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Le défi du désendettement soutenable en Afrique Subsaharienne: Au-delà de l'Initiative PPTE.

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par Claire Barraud
Université Pierre Mendès France, Grenoble II - M2 recherche Politiques économiques et sociales 2006
  

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2 Allègement insuffisant et absence de retour à la stabilité.

Ces faits sont reconnus par les institutions de Bretton Woods elles-mêmes puisqu'elles estiment qu'« au point d'achèvement, les ratios VAN de la dette aux exportations des PPTE étaient, en moyenne, de 38,9 points de pourcentage supérieurs aux prévisions établies au point de décision »50. Selon les prévisions 2006 du rapport d'avancement, les ratios du service de la dette/exportations après allègements au titre des initiatives PPTE et ADM pour les PPTE africains ayant atteint le point d'achèvement et pour lesquels les données sont disponibles, devraient diminuer jusqu'en 2008 (avec une plus forte baisse après allègement de la dette multilatérale), remonter entre 2009 et 2022, pour amorcer une timide décrue ensuite (voir tableau 10 en annexe p.174)51. Mais en 2004, tous les ratios devaient diminuer, ce qui ne s'est aucunement vérifié (voir les graphiques 11, 12 et 13 en annexe p.175) De plus, les 28,8 milliards de dollars effectivement annulés pour les 19 pays ayant atteint le point d'achèvement jusqu'à l'été 2006 (parmi les 63,2 des 40 PPTE identifiés) ne représentent pas plus du cinquième du stock total de la dette avant la mise en oeuvre de l'initiative. En 2005, les dépenses moyennes affectées au service de la dette ne représentaient plus que près de 3% pour les 19 pays arrivés au point d'achèvement (hors RDC, dont les données sont insuffisantes) selon les IFI.

Selon le rapport 2003 de la plate-forme dette et développement cependant, encore 17 des 27 PPTE ayant franchi le point de décision

49Id,p.58.

50 Comité du développement, 2006, op. cit., p. 12.

51 Id., p. 14.

consacreraient, encore en 2005, plus de 10% de leur budget au service de la dette, voire 20% pour la RDC, la Gambie et la Zambie52. Selon la plupart des analyses indépendantes, «la portée réelle de l'Initiative PPTE est considérablement exagérée par les IFI et les gouvernements du G8. En effet, les probabilités de parvenir à un endettement soutenable sont bien différentes selon que l'ont choisit les taux de croissances estimés par les IFI ou les taux de croissance historiques (voir tableau 21 annexe p.160).

Selon le FMI et la Banque, le Congo par exemple a 84,4% de chances d'atteindre un taux d'endettement soutenable, contre 1,5% selon son taux de croissance historique. Les allégements de dette annoncés par les créanciers ne sont pour beaucoup que des jeux d'écriture comptable portant sur des créances impayables »53. Il existe effectivement trois manières d'appréhender la valeur d'une dett e. La valeur faciale (dite aussi nominale ou contractuelle) représente la valeur de la dette au moment où elle a été contractée. La VAN correspond à la valeur actuelle des flux de remboursements escomptés, actualisée au taux d'intérêt auquel la dette a été contractée. Elle symbolise donc le « montant qu'il faudrait investir aujourd'hui, en tenant compte des intérêts accumulés au taux d'intérêt actuel, pour honorer toutes les échéances de l'emprunt »54. Quant à la valeur de marché, il s'agit de la valeur d'échange sur le marché de la dette, fonction du contexte économique, politique et financier du débiteur. La décote correspond alors à une valeur de marché inférieure à la VAN. Les IFI, qui utilisent la VAN, sont donc régulièrement contredites par les autres utilisations. D. Cohen [2001] fait partie des auteurs qui considèrent que cette méthode néglige la forte probabilité d'un défaut de paiement ou d'un refinancement. Or, les PPTE africains n'auraient de toute façon jamais été en mesure de rembourser l'intégralité de leurs emprunts. Il ne s'agit dès lors que de la régularisation d'une situation de fait puisque « l'illusion comptable» qui affecte (ou fait semblant d'affecter) les créanciers amène les initiatives à annuler des créances impayables. Et Powell [2003] de conclure que les montants d'allègement ne constituent donc pas des ressources additionnelles55. Par exemple, d'après le Trésor des Etats-Unis, «le coût budgétaire effectif de l'annulation des quelques 3,8 milliards de dollars dus aux Etats-Unis par les 22 pays susceptibles de bénéficier

52Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert J., 2004, Plate-forme Dette et Développement, op. cit.,p. 15.

53 Id.

54 Id., p44.

55 Cohen D. 12 mars 2001, in Le Monde et Powell R., 2003, in «Debt Relief, Additionnality, and Aid allocation in Low-Income Countries », IMF working paper, tiré de Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert J., 2004, op. cit., p. 44.

de l'initiative PPTE renforcée serait d'environ 346 millions de dollars », soit onze fois moins56. Quant au FMI et à la Banque mondiale, ils refusent d'annuler leurs créances, faisant supporter le coût des annulations à leurs actionnaires (particulièrement au G8) dont la volonté à long terme reste encore à prouver. En 2002, la Banque n'envisageait de s'engager qu'à hauteur de 4,8 milliards de dollars, alors qu'elle enregistre des profits annuels de 1,5 milliards de dollars. Quant au FMI la même année, sa contribution ne s'élevait qu'à 1,7 milliards de dollars (grâce à la vente d'une partie de son stock d'or), malgré « son magot de quelque 200 milliards »57. Néanmoins, le rapport de Comité du développement 2006 assure que l'IDA envisage maintenant de couvrir ce coût à hauteur de 20%, soit 12,5 milliards de dollars en VAN fin 2005 (à cause du supplément accordé au Rwanda et de l'allègement attribué à la RDC récemment). Par contre le FMI, toujours assis sur quelques centaines de milliards de dollars, n'a relevé sa contribution qu'à hauteur de 5,6 milliards de dollars (soit 9%, pour l'ensemble des 40 PPTE et non seulement ceux ayant terminé la procédure). En outre, ces chiffres ne sont pas, encore une fois, actualisés par la prise en compte des créances impayables.

En plus de l'insuffisante manifeste de l'initiative, beaucoup s'inquiète de l'absence de relais par d'autres mécanismes. Depuis le milieu des années 1990 en effet, les crédits multilatéraux sont en régression sensible, sans qu'aucun autre bailleur de fonds ne soit venu se substituer à cette pénurie. Les prêts multilatéraux ont ainsi reculé de 25% en moyenne entre 1985 et 2000, et jusqu'à 56% pour la Guinée ou la Côte d'Ivoire, voire 64% pour le Nigéria. A prix constants, cette baisse est d'autant plus grande, puisque les nouveaux prêts des institutions multilatérales ont alors perdu plus d'un tiers de leur volume entre 1995 et 2000. Et, toujours en volume, les nouveaux prêts, tous créanciers confondus, ont été divisé par deux. Par conséquent, les transferts nets (remboursements en capital et paiement d'intérêts déduits des nouveaux prêts) sont aujourd'hui négatifs. Qui plus est, les investissements étrangers (IDE et investissements de portefeuille) n'ont pas non plus compensé cette perte, contrairement aux prévisions des IFI. L'essentiel des ressources financières africaines provient donc des dons au titre de l'APD (10 milliards de dollars chaque année, soit 70% des flux nets de ressources) selon les données de 200358.

56 CNUCED, PMA 2000, p. 153-154, extrait de Toussaint E. et Zacharie A., CADTM, 2002, op. cit., p. 101.

57 Id.

58 Blamangin O., 2003, in « L'Afrique sub-saharienne malade de sa dette extérieure », p. 10, www.reseauipam.org/IMG/doc/L_Afrique_malade_de_sa_dette_-_OB.doc

Malheureusement, l'aide publique au développement, calculée par les pays riches, représentait jusqu'à récemment une fonction croissante du taux d'endettement des pays pauvres. L'allègement est encore comptabilisé en APD pour certains pays comme la France, dans une certaine mesure (cf. parties suivantes). Aussi, si l'aide était plus élevée quand le pays était très endetté, cela signifiait qu'avec l'allègement de sa dette, il verrait ses apports au titre de l'APD diminuer d'autant. Aujourd'hui, le caractère additionnel des allègements au titre de l'IPPTE aux mécanismes traditionnels de financement est difficile à évaluer en pratique pour les créanciers bilatéraux59. Ce qui est sûr en revanche, c'est que les allègements au titre de l'IADM ne le sont pas dans le cas de la Banque mondiale. Déjà, celle-ci a économisé 7 milliards de dollars à ce titre en n'incluant dans les allègements que les dettes contractées avant fin 2003 (et non fin 2004 comme le FMI et la BAD). Ensuite, l'AID et la BAD, subissant un manque à gagner au titre de l'IADM, accompagnent leur annulation de la réduction immédiate du montant équivalent d'aides versées par ces institutions au pays concerné. Ainsi, pour chaque dollar de dette annulé, le pays voit diminuer le montant de l'aide qui lui est allouée d'un dollar (« ajustement de l'assistance brute à hauteur du montant annulé dans le cadre du programme de remboursement », selon les termes du G8)60.

Il n'est nul besoin d'aller plus loin dans le détail pour comprendre que ce ne sont pas les initiatives PPTE et d'allègement de la dette multilatérale qui peuvent résoudre le problème du surendettement extérieur en Afrique à moyen ou long terme. Mais l'analyse ne doit pas s'arrêter là. Il convient de fournir des pistes de réflexion sur une orientation possible en vue de pallier les limites des programmes présentés ci-dessus. Néanmoins, si ces pistes sont assez aisément empruntables à l'échelle économique et financière, encore faut-il que la volonté politique suive. Un problème récurrent.

59 CNUCED, 2004, op. cit., p. 66 à 69.

60 Merckaert J., 2006, op. cit., p. 12.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault