INTRODUCTION
Les maladies cardio-vasculaires, jadis affections des pays
développés ou industrialisés, montrent une
prévalence croissante dans les pays en voie de développement ou
en urbanisation (1-4). Les maladies cardio-vasculaires, telles que les
coronaropathies et l'hypertension artérielle (H.T.A) vont constituer
après l'an 2020 un important problème de santé publique en
Afrique Sub-Saharienne (5).. .
En Afrique, on suppose que ses taux augmentent avec
l'urbanisation. Le taux d'urbanisation y est passé de 3% au
début du 20è siècle, à 12% vers les
années de l'indépendance et a atteint un rythme croissant
supérieur à 7%, qui perdure depuis plusieurs
décennies(6).
Au cours de ces deux dernières décennies, le
taux d'urbanisation a été estimé à 30-39% pour le
Congo-Kinshasa, ce dernier ayant fait partie du groupe des pays les mieux
organisés avec un début d'industrialisation et une proportion non
négligeable de la population urbaine dans le secteur industriel(6).
En effet, de nombreux facteurs liés à
l'industrialisation et l'urbanisation sont incriminés dans
l'émergence des maladies chroniques non transmissibles (diabète
sucré, hypertension artérielle, cancer, accident de trafic
routier, obésité, athérosclérose, insuffisance
coronarienne et accident vasculaire cérébral(A.V.C)): la
consommation excessive de sel, le tabagisme, l'abus d'alcool,
l'inactivité physique, la consommation excessive de graisses animales,
les régimes alimentaires pauvres en fibres, K+, Ca2+
et Mg+2(7).
Ainsi, l'industrialisation, facteur d'induction de
l'urbanisation, entraîne un changement des statuts
socio-économiques et socioculturels (niveau d'instruction, niveau de
revenu, transport, régime alimentaire, santé) et de style de vie
(tabagisme, alcoolisme, etc.) et crée des catégories sociales ou
socio-professionnelles(8).
L'interaction de ces différents facteurs de risque
influerait probablement chez les Noirs Africains sur l'incidence ou non de
l'HTA et des maladies cardio-vasculaires selon le niveau social de
l'individu.
Plusieurs auteurs ont émis à ce sujet des
hypothèses explicatives:
· pour H.M Colhoun et coll., l'industrialisation
entraîne l'élévation du niveau socio-économique et
ce dernier expose la population aux habitudes et comportements à haut
risque cardio-vasculaire tels que la sédentarité, le tabagisme,
l'alcoolisme, le régime alimentaire hypersodé et riche en
graisses animales(9);
· pour MORGENSTERN, l'association entre le niveau
socio-économique et la pathologie cardio-vasculaire à
plutôt changé en direction de la population rurale et les classes
socio-économiques inférieures alors que par le passé, les
classes socio-économiques élevées et le milieu urbain
payaient le lourd tribut de cette pathologie (10).
Il n'est pas toujours facile de définir le concept de
classe sociale aussi bien dans les pays développés que ceux en
voie de développement. Aux Etats-Unis, les sujets sont classés en
fonction de leur revenu ou de leur loyer payé, alors qu'en Europe, ils
le sont en fonction du niveau d'éducation ou du niveau
socio-professionnel(2).
En Afrique, la notion de classes sociales est diluée
par la solidarité caractéristique de la culture bantoue;
toutefois, les études actuelles relatives au risque cardio-vasculaire
ont démontré que la migration de la campagne vers les
agglomérations urbaines entraîne une élévation
significative de la pression artérielle (P.A) (11,12) et la
prévalence de l'hypertension artérielle (HTA) est
élevée aussi bien en milieu rural avec 14,2% qu'en milieu urbain
avec 9,9%(13).
En Côte d'Ivoire, l'HTA est présente chez 29,7%
de travailleurs du port d'Abidjan(14). A la société nationale
d'électricité de la République Démocratique Congo,
Mbala a rapporté des taux de prévalence d'HTA (26%) et
d'obésité (19%) plus élevés chez les cadres que
chez les subalternes(15).
Ces facteurs méritent donc une étude
détaillée en milieu professionnel avec gradient social.
D'ailleurs, il a été constaté un niveau de scolarisation
plus élevé chez les coronariens Noirs Africains et que pour les
catégories professionnelles, les cadres ivoiriens étaient plus
touchés par la maladie coronarienne que les non-cadres (16,17).
En Belgique, aucune relation significative n'a
été démontrée entre la morbidité
coronarienne et les classes socio-professionnelles mais l'incidence
d'événements coronariens aigus était plus
élevée chez les ouvriers que les cadres (2).
Le manque de données sur le gradient social et les
facteurs de risque cardio-vasculaire nous pousse à effectuer la
présente étude.
Il est urgent de mener des études
épidémiologiques dans la communauté pour identifier les
facteurs de risque d'athérosclérose typique de l'Africain Noir et
leurs impacts dans la survenue plus fréquente des A.V.C (18-20) et des
cardiopathies ischémiques(21). L'HTA de l'éthnicité noire
est considérée comme une forme particulière et grave de la
maladie hypertensive (12).
Hypothèse de travail
La distribution des facteurs de risque de l'HTA et des
maladies cardio-vasculaires (cardiopathie hypertensive ou ischémique,
accident vasculaire cérébral) est totalement
différente entre les classes sociales
en général aussi bien dans les pays en voie de
développement que ceux développés ou
industrialisés. A côté de l'influence de l'environnement
sur les maladies cardio-vasculaires, l'éthnicité serait aussi un
marqueur culturel et psychosocial de ces affections. Les différences
sociales dans les connaissances sanitaires et dans l'accès aux soins de
santé pourraient expliquer le gradient social de morbidité.
|