Résumé
La région d'Afrique subsaharienne a longtemps
été absente des analyses économiques et financières
touchant à l'endettement. Le continent le plus touché par les
fléaux de la pauvreté et de la dette n'a, dans les premiers
temps, été considéré que sous l'angle de la
mauvaise gouvernance économique. La responsabilité de sa
situation lui a alors été imputée injustement, compte tenu
de sa dépendance politique1 à l'égard du reste
du monde. Cette unique culpabilité a fait de la zone la première
victime des plans d'ajustement structurel (PAS). Le terme victime est
pesé, tant les pays de cette région sont censurés quant
à leur choix de vie ou leurs choix économiques.
Les PAS, avec une vision strictement marchande de la
croissance et du développement, ne pouvaient ainsi réussir dans
leur volonté de rendre la dette soutenable. Et ils ont même
échoué. Car ils ont oublié que le processus d'endettement
ne peut être enclenché qu'à travers l'interaction de deux
agents ; le créancier, qui offre, et le débiteur, qui demande.
Or, la volonté du Fonds monétaire international (FMI) et de la
Banque mondiale, de gérer le surendettement aux moyens de la rigueur du
comportement public, et de l'extraversion du comportement privé ne peut
aboutir dans une économie sous-développée. Et sans
investisseurs, sans financements internes susceptibles de créer un
véritable marché, et avec aussi peu de moyens publics, l'Etat est
contraint de s'endetter pour développer son pays. Les PAS, loin de
décourager la persistance de cette pratique, l'ont favorisée.
Les initiative en faveur des pays pauvres très
endettés (IPPTE), en 1996 et 1999, puis l'initiative d'allègement
de la dette multilatérale (IADM), en 2005, visant respectivement
à réduire la dette de tels pays puis à annuler leur part
multilatérale (due aux institutions multilatérales à
l'instar du FMI et la Banque mondiale) veulent remédier aux
échecs des premières tentatives de gestion du surendettement
africain. En participant aux Objectifs du Millénaire pour le
développement (OMD), qui souhaitent globalement réduire
l'extrême pauvreté de moitié d'ici seulement huit ans,
elles ont adopté une ligne directrice novatrice. Les PPTE doivent
désormais être assis «sur le siège du conducteur»
afin de mener les réformes qui leur permettront d'absorber correctement
les fonds dégagés par les allègements.
Toutefois, les actes s'éloignent des discours et,
depuis dix ans maintenant, l'initiative PPTE souffre des mêmes limites.
De l'insuffisance des PPTE identifiés, aux allègements trop
marginaux, en passant par des conditionnalités touj ours teintées
d'ingérence par les IFI et touj ours aussi délicates à
mettre en oeuvre, l'initiative PPTE peine à remplir sa mission. Les
résultats positifs ne sont ainsi que de court terme.
Contribuer à la réussite de OMD pour 2015,
à travers le désendettement soutenable de l'Afrique
subsaharienne, suppose alors obligatoirement la construction d'un cadre de
négociation plus équitable, teinté d'un engagement mutuel
à moyen, voire à long terme. Si la responsabilité des
créanciers et les intérêts des débiteurs ne sont pas
officiellement pris en compte, la région ne parviendra pas à un
taux d'endettement soutenable en si peu de temps. Quels que soient les efforts
impliqués, c'est toute l'architecture financière, et plus
largement politique, internationale qui doit être redessinée. La
dette représente un fardeau tel, qu'elle demande l'institutionnalisation
d'une instance spécifique à son égard, capable de
contrecarrer les faiblesses de l'IPPTE. Un tel Tribunal international de la
dette serait en outre en mesure de pallier la partialité des
institutions qui gèrent actuellement le désendettement, d'annuler
les «dettes odieuses », celles contractées aux fins
personnelles des régimes politiques illégitimes aux dépens
de la survie de leurs populations, et de contraindre la participation pleine et
entière de tous les créanciers concernés par le but du
désendettement soutenable.
Ce n'est que par la suite qu'une politique de
réendettement soutenable devra passer pas la saine conjugaison des
performances économiques et du progrès social, dont les
modalités seront cette fois-ci laissées à
l'appréciation du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes.
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