A - La non immixtion de l'État dans la vie de la
société
coopérative.
Il est un fait que la coopérative est une entreprise
privée. Et comme toute entreprise privée juridiquement
constituée, l'État doit prendre ses distances vis-à-vis de
la coopérative en jouant pleinement son rôle de fonction
régalienne. Le devoir de non ingérence dans les affaires
économiques des agents privés et l'obligation de maintenir des
conditions favorables à leur développement, tel est
essentiellement le rôle de l'État.
Certes le désengagement de l'État des
coopératives quelles qu'elles soient ne doit souffrir d'aucun doute. Or,
on note dans le texte régissant les Coopératives agricoles
d'Aménagement Rural de la loi 61-27 du 10 Août 1961 une forte
immixtion de l'État dans la vie des coopératives agricoles.
Ainsi, à l'article 13 paragraphe 2 de la même
loi on note déjà cette ingérence par le fait que la
création des coopératives agricoles relève de la puissance
publique `' leur création par le Ministre de la
Coopération...''
Comment une entreprise privée peut-elle
être créée par la puissance publique ? C'est là
toute l'ambiguïté que soulève ce texte.
Ou l'entreprise est de nature privée et donc
créée et dirigée par des promoteurs privés ; ou,
elle est de nature publique et est créée à l'initiative de
la puissance publique qui nomme les personnes pouvant la diriger suivant les
dispositions réglementaires et qui définit les règles
devant prévaloir à son organisation, fonctionnement et
dissolution.
L'ingérence de l'État prend beaucoup plus
d'ampleur lorsque l'article 16 dispose que le périmètre de la
parcelle à mettre en valeur, de même que l'objectif de la
société coopérative sont définis par
Arrêté du Ministre de l'Agriculture et de la Coopération.
Pire, c'est cet Arrêté qui nomme le Président de
l'Assemblée Générale Constitutive, celui-ci étant
un agent du Service de l'Assistance Administrative aux coopératives
agricoles. Tout en ignorant que la présence de cet agent constitue une
entorse au principe de l'autonomie des coopératives, la loi viole ce
principe qui constitue la pierre angulaire de la politique coopérative.
C'est cette ingérence de l'État qui constitue la première
fausse note dans le processus de création et de promotion des
Coopératives d'Aménagement Rural.
Mieux, lorsque la coopérative agricole reçoit
une dotation remboursable, il est procédé à la
désignation des Administrateurs représentant l'État par le
Ministre de l'Agriculture et de la coopération (article 37 de la loi 61
-26 du 10 Août 1961) Dans le même ordre d'idée, la
coopérative se trouve dans l'obligation, en cas de dotation de nommer un
Directeur. Celui-ci est désigné par le Conseil d'Administration
sur proposition du Ministre de l'Agriculture et de la Coopération.
C'est surtout au niveau du titre VIII : AGREMENT ET TUTELLE
qu'on note la forte immixtion de l'État dans la politique
coopérative. En effet, en matière de tutelle, le Ministre
chargé de l'Agriculture et de la Coopération détient les
pleins pouvoirs puisqu'il aide par ses conseils et son contrôle,
à la création, au fonctionnement et à la gestion des
sociétés coopératives agricoles (article 57 Paragraphe 1
de la loi 61-26 du 10 Août 1961)
Il revient au service chargé de l'Assistance
Administrative aux Coopératives placé sous ordre
ministériel d'enquêter, de contrôler et de promouvoir le
mouvement Coopératif (article 57 paragraphe 2 de la loi 61-26 du 10
Août 1961) Les prérogatives de ce service vont à
l'enquête menée a priori par ses agents sur la constitution, le
fonctionnement et la situation financière de ces coopératives
(article 59 de la loi 61-27 du 10 Août 1961).
Enfin, tout différend se doit d'être soumis
d'abord au service chargé de l'assistance administrative aux
coopératives avant toute procédure contentieuse. La question se
pose dès lors de savoir si on peut être juge et partie puisque
l'État, de par ses implications dans les coopératives agricoles,
est membre à part entière de ces coopératives et en cas de
différend, s'érige en juge de circonstance.
Voilà autant de dysfonctionnements que
présente le texte sur les Coopératives Agricoles
d'Aménagement Rural.
C'est à l'article 66 de la loi 61-27 du 10 Août
1961 que l'on note la consécration de l'ingérence de
l'État ; puisque le Service chargé de l'Assistance
Administrative aux Coopératives dispose des pouvoirs les plus larges sur
pièce et sur place.
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