L'émergence d ela notion de sécurité humaine dans la protection internationale des droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Sabine Nicole Jiekak Mougoué Université Catholique D'afrique Centrale, Yaoundé, Cameroun - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2005 |
SECTION 1 : NAISSANCE ET EVOLUTION DE LA « SECURITE HUMAINE ».Contrairement à la pratique juridique courante, la notion de sécurité humaine semble toute droite sortie du néant. Elle apparaît comme un contenant qui a été fabriqué sans trop savoir de prime abord à quoi il servira. N'ayant d'antécédent ni dans un texte international ni sous l'impulsion d'un Etat ou d'une ONG, la naissance de la notion peut s'expliquer par plusieurs raisons : En premier lieu, la sécurité humaine est apparue dans le contexte des relations internationales ; or, comme le remarque Keith KRAUSE, la plupart des contributions à la littérature sur les normes et idées dans les relations internationales n'accordent pas d'importance à la source d'une idée nouvelle, mais se concentrent sur l'impact que cette idée pourrait avoir39(*). Apparue d'abord dans un grand flou de discours philosophiques, les contours de la notion ont commencé à se dessiner avec l'édiction des principes réglementant les guerres et les différents problèmes auxquels devait faire face le monde (paragraphe I). Par la suite, ses concepteurs ont défini un contenu constitué d'autant de menaces que possible à la vie des individus ce qui a commencé à préciser la notion, (paragraphe II), même si elle reste encore en fin de compte dans la phase d'élaboration. Paragraphe 1 - Les origines diverses de la sécurité humaine.Des écrits des philosophes du XVIIIe siècle aux traités de guerre, les considérations pour la sécurité humaine semblent avoir de tout temps fait l'objet de diverses préoccupations, même si cela a été à des degrés variables. Par conséquent, on relève dans la notion une forte influence des courants philosophiques (A) qui se sont traduits dans les premiers traités relatifs à la protection des individus, à savoir les lois de la guerre (B). Les idées qui y sont développées ont été consolidées avec les crises sociales, politiques et économiques du début du 20e siècle (C). A- Une notion à forte influence philosophique.
Le discours sur la sécurité humaine prend de l'ampleur au fur et à mesure que s'accroissent les tensions politiques comme le terrorisme, les conflits armés internes et les génocides. Sur un plan socio-économique, la chute des barrières économiques et sociales sous l'effet de la mondialisation impose la mise en oeuvre d'une politique intègrant toutes ces données. - Sur le plan politique : Aux niveaux international, régional et national, la multiplication des crises et tensions a conditionné la recherche d'une autre forme de sécurité. C'est ainsi que la prolifération des conflits armés de toutes sortes et la montée en puissance du terrorisme rendent plus que nécessaire la recherche d'une nouvelle forme de sécurité. En premier, les menaces militaires qui étaient à l'origine de la création de la SDN, puis de l'ONU s'éloignent de plus en plus (mis à part quelques exceptions). On est en face des conflits armés internes, qui sont l'apanage de groupes à la conquête du pouvoir ou de groupes ethniques différents. Ces conflits se déroulent pour la plupart sur le continent africain et dans les pays du tiers monde, mais ont une forte incidence sur la communauté internationale toute entière. Face à cette nouvelle donne, il a semblé nécessaire, voir urgent de penser une nouvelle façon de conduire les relations internationales, pour appeler les gouvernements -gouvernants et gouvernés- des pays en cause à adopter des mesures permettant de réduire l'impact humain et transfrontalier de ces conflits. En effet, chaque conflit entraîne des pertes humaines subséquentes, mais peut aussi créer de nouveaux conflits dans les frontières et dans les Etats voisins. C'est donc dans un souci de prévention des conflits que s'analyse le recours à la « sécurité humaine ». En second, et malgré différentes méthodes pour prévenir les conflits, ils ne cessent de prospérer. Une nouvelle forme de conflit s'est amplifiée sur la scène internationale depuis le 11 septembre 2001 avec les attaques des tours jumelles de New York. Le terrorisme, qui se caractérise par des attaques armées à des endroits différents et pour des raisons les plus diverses, n'obéit à aucune logique. Il vulnérabilise aussi bien les populations que les Etats et les organisations internationales. En effet, les tentatives de lutte de front contre le phénomène n'ont engendré que d'autres violences et une insécurité grandissante. C'est dans l'objectif d'y trouver des solutions que l'on s'accroche au concept de sécurité humaine. - Sur le plan socio-économique : Le contexte socio-économique actuel regorge de crises. La pauvreté touche environ un milliard de personnes et prend une envergure croissante. Hommes, femmes et enfants vivent dans des conditions déplorables dans lesquelles ils ne peuvent pas subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Cette pauvreté sévit le plus dans les pays du tiers monde et entrave toute tentative de développement. Elle est renforcée par le phénomène de la mondialisation : faire de la terre un énorme village où les hommes, les services et les biens pourront circuler librement, simplement sous l'influence de la volonté, des désirs et des besoins des individus et sans le contrôle des Etats est l'ambitieux projet que recouvre ce terme. Si elle a de nombreux avantages, le phénomène s'accompagne de conséquences négatives qui pourront très rapidement faire oublier les aspects positifs : l'élargissement des écarts de rémunération entre les travailleurs de pays industrialisés, les délocalisations des entreprises vers les pays en voie de développement avec des pressions à la baisse sur la rémunération et l'emploi des travailleurs locaux, le non respect ou la mauvaise application des droits fondamentaux qui accroissent les exclusions sociales. Ces effets sont des menaces insidieuses à la sécurité des individus qui peuvent aisément se répandre par le biais de la mondialisation. A ce propos, la Commission des droits de l'homme de l'ONU conclut que « l'extrême pauvreté et l'exclusion sociale constituent une violation de la dignité humaine et par conséquent requièrent des actions urgentes, nationales et internationales pour y remédier48(*) ». C'est donc dans cet environnement politique et socio- économique qui appelle des actions urgentes que naît la sécurité humaine comme tentative de réponse. Toutefois, comme réponse à des préoccupations claires, la sécurité humaine pose à son tour quelques problèmes du fait de son ambiguïté. * 39 Keith KRAUSE: « Une approche critique de la sécurité humaine», La sécurité humaine, nouvelle conception des relations internationles, op cit. P. 77
* 48 Résolution de la Commission des Droits de l'Homme de l»ONU: Droits de l'homme et extrême pauvreté. |
|