La responsabilite internationale des etats membres( Télécharger le fichier original )par Zébédée RURAMIRA Bizimana Université Catholique de Louvain - DES Droit international et europeen 2005 |
Section II. La requête devant la Cour Internationale de Justice§ I. Les faitsDans l'affaire relative à la licéité de l'emploi de la force, la RFY accuse chacun des Etats défendeurs (le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, le Canada, le Royaume d'Espagne, les Etats-Unis d'Amérique, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas, la République portugaise et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord), conjointement avec les gouvernements d'autres Etats membres de l'OTAN, d'avoir recouru contre elle à l'emploi de force. En effet, les avions de l'OTAN « Force Alliée » ont bombardé entre le 24 mars et 09 juin1999 la RFY et les dommages causés furent considérables. § II. La procédureLa procédure dans presque toutes les affaires s'est déroulée en deux étapes :
Après le dépôt de sa requête, la Yougoslavie a présenté des demandes en indication de mesures conservatoires contre les Etats défendeurs afin de cesser de recourir à l'emploi de la force contre elle. Elle soutient que "the Charter prohibition of the threat or use of armed force is binding on States both individually and as members of international organizations, such as NATO, as well as on those organizations themselves ". La RFY mentionne que la France, le Canada et l'Espagne ont affirmé que les actions de la structure militaire l'OTAN ne leur sont pas imputables. A ce effet, "the acts of force are imputable to the Respondents". Elle avance que «so, even as a part of the integrated military force of NATO, military forces of the Respondents are under their control and guidance70(*)». Et qu'en conséquence, « the Respondents have used their military forces for bombing. The military forces are organs of a State and their acts are imputable to a State71(*)». Les arguments des Etats défendeurs sont consacrés à prouver que la Cour est incompétente de connaître de l'affaire. Mais, en plus de cet argument, certains Etats ont souligné la question d'imputabilité comme un motif d'incompétence de la Cour. C'est le cas du Canada qui soutient qu'aucun acte spécifique ne lui est imputé, en ces termes «not only are there no relevant particulars; there are no facts specifically imputed to Canada, either in relation to the Genocide Convention or in relation to the use of force. The Court will have noted that all the ten Applications are virtually identical except for the titles of jurisdiction72(*) ». Selon lui, «cette impossibilité d'imputer les actes allégués au Canada lui-même - ni d'ailleurs à l'un quelconque des autres défendeurs - suffit à établir l'absence de toute compétence prima facie au titre de la convention sur le génocide73(*) ». Les défendeurs ont demandé à la Cour de déclarer irrecevable la demande en raison de l'absence de toute compétence. La Cour a pris des ordonnances rejetant les demandes en indication de mesures conservatoires. Dans deux affaires, en plus du rejet de la demande, la Cour a radié du rôle la requête de la RFY.
Dans les affaires contre l'Espagne et les Etats-Unis d'Amérique, la Cour a rejeté les demandes en indication des mesures conservatoires et a décidé de rayer les affaires de son rôle. Comme dans toutes les affaires, la RFY demande à la Cour d'enjoindre aux défendeurs de cesser de recourir à la force contre elle. Les défendeurs, par contre, demandent à la Cour de rejeter la demande en indication de mesures conservatoires et de décider de rayer les affaires du rôle général de la Cour. La Cour, dans sa première motivation, considérant qu'elle ne peut indiquer ces mesures que si les dispositions invoquées par le demandeur semblent prima facie constituer une base sur laquelle la compétence de la Cour pourrait être fondée, a considéré que l'Espagne a émis une réserve dans sa déclaration de reconnaissance obligatoire de juridiction de la Cour. L'Espagne ne reconnaît pas la compétence de la Cour en ce qui concerne «les différends dans lesquels l'autre partie ou les autres parties en cause ont accepté la juridiction obligatoire de la Cour moins de douze mois avant la date de présentation de la requête écrite introduisant l'instance devant la Cour74(*)». Or, la RFY avait déposé sa déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour auprès du Secrétaire général le 26 avril 1999, et ayant soumis sa requête introductive d'instance à la Cour le 29 avril 1999. La deuxième motivation de la Cour, à la fois pour l'Espagne et pour les Etats-Unis, concerne la prétention selon laquelle la RFY entend fonder la compétence de la Cour sur l'article IX de la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide. La Cour note qu'il n'est pas contesté que toutes les parties en litige sont parties à cette convention. Considérant que la convention sur le génocide n'interdit pas les réserves, la Cour constate que l'instrument d'adhésion de l'Espagne « comporte une réserve touchant à la totalité de l'article IX75(*) ». De leur côté, les Etats-Unis ont fait la réserve selon laquelle «en ce qui concerne l'article IX de la Convention, pour qu'un différend auquel les Etats-Unis sont partie puisse être soumis à la juridiction de la Cour internationale de Justice en vertu de cet article, le consentement exprès des Etats-Unis est nécessaire dans chaque cas76(*)» ; et que, dans le cas d'espèce, ils n'ont pas donné un tel consentement. Enfin, la dernière motivation de la Cour est relative à l'argument selon lequel la Yougoslavie prétend fonder la compétence sur le paragraphe 5 de l'article 38 du Règlement de la Cour. La Cour considère que l'Espagne et les Etats-Unis indiquent qu'ils n'ont pas consenti à la juridiction de la Cour au titre du paragraphe 5 de l'article 38 du Règlement de la Cour. Considérant que les dispositions présentées par la RFY ne sauraient fonder la compétence de la Cour et qu'elles ne constituent manifestement pas une base de compétence dans la présente affaire, même prima facie; la Cour a rejeté la demande en indication de mesures conservatoires présentée par la République fédérale de Yougoslavie et a ordonné que l'affaire soit rayée du rôle. 2. Le rejet des mesures conservatoires La RFY demande à la Cour d'ordonner que les défendeurs cessent immédiatement de recourir à l'emploi de la force et de s'abstenir de tout acte constituant une menace de recours de recours à la force. Elle invoque deux arguments juridiques à sa demande en indication des mesures conservatoires à l'égard des défendeurs. Le premier argument est fondé sur le paragraphe 2 de l'article 36 du statut de la Cour. Le second argument est fondé sur l'article IX de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. En effet , la RFY soutient que les défendeurs ont l'obligation de ne pas soumettre intentionnellement un groupe à des conditions pouvant entraîner la destruction physique totale ou partielle. Par contre, les défendeurs prient à la Cour de déclarer la demande de mesures conservatoires irrecevable en raison de l'absence de sa compétence. En plus, ils soulèvent que la RFY ne peut pas apporter la moindre preuve de leur intention de détruire une partie de la population yougoslave. La Cour constate qu'aux termes de sa déclaration du 26/04/1999, la RFY a limité l'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour « pour tous les différends, surgissant ou pouvant surgir après la signature de la présente déclaration, qui ont trait à des situations ou à des faits postérieurs à ladite signature, à l'exception des affaires pour lesquelles les parties ont convenu ou conviendront d'avoir recours à une autre procédure ou à une autre méthode de règlement pacifique77(*)». Par ailleurs, la Cour considère que les bombardements effectués par les Etats membres de l'OTAN ont commencé le 24/03/1999 et se sont poursuivis au-delà du 25/04/1999 et qu'il n'y a pas de doute pour la Cour que le différend d'ordre juridique a surgi avant la date de la signature de la déclaration yougoslave acceptant la compétence de la Cour au sujet de la licéité de ces bombardements pris dans leur ensemble. La Cour considère que l'article IX de ladite convention ne saurait constituer une base sur base de laquelle la compétence de la Cour pourrait prima facie être fondée. Sur base de ce raisonnement, la Cour conclut qu'elle « ne saurait indiquer quelque mesure conservatoire que ce soit à l'effet de protéger les droits dont la Yougoslavie se prévaut dans sa requête78(*) ». Etant donné que la Cour a considéré qu'au stade de la procédure, elle n'est pas à mesure de conclure que les actes allégués par la RFY contre les Etats défendeurs sont susceptibles d'entrer dans la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide et, par conséquent, réserve la question à la procédure sur le fond.
Avant que la procédure sur le fond ne commence, les huit Etats défendeurs ont présenté à la Cour des exceptions préliminaires portant sur la compétence de la Cour pour connaître de l'affaire et sur la recevabilité de la requête. Parmi les moyens invoqués par les défendeurs relativement à la recevabilité, à l'exclusion du Royaume Uni, du Canada et de l'Allemagne, les cinq autres Etats (la Belgique, l'Italie, la France, le Portugal et les Pays-Bas) ont fait valoir que les demandes présentées par la RFY sont irrecevables pour des motifs liés à l'imputabilité. Nous allons à présent passer en revue les arguments de chacun de ces Etats avant de parler les contre-arguments de la Serbie-et-Monténégro.
En premier lieu, les Etats défendeurs soutiennent, chacun individuellement, que les demandes de la RFY sont irrecevables motif pris de ce que le demandeur n'a pas produit le moindre commencement de preuve que les prétendues violations reprochées sont leur fait. En deuxième lieu, certains de ces Etats ont fait valoir que les violations qui leur sont reprochées s'inscrivent dans le cadre d'une action collective. Un arrêt rendu à l'égard de l'un des Etats défendeurs conduit nécessairement la Cour à trancher un différend entre la RFY et d'autres entités ou Etats non-attraits devant elle notamment l'OTAN et dont leur absence ne permettrait pas à la Cour de rendre un arrêt fondé alors qu'il aurait une incidence directe sur leurs droits et obligations.
Le Portugal soutient, dans son premier argument, que les actes qui font l'objet de la présente instance sont imputables à l'OTAN. Le premier argument avancé par le Portugal est que l'OTAN est une organisation internationale dotée de la personnalité juridique Internationale et, par conséquent, toutes les décisions politiques et militaires ont été prises par des organes de l'OTAN, à savoir respectivement par son Conseil, son secrétaire général ainsi que ses autorités militaires. « Cette personnalité se trouve confirmée par sa propre pratique et par celle d'autres organismes, notamment l'Organisation des Nations Unies. C'est ainsi que de nombreux Etats Membres et certains Etats tiers ont des représentations permanentes auprès de l'OTAN qui a conclu des traités non seulement avec ses propres membres mais aussi avec des pays tiers, dont la RFY elle-même98(*) » et que « par ces traités, la RFY a reconnu de jure la personnalité juridique de l'OTAN. Partant, elle a reconnu que l'OTAN, dans le cadre de ses attributions, agit en lieu et place de ses Etats membres, en son propre nom et de sa propre autorité...99(*) ». En réponse à l'argument de la RFY voulant imputer des actes de l'OTAN à ses Etats membres par ce que « l'existence d'un mécanisme d'adoption à l'unanimité des décisions politiques au sein du Conseil de l'OTAN signifie que chaque Etat membre exerce un contrôle politique et militaire sur l'action de l'OTAN et que les actes accomplis par celui-ci peuvent leur être imputés100(*) », la Belgique soutient « que le fait que chaque Etat membre dispose d'un siège au sein du Conseil de l'OTAN n'a pas pour effet de porter atteinte à la personnalité juridique de l'OTAN au regard du droit international. Celui-ci demeure responsable à toutes fins utiles. Le nier revient aussi à affirmer que les Membres permanents du Conseil de sécurité sont directement responsables des actes illicites de l'Organisation des Nations Unies même s'ils se sont abstenus de voter en faveur d'une politique dont la mise en oeuvre aurait conduit à un acte illicite101(*) ». Cela étant, c'est l'OTAN lui-même qui doit répondre totalement en droit international de ses actes et non ses Etats membres. Le deuxième argument du Portugal est relatif l'incidence directe qu'aurait la compétence de la cour sur les droits et obligations de tiers. Le Portugal « a invoqué la règle de l'Or monétaire par rapport à l'OTAN en soulignant qu'il existait bien d'autres fondements, préalables à celui-ci, pour que la Cour ne se prononce pas sur le fond de l'affaire102(*) ». Le Portugal soutient que la Cour « devrait décliner sa compétence en l'espèce motif pris de ce que l'organisation internationale qui a décidé les actes à l'origine de l'instance introduite par la RFY n'y est pas partie103(*) ». Selon lui, les droits et obligations des entités et des Etats étrangers à la présente instance notamment l'OTAN « forment par conséquent le coeur même de l'objet de celle-ci104(*) ». « En tout état de cause, et du point de vue de la règle de l'Or monétaire, il faudrait toujours statuer, au préalable, sur la responsabilité de l'organisation internationale, dans le cas d'espèce l'OTAN, ou tout au moins sur la question de savoir si les actes lui sont attribuables en tant que présupposé d'une éventuelle responsabilité des Etats membres sans que l'OTAN ait donné son consentement à la juridiction105(*) ». De peur que la Cour ne prononce sur des droits et responsabilités de tiers sans que ceux-ci y aient consenti, le Portugal demanda que la Cour décline sa compétence et conclut à l'irrecevabilité de toutes les demandes de la RFY.
La RFY affirme qu'il est clair que les opérations militaires contre la République fédérale de la Yougoslavie étaient une action simultanée de tous les Etats membres de l'OTAN et tous ont participé au choix des cibles. Selon lui, « it seems clear that the military operations against the Federal Republic of Yugoslavia were a simultaneous action of all States members of the NATO alliance. All of them decided to initiate and continue the military operations. All of them participated in the choice of targets108(*)». La Serbie-et-Monténégro ne conteste que l'OTAN a la personnalité juridique internationale mais c'est par rapport à certains sujets limités. Cependant, chaque Etat membre de l'OTAN a individuellement décidé de participer aux opérations militaires et le fait que cela se fait dans le cadre d'une alliance militaire ne change en rien le fait que des décisions sur l'utilisation de la force ont été finalement prises par les gouvernements nationaux. A cet effet, la RFY cite la décision de l'Allemagne « Bundeswehr soldiers are also participating in this NATO mission. This was decided by the German government and the Deutscher Bundestag in accordance with the will of a vast majority of the German people. This was not an easy decision for the German government . . .109(*) ». La RFY se demanda si « should NATO's legal personality shield the respondent States from responsibility in the present case?110(*)». En conclusion, « it is clear that, as a matter of principle, the respondent States cannot hide behind NATO's international legal personality to escape responsibility. Further, the respondent States as sovereign States made a sovereign decision to initiate and continue the military operations against Yugoslavia and controlled the choice of targets. The fact that they did so in concert with other NATO States cannot shield them from the responsibility because the decisions were theirs, nevertheless111(*)». Concernant le principe de «l'Or monétaire», la RFY note qu'étant donné que le Royaume-Uni, le Canada et l'Allemagne n'invoquent pas cet argument montre que les défendeurs n'ont pas la même attitude envers la nature de l'OTAN et de son rôle dans l'intervention militaire. En plus, le principe est exclusivement applicable aux Etats. « Both the application of this principle and the reasoning behind it have been linked exclusively to States. In its jurisprudence, the Court has consistently referred to States. There is not even a hint that the principle could be applied to other subjects of international law: and this is logical because the Monetary Gold rationale protects the fundamental principle that the Court's jurisdiction must be based on the consent of States. The position of other entities is simply irrelevant because the contentious proceedings before the Court are not open to them112(*)». La RFY prie la Cour de statuer sur sa compétence ratione personae, d'écarter les autres exceptions préliminaires des Etats défendeurs et d'ordonner une procédure sur le fond si elle estime qu'elle a compétence ratione personae.
1. La demande de rejet de l'affaire in limine litis Les défendeurs en ces affaires ont soutenu que la Cour pouvait et devait débouter la Serbie-et-Monténégro de ses demandes in limine litis. Les Etats défendeurs « ont soutenu que la Cour pouvait et devait débouter la Serbie-et-Monténégro de ses demandes in limine litis et, pour ce faire, rayer les affaires du rôle; rendre, dans chacune des affaires, une décision " pré-préliminaire" ou sommaire concluant soit qu'il ne subsiste plus de différend entre les Parties, soit que la Cour n'a pas compétence pour se prononcer sur les demandes ou n'est pas appelée à le faire; ou encore se refuser à exercer sa compétence113(*) ». Cette thèse a été présentée sous différentes formes par les huit Etats défendeurs à la suite du changement d'attitude du demandeur, exprimé dans ses observations sur les exceptions préliminaires. En effet, « la République fédérale de Yougoslavie étant devenue nouvellement Membre de l'Organisation des Nations Unies le 1er novembre 2000, il en découle qu'elle ne l'était pas avant cette date. Il est donc maintenant établi que, avant le 1er novembre 2000, la République fédérale de Yougoslavie n'était pas et ne pouvait pas être partie au Statut de la Cour en sa qualité de Membre de l'Organisation des Nations Unies114(*) ». Certains Etats défendeurs ont interprété cette attitude comme étant un désistement par le demandeur. La Cour note que la Serbie-et-Monténégro, dans ses conclusions, a expressément nié cette position, la Serbie-et-Monténégro n'a toutefois pas prié la Cour de juger qu'elle n'avait pas compétence, mais lui a simplement demandé de «statuer sur sa compétence à la lumière de l'argumentation exposée dans les présentes observations écrites115(*)» et elle a demandé plutôt à la Cour de statuer sur la question de la compétence et a souligné qu'elle voulait que la Cour poursuive l'affaire en se prononçant sur cette question. La Cour ne considère pas non plus qu'en raison des faits nouveaux intervenus dans son statut juridique vis-à-vis des l'Organisation des Nations Unies, la Serbie et Monténégro puisse être considérée comme ayant perdu son droit d'action. Ainsi, la Cour conclut qu'elle ne peut rayer du rôle ou prendre une décision mettant fin in limine litis à ces affaires. Elle doit, au stade actuel de la procédure, examiner la question de sa compétence en les présentes affaires.
Dans l'affaire contre la Belgique, la Serbie-et-Monténégro a présenté à la Cour un complément à la requête en invoquant comme base de compétence l'article 4 de la convention de conciliation, de règlement judiciaire et d'arbitrage entre le Royaume de Yougoslavie et la Belgique. Cette convention a été signée à Belgrade le 25 mars 1930 et en vigueur depuis le 3 septembre 1930. L'article 4 de la convention stipule que «Tous différends au sujet desquels les Parties se contesteraient réciproquement un droit seront soumis pour jugement à la Cour permanente de Justice internationale, à moins que les Parties ne tombent d'accord, dans les termes prévus ci-après, pour recourir à un tribunal arbitral122(*) ». La Serbie-et-Monténégro, se référant à la lettre du ministre belge des affaires étrangères du 9 avril 1996 «déclarant que la Belgique partait du principe que les accords bilatéraux qui la liaient à la République fédérative socialiste de Yougoslavie continueraient à produire leurs effets jusqu'à ce qu'ils aient été soit confirmés soit renégociés par les deux parties », affirme que cette convention reste en vigueur. La Belgique par contre soutient que l'article 4 de la convention de 1930 ne peut fonder la compétence de la Cour étant donné que la Serbie-et-Monténégro n'était pas partie au Statut de la Cour lorsqu'elle a déposé sa requête et que, avance-t-elle, « à supposer même que la convention de 1930 fût restée en vigueur, la Serbie-et-Monténégro n'y avait pas succédé123(*)». La Cour note que la compétence de la Cour permanente de justice internationale en vertu de traités en vigueur a été, sous certaines conditions, maintenue et transférée à la Cour internationale de justice par l'article 37 de son Statut. Les conditions énoncées par cet article sont :
Cette disposition doit être interprétée en ce sens que les parties à un tel traité, étant devenues parties au Statut de la CIJ, conviennent que la référence à la Cour permanente de justice internationale contenue dans ledit traité doit être entendue comme une référence à la Cour internationale de justice. La Cour relève que cette disposition ne peut être invoquée que par des parties, tant le demandeur que le défendeur, à son Statut conformément au paragraphe 1 de l'article 35. En conséquence, « la Cour conclut que la convention de 1930 n'ouvrait pas la Cour à la Serbie-et-Monténégro sur la base du paragraphe 2 de l'article 35 du Statut, même à supposer que cet instrument ait été en vigueur le 29 avril 1999, date du dépôt de la requête. Dès lors, la Cour n'a pas à se prononcer sur la question de savoir si la convention de 1930 était ou non en vigueur à cette date124(*) ».
La Cour ayant conclu que la Serbie-et-Monténégro n'était pas membre de l'Organisation des Nations Unies ni, dès lors, en cette qualité, partie au Statut de la Cour internationale de Justice et que la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide est entrée en vigueur après le Statut de la Cour, elle a dit à l'unanimité, « qu'elle n'a pas compétence pour connaître des demandes formulées par la Serbie-et-Monténégro dans sa requête déposée le 29 avril 1999125(*) ». Etant arrivé à cette conclusion, la Cour a estimé qu'il « n'est pas nécessaire qu'elle examine les autres exceptions préliminaires à sa compétence soulevées par les défendeurs126(*) » La Cour est, en effet, libre dans le choix des motifs sur lesquels elle fonde son arrêt et lorsque sa compétence est contestée pour différents motifs, elle est libre de baser sa décision sur un ou plusieurs motifs de son choix et, en particulier sur le motif qui, selon elle, est plus direct et décisif. * 70 Cour internationale de justice, Affaire relative à la licéité de l'emploi de force (Serbie et Monténégro c. Belgique), (Serbie et Monténégro c. Canada), (Serbie et Monténégro c. Espagne), (Serbie et Monténégro c. Etas-Unis), (Serbie et Monténégro c. France), (Serbie et Monténégro c. Allemagne), (Serbie et Monténégro c. Italie), (Serbie et Monténégro c. Pays-Bas), (Serbie et Monténégro c. Portugal), et (Serbie et Monténégro c. Royaume-Uni), demande en indication des mesures conservatoires, compte rendu de l'audience publique tenue le lundi 10 mai 1999, point 5.5. * 71 Idem, point 5.1. * 72 Cour internationale de justice, Affaire relative à la licéité de l'emploi de force (Serbie et Monténégro c. Canada), demande en indication des mesures conservatoires, compte rendu de l'audience publique tenue le lundi 10 mai 1999, p. 15, para. 34 * 73 Ibidem [CR 99/16 (traduction) du lundi 10 mai 1999 ]. * 74 Cour internationale de justice, affaire relative à la licéité de l'emploi de la force (Yougoslavie c. Espagne), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999, paragraphe 23. * 75 Idem, paragraphe 29. * 76 Cour internationale de justice, affaire relative à la licéité de l'emploi de la force (Yougoslavie c. Etats-Unis d'Amérique), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999, paragraphe 21. * 77 Cour internationale de justice, Affaire relative à la licéité de l'emploi de force (Yougoslavie c. Belgique), demande en indication de mesures conservatoires, Ordonnance du 2 juin 1999, paragraphe 23. * 78 Idem, paragraphe 45.
* 98 Cour internationale de justice, Affaire relative à la licéité de l'emploi de force (Yougoslavie c. Portugal), Exceptions préliminaires de la République Portugaise, 5 juillet 2000, paragraphe 132. L'accord signé à Belgrade le 15 octobre 1998 par le chef d'état-major des armées de la République fédérale de Yougoslavie et le Commandant suprême des Forces alliées en Europe de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), qui prévoit
l'établissement d'une mission de vérification aérienne
au Kosovo (S/1998/991, annexe) en complément de la
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