L'émergence d ela notion de sécurité humaine dans la protection internationale des droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Sabine Nicole Jiekak Mougoué Université Catholique D'afrique Centrale, Yaoundé, Cameroun - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2005 |
A- La position du conseil de sécurité de l'ONUL'art. 24 de la CNU confère au Conseil de sécurité la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationale, initialement entendues au sens militaire et dans un cadre interétatique. Au delà de cette approche qui est certes toujours d'actualité, la réalité est un peu plus complexe. Puisqu'il est admis depuis longtemps que les menaces à la sécurité humaine ne sont plus du seul ordre militaire, mais de tout ce qui porte atteinte à la vie humaine et à l'humanité, le Conseil de sécurité tend à s'intéresser « à ceux là mêmes qui conduisent les opérations et à ceux qui en sont les bénéficiaires, les individus »89(*). Cette nouvelle préoccupation pour la sécurité humaine a servi d'alibi pour l'adoption de nombreuses résolutions ayant pour objet des questions humanitaires et légitimant des interventions militaires à des fins humanitaires. Cependant, ces interventions s'effectuent au mépris de la souveraineté étatique. Or la souveraineté, compétence de la compétence selon JELLINEK, synonyme d'indépendance dans les relations entre Etats90(*) a pour corollaire la liberté d'action des Etats exprimée par la non intervention. Mais ce principe est remis en cause par l'exclusion des droits de l'homme du domaine réservé des Etats. Leur protection et leur promotion sont une obligation commune internationale. La reconnaissance de l'impératif de protéger la personne humaine a donné lieu à la consécration d'un droit d'ingérence humanitaire en vertu duquel les Etats -et les organisations d'Etats- seraient fondées à apporter une aide d'urgence aux populations se trouvant en détresse91(*). Quand des individus souffrent gravement du fait de l'Etat ou de l'incapacité de celui-ci à leur assurer une certaine protection, la « responsabilité internationale de protéger prend le pas sur le principe de non intervention »92(*). Le Conseil de sécurité a appliqué ce principe à plusieurs cas, et toutes les fois, l'intervention humanitaire a suscité des controverses du fait de sa présence ou de son absence93(*). On peut, à titre d'illustration, citer les cas du Rwanda, du Kosovo, de la Bosnie et de la Somalie, et plus récemment de la Côte d'Ivoire. Au Rwanda, l'ONU avait connaissance de la préparation du génocide de 1994, mais le Conseil de Sécurité a refusé de prendre des mesures propres à l'empêcher sur la base de la non ingérence dans les affaires internes du pays ; le génocide a eu lieu, entraînant une catastrophe humanitaire au Rwanda et la déstabilisation de toute la région des Grands Lacs. Certains peuples africains en ont conclu que la non intervention de l'ONU manifestait de l'infériorité de certaines vies humaines sur d'autres94(*). Lorsque survient la crise en ex-Yougoslavie une année plus tard, l'ONU prend des mesures concrètes en créant des zones de sécurité en Srebrenica pour abriter des réfugiés ; malheureusement, des milliers de ces réfugiés sont massacrés. Cet état de fait permet de mesurer les répercussions possibles de la politique d'intervention à des fins humanitaires et ainsi de légitimer certaines réticences à son sujet. En 1999, tirant une leçon des erreurs du Conseil de sécurité, la communauté internationale tente de rectifier le tir face à la crise du Kosovo, et l'OTAN décide d'une intervention. Son intervention est vivement critiquée. Ainsi, des questions comme la légitimité de l'intervention militaire dans un Etat souverain, la détermination de la gravité des violences commises, la juste cause de l'intervention sont soulevées. Il en va de même de l'impact de cette intervention sur l'ordre juridique international. La grande question qui est posée est de savoir si l'OTAN n'était pas intervenu, le Kosovo aurait-il fait face à une guerre civile sanglante et sans fin ou pire encore à un génocide comme au Rwanda et en Bosnie ? Quoi qu'il en soit, une intervention afin de sauver des vies humaines doit être bien préparée et focalisée sur son objectif. Le retrait précoce des opérations de paix en Somalie dû à une mauvaise planification et à une forte dépendance de l'intervention à la force militaire a eu des conséquences désastreuses sur les individus qui en subissent encore les effets aujourd'hui, après plus de 10 ans. * 89 Josiane TEREINET, «Le Conseil de sécurité et la sécurité humaine», La sécurité internationale, nouvelle conception..., op.cit, p. 168. * 90 Position de l'arbitre Max HUBER dans l'affaire de Palmes, CPA, 4 avril 1928. * 91 NGUYEN, DAILLIER et PELLET, Droit international public, p. 448. * 92 Rapport de la Commission Internationale de l'Intervention Humanitaire et de la Souveraineté des Etats, op.cit * 93 Ibid * 94 ibid |
|