Fonds de garantie, quelle cohérence ?( Télécharger le fichier original )par Kuitche Takoudoum Florent et Hermine Kugler Université de Nice Sophia Antipolis - Master II recherche droit économique des affaires 2007 |
Partie II : une cohérence factuelle.Malgré les incertitudes et insuffisances que révèlent l'étude conceptuelle de la notion de fonds de garantie, celle-ci gagne paradoxalement en importance et se développe de plus en plus dans notre société. C'est cela qui nous conduit à la conclusion selon laquelle les fonds de garantie sont aujourd'hui beaucoup plus une notion fonctionnelle (Chapitre I) ; fonctionnelle par la diversité des fonds de garantie qui existent et qui s'appliquent à des cas précis de couverture de risque ; fonctionnelle par l'essor de ces fonds qui ne cessent de se développer dans des domaines de plus en plus variés. Cependant, le développement anarchique des fonds de garanties qui ne répondent à aucune logique théorique reste problématique en ceci qu'il ne facilite pas la tache aux victimes qui sont confrontées à une multitude de lois et de fonds, et ne savent plus généralement lequel choisir. Dès lors l'unification de tous ces fonds est-elle envisageable (Chapitre II)? Chapitre I : une notion fonctionnelle :
Le législateur encourage une politique de création casuistique des fonds de garantie (section I), ce qui favorise l`essor de ceux-ci (section II). Section I : L'efficacité d'une création casuistique des fonds de garantie.L'analyse que nous faisons de l'absence de cohésion dans la conception de la notion de fonds de garantie est que le législateur s'en sert comme une arme politique efficace en cas de crise. Du coup, il aurait intérêt à maintenir ce flou juridique qui au fonds l'arrange. Ainsi, le fait que le législateur n'ait pas à faire à un régime bien construit en la matière lui permet d'être plus libre dans son choix de décisions. L'imprécision du concept permet au législateur de l'utiliser comme cela lui convient. Du coup, il procède au cas par cas, et cela lui permet de résoudre les difficultés en fonction du degré de sensibilité des populations face à celles-ci. Dans ce sillage, la création casuistique est très efficace, en ce qu'elle permet de se concentrer véritablement sur une situation et d'y apporter des solutions spécifiques. C'est pourquoi, à chaque cas précis de fonds de garantie créé par le législateur, ce dernier prend la peine de préciser les structures qui vont faciliter la mise en oeuvre du fonds, les procédures et les conditions à remplir pour se faire indemniser. Aussi pourrait-on affirmer qu'à problème concret, le législateur applique des solutions concrètes. Tel est par exemple le cas du fonds d'indemnisation des victimes de transfusion sanguine (Sida).
En 1990, une vaste campagne de presse révélait que plusieurs milliers de personnes ayant subi des transfusions sanguines au cours des cinq années précédentes se révélaient être séropositives. Du sang contaminé par le virus du sida, virus d'immunodéficience humaine (HDI) avait été utilisé à leur encontre. Des associations de défense se constituaient et des actions en justice furent intentées soit contre des hôpitaux et cliniques, soit contre les médecins, et surtout contre les centres de transfusion sanguine qui avait fourni le sang contaminé. Ces actions conduisirent généralement à des condamnations substantielles des établissements hospitaliers et des centres de transfusion sanguine par les juridictions administratives ou judiciaires. Mais l'indemnisation par le biais de la responsabilité civile se révélait longue, coûteuse et aléatoire. Les pouvoirs publics décidèrent de l'organisation d'un fonds de garantie47(*). L'exposé des motifs et les débats parlementaires révèlent clairement qu'à une situation exceptionnelle correspondant à une véritable catastrophe nationale, devait répondre la solidarité nationale par le biais d'un fonds d'indemnisation48(*). L'indemnisation que propose le fonds est totale. Les victimes ont droit à la réparation intégrale des préjudices résultant de la loi49(*). Sur ce point, il n'y a pas de différences théoriques avec une indemnité octroyée par une juridiction. La demande d'indemnisation quant à elle est faite dans une forme simplifiée à l'extrême. Il suffit d'une simple lettre recommandée avec accusé de réception50(*) et aucun délai n'est imposé au demandeur pour présenter sa demande, mais il est évident que l'écoulement du temps risque d'entraîner une déperdition des preuves. Le fonds est tenu de présenter à toute victime répondant aux conditions requises une offre d'indemnisation dans un délai de trois mois à compter du jour où il a reçu la justification complète des préjudices. Le fonds est présidé par un président, désigné parmi les présidents de chambre ou conseillers de la cour de cassation, en activité ou honoraires. Le président du fonds préside également la commission d'indemnisation et le conseil consultatif. Il représente le fonds vis-à -vis des tiers. Il a le pouvoir avec la commission d'administrer le fonds. Le fonds regorge également d'un conseil administratif et d'un contrôleur d'Etat. Par ailleurs, il nous est donner de constater que le fonds de garantie relève plus d'un effet de mode, efficace en ce qu'il constitue dès son évocation un moyen de calmer la population et d'éviter des soulèvements. En réalité la décision de créer un fonds de garantie aujourd'hui est devenue pour les gouvernants un moyen de prouver à la population qu'ils prennent en compte les problèmes auxquels ils font face, « sans forcément être la solution à ce problème »51(*). Cela justifie son développement à une vitesse galopante. En cela, les fonds de garantie se rapprochent d'une autre notion très à la mode à l'heure actuelle. Il s'agit des autorités administratives indépendantes. Malheureusement, il n'y a pas que les gouvernants qui profitent de la notion de fonds de garantie. Elle est tellement vague mais aussi tellement rassurante pour tous ceux qui peuvent y faire appel que des constructions juridiques qui n'ont rien à voir avec ce type de garantie hautement estimable y font parfois référence. C'est ainsi que le 22 novembre 1996, on trouvait dans « les échos » un article qui expliquait que la société marseillaise de Crédit avait créé un fonds de garantie monté en collaboration avec la société Française d'Assurance Crédit pour les entreprises réalisant moins de dix millions de chiffres d'affaires. Ce fonds de garantie aurait été intitulé « AZUR Avenir ». Ce n'était cependant pas un fonds de garantie, ni même une caution, mais un produit assez insignifiant auquel on avait donné le nom de fonds de garantie, car il sonnait bien et pis encore, on l'associait presque à son insu à une compagnie d'assurance- crédit dont le professionnalisme était bien connu52(*).
Toujours est-il que cette création casuistique des fonds de garantie est le facteur déterminant de son essor actuel. * 47. C. A, article L. 421-7. * 48. DELPOUX, RGAT. 1992, p. 25 et s. * 49. Art. 47-III de la loi. * 50. Art. 47 IV, al. 2, loi-décret, art. 1. * 51. V. Sur les limites des fonds de garantie, MIKALEF-TOUDIC (V), « réflexions critiques sur les systèmes spéciaux de responsabilité et d'indemnisation », R. G. D. A., 01 avril 2001 n° 2001-2, P. 268. * 52. BASTIN (J), Le paiement de la dette d'autrui, la caution, la garantie, les fonds de garantie, etc., LGDJ, 1999, p. 166. |
|