1.2-
ENONCE DU PROBLEME
Le processus de développement en cours, en
République du Bénin, intègre plusieurs dimensions dont la
notion de participation des communautés et l'approche genre. Selon le
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté au
Bénin (DSRP), l'Etat entend mettre un accent sur le développement
du capital humain pour une contribution plus judicieuse à l'effort
d'éradication de la pauvreté [6]. A cet effet, l'éducation
des populations en général et celle des femmes en particulier,
une solution pour lutter contre l'analphabétisme, tient une place de
choix.
Depuis 1990, les femmes analphabètes faisaient 60,4% de
la population de l'Afrique subsaharienne et 84,4% de la population du
Bénin selon l'UNESCO-AFRIQUE [7]. D'après le Recensement
Général de la Population et de l'Habitat de 2002, 51,4% de la
population béninoise est constituée de femmes dont 82% vivent en
milieu rural [3]. L'enquête démographique et de santé
réalisée en 2001, révèle que 63,1% des femmes
âgées de 15-49 ans sont incapables de lire [8] ; ce qui
implique qu'il y a un difficile accès à l'information de tous
ordres, pour une amélioration de la productivité, de la
santé, etc.
Conscient de l'enjeu, l'Etat béninois a engagé,
à travers une politique d'alphabétisation et d'éducation
des adultes, une guerre contre l'analphabétisme pour améliorer le
niveau de vie des populations, notamment celui des femmes. Selon le rapport du
PNUD sur le Développement Humain au Bénin en 2001, seules 23,6%
des femmes âgées de 15 ans et plus ont été
alphabétisées [5]. La nécessité
d'alphabétiser/éduquer les femmes aussi bien en milieu rural
qu'en milieu urbain, pour les aider à mieux participer au processus de
développement et à améliorer leurs conditions de vie dans
tous les domaines, surtout au plan sanitaire, est impérieuse. Le contenu
des programmes d'alphabétisation et d'éducation des adultes au
Bénin, permet essentiellement l'apprentissage de la lecture, de
l'écriture, du calcul, etc. dans une langue nationale. Les femmes ayant
suivi ces programmes peuvent désormais lire, écrire et calculer
dans leur langue; ce qui leur donne des capacités pour mieux
contrôler entre autres, la gestion de leurs activités
génératrices de revenus et la production agricole. Ces programmes
avaient commencé sous forme de campagnes de masse, mais aujourd'hui ont
pris l'allure d'interventions qui correspondent à des
nécessités spécifiques.
La volonté de résoudre les problèmes
liés au secteur d'alphabétisation et d'éducation des
adultes, a induit la mise en oeuvre d'une politique dont les orientations
tiennent compte des difficultés et obstacles soulevés afin que
l'éducation des adultes devienne un facteur de développement du
pays. C'est pourquoi, il est prévu de prendre en compte les
spécificités en fonction des réalités de certains
milieux dans la nouvelle redéfinition des objectifs. Selon la revue
Développement & Coopération [9], en 1985, la
différence entre les taux d'analphabétisme des hommes et des
femmes en Afrique est de 21,2%. Pourtant, les programmes n'ont pas un aspect
spécifique par rapport à leur situation.
De nos jours, en terme de réalisations dans ce domaine,
nous remarquons l'existence du cadre institutionnel et de gestion des questions
d'alphabétisation et d'éducation des adultes par la Direction
Nationale de l'Alphabétisation et de l'Education des Adultes (DNAEA) au
niveau du Ministère de la Culture, de l'Artisanat et du Tourisme (MCAT).
Dans chaque département, on retrouve le Centre Départemental
d'Alphabétisation et d'Education des Adultes (CDAEA) avec des
ramifications dans les communes, enfin le Conseil National
d'Alphabétisation et d'Education des Adultes (CNAEA), qui regroupe
toutes les institutions et les acteurs du domaine. Chacun de ces organes a des
attributions et exécute ses activités selon les
prévisions. Les résultats obtenus de 1978 à 2003 montrent
un total de 587.662 inscrits pour être alphabétisés, avec
370.091 effectivement alphabétisés soit un taux de 62,97%; taux
faible par rapport à la population analphabète. L'UNESCO a
jugé pertinente l'approche du Bénin qui est devenue un
modèle pour certains pays africains tels que le Burkina-Faso, le
Burundi, le Congo, la Guinée, le Niger [10].
Malgré ces efforts, il y a encore des contraintes
d'ordre social. Si le milieu dans lequel évolue le
néo-alphabète est hostile à son insertion, le processus
d'intégration serait bloqué. Ainsi, par exemple quand l'adulte
alphabétisé dans une langue nationale évolue dans le
milieu urbain qui utilise essentiellement une langue étrangère
(le cas du français à Cotonou) comme moyen principal de
communication, le préalable qu'est la motivation de
l'alphabétisation est remis en cause. En effet, que peut valoir une
alphabétisation en langue nationale quand la langue officielle qu'est le
français est utilisée dans les moyens de communication, le
transport, le commerce, les formalités postales et bancaires,
l'administration, etc. et que l'acquisition de cet outil est le seul
critère valable pour une promotion sociale. Par ailleurs, il n'existe
pas encore une approche sexospécifique dans la politique nationale
d'alphabétisation et d'éducation des adultes au Bénin.
Pourtant, dans le domaine de la santé, la maîtrise des questions
de santé maternelle et infantile reste un défi majeur pour les
femmes. Bien qu'alphabétisées, elles n'arrivent pas à bien
respecter la médication, les rendez-vous de vaccination,
l'hygiène alimentaire et hydrique et l'assainissement du cadre de vie.
Elles ne sont pas en mesure de vérifier les posologies en cas d'oubli et
n'arrivent à dialoguer correctement avec les agents de santé, si
ces derniers ne parlent pas leur langue, pour trouver un remède
adéquat à leur problème, ou appliquent mal les consignes
données. Ceci pose alors le problème des objectifs et du contenu
des programmes d'éducation des adultes. En outre, il faudrait aussi
penser aux méthodes et techniques utilisées dans le cadre de
cette transmission de savoir afin de voir leur adéquation avec les
besoins des populations.
La forte urbanisation constatée au
Bénin depuis 1992 (36% de la population vit en milieu urbain),
n'est que la résultante de la recrudescence du phénomène
d'exode rural et a pour conséquence l'augmentation des besoins en
matière de santé, d'instruction, d'emploi, de logement
décent, d'hygiène et d'assainissement [8]. Ainsi,
l'analphabétisme de la population en général et celui des
femmes plus spécifiquement, se déplace du milieu rural vers les
centres urbains. Selon l'UNFPA, les chefs de ménage de sexe
féminin représente 21% de l'ensemble de la population (24% en
milieu urbain contre 19% en milieu rural) [8]. Elles sont en majorité
analphabètes car le même rapport montre qu'en 1992, 71,3% n'ont
jamais été à l'école. Ce qui a certainement des
répercussions sur l'éducation, la nutrition, et la santé
de leurs enfants. Le milieu urbain caractérisé par la
disponibilité et l'accessibilité aux infrastructures
socio-sanitaires, l'accès aux moyens de communication (Radio,
Télévision, etc.), la possibilité d'entreprendre des
activités génératrices de revenus pour subvenir aux
besoins, offrent aux femmes alphabétisées ou analphabètes
qui y vivent des privilèges par rapport à celles qui sont en
milieu rural.
Toutefois, devant les préoccupations d'ordre sanitaire,
on ne fait plus de différence entre femmes alphabétisées
et femmes analphabètes ; même dans le milieu urbain. La
fonctionnalité de l'alphabétisation doit-elle se limiter au
calcul, à la lecture ou à l'écriture dans sa langue ou
bien aller plus loin à savoir, adopter les bons gestes socio-sanitaires
et économiques pour améliorer les conditions de vie et participer
activement au développement ?
Ainsi la question principale qui se dégage est de
savoir si les programmes d'alphabétisation et d'éducation des
adultes prennent en compte tous les besoins sociaux et sanitaires des
populations. Permettent-ils d'aller au-delà des connaissances et
d'induire des gestes et comportements favorables à la santé ?
1.2.1-
Hypothèse de la recherche
Nous postulons que les objectifs, les contenus et
méthodes des programmes d'alphabétisation et d'éducation
des adultes sont insuffisants pour l'acquisition des connaissances, aptitudes
et pratiques nécessaires à l'amélioration de la
santé communautaire.
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