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Des Etats particuliers libres à l'organisation sociale mondialepar Raphaël BAZEBIZONZAS Saint Pierre Canisius - Bachelier en Philosophie 2006 |
CONCLUSIONJe m'en voudrais de conclure cette modeste réflexion sans parler de l'homme dont la pensée nous a guidé. Voici donc, pour conclure, le meilleur portrait d'Eric Weil, que je connaisse. Nous sommes à Urbino au début d'octobre 1975 : Ce fut presque la dernière apparition publique de philosophe, il était déjà marqué par la mort qui devait le prendre quelques mois plus tard (le 1er février 1977). Il avait maigri, la voix sonore et traînante, si caractéristique, s'était voilée ; le regard, bon et gai, s'était légèrement éraillé. Mais il avait gardé son sourire, son enjouement, ses grosses moustaches, son fume-cigarette. Il se sentait chez lui à Urbino, où tant d'affection et d'admiration l'entouraient (...). Grand penseur exigeant, Weil était un maître et un sage. Un maître non au sens autoritaire et seigneurial du terme, mais un pédagogue et un « prof », comme il disait à l'emporte-pièce. Il ne cherchait pas les disciples, mais qui se mettait sous sa direction perdait le repos, devait s'astreindre à l'effort harassant du concept. Ce n'était pas lui qui tenait la férule, la chose même s'en chargeait. Pourtant la sérénité du sage était plus contagieuse encore que l'énergie du penseur. Il aimait discuter, mais en dévidant le fil de la causerie, il émaillait son propos de boutades, d'anecdotes amusantes. Il n'était pas pressé ni impatient, il était insensible à ces petites et grandes contrariétés de la vie qui défont brusquement le calme d'esprits que l'on croyait mieux trempés. Lui-même ne courait pas après les honneurs ni les succès ; il était établi une fois pour toutes à cette hauteur d'humanité, équanime et lucide, profondément éthique, d'où les épreuves et les désillusions ne l'ont pas fait descendre.83(*) Qu'ajouter encore ? La vie d'Eric Weil nous éclaire assez pour comprendre sa réflexion. A chacun de nous d'en tirer aujourd'hui profit pour envisager l'avenir. Mais avant de boucler ces divagations, je voudrais faire quelques observations fragmentaires. Notre époque est ce qu'elle est et, nous ne pouvons la comprendre qu'en fonction de ses morales historiques et de sa politique. Le devoir de l'homme de donner sens à sa vie passe maintenant par la dynamique de la société qui produit, de l'Etat qui décide et donc éduque et de l'organisation sociale mondiale qui recherche et maintient les différents équilibres. Weil traduit en fait - en la remplaçant dans l'histoire comme lieu où les mécanismes sociaux, et donc aussi moraux et politiques, se configurent, - l'idée transcendantale, de l'ordre cosmopolite. * 83 Ce portrait a été tracé par le P. Xavier Tilliette dans les Archives de Philosophie (juillet-septembre 1980, t. 43, Cahier 3, p. 520.). |
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