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De la contribution de la jurisprudence du TPIR à l'incrimination du crime de génocide

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par Jean de Dieu SIKULIBO
Université nationale du Rwanda - Licence 2007
  

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B : L'appartenance à un groupe est une notion plus subjective qu'objective 

Alors que dans les premières affaires82(*) les juges du TPIR appréciaient la réalité objective du groupe et de sa nature, à partir du jugement Rutaganda83(*) cette appréciation va désormais reposer pour une grande partie sur une subjectivité collective ou individuelle. En effet, dans les affaires Rutaganda et Musema le point de départ du raisonnement est la difficulté, voire l'impossibilité de définir les notions de nation, de race, d'ethnie et de religion84(*). À cet égard, une telle conclusion est assez surprenante si on se souvient que, notamment dans l'affaire Akayesu, les juges avaient passé beaucoup de temps à les définir.

Partant de cette impossibilité, les juges considèrent donc que leur définition doit tenir compte du contexte politique, social et culturel au moment des faits. Dans l'affaire Bagilishema, les juges vont aller plus loin dans cette logique de la subjectivisation du groupe puisque cette fois le seul contexte psychologique de l'auteur de l'acte est pris en considération pour déterminer l'existence du groupe85(*). En effet, dès lors que l'auteur de l'acte considère que sa victime appartient à un groupe tel que défini par la Convention, cela suffit pour qualifier le crime de génocide86(*).

Il importe de remarquer que dans beaucoup de jugements, les juges du TPIR ont conclu que l'appartenance à un groupe est une notion plus subjective qu'objective. Ainsi, la victime est perçue par l'auteur du crime comme appartenant au groupe dont la destruction est visée. Mais la question de savoir si tel ou tel groupe bénéficie de la protection prévue par les articles II et 2 respectivement de la Convention et du Statut, doit s'apprécier au cas par cas sur base des caractéristiques objectives du contexte social ou historique considéré et des perceptions subjectives des auteurs présumés des infractions87(*). Les juges du TPIR estiment que c'est au cas par cas qu'il convient d'apprécier si tel ou tel groupe est protégé et ce, en s'appuyant à la fois sur les critères objectifs et subjectifs.

* 82 Voir à cet égard Procureur c. Jean Paul Akayesu, supra note 8, par. 513 ; Procureur c. Clément Kayishema et Obed Ruzindana, supra note 8, par. 98 ; Procureur c. Omar Serushago, Affaire no ICTR-98-39, (Chambre de première instance), Jugement du 5 février 1999, par. 26.

* 83 Procureur c. Georges Rutaganda, supra note 8, par. 56 :« chacun de ces concepts (nation, ethnie, race, religion) doit être apprécié à la lumière du contexte politique, social et culturel donné.»

* 84 La Chambre note que les concepts de nation, d'ethnie, de race et de religion ont fait l'objet de nombreuses recherches et qu'il n'existe pas, en l'état, de définitions précises, généralement et internationalement acceptées. Voir Procureur c. Georges Rutaganda, supra note 8, par. 56 ; Procureur c. Alfred Musema, supra note 8, par. 161.

* 85 Procureur c. Ignace Bagilishema, supra note 62, par. 65.

* 86 Ibidem : « il se peut qu'un groupe ne soit pas défini avec précision et qu'il soit difficile de déterminer avec certitude si une victime était membre ou non d'un groupe protégé. Au surplus, les auteurs de génocide peuvent définir le groupe visé d'une façon qui ne correspond pas tout à fait à l'idée que l'on fait généralement du groupe ou à celle que s'en font d'autres couches de la société. Cela étant, la Chambre est d'avis que si, au vu des éléments de preuve présentés, la victime est regardée par l'auteur du crime comme appartenant à un groupe protégé, le tribunal devrait la considérer comme membre d'un groupe protégé aux fins du génocide». Voir aussi Procureur c. Laurent Semanza, supra note 63, par. 317 ; Procureur c. Juvénal Kajelijeli, supra note 66, par. 813, Procureur c. Emmanuel Ndindabahizi, supra note 62, pars. 466-469.

* 87 Procureur c. Georges Rutaganda, supra note 8, par. 56 ; Procureur c. Alfred Musema, supra note 8, par. 161 ; Procureur c. Laurent Semanza, supra note 63, par. 317 ; Procureur c. Sylvestre Gacumbitsi, supra note 66, par. 254 ; Procureur c. Juvénal Kajelijeli, supra note 66, par. 811 ; Procureur c. Ignace Bagilishema, supra note 62, par. 65.

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