Les déterminants de la qualité de l'habitat à Kinshasa. Approche par le modèle Biprobit (Probit Bivarié)( Télécharger le fichier original )par Christian OTCHIA SAMEN Université de Kinshasa (UNIKIN) - Licencié en économie mathématique 2006 |
1.2. Physionomie de l'habitat à Kinshasa1.2.1. Définition des concepts de baseL'habitat est une notion complexe qui est largement abordée dans plusieurs domaines. En écologie, l'habitat désigne le milieu de vie naturel d'une espèce animale ou végétale19(*) ou encore l'endroit dans lequel un organisme peut survivre, l'endroit qui lui fournit de quoi subvenir à ses besoins20(*). Dans ce sens, il signifie aussi biotope ; c'est-à-dire un milieu stable caractérisé par l'association de sa faune et de sa flore à un moment déterminé21(*). En géographie humaine, l'habitat désigne le mode d'occupation de l'espace par l'homme pour des fonctions de logement22(*). Il s'étend également à l'ensemble des conditions de logement. Max Dervau réfléchit dans le même sens et définit l'habitat comme « l'agencement des espaces habités qui sont occupés par les maisons et leurs dépendances »23(*). Ces deux définitions ont le mérite de mettre l'accent sur l'ancrage géographique d'une société humaine. La plupart de temps, l'habitat est défini comme « le lieu où l'on habite, le domicile, la demeure, le logement »24(*). Cette définition est un peu restrictive. L'habitat comprend en effet davantage que le domicile ou le logement. Il est toute l'aire que fréquente l'individu, qu'il y circule, y travaille, s'y divertisse, y mange et s'y repose. En ce sens, l'habitat concerne aussi bien l'urbanisation que l'aménagement de territoire ou l'architecture. Une définition plus élaborée décrit l'habitat comme « une somme équilibrée d'objets utiles, communautaires et privés, un cadre harmonieux de développement naturel de la vie de chacun, un milieu propice pour le plein accomplissement des espérances individuelles et collectives »25(*). De cette définition, il ressort deux éléments essentiels que sont les composantes et les exigences de l'habitat. Ainsi, l'habitat est composé du logement, des équipements collectifs et espaces verts ainsi que des infrastructures de voirie et réseaux. En outre, il exige de l'isolement et de l'espace. En tant que première composante de l'habitat, le logement est un instrument de confort bioclimatique qui rassure à ses occupants un isolement suffisant tant du milieu physique extérieur que des bruits extérieurs et des bruits des logements voisins. En plus, il offre aux membres d'une famille un espace suffisant leur permettant à la fois une possibilité d'échange et un isolement temporaire essentiel pour l'équilibre psychologique et pour les multiples activités individuelles. Les équipements sociocommunautaires, quant à eux, sont un complément indispensable au logement. Ils sont considérés comme des lieux de sociabilité et d'échanges multiples à une échelle humaine limitée et ils fournissent aux individus des facilités collectives de développement qui ne peuvent être assurées dans l'habitation. Enfin, les infrastructures de voirie et réseaux facilitent la mobilité des choses et des êtres dans l'espace et influencent profondément la qualité de vie en la rendant aisée et plus commode. La qualité de l'habitat est une notion à caractère évolutif. Les exigences et les perceptions à l'égard des conditions d'habitation évoluent nécessairement en fonction du développement technique, économique et social ; et elles accompagnent également l'évolution conséquente des types d'habitats, des modes de vie et des perceptions socioculturelles qui leur sont associés. D'une part, il est indispensable de dissocier le logement du milieu de vie où il doit s'inscrire ; d'autre part, les critères traditionnels de la qualité de l'habitat basés presque exclusivement sur des indicateurs commodes mais partiels tels que l'indicateur de réparation des logements sont de plus en plus marginalisés. C'est ainsi que l'on tient de plus en plus compte de nouveaux problèmes de salubrité, notamment la dégradation sérieuse de la qualité de l'air intérieur de certains logements, résultant de la conjonction d'une étanchéité accrue et de la toxicité de certains matériaux26(*). Par ailleurs, des problèmes de bruits pouvant atteindre l'acuité d'une menace à la santé sont également considérés. La notion de la qualité de l'habitat est donc englobante. Elle rassemble tous les attributs du logement, situés dans son environnement, sans se limiter à des exigences minimales. Parler de la qualité de l'habitat implique une analyse des facteurs suivants : § Salubrité La salubrité englobe la protection contre l'humidité, les infiltrations, les radiations, les substances et les organismes polluants ou dangereux ainsi que la présence et le bon fonctionnement des équipements sanitaires : eau fournie et évacuée de façon sure et sanitaire, disposition sanitaire des déchets. § Stabilité La stabilité de l'habitat découle du bon état de ses éléments structuraux tels que les matériaux de murs, de la toiture et du pavement. § Sécurité La sécurité de l'habitat implique la prévention des accidents dans les usages courants et la protection contre les intrusions et les sinistres. § Confort Le confort est fondé sur la tranquillité (insonorisation intérieure et extérieure), la luminosité (ensoleillement et éclairage), l'ambiance « climatique » adéquate, la présence et le bon fonctionnement des équipements mécaniques et électriques et l'existence d'un espace extérieur privatif. § Durabilité et flexibilité Ils permettent le maintien de la valeur d'usage dans le temps, l'économie de l'énergie et l'adaptation du logement aux changements de vie. § Bonne apparence Elle implique l'attrait, la qualité du design et la personnalisation du logement. Il ressort de ce qui précède que la qualité de l'habitat découle des multiples facteurs et implique les intervenants d'un vaste secteur d'activité englobant les dépenses effectuées dans le secteur de l'habitat ainsi qu'une grande partie des dépenses d'infrastructures. Selon le mode de construction ou de production des logements, on distingue l'habitat planifié, l'habitat administré et l'habitat des populations à faible revenu. L'habitat planifié est aussi appelé cités planifiées, cités de grands chantiers ou ensemble d'habitats. Il désigne un habitat où la conception, le financement, la réalisation d'un grand nombre de logements sont dus à la responsabilité d'un seul intervenant ou d'un nombre restreint d'intervenants, sans décision directe des futurs habitants27(*). Ce genre d'habitat permet de regrouper plusieurs problèmes liés aux logements, aux desserts ainsi qu'aux équipements et donne à un seul coup des logements à une population importante. Il évite la dispersion des responsabilités et des compétences et fournit un produit fini (zone d'habitation) bien localisé et bien identifiable. Cependant, l'habitat planifié dépend très étroitement des possibilités de financement qui doivent être très importantes. Ainsi, l'ensemble construit se prête difficilement à des modifications et permet rarement d'inscrire par la suite des constructions supplémentaires ou d'accueillir d'autres activités. Le corollaire en est que le cadre bâti est figé, et en général trop homogène pour ne pas être monotone. En outre, une erreur de conception (exemple la cuisine non ventilée) se voit multipliée par l'importance des opérations. On entend par habitat administré, un habitat où la construction des logements et de ses éléments complémentaires est laissée aux initiatives des particuliers sur des parcelles qui peuvent provenir, soit d'un découpage parcellaire concerté (du pouvoir public ou d'une initiative privée), soit d'un découpage au coup par coup suivant la demande, l'administration veillant alors au respect des lois et règlements qui concernent l'habitat28(*). L'habitat administré est donc une juxtaposition continue d'initiatives individuelles sous le contrôle éclairé d'une administration. Ce type d'habitat engendre souvent une diversité du paysage urbain qui s'oppose à la monotonie reprochée à l'habitat planifié. Il peut permettre, par la juxtaposition de différentes activités, une vie urbaine qui favorise les rencontres, les recherches et les contacts. En outre, l'habitat administré laisse en principe une large part aux initiatives individuelles et est censée mieux adaptée à leurs besoins. Elle permet enfin une administration et une évolution continue du cadre bâti en fonction des réalités économiques. Les désavantages liés à l'habitat administré touchent plus l'administration publique qui est généralement obligée de suivre l'initiative privée. Cette administration est consultée pour chaque projet et est souvent sollicitée en vue de déroger à des règles qui avaient été conçues pour éviter les conflits entre particuliers, entre ceux-ci et la collectivité. Mise devant un fait accompli, elle doit en fonction de ses moyens et des terrains qu'il possède, programmer et réaliser les éléments complémentaires de l'habitat. Cependant, la pression de la demande rend difficile une programmation équitable et sereine. Devant la complexité croissante de ses tâches, l'administration se spécialise et se divise : les éléments complémentaires de l'habitat relèvent alors de compétences diverses et posent de multiples problèmes de coordination. 3. L'habitat des populations à faible revenu À l'origine, ce troisième type d'habitat est indépendant de la volonté de l'administration : il est le résultat d'une pression démographique urbaine très forte et d'un niveau de revenu très modeste. L'habitat des populations à faible revenu est d'une part adapté au mieux aux besoins et aux revenus aléatoires d'une population sans emploi stable et répond d'autre part à l'urgence qu'il y a à accueillir une population nombreuse. Lorsque la population sait construire, il n'est pas rare que ce type d'habitat soit parfaitement salubre. Par ailleurs, dans la mesure où la façon de couper le terrain est pertinente, ce type d'habitat se prête à une heureuse évolution sur place, par réalisation de voiries, d'assainissement, de dessertes en eau et électricité, par durcissement, remplacement, etc... Toutefois, l'habitat des populations à faible revenu peut prendre de vitesse le pouvoir public qui ne souhaite pas toujours affronter une croissance urbaine inconsidérée. Étant en marge de la stricte légalité, il s'installe sur les terrains les mieux sollicités qui sont toujours les moins salubres. C'est ainsi que les habitations sont parfois insalubres, dès lors que les habitants ont totalement perdu leur science ancienne de construire et n'ont pas pu mettre en place d'autres modes de construction satisfaisants. Du reste, quand le regroupement des habitants est particulièrement resserré et désordonné, il devient extrêmement difficile de lui apporter une amélioration sans interventions pénibles. Très souvent, cette catégorie d'habitat est trop négligée et ignorée. C'est ce qui fait que l'habitat des populations à faible revenu est démuni des éléments complémentaires de l'habitat, la vie heureuse y est limitée, les personnes sont acculées à des larges déplacements vers les quartiers mieux équipés, occasionnant autant de problèmes de transport et d'insatisfaction. Notons cependant que les populations à faible revenu peuvent occuper les trois types d'habitat : § Pour l'habitat planifié, ils peuvent occuper des cités de chantiers, des cités ouvrières ; § Pour l'habitat administré, ils peuvent occuper des lotissements sommaires destinés à l'autoconstruction ; § Pour l'habitat des populations à faible revenu, il peut donc s'agir soit d'urbanisme spontanée, soit d'une dégradation d'habitats planifiés ou administrés destinés à des revenus plus élevés. * 19 http://biotech.ca/FN/glossary_fr.html * 20 http:// fr.wikipedia.org/wiki/Habitat_(écologie) * 21 Microsoft Encarta 2005, Dictionnaire * 22 http:// fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9ographie_humaine * 23 BUKUMBA T. et KABAMBA K., « Urbanisation et détérioration de l'environnement et de l'habitat à Kananga » in Zaïre-Afrique, n°241, janvier 1990, p.25 * 24 9 Dictionnaires Utiles MediaDICO * 25 République Française (Ministère de la coopération), Manuel d'urbanisme en pays tropical, Volume 2, éd. Du Ministère de la Coopération, Paris, 1974, p. 30 * 26 TRUDEL J., La qualité de l'habitat et l'aide à la rénovation au Québec, Société d'habitation du Québec, Québec, 1995, p.15 * 27 République Française (Ministère de la coopération), Manuel d'urbanisme en pays tropical, Volume 1 : habitat, éd. Du ministère de la coopération, Paris, 1974, p. 41 * 28 République Française (Ministère de la coopération), Op. Cit., p.41 |
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