4.2.1. Facteurs génétiques
4.2.1.1. Sexe et âge
Le sexe masculin confère un double risque
univarié mais un quadruple risque multivarié
d'hyperuricémie. Ces résultats confirment les données de
l'étude de Framingham montrant les valeurs supérieures d'acide
urique chez les hommes en comparaison avec les femmes (3). Ceci s'expliquerait
par la plus fréquente activité physique élevée et
la consommation de bière entraînant l'augmentation de
l'uricémie des sujets japonais en bonne santé (58). Les
oestrogènes des femmes ont un effet plutôt depresseur des urates
(59).
Dans les pays développés, le risque de
décès par A V C et maladies coronaires est multiplié par
trois à quatre fois dans chaque décade de sujets
âgés de 45 - 74 ans (60). Le sexe masculin au - delà de 55
ans et le sexe féminin au - delà de 65 ans ont aussi
été cités comme facteurs de risque cardiovasculaire (31).
Associé à l'hyperuricémie, l'âge augmente la
probabilité de survenue de l'accident vasculaire cérébral
dans les deux sexes, et de l'infarctus du myocarde chez l'homme (11). En
dépit d'absence d'association entre l'âge et
l'hyperuricémie dans la présente étude, l'âge moyen
reflète une relative amélioration de l'espérance de vie
liée à la transition démographique (51).
4.2.1.2. Groupe sanguin.
Le groupe sanguin B confère un triple risque
univarié mais un quadruple risque multi-varié
d'hyperuricémie chez ces patient. Gillum RF ne trouve pas d'association
significative entre le système sanguin A B O et l'hyperuricémie
chez les adolescents américains (61). Ajusté pour l'hypertension
artérielle, l'hyperuricémie, le diabète sucré, le
tabagisme par cigarette et l'hyperlipémie, le groupe sanguin A a
été identifié un facteur prédictif
indépendant de la survenue d'infarctus du myocarde chez les personnes
âgées (62,63).
4.2.2. Facteurs de l'environnement
4.2.2.1 L'alcoolisme
L'alcoolisme confère 20% d'excès de risque
univarié d'hypéruricémie. L'excès d'abus de
consommation d'alcool est à la base de crises de goutte,
caractérisée par l'hyperuricémie (1, 64 - 66).
Plusieurs études rétrospectives et
prospectives dans le monde, ont fait état du rôle protecteur
de l'alcoolisme modéré (1 à 3 verres de vin) dans les
maladies cardiovasculaires ainsi que dans les autres maladies comme le cancer
(67,68). En Afrique, Kacou et Monken supposent que les coronariens consomment
plus d'alcool que les groupes témoins (69).
Dans les pays développés, la consommation
d'alcool est plus élevée chez les femmes de niveau socio -
économique élevé (70-71), alors qu'il existe une
association inverse entre le niveau socio - économique et la
consommation d'alcool chez les hommes (70, 72).
La consommation excessive d'alcool détermine de
façon probable une élévation significative de chiffres
tensionnels et ce indépendamment de l'influence du poids corporel, du
tabagisme et du niveau éducationnel des noirs Sud - Africains (73).
4.2.2.2. L'obésité
L'obésité entraîne 30 % d'excès de
risque univarié d'hyperuricémie chez ces patients.
L'obésité a aussi été
identifiée comme facteur de risque multivarié
d'hyperuricémie. L'obésité, variable indépendante,
confère un double risque d'hyperuricémie à ces patients
congolais hypertendus. Ainsi l'obésité centrale (androïde ou
abdominale) donnait une valeur prédictive importante du
risque d'infarctus du myocarde, d'affection coronarienne et de mort subite (
48, 74, 75) chez l'homme et indépendamment du poids corporel. Cette
association agirait par le biais de l'hyperinsulinisme et de
l'insulinoresistance. Tandis que pour l'obésité de type
périphérique ou gynoïde, le risque est celui de
l'intolérance au glucose, du diabète sucré, de goutte
(hyperuricémie) et d'athérosclérose (74).
Des études épidémiologiques ont
démontré une relation nette et positive entre la mortalité
par cardiopathie ischémique et pourcentage moyen d'énergie
apportée par les lipides saturés et une relation négative
par les lipides poly- insaturés de l'alimentation (76, 77). Le rapport
acides gras mono - insaturés / acides gras saturés constitue le
meilleur prédicteur de la preventabilité des maladies
ischémiques (78). Dans une étude africaine, les coronariens
consommaient peu ou pas de lipides d'origine végétale
[insaturés : mono - insaturés (huile d'arachide) et poly -
insaturés (huile de soja, olive)] (69).
La transition épidémiologique, la
prédiction de l'avènement de l'épidémie des
maladies chroniques non transmissibles d'ici à l'an 2020 (22,80) sera
vite matérialisée par des chiffres épidémiques
d'obésité observés dans la présente étude
(24). Bieleli rapporte dans la population générale de Kinshasa
(RD Congo) 9,4 % de cas d'obésité toutes classes confondues (81).
Toutefois dans la population générale de la ville de Kinshasa,
Mbuyamba et coll. évaluent à 14 % la prévalence de
l'obésité (32). La surcharge pondérale
évaluée entre 28 et 42 % chez les noirs américains (82)
suggère une pathogénie génétique ou ethnique
probable. Non seulement chez les noirs américains mais dans toutes les
ethnies des pays développés, évaluées par des
protocoles standardisés, l'obésité constitue un
réel problème de santé publique (81).
L'obésité endémique dans les pays
développés, s'étend dans nos pays en voie de
développement, marquant alors le passage de la pauvreté à
la richesse (83).
En milieu hospitalier de Kinshasa, Longo - Mbenza et coll.
notent une corrélation positive et très significative entre le
poids corporel et l'uricémie dans une population où
l'hyperuricémie a été isolée comme facteur de
risque significatif d'incidence d'accident vasculaire cérébral et
de maladies coronaires (infarctus du myocarde ) (11).
L'obésité, une certaine condition
métabolique, caractérisée par un excès de tissus
graisseux, est liée au sexe et au status hormonal (84). En revanche, la
surcharge pondérale et l'obésité sont l'apanage de
l'homme. L'étude de Nkoy montre que les sujets stressés
pèsent plus que les non stressés à cause de l'effet
possible de la boulimie (31).
L'obésité abdominale ou centrale (30, 85),
l'hyperinsulinisme et l'insulino - résistance de l'homme (74) donnent
une valeur prédictive importante du risque de l'infarctus du myocarde,
d'autres coronaropathies et de mort subite (48, 74, 75).
Le diabète sucré est aussi associé
à l'obésité périphérique (74). Nkoy
rapporte des valeurs élevées de tour des hanches suggestives de
l'obésité périphérique chez les travailleurs de la
SNEL ayant un comportement sédentaire (31). Mais l'intolérance
au glucose et le diabète sucré sont des facteurs de risque de
l'hypertension artérielle moins bien précisés chez les
noirs Africains (71). L'obésité centrale, reflet de
l'insolinorésistance, est prévalante dans le groupe de niveau
socio - économique faible (11).
Le rôle de l'insulino - résistance dans la
pathogénie des maladies cardiovasculaires du noir africain
souligné par Longo - Mbenza (49), sera le défit à
maîtriser par les chercheurs africains pour l'éradication de
l'épidémie des maladies chroniques non transmissibles car son
reflet biologie sanguin est l'hyperuricémie et
l'hypertriglycéridémie comme le suggèrent les travaux de
Clausen (19).
4.2.2.3. Tabagisme
Les patients fumeurs de cigarette ont un risque
univarié d'hyperuricémie deux fois plus élevé que
leurs collègues non fumeurs. Longo - Mbenza et coll., ont
déjà démontré une association significative entre
tabagisme par cigarette et taux élevé d'acide urique (11) .
D'autres travaux de la littérature confirment cette relation
significative entre tabagisme et hyperuricémie ( 86, 87 ) .
Qu'il soit actif ou passif, le tabagisme à la
cigarette, intervient comme facteur de risque majeur et indépendant
d'artériopathies de membres et des maladies cardio - vasculaires ( 88,
89 ) . Des études épidémiologiques ont montré une
forte relation entre le tabac et les accidents myocardiques aigus (infarctus,
mort subite) (90, 91), l'existence d'une réduction efficace des
récidives d'accidents coronaires en cas d'arrêt de tabac
(pratiquement de moitié ) (89) et son gradient social important aux
dépens des ouvriers (92 - 94).
En Afrique du nord, dans une étude
réalisée en Algérie, le tabagisme à la cigarette
apparaît comme le premier facteur de risque (70 %) de l'infarctus du
myocarde avec une consommation de plus de 20 cigarettes par jour exclusivement
par les hommes ( 92).
Le tabagisme n'est pas influencé par le gradient socio-
économique et se répartit aussi bien dans le niveau socio-
économique moyen qu'élevé tel que noté par Longo-
Mbenza (40). Mais dans les pays développés, il est observé
une fréquence significativement plus élevée de tabagisme
à la cigarette chez les ouvriers ( 96 -99).
Toute fois les études menées à la
Société Nationale d'Electricité ( Congo - Kinshasa ) par
Mbala M (30) et Nkoy B (31) évaluent le taux de prévalence du
tabagisme courant et quotidien respectivement à 19 % et 9,8 %. Cette
prévalence du tabagisme dans la communauté générale
de la ville de Kinshasa en l'an 2000 fut de 49 % (41).
La présente étude note 67,4 % des patients avec
hyperuricémie parmi les tabagiques. Nkoy démontre l'absence du
tabagisme chez la femme au sein de la SNEL (Congo Kinshasa) et par analogie,
dans la présente étude aucune femme ne fume la cigarette. Ceci
confirme les données de la communauté générale
où neuf hommes contre une femme, fument la cigarette (49). Bien qu'en
contraste avec les données relatives au tabagisme en relation avec le
paramètre démographique des pays développés
où les femmes fument plus que les hommes (101), le courant
féministe des pays développés et la libération de
la femme dans les pays développés seraient peut - être
à la base de la prépondérance féminine dans le
tabagisme.
Pour des raisons culturelles, les pays en voie de
développement comme le Congo - Kinshasa continuent à observer une
très grande prévalence des hommes (102, 103). La consommation des
cigarette des africains de ville est en progression régulière
notamment chez les adolescents et les adultes jeunes (21).
La présente étude confirme que le tabagisme est
un phénomène de société renforcé par
l'urbanisation et l'industrialisation. L'influence de la vie en
société suggère que les fumeurs ont tendance à se
partager la cigarette et une tournée de bière ou d'autres alcools
(31). Longo - Mbenza et coll. , ont rapporté l'association
significative existant entre l'alcoolisme et le tabagisme dans la ville de
Kinshasa (41). Les données de la présente étude sont en
conformité avec certaines études africaines (11, 104) et
infirment d'autres études africaines et la majorité
d'études des pays développés (88-92, 94, 98, 99). En
effet, il y avait autant de fumeurs avec hyperuricémie chez les cas
d'HTA, de diabète sucré et de coronaropathie.
4.2.3. Variables biologiques
L'hyperuricémie a été
caractérisée par des valeurs supérieures de tour de
taille, de PAS, de PAD, de fréquence cardiaque, de taux sanguin des
triglycérides, mais par un taux sanguin inférieur de HDL -
cholestérol.
4.2.3.1 Tour de taille
Les valeurs élevées de tour de taille
définissent l'insulinorésistance. Cette relation positive et
significative entre tour de taille et hyperuricémie confirme les
données de la littérature qui considèrent
l'hyperuricémie comme une composante de l'insulinorésistance /
syndrome métabolique (1, 11, 16 -19, 55, 64).
4.2.3.2 Pression artérielle
La relation positive et significative entre
l'hyperuricémie et la pression artérielle a déjà
été observée chez les patients Congolais de Kinshasa (11)
et dans d'autres travaux de la littérature (1, 5 - 9, 16, 20, 105 -
111). Le taux épidémique d'HTA dans la ville de Kinshasa (28,
29), un grand problème de santé - publique, pourrait aussi
expliquer cela chez les patients hypertendus de la présente
étude.
4.2.3.3 Fréquence Cardiaque
La fréquence cardiaque élevée, facteur de
risque cardiovasculaire bien connu dans les pays développés (6,
14), et chez les Congolais de Kinshasa (42), montre aussi une association
positive et significative avec l'hyperuricémie (10).
4.2.3.4 Les autres paramètres biologiques
L'association positive et significative entre taux sanguins
de fibrinogene, d'urée, de créatinine, de cholestérol
total et celui d'acide urique est bien connue chez les patients Congolais de
Kinshasa (11). Cette dernière association n'a plus fait l'objet de la
présente étude.
4.2.3.5. Triglycérides
La présente étude montre une relation positive
et significative entre les valeurs élevées des
triglycérides et l'hyperuricémie. Il en est de même entre
les valeurs élevées de glycémie et d'hyperuricémie.
4.2.3.6 Glycémie et médicaments
antihypertenseurs
La corrélation positive et significative entre
glycémie et l'uricémie a déjà été
observée chez les patients Congolais de Kinshasa (11).
Certains médicaments antihypertenseurs, les
diurétiques thiazidiques, le furosemide (diurétique de l'anse) et
l'indapamide induisent aussi une hyperuricémie secondaire (112-117). Par
contre, le losartan en plus de son effet anti - hypertenseur, il entraîne
un effet hypo - uricémique lorsqu'il est administré à une
dose de 50 mg/jour chez le sujet hypertendu et hyperuricémique (30, 116,
118).
D'autres études ne montrent pas d'association positive
entre le diabète sucré et l'hyperuricémie (57). En effet,
Berkowitz (119), a démontré l'interrelation entre la goutte
(l'hyperuricémie), l'hypertriglycéridémie et le
diabète. Yano et coll. (120) ont démontré une association
négative entre le taux sanguin d'acide urique et le diabète
sucré.
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