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Le défi du désendettement soutenable en Afrique Subsaharienne: Au-delà de l'Initiative PPTE.

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par Claire Barraud
Université Pierre Mendès France, Grenoble II - M2 recherche Politiques économiques et sociales 2006
  

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2 Les économies d'Afrique, des économies dépendantes pas comme les autres.

Les PPTE africains sont qualifiés d'économies de rente car le surplus (ou rente), lié à la production agricole et à l'aide extérieure, est utilisé pour importer des biens et services, ce qui ne suscite pas d'effets d'entraînement sur les activités productrices. De plus, ladite rente est largement accaparée par les agents proches de l'Etat, avant d'être redistribuée aux réseaux clientélistes ou placée à l'extérieur. L'économie est donc loin de ressembler aux économies occidentales. L'Afrique connaît en outre des déséquilibres à l'intérieur comme à l'extérieur.

A l'échelle interne, les pays sont caractérisés par un blocage de l'accumulation, des déséquilibres financiers et sectoriels. Le blocage de l'accumulation s'explique notamment par le faible taux d'investissement mais aussi un «mal-investissement» (cf. partie suivante), qui plus est avec une forte intensité capitalistique, des distorsions en faveur des secteurs non directement productifs, une faible demande et des contraintes de devises pour les importations de biens essentiels. La stratégie de substitution aux importations n'a pas permis une diversification de la production, des exportations, ni une montée en gamme dans les deux cas. Les pays sont pris au piège de leur spécialisation dans les produits de base. En outre, le seuil d'accumulation des facteurs de production et du capital public permettant de dépasser les trappes à pauvreté n'a pas été atteint. Le capital humain est également sous-utilisé malgré des classes remplies d'élèves. La forme y est mais pas le fond (qualité de l'enseignement par rapport aux débouchés).

Les dysfonctionnements financiers se traduisent essentiellement, outre la segmentation, par un dualisme. Dans l'ensemble, les marchés financiers sont peu développés et peu diversifiés, engendrant alors des coûts de transactions élevés. A côté du secteur financier institutionnel moderne (banque centrale, banques commerciales et de développement) se trouve le secteur dit informel, qui joue un rôle important dans l'allocation des ressources. Durant les années 1970 en effet, l'accès prioritaire aux crédits des institutions publiques (entreprises et Trésor) a évincé le secteur privé. Celui-ci s'est alors tourné vers le crédit informel, de court terme, et la libéralisation financière n'a rien pu faire, compte tenu des «pièges à pauvreté » 7 (cf. infra). Néanmoins, cette notion de pauvreté africaine est très paradoxale. En effet, si les images de famines, de maladies et même les chiffres apparaissent alarmants, il faut savoir que les marchés sont tout de même bien achalandés et bien fournis, et que les filets sociaux (familiaux notamment) et les mécanismes redistributifs fonctionnent en général relativement bien. Parallèlement aux facteurs de pauvreté réelle, il s'agit donc aussi d'un autre mode de régulation. Sociologiquement parlant, les Africains sont globalement ni matérialistes ni individualistes. Ils peinent de fait à comprendre le mode de vie occidental, de la même manière que les occidentaux ont du mal à comprendre le mode de vie africain.

Les déséquilibres sectoriels correspondent surtout à la prépondérance du secteur agricole d'exportation, source d'instabilités et non de croissance. Et pour cause, ce secteur est en perpétuelle crise. Le système colonial avait avant tout misé sur les exportations de produits de base. Or, les facteurs de développement dans ce domaine se sont essoufflés, au moment où le continent devait affronter la concurrence internationale (cf. parties suivantes). Du côté du secteur secondaire, l'industrialisation africaine est très récente, datant des lendemains de la Seconde Guerre mondiale. La valorisation des ressources, la stratégie de substitution aux importations ainsi que le rôle de l'Etat (investissements, politique protectionniste) ont joué un rôle favorable. Néanmoins, ce secteur ne contribue même pas à 10% du PIB. Quant au secteur tertiaire, il reste protégé, souvent en situation de monopole et représente en moyenne 40% du PIB de l'Afrique subsaharienne (ASS) depuis les indépendances.

7 Hugon P., 2003, id., p. 29.

A l'extérieur, la marginalisation de l'ASS se joue surtout au niveau de l'Europe, son ancienne mère. Les indépendances se sont quasiment soldées par un avortement. Les Etats ont dû faire face à de nouvelles dépenses, à la concurrence internationale et à la pauvreté liée à un certain abandon des populations. La machine administrative s'est ainsi emballée et a laissé place à des déficits publics chroniques ainsi qu'à une politique d'endettement, qui ont d'ailleurs causé sa perte.

Les accords préférentiels entre l'Union européenne (UE) et les pays d'Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP)8, qui compensaient partiellement les fluctuations des recettes d'exportations, n'ont pas fait long feu et ce, parallèlement à une demande agricole faible dans les secteurs faisant l'objet de spécialisations. En bref, les PPTE d'Afrique ont toujours subi le rôle de price taker (qui « prend les prix », et non price maker, qui «fait les prix »). Mais parallèlement, les économies africaines restent, elles, polarisées sur l'UE, qui représente plus des deux tiers de leurs zones d'échanges commerciaux et d'origine des capitaux. Les échanges intra-Afrique sont en revanche limités, faute de voies de communication dignes de ce nom et de politiques extérieures coordonnées. Comme le regrette P. Hugon, «l'Europe, pouvant jouer un effet de croissance par sa taille et son degré d'ouverture, s'est progressivement éloignée de l'Afrique ». Les PPTE africains ont alors perdu de leur compétitivité extérieure9, leur poids dans le commerce mondial ayant diminué de plus de moitié entre 1970 et 2000, contrairement à la plupart des pays en développement (PED). Et pour cause, non seulement les PPTE d'Afrique sont concurrencés par les autres PED, asiatiques notamment, mais ils se heurtent en même temps aux obstacles commerciaux des pays industriels (subventions ou barrières « occultes »).

Bien que très dépendants des pays occidentaux, les pays de l'ASS possèdent donc leur propre régulation économique et sociale, une régulation incompatible avec les représentations des agents du Nord. Ces facteurs propres peuvent alors expliquer que la responsabilité de l'endettement excessif leur ait été mise sur le dos. Mais la très forte subordination aux pays occidentaux, et européens surtout, montre à tout point de vue que les politiques économiques mises en oeuvre depuis des siècles ne relèvent pas de l'entière volonté de ces pays.

8Notamment les accords Stabex, pour les produits agricoles, et Sysmin, pour les produits miniers.

9 Hugon P., 2003, op. cit., p. 46. La compétitivité ici évoqué (prix, volume et qualité), soumise àla conjoncture macroéconomique, ne doit pas être confondue avec les avantages comparatifs, à caractère plus structurel, sur lesquels veulent jouer les ajustements structurels.

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