1.3-
REVUE DE LITTERATURE
La revue des écrits de cette étude est
constituée d'ouvrages et d'études relatifs à
l'alphabétisation, l'éducation des adultes et à la
santé communautaire, aussi bien dans le monde en général
qu'en République du Bénin en particulier. Certains des auteurs
que nous avons cités ont abordé dans un aspect la question de
l'alphabétisation au service du développement et d'autres
études se sont intéressées à l'amélioration
des conditions des femmes en général. La question
spécifique de la relation entre l'alphabétisation des femmes et
l'amélioration de la santé n'a pas été clairement
abordée dans les documents que nous avons consultés et quand elle
l'est, ce n'est que de façon parcellaire.
* Conceptions et objectifs des programmes
d'alphabétisation
BERNARDO B. I. A. [11] affirmait que l'objectif des
programmes d'alphabétisation devrait être l'intégration
progressive de la pratique de la lecture et de l'écriture dans le plus
grand nombre d'activités communautaires possibles. Ceci devra induire
des changements dans les habitudes des membres de la communauté
alphabètes ou non. Par ailleurs, l'évolution d'une
communauté par l'intégration d'un plus grand nombre de pratiques
fondées sur l'écrit transforme la façon dont les membres
conçoivent leur vie par l'intermédiaire de ces pratiques. Enfin
pour concrétiser les effets de l'alphabétisation en ce qui
concerne la façon dont les individus considèrent leur vie, il ne
suffit plus d'alphabétiser les individus, il faut alphabétiser
les communautés.
C'est pourquoi, HAMADACHE A. et MARTIN D. [12], en analysant
les contenus des programmes en la matière, dénonçaient que
les contenus des activités de post-alphabétisation,
dernière étape du processus d'alphabétisation, sont
souvent envisagés presque exclusivement sous la forme de matériel
imprimé, bien connu sous le nom de « matériels de
lecture pour adultes néo-alphabètes». Cependant, il y a
d'autres activités telles que les groupes d'étude, les cercles
culturels, les émissions radio, etc. qui interviennent pour permettre
à l'adulte de demeurer dans sa nouvelle situation d'alphabète. Au
regard des stratégies mises en oeuvre qui visent entre autres la
nécessité d'une participation des intéressés
à la définition et à la mise oeuvre des
éléments de la stratégie, l'importance des motivations des
publics concernés à s'engager dans ce processus
d'auto-éducation, la nécessité d'une diversification des
activités et des institutions de post-alphabétisation
adaptées aux besoins des publics spécifiques ; l'adulte doit
trouver les moyens de répondre à ces problèmes sociaux.
Soucieux de répondre à cette aspiration au
Bénin, le plan de vulgarisation de la Déclaration de la Politique
Nationale d'Alphabétisation et d'Education des Adultes (DEPOLINA),
proposé par la DNAEA [13] montre que l'objectif général de
la politique est l'élimination progressive et durable et de
l'analphabétisme. Ainsi, les objectifs spécifiques y
afférents sont entre autres, réduire de 68% à 50% au moins
le taux d'analphabétisme à l'horizon 2010, favoriser
l'émergence d'un environnement lettré, réduire de 50%
l'analphabétisme des femmes, intensifier la recherche linguistique
appliquée sur les langues nationales en rapport avec les exigences de la
nouvelle Politique Nationale d'Alphabétisation et d'Education des
Adultes. La DEPOLINA prévoit au nombre de ces stratégies,
l'adéquation entre offres différenciées et demandes
diversifiées. Elle concerne la diversité et la
multiplicité des demandes/besoins de formation dans le domaine de
l'alphabétisation et de l'éducation des adultes qui
reflètent très souvent les réalités
socio-économique et culturelle spécifiques. Dans ce cas, l'Etat
et les autres acteurs en tenant compte des spécificités
élaborent des offres qui permettent aux populations de faire de
l'alphabétisation un outil d'accompagnement et de renforcement dont les
acquis sont réinvestis dans leurs activités sociales,
culturelles, économiques et politiques. Par ailleurs, les programmes
doivent répondre aux besoins spécifiques des groupes qui
demandent l'alphabétisation et l'éducation pour leur
épanouissement. A chaque situation spécifique, on
élaborera un programme spécifique.
Ceci répond aux voeux de la Direction de
l'Alphabétisation [14] qui souhaitait que les objectifs des programmes
nationaux d'alphabétisation s'insèrent dans le cadre d'objectifs
politiques culturels et socio-économiques larges. L'apprentissage de la
lecture, de l'écriture et du calcul est surtout perçu comme
élément de base qui, associé à d'autres composantes
éducatives, permet l'acquisition de mécanismes de communication.
Dans plusieurs cas, l'action éducative se propose en premier lieu,
d'offrir à une population sélectionnée la
possibilité d'acquérir les attitudes et comportements
jugés nécessaires pour contribuer à l'édification
d'une nouvelle société. Au plan socio-éducatif, les
objectifs prennent en compte le changement de comportement en vue des
transformations sociales envisagées, la lutte contre les discriminations
en matière d'éducation, notamment à l'égard des
femmes, la meilleure organisation de la vie communautaire et la participation
de la population à son propre développement, l'acquisition des
connaissances pratiques dans le domaine de la santé, de la vie sociale
et du travail en vue de l'amélioration des conditions de vie.
Dans le rapport de la 5ème
Conférence Internationale sur l'Education des Adultes
(5ème CONFINTEA) tenue en 1997 à Hambourg en Allemagne
[15], l'UNESCO précise que dans les débats sur les programmes
d'alphabétisation pour adultes, il est nécessaire de clarifier si
l'objet est de transférer des compétences techniques,
c'est-à-dire la capacité de coder et de décoder la
relation entre signe et son, ou d'aborder des notions plus profondes sur la
personnalité, l'identité et la nature du savoir.
L'éducation des adultes à l'adresse des femmes, à savoir
les programmes d'alphabétisation, stage de compétence pratique ou
projets de participation communautaire, peut jouer un rôle important pour
rendre les femmes conscientes des nombreuses formes de préjudices
qu'elles subissent, en les informant de leurs droits et en les encourageant
à prendre leur vie en main. L'éducation des adultes ne poursuit
pas le seul objectif de transmettre des compétences, mais aussi de
permettre aux femmes d'utiliser leurs compétences pour négocier
et traiter plus efficacement avec les structures du pouvoir. Lors de la
conception des programmes éducatifs, il est nécessaire de mettre
l'accent sur la méthodologie active et sur l'environnement offert. Ce
dernier est-il un espace favorable et stimulant pour les femmes ? Il doit
aussi réserver une place à l'apprentissage informel, car une part
importante et précieuse de la communication a lieu à
l'extérieur des lieux de formation. La participation des apprenantes
à la conception du programme éducatif permettra de
répondre à leurs préoccupations et contexte de vie.
* La mise en oeuvre des programmes
Pour ce qui est de la mise en oeuvre de ces programmes, AFRIK
T. [16], montrait que de nouvelles idées sur l'alphabétisation
ont été avancées dans les années 70 par Paulo
Freire qui affirmait que l'alphabétisation « fait partie du
processus grâce auquel les personnes alphabétisées prennent
conscience de leur situation personnelle (conscientisation) et s'instruisent
afin de l'améliorer ». Selon Freire, l'apprentissage de la
lecture, de l'écriture et du calcul sont une étape vers la
réalisation des droits politiques, économiques et culturels de
l'homme. Il doit permettre aux néo-alphabètes de jouer un
rôle dans les efforts visant à transformer leur univers en un
endroit où il fera bon vivre. A cet effet, l'alphabétisation
moderne se réfère à l'utilisation pratique, dans la vie de
tous les jours, de l'aptitude à lire, écrire et compter.
Même si les analphabètes peuvent apprendre l'hygiène ou le
commerce par des explications orales et des démonstrations, il n'en
demeure pas moins que les connaissances à enregistrer sont trop
nombreuses pour que leur esprit les retienne. En d'autres termes, un important
capital de connaissance se perd du fait des oublis. En conséquence, il
convient de recueillir ces informations dans des manuels auxquels il sera
possible de se référer en cas de nécessité.
L'alphabétisation permet à l'individu ou à une
société de passer d'une culture d'oralité à une
culture d'écriture. Et les aspects qualitatifs des programmes
d'alphabétisation et de post-alphabétisation destinés aux
femmes et aux jeunes filles, l'utilité, la qualité, la
durabilité et l'efficacité (interne et externe) ne donnent pas
encore satisfaction. AFRIK démontre que l'analphabétisme renforce
aussi la pauvreté. Car l'analphabétisme ne s'applique pas
uniquement à l'incapacité de lire, d'écrire et de
calculer. Il s'agit aussi d'une sorte de discrimination et de handicap (les
analphabètes étant abusés ou se considérant comme
des aveugles). L'analphabétisme est «une culture de la
pauvreté» et, de plus, la pauvreté représente plus
qu'une simple pénurie de biens et services, de nourriture, de
vêtements et de logement, elle est également associée
à une «pénurie de compétences».
Dans la même perspective, MEYER B. [17], entrevoyait
que la signification accordée à l'alphabétisation dans la
rhétorique officielle n'est qu'apparente car la négligence du
secteur saute aux yeux. Ceci est également valable pour le secteur de la
formation des adultes en général. Pour la lutte contre
l'analphabétisme, spécialement des femmes, il ne peut seulement
s'agir d'apprendre une technique de lecture et d'écriture, il faut
apprendre en même temps une nouvelle mentalité qui se pose des
questions sur les structures hiérarchiques. Dans l'esprit de Paulo
FREIRE, il s'agit d'apprendre une lecture critique du monde. Pour les femmes
cela signifie la rupture avec une culture monologue dans laquelle s'exprime un
ordre de société défini par les hommes.
Aussi, ABALOT E. J. [18], dans sa tentative
d'établir la dialectique entre alphabétisation et
développement montre-t-il qu'au-delà des objectifs traditionnels
de l'alphabétisation que sont la lecture, l'écriture et le
calcul, elle se doit d'être perçue comme faisant partie
intégrante d'une éducation globale au développement.
Ainsi, lorsque l'alphabétisation devient fonctionnelle, elle
représente le mécanisme de base, le levier fondamental pour la
maîtrise des innovations technologiques, l'utilisation optimale des
ressources financières et pour enfin une gestion optimale du capital
humain, de la faune et de la flore. A cet effet, l'alphabétisation qui
se trouve à la fois en amont et en aval de toutes actions
éducatives et du développement doit évoluer de pair et
être en interaction constante avec les changements sociaux
opérés dans notre monde contemporain. En effet, un investissement
dans l'éducation des adultes en général et plus
particulièrement dans celle des femmes est directement rentable sur les
plans de soins de santé primaire, d'habitat, de nutrition et
réduction de la pauvreté humaine et monétaire.
* Difficultés de l'exécution des
programmes
Dans ce volet, l'UNESCO [19] déclare que
l'alphabétisation des adultes rencontre des difficultés en
Afrique. Ses défis se posent en termes d'accessibilité des
services d'éducation de base, de participation des filles et des femmes,
ainsi que l'engagement des communautés, de pertinence des programmes et
des méthodes, de rétention des apprentissages et leur
applicabilité dans la vie quotidienne. On note également la
persistance des barrières de genre, une contrainte à la
participation des filles et des femmes aux activités éducatives,
la déficience en nombre et en compétence des formateurs qui
demeurent trop souvent bénévoles. La contribution potentielle de
l'éducation des adultes à l'émergence des citoyens
informés et tolérants au développement
socio-économique, aux progrès de l'alphabétisation,
à l'atténuation de la pauvreté et à la
préservation de l'environnement est énorme ; il faut donc
l'exploiter. Enfin, l'éducation tout au long de la vie peut jouer un
rôle considérable dans la promotion de la santé et la
prévention des maladies. L'éducation des adultes offre
d'importantes possibilités de donner équitablement et durablement
accès à des connaissances utiles en la matière.
* Actions pour l'amélioration de la
santé avec les femmes
Pour MBOW P., dans son article Analphabétisme,
pauvreté des femmes : cas du Sénégal [20],
l'alphabétisation trouve sa raison d'être dans
l'amélioration du niveau de vie : le taux de mortalité
d'enfants de 0 à 5 ans baisse à mesure que le taux
d'alphabétisation augmente. Egalement, la longévité et le
revenu national brut augmentent en fonction du nombre d'habitants
alphabétisés et inscrits aux enseignements. L'accès aux
informations et aux systèmes de communication prennent de l'ampleur dans
un contexte alphabétisé : une mère incapable de lire
la notice d'un médicament pour la réhydratation par voie orale
(RVO) perd plus facilement son enfant. L'échec du planning familial au
Sénégal est à chercher du côté de
l'analphabétisme des femmes. Rapportant une enquête menée
auprès des grandes commerçantes de Dakar, MBOW affirme que les
femmes, bien qu'elles se rendent dans les contrées lointaines (France,
Turquie, Inde, etc.) et gèrent des millions, elles rencontrent
d'énormes difficultés pour tenir leur compte. Cette situation
réduit leur autonomie et les expose à certaines
déconvenues.
L'accès au crédit, parfois même
l'ouverture d'un compte bancaire leur pose problème en raison de leur
manque d'informations. Les femmes aimeraient être autonomes : lire
et écrire leur courrier, toucher leurs mandats, gérer leur
revenu.
Par ailleurs, une étude de l'UNICEF [21] rapporte que
plusieurs problèmes sont identifiés dans les conditions de vie
des femmes à savoir, la fréquence des maladies liées
à l'eau, à l'assainissement due à la consommation
élevée de l'eau non potable, le manque général
d'hygiène, l'assainissement inadéquat et insuffisant. Par
ailleurs, la vie matérielle est difficile à cause des revenus
faibles, la surcharge de travail, l'accès difficile à une
alimentation adéquate/équilibrée. Les femmes ont des
difficultés à prendre soins des enfants et assurer leur
bien-être car leurs responsabilités familiales se sont accrues et
elles manquent d'informations appropriées. Parmi les groupes les plus
vulnérables en milieu urbain, figurent les femmes urbaines sans beaucoup
de ressources, les femmes chefs de ménage de facto (y compris les jeunes
filles mères), les femmes petites commerçantes, les productrices
et vendeuses d'aliments. Le Rapport souligne qu'en milieu urbain, il est
également difficile d'accéder aux capitaux nécessaires
pour l'auto-emploi. Le petit commerce est l'activité principale pour 70%
des femmes. Le 1/3 de la population des quatre grandes villes (Cotonou,
Porto-Novo, Parakou, Abomey-Bohicon) n'ont pas recours aux soins de
santé modernes, principalement à cause du coût trop
élevé, par exemple Cotonou et Porto-Novo. On constate que 79% des
femmes résident à moins de 5 km d'un centre de santé, 88%
ont recours aux soins prénataux, 79% sont assistées au cours de
l'accouchement et l'action d'éducation de base pour adultes, telles que
l'alphabétisation a un impact actuel très faible car environ 55%
des inscrits ont été alphabétisés entre 1993 et
1994. En outre, la connaissance d'une innovation ou d'une amélioration
potentielle de la vie quotidienne grâce à un nouveau comportement
n'induit pas nécessairement le changement. Par exemple, l'existence des
visites prénatales est connue, mais souvent c'est au
6ème mois ou plus tard que les femmes effectuent leur
première consultation (25% des naissances) ou même n'en font pas
du tout (19%) ; l'accouchement dans les maternités est connu, du
moins par 80% des femmes qui font une visite prénatale, mais n'est
pratiqué que par 64% d'entre elles.
L'Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) [22]
révèle, en outre, que l'éducation en général
et celle des filles en particulier joue un rôle primordial dans la
recherche de solutions à des problèmes comme la réduction
de la pauvreté qui mettent en péril leur existence. En effet, les
problèmes courants chez les jeunes filles au Bénin sont
essentiellement : l'analphabétisme, la maltraitance, l'exploitation
sexuelle, les formes de discrimination et de violence. Il faut y ajouter les
questions cruciales de santé liées à la malnutrition, aux
IST, aux maladies parasitaires et d'origine hydrique, aux traumatismes et
autres invalidités relatives à certains risques.
L'International Water and Sanitation Center (IRC) [23] dans
son étude sur les services de santé environnementale dans les
villes africaines, justifie la forte urbanisation estimée à plus
de 5% par l'accroissement naturel et l'exode rural. Ce faisant, elle pousse les
populations les plus pauvres à occuper anarchiquement l'espace urbain et
sa périphérie. C'est ce qui explique la prolifération des
habitats précaires qui ne sont pas desservis par les services d'eau
potable et d'assainissement. Ainsi les couches sociales
défavorisées subissent un double péril sanitaire.
Premièrement, elles souffrent beaucoup plus des fléaux de la vie
moderne et de l'exclusion économique qui entraîne l'hypertension,
la violence, les accidents de circulation. Deuxièmement, elles sont
exposées aux risques sanitaires liés à l'environnement qui
causent le paludisme, les maladies diarrhéiques et les infections
parasitaires.
1.3.1-
Relation entre éducation, alphabétisation et
santé
L'état d'analphabétisme donne lieu à des
comportements qui ne sont pas de nature à favoriser une bonne
santé. C'est parmi les analphabètes qu'on enregistre les plus
forts taux de mortalité infantile, les grossesses précoces, les
mauvaises conditions d'hygiène et d'habitat, etc. Par exemple,
l'existence des visites prénatales est connue, mais souvent c'est au
6ème mois ou plus tard que les femmes effectuent leur
première consultation (25% des naissances) ou même n'en font pas
du tout (19%) ; l'accouchement dans les maternités est connu, du
moins par 80% des femmes qui font une visite prénatale, mais n'est
pratiqué que par 64% d'entre elles [21]. L'éducation quant
à elle, est un processus qui doit induire un changement au sein de la
communauté. Elle permet dans sa pratique de donner à chaque
membre du groupe social, les schèmes de comportement nécessaires
dans les divers domaines de la vie. Ainsi, les connaissances liées
à la santé peuvent être acquises à travers ce
processus.
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