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L'émergence d ela notion de sécurité humaine dans la protection internationale des droits de l'homme

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par Sabine Nicole Jiekak Mougoué
Université Catholique D'afrique Centrale, Yaoundé, Cameroun - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2005
  

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SECTION I : L'INTEGRATION DE LA SECURITE HUMAINE DANS L'AGENDA DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE.

Le caractère irréversible et insidieux de certaines atteintes à la personne humaine combiné aux polémiques nées des interventions d'humanité ont stimulé la communauté internationale avec en tête de file l'ONU à prendre des mesures propres à les éviter, plutôt que d'essayer de réparer112(*). Les actions préventives semblent être les plus appropriées au développement d'une sécurité humaine (paragraphe I). Si les Etats occidentaux semblent avoir, même tacitement admis ce principe, il n'en va pas de même pour les pays du tiers monde, et spécifiquement l'Afrique où l'insécurité qui règne rend plus que nécessaire la prise de dispositions sécuritaires curatives (paragraphe II).

Paragraphe 1 : La mise en place de politiques internationales à caractère préventif

Les différentes mesures prises pour faire face aux difficultés que rencontre l'humanité ont été pendant longtemps des mesures curatives : A cet égard, le déploiement de la communauté internationale se manifestait par des résolutions et de commissions dont le but était rechercher des solutions appropriées. Avec la prise de conscience des conséquences irréversibles des dommages causés à l'environnement du fait de l'homme, plusieurs principes ont fait irruption dans l'ordre juridique internationale, de façon à inspirer actuellement l'action de la communauté internationale. Nombre de ces principes ont progressivement intégré le domaine des principes généraux du droit international. Tel est le cas du principe de prévention appliquée à la sécurité humaine (A). Cependant, cette logique de sécurité humaine préventive a du mal à percer sur le continent africain dont les nombreux problèmes sociaux et conflits armés internes obligent à rechercher en priorité la sécurité classique et collective qui est essentiellement défensive (B).

A- Une nouvelle application du principe de prévention

Le principe de prévention est inspiré par les politiques de protection de l'environnement venues avec la vague des écologistes des années quatre-vingt et devenu depuis les années quatre-vingt dix un des principes généraux de droit international. La prévention se rapporte à l'action de devancer ; elle consiste à anticiper, à prendre des mesures pour éviter objectivement un risque ou au moins à en réduire les dommages alors que celui-ci ou ceux-ci sont connus. La sécurité humaine ne dépend pas de l'apparition d'une situation conflictuelle, mais du pressentiment de la menace de conflit ; elle peut dépendre aussi, lorsqu'il est déjà apparu, de la possibilité d'extension. Son objectif est de diminuer au maximum des risques auxquels sont exposés les individus et ainsi de réduire leur vulnérabilité, dans un souci de protection. Comme il a déjà été mentionné, la réalisation des menaces à la sécurité humaine produit des effets insidieux et diffus. Ces effets peuvent eux-mêmes être des causes d'apparition d'autres menaces nécessitant la mobilisation de ressources énormes et dont les responsabilités ne peuvent pas directement être imputées. « La prévention devient une priorité et cela n'est pas dénué de conséquences sur la question de responsabilité car en donnant plus de consistance au principe de diligence, l'accroissement des obligations de nature préventive permet une mise en cause plus aisée de la responsabilité »113(*). Elle rejoint en ce sens l'application du principe qui est faite en matière de droits de l'homme et dont Gérard COHEN JONATHAN soutient que « en matière de droits de l'homme, la prévention est naturellement fondamentale... » et que l'amélioration d'une action préventive repose sur une solidarité plus étroite des Etats114(*). Cela est valable pour la sécurité humaine qui peut servir de base globale pour une prévention sur plusieurs fronts, car elle présume que les menaces à la sécurité ont souvent des causes multiples et sont assez complexes et connus suivant la maxime « les mêmes causes produisent les mêmes effets » : en matière de menaces à la sécurité humaine, qu'elles soient relatives à l'environnement, aux communautés ou à l'alimentation, lorsqu'un fait s'est déjà produit, il est certain que s'il se produit encore dans un milieu différent, il produira sans doute les mêmes effets, la relation de risque à effet étant connu. Or, la prévention s'appuie sur des certitudes115(*). Le principe est opérationnel lorsque les menaces ne se sont pas encore réalisées ou qu'il est encore possible d'enrayer son extension. Des mesures préventives concrètes peuvent être prises, comme l'établissement d'une liste de contrôle pour assurer l'intégration des résolutions thématiques dans les résolutions par pays, renforcer la collaboration et maintenir un échange des informations116(*). Une autre possibilité est l'intervention du Conseil de sécurité pour arrêter les massacres dus aux guerres civiles qui empêche leur renouvellement dans l'avenir. Les mesures préventives des politiques internationales peuvent juguler les impacts spécifiques d'une activité (par exemple, le trafic d'armes légères dans une région) ou appréhender toutes les incidences d'une activité sur la sécurité des individus (la privatisation de la santé) car ces menaces peuvent se combiner et interagir de manière complexe durant une longue période, constituant ainsi des véritables poudrières prête à éclater au moindre faux geste117(*).

Le caractère préventif de la sécurité humaine pose cependant un léger problème. Il est difficile de déterminer le champ d'application ratione materiae et ratione tempori et ratione loci de la mesure préventive, les menaces évoluant différemment dans le temps et dans l'espace. Cette difficulté peut être contournée pour le moment par la possibilité d'hiérarchiser les menaces mais elle en sera véritablement surmonter que lorsqu'un régime juridique propre à la notion sera déterminée.

B- Les limites du principe au niveau régional africain.

Si la « sécurité humaine » est bien admise sur le plan international comme principe de coopération, elle semble ne pas encore avoir entièrement franchi les frontières de beaucoup de pays sur le continent africain. Les conflits intra étatiques s'y développent à une vitesse remarquable et aucun pays n'a l'assurance d'être à l'abri vu l'impact transfrontaliers de tous les problèmes internationaux. Il y a de fortes chances à cette allure pour que la sécurité humaine, au moment éventuelle de sa consécration ne soit qu'une autre notion importée de l'occident. Le bon sens recommande de prendre à temps des mesures pour prévenir toutes les menaces imminentes ou pressenties à la sécurité des individus. Toutefois, sur le continent africain, les menaces détectées se réalisent dans la majorité des cas, en dépit du déclenchement de tous les codes d'alerte. La communauté internationale et la communauté régionale doivent à chaque fois reconstruire sur les décombres d'un conflit social ou d'un fléau pour permettre aux individus de rebâtir leurs vies. La notion de sécurité humaine est encore appréhendée sous un sens curatif comme un autre moyen pour faire face aux conséquences des conflits et aux problèmes sociaux. Cet état des choses peut s'expliquer de différentes manières. D'abord, l'héritage de la colonisation a mis le continent dans une position d'assisté qui persiste avec la nouvelle logique de l'aide au développement. Ensuite, la prolifération des conflits sur le continent oblige encore à penser la sécurité dans le sens militaire du terme. Cette situation est due aux politiques menées par les gouvernants qui sont loin de respecter les principes de démocratie et de bonne gouvernance, ainsi qu'à la facilité de circulation des armes légères sur le continent. Ces dernières facilitent les nombreuses violences internes et la régionalisation des conflits. L'Afrique, sur la question de renforcer la protection des droits de l'homme et d'améliorer le bien être de leurs populations se trouve marginalisé. Cette situation engendre, selon Charles ZORBIBE118(*), la formation de spirales dramatiques du sous développement, la présence massive des pays africains dans le groupe des pays les « moins avancés », l'effondrement de la production alimentaire et des systèmes de santé, la multiplication du nombre de réfugiés chassés par les guerres civiles, bref, une véritable catastrophe sur le plan de la sécurité humaine. Les règles de la coopération nécessaire pour le développement de la sécurité et de la paix sont faussées sur le continent. Les relations diplomatiques se déploient au sein de nombreuses « sous régions africaines », Afrique du Nord, Afrique de l'Ouest, Afrique du Centre, Afrique de l'Est et encouragent le développement de jeux politiques égalitaires et fractionnés. Cette situation peut être la cause de la multiplication des initiatives sous régionales à mi-chemin des alliances classiques et de la sécurité collective. Sous un autre angle, on peut remarquer que ce qui constitue les activités des Etats sur le plan international n'est pas le reflet de la pratique normale sur le plan national, ainsi que le fonctionnement des institutions qu'ils ont crées et qu'ils contrôlent. En effet, ils s'engagent rapidement à signer les conventions et autres textes internationaux qui ne sont pas entièrement insérés dans l'ordre juridique interne. Enfin, toutes les menaces à la sécurité humaine sont présentes sur le continent de manière cumulative. Les atteintes à la sécurité personnelle, la montée croissante de la criminalité dans les villes sont monnaie courante sur un continent qui vit une situation économique difficile ; la pauvreté y a ses racines profondément ancrées et la nécessité de survivre entraîne un désintéressement pour les questions telles que la protection de l'environnement. Les gouvernements se déchargent au profit du secteur privé d'un nombre de leurs obligations, comme celle d'assurer l'accès aux services de santé ou de la répartition équitable des ressources nationales comme les produits agricoles pour assurer un minimum alimentaire pour tous. Cette situation n'est que trop renforcée par la croissance démographique et le flux migratoire d'une population à la recherche du rêve urbain.

Ces conditions sont de nature à freiner l'insertion des considérations de sécurité humaine sur le continent africain ; toutefois elles peuvent produire l'effet contraire ; elles peuvent susciter la réflexion sur la recherche des solutions dans une « approche communautaire de sécurité humaine »119(*). Pour cela, il faudrait que des propositions émanent des africains eux-mêmes et ne soient plus des politiques importées de l'occident120(*). En outre, il est primordial qu'elles intègrent tous ceux qui sont, dans une mesure ou une autre, capables d'apporter une aide efficace et effective.

* 112 La réparation insinue la détermination des coupables; or, l'impact transfrontiere de certaines atteintes à la dignité humaine la rend difficile, voire impossible.

* 113 Philippe GAUTIER, L'apport du droit international à la question de responsabilité, Quel avenir pour le droit de l'environnement ? cité par Nicolas de SADELER, Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de précaution: essai sur la genèse et la portée juridique de quelques principes du droit de l'environnement, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 109, note 225.

* 114 Gérard COHEN-JONATHAN, «Les évolutions du droit international des droits de l'homme», article précité, pp. 122 et 123.

* 115 Nicolas SADELEER, Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de précaution, op.cit, p.115

* 116 www.un.org/french/pubs/chronique2004

* 117 John COCKELL, «Prévention des conflits et coopération multilatérale», www.humansecurity.info/PDF/Cockell.

* 118 Charles ZORBIBE, L'avenir de la sécurité internationale, presses de sciences politiques, 2003, pp. 76- 90.

* 119 Selon un terme de la politique étrangère canadienne sur la sécurité humaine. www.humansecurity.org.

* 120 Cela est très important car, le Canada a déjà pensé à une approche africaine de la sécurité humaine qu'il essaye de mettre sur pied; Or, l'échec d'un bon nombre de politiques internationales comme de politiques internes résulte du fait qu'elles sont imposées à l'Afrique de l'extérieur et qu'elles ne correspondent pas toujours aux besoins réels ou prioritaires en la matière.

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