UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS
UFR DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
Section Droit de l'Entreprise
LE DROIT DU TRAVAIL A L'EPREUVE DES NOUVELLES
TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (NTIC)
Par
Ismaïla BA
Etudiant en Maîtrise Droit de
l'Entreprise
Sous la direction de
Adrien DIOH
Docteur d'Etat en Droit
Année Universitaire 2002-2003
REMERCIEMENT
Je
tiens à remercier particulièrement Docteur Adrien DIOH pour son
soutien et son encadrement pour la réalisation de ce travail ;
J'associe à ces remerciements tous ceux qui de près
ou de loin ont contribué à la mise en oeuvre de ce modeste
travail.
SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE :
RELATION INDIVIDUELLE ET LES
NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE COMMUNICATION
CHAPITRE I - LES NOUVELLES
« FRONTIÈRES » POSÉES PAR LES NTIC :
VERS UNE REDÉFINITION DU LIEN DE SUBORDINATION
Section I - La situation juridique du télétravail
leur
Section II - Le pouvoir de
direction face aux droits des salariés
CHAPITRE II - l'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL A L'OREE DES
NTIC
Section I - Incidence des NTIC sur la durée effective de
travail
Section II - Les incidences dans
la durée de travail à l'orée des NTIC
DEUXIEME PARTIE :
LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE
L'INFORMATION
ET DE COMMUNICATION ET LES RAPPORTS COLLECTIFS DE
TRAVAIL
CHAPITRE I - NTIC ET DROIT SYNDICAL
Section I - Les NTIC : Une
exceptionnelle opportunité pour les syndicats
Section II - l'impact des NTIC sur la liberté syndicale
CHAPITRE II - LE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE FACE AUX OUVELLES
TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
Section I - la
nécessité d'une reconfiguration des entreprises
Section II - Une plus grande
flexibilité du travail
Conclusion
Table des matières
Bibliographie
LISTE DES SIGLES
BIT : Bureau International du Travail
CNIL : Commission Nationale
d'informatique et de liberté
CGC : Confédération
Général des Cadre
CGPME : Confédération des
Petites et Moyennes Entreprises
CGT : Confédération
Générale du Travail
MEDEF : Mouvement des Entreprise de
France
MEDS : Mouvement des Entreprises du
Sénégal
OIT : Organisation International du
Travail.
INTRODUCTION
Dans l'allocution qu'il a prononcé en octobre 1995
à l'occasion de l'ouverture du 7ème forum
international des télécommunications à Genève, le
président Mandela déclarait notamment : « Les
technologies de l'information et de la Communication ne doivent pas être
considérées comme un luxe intervenant après le
développement en général du pays, mais comme l'une des
conditions qui déterminent les capacités des pays en
développement à engager la modernisation de leur économie
et de leur société ».
S'il semble aujourd'hui, inconfortable de vouloir ignorer le
phénomène de la mondialisation dont les effets vont certainement
affecter en profondeur les relations entre les peuples, les pays et les
nations, il est par contre inéluctable que la lame de fonds qui
déferle sur le monde entier, portée par ce qu'on désigne
communément par les NTIC (Technologies de l'information et de la
communication) menace de marginaliser dangereusement tous ceux qui n'en auront
pas saisi les enjeux. Le téléphone, la radio, la
télévision et l'ordinateur pour ne citer que ces moyens de
communications marquant du 20ème siècle ont chacun
évolué selon des modalités qui leur ont assigné des
fonctions précises auxquelles correspondent des formes
spécifiques d'utilisation, leur convergence dans l'internet laisse
entrevoir la disparition des barrières entre les différentes
formes de communication et ouvre le champ à un
interopérabilité entre les différents moyens de
communication par un outil désormais célèbre, le
multimédia.
Les effets des nouvelles technologies sur les manières
dont nous travaillons, pensons, régissons et socialisons nos relations
posent déjà des problèmes forts complexes aux
décideurs et aux citoyens entraînant quelques fois des
réactions de rejet ou de suspicion qui témoignent de
l'impréparation manifeste de nos sociétés du Sud comme du
Nord à assumer le passage de l'ère industrielle à
l'ère informationnelle. Le phénomène est si remarquable
que le sphère économique se trouve sous l'emprise de la
net-économnie dans laquelle les fournisseurs d'équipements de
logiciels et de services dans les domaines de l'informatique et des
télécommunications connaissent une croissance vigoureuse dont le
rythme est double de celui de la moyenne des autres industries.
Les Etats-Unis d'Amérique vivent une euphorique
croissance depuis bientôt une décennie, 8% du produit
intérieur brut (PIB) est assuré par les Nouvelles technologies de
l'Information et de la Communication et près de 40% de cette croissance
sont dus selon le département du commerce aux effets induits de ces
technologies sur la productivité, l'innovation, l'offre des produits et
de services de l'ensemble de l'industrie, les NTIC sont aujourd'hui un outil
majeur pour l'amélioration de la compétitivité. Les
entreprises qui gagnent soit celles qui savent établir des
coopérations travailler en réseau, produire et utiliser
collectivement la connaissance sans cesse renouvelée dont elles ont
besoin pour générer de la valeur ajoutée.
Ainsi, l'utilisation d'Internet, d'intranet de d'extranet
s'est fortement développée dans les entreprises modernes et
permet aujourd'hui à de nombreux salariés de travailler de
concert ignorant ainsi les distances par exemple la compagnie aérienne
Swissair fait télétraiter son système de
réservation et sa comptabilité en Inde.
La société électronique allemande Siemens
fait de la télémaintenance informatique aux philippines, le
Conseil Supérieur de Notariat français faisant saisir des textes
juridiques en Côte-d'Ivoire. Ce mode de travail qu'on désigne par
le vocable télétravail est sans contexte l'un des traits majeurs
de la nouvelle économie du fait de sa productivité
élevée et aussi du fait que le savoir est la matière grise
constituent les nouveaux facteurs du développement économique en
ce début du troisième millénaire.
Ainsi, l'avènement des NTIC augure de nouveaux modes
de travail tels que le travail à distance ou le
télétravail qui est une modalité d'organisation et
d'exécution du travail exercé à distance et ce moyen de
l'outil informatique.
Ce mode de travail est sans contexte l'un des traits majeurs
de la nouvelle économie du fait de sa productivité
élevée. Cependant sur le plan des droits humains, les NTIC
laissent apparaître une désacralisation de la vie privée
car il y a quelques années, il était impensable, ne serait-ce
qu'en terme de savoir-vivre, de déranger un collaborateur le dimanche ou
les jours fériés sur sa ligne téléphonique
privée. Ce respect de la vie privée semble désormais
reculer à grand pas avec l'arrivée des NTIC.
Ces derniers prennent leur sens dans une politique
économique d'ensemble qui s'articule autour de l'intelligence
partagée. Ils n'ont pas de but en soi. Mais peuvent rendre possible des
modes d'organisation totalement nouveaux fondés sur l'innovation, la
compétence collective, le partage de la capitalisation du savoir, la
responsabilité, la réactivité.
Tout ceci ne va pas sans poser des questions juridiques
nouvelles. Les questions liées eu temps de travail, au lien de
subordination entre l'employeur et l'employé et les nouveaux visages du
syndicalisme et de la négociation collective face à ces NTIC.
Voilà autant de questions qui gravitent autour des NTIC
et le droit du travail.
Sur ce nous pouvons résumer ces questions en une seule
interrogation fondamentale : quelles sont les incidences des Nouvelles
Technologies de l'Information et de la Communication sur le droit du
travail ?
Pour y répondre, nous nous proposons d'analyser dans un
premier temps les relations individuelles de travail et les NTIC (I) ;
puis dans un second temps les rapports collectifs de travail et les NTIC
(II).
PREMIERE PARTIE
RELATIONS INDIVIDUELLES ET
NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
ET DE LA COMMUNICATION (NTIC)
CHAPITRE I - LES NOUVELLES
« FRONTIERES » POSEES PAR LES NTIC
Pour les chercheurs, l'ingénieur et autres travailleurs
du savoir, le télétravail permet une liberté
exceptionnelle et l'on peut s'interroger sur un lien de subordination
réel.
En effet, le contrat de travail suppose l'existence d'un lien
de subordination. Qu'en est-il lorsque le travailleur exerce son
activité à l'extérieur des locaux de l'entreprise et plus
particulièrement à domicile ?
Quels sont les différents statuts des travailleurs
à domicile ayant pour outil professionnel un PC connecté à
l'Internet ? Section I.
Cette banalisation des liens bureau / domicile
favorisés par l'entreprise et va poser la question des libertés
individuelles des salariés face au pouvoir de direction de l'employeur
(section II).
Section I - la situation
juridique du télétravail leur
Au temps de Taylor, la subordination était d'une
évidence à crever les yeux : il y avait une unité de
temps, de lien d'action bien définie. Or aujourd'hui, les NTIC ont aboli
les distances et le travail d'un employé ou d'un cadre peut se faire
à domicile : ce qui permet une autonomie accrue et une obligation
de résultat plus importante. Cela revient à poser la question de
l'existence du lien de subordination. Le télétravail
entraîne-t-il la fragilisation ou au contraire le renforcement du lien de
subordination ? (parag. 1).
Les NTIC tendent donc vers un comportement moins
hiérarchisé et plus autonome. Le choix du statut applicable
constitue un enjeu essentiel pour les deux parties que sont le donneur d'ordre
et le travailleur (Parag. 2).
Parag.1 - Le lien de
subordination à l'épreuve des NTIC : fragilisation ou
renforcement ?
Pour analyser le lien de subordination, il convient d'abord
d'expliquer les raisons du recours au télétravail et à
l'utilisation des nouvelles technologies.
Ces raisons seront étudiées du côté
de l'employeur (A) puis du côté de travailleur (B).
A - Les raisons du recours
au télétravail par l'employeur
Deux raisons sont évoquées :
· Raison de flexibilité : cela permet de
rentabiliser les temps morts (dans les embouteillages), dans les hôtels
à l'occasion des conférences et autres. Le
télétravail permet d'aménager de manière optimale
le travail effectif par rapport aux horaires et à la durée de
travail ;
· Raison de protection sociale qui est
particulièrement onéreuse en cas de travail salarié.
Exemple pour être un télétravailleur de secrétariat,
le contrat peut se présenter sous différents modalités.
Tout cela confère au donneur d'ordre une immense
liberté de gestion dans la limite des stipulations contractuelles et lui
permet d'augmenter la productivité et ou de baisser les coûts
fixes par exemple coût du mètre carré dans les grandes
cités.
Du côté des pouvoirs publics, on pourrait
citer l'aménagement plus harmonieux du territoire afin de lutter contre
la désertification des campagnes, le maintien de certains emplois en cas
de délocalisation d'entreprises.
B - Les raisons du recours
au télétravail par le salarié
Quant au salarié, il est lui aussi demandeur à
un moment de sa vie de flexibilité d'horaires et de tranquillité.
L'inventaire des motivations possibles du recours au
télétravail est indéfini. Dans la pratique, le
télétravail, c'est à dire le travail loin du centre de
production, recouvre de multiples formes. Certaines formes de travail à
distance ne posent juridiquement pas de problèmes quant au lien de
subordination que ce soit les télé-acteurs,
télé-conseillers qui sont des salariés répondants
au téléphone au-delà des horaires d'ouverture, mais ceci
à partir de l'entreprise ou que ce soit les entreprises,
établissements sous traitant à distance des tâches de
secrétariat par exemple. Il faut savoir qu'il reste le cas le plus
répandu : les « salariés nomades » qui
sont des commerçiaux pour l'essentiel, qui travaillent à domicile
et pour qui la question du lien de subordination se poserait puisqu'il n'y a
pas de présence physique de l'employeur. Ils bénéficient
donc d'un statut particulier.
Mais le fait de ne pas passer par l'entreprise pour se
connecter ne modifie pas juridiquement le rapport de subordination. En effet,
si l'autonomie est grande, le rapport salarial lui-même n'est pas en
cause. La question du lien de subordination ne se pose donc pas pour les
travailleurs salariés même si le lien de travail à titre
habituel n'est pas l'entreprise. Nous pouvons donc nous interroger sur les
différents types de statuts applicables aux
télétravailleurs.
Il faut savoir que la Cour de Cassation française fait
une appréciation au cas par cas selon les conditions
concrètes.
Parag. 2 - Le choix du statut
applicable au télétravail leur : du travail salarié
au travail indépendant
Quelles sont les formes de télétravail pour
lesquels se pose la question de la subordination ? Sur le plan juridique,
la loi Aubry II du 19 janvier 2000 a répondu à la question en
envisageant trois statuts possibles :
1 - Le télétravail leur reste dans l'immense
majorité des cas un salarié de droit commun : le travail
à domicile ne constitue qu'une modalité d'organisation de
l'entreprise. Il en est ainsi du cadre pouvant rester chez lui deux jours par
semaine.
2 - Il peut être travailleur à domicile au sens
juridique du terme s'il entre dans la définition donnée par
l'article 721-1 du code de travail français. Cet article pose deux
conditions :
A - l'exécution d'un travail pour le
compte d'un établissement industriel commercial ou autre ;
B - l'existence d'une
rémunération forfaitaire : dans ce cas, il n'y a pas lieu de
rechercher l'existence d'un lien de subordination, ni si le matériel ou
les matières premières lui appartiennent. « Ils
bénéficient d'une présomption de
salariat ».1(*)
3 - Il sera enfin travailleur indépendant, si
malgré les conditions de travail qui le rapprochent d'un travailleur
à domicile, il est concrètement totalement
indépendant : choisit ses clients, peut refuser des commandes,
détient son propre matériel et plus généralement il
s'assume des risques de l'entreprise.
Côté salarié, s'il existe plusieurs
statuts applicables au travailleur, le contrat de travail salarié est
presque toujours préférable. Le code du travail assure en effet
au travailleur subordonné un statut très protecteur et d'ordre
public, que ce soit en matière de conditions de travail (40 heures au
Sénégal, 35 heures en France, au-delà des heures
supplémentaires majorées, le plafond hebdomadaire est de 48
heures).
Ou que ce soit en matière de rupture du contrat (il y a
une obligation de préavis qui s'impose à l'employeur) de plus au
niveau collectif, le salariat lui permet d'être couvert par la ou les
conventions collectives applicables et de bénéficier
d'activités sociales et culturelles du comité d'entreprise. Le
choix du statut est très important, surtout en cas de
pluriactivité, phénomène qui se développe fortement
grâce à l'outil informatique. Ainsi, le même
télétravailleur peut-être salarié en temps partiel
d'une entreprise A, signer en tant qu'indépendant avec la
société B et être salarié occasionnel de la
société C. Il faudra alors examiner activité par
activité et les conditions concrètes d'exécution de ces
activités. En cas de contentieux, le donneur d'ordre pourra rapporter la
preuve que le télétravailleur est indépendant dans
l'exercice quotidien de son activité. En effet, « l'existence
d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté
exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont
donnée à leur convention, mais des conditions de fait pour
lesquelles est exercée l'activité ».2(*) Il s'agit du principe de
réalité développé par la Cour de Cassation dans de
nombreux arrêts.3(*)
Juridiquement, le lien de subordination qui établit la
relation ne semble pas poser de problèmes particuliers. Il peut
être prouvé par le comportement quotidien de chacune des parties
au contrat. C'est plus la complexification, parfois l'ambiguïté des
situations nouvelles qui laisse entrevoir un grand nombre de litiges possibles.
Il relève du pouvoir de l'employeur de surveiller les
salariés.
Section II - Le pouvoir de
direction face aux droits des salariés : des tentatives
liberticides ?
Il est tout a fait légitime pour un employeur de
surveiller les allées et venues, physiques et virtuelles, afin de
prévenir des actes de malveillance ou de contrôler
l'accomplissement du travail des salariés. Ce droit est même un
devoir pour l'employeur s'il ne veut pas répondre civilement et parfois
pénalement des fautes de ses subordonnés.
Il semble nécessaire de surveiller l'activité,
certes. Mais quelle doit en être la limite ? Sur le lien de travail,
n'y a-t-il pas la place pour les activités professionnelles et pour la
vie privée (A). Par conséquent, il importe d'observer les
questions juridiques liées au courrier électronique au bureau
(B).
Parag. 1 - La cybersurveillance
des salariés : une atteinte au droit au respect de la vie
privée ?
Dans le souci de rentabiliser le temps de travail, les
entreprises doivent veiller à ce que les salariés ne fassent pas
un usage abusif (sans lien avec leur activité professionnelle) des
outils télématiques mis à leur disposition.
Ainsi, il ressort d'un arrêt de la Chambre sociale de la
Cour de cassation française du 14 mars 200 que l'utilisation ludique des
nouvelles technologies est constitutive d'une faute (faute grave en
l'espèce en raison du caractère systématique des prises de
paris).
Les entreprises rédigent parfois des Chartes sur
« l'Eticnet », elles installent aussi des logiciels de
contrôle minimum permettant d'éviter les abus manifestes
(davantage sur la nature des connexions que sur leur contenu, et surtout
permettant de sécuriser les fichiers et données de
l'entreprise).
Une question se pose : peut-on concilier ce
nécessaire et légitime contrôle avec les libertés
individuelles et collectives ? Les constitutions sénégalaise
et française de 1958 ne parlent évidemment ni d'internet, ni
NTIC, mais le conseil constitutionnel est intervenu notamment dans sa
décision « vidéosurveillance » du 18 janvier
1995 dans laquelle il énonçait que « la
méconnaissance du droit à la vie privée peut-être
de nature à porter atteinte à la liberté individuelle
énoncée à l'article 2 de la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ».
Cette analyse a été confirmée par la
décision (CMU)4(*) du
conseil constitutionnel du 23 juillet 1999. « Chacun a droit au
respect de la vie privée ». La loi du 06 janvier 1978
dite : « loi informatique et libertés »5(*) pose le principe que
l'informatique ne peut porter atteinte ni à la vie privée, ni aux
libertés individuelles.
Le Doyen Wacquet 6(*) souligne, pour sa part, que « la vie
personnelle des salariés doit être protégée,
malgré eux parfois contre un envahissement excessif de leur vie
professionnelle, le droit à une vie familiale normale
évoqué par le Conseil d'Etat dans sa décision Gisti du 8
décembre 1978 a été proclamé par le droit des
Etrangers. Mais cette règle à vocation à s'appliquer
à tous, et en particulier aux salariés lorsqu'il s'agit
d'établir une coupure entre le travail et la vie
professionnelle ».
La Chambre sociale est très attentive à la
loyauté qui doit présider les rapports des parties au contrat de
travail.
Ainsi dans l'arrêt « Néocel »
du 20 décembre 1991, elle affirme que « si l'employeur a le
droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses
salariés pendant le temps de travail, tout enregistrement, quel qu'en
soit les motifs, d'images ou de paroles à leur insu constitue un mode de
preuve illicite »7(*).
La jurisprudence postérieure est venue confirmer cet
arrêt (Cass. Soc. 14 mars 2000). C'est aussi ce qui ressort du premier
article de la loi « Informatique et Libertés » du 6
janvier 1978.
Dans un arrêt du 31 janvier 2001, la Chambre Sociale a
décidé que « s'il est interdit à l'employeur de
se servir des moyens de preuve obtenus à l'aide de
procédés de surveillance qui n'auront pas été
portés à la connaissance des salariés, l'employeur est
libre de mettre en place des procédés de surveillance dans les
locaux dans lesquels les salariés ne travaillent pas »8(*). En l'espèce, il
s'agissait d'entrepôts.
Une partie de la doctrine considère que cet arrêt
pourrait être applicable à un salarié visitant des sites ou
des pages auxquels il n'aurait pas dû avoir normalement accès.
C'est dans ce sens que la Commission Nationale d'Informatique et de
Liberté (CNIL) dans son rapport 2000, estime que « s'ouvre
l'ère du « contremaître virtuel » pouvant tout
exploiter sans que le salarié en ait forcément conscience, et
permettant le cas échéant d'établir, au-delà des
légitimes contrôles de sécurité et de
productivité des salariés, le profil professionnel intellectuel
ou psychologique du salarié virtuel ».
Cependant, la loi impose le respect de certaines
procédures avant tout contrôle par l'employeur. Ainsi, le
comité d'entreprise doit-il être informé et consulté
préalablement à la décision de mise en oeuvre, par
l'entreprise, des moyens ou des techniques de contrôle d'activités
des salariés.
Aussi, en vertu de l'article L121-8 « aucune
information concernant personnellement un salarié ne peut-être
collecté par un dispositif qui n'a pas été
préalablement porté à sa connaissance ». Un
oubli d'information préalable rendait inopposable au salarié
l'éventuel contrôle effectué.
Il faut noter que la chambre criminelle se fonde sur une autre
logique. Pour cette dernière, « aucune disposition
légale ne permet au juge répressif d'écarter des moyens de
preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été
obtenus de façon illicite ou déloyale »9(*).
Concernant la production de documents émanant de
l'entreprise, la chambre sociale estime qu'un salarié peut produire en
justice « des documents contenant des informations dont les membres
du personnel pourraient avoir normalement connaissance »10(*).
C'est par exemple, l'essentiel des pages intranet accessibles
sans code d'accès. Pour la Chambre criminelle, il peut s'agir par
exemple d'un vol.11(*) Au
sujet des mails ou des dossiers personnels figurant dans le disque dur
(arrêt du 4 avril 2001), et même si elle le souhaite vivement,
l'entreprise peut-elle raisonnablement prétendre que la vie
professionnelle soit exclusive de toute vie personnelle ?
Qu'en est-il des mails adressés à un
collègue mêlant informations professionnelles et
personnelles ?
Parag. II - Les questions
juridiques liées au courrier internet au bureau
Du côté du salarié les NTIC permettant de
conserver toutes les traces laissées par la personne connectée.
Aussi, un message électronique que le salarié avait cru avoir
supprimé peut avoir été sauvegardé sur un serveur
de messagerie ou sur un support magnétique de sauvegarde. Mais il faut
relativiser ces pratiques. Nous sommes quand-même loin du modèle
anglais ou américain où les statistiques indiquent que plus des
deux-tiers des entreprises contrôleraient le courrier électronique
de leurs salariés.
Un e-mail intercepté par l'employeur est-il
considéré comme une violation du secret de la
correspondance ?
La 17 ème chambre du Tribunal correctionnel
de Paris s'est prononcée à ce sujet le 2 novembre 2000 12(*) à propos d'un chercheur
de laboratoire ayant pris connaissance de la messagerie électronique
puis du disque dur d'un thésard en informatique : la
révélation du contenu et le fait que lui seul était
l'auteur de la moitié du courrier électronique d'un laboratoire
de 70 personnes a conduit à une fin de thèse anticipée.
Le Tribunal a décidé que l'envoi de messages
électroniques constitue une correspondance privée, il y avait
donc une violation de l'article premier de la loi du 10 juillet 1991 sur le
secret des correspondances et de l'article 8 de la DEDH. En l'espèce, le
directeur du laboratoire a été condamné à 10 000 FF
d'amende et il en été de même pour l'ingénieur
système.
L'e-mail commence à gonfler les dossiers contentieux de
l'entreprise. Ainsi, certains employeurs invitent à un encadrement
systématique des e-mails en les imprimant avant de les envoyer. Ainsi,
des e-mail de félicitations, rapports hiérarchiques de
compliments pourront invalider un licenciement pour insuffisance
professionnelle par exemple.
Il est nécessaire de citer l'arrêt de la Chambre
sociale de la cour de cassation du le 2 octobre 2001, l'arrêt Nikon. En
l'espèce, Onof, chef du département topographie de la
société Nikon, est soupçonné d'activités
parallèles sur le temps de travail. Il accumule les plaintes des clients
et les relations sont particulièrement tendues avec la
hiérarchie, et il aurait pu être licencié à cause de
ces éléments.
Mais l'employeur va ouvrir le disque dur de l'ordinateur du
salarié en prenant connaissance de deux fichiers, l'un intitulé
« personnel » et l'autre intitulé
« fax » en lisant le contenu de ces fichiers, il y trouve
la confirmation de ses soupçons à savoir que M. Onof exerce bien
une activité parallèle ce qui lui vaudra un licenciement pour
faute grave.
La Cour de Cassation casse la décision de la Cour
d'Appel qui justifiait le licenciement pour faute grave en se fondant sur le
contenu de l'e-mail.
Selon la Chambre sociale, « même au temps et
au lieu de travail, le salarié a droit au respect de l'intimité
de sa vie privée, qui inclut en partie le secret des
correspondances ». La Cour ajoute que « l'employeur ne peut
dès lors, sans porter atteinte à cette liberté
fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par les
salariés ou reçus par lui grâce à un outil
informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même
au cas ou l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de
l'ordinateur ».
Pour les juges, le secret de correspondances ne peut
être violé, même si l'employeur interdit toute utilisation
non professionnelle de l'ordinateur mis à sa disposition. Cet
arrêt est dans la continuité de la tendance jurisprudentielle de
la Cour de Cassation quant à la protection des libertés
fondamentales, mais avec la nouveauté du support informatique ce qui
rentre dans la logique de l'article 7 de la Charte adoptée à Nice
en décembre 2000 : « Toute personne a droit au respect de
sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses
communications ». Il devient alors difficile aux « chartes
internet », de plus en plus fréquentes dans les entreprises,
d'interdire purement et simplement toute connexion non professionnelle.
Rappelons enfin, qu'un e-mail peut engager son auteur comme
l'entreprise en cas de contenu illégal : l'entreprise Ikea s'est
retrouvée ainsi devant le Tribunal correctionnel de Versailles
début février 2001 car un cadre du service recruté avait
envoyé un e-mail intranet à seize cadres de l'entreprise
indiquant : « s'agissant de l'embauche de distributeurs de
catalogues « pour ce type de travail, ne pas recruter des personnes
de couleur, car, c'est malheureux à dire mais on leur ouvre moins
facilement la porte, et il s'agit d'avancer vite ». Bien qu'il
s'agisse, a priori, d'intranet et d'une correspondance privée, une peine
de 30 000 FF d'amende pour discrimination raciale a été
prononcée par jugement du 2 avril 2001. Les e-mail peuvent
subséquemment fournir un motif réel et sérieux de
licenciement si leur contenu est injurieux, diffamatoire, on porte atteinte
à la vie d'autrui.
CHAPITRE II - LE TEMPS DE
TRAVAIL A L'EPREUVE DES NTIC
Les NTIC bouleversent le temps du travail en créant des
incidents sur la durée effective de travail (section I) et aussi posent
des questions nouvelles qui peuvent se produire dans la durée de travail
(section II).
Section I - L'incidence des
NTIC sur le durée effective de travail
Avec les NTIC, le salarié est devenu joignable à
n'importe quel moment et dans n'importe quel lieu. Ainsi, l'employeur ou le
responsable hiérarchique pourra toujours envoyer un message au
salarié pour accomplir une tâche, ainsi nous pouvons donc nous
interroger sur le calcul du temps de travail (parag.1 ) et sur la question des
heures supplémentaires (Parag.2 ).
Parag.1 - Peut-on encore
mesurer le temps de travail dans le secteur tertiaire ?
Rappelons rapidement quelques principes relatifs aux horaires
de travail avant de souligner le mode de calcul du temps de travail.
L'article 134 du code sénégalais du travail
dispose que : « la durée légale du travail ne peut
dépasser 40 heures par semaine ».
En France, depuis la loi 13(*) sur la réduction du temps de travail,
« la durée du travail effectif est le temps pendant lequel la
salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer
à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations
personnelles » (art. L 212- 4 AL 1 du code français du
travail).
Si le télétravailleur est salarié, il se
trouve soumis au droit commun et les horaires appartiennent à priori au
pouvoir de direction du chef d'entreprise. La question du temps de travail qui
s'est posée avec les nouvelles technologies induit évidemment
d'autres questions juridiques, telle que celle de la modification des
conditions de travail. Il relève du décret (n°70-183 du 20
février 1970 fixant en application de l'article 134 du Code du
Travail)14(*),
qu'«à défaut d'une clause contractuelle expresse
excluant le travail du samedi, l'employeur fait usage de son pouvoir de
direction en demandant aux salariés de travailler ce jour non
ouvrable », et ce à condition :
1. que ce changement ne touche pas les stipulations
contractuelles : à moins que la mesure ne soit pas provisoire, un
salarié travaille contractuellement quatre jours par semaine ne peut se
voir contraindre à travailler 5 jours : son refus de cette
modification n'est pas par définition fautif.15(*)
2. Que ce changement ne bouleverse pas l'équilibre
même du contrat : « le passage d'un horaire de jour
à un horaire de nuit constitue une modification du contrat qui doit
être acceptée par le salarié ».16(*)
Pour mesurer le temps de travail, nous pouvons relever quatre
possibilités :
A - Depuis la loi du 19-01-2000, une solution
s'offre aux partenaires : le forfait-jours voire par demi-journée,
à condition qu'un accord collectif ait été signé
dans l'entreprise et qu'il y ait un avenant au contrat (il s'agit d'une
modification du contrat de travail que le salarié peut
éventuellement refuser). Cette formule applicable aux « cadres
autonomes » différents des cadres intégrés
travaillant à titre habituel dans l'entreprise évite tout
décompte horaire et se prête bien au télétravail
à domicile.
B - Le travail à domicile exige
parfois d'être en connexion permanente avec un serveur central. Par
conséquent, le salarié disposera des relevés d'un logiciel
de productivité proche du tachygraphe des chauffeurs routiers et
l'entreprise aura un relevé mensuel des heures de travail
réellement effectuées. Les temps de repos pourront ainsi
être contrôlés.
C - Troisième hypothèse, la
plupart des télétravaux peuvent donner lieu à une
évaluation forfaitaire, une moyenne de temps nécessaires à
leur réalisation, le calcul du temps de travail à leur
réalisation ; le calcul du temps de travail sera alors le
résultat de la multiplication de ce temps par le nombre de pièces
produites (des accords collectifs prévoient des barèmes selon la
difficulté de l'exercice) tout en laissant un minimum de
flexibilité tenant compte de la vie familiale à domicile).
D - Enfin, dernière hypothèse,
les travaux complexes ne pouvant raisonnablement donner lieu à un
quelconque étalonnage, dans ce cas, comme pour les cadres dans
l'entreprise, seul un paiement forfaitaire est possible en respectant les
maxima en matière de durée du travail.
N'oublions pas que le droit commun de la modification du
contrat (avenants en doubles exemplaires datés et signés ...)
devra impérativement être respecté si l'entreprise veut
faire évaluer la durée du travail.
C'est notamment ce qu'est venue rappeler la Cour de Cassation
dans un arrêt du 02 octobre 2001 « Abram contre
société Zurich assurances » s'agissant d'un inspecteur
d'assurances à qui son employeur avait demandé de travailler
à temps plein chez lui, sans aucune compensation financière, la
haute juridiction appliquant l'article 9 du code civil, décide à
cette occasion que « le salarié n'est ni tenu d'accepter de
travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses
instruments de travail ».
Comment calculer les heurs supplémentaires d'un
travailleur qui effectue un travail pour l'entreprise à
l'extérieur de celle-ci grâce à internet.
Parag. 2 - La question des
heures supplémentaires effectuées par le
télétravail leur
Au Sénégal, c'est le décret n°70-184
du 20 janvier 1970 qui réglemente les heurs supplémentaires. En
effet les heures supplémentaires sont celles effectuées
au-delà de la durée légale de travail effectif (40 heures
par semaine ou 173 heures par mois)17(*).
Que se passe-t-il alors en cas de doute sur les horaires
effectuées ? La Cour de cassation française a
décidé dans un arrêt du 5 décembre 2000
qu'« en application de l'article L 212-1-1 du code du travail, la
preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à
aucune des parties et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement
d'heures supplémentaires, se fonder de l'insuffisance des preuves
apportées par le salarié : il doit examiner les
éléments de nature à justifier les horaires effectivement
réalisés que l'employeur est tenu de lui fournir, peu importe que
le salaire ait omis, d'indiquer chaque mois le montant des horaires
supplémentaires qu'il avait effectuées ».
« Mais il n'en va pas de même la preuve de l'existence d'une
convention de forfait, dont la charge incombe à celui qui
l'invoque ».18(*)
Pour ce qui concerne les temps de pause, ils sont moins
perceptibles aujourd'hui. Avec les NTIC, la pause consiste souvent à
rechercher des informations sur le Net.
Aussi, dans son arrêt du 13 mars 2001, la Cour de
Cassation rappelait que le seul intitulé « pause »
ne suffisait pas : « le juge devait rechercher si le
salarié retrouvait sa liberté de vaquer à ses occupations
personnelles » autrement dit, il faut distinguer clairement le temps
de repos du temps de travail effectif.
Par conséquent, concernant le calcul du temps de
travail effectif, nous pouvons dire que le législateur et la
jurisprudence semblent répondre aux nouvelles situations posées
par les nouvelles technologies.
En effet, « les heures supplémentaires (HS)
ne donnent pas lieu uniquement au paiement d'un salaire majoré, mais
doivent d'une part s'exécuter dans le cadre d'un contingent annuel,
d'autre part ouvrir droit à un repos compensateur ».19(*)
Section II - Les incidents dans
la durée de travail à l'ère des NTIC
Dans l'accomplissement de ses obligations, le travailleur
court des risques. Si par hasard ou du fait d'un facteur quelconque, l'incident
se réalise, doit-on appliquer le principe de la responsabilité du
commettant du fait de ses préposés ? (A), qu'en est-il de la
question de l'accident de travail à l'ère des NTIC (B).
Parag. 1 - La question de la
responsabilité du télétravailleur dans l'accomplissement
de son obligation
Le télétravail n'est pas une nouvelle
activité professionnelle, mais une nouvelle manière d'organiser
ou d'exécuter le travail, qu'il soit salarié ou
indépendant. Cette nouvelle formule, dont l'incidence sur les relations
individuelles et collectives de travail nous paraît indéniable
soulève de nombreuses questions juridiques, notamment celle de la
compatibilité avec les règles actuelles de la
responsabilités du commettant du fait de ses préposés,
telles qu'elles sont appliquées par la jurisprudence française
sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du code civil.
Cet article édicte que les commettants sont
responsables du dommage causé par leurs préposés dans les
fonctions auxquelles ils les ont employés. Cette règle nous
paraît indissociable de celle fondant la responsabilité sur la
liberté.
Etant subordonné à son commettant, le
préposé ne saurait dont être responsable lorsque le dommage
qu'il a causé aux tiers a été réalisé dans
les fonctions auxquelles il a été employé. Toutefois, la
diversité des conditions dans lesquels les préposés,
surtout ceux ayant opté pour le télétravail, sont
aujourd'hui amenés à exécuter leur prestation pose de
nombreux problèmes notamment celui du critère permettant de
caractériser leur subordination juridique.
S'agissant du télétravailleur salarié, ce
qui le caractérise par rapport au salarié classique réside
précisément dans la marge d'indépendance dont il dispose
dans l'exécution de sa mission, qui ne saurait se confondre avec
l'indépendance technique qu'impose la nature même de certaines
professions telles que la médecine ou l'enseignement. Dans le cas d'un
Chirurgien orthopédiste salarié d'un hôpital la cour de
cassation a estimé que « l'indépendance professionnelle
dont jouit le médecin dans l'exercice de son art n'est pas incompatible
avec l'état de subordination qui résulte d'un contrat de louage
de services le liant à un tiers ».20(*)
Aussi en l'état actuel du droit positif, les
règles élaborées en matière de travail classique
pour régler la responsabilité du commettant du fait de ses
préposés doivent, en l'absence de disposition légale,
réglementaires ou conventionnelles spécifiques au
télétravail, être transposés aux relations entre
travailleurs salariés et leurs employeurs / donneurs d'ordres. Or, une
telle transposition rencontre certaines difficultés liées
à la diversité des statuts contractuels des
télétravailleurs et aussi aux notions de temps, de lieu et
d'accident de travail.
Parag. 2 - NTIC, Santé
et sécurité au travail
Peut-on impunément pour la santé rester
rivé entre 30 et 60 heures par semaine devant un écran
informatique à fortiori dans un local où l'ergonomie de base est
loin d'être respectée ? Sans parler de la surcharge
d'informations préexistante mais largement renforcée par les
NTIC, en particulier le courrier électronique, la santé
psychologique comme la productivité au travail exigent des règles
à la lutte contre le cyberdépendance (A) et celles relatives au
Travail sur écran (B).
A - La
nécessité des règles face à la
cyber-dépendance
Au-delà de ces maux physiques, peut-on être
obsédé des NITC ? Ne plus pouvoir se passer d'un
téléphone portable et des dizaines de mails quotidiens ?
Cette dépendance psychique à l'égard d'Internet et de
l'entreprise n'est-elle pas à terme redoutable ?
Au Sénégal, ce phénomène est
encore négligeable par rapport aux Etats-Unis ou un chercheur de MIT
estimait à l'an 2000 que 5% des usagers Internet souffrait d'une
réelle dépendance à l'égard des NITC.
Yves Lasfargne spécialiste français
créateur du concept « d'Ergostressie »21(*) a voulu à juste titre
chercher à passer la charge physique évoquée par le code
à la charge psychique que ressent un bon nombre de cadres en
particulier.
Dans le Massachusetts, divers hôpitaux prennent
officiellement en charge les « internautes
dépendants » et en Pennsylvanie s'est ouvert un centre de
traitement des cyberneticiens intoxiqués.
Et pour la santé au travail des travailleurs et des
cybertravailleurs l'adoption au Sénégal d'un code de
« savoir-vivre NTIC » s'avère indispensable.
B - Les règles
relatives au travail sur écran.
Quel est le plus grand commun dénonimateur entre un
chercheur télétravailleur de très haut niveau et une
secrétaire de Direction et ces nouveaux Ouvriers de Service
Intellectuels (OSI) que sont les salariés en Hot-lines ?
Ils passent une partie de plus en plus importante parfois la
totalité de leurs temps de travail devant les écrans
d'ordinateur, de diapositive ou de vidéo-conférence. Si l'on y
ajoute le temps passé à regarder plus tard la
télévision, cette attitude est susceptible d'entraîner des
effets non négligeables en matière de
santé-sécurité.
En Europe, la directive communautaire 90/270
« relative aux prescriptions minimales de sécurité et
de santé relatives au travail sur les équipements à
écran de visualisation » précise un certain nombre de
mesure dont le but est d'atténuer les effets drastiques sur la
santé physique et psychique des travailleurs.
L'appropriation de ces règles par la
législation sénégalaise s'avère intéressant
eu égard à la haute rentabilité de l'utilisation normale
et optimale des nouvelles technologies à l'ère de la nouvelle
économie. Ces règles s'articulent sur deux points :
- Sur le plan collectif, l'introduction des nouvelles
technologies exige l'information et la consultation préalable des
délégués du personnel et des syndicats.
- Sur le plan individuel, l'employeur doit assurer
l'information et la formation du salarié sur toutes les questions
liées à sa santé et à sa sécurité.
L'équipement fourni doit être ergonomique ;
écran orientable et inclinable, clavier dissocié de
l'écran, surface de l'écran non réfléchissant,
installation des ordinateurs loin des fenêtres si possible
perpendiculaire pour atténuer l'astreinte visuelle et la fatigue
posturale liées à l'utilisation des NTIC.
DEUXIEME PARTIE
NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
ET DE LA COMMUNICATION (NTIC)
ET
RAPPORTS COLLECTIFS DE TRAVAIL
CHAPITRE I - NTIC ET DROIT
SYNDICAL
Section I - Les NTIC : Une
exceptionnelle opportunité pour les syndicats
Le syndicalisme est aujourd'hui soutenu par les moyens de
communication améliorés qui sont créés par
l'industrie moderne et permettant aux travailleurs d'être en contact
mutuel. Dans un ouvrage célèbre intitulé :
« Le manifeste du parti communiste » Karl Marx
évoquait en 1848 l'irruption des nouvelles technologies de la
communication de l'époque (télégraphe Morse). Aujourd'hui
en la paraphrasant on peut proclamer sans réserve :
« Travailleurs de tous les pays, connectez-vous ».
Particulièrement adaptées à nos temps
modernes, les NTIC constituent pour les syndicats des pays surtout
développés une exceptionnelle opportunité (Section I).
Malgré ces opportunités, il n'en demeure pas
moins que les NTIC pose de délicates questions quant à leur
utilisation en entraînant ainsi des entorses à la liberté
syndicale (section II).
Section I - Les NTIC : Une
exceptionnelle opportunité pour les syndicats
Les NTIC constituent une exceptionnelle opportunité en
ce sens qu'il permet un interconnexion entre les travailleurs de plus en plus
mobiles (parag.1 ). En outre les nouvelles technologies permettent de combler
la fracture générationnelle et numérique au sein des
syndicats (parag.2).
Parag.1 -Les NTIC : un
outil d'interconnexion des travailleurs nomades
En ces temps de mondialisation généralisé
de tous les secteurs d'activités, comment joindre des salariés
de plus en plus nomades, les télétravailleurs en « base
domicile », les commerciaux chez les clients et a fortiori les
expatriés ?
Par un tract syndical distribué où et quand, par
un envoi postal lourd à gérer et extrêmement
onéreux ? Tous, ces sans bureau fixe, toujours en mouvement et
dispersés, restent cependant accessibles partout dans le monde
grâce à leur téléphone mobile et : ou leur
e-mail. Beaucoup de syndicats en Europe et en Afrique sortent très
affaiblis de la grande mutation des trente dernières années. Leur
base militante du secteur secondaire Mines, Métallurgie,
Agroalimentaire, ayant été particulièrement atteinte par
les restructurations économiques imposé par le contexte de
mondialisation croissante de la circulation des biens et des services22(*). Car pour distribuer des
tracts ou joindre des sympathisants, il faut disposer de beaucoup de temps et
de mains. Avec une liste de diffusion, un seul adhérent peut en revanche
envoyer par simple clic un document très complet et toujours pour un
coût proche de zéro recevoir les réactions en temps
réel.
Parag. 2 - Le comblement de la
fracture générationnelle et numérique au sein des
syndicats par les NTIC
Toutes les confédérations syndicales connaissent
une fracture générationnelle et numérique : les
jeunes salariés sont souvent attirés davantage par la vaste
nébuleuse « mouvement social » et autres ONG que
pour l'adhésion à des syndicats ressentis comme divisés
dont les discours leur rappellent plus leurs parents que leurs problèmes
quotidiens.
La fracture numérique aboutit à ce paradoxe pour
le vieux militant : le dernier informaticien entrée dans
l'entreprise devient le tuteur d'un directeur général ayant
quelques difficultés à manier ce nouvel outil Intranet,
messageries électroniques et message S.M.S (Short Message Service) sont
des méthodes de communication culturellement et techniquement
adéquates pour toucher les jeunes travailleurs relatifs aux
syndicats.
Section II - Liberté
syndicale et utilisation des NTIC
Avec le calcul automatique du nombre de connexions ou encore
la traçabilité des pages ouvertes par chaque poste se connectant
sur un site internet syndical, les NTIC rendent possibles des contrôles
liberticides c'est-à-dire la surveillance éventuelle des auteurs
de connexions (parag.1) et la surveillance éventuelle du contenu du
courrier syndical (parag.2 ).
Parag.1 - La surveillance
éventuelle des auteurs des connexions
Comme l'a indiqué la Cour de Cassation française
dans l'arrêt du 18 juillet 2000, « l'Outil informatique ne peut
conférer un quelconque anonymat pouvant en l'espèce couvrir des
agissements fautifs » ; la plupart des chartes existantes
cherchent légitimement à éviter cette source potentielle
d'irresponsabilité.
S'agissant de courriels syndicaux, la liberté syndicale
est mise à l'épreuve sous ses deux facettes.
- La liberté syndicale positive est remise en cause par
l'identification automatique des postes appelant le site et parfois par des
listes de diffusion dont l'employeur directement, ou qu'il peut reconstituer
intégralement au prochain envoi courriel. La Charte Sapin dans son
article 1-3 indique que « l'administration s'engage à
respecter la confidentialité du contenu des listes de
diffusion » et l'identité des intervenants sur les forums de
discussion. Le premier « principe de base » de l'accord
France-Télécom est également que l'employeur
« s'engage à ne pas rechercher l'identification des
salariés consultants les sites syndicaux ».
- La liberté syndicale négative est
également en question : il n'est pas certain que certains
salariés soient enchantés de recevoir du courriel syndical
à fortiori si un traçage est effectif. La Charte Sapin a
tenté d'éviter les problèmes en limitant l'inscription aux
listes de diffusion à l'accord individuel de chaque agent
concerné, qui pourra ensuite en demander le retrait à tout
moment.
Sans doute le parallèle avec l'existant est pris en
défaut : si comme le suggérait la CNIL à propos du
téléphone, il est techniquement possible de ne pas connecter les
lignes syndicales sur l'autocommutateur, on voit mal comment pratiquement
assurer l'anonymat et ou la non traçabilité des connexions
syndicales, à moins de fournir un serveur spécifique.23(*)
Parag.2 - Surveillance
éventuelle du contenu du courriel syndical
Connaître l'émetteur et le poste récepteur
d'un message syndical est déjà préoccupant : alors
prendre connaissance de son contenu est périlleux. Mais il est
techniquement possible de connaître les pages qui ont été
lues par tel poste sur tel site même si l'exercice nécessite plus
de travail que le simple relevé des sites consultés. Mais
« possible » n'est pas « probable » et
« probable » ne signifie pas
« certain », l'arrêt Nikon a de ce point soutient que
si le courrier est présenté comme personnel, est donc a priori
inviolable.
Que faire ? Crypter les messages syndicaux à
l'instar du courrier médical ? Qui aura la clef ? Cette
protection est elle vraiment efficace pour le réseau interne ?
Dans tous les cas les gros tuyaux mis à la disposition
par les NTIC ne remplaceront jamais l'action ou le contat physiques : la
collecte des cotisations tout comme la distribution des tracts n'avaient depuis
longtemps plus pour but unique de faire vivre financièrement les
syndicats mais d'amorcer un dialogue.
Après les nombreux accords d'états majors
signés ces dernières années, prenons garde que le dialogue
social ne devienne, à cause des facilités déconcertantes
données par les NTIC, encore plus déconnecté des
réalités de terrain : un dialogue virtuel.
CHAPITRE II - LE TRAVAIL
DANS L'ENTREPRISE FACE AUX NTIC
Nombreux sont les auteurs qui ont considéré que
l'introduction des nouvelles technologies signifiait la mort imminente du
travail ou du moins la disparition de certaines formes d'emploi.
Jérémy Rifkin, auteur de la :
« Fin du travail »24(*) prédit en effet « un chômage
massif d'une ampleur jamais connue auparavant, inévitable pour les
années à venir ».
Mais à l'instar des précédentes
révolutions industrielles ayant donné lieu à des
périodes de transitions nécessaire à l'adaptation des
compétences des travailleurs, le développement des NTIC
détruit les repères traditionnels des individus dans leur mode de
travail. A terme, cette forme de « 3ème
Révolution industrielle » pourrait ainsi amorcer une nouvelle
phase de croissance tout comme les précédentes innovations
majeures l'avaient faits
Ainsi plus qu'un bouleversement du niveau de l'emploi, les
NTIC impliquent des qualifications et des comportements différents tout
en modifiant la place de l'individu au sein de l'entreprise.
Tout l'aspect sécuritaire de l'emploi traditionnel est
remis en cause par une exigence sans cesse accrue de flexibilité
(section I) et dans quelle mesure les entreprises se reconfigurent pour
être de plein pied dans la nouvelle économie (section II).
Section 1 - La
nécessité d'une reconfiguration des entreprises
L'introduction des NTIC induit des changements au niveau de
l'organisation du travail au sein de l'entreprise. En effet, la transformation
modifie les processus de décision. On passe d'une structure pyramidale
où le savoir est exclusivement détenu par les dirigeants à
des structures matricielles où tous les individus participent aux
décisions grâce à la mise en commun des savoirs.
La nécessité de capitaliser le savoir (parag.1)
donnée vitale pour la compétition de l'entreprise ne nous pousse
t-elle pas vers la fin des hiérarchies (parag.2 ).
Parag.1 - La capitalisation du
savoir par le knowledge management
En pratique, le knowledge management associe :
- l'identification et le relevé des ressources
intellectuelles d'une organisation ;
- le développement de nouveaux savoirs
générant des avantages en terme de compétitivité au
sein de l'organisation ;
- le développement de l'accès à un grand
nombre d'informations pour l'entreprise ;
- la mise en commun des pratiques et des technologies
susceptibles d'améliorer les objectifs précédents incluant
l'internet et l'externet c'est-à-dire un réseau dans un
réseau.
Le knowledge management couvre donc un vaste champ
d'activités, car l'application des connaissances au travail est
essentielle au monde de l'entreprise. Toutefois, on ne peut pas définir
de manière simple et précise le knowledge management dans la
mesure où le concept de savoir est lui-même difficile à
expliciter.
Le knowledge management étant un vrai défi est
devenu l'un des chevaux de bataille des grosses entreprises de consulting comme
« Ernest & Young », « Arthur
Anderson » et « Booz-Allen & Hamilton » qui
en font l'un des nouveaux axes stratégiques pour les entreprises.
Cependant, le concept de knowledge management est
désormais quasiment galvaudé. On le retrouve comme
intitulé de nombreux ouvrages sur les stratégies d'entreprises
mais aussi dans de nombreux articles et revues spécialisés dans
les affaires comme the Enron Gate ou de Word Com.
La capitalisation du savoir nécessite aussi la
construction d'une intelligence collective, thèse dont la
paternité est attribuée à Pierre Lévy25(*), selon lui l'intelligence
collective est le projet d'une intelligence variée, partout
distribuée, toujours valorisée et mise en synergie en temps
réel. Ainsi l'interconnexion des ordinateurs peut être un
instrument au service de l'intelligence collective. En effet, le
« cyberespace » en voie de constitution autorise une
communication non médiatique à grande échelle. Comme le
sait les médias classiques (relation un-tous) instaurent une
séparation nette entre centres émetteurs et récepteurs
passifs isolés les uns des autres.
Le téléphone (relation un-un) autorise une
communication réciproque, mais ne permet pas de vision globale de ce qui
se passe sur l'ensemble du réseau ni sur la construction d'un contexte
commun. On approche d'une infrastructure pour l'intelligence collective
grâce à un troisième dispositif de communication
structuré par une relation tous-tous. Dans le
« cyberespace », chacun est potentiellement émetteur
et récepteur. On ne rencontre pas les personnes principalement par leur
nom, leur position géographique ou sociale mais par des centres
d'intérêt sur un paysage commun du sens ou du savoir. Il en est
ainsi, par exemple dans le réseaux Internet ou dans certaines
organisation grâce à des logiciels pour le travail et
l'apprentissage coopératif.
Parag.2 - La fin des
hiérarchies
Les sociétés occidentales ont transformé
leur organisation pour y intégrer les NTIC. Les hiérarchies
pyramidales traditionnelles sont remplacés par des réseaux qui
traitent l'information sur un plan horizontal. Les décisions autrefois
prises par des individus sont transférées à des groupes de
travail et à des équipes, dont l'un des outils essentiels est
l'intrarnet.
Ainsi, selon Gary Loveman, un intermédiaire majeur
disparaît dans l'organigramme de l'entreprise : celui des cadres
moyens dont le rôle de coordination entre les échanges
d'informations en amont et en aval devient beaucoup trop lent. En effet, la
compression du temps oblige à une rapidité accrue en
réunissant plusieurs fonctions en un seul processus et à des
décisions plus promptes pour rester compétitif. Le personnel est
réaffecté pour éviter les pertes de temps dues aux
multiples transmissions de rapports entre les différents niveaux
d'autorité.
A - Suppression du niveau
hiérarchique
Hammer et Champy dans leur ouvrage : « le
rengineering » ont étudié ce phénomène
actuel de restructuration l'escompte d'IBM crédit qui finance les parcs
informatiques des clients d'IBM.
Le nombre de services impliqués dans le traitement des
demandes de financement des clients entraînant un très grand
nombre d'annulations, la direction d'IBM décida alors de supprimer les
cinq (05) bureaux chargés du traitement des dossiers pour le confier
à un seul agent équipé d'un système informatique
suffisamment performant. Le temps de traitement de chaque demande de
financement fut ainsi réduit de sept (07) à quatre (04) heures de
temps.
Ainsi, on assiste à une réduction
considérable des heures de travail et même à la disparition
de certains empois.
B - Certains emplois
menacés
Des emplois de toutes sortes se trouvent menacés
puisque les ordinateurs aident à coordonner les flux
d'activités : vendeurs, gestionnaires de comptes, chauffeurs
routiers, magasiniers, personnel de service d'expédition et de
facturation. A tous les niveaux hiérarchiques disparaissent des
emplois.
Jérémy Rifkin dans la « Fin du
travail »26(*)
mentionne des exemples d'entreprises ayant réduit leur échelle
hiérarchique de manière conséquente :
« Eastman Kodack a fait passer son échelle hiérarchique
de treize à quatre degrés. Intel pour certaines de ses
opérations, a supprimé cinq niveaux sur les dix de son
échelle de commandement.
Section II - Une plus grande
flexibilité du travail
Dans l'univers post-moderne de ce début de
millénaire, le travailleur est confronté à une perte de
repères. Comme le dit Seyries, « nous sommes passés du
dur au mou flou ». En effet, on assiste à la fin du cadre de
travail rigide. C'est le développement du nomadisme (parag.1 ) dont les
limites actuelles se situent sans doute plus dans les têtes que dans les
faits. Ainsi, les évolutions technologiques du travail aboutissent
à une mutation des méthodes mais surtout à un
nécessaire changement des mentalités (parag. 2).
Parag.1 - La multiplication des
lieux de travail : le nomadisme
Le nomadisme implique l'existence de bureaux virtuels qui
entraînent nécessairement des conséquences sur les
travailleurs (A) et aussi un risque de déconnexion de l'entreprise
(B).
A - Le bureau virtuel et
ses conséquences sur les travailleurs
Jérémy Rifkin dans son ouvrage :
« La fin du travail » évoque le développement
du bureau virtuel avec l'apparition des télécopieurs, modems,
ordinateurs portatifs de plus en plus performants, ces derniers permettent de
travailler aussi bien au bureau que chez soi. Ainsi, il cite une étude
de Financial Times selon laquelle, en 2000, 20% de la population active
américaine travaillera au moins partiellement à domicile. Cette
évolution risque de rendre complexe l'évaluation de la
durée effective du travail.
De nombreuses entreprises suppriment d'ailleurs des bureaux
demandant à leur employés de travailler ailleurs, chez eux, dans
les bureaux de leurs clients en voiture ... Ces évolutions sont
diversement acceptées chez IBM par exemple, si certaines apparaissent
plutôt satisfaisantes de leur nouvelle liberté, d'autres
regrettent la diminution des contacts avec leurs pairs et l'esprit de
camaraderie du travail de bureau.
Du travail de bureau à côté de l'employeur
le risque est celui de l'affaiblissement de l'esprit d'entreprise et des
sentiments de loyauté.
B - Un risque de
déconnexion de l'entreprise
On pourrait craindre que le travailleur
déconnecté, la majeure partie du temps sur un plan physique de
l'entreprise, le soit sur le plan des informations qui y circulent. Or
paradoxalement, le travailleur qui se trouve au contact du système
seulement de façon ponctuelle, échappe au brouillage potentiel du
à un flux d'information trop important subi par les travailleurs
traditionnels27(*) .
Le risque de déconnexion de l'entreprise s'opère
principalement par l'usage des télécentres. Utilisés dans
les grands centres urbains, les télécentres sont des locaux
privés ou publics mais à disposition des salariés de
plusieurs entreprises et qui offrent la possibilité de
télétravailler (système de visio-conférence, salle
équipées en multimédia, informatique de réseau,
etc...). situés près des lieux d'habitation des salariés,
ces « bureaux de voisinage » permettant d'améliorer
leur conditions de vie et de travail.
Parag.2 - Un nécessaire
changement des mentalités
Ce changement des mentalités s'avère urgent dans
la mesure où on doit instaurer un climat de confiance (A) dans
l'entreprise car la vie professionnelle est de plus en plus incertaine (B),
ainsi seule ce changement des mentalités pourra libérer les
capacités d'innovation et de création (C).
A - Instaurer un climat de
confiance
Mettre en oeuvre un travail plus flexible implique ces
changements dans le management de l'entreprise, dans son organisation mais
aussi dans l'évaluation de la durée du travail effectif des
salariés. La multiplication des lieux de travail est en effet
incompatible avec une culture de contrôle. La logique de management
privilégiée alors des objectifs plus que la hiérarchie.
Dès lors, il doit régner dans l'entreprise un
véritable climat de confiance pour que s'instaure dialogue et
communication. Les entreprises qui veulent mener succès des
expériences de flexibilité accrue du travail doivent en effet
dissiper chez leurs salariés la crainte du chômage pour stimuler
leur initiative et gagner en performance. C'est ainsi que le travailleur plus
flexible pourra apparaître plutôt comme un élément
redynamisant de l'entreprise.
Selon Bruno Lemaire « entrepreneurs et
Entreprises du 4ème type », faire confiance
aux individus, loin de leur permettre de faire n'importe quoi, doit être
un moyen d'étendre le champ de leurs responsabilités. Ces
derniers peuvent alors exercer leurs compétences, de manière
efficace dans un direction qui privilégie le client.
B - Une vie
professionnelle plus incertaine
Ainsi pour Brunon Lemaire l'intégration de nouveaux
moyens technologiques, fait apparaître un nécessaire changement
d'état d'esprit du travailleur. Il doit se faire à l'idée
que les différentes phases de sa vie professionnelle ne sont pas
forcément toujours prévisibles et qu'une remise en cause
fréquente de ses compétences devra intervenir.
Ainsi, selon Denis Ettghoffer, « La diminution des
emplois fixés à durée indéterminée nous
obligera à vendre des prestations plutôt qu'à rechercher un
travail, ce qui va devenir de plus en plus difficile. Nous assisterons aussi
à la multiplication de la poly ou de la pluri-activité :
nous pratiquerons plusieurs métiers à la fois.
Ainsi dans le « Travail au XXIè
siècle », il montre l'émergence d'une
génération de travailleur polyactifs.
C - Libérer les
capacités d'innovation et de création
Le Chef d'entreprise en particulier doit changer d'attitude
et considérer de plus en plus les autres travailleurs comme des
co-créateurs de son entreprise. En effet, s'effacer devant l'autre
individu loin d'être contre-productif, s'avère parfois le moyen le
plus sûr de libérer leurs capacités d'innovation et de
création.
En outre, gérer une communauté d'individus dans
laquelle l'autorité doit être conquise n'est pas une tâche
aisée. Rares sont les personnes qui y réussissent, car le
succès en la matière exige une alliance de certaines
qualités.
- La passion pour son travail canalise l'énergie qui
constitue le moteur de l'organisation et qui a valeur d'exemple pour les
autres. Mais cette ardeur doit également être alliée
à son contraire, la conscience d'autres univers, car une concentration
trop exclusive peut amener à l'aveuglement, à l'incapacité
de dépasser les limites de notre propre cadre mental. Les grands leaders
trouvent le temps de lire, de rencontrer des gens, d'évaluer dans
d'autres univers différents du cadre spatial où il exerce leur
travail.
- Le dirigeant ou le chef d'entreprise doit avoir l'amour
d'autrui car, dans une collectivité, les individus qui supportent mal
leurs compagnons ne sont jamais suivis volontiers.
Cet attribut, lui aussi, doit néanmoins coexister avec
son contraire, une tolérance à la solitude, car les dirigeants
doivent se trouver constamment aux avant-postes. Il n'est pas toujours possible
de partager ses soucis avec les autres. Rares sont ceux qui remercient le
dirigeant quand les choses vont bien, mais les critiques ne manquent jamais
quand la situation est moins bonne. Les grands patrons sont parfois
obligés de cheminer seuls. Ils doivent également vivre par
procuration, tirer leur satisfaction de la réussite des autres et offrir
à ces derniers la reconnaissance dont ils sont eux-mêmes souvent
privés.
CONCLUSION
C'est le lien commun de dire que les rapports sociaux ont
évolué et que le droit du travail doit donc s'adapter aux
situations nouvelles engendrées par les NTIC. C'est aussi l'occasion de
constater la mouvance de la notion de subordination dont parlait le professeur
J. E. Ray, il y a déjà une dizaine d'année28(*). Dès lors, s'il est
vrai que les NTIC ont permis une plus grande autonomie des travailleurs, il
faut noter que la subordination au sens juridique, reste la même :
les parties étant toujours liées par un contrat de travail et le
salarié devant rendre compte du travail effectué à un
supérieur hiérarchique.
Il est évident que ce dernier n'est plus physiquement
présent à chaque instant, mais il peut toujours contrôler
le télétravailleur. Ce faisant, il est tenu de respecter les
procédures d'information posées par la législation
sociale, en matière NTIC, cette dernière quasi inexistante au
Sénégal, doit être élaboré et insérer
dans le code du travail pour permettre au droit du travail de s'adopter au
capitalisme numérique.
En outre, l'étude de ce thème nous a permis de
comprendre que dans l'univers post-moderne de cette fin de siècle, le
travailleur est confronté à une perte de repères. Comme le
dit Seyries, « Nous sommes passés du dur sur au mou
flou » en effet on assiste à la fin du cadre du travail
rigide. C'est le développement du nomadisme ou de la mobilité
professionnelle dont les limites actuelles se situent sans doute plus dans les
têtes que dans les faits.
Ainsi, les évolutions technologiques aboutissent
à une mutation des méthodes de travail, une refondation de
l'enseignement qui doit correspondre à l'extrême rapidité
avec laquelle évoluent les nouvelles technologies et les demandes des
entreprises de la nouvelle économie et sera d'une grande utilité
pour les pays en développement dont les ressources sont rares et les
besoins immenses.
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE
4
LISTE DES SIGLES
6
INTRODUCTION
7
PREMIERE PARTIE
11
RELATIONS INDIVIDUELLES ET
11
NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
11
ET DE LA COMMUNICATION (NTIC)
11
Section I - la situation juridique du
télétravail leur
12
Parag.1 - Le lien de subordination à
l'épreuve des NTIC : fragilisation ou
renforcement ?
13
A - Les raisons du recours au
télétravail par l'employeur
13
B - Les raisons du recours au
télétravail par le salarié
13
Parag. 2 - Le choix du statut applicable au
télétravail leur : du travail salarié au travail
indépendant
14
Section II - Le pouvoir de direction face
aux droits des salariés : des tentatives
liberticides ?
16
Parag. 1 - La cybersurveillance des
salariés : une atteinte au droit au respect de la vie
privée ?
17
Parag. II - Les questions juridiques
liées au courrier internet au bureau
20
CHAPITRE II - LE TEMPS DE TRAVAIL A
L'EPREUVE DES NTIC
23
Section I - L'incidence des NTIC sur le
durée effective de travail
23
Parag.1 - Peut-on encore mesurer le temps
de travail dans le secteur tertiaire ?
23
Parag. 2 - La question des heures
supplémentaires effectuées par le télétravail
leur
26
Section II - Les incidents dans la
durée de travail à l'ère des NTIC
27
Parag. 1 - La question de la
responsabilité du télétravailleur dans l'accomplissement
de son obligation
27
Parag. 2 - NTIC, Santé et
sécurité au travail
29
A - La nécessité des
règles face à la cyber-dépendance
29
B - Les règles relatives au travail
sur écran.
30
DEUXIEME PARTIE
31
NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
31
ET DE LA COMMUNICATION (NTIC)
31
ET
31
RAPPORTS COLLECTIFS DE TRAVAIL
31
CHAPITRE I - NTIC ET DROIT
SYNDICAL
32
Section I - Les NTIC : Une
exceptionnelle opportunité pour les syndicats
32
Section I - Les NTIC : Une
exceptionnelle opportunité pour les syndicats
32
Parag.1 -Les NTIC : un outil
d'interconnexion des travailleurs nomades
33
Parag. 2 - Le comblement de la fracture
générationnelle et numérique au sein des syndicats par les
NTIC
33
Section II - Liberté syndicale et
utilisation des NTIC
34
Parag.1 - La surveillance éventuelle
des auteurs des connexions
34
Parag.2 - Surveillance éventuelle du
contenu du courriel syndical
35
CHAPITRE II - LE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE
FACE AUX NTIC
37
Section 1 - La nécessité
d'une reconfiguration des entreprises
38
Parag.1 - La capitalisation du savoir
par le knowledge management
38
Parag.2 - La fin des
hiérarchies
40
A - Suppression du niveau
hiérarchique
40
B - Certains emplois
menacés
41
Section II - Une plus grande
flexibilité du travail
41
Parag.1 - La multiplication des lieux de
travail : le nomadisme
41
A - Le bureau virtuel et ses
conséquences sur les travailleurs
42
B - Un risque de déconnexion de
l'entreprise
42
Parag.2 - Un nécessaire changement
des mentalités
43
A - Instaurer un climat de
confiance
43
B - Une vie professionnelle plus
incertaine
44
C - Libérer les capacités
d'innovation et de création
44
CONCLUSION
46
BIBLOGRAPHIE
50
Ouvrages
50
Doctrine
51
BIBLOGRAPHIE
Ouvrages
« Internet pour le droit », Montchrestien
édition 2001.
PVIGELIER C. : « Droit du travail, les
libertés individuelles », édition 2001 Armand Colin.
PVIGELIER C. : « Le pouvoir disciplinaire de
l'employeur », Economica 1997.
RAY J. E. : «Droit du travail et NTIC», 2001
édition liaisons.
RIFKIN Jeremy : « La fin du
travail », La découverte 1995.
« Sept clés juridiques pour
Internet », AFNOR, édition 1998
Périodiques numéros
spéciaux
Droit social juin 1992, « Le droit du travail
à l'épreuve des nouvelles technologies »
Droit social mars 2000, « la loi Auby
II »
Droit social, janvier 2002 (paraître), « droit
du travail et NTIC ».
RAY J. E., «Demain, tous
télétravailleurs», Liaisons sociales / Magazine, Novembre
2002, pp. 64-65.
Rapports
CNIL, Rapport juin 2000 « la cybersurveillance du
salarié », Rapport 28 mars 2001.
CNIL, 22è rapport d'activité 2001, éd.
2002, La documentation Française.
Doctrine
BARTHELEMY J., Temps de travail et temps de repos, l'apport du
droit communautaire, Droit Social Janvier 2001, p. 634.
DEBORD F. Nouvelles technologies de l'information et
protection des libertés des salariés, in les libertés
individuelles à l'épreuve des NTIC, (études réunies
sous la direction de PIATTI Marie Christine), éd. Presse Universitaire
de Lyon (PUL), 2001, pp. 61-107.
FAVENNEC-HERY F., Le temps de repos, Une nouvelle approche du
droit du travail, RJS 12/1999.
RAY J. E., Le temps de travail des cadres, Dr Social, mars
2001.
RAY J. E., Nouvelles technologies et nouvelles formes de
subordination, Dr. Soc., mars 1992, p. 525.
RAY J. E., Droit du travail et NTIC, Droit social, novembre
2001
SOUPIOT A., Les nouveaux visages de la subordination, Dr. Soc.
2000, p. 131.
WAQUET Ph., Le temps de repos, Droit social, mars 2000.
WAQUET Ph., Le Pouvoir de direction et les libertés des
salariés, Droit social, décembre 2000, p. 1051.
Sites Internet
www.cnil.fr Commission Nationale
Informatique et Liberté
www.ilv.org Organisation
Internationale du Travail
www.legalis.net mensuel du droit
de l'informatique et du multimédia
www.tripalium.fr
Législation sociale et ressources humaines
www.insep.com Site de formation
d'In Sep consulting.
* 1 POIGELIER, C. Droit du
travail, les libertés individuelles, éditions 2001. -
Paris : Armand Colin, p. 54.
* 2 L 311-2 du code de la
sécurité sociale, affiliation au régime
général.
* 3 Ainsi, l'arrêt du
23/11/ 2000 à propos d'agents commerciaux indépendants :
« Après analyse des conditions de fait, il apparaît que
ceux-ci travaillaient pour la société, qui mettait à leur
disposition bureaux, téléphone et moyens informatiques et qu'ils
devraient fournir des rapports d'activités hebdomadaires ».
* 4 D. 2000, page 422.
* 5 Texte consultable sur
WWW.cnil.fr.
* 6 WACQUET, Ph. - Droit social,
décembre 2000, p. 1051.
* 7 Cass. Soc. 20 novembre 1991,
Bull. V n° 519.
* 8 Cass. Soc. 20 novembre 1991,
Bull. V n° 519.
* 9 Cass. Soc 20 novembre 1991,
Bull. V. n° 519.
* 10 Cass. Crim. 6 avril
1994.
* 11 Cass. Soc. 16 mars
1909.
* 12 Tribunal. Cass. Paris,
17ème Chambre, Al Baho/Virieux.
* 13 Loi Aubry I, du 13 juin
1998.
* 14 JOS spécial du 9
mars 1970, page 257.
* 15 Chambre sociale 23 janvier
2001.
* 16 Chambre sociale 27
février 2001.
* 17 Tribunal de Travail de
Dakar, 20 juillet 1980, TOM n° 632-1985, p. 394.
* 18 Cass. Soc. 21 novembre
2000.
* 19 Cour de cassation dans un
arrêt du 27 juin 2000.
* 20 Cass. Crim, 5 mars 1992,
Bull crim. N° 101, p. 255.
* 21 Ergostressie vient du
Grec Ergon, le travail physique et
stresse : « l'ergostressie est la combinaison fatigue
physique, fatigue mentale, stress et plaisir ».
* 22 THIBAULT, Bernard. -
« Les outils syndicaux ne sont plus adaptés face à la
vitesse des multinationales et des mouvements politiques ». Le
« Figaro Economie » 5 novembre 2001, p. 2.
* 23 La proposition de la
fédération des Sociétés d'Etudes CGT (
www.soc-etudes.cyt.fr)
indique : « Le contenu d'un message électronique
adressé à une section syndicale ou un syndicat à un
salarié ou à plusieurs salariés est confidentiel et ne
peut être lu, copié, ni transféré à autrui
sans le consentement de l'auteur. Ce message ne peut que d'ordre strictement
syndical. Toute technique utilisant le serveur de message de l'entreprise pour
identifier la provenance des messages, les archiver et les copier sans l'accord
de l'auteur est constitutive d'un délit d'entrava »
* 24 JEMY Rifkin. -
« Fin du travail ». - Paris La Découverte,
1995.
* 25 LEVY, Pierre.
-L'intelligence collective, Paris, La Découverte, 1994 et avec AUTHIER
Michel, les arbres de connaissances, Paris, La Découverte, 1992.
* 26 RIFKIN, Jeremy. -
« La fin du travail ». - Paris, La Découverte,
1995. Il est également économiste fondateur de la Fondation On
Economic Trends Washington.
* 27 Patrick Ducombe . -
« le Télétravailleur, du mythe à la
réalité », Documentation française, mai
1997.
* 28 RAY J. E., «Nouvelles
techniques et nouvelles formes de subordination», Dr. Soc., mars 1992, p.
525.
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