3.3 LES FORMATIONS DE BASE DES DIPLÔMÉS
L'Université de Conakry, créée en 1962,
comprend quatre facultés (Sciences ; Médecine et Pharmacie;
Droit, sciences économiques et de gestion; Lettres et Sciences
Humaines), un Institut Polytechnique, un centre informatique, et un centre
d'études et de recherche en environnement. L'admission à
l'Université est conditionnée en Guinée par un concours
national, censé favoriser le contrôle de la croissance des
étudiants. Le taux de réussite est faible (un tiers en 1996).
Cependant, il faut préciser que le problème des effectifs
pléthoriques se pose moins en Guinée que dans d'autres pays
d'Afrique.
Il est important de noter que la population étudiante
est relativement âgée. Selon le Service de Planification et
Statistique de l'enseignement supérieur (SPSES, 1999), en 1997, 13% des
étudiants ont trente ans et plus, et l'âge médian est de 26
ans. La présence d'étudiants âgés pourrait
s'expliquer par le fait qu'ils ont commencé tardivement leurs
études primaires, retard auquel se surajoutent les redoublements
enregistrés possibles au primaire et au secondaire. A
l'Université de Conakry, en 1996, entre 60 et 70% des étudiants
achevaient leurs études sans redoubler. Le taux d'attrition est de 10%
à la Faculté des Lettres et de 25% en Faculté des Sciences
(PADES, 1998).
A propos de la durée moyenne de finition du cycle
universitaire normal, chaque programme définit un délai (qui est
de 4 années) normal à l'intérieur duquel un
étudiant devrait terminer son programme d'études. Cette me sure
est prise afin d'éviter ce que l'on appelle « les perpétuels
étudiants », qui restent à l'université
indéfiniment ; c'est également une mesure d'équité
pour les lycéens qui désirent entrer à
l'université. Enfin, c'est une mesure d'économie, car un
étudiant perpétuel occasionne des frais à l'État.
Or, il est important de gérer judicieusement les fonds public.
Par exemple, à la Faculté des sciences, 61% des
inscrits complètent dans les délais normaux (4 ans), 9%
complètent après un an de plus, alors que les autres
réussissent après deux ans de plus ou décrochent. À
la Faculté des lettres et des sciences humaines,
68% des inscrits ont complété le cycle normal (4
ans) des études dans les délais normaux, 18% un an après
et 12% deux ans plus tard tandis que 2% décrochent.
En ce qui concerne notre population cible, les 40
diplômés sont repartis comme suit : 20 de la Faculté des
Sciences (FS) dont 5 femmes et 20 de la Faculté des Lettres et Sciences
Humaines (FLSH) dont 6 femmes. A l'intérieur de chacune des
Facultés, nous avons ciblé l'ensemble des options ou
filières. En FS, ce sont les options suivantes : mathématiques,
chimie, physique et biologie. Étant donné qu'il y a peu de
laboratoires et d'industries (chimique, physique et biologique) dans le pays,
les finissants de ces options sont confrontés aux difficultés du
marché de l'emploi dès leur sortie.
Quant à la FLSH, les filières sont les suivantes
: professeurs de français, sociologie, animation culturelle,
journalisme, histoire et tourisme. Les répondants de ces options
trouvent généralement de l'emploi dans le domaine de
l'enseignement, ensuite dans les ONG. Par ailleurs, les compétences de
base ne sont pas toujours acquises par les étudiants sortants. Des
lacunes héritées de l'enseignement primaire et secondaire, ainsi
que la mauvaise articulation entre le marché de l'emploi et les
différents programmes universitaires expliqueraient en partie ce
constat. La forte généralisation des programmes contribue
également à l'expliquer. Contrairement aux ambitions des
responsables de l'enseignement supérieur, le diplômé
sortant est souvent dépourvu de compétences indispensables pour
décrocher un emploi, comme l'anglais, l'informatique et la
comptabilité gestion (PADES, 1999).
Cependant, des filières et/ou des cours nouveaux sont
mis en place, mais leur accès reste très limité. Nous
donnons l'exemple du fonctionnement du centre informatique de
l'Université de Conakry. Il est un des rares laboratoires à
disposer d'un matériel moderne en bon état de marche. Pourtant,
les étudiants, à l'exception de ceux de la filière
informatique (qui ne sont pas plus de vingt cinq par promotion), n'y ont pas
accès.
En outre, l'enseignement de l'anglais ne s'est pas
généralisé à l'ensemble des départements et
les heures de cours sont trop peu nombreuses pour être efficaces. Les
étudiants qui en bénéficient ne progressent pas. Ce qui
signifie que l'enseignement reste très théorique. L'absence
d'équipement et de laboratoire (ce, malgré quelques
aménagements récents, financés par la
coopération internationale) peut expliquer cette tendance. En plus, les
possibilités de réaliser un stage sont peu nombreuses, en
conséquence, les étudiants n'y ont souvent que des tâches
élémentaires de base à réaliser. Ainsi, les
diplômés sortants de l'Université de Conakry ont un profil
inadapté au marché de l'emploi.
Certains diplômés s'insèrent bien dans
leur cadre de travail et donnent à terme satisfaction à leurs
employeurs; mais la majorité des diplômés ont des lacunes
indépendantes de leur volonté dans des disciplines comme
l'anglais, l'informatique (ces dernières ne sont pas enseignées
au cours du cursus universitaire). Dans le cas de notre échantillon par
exemple, sur les 20 diplômés qui occupent un emploi, 18 ont fait
une formation complémentaire avant de décrocher leur emploi
actuel. Par ailleurs, les diplômés ne sont pas
préparés à entrer sur le marché du travail,
à s'informer, à chercher efficacement du travail. Sans oublier
que le système d'enseignement universitaire est insuffisamment
relié au monde du travail et produit des diplômés mal
informés du marché de l'emploi. Ils sont souvent peu productifs
tant qu'ils n'ont pas suivi de formations spécifiques dans le cadre de
l'entreprise qui les embauche. C'est pourquoi des spécialisations sont
utiles dans le contexte économique guinéen. En plus, des
compétences liées au marché de l'emploi (en anglais, en
informatique, en gestion, à l'initiation à la création et
la gestion de micro entreprises) sont nécessaires dans les programmes
universitaires (Barry, 2001). Dans un tel contexte, à la sortie de la
formation principale universitaire, les diplômés sont
obligés de faire des formations additionnelles afin de s'adapter aux
besoins du marché de travail guinéen, de suivre des stages ou de
faire appel à leurs réseaux relationnels. Les résultats de
cette situation amènent à poser la question sur la valeur de la
formation universitaire principale. Est-ce que tous les diplômes obtenus
sont en adéquation avec les besoins du marché de l'emploi
guinéen ?
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