L'absence de mécanismes internes de gouvernement
et son impact sur la survivance des « PMEs »
tunisiennes :
Une étude à travers le cas d'une
société de construction routière
Hedi BEN DOUA
Résumé :
Ce travail met en évidence l'impact que
présente l'existence et le fonctionnement des mécanismes internes
de contrôle dans les entreprises en situation de faillite. Après
avoir passé en revue les développements théoriques se
rapportant à la faillite, une étude de cas d'entreprise
tunisienne a été faite afin de comprendre le rôle des
mécanismes internes de gouvernement pour le contrôle du dirigeant.
Les résultats montrent que la préference manifestée par
les investisseurs pour les « SARL » comme statut juridique,
offre une très grande lattitude managériale aux dirigeants de ces
entreprises. Le risque de faillite est probablement lié à
l'abscence du dirigeant fondateur.
Mots clés : faillite, dettes
risquées, mécanismes de gouvernement, discrétion
managériale.
Abstract:
This dissertation focuses on the existing internal corporate
governance system in bankruptcy firms. Hereafter, one case of Tunisian firm was
choosen. Our finding suggest that better legal protection for investors is
limited by the extent to which control can be effectively separated from
ownership. Failure is probably the result of bad succession.
Key words: bankruptcy, risky bonds, corporate
governance system, managerial discretion.
1. Introduction
Dans une économie transitoire où les
mécanismes externes de contrôle ne sont pas assez
développés, les mécanismes internes de gouvernement sont
en mesure de jouer un rôle plus important pour le contrôle et la
discipline des dirigeants. En effet, la crise sud-est asiatique, par exemple, a
conduit au reéxamen du modele organisationnel et financier propre
à ces pays, caractérisé par des groupes industriels
fortement centralisés où domine l'équipe dirigeante et les
grands investisseurs, Becht et al (2002).
Toutefois, certains pays émergeants semblent
être rétissants à renforcer le transfert du contrôle
aux actionnaires, lesquels jouent un rôle pivôt dans la
concrétisation des moyens internes de gouvernement à travers le
conseil d'administration dont la mission première, selon Fama (1980) et
Fama et Jensen (1983), est de contrôler les principaux dirigeants.
A cet effet, La Porta et al (2000),
considèrent que les lois de protection des investisseurs, dans certains
pays, ne permettent pas une séparation effective entre la
propriété et le contrôle.
Généralement, on considère que
l'évaluation du système de gouvernement d'entreprises
dépend du cadre institutionnel et législatif qui contraint les
choix individuels et facilité les rapports entre les différentes
composantes de l'entreprise. Cette vision normative implique que chaque partie
agit dans le cadre d'un référentiel institutionnel, la perception
que se fait chacun de ce cadre réglementaire défini ses actions.
Toutefois, l'explication de l'évolution des formes
institutionnelles par la recherche de l'efficacité est contrariée
par la survivance de nombreuses formes institutionnelles et organisationnelles
apparemment inefficaces, Charreaux (1996).
Ainsi, l'explication de l'évolution des formes
institutionnelles en se basant sur le principe de création et de
répartition des rentes, Castanias et Helfat (1992), apparaît plus
plausible, Charreaux (1996) ; l'évolution du système de
gouvernement d'entreprises dépend de l'aptitude des différents
types de stakeholders à tisser des relations de pouvoir leurs
permettant la création et l'appropriation de rentes.
Pour North (1993), le changement institutionnel et la
résultante d'une interaction continue entre organisations et
institutions dans un contexte économique compétitif
caractérisé par la rareté.
Dans cette perspective, le changement institutionnel ne
s'effectue jamais d'une façon brutale. Il s'explique par l'effort
engagé par les dirigeants ainsi que les différents
stokeholders pour faire évoluer, chacun en sa faveur, les
institutions actuelles.
En Tunisie, la notion de société en
difficulté économique, a paru depuis l'adoption du programme de
réforme structurel en 1986. Avant cette date, l'entreprise tunisienne
jouit d'un environnement protégé de toute concurrence
extérieure, en plus des facilités quant à l'obtention des
financements nécessaires. Les procédures et les décisions
d'aide des sociétés à dépasser leurs
difficultés se sont perpétrées par la suite
(1). La signalisation (2) des symptômes des
difficultés économiques, occupe une place importante au sein de
la loi de sauvetage des sociétés. Ainsi, le législateur a
spécifié les parties compétentes auxquelles est
délégué le rôle d'alerter, ainsi que les normes
à tenir en compte pour déclancher la sirène d'alerte. Le
président du tribunal dispose, seul, du droit d'obliger le dirigeant
à prendre les directives nécessaires pour permettre à
l'entreprise de dépasser ses difficultés dans des délais
bien déterminés, au bout desquels il serait possible d'ordonner
l'ouverture de procédures de règlement judiciaires si les
conditions nécessaires sont réunies.
(1) : En 1987 une première commission a vu le jour au
sein du ministère de l'économie nationale, suite à une
réunion d'un conseil ministériel où il a été
décidé de nommer une commission d'encadrement des
sociétés qui souffrent de difficultés. Dans le cadre de sa
mission, ladite commission a recensé un nombre de 863
sociétés qui passent par des difficultés
économiques ; 600 d'entre elles ont pu bénéficier des
procédures et des avantages parvenus au niveau de la loi de finance de
1989 et sur tout les articles 49, 50, 51 et 52. En 1992 et au sein du
ministère de l'économie nationale, la cellule SOS Entreprises a
été crée dans le but de servir comme bureau d'encadrement
des sociétés tunisiennes. Cette cellule tient actuellement le
secrétariat permanent de la commission de suivi des entreprises. Parmi
les missions principales de ce bureau, relevant du cabinet du ministre de
l'industrie et de l'énergie, est d'intervenir au profit des
sociétés en difficultés économiques auprès
da la caisse nationale de sécurité sociale, l'administration
fiscale, la douane et tout établissement public concerné. Ce
bureau intervient aussi au niveau des institutions financières, pour
régler les problèmes urgents et aider les sociétés
à profiter de la loi de sauvetage. Le 29 décembre 1993, un
conseil ministériel restreint a ordonné la création d'une
commission nationale de soutien aux entreprises en difficulté. La
novelle commission était le prolongement naturel de la première
commission crée en 1987. Toutefois, la première commission a
été préservée dans le cadre de la loi numéro
1995-34, dans le but de venir en aide aux juges, pour qu'ils puissent bien
assurer le sauvetage des sociétés. Ces derniers, leur rôle
était en effet limité, au paravent et durant 40 ans, à
promulguer des jugements de liquidation. Selon le décret 1995-1769 du 2
octobre 1995, la commission est présidée par le ministre de
l'industrie (ou celui qui le remplace). Elle se compose de représentants
du premier ministère, du ministère du commerce, des finances, de
l'industrie, du développement économique, des affaires sociales,
de la formation professionnelle et du travail ainsi que la banque centrale.
Ladite commission doit se réunir au moins une fois chaque trimestre. En
2003 il y'a eu 38 réunions portant sur 347 cas de
sociétés. Les dossiers débattus comprennent 137 cas de
demandes de règlement amiable, 89 cas de demandes de règlement
judicaire, 120 demandes d'avis sur rapport d'expertise et une demande d'avis
sur rapport de conciliation.
(2) : La signalisation des symptômes des
difficultés économiques, occupe une place importante au sein de
la loi de sauvetage des sociétés. Ainsi, le législateur a
spécifié les parties compétentes auxquelles est
délégué le rôle d'alerter, ainsi que les normes
à tenir en compte
La mauvaise gestion est considérée comme le
principal facteur qui expose les entreprises tunisiennes à des
difficultés économiques. Belhadj (2002), considère que 75%
des cas de sociétés en difficultés économiques sont
caractérisées par un déséquilibre dans le choix de
financement des investissements. En effet, la majorité des dirigeants
font recours à l'endettement excessif, ce qui fait augmenter les charges
financières et prive l'entreprise de sont indépendance.
En plus, les dettes à court terme sont souvent
utilisées dans le financement des investissements mobiliers, fonciers ou
en matériels, au lieu de servir au financement du cycle d'exploitation
de l'entreprise. Le vieillissement des dirigeants fondateurs, et l'inexistence
de cadres qualifiés au sein des entreprises pour prendre la
relève, sont aussi à l'origine de la faillite de certaines
entreprises. En plus de la mauvaise gestion, les difficultés
commerciales et l'incapacité de surmonter le dilemme de la concurrence a
causé la faillite de 15 % des entreprises. Les difficultés
techniques en rapport avec l'usure du matériel utilisé, les
difficultés sociales et les conflits entre les associés
représentent respectivement 4%, 3%, et 3% des causes de la faillite des
entreprises tunisiennes.
La réalité des faits montre que les entreprises
en difficultés économiques ne se sont pas limitées au
moment de leur création au seul capital social, qui est assez faible
pour se construire un fond commercial et se procurer le matériel
nécessaire. En effet, l'apport des associés est
complété par des concours bancaires qui prennent la forme de
crédits, permettant à la banque de jouer le rôle d'un
garant et diminuant ainsi davantage le pouvoir des autres associés. La
notion d'associés devient réellement inexistante et l'entreprise
prend la forme d'une société unipersonnelle.
La prépondérance de ce type d'entreprise (SARL)
a fait quelles soient les plus présentes au niveau des règlements
judiciaires. En effet seul les compétences du dirigeant et sa
capacité à réaliser le programme qu'il a conçu
déterminent le degré de réussite de l'entreprise en
l'absence d'un vrai partenariat au niveau de la formation du capital et la
prise de décisions.
pour déclancher la sirène d'alerte. Le
président du tribunal dispose, seul, du droit d'obliger le dirigeant
à prendre les directives nécessaires pour permettre à
l'entreprise de dépasser ses difficultés dans des délais
bien déterminés, au bout desquels il serait possible d'ordonner
l'ouverture de procédures de règlement judiciaires si les
conditions nécessaires sont réunies. Dans ce cadre, la commission
joue le rôle de coordinateur entre d'une part, le président du
tribunal, et les différentes parties censées d'informer et de
signaler l'existence de difficultés, d'autre part. La commission
reçoit aussi des signaux à travers le commissariat du travail, la
caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), les services de
contrôle public, les institutions financières, les
contrôleurs de dépense, les associés qui détiennent
le dixième du capital social dans les sociétés anonymes et
les sociétés à responsabilité limitée, et de
tout associé, abstraction faite de la part du capital qu'il
détient.
La participation fictive des autres associés au capital
qui ne repend pas au besoin réel de l'entreprise rend le recours
à la dette la seule source de financement et engendre une diminution des
revenus qui reviennent entièrement au payement des intérêts
de la dette. L'absence d'auditeurs externes (non prévu par la loi)
permet au dirigeant de prendre des décisions contraires aux
règles de gestion en se procurant les réserves obligatoires ou
bien en augmentant davantage l'endettement ou encore la baisse des prix de
vente pour se procurer de la liquidité et même le licenciement de
certains employés.
Contrairement au règlement amiable ou le dirigeant
prend la charge de présenter un plan de redressement que les
créanciers doivent approuver, le plan de redressement dans la
procédure de règlement judicaire dépend uniquement de
l'approbation du juge. Le législateur de 1995 exige la consultation des
représentants des créanciers sans pour autant lié l'avis
du juges aux suggestions de ces premiers. Désormais, le plan de
redressement n'a plus à être approuvé par les
créanciers. L'administration judiciaire prend le soin de le
préparer et de l'homologuer en chambre du conseil.
Bien que l'anéantissement du rôle des
créanciers peut être perçu comme étant le prix
à payer pour sauvegarder l'essor de notre économie, leur
exclusion totale reste contesté puisqu'ils sont également des
entreprises qui peuvent connaître des difficultés si l'on ne tient
pas compte de leurs propres contraintes. Notons aussi que la nouvelle loi de
« 2003 » a consacré davantage le rôle du juge
dont le seul soucis, selon l'esprit de la loi tunisienne, est de sauvegarder
les entreprises en difficultés pour maintenir les emplois.
Ce travail sera organisé comme suit. Après une
introduction résumant l'évolution de la loi de faillite en
Tunisie, nous présentons dans un premier paragraphe une revu de la
littérature, consacré à l'étude de l'impact de
l'existance et du fonctionnement des mécanismes de contrôle en
présence d'un risque de faillite et à l'élaboration des
hypothèses à tester . Nous analysons dans le deuxième
paragraphe les différentes circonstances qui ont entouré la
faillite de l'entreprise sujette. Enfin la conclusion résumera les
hypothèses testées et leurs implications.
Les résultats montrent, conformément à
la prédiction de La Porta et al (1999), que les lois de
protection des investisseurs ne permettent pas une séparation effective
entre la propriété et le contrôle au sein de la firme. En
concordance avec Opler et al (1999), l'excédent de
liquidité permet aux gestionnaires d'échapper à faire les
changements nécéssaires, en cas où la firme fait face
à un risque de faillite. Contrairement à Jensen (1986) et
conformement au presemptions de DeAngelo et al (2002), les engagements
au comptant envers les créditeurs n'exèrcent aucun rôle
disciplinaire sur le dirigeant. Les résultats confirment aussi les
hypothèses de Rajan et Zingales (1998) quant à la
complémentarité entre actifs et capital humain. Aussi, la
propriété concentrée ne permet pas de consacrer le lien
entre le changement des dirigeants et la performance, Denis et Denis (1994) et
Volpin (2002).
Bien que Holmstrom et Kaplan (2003) rappellent que la
participation du dirigeant au capital a permis de réussir l'étape
de restructuration de certaines firmes. Il nous semble cependant que la part
importante du capital que peut détenir le dirigeant, n'est pas un gage
pour l'efficacité de la gestion. Son aversion au risque et la
preférence qu'il manifeste en faveur de la maximisation de sa propre
utilité, déterminent, en l'abscence de mécanismes de
contrôle, le degré de la discrétion managériale.
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