L'émergence d ela notion de sécurité humaine dans la protection internationale des droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Sabine Nicole Jiekak Mougoué Université Catholique D'afrique Centrale, Yaoundé, Cameroun - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2005 |
Paragraphe 2 : Les insuffisances textuelles de la sécurité humaine.A force de vouloir tout embrasser, la notion de sécurité humaine risque d'être semblable aux slogans vides de contenu que la communauté internationale, par le biais des organes des Nations Unies a pour habitude d'initier avec d'autant plus de facilité qu'ils ressortissent de recommandations de politique générale et qu'ils n'engagent juridiquement personne156(*), une sorte « d'habit de gala que l'on sort pour montrer son appartenance au beau monde »157(*). La perpétuité d'une idée est garantie lorsque ses promoteurs l'embrigadent dans des normes qui, à défaut d'être insérées dans un texte fondamental, ont une valeur juridique certaine. Le bilan normatif de la sécurité humaine reflète le manque de consensus sur la définition même de la notion. Aucun texte international ne l'institue formellement. Quelques organismes internationaux y font référence158(*) mais il n'est octroyé aucun statut à la notion. La sécurité humaine ne fait malheureusement l'objet de textes ayant une valeur obligatoire et contraignante pour ses usagers. Elle est ballottée dans des déclarations d'intentions comme par exemple le G8 qui dans une réunion du 10 juin 1999, fait part de sa détermination à lutter contre les menaces multiples à la sécurité des personnes ; le symposium du millenium organisé par l'ONU en septembre 2000 a inscrit ses préoccupations de développement dans le cadre de la sécurité humaine. Ces différents forums ont contribué à ce que nous pouvons appelé une tentative de codification de la notion de sécurité humaine. La mise en place par quelques pays d'un Réseau de la Sécurité Humaine159(*) qui a pour but d'exhorter le dialogue direct des ministres avec le monde académique a fait une tentative d'énoncer des principes liés à la sécurité humaine, mais ne leur donne aucune autonomie à la notion. De la sorte, le RSH lie la notion aux droits de l'homme dans une Déclaration de Graz sur les Principes de l'Education aux droits de l'homme et à la Sécurité humaine160(*) lors de sa cinquième réunion ministérielle du 8 au 10 mai 2003 à Graz. Elle suit ainsi de près les principes énoncés dans la Déclaration de San José du 2 décembre 2001 de la Commission des droits de l'homme sur les droits de l'homme en tant que composante de la sécurité humaine. Celle-ci réaffirme l'inclusion du DIH comme composante de la sécurité humaine, mais comme la première, elles n'ont qu'une valeur morale. En outre, le nombre réduit de pays engagés dans le RSH constitue une autre faiblesse. Il convient donc de se pencher sérieusement sur la validité juridique de nouvelles normes consacrant la sécurité humaine ou la liant clairement aux droits de l'homme. En plus, la notion n'est pas entérinée par la jurisprudence. A titre de rappel, une notion peut être établie par les juges sans avoir fait l'objet de reconnaissance textuelle formelle et être intégrée dans le droit positif. Tel a été le cas pour la notion de développement durable. La difficile recherche des formules équilibrées et consensuelles dans un domaine politique où se manifestent des intérêts nationaux divergents illustre parfaitement que nous sommes en face d'une notion émergente. La sécurité humaine apparaît comme une carrefour dans lequel se rattache un ensemble d'instruments juridiques dans la mesure où ils ont pour objet la protection de l'individu. Ce carrefour doit maintenant se transformer en un corpus juridique. Sinon, « elle entre dans cette catégorie de concepts nouveaux, seulement formulés et non opératoires...dans l'espoir qu'ils finiront peut être par produire des effets réformateurs souhaités dans l'ordre juridique international »161(*). Lloyd AXWORTHY propose de renforcer les normes juridiques existantes et de créer la capacité de les faire respecter d'une part, et de créer de nouvelles normes pour les nouveaux problèmes comme la prolifération des armes légères, du VIH/SIDA, permettre l'applicabilité des normes juridiques aux acteurs non étatiques et aux situations de violence ne pouvant être qualifiées de conflit armé. Car, « si les Etats n'ont pas la capacité de faire respecter les normes actuelles ni celle de protéger les droits déjà reconnus, il est inutile de définir de nouvelles normes et de nouveaux droits »162(*) . Changer les textes juridiques ou créer de nouvelles normes ne sert en conséquence à rien surtout si ceux existants ne sont pas appliqués ou respectés faute de volonté politique. * 156 Pour reprendre ainsi la formule de Gilles FIEVET à propos de la notion de «développement durable» dans son article «Réflexion sur le concept de développement durable : prétention économique, principes stratégiques et protection des droits fondamentaux'', Revue belge de droit international, 2001, éd. Bruylant, Bruxelles, p. 135 * 157 Pour reprendre ainsi l'expression de Jean Didier BOUKONGOU parlant de l'effectivité des droits de l'homme en Afrique et l'application de la Charte africaine. Selon lui, les gouvernants africains s'empressent de ratifier les conventions internationales juste pour montrer leur appartenance à la communauté internationale, sans aucune intention de les appliquer concrètement. On peut lire cette critique dans «L'application de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples par les autorités nationales en Afrique Centrale», in L'application nationale de la CADHP, Jean-François Flauss et Elizabeth Lambert Abdelgawad (Dir), Brulant, 2004, pp. 123-159. * 158 Le PAM a une commission de la sécurité humaine et de la sécurité alimentaire et l'OMS a un département de santé et de sécurité humaine. * 159 Le RSH est compose de 12 membres, ministres des affaires étrangères des pays suivant: Autriche, Canada, Chili, Grèce, Irlande, Jordanie, Mali, Pays Bas, Norvège, Slovénie, Suisse, Thaïlande et Afrique du Sud (en tant qu'observateur). * 160 Disponible sur www.humansecuritynetwork.org * 161 Gilles FIEVET, Réflexion sur le concept de développement durable : prétentions économiques, principes stratégiques et protection des droits fondamentaux », Revue Belge de Droit International, 2004 p. 141 * 162 Lloyd AXWORTHY, op.cit. |
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