ne participera pas à l'acte en qualité de délégant. Au demeurant, on pourrait imaginer qu'il puisse inciter, de façon extracontractuelle, un tiers à s'engager envers son créancier ; mais, dès lors qu'il ne participe pas à l'acte en qualité de délégant, la Doctrine majoritaire écarte la qualification de délégation. Il en résulte, en définitive, que la différence entre la délégation et la prétendue adpromissio serait l'invitation du débiteur initial en qualité de délégant. Cette présentation n'est pas convaincante, si l'on prend la peine de comparer le régime juridique des deux techniques. En effet, en pratique, la différence susvisée ne crée pas...de différence, entre la délégation, et le régime de la dette de celui qui s'engage personnellement à payer le passif d'autrui, sans sollicitation de celui-ci. En effet, dans ce dernier cas, il s'agira d'un engagement personnel et autonome, à l'image de celui du délégué. De ce fait, il est possible d'affirmer que l'invitation du délégant est un élément quasi insignifiant de la définition de la délégation, car sa présence ne suffit pas à la caractériser. De surcroît, cette explication est renforcée par la jurisprudence, qui ne semble fait pas faire cas, de façon intransigeante, de la nécessité de l'invitation du délégant. Elle a ainsi pu identifier une délégation, alors qu'on pouvait légitiment douter d'une quelconque invitation du délégant164(*). La seule difficulté qui pourrait se poser, dans l'exemple cité, est celle relative à la cause d'un tel engagement « à découvert »165(*). Cela ne remet cependant pas en cause la démonstration de la difficulté de faire le départ entre la délégation et la prétendue adpromissio, en se fondant sur la sollicitation du délégant. En conséquence de ce qui précède, il nous est possible d'affirmer que l'invitation du délégant ne suffit pas à constituer l'élément caractéristique de la délégation. Cette assertion est du reste renforcée par une partie de la Doctrine ayant comparé la délégation à l'indication de paiement. En effet, il a pu être écrit que : « Une indication de paiement se transforme en délégation, si le débiteur indiqué prend l'engagement de payer et si le créancier accepte cet engagement »166(*). En l'espèce, la qualification de délégation est admise, alors qu'il n'y a jamais eu d'invitation du délégant. Sans doute celui-ci a-t-il demandé au tiers de payer sa dette, en tant que mandataire ; dans un sens, il l'a invité à payer. Toutefois, il ne l'a jamais invité à s'engager, c'est-à-dire à souscrire une obligation personnelle. Il n'a pas non plus pris partie à l'acte de délégation, seul le créancier ayant accepté l'engagement du nouveau débiteur. Pour autant, il ne semble pas que cette absence d'invitation puisse empêcher la qualification de l'opération en délégation. Il en résulte de nouveau qu'il n'est pas concevable, non moins que vain, de faire de l'invitation du délégant l'élément caractéristique de la délégation. Elle reste néanmoins un indice utile, au moins implicitement, voire de façon extracontractuelle. En revanche, à la différence de l'invitation, son consentement paraît indispensable Au reste, il n'est pas non plus envisageable de considérer que l'engagement du délégué puisse être le trait distinctif principal de la délégation. En effet, il n'est pas possible de déterminer, à la lecture de la définition usuelle de la délégation, pour quelle(s) raison(s) le délégué s'engage envers le délégataire. Il semble dans la même situation que n'importe quelle personne souscrivant une obligation de payer à l'égard d'une autre. Or, les fonctions de la délégation se diversifiant, il paraît nécessaire d'identifier la cause d'un tel engagement, voire de l'intégrer dans la définition de la notion. En effet, le délégué ne s'engage jamais pour s'engager. Aussi, dire qu'il consent à une délégation a très peu de signification. Ainsi que l'a récemment souligné un auteur, la délégation « apparaît comme une notion fonctionnelle qui semble ne pas pouvoir être appréhendée dans l'unité mais dans la diversité de ses distinctions et sous distinctions, ou plus précisément de ses finalités »167(*) Il convient de déduire de cette affirmation, ainsi que de l'ensemble de ce qui précède, que la délégation pure et simple n'existe pas ; isolé, le terme de délégation n'a aucun sens. Une approche plurale et fonctionnelle s'impose dans ces conditions. À l'évidence, ce travail ne saurait être fait ex nihilo ; il faudra reconstruire sur les ruines de la définition évincée. Section II : Définition plurale de la délégation à partir de ses éléments constants L'établissement des fonctions de la délégation, non moins que sa définition, nécessite de se référer à la finalité poursuivie par les usagers de ce mécanisme. En effet, ainsi que nous n'avons eu de cesse de le démontrer, nul ne délègue pour déléguer. En revanche, comme nous l'a dévoilé la pratique contractuelle, on délègue, d'une part, pour payer une dette, en évitant un transfert inutile de valeurs ; d'autre part, pour constituer une garantie personnelle au profit de l'un de ses créanciers. Chacune de ces hypothèses de recours à la délégation constitue par conséquent une situation originale, marquée par l'autonomie. Ainsi que l'a souligné une partie de la Doctrine, sans pour autant en tirer toutes les conséquences, la délégation nécessite d'être appréhendée de façon fonctionnelle, au regard de ses finalités (supra p.78). Dès lors, le pluralisme de sa définition s'imposera par la force de l'évidence, car la délégation n'a pas une finalité unique. Il faudra en conséquence admettre, conformément à la finalité respective de chacune, l'autonomie de la notion de délégation-sûreté, ainsi que l'autonomie de la notion de délégation-paiement168(*). Toutefois, avant de s'immerger dans l'inconnu, et de proposer l'autonomie de chacun des cas de recours à la délégation (II), il sera nécessaire de rappeler les propositions et les éléments de définition que nous estimons pouvoir faire l'unanimité (I). En effet, il est des éléments « constants et nécessaires » qui ressortissent de la notion de délégation. Ceux-ci sont toutefois insuffisants. Nous suggérons en conséquence de les compléter avec la distinction susvisée, qui n'a cependant qu'une valeur de proposition. § I : Les éléments constants et nécessaires de la notion de délégation Dans une perspective de définition de la délégation, il ne serait pas satisfaisant de faire table rase des acquis théoriques. En effet, il est possible de s'accorder sur des minima. C'est ainsi qu'à partir de la définition classique de la délégation, il est possible de dégager diverses propositions constamment vérifiables169(*). Ensemble, elles constituent ce qu'il est convenu de d'appeler le plus petit dénominateur commun de toutes les hypothèses de délégation spéciales. D'abord, il sera permis d'affirmer que la délégation met nécessairement en scène trois acteurs, dans le cadre précis d'une opération juridique à trois personnes. Ensuite, il faudra mettre en relief le fait que toute délégation engendre impérativement un rapport de droit nouveau, entre deux personnes non liées auparavant. Conformément à ce qu'a pu relever un auteur, « il convient d'ores et déjà de tenir pour acquis que la délégation fait intervenir trois personnes ; un délégant, un délégataire, et un délégué »170(*). Il est donc juste d'affirmer que la délégation est une entreprise qui met en scène trois sujets de droit. Aussi n'y a-t-il aucune difficulté à s'accorder sur la réalité de cette assertion, confinant à la lapalissade. Poursuivons sur la voie des évidences. La deuxième affirmation, qui n'appelle aucune contestation, est celle selon laquelle la délégation est une opération juridique. Plus précisément, elle constitue une opération juridique à trois personnes. En ce sens, elle se distingue des contrats bilatéraux, et, surtout, des contrats multilatéraux, en ne créant de lien de droit qu'entre deux des trois acteurs de l'opération : le délégué et le délégataire171(*). De surcroît, à la différence de l'indication de paiement, elle est exclusive de toute représentation172(*). Dans le cadre d'une délégation, chacune des trois parties agit en son nom personnel. En conséquence, la délégation peut unanimement se caractériser en une opération juridique à trois personnes, car il s'agit synthétiquement « d'une opération résultant d'une convention unique, exclusive de toute représentation de l'une des trois personnes intéressées par l'une des deux autres, et cela aussi bien au moment de sa conclusion que de ses effets, et qui suppose un enchevêtrement de relation juridiques entre les trois personnes »173(*). Enfin, la dernière affirmation susceptible de rallier le plus grand nombre d'assentiments, est celle qui consiste à dire que la délégation met en liaison deux personnes qui, originellement, s'ignoraient mutuellement. En effet, le délégué s'engage envers le délégataire, personne avec laquelle il n'avait aucun lien préalable. Tout cela étant dit, il n'est pas possible d'entrevoir quelles pourraient être les utilités d'une figure juridique mettant en scène trois acteurs, et constituant une opération juridique à trois personnes, ne créant de lien qu'entre deux d'entre elles. Une convention répondant à une telle définition paraît chimérique. Il s'agit pourtant, à peu de chose près, d'une réitération de la définition usuelle de la délégation. Ainsi l'insuffisance de celle-ci apparaît-elle, mettant en évidence la nécessité d'une approche distincte. § II : Définition plurale et fonctionnelle de la notion de délégation Une acception plurale de la délégation s'impose, car celle-ci ne peut être envisagée de façon unitaire. Il n'y pas une, mais des délégations. Il y en a plus exactement deux, constituant chacune une notion autonome, parfois susceptible de sous distinctions. C'est ainsi que nous proposons, pour pallier la vacuité de la définition classiquement admise, de distinguer la délégation-sûreté, de la délégation-paiement.
A - Autonomie notionnelle et fonctionnelle de délégation paiement Après avoir défini la délégation-paiement conformément à sa finalité, il faudra insister sur son rôle économique. 1) Définition fonctionnelle de la délégation paiement Il nous semble qu'il est possible de définir la délégation-paiement comme suit : Opération juridique par laquelle une personne, le délégant, afin de simplifier l'extinction de son obligation envers une deuxième, le délégataire, demande à une troisième, le délégué, de s'engager envers le délégataire, pour ce que doit le délégant. Il ressort de cette définition que la délégation paiement est nécessairement purement incertaine, le délégué s'engageant rigoureusement pour ce que doit le délégant. En effet, comme nous l'a tantôt dévoilé l'observation de la jurisprudence, il est en pratique constant que, dans la délégation aux fins de paiement, le délégué s'engage pour éteindre de façon simplifiée la dette du délégant. Ce faisant, il éteint simultanément sa propre dette envers celui-ci. Cette finalité est la cause caractéristique d'un tel engagement. Aussi, même si le délégué est impérativement débiteur du délégant au titre d'une dette distincte, et que son engagement envers le délégataire le libère au fur et à mesure envers son créancier, son nouvel engagement devra nécessairement être « calquée » sur celui du délégant envers le délégataire. Le délégué en paiement ne paie jamais au délégataire ce que lui-même devait au délégant, au contraire, il « moule » son engagement sur celui du délégant envers le délégataire. Dans le cas contraire, la qualification de délégation-paiement est, à notre sens, à écarter. En effet, la double finalité extinctive des parties ne serait pas totalement respectée. Si le délégué s'engage pour ce que doit le délégant, c'est donc que celui-ci avait une obligation préalable envers le délégataire. En effet, et la pratique observée en atteste, la délégation-paiement suppose une obligation du délégant envers le délégataire. Dans le cas contraire, elle n'aurait aucun intérêt, car il n'y aurait aucune dette à acquitter de façon simplifiée. On pourrait cependant rétorquer que, par ce biais, le délégant souhaiterait faire une donation au délégataire, dont il n'était pas auparavant débiteur. Cet argument n'est toutefois pas valable. En effet, la donation ainsi faite au délégataire crée une obligation de payer à la charge du donateur délégant, au moins concomitamment au contrat de délégation. C'est précisément cette obligation que l'engagement du délégué en paiement aura pour objectif d'éteindre, en acquittant simultanément sa propre dette envers le délégant. On en revient alors aux critères de la délégation-paiement énoncés précédemment. Il en résulte que les donations indirectes par voie de délégation ne seront, à l'instar des prêts indirects, que des illustrations de la délégation-paiement. Par conséquent, il ne s'agit pas de fonctions autonomes. La délégation-paiement respecte en définitive l'exigence du « double rapport fondamental », quelquefois exigé par la Doctrine pour reconnaître une véritable délégation. C'est une condition qui se vérifie concrètement et systématiquement à propos de la délégation-paiement. En effet, il serait aussi illogique de vouloir simplifier l'exécution d'un rapport de droit unique, que de prétendre simplifier une fraction irréductible. Pour éliminer ce qui complique inutilement le paiement, encore faut-il que cet élément existe. En somme, il est possible de conclure que la délégation-paiement, par l'exigence d'un double « rapport fondamental », correspond réellement à l'acception stricte de la délégation présentée plus tôt174(*). Si la délégation-paiement est nécessairement une délégation purement incertaine, il importe peu qu'elle soit ou non novatoire. En effet, l'essentiel de la notion réside dans l'intention extinctive des parties, cause caractéristique de cette figure juridique. Si elle est conclue novatoire, et, qu'en contrepartie de l'engagement du délégué, le délégataire libère le délégant, on aboutira à une résultat approximativement équivalent à une cession de dette. En revanche, si la délégation-paiement est conclue non novatoire, ce qui est le principe, elle engendrera un effet incident de garantie par adjonction de débiteur. Toutefois, il faut encore insister sur le fait que ce n'est pas l'objectif essentiel des parties. En effet, celui-ci est de créer un résultat économiquement équivalent à une compensation. 2) La fonction de la délégation paiement : une compensation au sens économique Pour mieux saisir la notion de délégation-paiement, il est possible de la définir de façon analogique, au moins quant à sa fonction. Dans cette perspective, il faut la comparer à une technique qui, quoique différente sur le plan juridique, aboutit au même résultat économique : Éviter un transfert inutile de valeurs. Il s'agit de la compensation (art. 1289 et suiv. du C.Civ). Cette dernière permet, sous certaines conditions, un paiement simplifié lorsque deux personnes se retrouvent débitrices l'une envers l'autre. À certains égards, la délégation-paiement semble être un succédané de la compensation, lorsqu'il il manque la condition fondamentale de celle-ci. Afin d'illustrer notre affirmation, prenons un exemple. Soit A créancier de B. Ce dernier, pour espérer pouvoir invoquer la compensation, doit à son tour devenir créancier de A, sinon, il manquera la condition essentielle de la compensation : la réciprocité. En l'espèce, B ne deviendra pas créancier de A mais de C. Or B souhaite absolument, pour une raison de trésorerie, éviter d'avoir à payer directement A. La compensation étant écartée faute de réciprocité, il ne lui reste plus, pour se soustraire au paiement direct, qu'à inviter C à s'engager à régler directement sa dette envers A. Juridiquement, en l'absence de réciprocité des créances, il n'y aura jamais eu compensation. Mais, économiquement, B sera parvenu à son objectif : Payer sa dette en évitant d'avoir à mobiliser inutilement des fonds. Cette finalité extinctive et simplificatrice est fondamentale dans la définition de la délégation-paiement. En pratique, il s'agit de la cause d'une telle opération. C'est la raison pour laquelle elle méritait d'être intégrée dans la définition même de la délégation-paiement. Ainsi que nous l'avons souligné précédemment, l'acception stricte de la notion de délégation n'est valable que pour la délégation-paiement. Elle est un double paiement simplifié, en conséquence, elle nécessite l'existence d'un double rapport préalable. En revanche, dès lors que la délégation change de fonction, elle change simultanément de nature.
B Autonomie notionnelle et fonctionnelle de la délégation sûreté Avant d'insister sur sa finalité, la notion sera définie conformément à celle-ci. Il en résultera que la délégation-sûreté constitue une notion autonome de la délégation-paiement. Par ailleurs, contrairement à celle-ci, qui à pour objectif le paiement d'une obligation, la délégation-sûreté à pour rôle de créer une sûreté personnelle d'imitation au profit du délégataire. 1) Définition fonctionnelle de la délégation-sûreté La délégation-sûreté se distingue de la délégation-paiement sur un point essentiel : sa finalité. En effet, elle ne sert pas à simplifier le paiement, mais à garantir celui-ci. En conséquence, il devrait être possible de l'adjoindre à la délégation-paiement, pour garantir celle-ci, en marquant par la même son autonomie. Nous suggérons de définir la délégation sûreté comme suit : Opération par laquelle une personne, le délégant, afin de garantir à son créancier, le délégataire, la bonne exécution de son obligation envers lui, invite un tiers, le délégué, à s'engager envers ce créancier. Il en ressort de nouveau que l'obligation du délégant envers le délégataire est nécessaire à la qualification d'une délégation-sûreté. En effet, en l'absence de celle-ci, il n'y aurait rien à garantir. En revanche, à l'inverse de la délégation paiement, il ne nous semble pas que la délégation sûreté doive nécessairement être incertaine, et, a fortiori, purement incertaine. Le délégué pourra, le cas échéant, s'engager à payer autre chose que la dette du délégant. De même, il importera peu que délégué soit préalablement débiteur du délégant. En effet, dans toutes les garanties personnelles connues, il ne figure jamais l'exigence que le garant soit lui-même débiteur de la personne garantie. En premier lieu, dans la délégation-sûreté, le délégué peut s'engager pour ce que doit délégant, en l'occurrence, la délégation-sûreté se rapprochera du cautionnement, acte par lequel la caution s'engage à satisfaire à l'obligation du débiteur en cas de défaillance de ce dernier. Le délégué en garantie, à l'instar de la caution, n'a pas à être débiteur du débiteur garanti. En conséquence, l'exigence d'un double rapport préalable ne se vérifie pas à l'égard de la délégation en garantie. La délégation-sûreté concorde donc avec l'acception plus large de la notion de délégation présentée plus tôt (supra p.28 et suiv.). Ensuite, le délégué en garantie peut s'engager pour autre chose que l'objet de la dette du délégant. En ce sens, la délégation-sûreté ressemble à la garantie autonome. Il en résulte en définitive que la délégation sûreté, qui correspond à l'acception large de délégation, pourrait être susceptible de sous distinctions. En revanche, celles-ci ne remettent pas en cause l'unité et l'homogénéité de la notion. En effet, celle-ci est marquée par l'emprunte indélébile de la volonté des parties : Constituer une sûreté personnelle d'imitation au profit du délégataire. 2) La fonction de la délégation-sûreté : constitution d'une sûreté personnelle d'imitation Le rôle de la délégation-sûreté est de constituer, au profit du délégataire, l'équivalent d'une sûreté personnelle garantissant sa créance envers le délégant. L'équivalent seulement, raison pour laquelle nous la qualifions de technique d'imitation. En effet, il semble impossible de qualifier la délégation-sûreté de sûreté au sens stricte du terme, même si elle en reproduit les fonctions175(*). Dans une première approche, il est possible d'avoir une conception large de la notion de sûreté, et, plus précisément, de la notion de sûreté personnelle : « sûreté consistant dans l'engagement envers le créancier, d'un ou plusieurs autres débiteurs (principaux ou accessoires) »176(*). Dans cette optique, il n'y pas de difficulté à affirmer que la délégation-sûreté est une sûreté au sens conceptuelle et fonctionnelle du terme. Néanmoins, il nous semble qu'une seconde approche soit préférable, sans pour autant être à l'abri des critiques. C'est ainsi qu'il a été proposé de définir la notion de sûreté personnelle comme : « l'affectation à la satisfaction du créancier (...) d'un patrimoine, par l'adjonction aux droits résultant normalement du contrat de base, d'un droit d'un droit d'agir, accessoire de son droit de créance, qui améliore sa situation juridique en remédiant aux insuffisance de son droit de gage général... ».177(*) Au regard de la définition précitée, le caractère accessoire de la sûreté personnelle serait immanent à celle-ci. Or, comme nous l'avons souligné tantôt, l'engagement du délégué en garantie est un engagement autonome, quand bien même la délégation serait incertaine178(*). Il en résulte par conséquent le principe d'inopposabilité des exceptions, principe incompatible avec la technique de l'accessoire. C'est ainsi que dans la mesure où la délégation-sûreté constitue une technique autonome de l'obligation garantie, elle ne saurait constituer une sûreté au sens conceptuelle du terme. Cependant, il est incontestable qu'elle constitue une garantie au sens fonctionnel du terme, car elle renforce les chances du délégataire d'être payé. Il résulte de l'ensemble de notre démonstration que la délégation-sûreté constitue une sûreté personnelle d'imitation, reproduisant les effets de garantie produits par les sûretés personnelles nommées. En revanche, la délégation-paiement ne saurait être qualifiée de sûreté. En effet, la répercussion incidente de garantie engendrée par cette technique n'en est qu'un aspect secondaire. Cet effet de garantie n'est pas principalement recherché par les parties. L'enjeu du débat exposé, sur les notions de sûreté et de garantie, n'est pas que théorique. En effet, de nombreux textes, notamment prohibitifs, visent, parfois indifféremment, les notions de sûreté ou de garantie179(*). Il pourrait s'avérer nécessaire d'avoir à qualifier la délégation-sûreté, ou la délégation imparfaite en paiement, au regard de ces textes. Quoique majoritairement approuvée, la définition et la présentation antérieures de la notion de sûreté ne sont pas à l'abri de tout reproche. En effet, affirmer que la délégation-sûreté ne serait une sûreté qu'au sens fonctionnel (i.e. une garantie), en raison de son caractère autonome, n'est pas tout à fait conforme à l'esprit des textes en vigueur. Le législateur n'a-t-il pas consacré la garantie autonome à l'article 2321 du Code Civil en tant que sûreté personnelle nommée ? Or, il est indiscutable que celle-ci n'a pas vocation à partager le sort de l'obligation garantie, d'où son appellation. En réalité, un tel argument n'est pas convaincant, car il semble que le législateur se soit peu soucié, en visant la garantie autonome, de savoir s'il s'agissait d'une sûreté au sens conceptuel du terme, ou au sens fonctionnel du terme. En définitive, l'essentiel sera de retenir qu'il est possible, au regard de la Jurisprudence, de distinguer la délégation-paiement de la délégation-sûreté, en fonction de l'objectif poursuivi par les parties. Chacune correspond à une conception plus ou moins large (ou stricte) de la délégation. Rappelons, au demeurant, que cette proposition de distinction n'est consacrée explicitement, ni par la Loi, ni par la Jurisprudence. Elle n'aura que l'intérêt que voudra bien lui conférer le lecteur. En revanche, elle n'aurait à l'évidence aucune espèce intérêt, si elle ne devait pas entraîner une différence de régime. Chapitre II : La nécessité de modeler le régime juridique de la délégation en considération de la finalité poursuivie par les parties Il est proposé de modeler, de façon supplétive, le régime de la délégation sur sa cause, c'est-à-dire la finalité poursuivie par les parties. Sauf convention contraire, il nous semble préférable que le régime juridique de chaque type de délégation suive les règles ci-après exposées. En effet, au-delà de la discorde jurisprudentielle et de la controverse doctrinale, il semble que la délégation puisse obéir à une logique propre ; une logique fonctionnelle. Cette logique imposerait que le régime de la délégation fût déterminé conformément à la cause de l'engagement des parties. Mais de quel type cause s'agirait-il ? Il est désormais acquis, d'une part, que l'une des variétés de délégation, la délégation paiement, a pour finalité de réaliser un double paiement simplifié. D'autre part, nous avons démontré que la délégation-sûreté a pour objectif de constituer l'équivalent d'une sûreté personnelle au profit du délégataire. À n'en pas douter, ces différentes finalités constituent « l'intérêt de l'acte juridique pour ses initiateurs »180(*), et, en conséquence, la cause de celui-ci. Néanmoins, il s'avère nécessaire de classer cet intérêt dans la dualité désormais classique de la notion de cause. Il s'agira de savoir si l'objectif poursuivi, l'extinction d'obligations préalables, ou la constitution d'une garantie au profit du délégataire, participe de la notion de cause subjective, ou de cause objective de la délégation. Certains éléments militent en faveur de la cause subjective. En effet, il s'agit apparemment du mobile déterminant des parties. Selon qu'il se sera agi d'une délégation- paiement, ou d'une délégation-sûreté, ce mobile sera l'extinction d'obligations préalables ou l'établissement d'une garantie au profit du délégataire. À certains égards, on pourrait en déduire qu'il s'agit de la cause subjective de la délégation. En revanche, il est des arguments en faveur de la qualification de la finalité des parties en cause objective. L'objectif consistant à payer ou à établir une sûreté au profit du délégataire serait ainsi la cause objective du type de délégation en question. En effet, la finalité de paiement se retrouvera dans toutes les délégations-paiement, et, l'objectif de garantie, dans toutes les délégations-sûreté. Or, si le propre de la cause subjective est de varier en fonction de chaque convention particulière, la cause objective, elle, ne varie pas. On la retrouve en conséquence dans tous les contrats de même nature181(*). C'est en cela que la finalité de paiement ou de garantie constitueraient la cause objective catégorique de la délégation. De prime abord, nous serions enclins à nous rallier à l'affirmation selon laquelle les finalités de garantie ou de paiement constituent, respectivement, la cause objective de la délégation-sureté, et la cause objective de la délégation-paiement. Une réponse catégorique en la matière serait toutefois aventureuse, tant la notion de cause paraît encore mystérieuse182(*). Il semble donc préférable de laisser la question en suspens, et au soin d'une étude moins modeste que la nôtre. Celle-là ne saurait tarder, au regard de l'intérêt de la question. Pour l'instant, la seule certitude qu'il est possible de s'autoriser, est celle relative à l'opportunité, voire, la nécessité, de modeler le régime de la délégation sur la fonction qu'entendent lui faire remplir les parties. Cette exigence est valable autant pour la délégation- paiement (I), que pour la délégation-sûreté (II). Section I : le régime juridique approprié à la délégation- paiement Proposer un régime juridique consiste à établir « les règles de droit auxquelles est soumis un acte »183(*). Pour ce qui concerne la délégation-paiement, il s'agira de poser les règles de formation qui devraient lui être applicables, conformément à la définition fonctionnelle que nous en avons donnée. Il faudra ensuite s'attarder sur les règles les plus appropriées à l'engagement du délégué en paiement. § - I : Les conditions de formation de la délégation-paiement À l'évidence, comme tout contrat, la délégation-paiement est soumise aux conditions essentielles de validité énoncées aux articles 1108 et suiv. du Code Civil. Cette affirmation ne souffre aucune possibilité de contestation. En tant que délégation, la délégation-paiement devra aussi correspondre aux critères minimaux que nous avons présentés précédemment, et qui constituent le socle commun, et au demeurant vague, de toute délégation. En dehors de ces considérations générales, il faut insister sur les conditions logiques et juridiques spécifiques à la délégation-paiement. Comme nous avons pu le déduire de l'observation de la jurisprudence, la délégation-paiement est toujours conclue pour éteindre la dette du délégant envers le délégataire et, concomitamment, la dette du délégué envers le délégant. Rappelons de nouveau qu'elle correspond à la conception stricte de la délégation. En conséquence le « double rapport fondamental » préalable à la conclusion d'une telle délégation est une condition logique de celle-ci. En effet, en son absence, la délégation en paiement n'aurait en pratique aucun sens, et ne correspondrait pas à la finalité extinctive et simplificatrice du mécanisme. Il ne serait pas cohérent de vouloir simplifier l'exécution d'un seul rapport d'obligation préalable, et, a fortiori, d'aucun rapport préexistant. Si tout paiement suppose une dette, toute simplification du paiement suppose deux dettes. Par conséquent, il semble qu'il serait nécessaire de faire de ce double rapport préalable, une condition juridique spécifique de la délégation-paiement. Le délégué, en tant que débiteur du délégant, s'engagera rigoureusement pour ce que doit celui-ci au délégataire. C'est en cela que la délégation-paiement est, inévitablement, purement incertaine, le délégué s'engageant pour ce que doit le délégant. Elle ne saurait être simplement incertaine, le délégué s'engageant, en l'occurrence, pour ce qu'il doit lui même au délégant. Dans de telles conditions, il n'est pas certain que la fonction simplificatrice, cause de l'opération en question, puisse être pleinement satisfaite. En effet, si le délégué s'engage pour ce qu'il doit au délégant, il n'est pas assuré que la mesure de son engagement envers celui-ci puisse recouvrir celle de l'obligation du délégant envers le délégataire. Or, c'est cette obligation qui, au premier chef, doit être éteinte par la délégation paiement. Il est en conséquence nécessaire que, dans la délégation-paiment, le délégué s'engage pour ce que doit le délégant. Il en résulte une conséquence pratique non négligeable. La dette du délégué envers le délégant devra, en général, au moins être égale à celle du délégant envers le délégataire. Dans le cas contraire, cela reviendrait à vouloir imposer au délégataire un paiement partiel, ce qui est juridiquement impossible sans son consentement184(*). C'est la raison pour laquelle nous insistons sur le fait que le régime proposé n'est que supplétif. En effet, si le délégataire accepte un paiement partiel, et que la dette du délégué envers le délégant, est inférieure à celle du délégant envers le délégataire, il sera alors possible que le délégué s'engage envers le délégataire, pour ce qu'il devait lui même au délégant. Dans la mesure où le délégué en paiement s'engage à payer, de façon supplétive, ce que doit le délégant ; le régime des exceptions qu'il serait en mesure de soulever devrait être calqué sur cette finalité. B - Les règles juridiques appropriées à l'engagement du délégué en paiement La jurisprudence actuelle ne distingue pas explicitement la délégation-paiement de la délégation sûreté, nonobstant l'autonomie déjà démontrée de ces deux notions. Elle se contente d'appliquer à toute forme de délégation les règles classiques qu'elle a élaborées au fil des années, en se fondant sur le fait de savoir si la délégation en question est parfaite ou imparfaite, certaine ou incertaine. C'est ainsi que la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation estime que le « délégué ne peut opposer au délégataire, des exceptions dont le délégant pouvait se prévaloir à l'égard de celui-ci »185(*), non plus que « les exceptions nés de ses (propres) rapports avec le délégant »186(*). Il ressort de la jurisprudence de la Chambre commerciale, une sorte d'inopposabilité absolue des exceptions. En revanche, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation accepte de tempérer ce principe, en fonction de la typologie de délégation, sans pour autant consacrer expressément la distinction proposée entre délégation-paiement et délégation-sûreté. C'est ainsi qu'elle estime qu'en cas de délégation incertaine, le délégué, seulement obligé au paiement de la dette du délégant, se trouve déchargé envers le délégataire lorsque la créance de ce dernier envers le délégant est prescrite187(*). Cette opposition jurisprudentielle, sans fondement, confine à l'anarchie. Il serait préférable de distinguer selon la finalité voulue par les parties, en somme, selon la distinction proposée entre délégation-paiement et délégation-sûreté. Ainsi, si ces dernières ont conclu une délégation-paiement, par laquelle le délégué s'engage, sauf convention contraire, pour ce que doit le délégant, la solution de la première Chambre Civile trouverait un fondement théorique. En effet, dans la mesure où le délégué s'engage pour ce que doit le délégant, dans le but d'éteindre concomitamment sa propre dette envers celui-ci, il serait logique qu'il ne soit plus tenu, dès lors que le débiteur dont il paie la dette ne l'est plus. Il n'est donc pas nécessaire d'abolir la solution adoptée par la 1ère Chambre Civile ; il suffirait simplement de l'appliquer exclusivement à la délégation-paiement. Pareillement, la solution dégagée par la Chambre commerciale trouverait un fondement, s'il était admis qu'elle ne s'appliquait qu'à la délégation-sûreté, technique juridique de nature et de régime distincts188(*). Section II : le régime juridique appropriée à la délégation-sûreté. Ainsi qu'il a été procédé pour la délégation-paiement, il faudra envisager les conditions de formation de la délégation sûreté, avant d'envisager les règles que nous estimons appropriées à l'engagement du délégué en garantie. § I : Les conditions de formation de la délégation-sûreté Il est inutile de rappeler que, comme tout contrat, la délégation-sureté est soumise aux conditions essentielles de validité des conventions. De même, elle devra correspondre, à l'instar de délégation-paiement, à ce qu'il est possible d'appeler le plus petit dénominateur commun de la notion de délégation. Par delà ces exigences générales, la délégation-sureté répond à une finalité qui lui est propre et caractéristique : La garantie de ce que doit le délégant au délégataire. En conséquence, pour que la délégation-sûreté puisse avoir un quelconque effet de garantie, la préexistence de l'obligation à garantir est, comme nous l'avons souligné plus tôt, indispensable. En dehors de cette obligation à garantir, il n'existerait, à notre sens, aucune autre condition de formation de la délégation-sûreté. Aussi est-il indifférent qu'elle soit certaine ou incertaine. Cette distinction n'aurait de conséquence que sur son régime juridique189(*). § II : Les règles juridiques appropriées à l'engagement du délégué en garantie Ainsi que nous l'avons souligné précédemment, la délégation-sûreté nous paraît susceptible d'être l'objet de sous distinctions. Ces sous distinctions devraient en conséquence déterminer l'autonomie de l'engagement du délégué en garantie. Ainsi, selon que la délégation-sûreté serait conclue certaine ou incertaine, elle n'aurait pas exactement la même rigueur à l'égard du délégué. Certes, il s'agira toujours d'une délégation conclue aux fins de garantir la créance du délégataire envers le délégant, toutefois, la sévérité de cette garantie personnelle ne sera pas toujours identique. En effet, il nous semble que l'autonomie de l'obligation du délégué en garantie, dépendra largement de l'objet de son obligation. De cette affirmation, il faut tirer deux conséquences. D'une part, si la délégation-sûreté est conclue incertaine, au sens où le délégué s'engage pour ce que doit le délégant, elle se rapproche, comme nous l'avons déjà relevé, de la technique du cautionnement. Dans cette hypothèse, la jurisprudence de la 1ère Chambre Civile permettant au délégué d'invoquer l'exception de prescription trouve un fondement théorique. Il paraît prudent de limiter légèrement l'autonomie de l'engagement du délégué en garantie, dès lors qu'il s'engage pour ce que doit le délégant. Il ne serait ni logique, ni équitable, qu'il fût tenu plus rigoureusement que le délégant, sur lequel il a calqué son engagement. Aussi, il est possible de s'interroger sur l'autonomie de la délégation-sûreté incertaine par rapport au cautionnement. En effet, à partir du moment où l'on permet à l'obligation du délégué en garantie, de subir les contrecoups de l'obligation garantie, celle-là se rapproche inéluctablement de l'engagement d'une caution. Toutefois, il semble que la délégation-sûreté, quand bien même elle serait convenue incertaine, ne saurait être confondue avec la technique du cautionnement. En effet, à la différence de cette dernière, elle possède un caractère accessoire extrêmement relatif. C'est ainsi qu'il a pu être écrit que : « la délégation sûreté (incertaine) ne présente pas un caractère accessoire aussi accusé (que le cautionnement) »190(*). La justification de cette affirmation est parfaitement logique : « le délégué ne s'engage pas à exécuter la dette du délégant (débiteur). Il s'engage à exécuter une dette nouvelle mais identique à celle du délégant »191(*). Bien que cela puisse paraître quelque peu byzantin, il semble y avoir une différence entre, s'engager à titre personnelle pour ce que doit le débiteur (délégation sûreté incertaine), et, s'engager à payer la dette même du débiteur (cautionnement). D'autre part, si la délégation sûreté est conclue certaine, c'est-à-dire dans l'hypothèse où le délégué ne calque son obligation sur aucune obligation préexistante, elle se rapproche de la garantie autonome, par laquelle le garant s'engage à « verser » une certaine somme à la demande du créancier. Dans une telle hypothèse, la jurisprudence de la Chambre Commerciale, consacrant une sorte d'inopposabilité absolue des exceptions en matière de délégation, trouverait un fondement théorique. Toutefois, il faut avouer qu'il est difficile de trouver un critère distinctif pertinent entre, la délégation sûreté certaine, et, la garantie autonome. En effet, dans les deux cas, l'engagement du garant est absolument autonome, sauf en cas de fraude192(*). En conséquence, il semble difficile de trouver une utilité propre à la délégation-sûreté certaine CONCLUSION Au sortir de notre étude, il nous est possible d'affirmer qu'il résulte assurément de la Jurisprudence contemporaine, que la délégation est une technique juridique qui a deux finalités distinctes : L'extinction simplifiée d'un double rapport d'obligation, d'une part, la garantie de ce que doit le délégant au délégataire, d'autre part. L'analyse scientifique de la pratique contentieuse a donc des vertus heuristiques, au moins autant qu'une étude purement théorique. C'est ainsi qu'elle nous a permis de saisir à quoi servait réellement la délégation, ce qui nous a simultanément permis d'identifier les différents types de délégations. Toutefois, l'inventaire des fonctions de la délégation, uniquement au regard de la pratique contentieuse, ne saurait être exhaustif. En effet, il est possible que la pratique contractuelle recoure à la délégation dans des objectifs inédits, non encore explorés par la Doctrine juridique. Tant que de telles hypothèses ne seront pas l'objet d'un contentieux devant les juridictions étatiques, il sera difficile de les étudier, et de se prononcer sur leur validité. Il en ressort qu'il ne faudrait pas avoir une vision sclérosée des fonctions de la délégation, car, toute entreprise de recensement de celles-ci ne reflète qu'une réalité à un moment donné, et dans un environnement précis, en l'occurrence, le cadre contentieux. Notre inventaire n'est donc pas une oeuvre achevée, mais abandonnée. Il nous semble, en conséquence, possible d'admettre que la délégation puisse, à l'avenir, avoir un rôle autre que ceux étudiés. En revanche, sauf intervention législative, hypothèse au demeurant peu probable, les futures vocations de la délégation n'auront de crédit qu'après avoir été confrontées à la Jurisprudence. En conséquence, il faut en déduire que même si l'observation de la Jurisprudence ne permet pas de dévoiler l'intégralité des fonctions effectives de la délégation, elle permet de dresser une liste des fonctions éprouvées de celle-ci. Il en découle une certaine prévisibilité, et une relative sécurité juridique, qui n'existent pas à propos des utilités que les juridictions n'auraient pas eu à connaître. Au demeurant, dans la mesure où il a été démontré que la délégation est une notion fonctionnelle, ne pouvant être définie qu'en considération de la diversité de ses fonctions, il est fort probable qu'une éventuelle évolution de celles-ci, nécessite une nouvelle interrogation sur la nature juridique de la notion. Dans cette perspective, il semble qu'il faudra de nouveau tenir compte de la finalité poursuivie par les parties. Une étude approfondie de la cause de la délégation serait en conséquence bienvenue BIBLIOGRAPHIE Ouvrages généraux : - A. Bénabent, Droit civil, les obligations, Montchrestien 10ième Ed. 2005 - G. Cornu, Droit Civil, Introduction, Les personnes, Les biens, 12ème éd. Montchrestien, 2005 - G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, P.U.F, 7ème éd, 2006 - J. François, Droit civil, Les obligations, Régime général, t.4, 1ère éd., Economica, 2000 - J. Flour, J.-L. Aubert, Y. Flour et E. Savaux, Droit civil, Les obligations, t.3, Le rapport d'obligation 4ième éd. Dalloz, 2006 - J. Flour, J.-L Aubert, E. Savaux, Droit civil, les obligations, T. 1, l'acte juridique, 12ème éd. Dalloz, 2006 - PH. Malaurie, L.Aynes, PH. Stoffel-Munck, Droit civil, les obligations, Defrénois, 2ème éd. 2005 - PH. Malinvaud, droit des obligations, 9ème ed. LITEC, 2005 - Pothier, obligations, éd 1805, tome II - Starck, Laurent, Boyer : les obligations, Tome III, régime général, 6° ed, LITEC - F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, les obligations, Dalloz, 9ième éd. 2005 Ouvrages spéciaux : - P. Ancel, droit des sûretés, 4ème éd. LITEC, 2006 - A. Bénabent, contrats spéciaux civils et commerciaux, 7ème éd. Montchrestien, 2006 - M. Cabrillac, C. Mouly, droit des sûretés, 7ème éd., LITEC, 2005 - C. Gavalda, J. Stoufflet, instruments de paiement et de crédit, 6ème éd. LITEC, 2006 - D. Legeais, sûretés et garanties du crédit, 2ème éd. L.G.D.J, 1999 - PH. Petel, procédures collectives, 6ème éd. Dalloz, 2006 - J.-B. Seube, droit des sûretés, 3ème éd. Dalloz, 2006 Thèses et monographies : - L. Aynes, la cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, Thèse, Economica, 1984 - M. Billiau, « cession de contrat ou `' délégation'' de contrat » ? Étude du régime juridique de la prétendue « cession conventionnelle de contrat », JCP ed. G 1994 n° 3758, p199 - M. Billiau, La délégation de créance, Essai d'une théorie juridique de la délégation en Droit français, Thèse Paris 1989, LGDJ Tome 207 - M. Billiau, délégation, rép. Civ. Dalloz - D. 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Décisions et commentaires de jurisprudence : (les numéros affectés aux décisions inédites renvoient au numéro du pourvoi) - Com. 4 oct. 2005 Bull. IV N° 198 p.214. - Civ. 1re 17 mars 1992, D. 1992 481, note L. Aynes - Com. 7 dec. 2004, Rep. Defrenois, 15 av. 2005, N° 7, article 38142, jurisprudence, p. 628, note E. Savaux - Com. 21 Juin 1994, Bull. civ. IV N° 225. - Com. 13 décembre 1994, Bull. civ. IV, N° 375 - Montpellier, 23 Juin 1927 : DH 1927. 472 - Com. 30 Janvier 2001 Bull. civ. IV N° 25 - Com. 18 mai 1999, Bull. civ. IV n°102 - Com. 08 octobre 2003 JCP 2004, I, 141, N° 8, obs. PH. Simler
- Civ 3ème 28 janv. 2003, N° 01-16053, inédit - Civ. 3ème 12 dec. 2001, Bull. 2001, III, N° 153 p. 120, D. 2002, N ° 12, J, p. 984, note M. Billiau et C. Jamin - Com. 22 fev. 2005 N° 03- 13661, inédit. - Civ. 1ère, 7 nov. 1995, Bull. civ. I, N° 387. - Civ. 1ère 18 mars 2003, N° 01-16120, inédit. - Com. 17 juill. 2001, N ° 98-18219, inédit. - Com. 3 av. 2001 N° 97-19971, inédit. - Com. 23 janv. 2001, bull. 2001 VI, N° 22, p.20 - Cass. req. 19 dec. 1923, D.P. 1925, I, 9, note H.Capitant - Com. 3 dec. 2002, N° 99-20015, inédit - Civ. 1ère, 2 av. 1968, Bull. civ. I, N° 114 - Civ. 17 mars 1992. D. 1992, p. 481, note L. Aynes, JCP 1992 II 21922, note M. Billiau. - Com. 22 av. 1997, Bull. civ. IV, N° 98 - Com. 25 Fev. 1992, JCP 1992, II, 21922, note M. Billiau. - Com. 4 oct. 2005 bull. 2005 IV 198, P. 214 - Com. 26 nov. 2002, N° 99-12426, inédit. - Com 14 fev. 2006 Bull. 2006 IV n° 37 P. 38. - Com. 13 juin 2006 N° 05-17006, inédit. - Civ. 2ème 21 oct. 2004, Bull. 2004, II, N° 471, P. 400. - Com. 22 mai 2002 N° 99-11052, inédit. - Com. 19 dec. 2006, D 2007 p. 961, note L. Aynes - Com. 30 nov. 1993, Bull. civ. IV, N° 439 - Com. 23 janv. 2001: Bull. civ. IV, N° 22 Sites Web : www.henricapitant.org : rapport «doing business » de la Banque Mondiale et réponse apportée par l'association Henri CAPITANT des amis de la culture juridique française. www.univ-st-etienne.fr/cercrid : « Cautionnement et autres garanties personnelles. État du droit français », Pascal Ancel, Etude pour le Ministère de la Justice, juin 1996, inédit. www.legifrance.gouv.fr : ensemble des arrêts inédits à propos de la délégation. www.ladocumentationfrançaise.fr/rapportspublics: rapport de la commission dirigée par le Professeur P. Catala sur l'avant projet de réforme du droit des obligations et de la prescription. INDEX ALPHABETIQUE
A) -Adpromissio, p. 76 -Ancel (rapport), p.41 -Anticipation, p.24 C) -Cause, p.7, 12, 81,87, 88 -Cautionnement, p.30 -Carte bancaire, p.37 -« Catala » (avant projet), p.72 -Cession (définition), p.60 -Cession de contrat, p.39 -Cession de créance, p.52 -Cession de dette, p.60 -Contrat d'entreprise, p.52 -Contrat nommé, p.71 -Compensation, p.36, 83 - compte courant, p.36 -Confusion, p.36 D) - Dation en paiement, p.45 -Définition, (notion) p.6 -Délégation (définition), p.5, 7, 8 -Délégation de créance, V. délégation, p.8 -Délégation de pouvoir, p.5 -Délégation (fonctions) p.41 -Délégation-paiement,(fonction), p.44 -Délégation-sûreté, (fonction), p.49 -Délégation-paiement (notion), p.81 -Délégation-sûreté (notion), p.84 -Délégation de locataire, p.50 -Délégation d'acquéreur, p. 50 -Délégation (procédures collectives), p.63 -Délégation (cession de dette), p. 61 -Délégation (pure et simple), p. 75 -Délégation (éléments constants), p.78 -Délégation (définition fonctionnelle) p.81 -Délégation (régime adéquat), p.87 -Délégué, V. délégation -Délégant, V. délégation -Délégataire, V. délégation -Délégation certaine, p.10 -Délégation incertaine, p.10 -Donation, p.17, 18 -« Doing business », p.19 E) Erreur, p.6 Entrepreneur principal, p.31 Extensive (conception), p.28 F) Financement de projet, p.29 Financement immobilier, p.51 Fraude, p.32 Fonds de commerce, p.68 G) Garantie, V. délégation-sûreté Garantie autonome, p.33, 86 Gage espèces, p. 35 Grimaldi (commission), p.28 I) Indication de paiement, p.75 Inopposabilité des exceptions, p.52 Invitation (délégant), p. 76 Instrument de crédit et de paiement, p.24 L) Lettre de change, p.38 Lettre d'intention, p.29 M) Marché du droit, p.28 Maître de l'ouvrage, p.30 Moniste (théorie), p.24 N) Nantissement p.59 Novation, p.26 O) -Opération juridique à trois personnes (définition), p. 80 -Obligation préalable (délégué) p.17 -Obligation préalable (double), p.21 P) Paiement, p.10, Période suspecte, p.52, 64 Prêt, p.17, 18 Procédures collectives, p.64 R) Requalification, p.33 Rapport fondamental, p. 21 Restrictive (théorie), p.16 S) -Simplification (paiement) V. délégation-paiement -Sous-traitance, p. 31 -Sûreté personnelle (définition), p.85 T) Transport de dette, V. Cession de dette Tireur, V. lettre de change Tiré, V. lettre de change V) Vente, p.74 Table des matières p. 5 p.15 p.15 p.16 p.17 p.17 p.19 p.21 p.22 p.24 p.28 p.29 p.30 p.33 INTRODUCTION..........................................................................................
PARTIE I : Mise à jour des fonctions de la délégation ...... Chapitre I : La controverse doctrinale sur les fonctions de la délégation....................................................................... Section I : La conception restrictive des fonctions de la délégation................ § I : L'existence de l'obligation du délégué comme condition de la délégation...... A - Exposé des arguments la thèse proposée ............................................. B - Réfutation de la thèse proposée .......................................................... § II : L'existence d'un double « rapport fondamental » comme condition de la délégation.......................................................................................... A - Les arguments de la thèse moniste des fonctions de la délégation............... B - La thèse moniste, résultat d'une confusion sur le rôle et la qualité du délégué.. Section II : La conception extensive des fonctions de la délégation............. § I L'opposition doctrinale sur l'aptitude de la délégation à constituer une sûreté personnelle de substitution...................................................................... A - La délégation-sûreté: solution de substitution au cautionnement ?..................... B - La délégation en garantie: solution de substitution à la garantie autonome ?.... p.36 p.36 p.37 p.38 p.39 p.41 p.43 p.44 p.45 p.48 p.49 p.50 p.50 § II : L'absence d'unanimité sur les fonctions explicatives de la délégation......... A - L'utilisation doctrinale de la délégation comme technique explicative de certains moyens de payement ou de crédit...................................................
1) L'explication du paiement par carte via la théorie de la délégation ............ 2) La tentative d'explication de la lettre de change par le recours à la délégation................................................................................... B - Le transfert conventionnel du contrat expliqué par la délégation................. Chapitre II : Inventaire des fonctions de la délégation à la lumière de la pratique contractuelle contentieuse................................. * 91 V. notamment, M. Billiau, La délégation de créance, Essai d'une théorie juridique de la délégation en Droit français, Thèse Paris 1989, LGDJ Tome 207, N° 3, p.7. ; Certains auteurs ajouteront à cette première fonction la reprise « interne » de dette, R. Marty, délégation de débiteur à titre de garantie et reprise de dettes, LPA, 30 nov. 2006 n° 239 p. 5 et suiv. * 92 En sens inverse V. Ph. Malinvaud, droit des obligations, 9ème éd. LITEC 2005, N° 788 : « la délégation est une opération qui (...) a pour seul but de réaliser une cession de dette ». * 93 En ce sens, V M.-L. Niboyet, Mélanges Jeantin, Prospectives de droit économique, Une illustration du concept de droit civil des affaires, la délégation de locataire à titre de garantie, éd. Dalloz, 1999, p. 72. L'auteur relève des « zones d'ombre » dans le régime de la délégation. * 94 Com. 22 fev. 2005, pourvoi N° 03- 13661, inédit * 95 V. Supra Thaler cité par M. Billiau, thèse précité, N°1, p.3. * 96 Civ. 1ère 18 mars 2003, N° 01-16120, inédit. * 97 Com. 17 juill. 2001, pourvoi N ° 98-18219, inédit. * 98 Com. 3 av. 2001 pourvoi N° 97-19971, inédit. * 99 Com. 22 fev. 2005, précité. * 100 « Les sûretés personnelles consistent dans l'adjonction, au droit du créancier contre le débiteur, d'un droit personnel contre un tiers (...) le créanciers a donc deux débiteurs au lieu d'un » P. Ancel, Droit des sûretés, LITEC, 4ème éd. 2006, N°20, p.6. * 101 Relevons à propos de la délégation-paiement conclue imparfaite qu'il peut paraître curieux qu'en augmentant le nombre de débiteurs, l'on réduise le nombre de paiements à intervenir. * 102 Rappelons que, selon l'article 2287-1 du Code Civil, les sûretés personnelles prévues par la Loi sont : « le cautionnement, la garantie autonome et le lettre d'intention ». * 103 « La délégation n'a connu pendant longtemps qu'un usage restreint dans la pratique notariale à l'occasion de la vente d'immeuble », M.-L. Niboyet, Mélanges Jeantin, Prospectives de droit économique, ed. Dalloz, 1999 p.71 ; selon l'auteur la délégation de locataire est même « une pratique assez peu connue en dehors des études de notaires ». Depuis le début du XXI siècle, il semble toutefois que cette pratique se soit exportée hors des études notariales. * 104 De l'an 2001 à l'an 2007. * 105 Pour une utilisation du vocable délégation-sûreté, V. M. cabrillac et C. Mouly, Droit des sûretés, 7ème éd. LITEC, 2005, N° 473-1 et suiv. p. 394 et suiv. Cette présentation de la délégation-sûreté est toutefois beaucoup moins enthousiaste que celle de C. Lachièze (précitée). * 106 Com. 23 janv. 2001, bull. 2001 VI, N° 22, p.20 * 107 La Doctrine a depuis longtemps souligné l'importance de l'utilisation de la délégation par la pratique notariale notamment en matière immobilière. V. supra, M.-L. Niboyet, Mélanges Jeantin, prospectives de droit économique, éd. Dalloz, 1999 p.71. et M. Billiau, rep.civ Dalloz, V. délégation, N°3, p.2. L'auteur relève que : « la délégation est beaucoup plus répandue qu'on ne le pense généralement. La pratique notariale l'utilise depuis longtemps à l'occasion des opérations immobilières ». Les établissements de crédit se sont sans doute inspirés de la pratique notariale, sur les conseils de cette dernière, pour sécuriser leurs concours financiers en matière immobilière * 108 Com. 3 dec. 2002, pourvoi N° 99-20015, inédit * 109 Sauf en cas de concert frauduleux, cf. Civ. 1ère, 2 av. 1968, Bull. civ. I, N° 114. * 110 Civ. 17 mars 1992. D. 1992, p. 481, note L. Aynes, JCP 1992 II 21922, note M. Billiau. * 111 M.- L. Niboyet, op. Cit. P.74. * 112 Com. 25 Fev. 1992, JCP 1992, II, 21922, note M. Billiau. « En cas de délégation imparfaite, le délégué ne peut, sauf clause contraire, opposer au délégataire les exceptions dont le délégant pourrait se prévaloir à l'égard de celui-ci ». * 113 Pour la matière immobilière soumise aux juridictions civiles, la question est plus délicate. * 114 En plus de l'absence de contribution à la dette du garant. En ce sens v. M. Cabrillac et C. Mouly, précité. * 115 Com. 4 oct. 2005 bull. 2005 IV 198, P. 214 * 116 Il semble en effet que, dans l'espèce précitée du 4 oct. 2005, les parties aient considéré la délégation comme la garantie centrale de leur dispositif. * 117 Com. 26 nov. 2002, N° 99-12426, inédit. * 118 Comme nous l'avons démontré plus haut (V supra p. 51) l'obligation du délégué, même si elle existe, n'est pas une condition de la délégation-sûreté. * 119 Com 14 fev. 2006, Bull. 2006 IV n° 37 P. 38. JCP E 2006, 1819, note C. Lachièze. Il s'agit d'une décision d'une importance fondamentale. * 120 V. art. 1281 al.1 de l'avant projet, aux termes duquel : « l'engagement du délégué envers le délégataire rend indisponible la créance du délégant envers le délégué, qui ne peut être ni cédée, ni saisie ». * 121 Com. 13 juin 2006 pourvoi N° 05-17006, inédit * 122 Com. 13 juin 2006, précité. * 123 V. sur cet effet extinctif : l'ancien art. L. 621-46 du Code de Commerce, issu de la Loi N° 85-98 du 25 janv. 1985, art. 53. * 124 V. supra p. 30, la Loi N° 75-1334, du 31 Décembre 1975, sur la sous-traitance, et son art. 14 qui pose une alternative entre cautionnement bancaire et délégation du maître de l'ouvrage. * 125 Civ. 2ème 21 oct. 2004, Bull. 2004, II, N° 471, P. 400. * 126 Seule une promesse de porte fort en garantie, technique foncièrement différente de la délégation-sûreté, a pu être requalifiée en cautionnement. Com. 13 dec. 2005, Bull. civ. IV N° 256. * 127 Ph. Simler, La réforme du droit des sûretés, un livre IV nouveau du Code Civil, JCP ed. G, N°13, 29 mars 2006, N°4, p. 598. Dans le m même sens v. PH. Malaurie, L.Aynes et PH. Stoffel-Munck, Droit civil, les obligations, Defrénois, 2ème éd. 2005, N°1367, p.781 : qui notent que : « le plus souvent elle (la délégation) est l'instrument d'un paiement simplifié, ou de la constitution d'une garantie ». * 128 Cette nécessité est notamment soulevée par M. L. Niboyet, op. cit. p.72 et 73. qui préconise « une rédaction prudente des clauses du contrat » de délégation de locataire à titre de garantie. Cette recommandation est a fortiori valable pour les hypothèses dérivées de délégation en garantie, auxquelles les tribunaux sont moins familiers * 129 Com. 22 mai 2002 pourvoi N° 99-11052, inédit. * 130 V. Com. 19 dec. 2006, D 2007 p. 961, note crit. L. Aynes ; cet arrêt récent et important affirme que : « en dehors des cas prévus par la Loi, l'acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un nantissement de créance ». * 131 PH. Dupichot, thèse précitée, supra p.28 * 132 A. Bénabent, Droit civil, les obligations, Montchrestien 10ième Ed. 2005, N° 751 et suiv. p.520 et suiv. * 133 R. Marty, délégation de débiteur à titre de garantie et reprise de dettes, LPA, 30 nov. 2006 n° 239, p.5. * 134 A. Bénabent, op. cit. N° 750, p.519. * 135 V. Cass. req. 19 dec. 1923, D.P. 1925, I, 9, note H. Capitant, qui précise que la délégation n'est pas une cession de créance * 136 V. def. de « cession » G. Cornu, Vocabulaire juridique, H. Capitant, P.U.F, 7ème éd, 2006, p.141. * 137 En plus de ceux classiquement avancés, notamment l'absence de valeur patrimoniale de la dette, et l'importance de la personnalité du débiteur pour le créancier. * 138 Bull. 2004, IV, N° 214, p.240. V. note E. Savaux infra note suiv. * 139 Dans ce sens V. E. Savaux, note sous Com. 7 dec. 2004, Rep. Defrénois Juill. 2005, art. 38142 p.627 * 140 Cette réclamation constitue, selon la jurisprudence, son consentement à l'opération de délégation. V. Com. 7 dec. 2004, précité. On peut s'interroger sur ce consentement, a posteriori, à l'offre de délégation. En effet, que se passerait-il devant les juridictions si le délégué, au lieu d'invoquer une exception, invoquait une révocation de l'offre de délégation préalablement à l'action en paiement valant acceptation? L'offre n'est-elle pas révocable avant l'acceptation du délégataire ? * 141 Cf. Art L.632-1, I C. Co. La période suspecte est celle comprise entre la date de la cessation des paiements (reportée) et le jugement d'ouverture de la procédure. * 142 La nullité n'est toutefois pas encourue si la délégation est conclue avant la date de l'insolvabilité notoire même si son exécution est postérieure, en ce sens v. Com. 4 oct. 2005 Bull. IV N° 198 p.214 * 143 V. Art. L. 622-7 C. CO. et le contournement possible de l'interdiction de payer les créances antérieures par la compensation de créance connexes. * 144 V. Art. L 632-1, 4° du Code de Commerce : il en résulte que sont nuls, s'ils sont intervenus pendant la périodes suspecte « Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi no 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires ». * 145 Com. 30 nov. 1993, Bull. civ. IV, N° 439 * 146 Com. 23 janv. 2001: Bull. civ. IV, N° 22 * 147 M. Billiau, La délégation de créance, Essai d'une théorie juridique de la délégation en Droit français, Thèse Paris 1989, LGDJ Tome 207, N°4, p.10. * 148 V. supra p.6, D. Legeais, qui avoue que: « Le renouveau de l'institution (délégation) est manifeste ». * 149 Le doyen Moneger, in Joël Monéger, Émergence et évolution du fonds de commerce, AJDI 2001 p.1042, a ainsi pu écrire : « La notion de fonds de commerce serait-elle mal comprise, serait-elle autre que ce que les praticiens pensent ? Ils vendent, ils louent, ils évaluent, ils liquident des fonds de commerce et ceux-ci seraient autres que ce qu'ils croient (...) En effet, le fonds de commerce est au nombre des choses connues que le droit a peine à nommer ». * 150 M. Billiau, thèse précitée, N°4, p.10 * 151 V. supra, M. Billiau, p 68. * 152 M. Billiau, La délégation de créance, Essai d'une théorie juridique de la délégation en Droit français, Thèse Paris 1989, LGDJ Tome 207, N°41, p.52 * 153 PH. Dupichot, thèse précité N° 360, p. 300, écrivit (avant la réforme du 23 Mars 2006) que « la délégation présente (...) l'insigne avantage d'être une technique juridique "prévue" par le Législateur, à la différence de la garantie autonome ou du constitut ». « Prévue » est-il l'équivalent de nommé ? La Doctrine semble réservée sur la nature de la délégation. * 154 H. Synvet, commentaires sur les articles de l'avant projet « Catala », de réforme du droit des obligations et de la prescription, relatifs à la délégation : (Art.1275 à 1282), V. ref. infra note suiv. * 155 V. avant projet « Catala » de reforme du droit des obligations et de la prescription, rapport remis au garde des sceaux, p. 60, www.ladocumentationfrançaise.fr/rapportspublics . * 156 Loc. cit. p. 6o. * 157 « Sont nommés les contrats qui correspondent à un "moule" connu et font à ce titre l'objet d'un corps de règles propres ». A. Bénabent, contrats spéciaux civils et commerciaux, 7ème éd. Montchrestien, 2006, N°2, p.2. Il ne sous semble pas que les deux seuls art. 1275 et 1276 du Code Civil puissent constituer ce fameux corps de règles propres. * 158 Au reste, l'avant projet « Catala » de réforme du droit des obligations et de la prescription ne définit pas mieux la délégation puisqu'il se contente d'énoncer en son article 1275 qu'« il y a délégation lorsque, sur ordre d'une personne, le délégant, une autre personne, le délégué, s'engage envers une troisième le délégataire qui l'accepte comme débiteur ». « Il y a délégation... », il s'agit d'une formule illustrative, une véritable définition nécessiterait l'emploi d'un verbe d'état, par ex. la formule suivante : « la délégation est... ». Il semble que personne n'ose s'aventurer à définir la délégation. * 159 Les ouvrages et manuels à jour de la réforme du 23 Mars 2006 considèrent sans peine qu'il s'agit de nouvelles sûretés nommées. V. par ex. P. Ancel, droit des sûretés, 4ème éd. LITEC, 2006, N° 29, p17 * 160 Si deux art. du Code Civil sont consacrés à la délégation, seuls les art. 2321 et 2322 sont respectivement consacrés à la garantie autonome et à la lettre d'intention. * 161 PH. Malaurie, L.Aynes, PH. Stoffel-Munck, Droit civil, les obligations, Defrénois, 2ème éd. 2005, N°1365, p.779 : « Deux éléments la caractérisent (la délégation) : l'initiative du délégant (...) qui se réalise par un engagement du délégué ». * 162 En matière d'indication de paiement, « le créancier n'acquiert aucun droit contre le tiers, lequel ne s'engage pas personnellement, ce qui distingue l'indication de paiement de la délégation ». A. Bénabent, Droit civil, les obligations, Montchrestien 10ième Ed. 2005 N° 758, P. 526. Dans le même sens, V. Godon, la distinction entre délégation de paiement et indication de paiement, Defrénois 2000, 193. * 163 Voire celle d' expromissio (expromission [art.1274 du C.Civ]), si l'ancien débiteur est libéré par le créancier (en cas de novation), PH. Malaurie, L.Aynes, PH. Stoffel-Munck, Droit civil, les obligations, Defrénois, 2ème éd. 2005, N°1339, p. 769. * 164 Civ 3ème 28 janv. 2003, N° 01-16053, inédit : « Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu que la société (...) entrepreneur principal délégant (...) le sous traitant délégataire, les époux x maîtres de l'ouvrage délégués, par leur attitude, leur règlement direct de facture avaient donné leur consentement à la délégation de créance ». * 165 La cause de la délégation est classiquement placée dans les rapports entre le délégué et le délégant. Dans notre exemple, de tels rapports peuvent ne pas exister. * 166 PH. Malaurie, L.Aynes, PH. Stoffel-Munck, op. cit. N°1371, p.786. * 167 R. Marty, délégation de débiteur à titre de garantie et reprise de dettes, LPA, 30 nov. 2006 N° 239, N° 3, p. 6 * 168 Certains auteurs font référence à cette distinction fonctionnelle, mais il ne semble pas qu'ils fassent de chacune des délégations une notion autonome. V. par ex. M. Cabrillac, C. Mouly, droit des sûretés, 7ème éd., LITEC, 2005. * 169 V. énoncé de la définition usuelle supra, p.7 * 170 M. Billiau, La délégation de créance, Essai d'une théorie juridique de la délégation en Droit français, Thèse Paris 1989, LGDJ Tome 207, N°1, p.2. * 171 « Ce qui démontre l'existence d'une opération juridique à trois personnes, c'est que la convention qui concerne trois intéressés a pour effet d'entraîner la création d'un lien de droit entre deux seulement d'entre eux ». C. Larroumet, Les opérations juridiques à trois personnes en droit privé, thèse Bordeaux, 1968, N°3, p.5. * 172 V. supra A. Bénabent p. 76 * 173 C. Larroumet, op. cit. N° 11, p.12. * 174 V. supra théorie proposée M. Billiau, p. 21. Celle-ci est donc partiellement vérifiée. * 175 Au lieu d'une technique d'imitation, certains auteurs analysent la délégation en garantie comme une sûreté personnelle par destination. Ex. J.-B. Seube, droit des sûretés, 3ème éd. Dalloz, 2006, N°16, p. 8. Il nous semble que l'une comme l'autre des deux analyses soient pertinentes. * 176 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 7ème ed. P.U.F. p. 886. * 177 P. Crocq, propriété et garantie, thèse, LGDJ, tome 248, 1995, N° 282. * 178 Seule la 1ère ch. Civ. de la cour de cassation s'autorise à limiter l'autonomie de l'obligation du délégué en matière de délégation incertaine. V. Civ. 1ère 17 mars 1992, précité p.52. Contra, Com. 25 Fev. 1992, précité p. 53. * 179 Ex. art. 1387-1 du C. civ, qui vise « les dettes ou sûretés », consenties par les époux dans le cadre de la gestion d'une entreprise. Ou l'art. L. 225-35 al. 4 du C. Co. qui prévoit un régime d'autorisation par le CA des « cautions avals et garanties » donnés par les SA. Dans les deux, cas la qualification de la délégation en sûreté ou garantie peut être déterminante. * 180 G. Cornu précité, p.12. * 181 La cause objective se « présente donc de façon identique, invariable et stéréotypée, dans tous les contrats de même nature ». D. Mazeaud, La cause, in, Le Code Civil, un présent, un passé, un avenir, éd. Dalloz, 2004, N° 9, p. 455. * 182 V. D. Mazeaud citant Rouast : « Si vous avez compris la cause c'est qu'on vous l'a mal expliquée ». D. Mazeaud, La cause, in, Le Code Civil, un présent, un passé, un avenir, éd. Dalloz, 2004, N°1, p. 451. * 183 V. déf. « régime » G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Henri Capitant, P.U.F, 7ème éd, 2006 p.772, III, 2 * 184 Art. 1244 du C. Civ : « Le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette, même divisible ». * 185 Com. 25 fev. 1992, précité, p. 53. * 186 Com. 22 av. 1997, Bull. civ. IV, N° 98. * 187 Civ. 1ère 17 mars 1992, précité p.52. * 188 Le conflit entre les Chambres de la Cour de Cassation se résorberait du même coup, ce qui n'est pas un moindre avantage. * 189 Au reste, il serait illogique de conclure une délégation-sûreté novatoire de l'engagement du délégant envers le délégataire. La dette du débiteur initial s'éteignant par novation, il n'y aurait en effet plus rein à garantir. * 190 C. Lachièze, la délégation-sûreté, D. 2006, p.234, N° 9, p.235 * 191 C. Lachièze op. cit. N°9, p. 235 * 192 Pour la délégation V. Civ. 1ère, 2 av. 1968, précité p.52 |
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