CONCLUSION
GÉNÉRALE.
D'après Raffinot (1998), évaluer la
soutenabilité d'un pays n'a rien d'évident. La véritable
difficulté est de pouvoir fondée cette évaluation sur une
approche qui ne requiert pas beaucoup d'hypothèses sur le fonctionnement
de l'économie. De plus pour s'assurer d'une bonne évaluation de
la soutenabilité, il faut s'accorder sur une définition formelle
du concept de soutenabilité.
L'objectif de ce mémoire était d'analyser la
soutenabilité fiscale au Cameroun fondée sur le respect d'une
règle de politique fiscale garantissant la solvabilité de l'Etat.
L'idée était de matérialiser les interrelations existantes
entre les agrégats macroéconomiques et les variables
d'endettement afin d'expliquer les mécanismes par lesquels l'Etat
pourrait faire face aux problèmes de solvabilité. Nous nous somme
défini trois objectifs spécifiques qui ont contribué
à analyser la soutenabilité fiscale au Cameroun. Le premier
objectif spécifique était de monter de façon
théorique qu'il est possible pour un pays d'assurer la
soutenabilité de ses finances publiques en se fixant des règles
de politique fiscale. Le second objectif spécifique était
d'évaluer la soutenabilité fiscale au Cameroun selon le nouveau
cadre d'analyse de soutenabilité de la dette développé par
le FMI. Le troisième objectif spécifique était
d'évaluer la soutenabilité fiscale au Cameroun selon une approche
alternative à celle du FMI. L'approche retenue dans cette alternative
était celle développée par Bohn (1998).
Sur le plan méthodologique, nous avons opter pour une
démarche en deux étape : une analyse théorique et une
analyse empirique.
Sur le plan théorique, nous avons repris le
modèle de Fernandez-Huertas Moraga et Vidal (2004) qui analyse la
soutenabilité de la politique fiscale dans un modèle de
croissance endogène à générations
imbriquées. Nous avons considéré dans ce modèle que
l'endogénéité de la croissance provient de l'accumulation
du savoir et qu'il n'existe pas forcement l'altruisme
intergénérationnel. La soutenabilité fiscale a
été définie dans ce modèle comme étant
régie par la règle fiscale de Marin (2002) ou
règle. D'après cet auteur, la politique fiscale est
soutenable si la relation indiquant la réaction de l apolitique fiscale
admet un état stationnaire convergent. De ces analyses, nous avons
dégagé que trois approches principales peuvent être mises
en oeuvre pour respecter la règle fiscale de Marin.
Dans un premier temps, il est possible d'utiliser le taux
d'imposition comme instrument d'ajustement à la règle fiscale.
Nos exercices de simulation indiquent qu'en partant d'un ratio dette publique
sur PIB élevé, il est nécessaire d'augmenter le taux
d'imposition pour garantir un surplus primaire suffisant pour réduire
l'encours de la dette. L'augmentation sera d'autant élevée que
l'objectif en terme de ratio cible est éloigné. On observera
ensuite, soit une décroissance régulière, soit une
fluctuation convergente vers un niveau stable. De la même façon,
on va observer dans un premier temps une récession qui va
progressivement se rétablir et conduire l'économie vers un nouvel
état stationnaire.
Dans un second temps, il est possible d'utiliser le rendement
des titres publics comme instrument d'ajustement à la règle
fiscale. Dans un troisième temps, il est possible d'utiliser une
approche mixte en combinant le taux d'imposition et le rendement des titres
publics. Dans ces deux derniers cas, on observe aussi une dynamique convergente
semblable au premier cas. Le principal résultat de nos simulations est
que le délai d'ajustement à la règle fiscale dépend
de l'instrument d'ajustement. Ce délai est le plus court lorsque le
gouvernement s'ajuste au travers de l'approche mixte.
Sur le plan empirique, nous avons utilisé deux
approches d'évaluation de la soutenabilité fiscale au Cameroun.
La première approche a été développée selon
le nouveau cadre d'analyse (AVD) développé par le FMI. La seconde
a été développée selon l'approche définie
par Bohn (1998).
La première approche empirique
développée au chapitre 2 de ce travail est fondée sur
l'approche fiscale de la balance des paiements. D'après cette approche,
si pour un pays à une période donnée, on observe un
déficit du compte courant de la balance des paiements, il peut
être interprété soit comme une insuffisance de
l'épargne par rapport à un niveau d'investissement donné,
soit comme un excès d'investissement pour un niveau d'épargne
donné. L'idée est de rechercher la part de ce déficit
dû au secteur public. Dans cette partie de l'analyse, nous avons
considéré que le respect de la règle fiscale était
imposé au Cameroun par les bailleurs de fonds regroupés autour du
FMI et de la Banque Mondiale. Ces règles sont principalement
focalisées sur la politique d'endettement, la politique des
dépenses publiques et la politique de prélèvements
fiscaux. D'après l'approche du FMI, telle que analysée dans ce
travail, si le Cameroun respecte les règles en matière de
concessionnalité de nouveaux emprunts, en prenant au moins 47% de ces
nouveaux emprunts auprès de l'IDA, en maintenant le niveau de
l'élément don en moyenne à 40%, en limitant la proportion
de ces nouveaux endettement, si le Cameroun respecte les règles en
matière de gestion et contrôle des dépenses publiques, si
le Cameroun élargit son assiette fiscale en améliorant les
mécanismes de prélèvement fiscaux, alors sa politique
fiscale sera soutenable à moyen et long terme. La limites majeure d'une
telle approche au delà des recommandations importantes qu'elle apporte
est qu'elle pourrait déboucher sur des effets pervers en matière
de croissance économique. Nous avons montré dans cette analyse
que le gouvernement Camerounais pourrait se départir d'une des
conditionnalités afin de garantir une croissance forte et soutenue. En
fait, d'après nos évaluations, si le Cameroun s'endettait de
nouveau à des conditions non concessionnelles, tout en s'assurant que
les nouveaux emprunts sont investis dans des secteurs porteurs
d'externalités positives de production, il assurerait une politique
fiscale soutenable à moyen et long terme et compatible avec une
croissance forte.
La seconde approche empirique développée au
chapitre 3 de ce mémoire est fondée sur l'idée de Bohn
(1998). Cette approche consiste en l'estimation empirique de la fonction de
réaction de la politique fiscale qui s'ajuste à la règle
fiscale si la politique est soutenable. D'après Bohn (1998), la
politique fiscale est soutenable si la fonction de réaction est
croissante et linéaire ou quasi linéaire par rapport au ratio
dette publique sur le PIB. Dans le cas de la non linéarité, nous
avons vu que la politique fiscale est soutenable si le coefficient de
réaction de la politique fiscale est une fonction strictement positive
par rapport au temps. Nos analyses nous ont montré que la fonction de
réaction de la politique fiscale au Cameroun entre 1975 et 2005 est une
fonction croissante concave par rapport au ratio dette publique sur PIB. Il a
été noté que la fonction de réaction est presque
linéaire pour des ratios inférieurs à 50% du PIB. Les
estimations indiquent que le coefficient de réaction de la politique
fiscale est caractérisé par une tendance négative dans le
temps. Cette tendance connaît un point de retournement en 1993, date
à partir de laquelle on observe une tendance croissante du coefficient
de réaction. Le résultat marquant de cette estimation est que le
coefficient de réaction de la politique fiscale est resté en
moyenne positive au cours de la période 1975 - 2005, indiquant de
façon grossière que la politique fiscale au Cameroun était
soutenable au cours de cette période. Malgré ce résultat
un peu en contradiction avec les analyses du FMI sur la soutenabilité de
la dette au Cameroun au cours des années 90, cette approche
présente l'avantage de matérialiser la plupart des
difficultés des finances publiques qu'ont connu le Cameroun et les
différents temps forts de la politique fiscale au Cameroun. On peut
noter à titre d'exemple les dates comme 1984, le choc de
l'économie américaine sur la dynamique économique
mondiale, 1993 l'ajustement des salaires dans la fonction publique suivie en
1994 par la dévaluation du F CFA et 2000, le point de décision de
l'initiative PPTE.
On peut dire de façon générale que si
depuis 2000, le Cameroun se trouve sur une bonne dynamique en matière de
soutenabilité fiscale, cette dynamique reste encore très faible
et tout choc sur l'économie risquerait de faire basculer le pays dans
une situation critique. D'après la figure 3.11, la
déviation du coefficient de réaction est restée jusqu'en
2005 négative et le coefficient de réaction très proche du
niveau seuil tolérable.
Trois principales recommandations découlent de toute
notre analyse :
§ Le Cameroun doit se doter de véritables
instruments d'ajustement de sa politique à la règle fiscale. Si
l'instrument de taux d'imposition est déjà
développé, la politique de titrisation reste encore très
embryonnaire et doit être développé de concert avec le
développement de la place boursière de Douala.
§ Si le Cameroun dispose d'une institution chargée
de gérer sa dette lui donnant ainsi une vision permanente de sa
situation d'endettement, il est impératif de se doter d'un organe un peu
plus puissant qui se chargera de la gestion du porte feuille complet de l'Etat
de façon à lui donnée une vision permanente de la
situation de ses finances en terme d'actifs et de passifs.
§ Enfin la gestion des dépenses publiques doit
être plus illuminée et bien orientée si le gouvernement
veut se prémunir d'une situation soutenable compatible avec les
objectifs de croissance et de développement.
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