Section II : L'INFLATION Introduction :
L'inflation est le problème économique le plus
important de notre temps, parce qu'elle touche à des degrés
divers non seulement tous les pays du monde, mais aussi les catégories
sociales et professionnelles d'une nation. C'est aussi un
phénomène complexe aux aspects variés et
omniprésent dans la vie économique contemporaine.
Elle est considérée aussi comme un
phénomène majeur de la seconde guerre mondiale, multiforme par
l'échelle (inflation rampante, hyper-inflation), la durée
(inflation courte, inflation longue) ou le lieu (pays industrialisés,
pays en développement).
Le terme inflation provient du latin << inflatio
>> qui signifie : - enflure - et désignant à l'origine une
augmentation abusive de la quantité de papier monnaie. Par la suite, le
mot << inflation >> indique un accroissement
généralisé, cumulatif et auto-entretenu des prix.
Le phénomène inflationniste en Algérie
remonte au début des années 1980 et s'est dangereusement
accéléré au cours de la décennie suivante
(années 1990).
C'est avec la mise en oeuvre de la politique de
développement que les prémices de ce phénomène sont
apparues.
2.1 Définition de l'inflation
:
On définit l'inflation comme étant un processus de
hausse de prix résultant de la diminution du pouvoir d'achat de la
monnaie.
C'est aussi, selon C.Fontaine :? Un mouvement de hausse
généralisée mais dispersée de prix et qui est une
insuffisance relative à un certain moment des offres spontanées
par rapport aux demandes formulées aux prix courants du début de
la période d'analyse. ?
Cette définition impose deux clarifications essentielles
:
- Tout les prix ne se relèvent pas ; certains peuvent
demeurer stables voir baisser et les prix ne s'élèvent pas
à la fois et au même rythme. On observe ainsi un
phénomène de dispersion qui est considéré comme une
règle générale. Prix agricoles et prix industriels ne se
relèvent pas au même rythme, les prix les plus sensibles sont ceux
des denrées alimentaires.
- La mesure du taux d'inflation est bien difficile, elle vaut
ce que valent les indices des prix utilisés. Plus la période
s'allonge plus la marge d'erreur de ces instruments nécessairement
imparfaits augmente.
Selon la conception initiale et conformément à
l'étymologie, l'inflation a d'abord été
considérée comme l'enflure de la masse monétaire,
principalement des billets en circulation : il y avait inflation quand la
banque centrale émettait trop de billets.
Quoi qu'il en soit, l'inflation continue d'être
envisagée comme un incident de la conjoncture économique.
2.2 Mesure du taux d'inflation
:
Le taux d'inflation est le pourcentage de variation du niveau
général des prix et se mesure de la manière suivante :
niveau des prix (année t) - niveau des prix
(année t-1)
Taux d année t
'inflation () = × 100
niveau des prix (année t-1)
2.3 Les causes de l'inflation
:
· Par la monnaie
- Théorie quantitative de la monnaie P × T = M
× V (Prix × Transactions = monnaie × vitesse de
circulation).
- Rôle de la vitesse de circulation de la monnaie.
- Laxisme des autorités monétaires.
- Anticipations inflationnistes.
· Par la demande
- Insuffisance de la capacité de production.
- Baisse de la propension à épargner.
- Déthésaurisation.
- Entrée de revenus supplémentaires
(excédent de la balance commerciale, entrée de capitaux...).
- Dépenses à effets productifs
différés.
- Déficit budgétaire.
- Augmentation des dépenses «
improductives».
· Par les coûts
- Croissance des salaires plus rapide que celle de la
productivité.
- Charges sociales.
- Épuisement des matières premières.
- Coût des importations.
- Dépréciation de la devise nationale.
- Coût de l'endettement.
- Pression fiscale.
. Par les structures
- Rôle des syndicats.
- Législation sociale.
- Concentration de l'appareil productif. Rôle des firmes
«motrices».
- Recherche d'une stabilité du taux de profit.
- Globalisation des négociations en matière de
revenus.
- Inégalité des conditions de production.
Inflation de productivité.
- Validation par l'État des créances
privées.
2.4 L 'impact de l'inflation
:
L'identification des coûts de l'inflation s'est
avérée être une tache très difficile. Nous avons
remarqué ci-dessus qu'au cours de périodes inflationnistes tous
les prix et les salaires n'évoluent pas au même taux ; c'est
à dire que les prix relatifs se modifient. Deux conséquences bien
précises apparaissent à la suite de la modification des prix
relatifs :
· Une redistribution du revenu et de la richesse entre les
différentes classes.
· Des distorsions des prix relatifs et des productions des
différents biens, ou parfois de la production et de l'emploi dans toute
l'économie.
Les conséquences sur le revenu et sur la
répartition de la richesse :
Le principal impact de l'inflation au niveau de la
répartition s'exerce par l'intermédiaire de son effet sur la
valeur réelle de la richesse des agents. Généralement,
l'inflation non anticipée opère un transfert de richesse des
créanciers vers les débiteurs (c'est-à-dire que
l'inflation non anticipée ou non prévue favorise ceux qui ont
emprunté de l'argent et lèse ceux qui ont prêté de
l'argent). Une baisse non anticipée de l'inflation exerce des effets
inverses.
Cas spéciaux : Les
états constatent que le poids de leur dette se fait plus léger en
période d'inflation. Celui qui place son argent dans des biens
immobiliers ou achète de l'or réalise un bon profit au cours
d'une inflation imprévue.
La conclusion essentielle est que l'inflation remue en
profondeur revenus et actifs, redistribuent au hasard la richesse parmi la
population avec un impact assez faible sur chaque groupe particulier.
Les conséquences sur la production et sur
l'efficience économique :
L'inflation influe sur l'économie réelle dans deux
domaines spécifiques : elle affecte la production totale et elle
influence l'efficacité économique.
Les impacts macroéconomiques :
Les macroéconomistes d'aujourd'hui pensent qu'il n'y a
pas de relation nécessaire entre prix et production. Une augmentation de
la demande globale accroît à la fois prix et production ; mais un
choc d'offre, en déplaçant vers le haut la courbe d'offre
globale, augmente les prix et diminue la production. Donc, l'inflation peut
être associée aussi bien à un niveau plus
élevé que plus faible de la production et de l' emploi.
Les impacts microéconomiques :
L'impact microéconomique sur l'efficience
microéconomique constitue une autre conséquence plus subtile de
l'inflation. En général, plus le taux d'inflation est fort, plus
sont importantes les distorsions des prix relatifs qui apparaissent quand les
prix ne sont plus en rapport avec les coûts et les demandes.
2.5 L 'inflation importée
:
La hausse des coûts des importations, l'augmentation de
la liquidité et l'accroissement des revenus sont 3 facteurs
avancés pour expliquer le développement de l'inflation
importée.
1- La hausse des coûts des importations
:
Lorsque le prix des matières premières, des
semi-produits, des biens d'équipement ou des biens de consommation
importés augmente, les entreprises enregistrent un accroissement de
leurs coûts de production qu'elles répercutent
mécaniquement dans les prix de ventes intérieurs.
2- L'augmentation de la liquidité :
Elle se relie à la théorie quantitative de la
monnaie dans la mesure où elle soutient qu'un afflux de devises
accroît la liquidité de l'économie et provoque des
variations de même sens du niveau des prix. Cet afflux provient de
l'excédent de la balance des paiements courants ou des mouvements
autonomes de capitaux engendrés par les différences de taux
d'intérêt entre place financières et par les
prévisions de réévaluation de la monnaie nationale.
3- L'accroissement du revenu :
Lorsqu'une économie enregistre une croissance de la
demande étrangère et lorsque sa balance des paiements courants
devient excédentaire, le surplus d'exportations accroît le revenu
national et la demande globale intérieure. En période de
plein-emploi, cet excès de demande est inflationniste. Cette
thèse fait appel aux effets multiplicateurs des échanges
extérieurs sur le revenu national.
2.6 Historique sur l'inflation en
Algérie :
En ce qui concerne l'évolution de l'inflation en
Algérie, on distingue deux périodes distinctes l'une de l'autre
:
1° Période (1962-1989) :
Au lendemain de l'indépendance, les autorités
algériennes ont adopté un modèle de croissance socialiste
axé sur la planification centralisée où les prix
étaient fixés par l'Etat.
Cette fixation était prise en charge par un
système de régulation et d'allocation des ressources, ce qui a
maintenu artificiellement l'inflation à un niveau raisonnable et par
conséquent, il a permis la stabilisation du pouvoir d'achat de la
population.
Durant cette période, l'intervention de
l'administration s'opérait sur les trois niveaux des prix à
savoir :
- Les biens importés : qui
étaient déterminés dans le but de protéger la
production nationale. Si le prix d'achat d'un bien importé était
inférieur au prix du produit local, l'importateur doit verser la
différence compensatoire au trésor. Par conséquent,
l'inflation importée, dans un contexte de taux de change fixe, est
inévitable du moins pour les biens de consommation importés et
redistribués sur le marché national.
- Les prix industriels et services locaux :
Leurs prix étaient soumis à deux régimes, le
premier institué en 1966 faisait dépendre la fixation des prix
à la production d'une décision du Ministère du Commerce,
pour le deuxième datant de 1968, il bloque tous les prix industriels
à la production et des services à leurs niveaux du 1er
janvier 1968.
Deux dérogations au principe du blocage sont
acceptées : en cas de hausse des droits de douane ou des taxes
indirectes.
Ensuite, les prix de détails et de gros sont
calculés sur la base des prix de production (homologués ou
bloqués) majorés des marges centralisées fixées en
valeur fixe ou en valeur absolue.
- Les prix agricoles : Les prix à la
production et à la distribution des fruits et légumes des
secteurs autogérés et coop ératifs étaient
publiés tous les quinze (15) jours par une commission de Wilaya.
Ainsi durant cette période, le taux d'inflation
était plus ou moins modéré grâce aux efforts des
autorités algériennes pour maintenir la stabilité des
prix.
En 1975, l'Algérie a adopté une politique de
détermination de prix sur la base du prix de revient; l'indice des prix
à la production industrielle ayant connu une augmentation.
Le taux moyen d'augmentation des prix de la production
industrielle passait de 4% entre 1969-1974 à 11% entre 1975-1980. Celui
de la production agricole passait de 13% entre 1969-1974 à 31% entre
1975-1980.
Cette tendance persistera durant les années 1980
où le taux d'inflation annuel s'établissait approximativement
à 9%.
2° Période (1990 a nos lours) :
Evolution de l'indice général des prix
et de sa variation (1990 à nos jours).
700 600 500
35
30
25
10
200 100 0
5
0
400
20
300
15
Figure 2
L'Algérie a connu durant cette période une
inflation galopante(1), le taux d'inflation annuel passant de 17.87%
en 1989 à 25.88% en 1991 pour atteindre un pic de 3 1.68% en 1992.
On peut expliquer cette hausse par deux facteurs :
- L'accélération du processus de
libéralisation des prix, amorcé en 1989, faisant passer 85% des
prix au régime libre.
- La forte dévaluation du dinar algérien survenue
pour contrer la détérioration des termes de l'échange
qui a engendré un renchérissement des produits
importés.
(1) On appelle «inflation galopante» l'inflation
à deux ou trois chiffres de 20, 100 ou 300 pour cent par an.
La situation économique de l'Algérie s'est
gravement détériorée en 1994, et les
déséquilibres macroéconomiques ont persisté
à cause de la baisse importante des prix du pétrole, ce qui a
conduit les autorités algériennes à mettre en place un
programme d'ajustement structurel appuyé par le Fond Monétaire
International (FMI).
Dans ce contexte l'état était amené
à améliorer sa situation économique et à laisser
tomber le système de réglementation des prix en avril 1994, pour
la libéralisation des prix; cette suppression du contrôle sur les
marges bénéficiaires a touché la majeur partie des
produits de base sauf le sucre, les céréales, les huiles
comestibles et les fournitures scolaires. La réglementation des prix est
maintenue uniquement pour les trois denrées alimentaires de base
à savoir : la farine, la semoule et le lait.
L'élimination des subventions pour les produits
alimentaires et énergétiques a engendré une augmentation
de leurs prix à raison de 100% entre 1994-1995 et de 60% entre
1995-1996.
Sous l'effet de la libération des prix et de la
deuxième dévaluation du dinar, le taux d'inflation s'est
envolé à 38.4%. Mais il n'a pas tardé a chuter à
21.9% fin 1995 pour se stabiliser autour de 5% en 1998 et 2.64% en 1999 et
encore 0.34% en 2000, et il est a noté qu'il n'a pas
dépassé les 5% jusqu'à nos jours.
La tendance à la maîtrise de l'inflation
s'explique par :
- Une austérité budgétaire : le solde
budgétaire global exprimé en pourcentage du PIB a atteint un
excédent de 10% en 2000 contre un déficit de 8.7% en 1994, ce qui
a largement contribué à comprimer la demande globale.
- Une politique monétaire restrictive : le ratio de
liquidité M2
PIB
taux de 12% en 2000 contre 45.8% en 1998.
|
(1) a enregistré un
|
|
- Une politique de revenus rigoureuse : les salaires ont
diminué de 30% en termes réels au cours de la période
1993-1996. En outre, l'absence de mécanisme d'indexation
généralisée a largement limité l'inflation.
Cette stabilité des prix est le fruit du programme
d'ajustement structurel appuyé par le FMI et qui a comme objectif de
stabiliser les prix à un niveau comparable à celui des
partenaires commerciaux.
Il importe de souligner que l'Algérie a
renforcé, d'une manière soutenue, la stabilité macro
financière au cours des années 2000-2005, tout en
réalisant une performance économique robuste en termes de forte
croissance (plus de 5% en moyenne annuelle) et de maîtrise de l'inflation
(1,6% en 2005) grâce aux recettes pétrolières
engrangées qui ont connu un boom sans précédent.
(1) M2 correspond à M1 + les dépôts à
termes, (M1 correspond aux billets, pièces et dépôts
à vue).
Après la stabilité monétaire qui a
émergé en 2005, l'inflation continue d'évoluer
favorablement au premier et second semestre 2006, comme en témoigne la
hausse modérée des prix à la consommation mesurée
par la variation de l'indice annuel moyen de 2,5 % en 2006 contre 1,6 % pour
l'année 2005. Cependant et en glissement annuel, le taux d'inflation est
passé de 1,66 % fin décembre 2005 à 1,97 % fin juin 2006,
pour ensuite grimper à 4,44 % fin décembre 2006 sous l'effet
d'une hausse significative des prix des produits alimentaires (Figure 3)
et, particulièrement, ceux des produits agricoles frais.
Le rythme moyen annuel de l'inflation s'est
considérablement ralenti en 2005 par rapport à celui de 2004 (3,6
%) et celui de 2003 (2,6 %). La bonne tenue des prix s'est bien
confirmée en 2005, avec un rythme qui est tombé à 1,6 % en
moyenne annuelle et 1,7 % en glissement, reflétant des politiques
budgétaires et monétaires prudentes.
A noter que l'inflation au premier semestre 2006 est
générée essentiellement par la hausse des prix des
services (logement et charges, transports et communication), alors que celle
des produits alimentaires est modérée (Figure 3).
1990m1 1995m1 2000m1 2005m1
time
Indice général des prix Alimentation;boissons
non alcoolisées
Habillement; chaussures Logement; charges
Meubles; articles d'ameublement Santé; hygiene
corporelle
Transport et communication Education; culture;
loisirs Divers (NIA)
Figure 3
L'évolution des prix en 2006 témoigne que
l'inflation fondamentale reste modérée et maîtrisée,
mais que la variation brute de l'indice est essentiellement
générée par des hausses saisonnières et erratiques
des prix des produits agricoles frais insuffisamment régulés.
Pour conclure, l'Algérie a subit une inflation
refoulée qui s'est manifestée par des pénuries
généralisées, files d'attentes et différents formes
de marchés parallèles. La libéralisation des prix
associée à la dévaluation du dinar était la cause
principale de l'accélération du processus inflationniste qui
atteignit un pic record de 38.4% en 1994. Cependant, depuis 1996 le taux
d'inflation s'est caractérisé par une tendance baissière
qui est le résultat d'une politique économique mise en oeuvre
dans le cadre du programme du FMI qui permit la maîtrise de l'inflation
et la relance de l'économie nationale.
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