Le défi
du désendettement soutenable
en Afrique subsaharienne :
Au delà de l'initiative PPTE
Claire Barraud
Master Recherche Économie Internationale &
Globalisation Spécialité Politiques Économiques et
Sociales Année universitaire 2006-07
Sous la direction de Chantal Euzéby
Remerciements
Ce travail représente l'aboutissement d'une analyse
économique qui s'inscrit dans une perspective citoyenne.
L'enrichissement personnel qui en résulte, non seulement au niveau de la
méthodologie d'analyse et de la rigueur d'écriture, mais surtout
quant à la concrétisation d'un projet qui me tenait à
coeur, me laisse penser que ce cursus universitaire s'achève sur le
sentiment d'accomplissement et d'espoir que j'espérais ressentir en y
entrant, il y a cinq ans.
Je sais maintenant que, quoi qu'il arrive, je continuerai
à «rechercher» ce sentiment de rendement à travers des
travaux tant économiques que sociaux. Et « tout accroissement de
rendement exige un accroissement plus que proportionnel de force» (Gide
C.)
Car la science économique étant une science
humaine, et non une science exacte, le nombre de contre-exemples permettant de
discuter une théorie doit toujours être plus exhaustif et plus
ostentatoire.
Or, je dois ces sentiments et cette volonté en tout
premier lieu à Chantal Euzéby, dont la qualité et la
sincérité des travaux, tout comme celles de professeur et de
directeur de mémoire, sont rares. Sa pédagogie, ses conseils, ses
encouragements, mais aussi ses exigences de rigueur m'ont en effet permis de me
dépasser. J'ai énormément appris, merci.
Je tiens également à remercier
Jean-François Ponsot, qui a pris, sur son emploi du temps chargé,
la peine de me donner ses avis pertinents pour mieux m'orienter. Je regretterai
son absence lors de la soutenance, tant attendue, de ce travail auquel il a
participé.
Je suis également très reconnaissante à
l'égard de Redouane Taouil, qui, peut-être sans même le
savoir, a amorcé en moi une pression positive qui m'a rendue d'autant
plus volontaire à des moments où je commençais à
douter. J'apprécie de m'asseoir sur les bancs de la place Victor Hugo,
c'est apaisant...
Mais pour travailler efficacement, il est tout aussi essentiel
d'être bien entourée au niveau personnel.
Dans ce domaine, je dois exprimer ma gratitude en premier lieu
à Sylvain Briand. Carje n'aurais pas eu le privilège d'avoir une
illustration exclusive en page de couverture, ni ces tableaux et graphiques
soigneusement insérés en annexe, sans lui. Alors je m'excuse
d'abord de l'avoir pressé pour obtenir un tel résultat plus
tôt que prévu, etje le remercie ensuite d'avoir cru en moi avec
ses « gambate ». Je lui dois la mise en page de ce travail.
Je n'oublierai pas non plus l'épaule indispensable de
mon Thierry Romestant. Personne d'autre n'aurait pu aussi bien me consoler, me
rassurer et m'encourager, tout en m'admonestant et en m'enfermant dans ma
chambre pour que je travaille ! Je lui dois la touche humaine de cette
étude.
Merci également à Fanny Romestant et Angie Peho,
sans qui cet écrit contiendrait plus de fautes d'orthographe et de
frappe qu'il ne le devrait. Alors, encore merci à vous d'avoir pris le
temps de relire les différentes parties avant que je ne m'y
atèle. Le gain de temps a été d'autant plus grand.
Enfin, même s'ils sont à 800 kilomètres de
moi et que je ne l'ai pas vus depuis six mois, je remercie mes
grands-mères, ma mère et mon père, sans qui
déjà que je n'aurais pu poursuivre mes études à
l'université, avoir régulièrement des bons produits
réconfortants du sud-ouest, et dont j'avais simplement besoin d'entendre
la voix, même uniquement par téléphone.
Sommaire
Partie I
Les initiatives PPTE:
un premier pas nécessaire vers la gestion du
surendettement africain
Chapitre 1
Du surendettement aux Politiques d'ajustement structurel
des responsabiités partagées
I - Insoutenabilité des dettes africaines, entre mythes et
réalités
II - Choix des mythes par les IFI et échec
consécutif de leur politique d'ajustement structurel
Chapitre 2
Les initiatives PPTE, une ultime tentative
pour alléger le fardeau de la dette
I - Initiatives PPTE, entre mea-culpa des PAS et lutte contre la
pauvreté à travers l'allègement de la dette
II - Des résultats renforcés à court terme
par l'IADM
Partie II
Au-delà des insuffisances de l'initiative PPTE:
l'enjeu d'un véritable engagement mutuel à moyen
terme
Chapitre 3
Un bilan de l'initiative traduisant une simple
rénovation marginale à court terme
I - D'une initiative partiale quant au choix des critères
d'allègement...
II - ... A une solution partielle en matière de
résultats
Chapitre 4
L'enjeu à moyen terme : la nécessité
d'un engagement moral plus que financier
I - Un simple « désenrichissement » partiel des
créanciers...
II - ... Indispensable à la modeste survie des
débiteurs
Table des matières
Introduction 11
Partie I. Les initiatives PPTE:
un premier pas nécessaire vers
la gestion du surendettement africain 22
Chapitre 1.
Du surendettement aux Politiques
d'ajustement structurel:
des responsabilités partagées 24
I - L'insoutenabilité des dettes africaines:
entre mythes et réalités 24
A/ Les spécificités historiques
et économiques des pays d'Afrique:
une analyse indispensable et pourtant trop rare 24
1. Généralités sur les PPTE africains,
une histoire propre malgré la subordination 24
2. Les économies d'Afrique,
des économies dépendantes pas comme les autres
27
B/ Les causes de la commotiondes dettes africaines:
un bilan trop longtemps clairsemé 30
1. Les causes endogènes:
une histoire de mauvaise gouvernance 30
2. Les causes exogènes:
une histoire de mauvaise ingérence 32
II - Choix des mythes par les IFI et échecs
consécutifs
de leurs politiques d'ajustement structurel 35
A/ Unique responsabilité des débiteurs
et unique voie théorique empruntable 35
1. Les mesures courantes
de stabilisation théoriquement prioritaires 36
2. Les mesures à caractère plus structurel,
essentielles en théorie 38
B/ « La grande désillusion » 41
1. Des spécificités africaines
invalidant la théorie des PAS 41
2. Des cas concrets d'autant plus éloquents 45
Chapitre 2. Les initiatives PPTE:
une ultime tentative pour alléger
le fardeau de la dett e extérieure 50
I - Initiatives PPTE, entre mea-culpa
des PAS et lutte contre la pauvreté
à travers l'allègement de la dette 50
A/ La prise en compte du poids des ajustements
et de la dette sur la pauvreté, enfin 51
1. Des limites des conditions de Lyon
aux exigences de Cologne:
le renforcement de l'initiative 51
2. L'éligibilité du pays pauvre
surendetté
en tant que PPTE officiel 54
B/ Un programme « en phases»
avec le pays bénéficiaire et sa population:
une démarche très attendue 57
1. Du Document de stratégie de réduction
de lapauvreté aupoint d'achèvement... 57
2. ... Avec un passage obligatoire
par la période intérimaire 60
II - Des résultats renforcés à court
terme
par l'Initiative d'allègement
de la dette multilatérale (IADM) 62
A/ L'IADM, un complément
bienvenu de l'initiative PPTE 63
1. Un allègement supplémentaire
pour les pays ayant att eint le point d'achèvement 63
2. Des implications non négligeables 65
B/ L'ampleur et les impacts
des allègements consentis : un début prometteur
68
1. Les allègements en chiffre:
la présence d'une bonne intention de départ 68
2. Les impacts sur les variableséconomiques et
sociales:
prémices d'un assainissement 70
Partie II. Au-delà des insuffisances
de l'initiative PPTE : l'enjeu d'un véritable
engagement mutuel à moyen terme 74
Chapitre 3. Un bilan de l'initiative traduisant
une simple rénovation marginale à court terme 76
I - D'une initiative partiale
quant au choix des critères d'allègement... 76
A/ La partialité du choix des économies
récipiendaires 76
1. La définition des pays pauvres en question
et les changements occasionnés par son
élargissement 76
2. La solvabilité et la soutenabilité de la
dette:
deux approches conceptuelles différentes... 79
B/...Pesant de tout leur poids sur l'éligibilité
des économies au bénéfice de
l'allègement 81
1. La construction d'un indicateur complémentaire 81
2. ...Démontrant la nécessitéd'un
élargissement
du nombre de bénéficiaires 84
II - ... Aune solution partielle en matière de
résultats 87
A/ Entre exhumation et réelle
immortalité des conditionnalités 87
1. Un processus PPTE semé de conditions 87
2. Un processus participatifde fait biaisé 91
B/... L'insoutenabilité de la dette
comme limite des PAS et de l'Initiative PPTE 94
1. La lenteur de la procédure et l'irréalisme des
projections 94
2. Allègement insuffisant et absence de retour à
la stabilité 97
Chapitre 4. L'enjeu à moyen terme:
la nécessité d'un engagement
moral plus que financier 101
I - Un simple «désenrichissement»
partiel des créanciers :101
A/ Le respect indispensable
de toutes les modalités d'engagement 101
1. L'enjeu crucial de l'additionnalité des aides 101
2. Un engagement à long terme essentiel
de la part de tous les créanciers 105
B/ La nécessité d'un cadre
de négociations désormais équitable 108
1. La réforme des marchés financiers
et la création d'un marché spécifique aux
PED 108
2. L'instauration d'une législation
et d'un Tribunal international de la dett e 111
II -... Indispensable à la modeste survie des
débiteurs 114
A/ L'annulation totale et inconditionnelle
des «dettes odieuses » : un préalable
obligatoire 114
1. Une identification des « dettes odieuses » 115
2. ... Nécessaire àleur annulation 117
B/ Au-delà des mécanismes de restructuration:
quelques pistes pour des politiques
de réendettement soutenable en Afrique 120
1. L'atteinte de la « deficit duration»
et la bonne gouvernance économique 121
2. Vers une bonne gouvernance sociale 124
Conclusion 127
Liste des annexes 134
Annexes 137
Glossaire 179
Bibliographie 191
«C'est vrai qu'il y avait une tendance au FMI, il y a une
dizaine d'années, à croire qu'il y avait une réponse
universelle. Qu'un modèle de développement qui avait bien
fonctionné dans une partie du monde était nécessairement
transposable, tel quel, partout ailleurs. De là découlaient des
programmes qui prêtaient trop peu d'attention aux conséquences
concrètes pour les populations des pays concernés. Il faut le
dire, ils étaient élaborés par des technocrates - souvent
américains - qui se montraient tout à fait indifférents
aux conséquences de leurs plans sur le terrain »1. Or,
«ce que l'on fait pour les autres sans les autres, c'est contre les autres
»2. Pour toute ces raisons, c'est un véritable
procès international qui sera intenté contre le Fonds
monétaire international (FMI) et, dans une moindre mesure, contre la
Banque mondiale durant les années 1990. L'insurrection
générale se fera en outre contre les conséquences sociales
des plans d'ajustement structurel (PAS), menés par les deux institutions
financière internationales (IFI), à la suite de la crise de la
dett e qui débute en 1982.
En 1982 en effet, lorsque le Mexique se déclare
publiquement insolvable, c'est toute la communauté financière
international qui panique, et le poids des IFI qui se décuple.
L'incapacité d'honorer ses dettes pour un pays émergent tel que
le Mexique risque alors de déstabiliser le système financier
international. Or, il appartient justement au FMI, depuis sa création en
1944 à la Conférence de Bretton Woods, de veiller à la
stabilité du système monétaire et financier mondial. Son
influence, en régression constante depuis l'éclatement du
système de Bretton Woods, va alors bénéficier d'un
renforcement considérable, parallèlement à la
réorientation de ses missions. Le système de Bretton Woods avait
en effet instauré un système de changes fixes, appelé le
Gold exchange standard dans la mesure où désormais, seul le
dollar pouvait être convertible en or, tandis que le cours des autres
monnaies était indexé sur lui (et non plus directement sur celui
de l'or). L'or n'est alors plus qu'un étalon indirect, compte tenu du
rôle (prépondérant) d'intermédiaire du dollar.
Néanmoins, les crises économiques et financières à
répétition qui surviennent entre 1950 et 1970 vont rapidement
déstabiliser le cours du dollar car aucun contrôle sur la
quantité de dollars émis n'a été instauré.
De fait, des quantités importantes de la monnaie étalon la plus
demandée errent sur la scène mondiale, suscitant alors une
inflation généralisée. Face à l'irréalisme
des varia-
1 Maystadt P., ancien président du Comité
intérimaire du FMI (aujourd'hui dénommé Comité
monétaire et financier international) de 1993 à 1998, extrait de
Millet D. et Toussaint E., 2002, « 50 Questions 50 Réponses sur la
dette, le FMI et la Banque mondiale », éd. Syllepse, p. 111.
2 Proverbe touareg.
tions du cours du dollar, les Etats-Unis décident donc,
le 15 août 1971, d'abandonner unilatéralement la
convertibilité du dollar en or. Dès 1973, après avoir
tenté de maintenir tant bien que mal les parités fixes, un
système de changes flottants est instauré, puis
entériné par les accords de la Jamaïque (1976). Or, le FMI,
qui devait veiller au respect des parités dans les marges
définies, perd de fait la majeure partie de sa substance.
Mais les instabilités qui prévalaient dans la
fixité ne sont toutefois pas éradiquées par le flottement
des monnaies, et vont même contribuer à la crise la dette. Les
deux chocs pétroliers, en 1973 et 1979, qui se traduisent en
l'occurrence par une forte augmentation des prix des matières
premières (un quadruplement en 1973), accroissent
considérablement les recettes d'exportations pour les pays producteurs
et exportateurs de pétrole. Ces recettes, exprimées à
l'extérieur en pétrodollars, vont être placées dans
des banques occidentales qui vont à leur tour les investir sous forme de
prêts en faveur du Tiers-Monde, à taux d'intérêt
très faibles (l'inflation prévalant toujours). Toutefois, la
bonne humeur des banques occidentales, tout comme celle de la Banque mondiale
d'ailleurs, ne se propage pas sur tous les pays riches. Les Etats-Unis
notamment, mais aussi la plupart des pays du Nord, inquiets vis-à-vis de
l'inflation galopante, opèrent un revirement très libéral,
dont les effets se font encore sentir aujourd'hui.
En effet, lorsque la Réserve fédérale
américaine décide une forte augmentation des taux
d'intérêt, ce sont tous les emprunts contractés en dollars
qui voient leur service grimper d'autant. Et lorsque les chocs
pétroliers provoquent le repli des économies
industrialisées, c'est le cours des matières premières qui
s'effondrent, emportant dans son sillage les exportations dont sont tributaires
les pays du Sud. Les mêmes exportations qui servaient à rembourser
les dettes.
Dans ces conditions, le FMI est alors chargé par ses
actionnaires d'assurer la solvabilité des débiteurs en
défaut de paiement. Et ces débiteurs sont de plus en plus
nombreux. La Banque mondiale, elle aussi, voit sa mission prendre du poids,
mais sans pour autant en changer. Chargée, également depuis 1944,
d'accorder des prêts à taux préférentiels aux
économies, pauvres pour la plupart, en besoin de financement, elle
continue d'assurer ses fonctions auprès d'un nombre croissant de
bénéficiaires. Dans le cadre de l'insoutenabilité des
dettes des pays en développement, c'est l'IDA3 (International
development association) qui vajouer le premier rôle au sein du groupe de
la Banque.
3 Ou AID, Association internationale de développement.
Le nombre de bénéficiaires de ces aides, sous
forme de prêts, augmente car l'Amérique du Sud n'est pas le seul
continent à être touché par l'insolvabilité. En face
en effet, le continent africain, surendetté et très pauvre, est
également affaibli par le fardeau croissant de sa dette
extérieure publique. Les Etats africains, notamment ceux d'Afrique
subsaharienne4 (située en dessous de la frontière du
Sahel, voir carte 1 en annexe p.1 37) qui ont emprunté à
l'extérieur, ne subis sent pas directement la crise de la dette, mais
sont néanmoins très affectés par les causes qui l'ont
induite. Peu susceptibles de fragiliser le système financier
international, ils ne feront donc malheureusement pas l'objet
d'inquiétudes de la part des bailleurs de fonds jusqu'au milieu des
années 1980. Pourtant l'encours total de la dette de l'Afrique
subsaharienne s 'élève à 104, 676 milliards de dollars
entre 1980 et 1989, alors qu'il ne représentait «que » 21, 859
milliards entre 1970 et 1979 (voir tableau 1 annexe p.139), soit un
quintuplement entre les deux périodes. Ce fardeau croissant a en outre
plusieurs causes, toutes interdépendantes.
L'Afrique est spécialisée, depuis le temps des
colonisations, dans les exportations de produits de base. Elle est donc
favorisée par la hausse des prix des matières premières
issue des chocs pétroliers, mais va utiliser les recettes d'exportations
à très mauvais escient. Si bien que lorsque les cours rechutent,
elle n'a alors plus suffisamment de fonds pour rembourser ses prêts en
monnaie étrangère, et ne peut parvenir à relancer ses
exportations pour faire rentrer les dollars nécessaires au
désendettement. Parallèlement, le contexte est à
l'endettement. Tous les pays en développement (PED) sont incités
à s'endetter, auprès des pays riches surtout, car l'endettement
est al-ors considéré comme une source de développement.
Or, dans le cas africain, le seul pilier de développement,
constitué par les ressources en matières premières, est
trop instable. Dès lors, il ne peut l'aider à sortir d'une telle
spirale de la dette, qui devient de plus en plus infernale avec l'augmentation
des taux d'intérêt décidée unilatéralement
par les pays du Nord. La dette triple donc du jour au lendemain. Mais les
mêmes dettes auparavant viables méritent une explication quant
à leur origine. Car l'accès à des fonds de
développement ne constitue qu'une infime raison de l'endettement, dans
le cas africain en l'occurrence. Dans le contexte de la Guerre froide, une
grande partie de
4 Groupe des pays industrialisés les plus influents au
monde, composé des États-Unis, du Japon, de l'Allemagne, du
Royaume-Uni, de la France, de l'Italie et du Canada. La Russie est, depuis
2003, membre à part entière du groupe désormais
appelé G8.
l'endettement est effectivement due aux prêts
accordés pour corrompre les gouvernements, qu'il s'agisse des banques
commerciales du Nord, des Etats alliés des Etats-Unis, ou de la Banque
mondiale. Parallèlement qui plus est, ces gouvernements n'ont pas besoin
d'être corrompus puisqu'à l'époque, une grande partie de la
région évolue soit sous les dictatures, soit sous des
régimes de conflits armés. Les démocraties effectives donc
sont rares, et les détenteurs du pouvoir peuvent endetter leur pays dans
leur seul intérêt personnel, puisque les créanciers se
soucient peu de la destination des fonds prêtés.
Cette réalité de l'histoire sera cependant
troquée contre la seule version d'une mauvaise gestion des fonds publics
conjuguée à l'incapacité des pays à faire face aux
aléas conjoncturels mondiaux. Et en changeant l'intrigue, ce
scénario va aussi changer le dénouement. Car si l'intrigue repose
sur l'unique culpabilité du débiteur, le dénouement
requiert alors réparation, parsemé toutefois d'actes
généreux des créanciers. En effet, ces derniers,
conscients que l'Afrique ne dispose pas des ressources nécessaires pour
honorer ses dettes, vont lui accorder quelques restructurations, sous condition
d'application de programmes d'ajustement structurel (PAS) sous l'égide
des deux IFI.
Les premières tentatives de gestion du surendettement
n'ont donc jamais posé la question d'un gel ou d'annulation des dettes,
mais seulement d'un rééchelonnement puisque les créanciers
estimaient que le problème n'était que passager. Le plan
Brady5, de 1989, entérine la nécessité des
mesures d'assainissement des économies en échange d'une
réduction des dettes commerciales. La plupart des pays pauvres africains
ne pourront en bénéficier, car leur dette est surtout
bilatérale et multilatérale dans la mesure où ils se sont
surtout endettés auprès d'autres Etats et des organismes
multilatéraux, comme la Banque mondiale et le FMI. En revanche, ils
auront droit aux politiques d'ajustement structurelles (PAS).
Or, leur application convenable par le pays conditionne non
seulement le décaissement des crédits et des facilités
d'ajustement structurel (CAS et FAS) de la Banque mondiale et du FMI, mais
aussi la qualité des négociations pour les différents
allègements de dettes. Car les facilités accordées par les
IFI, qui financent les réformes d'assainissement, ne sont
décaissées qu'en fonction de l'état d'avancement des PAS.
De même, le Club de Paris, qui réunit les grands créanciers
publics bilatéraux restructurant leurs créances, ne
procède à des allègements que
5 Du nom du secrétaire américain au Trésor
de l'époque.
si le FMI émet une opinion favorable sur le
débiteur. Pendant la grande période des PAS, de 1980 à
1996, c'est le Groupe des 76 (G7) qui définissait les termes
des allègements dont pouvaient bénéficier les pays. Et au
fur et à mesure des sommets du G7, les allègements deviennent de
plus en plus conséquents (voir tableau 2 en annexe p.140). Car il faut
dire que parallèlement, les pays endettés devaient emprunter touj
ours plus pour rembourser les premiers crédits. Malheureusement, une
telle spirale a rendu l'encours total des dettes souveraines (dites aussi
dettes extérieures publiques) bien supérieure aux
allègements concédés, même dans les meilleurs
conditions.
Pourtant, les PAS étaient supposés permettre le
retour à la stabilité de la dette grâce à des
politiques économiques rigoureuses et aux forces du marché. Les
dix grandes conditionnalités des PAS, qui précisent les types de
politiques à mettre en oeuvre, résultent en l'occurrence du
fameux Consensus de Washington. La célèbre expression,
utilisée en 1989 par John Williamson pour définir les mesures
prônées par les deux IFI basées à Washington,
résume alors, en dix points, comment l'Etat doit abandonner correctement
ses prérogatives à un secteur privé plus apte à les
prendre en charge.
Le but de telles politiques est en effet de freiner les
dépenses des Etats et d'augmenter leurs recettes afin d'honorer leurs
dettes. La rigueur budgétaire et monétaire servait alors à
réduire les dépenses, pendant que le développement du
marché devait se charger de ramener les recettes.
Ce qui parait simple en théorie peut en fait
s'avérer très compliqué à mettre en oeuvre et peut,
qui plus est, échouer. Ce fut le cas, surtout parce qu'aucune de ces
mesures n'a été correctement adaptée au contexte
prévalant dans le pays bénéficiaire. Elles devaient toutes
être appliquées en bloc, en tout lieu et en tout temps, quel que
soit le stade de développement ou les moyens de l'économie. Une
telle abstraction des spécificités a naturellement donné
lieu à des résultats mitigés, voire catastrophiques
puisque, en moyenne, huit cas sur dix ont constitué un échec. Et
cet envasement a malheureusement prévalu à tous les niveaux.
Les PAS ont surtout suscité des émeutes
sociales, tant la pauvreté s'accroissait dans des pays où elle
aurait dû diminuer. Et pour cause, le marché n'a pas
été capable de remplir son rôle de moteur de
6 Groupe des pays industrialisés les plus influents au
monde, composé des États-Unis, du Japon, de l'Allemagne, du
Royaume-Uni, de la France, de l'Italie et du Canada. La Russie est, depuis
2003, membre à part entière du groupe désormais
appelé G8.
croissance dans des économies aussi peu attractives
pour les investisseurs étrangers. La seule promotion du secteur
privé ne pouvait suffire à les attirer, en l'absence d'un cadre
institutionnel cohérent. De l'autre côté, le seul secours,
que représentait l'Etat, était dépossédé de
ses prérogatives essentielles. Par conséquent, de manière
générale, la rigueur budgétaire a freiné le rythme
de dépenses sociales, déjà bien maigres, pendant que la
libéralisation financière permettait aux capitaux de s'enfuir
dans des banques du Nord bien plus rémunératrices. Les
gouvernements «résiduels » n'ont alors eu d'autres choix, face
à la stagnation économique, à la régression sociale
et au manque de financements, que de continuer à s'endetter
auprès des créanciers bilatéraux et multilatéraux.
La dette souveraine a donc continué à augmenter, tout en devenant
majoritairement multilatérale et bilatérale.
De fait, sans marché, sans Etat, sans croissance, et
avec un tel encours de dette, la situation était devenue très
grave. Tellement grave que la société civile internationale s'est
emparée de l'affaire pour faire pression sur les institutions
multilatérales. Sa colère a porté ses fruits puisque le
G7, lors du sommet de Lyon en 1996, a lancé l'initiative en faveur des
pays pauvres très endettés (IPPTE). Après l'aval des IFI,
l'initiative a été saluée dans la mesure où elle
constituait un aveu implicite de l'échec des plans d'ajustement et, plus
largement des conseils des institutions.
Pour la première fois, l'allègement de la dette
est au coeur des préoccupations, et donc d'autant plus
conséquent. Mais ce n'est pas, à proprement parler, la dette qui
inquiète tant, mais l'accroissement de la pauvreté en Afrique
subsaharienne, dans la lignée de la montée des
inégalités sur la scène mondiale. Car, bien
évidemment, la plupart des PPTE identifiés se trouve en Afrique
subsaharienne (voir carte 2 annexe p.13 8). C'est dans cette même optique
que l'initiative est réformée trois ans plus tard, au sommet de
Cologne. Le nouveau dispositif, appelé Initiative PPTE renforcée,
adoucit les critères d'admissibilité et renforce le montant des
allègements afin d'identifier davantage de pays pauvres très
endettés, d'améliorer l'efficacité des remises de dette et
de lutter plus activement contre la pauvreté. Dans cette dernière
ambition, l'allègement est directement tributaire de la capacité
du pays à combattre ce phénomène, grâce aux
nouvelles conditionnalités et aux nouvelles aides financières.
Les noms des instruments sont alors modernisés. Le Document cadre de
politique économique (DCPE), qui prévalait au temps des PAS, est
remplacé par le Document stratégique de réduction de la
pauvreté (DSRP). De même, les facilités d'ajustement
structurel (FAS), devenues en 1987 la facilité d'ajustement structurel
renforcée
(FASR), troquent leur nom contre celui de Facilité pour
la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC). La
lutte contre la pauvreté est donc au coeur du débat. Et pour
cause, la seconde initiative s'inscrit dans l'ambition des Objectifs du
Millénaire pour le développement (OMD), publiquement
définis en 2000. En effet, ces huit objectifs doivent notamment
permettre de réduire l'extrême pauvreté de moitié
d'ici 2015. Les IFI, dans leur vision financière de la pauvreté,
mettent naturellement en avant l'allègement de la dette pour atteindre
ce but. Or, comme une part importante des dettes est constituée par des
créances multilatérales, celles-ci rentrent en exclusivité
dans le processus d'allègement. Car les créanciers
multilatéraux (notamment la Banque mondiale, le FMI et la Banque
africaine de développement7) n'avaient jamais consenti
à réduire leurs créances dans la me sure où le
remboursement des prêts en permet justement d'autres. L'effort financier
est donc bien présent et constitue, peut-être aussi, une forme de
reconnaissance du partage de la responsabilité dans le processus
d'endettement.
Il s'agit donc, pour les institutions financières
multilatérales et leurs actionnaires, de lutter activement contre la
pauvreté en renversant l'affectation des dépenses publiques.
Celles-ci doivent en effet se concentrer sur les dépenses sociales, et
non plus sur le service de la dette. Et si les PAS demeurent, leur but doit
être réorientée. De fait, les pays admissibles doivent touj
ours traverser une période, dite intérimaire, de mise en oeuvre
de conditionnalités pour bénéficier d'un allègement
de leur dett e au titre de l'initiative PPTE. Mais les conditionnalités
changent. Il s'agit désormais de savoir si l'économie est apte
à absorber convenablement les fonds dégagés par
l'allègement, et non plus de confier leur développement au seul
marché. Par conséquent, seul le service de la dette
(composé du principal et des intérêt) est réduit
pendant la mise en oeuvre des conditions, tandis que le stock (le montant
total) doit attendre le point d'achèvement de l'initiative. Ce point
symbolise en outre la réussite du programme, et ouvre droit à
l'allègement défini préalablement.
Outre l'effort relatif aux montants diminués, les IFI
accordent pour la première fois aux récipiendaires le droit de
lister eux-mêmes lesdites conditions. Il s'agit d'une avancée
importante puisque désormais, l'Etat est réhabilité en
tant que décideur politique, et les populations sont elles aussi
impliquées. Le processus participatifpermet ainsi de définir un
cadre de négociations multilatérales. Les IFI se contentent
7BAD.
de conseiller et d'entériner le DSRP , mais celui-ci
est maintenant rédigé démocratiquement.
Les impacts de l'initiative seront alors importants, mais pas
suffisants. Dans ces conditions, le G8 décide, au sommet de Gleneagles
en 2005, d'annuler immédiatement les créances
multilatérales dès l'atteinte du point d'achèvement. Le
dispositif afférant, l'Initiative d'allègement de la dette
multilatérale (IADM), a beaucoup surpris les plus pessimistes. Car
celle-ci ne suspend l'allègement à aucune conditionnalité.
L'absence de procédure rend l'addition des allègements
simultanée et donc d'autant plus importante pour le pays
bénéficiaire.
Car il est vrai que l'impact de tout cet arsenal s'est fait
rapidement sentir. Les ratios d'endettement, mesurant le poids de la dette sur
une variable clé de l'économie (comme les recettes d'exportations
ou les finances publiques), ont tous chuté pendant que les
dépenses en faveur de la lutt e contre la pauvreté (notamment
celles relatives à l'éducation et à la santé)
prenaient effectivement le contre-pied des dépenses affectées au
service de la dette. Les prémices de la réussite ne se sont
cependant pas éternisées. Les bilans ont malheureusement
montré que la dette ne restait pas suffisamment soutenable pour
atteindre les OMD à temps. L'initiative PPTE ne peut donc
concrétiser l'idée d'une dette supportable qu'à court
terme. En pour cause, les limites qui lui sont connues depuis dix, en termes
quantitatifs comme qualitatifs, sont demeurées présentes. Il est
vrai que l'initiative PPTE, qui conditionne également l'annulation de la
dette multilatérale au titre de l'IADM, n'inclut pas suffisamment de
pays pauvres très endettés. Les critères
d'admissibilité, tenant à la pauvreté comme à la
dette insoutenable, sont trop en effet restrictifs.
Pour les PPTE identifiés, la phase intérimaire,
dans laquelle les programmes d'assainissement des finances publiques et de
lutte contre la pauvreté sont appliqués, est souvent trop longue
en raison de la rigueur des conditionnalités. Car celles-ci doivent
suivre un plan tout de même établi à l'avance, du moins
implicitement, par le FMI et la Banque. La difficulté de mise en oeuvre
qui prévalait au temps des PAS, tout comme la supervision
omniprésente des IFI, se reconnaissent encore dans l'initiative. De
fait, non seulement la participation des populations n'est pas effective, mais
beaucoup de pays restent bloqués dans la phase intermédiaire, ce
qui retarde d'autant plus les allègements, parfois urgents.
Cette rigueur n'est toutefois pas autant ressentie dans les
projections des IFI, permettant d'estimer l'avenir économique des pays
pour définir le montant des allègements nécessaires. Elle
est également ab-
sente de la définition pertinente d'une dette
soutenable. Car mesurer une dett e en valeur actuelle nette (VAN) ne fait
qu'actualiser le montant des annuités (intérêts et
principal remboursés chaque année) restant à payer au taux
de marché des annuités en vigueur à la date de
l'actualisation. Or, un tel critère ne prend pas en compte la
décote d'une créance sur le marché de la dette. Car, cette
décote traduit en outre la valeur de la dette par rapport à sa
possibilité de paiement. Et dans le cas des PPTE, les
possibilités de paiements sont faibles, et le marché le sait. Par
conséquent, la valeur de marché, souvent bien inférieure
à la VAN, traduit la véritable valeur du titre. Une dette
surestimée vaut un allègement réel d'autant moins
important. La VAN ne fait donc qu'actualiser une situation de fait en
permettant d'alléger des créances dans tous les cas
irrécouvrables. Enfin, l'avenir économique des PPTE est un peu
trop «rose » selon les pronostics des IFI, de sorte que les
allègements opérés sont bien en-deça de ce qu'ils
devraient être. Si les IFI pensent qu'un pays s'apprête à
connaître une forte croissance (du PIB8 ou des exportations)
sur les dix prochaines années, elles considèrent alors que ce
pays pourra sans trop de problèmes rembourser une partie d'autant plus
importante de sa dette. Dans ces conditions, le montant de la remise de dette
est réduit, au prorata de l'optimisme des projections. La
réalité étant tout autre, les niveaux d'endettement
redeviennent insoutenables à moyen, voire même à court
terme.
L'initiative connaît en outre d'autres problèmes
plus compliqués à résoudre que par le seul fait
d'augmenter les montants d'allègement ou le nombre de PPTE
déclarés, ou encore de laisser effectivement les populations
avoir le dernier mot quant aux conditionnalités à appliquer. Elle
relance effectivement la question de l'établissement d'un cadre de
négociation équitable pour la restructuration de la dette
souveraine des PPTE. Déjà, un tel cadre ne peut être
construit sans l'additionnalité des allègements aux autres formes
d'aides plus traditionnelles, comme l'aide publique au développement
(APD), notamment. Car des allègements comptabilisés en APD se
traduisent par une réduction des montants d'APD au prorata de ceux des
allègements. Or, c'est là la pratique comptable de quelques pays,
dans une certaine mesure. De plus, si la plupart des PPTE africains subit les
effets d'une dette à long terme avant tout bilatérale et
multilatérale, certains doivent encore rembourser des montants
très élevés à des créanciers commerciaux.
Or, malgré les demandes répétées des IFI,
très peu parmi ces derniers participent
8Produit intérieur brut.
à l'initiative, tandis que beaucoup attendent les
allègements pour réclamer leur dû. Le dilemme se pose donc
en matière d'engagements à long terme pour les participants, et
d'engagement «tout court» pour les non-participants.
Mais au-delà, le dilemme reste entier quant à
une option de désendettement soutenable puis de réendettement
viable en Afrique subsaharienne. L'initiative a voulu poser la première
pierre d'un cadre de négociation plus favorable au débiteur que
celui qui prévalait par le passé. Elle n'est cependant pas
allée au bout de sa logique puisque l'édifice n'est même
pas encore en travaux. Or, de nombreuses propositions pertinentes en la
matière tentent de se faire entendre depuis des années. La plus
ancienne et en même temps la plus actuelle est celle demandant que les
marchés financiers soient davantage réglementés. Cela
permettrait aux PPTE y ayant accès de se financer prudemment. Pour les
autres, un marché financier beaucoup sûr serait
créé. Certains titres seraient donc proscrits et la transparence
serait davantage de mise. Les solutions relatives à un tel
contrôle ne manquent pourtant pas. D'une réglementation
prudentielle pour les banques commerciales, à la création d'un
Tribunal international de la dette, en passant par une coopération
active des Etats, dont la finalité serait l'instauration d'une taxe sur
les transactions monétaires, les acteurs n'ont que l'embarras du choix.
Or s'il est vrai qu'une taxe de type Tobin9 pose le problème
de la nécessaire unanimité des Etats, afin que les monnaies ne
puissent se réfugier dans les territoires non taxés,
l'idée de l'institutionnalisation d'un Tribunal mondial de la dette ne
requiert pas autant d'efforts. Même si certains Etats refusent
d'être soumis à la législation internationale
afférente, celle-ci s'applique au moins pour ceux qui l'ont
acceptée. Les pays pauvres sauraient de fait à quel
créancier s'adresser.
Par ailleurs, le caractère rétroactif de ladite
loi pourrait largement contribuer au désendettement soutenable et
mérité de certaines populations. Car les «dettes
odieuses» en l'occurrence font parfois l'objet d'annulations tout aussi
«odieuses» compte tenu de leur caractère arbitraire. Si la
notion correspond à des dettes contractées aux seuls fins de
régimes totalitaires, et donc illégitimes, au détriment
des populations qui en subissent le remboursement aux dépens de leur
survie, alors il est aberrant que seuls quelques pays, comme l'Irak en 2003,
aient eu droit à une annulation. Pour tous les pays qui honorent la
mégalomanie de leurs anciens dictateurs depuis des années aux
dépens de
9 La taxe Tobin, suggérée en 1972 par le
lauréat du «prix Nobel d'économie » James Tobin,
consiste en une taxation des transactions monétaires internationales
afin de décourager la spéculation. Le taux choisi serait faible,
de 0,05 % à 1 %.
leur développement, en Afrique subsaharienne notamment,
la «dett e odieuse » doit être annulée.
Il semble à l'heure actuelle que les Etats ne soient
pas disposés à rendre justice à ces pays. Il est dans ces
conditions nécessaire de la faire appliquer par une instance impartiale,
tel que le Tribunal international de la dette. Car dans tous les cas, les
négociations sur quelconque allègement de dette ne peuvent
être menées unilatéralement par les créanciers. Et
le FMI tout comme la Banque mondiale sont des créanciers. Faire appel
à une instance instaurée à cet effet, comme le Conseil
économique et social de l'Organisation des Nations Unies (ONU),
constituerait là, en outre, une véritable politique de
désendettement soutenable et une véritable volonté de
donner les chances d'un réendettement soutenable afin d'espérer
atteindre les OMD. Car 2015 approche à grands pas, et peu de promesses
ont pour l'instant été effectives.
Mais pour eux et pour tous les autres pays d'Afrique
subsaharienne, les difficultés ne s'arrêteront pas là. Il
sera temps, et délicat, d'emprunter enfin un chemin de croissance
propre. Si les IFI tiennent à leur rôle de conseillers en
politiques économiques et sociales, il faudra qu'elles l'honorent
différemment. Les PPTE africains ont malheureusement davantage besoin de
consommer et de pratiquer le droit démocratique que d'exporter
massivement. La relance de la croissance par le biais d'une politique favorable
à la demande doit enfin précéder la promotion du secteur
privé. Les modalités d'application doivent être
laissées au libre arbitre des Etats souverains, et de leurs populations.
Car le processus participatif constitue la base de tout développement.
L'initiative PPTE semble l'avoir oublié. Il doit donc être
favorisé afin que toutes les décisions importantes, y compris
celles relatives à l'endettement, soient approuvées
démocratiquement. C'est là leur seule chance de
concrétiser les effets escomptés. Personne, mieux que l'Etat et
sa population, ne peut connaître les meilleures stratégies
à adopter en la matière. Les auteurs de l'initiative en faveur
des pays pauvres très endettés (IPPTE) et de l'initiative en
faveur de l'allègement de la dette multilatérale (IADM), doivent
le réaliser.
Au terme de cet historique et de ses projections, il s'agit de
savoir si l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés
(PPTE) est capable de combler les déficiences ayant mené à
l'échec des premières tentatives de gestion du surendettement
extérieur public en Afrique subsaharienne?
Car si l'initiative PPTE a symbolisé un premier pas
nécessaire et non négligeable vers une meilleure gestion du
surendettement africain (partie I), ses insuffisances récurrentes
démontrent la nécessité d'aller au-delà, afin de
construire un cadre institutionnel propice à un engagement mutuel
à moyen terme, au moins (partie II).
Partie I
Les initiatives en faveur des pays pauvres très
endettés (IPPTE) : un premier pas nécessaire dans la gestion du
surendettement africain.
Le problème de la gestion de la dette africaine n'a
fait l'objet d'études sérieuse que tardivement. Les
inquiétudes croissantes liées à la crise de la dette, qui
a débuté en 1982 avec l'insolvabilité du Mexique, ont
occulté le surendettement de l'Afrique subsaharienne (ASS), alors
jugé peu susceptible de provoquer une instabilité
financière ou commerciale mondiale.
Lorsque les premiers travaux du FMI et de la Banque mondiale
sont apparus au milieu des années 1980, la situation était
déjà très grave mais le bilan, clairsemé. En effet,
les pays pauvres très endettés (PPTE) d'Afrique subsaharienne
(ASS), très largement dépendants des pays du Nord, ont pourtant
été reconnus seuls coupables de l'insoutenabilité de leur
dette. Les prêteurs en dernier ressort, désormais seuls
décideurs de leurs politiques, leur ont alors imposés des plans
d'ajustement structurel (PAS) avec, comme mot d'ordre, la rigueur.
Néanmoins, l'abandon au seul marché de
nombreuses fonctions de l'Etat n'a pas laissé place à davantage
de compétitivité extérieure. Au contraire, à
l'origine peu compétitifs, les pays africains se sont enlisés
dans la spirale du sous-développement et de la dette, face au jeu d'une
concurrence déloyale menée par les pays et les entreprises du
Nord.
Le bilan général des PAS, loin d'être
glorieux, a alors provoqué la colère de la société
civile internationale. Et cette colère a porté ses fruits,
puisque les discours et les actes des institutions financières
internationales (IFI) ont alors évolué vers davantage de
considération pour les variables sociales. Dans le contexte de
l'adoption des Objec-
tifs du millénaire pour le développement (OMD),
le FMI et la Banque mondiale ont en effet décidé d'orienter leurs
prêts et les conditionnalités relatives à l'octroi de ces
derniers, vers la lutte contre la pauvreté à travers
l'allègement de la dette des PPTE. C'est ainsi que l'initiative en
faveur des pays pauvres très endettés (IPPTE) est née en
1996, et a été renforcée en 1999 pour davantage
d'efficacité. En 2005 ensuite, la persistance des pressions citoyennes a
donné naissance à l'initiative d'allègement de la dette
multilatérale (IADM), impulsée par le G8 et
entérinée par les IFI. Celle-ci est ainsi venue consolider les
efforts et les impacts de son aînée, en allant jusqu'à
annuler les créances multilatérales, alors détenues par
les institutions multilatérales (FMI, Banque mondiale et Banque
africaine du développement notamment). Or, ces créances
constituant la part la plus importante de la dette des PPTE, force est de
constater que ladite initiative et sa cadette ont favorablement
été accueillies par la communauté citoyenne
internationale, oeuvrant contre la pauvreté et sa dette.
Chapitre 1
Du surendettement aux Politiques d'ajustement structurel
: des responsabilités partagées
Les politiques d'ajustement structurel (PAS) sont nées
d'une vision ultralibérale des politiques économiques et
sociales, mais également de l'interprétation des
créanciers vis-à-vis de leurs créances
irrécouvrables. L'implication sous-jacente des PAS correspond alors au
fait que le débiteur est l'unique responsable de son
insolvabilité. Pourtant, l'histoire, économique, entre autres,
des pays pauvre très endettés (PPTE) d'Afrique et les
véritables causes de leur endettement excessif démontrent le
contraire. L'échec des PAS tient donc surtout à cette
négation.
I - L'insoutenabilité des dettes africaines : entre
mythes et réalités.
Ce tri est effectivement essentiel pour comprendre le
processus d'endettement de ces pays. Il s'agit alors de montrer, à
travers l'assujettissement historique des économies de l'Afrique
subsaharienne (ASS) vis-à-vis des pays industriels mais aussi à
travers les spécificités culturelles dictant une
régulation macroéconomique et sociale propre, que la
responsabilité à l'égard de l'insoutenabilité de la
dette est largement partagée.
A/ Les spécificités historiques et
économiques des pays d'Afrique, une analyse indispensable et pourtant
trop rare.
Comme le précise Philippe Hugon (2003) « les
héritages précoloniaux, coloniaux et postcoloniaux expliquent en
profondeur la crise actuelle, et la différencient de celle des autres
continents »1.
1 Les PPTE africains, une histoire propre malgré la
subordination.
Généraliser l'histoire économique du
continent africain se traduit bien entendu par un travail non exhaustif, compte
tenu de l'hétérogénéité des situations.
Toutefois, elle peut être découpée en trois grandes
phases.
1 Hugon P., 2003, in Economie de l'Afrique, 2003, Ed. La
Découverte, collection Repères, p.10.
La période précoloniale, correspondant à
l'ère du mercantilisme (du XVème à la fin du XIXème
siècle), se caractérise surtout par une institutionnalisation de
l'esclavage. A cette époque, l'Afrique est tiraillée par la
domination de l'Islam au nord, de l'Europe à l'ouest et de l'Inde ainsi
que du monde arabe à l'est (bien que l'essentiel du commerce se situe
entre 1750 et 1860). Ce triptyque est appelé le commerce triangulaire.
Il relie l'Afrique, fournisseur d'esclaves, l'Amérique, productrice de
métaux précieux et d'épices, et l'Europe occidentale. Plus
précisément, des navires partent de Bordeaux, de Nantes et des
autres ports atlantiques chargés de verroterie, d'alcool mais aussi de
fusils. Dans les comptoirs côtiers africains, ces marchandises sont
troquées contre des esclaves avec les chefs coutumiers locaux. (...) Les
navires traversent l'Atlantique et échangent leur cargaison humaine en
Amérique contre du rhum, du sucre, du tabac ou encore des métaux
précieux. Au terme de leur voyage, ils retournent en Europe, les cales
remplies de précieuses marchandises (coton, sucre, café, tabac,.
. .)2. Les grands bénéficiaires de ce commerce sont,
outre les armateurs et leurs actionnaires, les roitelets africains
eux-mêmes, qui vendent aux Européens leurs propres habitants. La
traite atlantique, du XVe au XIXe siècles, a concerné un total
d'environ onze millions d'Africains, en majorité des esclaves de
naissance vendus par les chefs africains ou les marchands arabes. La traite
orientale, organisée par les musulmans vers le Moyen-Orient et l'Afrique
du Nord à travers le Sahara et l'océan Indien du VIIIe au XIXe
siècle, a concerné quant à elle 17 millions
d'Africains3. L'impact sera important en termes de
dépeuplement et de désorganisation des régions les plus
fragiles4. La maîtrise du continent se situe
déjà parmi les objectifs prioritaires des pays tiers et fait
l'objet de conflits importants entre les pays européens. L'Afrique
restera marquée par ces épisodes, d'autant plus que la pratique
perdurera malgré l'abolition solennelle et universelle de l'esclavage
par la Déclaration universelle des droits de l'Homme des Nations unies,
du 10 décembre 1948
Dans la période de la colonisation directe (1870-1960),
l'Europe se partage l'essentiel de l'Afrique. La tendance est à la
transposition d'un appareil d'Etat métropolitain, tout en s'appuyant sur
les institutions existantes. Il n'existe alors pas de marché du travail,
mais bien une pénurie de main d'oeuvre. Les marchés sont infimes,
l'insécurité,
2 Dignat A., in « XVIIe siècle, Comment l'esclavage
devint une institution »,
http://www.herodote.net/dossiers/synthese.php?ID=15
3 Pour en savoir plus sur cette période, voir par exemple
Dignat A., 2006, « XVIIe Comment l'esclavage devint une institution
»,
http://www.herodote.net/dossiers/synthese.php?ID=1
5 4
http://fr.wikipedia.org/wiki/Afrique#La_traite_des_noirs
sanitaire notamment, est importante et les voies de
communication sont invisibles. La caractéristique économique
majeure du système colonial concerne la domination du capital marchand,
et non du capital productif. Le système colonial correspond en effet
davantage à un système «de ponction et de mise en
réserve [qu'à celui d'une] mise en valeur et d'accumulation
»5. Ladite domination se traduit, dans ses aspects essentiels,
par l'obligation de faire des cultures d'exportation (développement du
secteur agricole) et par le rôle central des sociétés
commerciales. Ces sociétés ont alors un monopole de fait quant au
commerce extérieur grâce aux prix bas et à une fonction
monétaire assurée par l'Etat (surprix de 20% par rapport aux prix
mondiaux). Le système reproduit l'ancien pacte colonial (polarisation
des flux sur la métropole, protectionnisme des marchés coloniaux,
pratiques des surprix...). Le modèle de traite du nouveau pacte
confère aux colonies le rôle de «réservoirs de
produits exotiques » et de « déversoirs de produits
manufacturés », le tout assorti d'un dualisme interne entre le
secteur européen (moderne) et indigène (traditionnel). Le manque
d'articulation entre eux freine la diffusion interne des gains de
productivité. Après la crise de 1929 et pendant le repli des pays
européens, le système évolue vers « la mise en valeur
». Face à la baisse des cours des matières premières,
des surprix sont appliqués et des mesures protectionnistes font de
l'Afrique un espace de prix élevés.
La période de la colonisation dégage une autre
phase importante dans l'histoire des économies d'Afrique ; celle de
l'après-guerre. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en effet,
l'aide publique transforme en profondeur le paysage économique africain.
Les grands travaux d'infrastructure économique et sociale permettent des
effets d'entraînement vers les investissements privés, et les
transferts publics sont compensés par des sorties de flux privés.
Le développement rural mais aussi industriel, à travers les
prémices d'industries de substitution aux importations et de
valorisation des produits primaires, va alors contribuer à une
croissance soutenue (5 à 6%), au déblocage de l'expansion
démographique, aux migrations vers les villes et à l'inflation
scolaire. La reconversion d'un capital commercial en un capital industriel
s'opère grâce à des mesures incitatrices et protectrices,
ainsi qu'au développement d'un «capitalisme d'Etat appuyé
sur l'aide extérieure »6, déjà. L'Etat
devient le moteur du développement.
5 Hugon P., 2003, op. cit.
6 Idem.
A la suite du mouvement des indépendances, à
partir de 1950, le poids des capitaux étrangers reste
prédominant. Le premier problème se pose en termes de corruption
de l'Etat postcolonial, qui doit pourtant permettre le passage d'une
économie traditionnelle à une économie moderne. Le second
est lié à une dynamique reposant trop fortement sur les
exportations de produits primaires et sur l'aide extérieure. Le dernier
problème est celui de l'épuisement de l'Etat colonial, pendant
que l'économie d'endettement de la décennie 1970 retarde la crise
tout en l'aggravant à terme.
Les économies des PPTE d'Afrique resteront
marquées par ces faits. Les peuples ont subi la soumission et les
mauvais traitements venant de l'extérieur, mais aussi la trahison de
leurs propres représentants nationaux. Aujourd'hui, les tests de
convergence démontrent que ces économies divergent du reste du
monde.
2 Les économies d'Afrique, des économies
dépendantes pas comme les autres.
Les PPTE africains sont qualifiés d'économies de
rente car le surplus (ou rente), lié à la production agricole et
à l'aide extérieure, est utilisé pour importer des biens
et services, ce qui ne suscite pas d'effets d'entraînement sur les
activités productrices. De plus, ladite rente est largement
accaparée par les agents proches de l'Etat, avant d'être
redistribuée aux réseaux clientélistes ou placée
à l'extérieur. L'économie est donc loin de ressembler aux
économies occidentales. L'Afrique connaît en outre des
déséquilibres à l'intérieur comme à
l'extérieur.
A l'échelle interne, les pays sont
caractérisés par un blocage de l'accumulation, des
déséquilibres financiers et sectoriels. Le blocage de
l'accumulation s'explique notamment par le faible taux d'investissement mais
aussi un «mal-investissement» (cf. partie suivante), qui plus est
avec une forte intensité capitalistique, des distorsions en faveur des
secteurs non directement productifs, une faible demande et des contraintes de
devises pour les importations de biens essentiels. La stratégie de
substitution aux importations n'a pas permis une diversification de la
production, des exportations, ni une montée en gamme dans les deux cas.
Les pays sont pris au piège de leur spécialisation dans les
produits de base. En outre, le seuil d'accumulation des facteurs de production
et du capital public permettant de dépasser les trappes à
pauvreté n'a pas été atteint. Le capital humain est
également sous-utilisé malgré des classes remplies
d'élèves. La forme y est mais pas le fond (qualité de
l'enseignement par rapport aux débouchés).
Les dysfonctionnements financiers se traduisent
essentiellement, outre la segmentation, par un dualisme. Dans l'ensemble, les
marchés financiers sont peu développés et peu
diversifiés, engendrant alors des coûts de transactions
élevés. A côté du secteur financier institutionnel
moderne (banque centrale, banques commerciales et de développement) se
trouve le secteur dit informel, qui joue un rôle important dans
l'allocation des ressources. Durant les années 1970 en effet,
l'accès prioritaire aux crédits des institutions publiques
(entreprises et Trésor) a évincé le secteur privé.
Celui-ci s'est alors tourné vers le crédit informel, de court
terme, et la libéralisation financière n'a rien pu faire, compte
tenu des «pièges à pauvreté » 7 (cf. infra).
Néanmoins, cette notion de pauvreté africaine est très
paradoxale. En effet, si les images de famines, de maladies et même les
chiffres apparaissent alarmants, il faut savoir que les marchés sont
tout de même bien achalandés et bien fournis, et que les filets
sociaux (familiaux notamment) et les mécanismes redistributifs
fonctionnent en général relativement bien. Parallèlement
aux facteurs de pauvreté réelle, il s'agit donc aussi d'un autre
mode de régulation. Sociologiquement parlant, les Africains sont
globalement ni matérialistes ni individualistes. Ils peinent de fait
à comprendre le mode de vie occidental, de la même manière
que les occidentaux ont du mal à comprendre le mode de vie africain.
Les déséquilibres sectoriels correspondent
surtout à la prépondérance du secteur agricole
d'exportation, source d'instabilités et non de croissance. Et pour
cause, ce secteur est en perpétuelle crise. Le système colonial
avait avant tout misé sur les exportations de produits de base. Or, les
facteurs de développement dans ce domaine se sont essoufflés, au
moment où le continent devait affronter la concurrence internationale
(cf. parties suivantes). Du côté du secteur secondaire,
l'industrialisation africaine est très récente, datant des
lendemains de la Seconde Guerre mondiale. La valorisation des ressources, la
stratégie de substitution aux importations ainsi que le rôle de
l'Etat (investissements, politique protectionniste) ont joué un
rôle favorable. Néanmoins, ce secteur ne contribue même pas
à 10% du PIB. Quant au secteur tertiaire, il reste
protégé, souvent en situation de monopole et représente en
moyenne 40% du PIB de l'Afrique subsaharienne (ASS) depuis les
indépendances.
7 Hugon P., 2003, id., p. 29.
A l'extérieur, la marginalisation de l'ASS se joue
surtout au niveau de l'Europe, son ancienne mère. Les
indépendances se sont quasiment soldées par un avortement. Les
Etats ont dû faire face à de nouvelles dépenses, à
la concurrence internationale et à la pauvreté liée
à un certain abandon des populations. La machine administrative s'est
ainsi emballée et a laissé place à des déficits
publics chroniques ainsi qu'à une politique d'endettement, qui ont
d'ailleurs causé sa perte.
Les accords préférentiels entre l'Union
européenne (UE) et les pays d'Afrique-Caraïbes-Pacifique
(ACP)8, qui compensaient partiellement les fluctuations des recettes
d'exportations, n'ont pas fait long feu et ce, parallèlement à
une demande agricole faible dans les secteurs faisant l'objet de
spécialisations. En bref, les PPTE d'Afrique ont toujours subi le
rôle de price taker (qui « prend les prix », et non price
maker, qui «fait les prix »). Mais parallèlement, les
économies africaines restent, elles, polarisées sur l'UE, qui
représente plus des deux tiers de leurs zones d'échanges
commerciaux et d'origine des capitaux. Les échanges intra-Afrique sont
en revanche limités, faute de voies de communication dignes de ce nom et
de politiques extérieures coordonnées. Comme le regrette P.
Hugon, «l'Europe, pouvant jouer un effet de croissance par sa taille et
son degré d'ouverture, s'est progressivement éloignée de
l'Afrique ». Les PPTE africains ont alors perdu de leur
compétitivité extérieure9, leur poids dans le
commerce mondial ayant diminué de plus de moitié entre 1970 et
2000, contrairement à la plupart des pays en développement (PED).
Et pour cause, non seulement les PPTE d'Afrique sont concurrencés par
les autres PED, asiatiques notamment, mais ils se heurtent en même temps
aux obstacles commerciaux des pays industriels (subventions ou barrières
« occultes »).
Bien que très dépendants des pays occidentaux,
les pays de l'ASS possèdent donc leur propre régulation
économique et sociale, une régulation incompatible avec les
représentations des agents du Nord. Ces facteurs propres peuvent alors
expliquer que la responsabilité de l'endettement excessif leur ait
été mise sur le dos. Mais la très forte subordination aux
pays occidentaux, et européens surtout, montre à tout point de
vue que les politiques économiques mises en oeuvre depuis des
siècles ne relèvent pas de l'entière volonté de ces
pays.
8Notamment les accords Stabex, pour les produits
agricoles, et Sysmin, pour les produits miniers.
9 Hugon P., 2003, op. cit., p. 46. La
compétitivité ici évoqué (prix, volume et
qualité), soumise àla conjoncture macroéconomique, ne doit
pas être confondue avec les avantages comparatifs, à
caractère plus structurel, sur lesquels veulent jouer les ajustements
structurels.
B/ Les causes de la commotion des dettes africaines : un
bilan trop longtemps clairsemé.
A l'époque des politiques d'ajustement, le bilan des
facteurs du cercle vicieux de la dette était clairsemé ; partiel
et surtout partial, car ne mettant en avant que le responsabilité du
débiteur. Pourtant certaines variables exogènes, toutes aussi
importantes que la mauvaise gestion interne, ont joué un rôle
crucial.
1. Les causes endogènes, une histoire de mauvaise
gouvernance.
Bien que datant de 1989, le document de travail du FMI sur
« Le problème de l'endettement extérieur des pays d'Afrique
subsaharienne »10 relate bien la position dominante de
l'époque. «Les problèmes d'endettement auxquels font face
les pays d'Afrique subsaharienne sont dus pour l'essentiel à l'action
des pouvoirs publics, en particulier à l'accumulation de dettes
extérieures qu'ils ont contractées pour financer des projets de
développement ». L'essentiel est dit, à l'exception du fait
que dans beaucoup de pays, les «pouvoirs publics» étaient en
réalité concentrés dans les mains de dictateurs. Le
rapport fait alors état de politiques économiques
inappropriées.
Au niveau budgétaire, des politiques expansionnistes
ont été menées pour financer d'importants projets de
développement pendant l'augmentation des prix des produits de base, lors
des chocs pétroliers11 dans les années 1970. Les
investissements ont alors été financés par des emprunts
extérieurs, pour la plupart à taux variables, aux conditions de
marché et remboursables à long terme, certains auprès de
créanciers privés (Zambie, Gabon, Nigeria,...) et beaucoup
auprès de créanciers publics, tels que les Etats du Nord (cf.
partie suivante). A la suite du contre choc pétrolier, au début
des années 1980, quelques pays (notamment ceux qui avaient accès
aux marchés internationaux) ont poursuivi leurs dépenses alors
même que le prix des matières premières diminuait. Les
recettes, y compris celles émanant des mesures protectionnistes
(notamment des taxations) étaient donc bien inférieures aux
dépenses. Voyant leur capacité à rembourser les
premières dettes restreintes, de nombreux pays se sont alors mis
à la recherche de nouveaux emprunts pour financer les
précédents, mais sans infléchir suffisamment leurs
dépenses publiques.
10 Greene J., 1989, in « Le problème de
l'endettement extérieur des pays d'Afrique subsaharienne », in
Journal of Economic Literature, document de travail du FMI,
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.
cfm?abstract_id=884661
11Le premier choc pétrolier ayant eu
lieu en 1973 et second, en 1979.
Cette politique budgétaire laxiste s'est
accompagnée d'une politique monétaire passive qui a d'autant plus
affaibli la position extérieure. En effet, l'accroissement du
déficit budgétaire et de la demande privée de
crédits ont suscité une expansion monétaire, qui a
elle-même donné lieu à une forte inflation (hausse de 20%
par an des prix à la consommation durant les années 1980). Les
monnaies n'étant pas dépréciées, elles sont vite
devenues surévaluées, pénalisant les exportations et
favorisant les importations. Par ailleurs, de nombreux pays ont
subventionné les importations de denrées, d'engrais et de
produits pétroliers. En outre, la législation douanière a
encouragé l'expansion d'entreprises inefficientes et à forte
intensité d'importations dans le secteur manufacturier en imposant des
droits de douane élevés ou des restrictions quantitatives sur les
importations de produits finis parallèlement à des droits de
douane faibles ou nuls pour les matières premières ou les biens
intermédiaires.
Au niveau financier, les taux d'intérêt
réels négatifs ont découragé l'épargne
nationale, encouragé la fuite des capitaux et contribué à
l'accumulation de la dette en obligeant le recours à l'emprunt. La
théorie de la Répression financière12, qui
influencera dans une certaine mesure les politiques d'ajustement structurel,
précise en effet que la main mise de l'Etat sur le secteur bancaire
implique des taux d'intérêt maintenus artificiellement bas. Or,
cette «répression» décourage l'épargne, source
d'investissement et de croissance, pour les auteurs. De plus, les taux
d'inflation élevés, le contrôle des mouvements de capitaux
et les restrictions aux investissements ont pénalisé les
investissements directs, pourtant source de croissance et de recettes.
Ce document explique parfaitement la vision
macroéconomique du FMI et sert de base aux politiques d'ajustement.
En revanche, ce que le rapport ne mentionne pas, c'est la
nature des «importants projets de développement ». D. Millet
et E. Toussaint [2002]13 parlent eux de méga-projets
énergétique ou d'infrastructures (barrages, centrales thermiques,
oléoducs...) très souvent inadaptés et
mégalomaniaques, que l'on a surnommé
«éléphants blancs ». Le but n'était pas
d'améliorer la vie quotidienne des populations sur place, mais
plutôt de parvenir à extraire les richesses naturelles du Sud et
les transporter facilement vers le marché mondial. Par exemple, le
barrage
12 McKinnon R. I. et Shaw E., 1973.
13 Millet D, Toussaint E, 2002, in « 50 Questions 50
Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale », CADTM, Ed.
Syllepses.
d'Inga au Zaïre14 a permis à partir de
1972 de tirer une ligne à haute tension sans précédent de
1900 km vers le Katanga, province riche en minerais en vue de leur extraction.
Mais cette ligne ne s'est pas accompagnée de l'installation de
transformateurs pour fournir de l'électricité aux villages
qu'elle survole... Quand il ne s'agissait pas d'« éléphants
blancs », il s'agissait aussi parfois d'achats de matériel
militaire pour assujettir les peuples, avec la complicité active ou
passive des créanciers, publics comme privés. La dette qu'ont
laissé ces dictatures est considérable (voir tableau 24 en annexe
p.163).
Il convient de rajouter en dernier lieu les commissions prises
par les régimes autoritaires, alliés stratégiques des
grandes puissances du Nord, sur les fonds provenant des emprunts. Car toutes
les sommes empruntées ne parvenaient pas jusqu'à la population.
Il s'agit là d'un facteur important puisqu'il demeure encore aujourd'hui
difficile d'expliquer, par exemple, comment « à sa mort, Mobutu
Sese Seko, à la tête du Zaïre pendant plus de 30 ans,
disposait d'une fortune estimée à 8 milliards de dollars,
équivalant aux deux tiers de la dette de son pays, sans compter
l'enrichissement de ses proches ».
Les populations sont ainsi lésées depuis le
début, certaines remboursant même une dette ayant servi à
supprimer leurs concitoyens. Encore faut-il de rajouter à ces faits les
instabilités mondiales et les ambitions des créanciers de
l'époque pour boucler le véritable bilan des causes du
surendettement.
2. Les causes exogènes, une histoire de mauvaise
ingérence.
Les causes exogènesreprésententtous les facteurs
d'accumulation de la dette ne résultant pas de la volonté des
débiteurs. Il faut souligner que le rapport du FMI, déjà
cité, les aborde, certes, mais ne les cite que comme des accidents
auxquels les pays d'Afrique n'ont pas su (et non «pu ») s'adapter.
Pour D. Millet et E. Toussaint15, quatre acteurs se partagent
pourtant la responsabilité de l'endettement excessif. Il s'agit des
banques privées, des Etats du Nord, de la Banque mondiale et des
gouvernements du Sud. La responsabilité au Sud a déjà
été démontrée. Il convient de raj outer clairement
à ces quatre intervenants deux autres éléments: le
contexte géopolitique et les instabilités internationales,
également identifiés par les auteurs.
14 Le Zaïre est aujourd'hui connu sous le nom de
République démocratique du Congo.
15 Millet D, et Toussaint E., 2002, op cit, p.47 à 62.
Le contexte géopolitique à partir de 1945 est
à la Guerre froide entre les Etats-Unis et l'URSS, qui tentent tous deux
d'élargir leur zone d'influence. Le mouvement des indépendances
en Afrique débute dès 1950. Certains pays commencent alors
à affirmer leur volonté de mettre en oeuvre un
développement propre (comme l'Egypte ou le Ghana).
C'est dans ce contexte que la Banque mondiale intervient pour
d'un côté contrecarrer l'influence soviétique et de
l'autre, ramener les nouveaux indépendants sur le chemin de la raison
dominante. La Banque mène, de fait, une double stratégie dans la
mesure où les prêts seront utilisés aussi bien pour
soutenir les alliés que pour soumettre les récalcitrants. Pour
renforcer la zone d'influence américaine, la Banque soutient les
alliés stratégiques des Etats-Unis (dont Mobutu Sese Seko au
Zaïre). Pour ramener de son côté les
hétérodoxes, elle accorde des prêts soumis à
conditions, leur affirmant que la meilleure stratégie pour rembourser
leur dette reste le développement des exportations de matières
premières, s'immisçant par là même dans la
définition des politiques économiques. «Dans de nombreux
cas, les prêts étaient destinés à corrompre des
gouvernements pendant la guerre froide »16. La
Banque mondiale a accordé davantage de prêts en six ans
(1968-1973) qu'en vingt-quatre ans (1945-1968). Elle a incité les pays
pauvres à emprunter massivement pour financer la promotion de leurs
exportations et les connecter plus étroitement au marché mondial.
Ces prêts ont alors constitué le berceau de la partie
multilatérale de la dett e extérieure publique, devenue
majoritaire avec les plans d'ajustement structurels (voir graphique 4 en annexe
p.1 68).
En parallèle, après la Seconde Guerre mondiale,
le plan Marshall a fait des pays européens des partenaires
privilégiés pour les EtatsUnis. Constatant que la circulation de
dollars sur la scène mondiale devenait dangereuse, les autorités
américaines ont favorisé l'installation des entreprises à
l'étranger pour éviter le retour de dollar en excès,
synonyme de forte inflation. De fait, dès 1960, les banques commerciales
étrangères regorgent d'« eurodollars »17 et
vont les prêter à des conditions avantageuses, notamment aux pays
africains nouvellement indépendants qui souhaitent se développer.
Ces banques regarderont très peu la destination de ces fonds, la
rentabilité des projets et les risques pris par les débiteurs. En
outre, les emprunteurs ont souvent d'autres motivations que le
développement de leur économie ou le bien-être de
16 Stiglitz J. E., 7 mars 2000, in L'Autre mondialisation, Arte.
Extrait tiré de Millet D. et Toussaint E., 2002, id., p51.
17Avoirs en dollars déposés dans des
banques extérieures aux Etats-Unis, mais dans la mesure où il ne
s'agit pas seulement de banques européenne, certains préconisent
de parler de «xénodollars ».
leur population (cf. supra). Par la suite, avec la
flambée du prix du pétrole en 1973, dénommé premier
choc pétrolier, les pays producteurs de pétrole vont à
leur tour placer ces pétrodollars dans les banques occidentales. De
nouveaux prêts à bas taux (également favorisés par
une forte inflation) sont alors accordés. Ces prêts
accordés par des institutions privées mais également par
les institutions multilatérales, évoluant dans un environnement
concurrentiel, sans regard sur la destination des fonds et sans estimation de
la solvabilité des emprunteurs, ont constitué la partie
privée de la dette extérieure publique. Néanmoins, la part
privée n'est pas la plus importante, mais bien qu'elle ait
diminué depuis (voir graphique 3 en annexe p.1 67), son origine soit
douteuse.
La partie bilatérale est constituée, à
cette époque, des prêts des Etats du Nord. Il s'agit de
prêts d'Etat à Etat et, dans la présente analyse, d'Etat du
Nord à Etat du Sud. Touchés par la récession mondiale aux
lendemains du premier choc pétrolier, les Etats occidentaux ont
manqué de débouchés pour leurs exportations. Ils ont alors
pratiqué l'aide liée, consistant à prêter une somme
à un pays, pauvre de surcroît, afin qu'il achète les
marchandises de son créancier. Cette aide a souvent pris la forme de
crédits d'exportation. (pour le total des différentes part, voir
graphique 3 en annexe p.1 67)
L'explosion de la dette sera institutionnalisée peu de
temps après sous la conjonction de deux facteurs. D'une part, la
sévère hausse des taux d'intérêt
décidée unilatéralement par les Etats-Unis en 1979
s'explique par les très mauvaises performances à la fin des
années 1970 (forte inflation etvariation du cours du dollar) et les
échecs diplomatiques (Vietnam, Iran...). Un tournant ultralibéral
s'opère pour éradiquer la forte inflation, l'augmentation des
taux devant attirer l'épargne, interne aussi bien qu'internationale. Les
sommes exorbitantes bloquées sur les comptes calmeraient ainsi la
flambée des prix. Or, les taux pour les PED sont certes faibles mais
à taux variables et liés aux taux nord-américains et
anglais (menant également une politique monétaire
austère). De 4% en 1970, ils passent à 18% dans les
périodes fortes de la crise.
Et la dette triple dujour au lendemain. (voir tableau 1 en
annexe p.139).
D'autre part, pour rembourser leur dette, souvent
contractée en devises (autres monnaies que la monnaie locale), les pays
doivent produire encore davantage et encore exporter pour remplir leurs coffres
des réserves de devises nécessaires. Le fait qu'ils mettent tous
et en même temps de plus en plus de matières premières sur
le marché, alors même que la demande mondiale stagne, leur sera
fatal. Fatal parce qu'il s'agit
du domaine de spécialisation de ces pays. Or, le cours
des matières premières chute et les termes de
l'échange18 vont se dégrader durablement (voir
tableaux 5 et 6 en annexe p.143).
Et la dette devint insoutenable.
Les institutions financières internationales (IFI),
comme le montre le document de travail du FMI, n'ont voulu voir que la mauvaise
gestion faite par les débiteurs. Or, elles représentaient
à ce moment là des voies incontournables pour quiconque demandant
de l'aide. S'appuyant sur le consensus de Washington, elle accordait volontiers
cette aide, certes, mais à des conditions exhaustives et
onéreuses pour les peuples « ajustés ».
II - Choix des mythes par les IFI et échecs
consécutifs de leurs politiques d'ajustement structurel.
Lorsqu'un pays ne peut avoir accès aux marchés
financiers internationaux, il n'a d'autre choix que de se tourner vers les
uniques signatures financières19 restantes, le FMI et la
Banque mondiale. Les débiteurs entrent donc d'eux-mêmes dans le
box des accusés pour le délit de dette insolvable, les IFI se
positionnant directement en magistrates, et les créanciers, en
procureur. Il n'existe pas de partie pour la défense. Les politiques
d'ajustement structurel (PAS) sont par conséquent imposées
unilatéralement, quelque soit le récipiendaire. Les
résultats qu'elles ont suscités ont toutefois retourné le
procès à leur encontre.
A/ Unique responsabilité des débiteurs et
unique voie théorique empruntable.
En théorie, les mesures préconisées par
les IFI doivent remettre les économies surendettées sur le droit
chemin de la croissance et de la prospérité marchande.
D'obédience libérale, elles ont une portée à la
fois conjoncturelle, à savoir de court terme, et structurelle, à
plus long terme. «A la fois» parce que rares sont les fois où
les priorités sont listées. Il s'agit donc d'une véritable
thérapie de choc et non d'un ordonnancement séquentiel.
18 Rapport entre les prix des exportations et les prix des
importations. Lorsque le prix des exportations diminue alors que le prix des
importations stagne ou augmente, les termes de l'échange se
dégradent.
19 La signature financière d'un pays est une
appréciation des prêteurs potentiels sur la capacité d'un
Etat à répondre à ses obligations de remboursement de la
dette dans les délais prévus.
1. Les mesures courantes de stabilisation
théoriquement prioritaires.
Les pays surendettés ont donc inévitablement
affaire au FMI et à la Banque mondiale pour avoir accès à
des financements, puisque les marchés financiers leur sont
désormais fermés. La demande d'aide aux IFI se traduit
concrètement par une lettre d'intention. Ces lettres sont en
réalité «concoctées par les experts de Washington et
compilent toute une série de réformes structurelles à
appliquer à leur économie »20. Le
programme économique est de surcroît soumis au Conseil
d'administration. Lesdites réformes sont en outre appelées les
conditionnalités, dont « le but ultime dans tous les cas est de
restaurer ou de préserver la viabilité de la balance des
paiements et la stabilité macroéconomique tout en jetant les
bases d'une croissance durable et de haute qualité »21 .
Mais puisque c'est le pays en difficulté qui demande l'appui du FMI, il
lui incombe de respecter les termes du contrat. Par conséquent, la seule
responsabilité engagée est bien celle du pays demandeur, et en
aucun cas celle du FMI.
Ce dernier doit donc seulement s'assurer que le pays se
sou-met effectivement aux conditionnalités dans la mesure où les
fonds prêtés doivent être alloués à la mise en
oeuvre des réformes décidées unilatéralement. A
cette fin, la majorité des décaissements sont
échelonnés, ce qui permet au FMI de bien vérifier, avant
de procéder aux décaissements ultérieurs, que les
engagements sont bien respectés. Tout retard dans l'application des
réformes donne alors lieu à une réflexion des experts
quant à la poursuite des décaissements. Le but des ajustements
structurels en Afrique est de résorber les difficultés qui ont
mené à l'endettement excessif, et donc de limiter l'endettement
des Etats. Le diagnostic, très simple, est souvent le même. Dans
la mesure où le retournement de conjoncture a enrayé le cercle
vertueux de la hausse des recettes d'exportations liée au choc
pétrolier et a creusé le déficit public ainsi que la
dette, il convient de relancer les exportations et de bloquer tout
déficit. Ainsi, la procédure normale du Fonds consiste à
rédiger un rapport avant de se rendre dans le pays client. La visite n'a
pour but que d'affiner ce projet (...). En pratique, le projet de rapport est
souvent ce que l'on appelle un boiler plate: on y insère des paragraphes
entiers empruntés au rapport d'un autre pays22. Les PAS sont,
depuis les années 1960/1970 dictées entièrement par la
vision néo-libérale dont la
20 Zacharie A. et Malvoisin O., 2003, in « FMI la main
visible », éd. Labor, p. 27.
21
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/conditiof.htm
22 Stiglitz J. E., 2002, in «La grande désillusion
», éd. Fayard.
primauté a été entérinée
après la crise de la dette. Les conditionnalités ensuite
été détaillées et institutionnalisées dans
un article de John Williamson en 1989 et ont dès lors formé le
fameux « consensus de Washington» (nom tiré du fait que les
deux institutions financières internationales ainsi que le
département du trésor américain sont réunis dans la
ville de Washington).
Au niveau des politiques conjoncturelles de stabilisation, ces
rapports préconisent quatre types de mesures.
Premièrement, l'austérité
budgétaire doit permettre d'obtenir l'équilibre budgétaire
à moyen terme. En effet, tout déséquilibre peut avoir de
graves conséquences. Il peut alors être le moteur d'une inflation
soutenue s'il est monétarisé, d'une crise de la balance des
paiements (outil d'analyse fondamental du FMI) en cas d'insolvabilité,
ainsi que d'une volatilité exacerbée des capitaux,
désormais mieux rémunérés ailleurs. Dans le cadre
de la présente analyse, «officieusement, le re-tour à
l'équilibre budgétaire vise à limiter l'endettement de
l'Etat afin que le remboursement de la dett e publique interne ne se substitue
pas à celui de la dette publique externe »23 . Il s'agit
aussi de limiter l'effet «boule de neige» de la dette (qui revient
à emprunter pour rembourser les autres prêts).
Concrètement, il s'agit le plus souvent de réduire les
dépenses publiques, de geler les salaires et même de
procéder à quelques licenciements dans la fonction publique. De
surcroît, l'Etat doit être sincère en matière de
publication de ses comptes publics.
Deuxièmement, l'austérité
budgétaire doit s 'accompagner d'une réorientation de la
dépense publique dans le but premier de réduire les subventions
(au secteur public comme au secteur privé). L'optique libérale
(et plus particulièrement néo-classique) veut en effet que le
retour à l'équilibre budgétaire et le désengagement
de l'Etat s'acheminent à travers la réduction des dépenses
publiques plutôt que par l'accroissement de la pression fiscale. Selon
Williamson, la réorientation devait se faire en faveur des
dépenses sociales (éduction, santé, investissements dans
les infrastructures). Mais la réalité a été toute
autre.
Troisièmement, dans la lignée du courant de la
Répression financière, une politique monétaire orthodoxe
doit agir sur les taux d'intérêt. Car dans la plupart des PED, les
taux sont tenus par les pouvoirs publics et maintenus en dessous de leur niveau
d'équilibre (jeu entre l'offre et
23 Berr E. et Combarnous F., 2004, in « L'impact du
consensus de Washington sur les pays en développement: une
évaluation empirique », p. 4,
http://beagle.u-bordeaux4.fr/portailgres/article.php3?id_article=1
106.
la demande tant au niveau qualitatif que quantitatif). Par
conséquent, l'Etat doit laisser le marché décider de la
fixation optimale des taux. Leur augmentation permet alors à la fois de
favoriser l'épargne interne pour de plus grandes possibilités
d'investissements privés, et d'attirer les capitaux internationaux
nécessaires au financement du développement, sans compromettre
l'investissement et le remboursement de la dette publique.
Enfin, il incombe au pays client d'instaurer un taux de change
unique et compétitif. Cette dernière mesure de stabilisation
comporte deux volets. D'une part, l'économie doit adopter un taux de
change unique, dans le cadre d'une « corner solution » qui revient
à choisir soit un régime de changes fixes, soit plus
sûrement des changes flottants. Il s'agit alors d'envoyer des signaux
clairs à la communauté financière internationale dans une
perspective de crédibilité. D'autre part, quelque soit le
régime adopté, il convient, selon D. J. Mathieson
(1979)24, de dévaluer préalablement la monnaie (dans
un régime de changes fixes) ou de la laisser se déprécier
(dans un régime flottant), pour éviter une brusque variation du
taux de change après une entrée massive de capitaux
générant de l'inflation. Le but de ces deux dispositifs est de
favoriser les exportations et donc la croissance, tout en maintenant le
déficit de la balance des transactions courantes à un niveau
soutenable. Ces quatre types de politiques doivent permettre une stabilisation
de la situation économique, nécessaire à la mise en oeuvre
des politiques plus structurelles.
2. Les mesures à caractère plus structurel,
essentielles en théorie.
Si les quatre premières mesures sont bien inscrites
dans les PAS, les six suivantes s'inscrivent dans le plus long terme,
d'où leurs caractéristiques structurelles. Le qualificatif de
structurel n'est officiellement apparu qu'en 1986 avec la facilité
d'ajustement structurel (FAS). Jusque là, il était seulement
question, dans le cadre des prêts et des politiques du FMI, de
«difficultés temporaires et ciblées » voire
«exceptionnelles »25. C'est dans le contexte de
la crise de la dette à partir de 1982 qu'une innovation apparaît
en matière d'imputabilité des causes du
déséquilibre. Ce ne sont plus en effet les difficultés
exogènes et in-
24Auteur de l'école de la répression
financière. Tiré de Venet B., in « Libéralisation
financière et développement économique : une revue de la
littérature »,
http://www.dauphine.fr/eurisco/eur_wp/Nice2.pdf.
25 Sorel J.-M., 1996, in « Sur quelques aspects juridiques de la
conditionnalité du F.M.I. et leurs conséquences », p. 16.
http://www.ejil.org/journal/Vol7/No1/art3.pdf
volontaires qui sont prises en compte mais carrément
les politiques internes des Etats. La traduction est simple ; pour le FMI, ces
difficultés structurelles n'ont pas racine dans la structure
économique mondiale mais dans les politiques intérieures
mêmes. C'est dans ce contexte que deux nouveaux mécanismes de
financement sont créés, la facilité d'ajustement
structurel (FAS) en 1986 et la facilité d'ajustement structurel
renforcée (FASR) qui la remplace en 1988. Dès 1986, le
fonctionnement des facilités est renouvelé avec, pour principale
nouveauté, l'association de la Banque mondiale à
l'élaboration et au suivi des prêts. La FASR est
caractérisée par une très forte conditionnalité
liée à un programme rigoureux dans la mesure où le montant
des prêts est plus élevé et à décaissement
plus long (trois ans) que dans l'ancien dispositif sans pour autant que les
fonds du FMI aient significativement augmenté (aucun consensus ayant
été trouvé pour accroître les
quotes-parts26).
Six autres dispositifs à visée structurelle sont
donc imposés.
En premier lieu, la libéralisation commerciale et
financière doit être impulsée. Le consensus de Washington
n'envisage, dans sa version initiale, que la limitation voire la suppression
des barrières tarifaires et non tarifaires. Il s'agit surtout de
libéraliser les échanges commerciaux pour promouvoir les
exportations. Parallèlement, cette ouverture aux bienfaits des
échanges mondiaux doit permettre de baisser le prix des importations
afin que la population puisse accéder à des biens et services
moins onéreux et plus variés. Cependant, si Williamson prend soin
de préciser que la libéralisation des mouvements de capitaux
n'est pas une priorité, elle sera pourtant imposée dès la
fin des années 1980.
En second lieu, le pays doit devenir compétitif pour
s'insérer efficacement dans les échanges internationaux. A cet
effet, l'existence de barrières freinant l'entrée des
investissements directs étrangers (IDE) doit être combattue,
notamment par les déréglementations des marchés de
capitaux. En effet, ces restrictions sont entendues comme des mesures
favorisant un «nationalisme économique qui est condamné
»27. Les IDE doivent surtout susciter des
créations d'emplois, un transfert de technologies pour remettre
l'économie au goût du jour à travers les innovations et, de
fait, une plus grande compétitivité extérieure. Par
là même, le bien-être du consommateur est supposé
accru.
En outre, ladite compétitivité ne peut être
que renforcée grâce aux privatisations. Celles-ci forment un large
consensus puisque la théo-
26 Part que détient chaque membre au sein du FMI et qui
détermine son poids dans le vote des grandes décisions.
27 Berr E. et Combarnous F., 2004, op. cit., p5.
rie dominante considère que les entreprises
privées sont mieux gérées que leurs homologues publics.
Elles ont donc été officiellement adoptées avec le plan
Baker en 1985. Il s'agit alors de favoriser le retour à
l'équilibre budgétaire et, une fois encore, d'imposer le
désengagement de l'Etat à travers une diminution des
investissements publics. De fait, l'Etat n'a plus à investir massivement
ni à assurer le traitement de ses fonctionnaires. Par ailleurs, les
investissements publics et leurs prêts n'évincent plus le secteur
privé de l'accès au crédit. Néanmoins, Williamson
démentira ce large consensus en considérant que certains
monopoles publics sont nécessaires (comme dans le cadre des transports
publics ou la gestion de l'eau par exemple) et que, par conséquent, la
privatisation est dans ces cas là inappropriée.
La déréglementation est préconisée
suite au succès de l'expérience américaine en la
matière, dirigée par l'administration Carter et approfondie par
l'administration Reagan. Cette dérégulation s'impose à
tous les niveaux afin d'abolir les barrières à l'entrée et
à la sortie des marchés et ainsi de générer
l'initiative économique et la libre concurrence. Les niveaux de
réglementation doivent alors s'alléger dans les domaines du
crédit, du travail et des affaires. Car du côté de la
demande, la libre concurrence favorise le pouvoir d'achat des consommateurs
qui, via une baisse des prix, achètent davantage de biens et services,
et actionnent alors le cercle vertueux keynésien grâce à
une augmentation de la production, des investissements et de l'embauche. Du
côté de l'offre, le libre jeu de marché doit susciter
l'innovation via la lutte pour accroître ses parts de marché. Ces
deux mécanismes escomptés doivent donner lieu à une plus
forte croissance.
Cinquièmement, le pays doit procéder à
une réforme fiscale, dont l'objectif est double. Il s'agit d'augmenter
la fiscalité d'un côté pour la réduire de l'autre.
En effet, il est nécessaire d'augmenter le nombre de contribuables en
élargissant l'assiette fiscale par l'intermédiaire d'une
généralisation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un
impôt indirect et payé par tous. Parallèlement cependant,
le gouvernement doit réduire les taux d'imposition marginaux (aux
déciles extrêmes). Le but est simplement de procurer davantage de
recettes à l'Etat, lui permettant, entre autres, de financer son
déficit et sa dette, d'alléger les charges sur les plus
vulnérables et d'éviter les fuites de capitaux des plus
riches.
Enfin, il est demandé au récipiendaire de la
FASR de renforcer les droits de propriété afin de promouvoir
l'initiative privée, créatrice de richesses, et de permettre au
secteur informel, très développé dans les PED, d'obtenir
ces droits à des coûts acceptables. En effet, nombre
d'économistes, notamment ceux appartenant aux courants d'analyses
de l'économie de la connaissance, ont montré que
la rémunération des innovateurs était très
incertaine et bien en-deça de son rendement social (rendement
collectifcorrigé des externalités). De fait, les agents ne sont
pas incités à entreprendre un travail long, coûteux et qui
mène à une innovation impertinemment
rémunérée. Il est donc nécessaire de trouver une
valeur marchande à ces innovations et surtout, de les protéger
elles et leurs auteurs. Les droits de propriété s'inscrivent
alors dans cet axe. Or, le progrès technique est largement connu pour
représenter une composante essentielle de la croissance et du
développement dans la théorie de la croissance exogène.
«Il est manifeste que Williamson adopte une position plus
modérée que celle qui sera défendue par les IFI aussi bien
au travers des plans d'ajustement structurel que des programmes de lutte contre
la pauvreté »28. Toutes ces mesures, dont les
mises en oeuvre se feront conjointement, aboutiront à des catastrophes
économiques et sociales, avec au premier plan, une augmentation de la
dette des pays déjà surendettés!
B/ « La grande désillusion ».
«Le FMI reconnaît que la stabilité
macroéconomique peut exiger quelques sacrifices temporaires dans la
croissance, probablement au dépens des plus pauvres
»29. En réalité, ces «
sacrifices» seront durables, plus âpres que prévus et
génèreront un soulèvement mondial à l'égard
des PAS. Car toutes les mesures citées comportent leurs limites mais
aussi leurs effets pervers. Par conséquent, au lieu de favoriser le
retour (ou plutôt l'aller) à la stabilité, elles auront un
impact globalement négatif et accroîtront même le fardeau de
la dette. Les exemples concrets parlent alors d'eux-mêmes.
1. Des spécificités africaines invalidant la
théorie des PAS.
Ce sont les mesures commerciales qui ont eu l'impact le plus
douloureux pour les économies africaines, les mesures financières
ay-ant moins joué dans des structures peu développées en
la matière. Néanmoins, toutes les mesures ont au moins un effet
pervers dans une économie peu développée.
28 Berr E. et Combarnous F., 2004, op. cit., p 6.
29 Kousari K., 2002, in «Ajustement structurel et
réduction de la pauvreté en Afrique », CNUCED,
http://
www.ilo.org/public/french/dialogue/actrav/publ/134/10.pdf
Brièvement, les mesures budgétaires (politique
d'austérité et réorientations des dépenses), qui se
sont traduites par des coupes dans les budgets et des réorientations peu
légitimes, se sont opérées presque tout le temps au
détriment des politiques sociales. En effet, les grands secteurs
lésés ont majoritairement été les secteurs de
l'éducation et de la santé. Quant à la politique
monétaire orthodoxe, elle a fait largement pression sur les
catégories déjà les plus vulnérables.
L'augmentation des taux d'intérêt a rendu le crédit trop
onéreux pour la plupart des entreprises qui, en prime, ne pouvaient
s'autofinancer. De fait, la majorité d'entre elles, déjà
débitrices ou pas et, qui plus est soumises aux pressions nouvelles d'un
univers concurrentiel, ont fait faillite et ont licencié. De même,
la charge de la dett e extérieure publique (autant que privé mais
dans une moindre mesure) a augmenté avec la hausse des taux. La
réforme fiscale s'est bien traduite par une fiscalité
élargie, mais pénalisant avant tout les populations les plus
pauvres. En effet globalement, la progressivité de l'impôt a
été abandonnée, l'impôt sur les
bénéfices des sociétés a été
réduit et le système de la TVA s'est
généralisé. Par conséquent, si les revenus issus du
capital ont été préservés, tous les autres ont
été sévèrement affectés.
Au niveau financier, l'ouverture n'a jamais attiré les
capitaux internationaux dans la mesure où d'autres variables sont bien
plus importantes que la simple déréglementation, comme la
sécurité en matière de législation, la
stabilité économique, sociale et politique, entre autres. Et les
rares pays ayant attiré des capitaux étrangers n'ont fait que
pâtir des flux spéculatifs ainsi que des placements de leurs
concitoyens les plus nantis dans les économies du Nord. D'autre part, un
taux de change unique et en plus compétitif, en «corner solution
», est très délicat à respecter en raison de
l'instabilité, surtout au niveau des exportations, qui
caractérise ces pays. Par là même, les dévaluations
régulières, effectuées par les pouvoirs publics ou par le
marché, ont pu accroître considérablement le poids de la
dette exprimée en devises.
A l'échelle commerciale, la situation s'est dans
l'ensemble plus qu'aggravée. De manière générale,
les gouvernements africains ont été priés de
réduire à sa plus simple expression l'impôt sur les
bénéfices réalisés par les sociétés
étrangères et de permettre la libre sortie (rapatriement) des
bénéfices vers la maison mère (située dans 95% des
cas dans les pays les plus industrialisés). S'y ajoutent d'autres
incidents : on prie les gouvernements d'offrir gratuitement les terrains et
l'infrastructure de communication aux entreprises étrangères
(...). Si cela ne suffit pas, on leur recommande de créer des zones
franches dans lesquelles aucun impôt n'est prélevé et
où le code du travail et les con-
trats collectifs, en vigueur dans le pays, ne sont pas
d'application. Pour obtenir un flux d'investissement étranger, les Etats
africains renoncent donc à des recettes importantes (réduites
également par la suppression de toute forme de barrière
commerciale et financière) d'impôts, augmentent certaines
dépenses d'infrastructure, offrent du patrimoine national et permettent
le non-respect de certains aspects de réglementation du
travail30. Les gouvernements renoncent par là même aux
rares possibilités de financer le déficit public et la charge de
la dette. Parce qu'en retour ils ne récupèreront rien, les IDE et
les capitaux internationaux ne se faisant pas remarquer.
Par ailleurs, pour la CNUCED31, «il est clair
que la plupart des programmes d'ajustement n'ont guère contribué
à promouvoir la transformation structurelle de la région et son
intégration dans l'économie mondiale et qu'ils sont sans doute
même à l'origine du recul de l'industrie manufacturière
». Carla majorité des investissements se trouvent dans les
industries extractives. Or, ces secteurs étant
caractérisés par une forte intensité capitalistique,
personne ne doit s'attendre à la création de nombreux emplois,
même peu qualifiés. Touj ours selon la CNUCED, les politiques
monétaires et budgétaires se sont focalisées sur les
distorsions de prix au lieu de considérer (davantage au moins) d'autres
critères macroéconomiques, tels que le niveau et la composition
de la demande globale, l'état du cycle conjoncturel et la gestion des
taux de change. Les banques, préférant octroyer des
crédits aux filiales étrangères ou détenir des
obligations d'Etat, ont pénalisé le financement des
investissements nécessaires à la restructuration des entreprises
nationales. Ainsi, entre les périodes 1983-1989 et 1990-1997, l'effet
d'éviction de l'investissement par les IDE s'est amplifié. De
surcroît, «entre 1980 et 2000, sur un échantillon de 26 pays
en développement, la compression des salaires et la dévaluation
ont été les principaux moyens d'augmenter la
compétitivité, le risque est que ces pays se laissent enfermer
dans l'exportation de produits traditionnels à faible intensité
de technologie et de faible élasticité-revenu32
». Force est de constater que ce type de comportement tend à
conditionner le type d'IDE entrant,
30 Toussaint E., 2003, in « Endettement de l'Afrique
subsaharienne au début du XXIe siècle L'Afrique
créancière ou débitrice ? », p 3,
http://www.cadtm.org/article.php3?id_article=162
31 Conférence des Nations Unies sur le Commerce Et le
Développement, 2005, in Rapport sur le développement
économique en Afrique, «Repenser le rôle de l'investissement
direct étranger », p. 34 à 42,
http://www.unctad.org/Templates/webflyer.asp?docid=6056&intItemID=1397&lang=2&mode=highlights
32 Une faible élasticité-revenu traduit le fait que lorsque le
revenu des agents augmente, cela ne signifie pas qu'ils vont consommer d'autant
plus d'une certaine marchandise. En outre, les biens primaires ont une
élasticité-revenu faible car l'augmentation du revenu des
ménage oriente la consommation vers des biens secondaires (type loisirs,
par exemple).
guère orienté, donc, sur la recherche de
marchés. De plus, les sorties de capitaux ont été
largement supérieures aux entrées exprimées en IDE. En
effet, avec une moyenne de 7 milliards de dollars par an entre 1970 et 1996 en
Afrique subsaharienne, les sorties ont représenté le triple des
IDE. Soit un manque à gagner considérable en termes de
possibilités de remboursement de la dette. La CNUCED conclura alors que
«la théorie qui préconise plus d'ouverture et une
réduction du rôle de l'Etat pour attirer les IDE n'est pas
vérifiée dans les faits ». Et Stiglitz [2002] de rajouter
que «pour créer des firmes et des emplois nouveaux, il faut le
capital et l'esprit d'entreprise. Or, dans les pays en développement, le
second fait souvent défaut, en raison du manque d'éducation, et
le premier aussi, en raison du manque de crédit bancaire
»33. Comme quoi, tout est lié.
Enfin, il fallait privatiser vite, supposant que les
marchés agissent aussitôt pour répondre à tous les
besoins et que, de fait, les problèmes de concurrence et de
réglementation pourraient être réglés plus tard.
«Il existait des fiches de score pour les pays engagés dans la
transition du communisme au marché: ceux qui privatisaient le plus vite
recevaient de bonnes notes »34. Beaucoup de pays
africains ont justement abandonné toute référence au
communisme pour avoir accès aux fonds des IFI (Angola, Bénin,
Mozambique, Congo, Madagascar, Afrique du Sud et, par force, le Ghana ou encore
le Burkina Faso). Les privatisations ont en outre généré
des monopoles privés qui ont augmenté les prix aux dépens
des consommateurs et qui ont davantage licencié qu'embauché.
Une étude économétrique de E. Berr et F.
Combarnous [2004], dans laquelle ils détaillent la création d'un
indicateur de suivi du consensus de Washington (ICW) et ses résultats,
montre que, hormis une corrélation positive entre l'ICW et le PIB par
habitant et entre le ICW et l'IDH pour la période 1980-1985, force est
de constater que pour aucun autre objectifet à aucune autre
période il n'est possible d'établir l'existence d'un effet
positif et significatif de l'application du consensus de Washington. Il
apparaît même que l'application de ce dernier a pu avoir un effet
négatif sur l'évolution de l'IDH entre 1985 et 1990, puis entre
1995 et 2000, deux périodes pendant lesquelles les problèmes
d'endettement ont eu des conséquences particulièrement
douloureuses pour les populations des PED. De la même façon, il
n'a en rien favorisé une diminution de la dette des pays
concernés, puisque les évolutions
33 Op. cit.,p. 110.
34 Id.,p. 103.
de l'ICW et celles du montant de la dette vont de pair, en tout
cas pour les périodes 1980-1985 et 1995-200035.
En résumé, compte tenu des
spécificités africaines, aucune mesure n'a durablement
constitué un succès. Au contraire, dans nombre d'économies
d'ASS, l'aggravation de la situation économique a laissé place
à des émeutes sociales.
2. Des cas concrets encore plus éloquents.
Face àla multiplication des demandes de ressources
(...) la conséquence en fut la multiplication des mécanismes
entraînant la multiplication des conditionnalités. (...) On agit
sur les maillons faibles à défaut de pouvoir agir sur l'ensemble
du système36. En effet, en 1999, la Banque africaine de
développement [BAD, 2006] recense en moyenne 114 conditions
différentes imposées lors des PAS en Afrique subsaharienne, de 74
au Mozambique ou en Ouganda, à 165 au Sénégal. De plus,
outre la sphère commerciale et financière, les
conditionnalités ont également affecté la gouvernance
institutionnelle, et même davantage que la gouvernance financière,
avec une moyenne de 57,4 conditions contre 24,6 pour la finance37
(voir tableau 7 en annexe p.145). L'ingérence des IFI sur les pays
d'Afrique est alors totale. Tellement totale qu'un différend entre le
FMI et l'Ethiopie a éclaté seulement à cause d'un
remboursement anticipé d'un emprunt éthiopien auprès d'une
banque américaine. « Economiquement, cette décision
était parfaitement sensée (...). Ce n'était pas la logique
de la décision que [le FMI et les EtatsUnis] critiquaient, mais le fait
que l'Ethiopie l'avait prise sans l'aval du FMI. Or, pourquoi un Etat souverain
demanderait-il la permission du FMI pour chaque décision qu'il prend ?
»38 . Peut-être parce que le FMI échelonne ses
décaissements et qu'il constitue la seule et unique source de
financement pour ces économies (les prêts de la Banque mondiale ou
encore les aides européennes étant soumis
à«l'approbation» du FMI).
Les programmes de Washington ont donc considérablement
affecté les économies et les sociétés africaines.
D. Millet [2005] relate alors quelques expériences empiriques de pays
qui ont soit «joué sans
35 Berr E. et Combarnous F., 2004, in « L'impact du
consensus de Washington sur les pays en développement : une
évaluation empirique », op. cit., p. 14 et 15.
36 SorelJ.-M., 1996, op. cit,p. 18.
37 BAD, in Rapport sur le développement en Afrique 2006,
«L'aide, l'allègement de la dette et le développement en
Afrique », éd. Economica, p.60.
38 Stiglitz J. E., 2002, in «La grande désillusion
», éd. Fayard, p.66 et 67.
hésiter le jeu des grandes puissances contre leur peuple
», soit qui n'ont eu d'autre choix que de «rentrer dans le rang
»39.
Les réformes de stabilisation ont poussé soit
à un affaiblissement économique, tant interne qu'externe, soit
à des émeutes sociales, soit aux deux à la fois. Les
réductions des dépenses publiques ont surtout affecté
l'éducation, la santé, les logements et les infrastructures. A
titre d'illustration, le Relevé épidémiologique de
l'Organisation mondiale de la santé (OMS) du 4 août 2000 recense
en Afrique plus de 200 000 cas de choléra en 1999 ayant
entraîné la mort d'au moins 8700 personnes, notamment au
Nigéria, en Somalie et au Mozambique40. De plus, la plupart
des pays d'Afrique ont été obligés, compte tenu des
contraintes budgétaires, de rendre l'enseignement payant, et donc
inaccessible à la plupart des familles. L'abandon des subventions s'est
souvent concentré sur les produits et les soins de première
nécessité, comme le pain, le riz, le lait, le sucre, la farine,
l'huile, l'essence, etc. Comme les populations africaines ont de graves
difficultés pour subvenir à leurs besoins alimentaires, les
gouvernements recouraient fréquemment à ces subventions pour
maintenir les prix à un niveau abordable. Les émeutes qui ont
suivi l'arrêt de ces aides ont très tôt été
appelées les «émeutes anti-FMI» ou «émeutes
de la faim »41 et se sont concrétisées partout
sur le continente, du Maroc dès 1981 àla Zambie, en passant par
la Tunisie, la Guinée, le Zimbabwe, le Niger, le Nigeria ou encore le
Ghana. Au Ghana, le prix de l'électricité a augmenté de
60% en 2001, tout comme celui de l'eau ou du téléphone, le prix
de l'essence a grimpé de 64% la même année, avant de
doubler encore en 2003. L'augmentation des taux d'intérêt,
supposée attirer les capitaux étrangers, n'a eu comme seule
impact visible l'attrait des flux spéculatifs dans les rares pays qui,
comme l'Afrique du Sud, le Nigéria ou les pays d'Afrique du Nord,
pouvaient y prétendre. Quant à la dévaluation de la
monnaie locale, elle a posé de graves problèmes puisqu'il fallait
vendre encore et toujours davantage de marchandises (qui, rappelons le, sont
les produits de base soumis aux cours mondiaux d'une demande
désintéressée) pour pouvoir récupérer la
même quantité de devises, nécessaires notamment pour
rembourser la dette. C'est ainsi qu'en janvier 1994, «le FMI et la France
ont obtenu des quatorze gouvernements de la zone CFA une dévaluation de
50% du FCFA [franc CFA] par rapport au franc français. (...) Les effets
furent terribles : un produit importé de France qui valait
39 Millet D., 2005, in «L'Afrique sans dette »,
éd. Syllepse, p.63 à 96.
40 Id, p. 77. 41Id,p.68.
100 FCFA a valu dujour au lendemain 200 FCFA. Pour
récupérer 100 FF, il fallait du jour au lendemain vendre le
double de produits »42.
Les réformes structurelles n'ont guère
été plus enthousiasman-
tes.
La politique de développement des exportations n'a pas
tenu compte du fait que 70% des travailleurs africains se trouvent dans le
secteur agricole (Afrique du Nord et Afrique australe non compris). Pas plus
qu'elle a pris en considération le fait que «l'Afrique n'exporte
qu'un petit nombre de matières premières. Trois produits
représentent plus de 80% des exportations de 31 pays, une part qui
atteint 95% pour 19 d'entre eux »43 (dont le Congo, l'Ethiopie,
la Guinée, le Mali, la Mauritanie, la République
démocratique du Congo ou la Zambie). Au Nigéria, premier
producteur de pétrole africain, le pétrole extrait est
raffiné au Nord et le Nigéria doit le réimporter bien plus
cher, tandis que ses quatre raffineries tournent au ralenti. Car l'Afrique
exporte près de 70% des matières premières sous forme
brute, transformées dans les pays industrialisés qui profitent
alors de l'essentiel de la valeur ajoutée.
L'ouverture totale des marchés grâce à la
suppression des barrières douanières a avant tout favorisé
les multinationale étrangères, bien plus compétitives que
les petites entreprises locales. Leur ingérence commerciale a d'autant
plus été favorisée qu'elles sont sou-vent
subventionnées dans leur pays d'origine et arrivent sur le marché
local sans entrave. L'impact des subventions européennes sur le prix du
boeuf européen en Côte-d'Ivoire est facilement concevable dans la
mesure où le prix du kilo de boeuf produit en Côte-d'Ivoire en
2000 était de 1,84 €, celui produit en Europe, de 2,65€...et
que le même kilo de boeuf européen exporté en
Côte-d'Ivoire ne coûtait plus que 1,58€. La situation est
identique au Cameroun, où les importations de poulets congelés
européens sont passées de 978 tonnes en 1996 à 22 154
tonnes en 2003. Autant que ce n'était vraiment pas de cette
manière que les pays africains allaient pouvoir rembourser leurs
emprunts. Au contraire, les décaissements des IFI (sous forme de
prêts bien entendu) et les désastres économiques et sociaux
ne pouvaient qu'engraisser le montant des dettes et les couches de
pauvreté. La libéralisation financière a fait l'objet d'un
examen concernant l'impact des IDE sur les marchés financiers en
Côte-d'Ivoire44. Cette étude a montré que les
firmes multi-
42Id,p.78.
43 Selon la commission économique des Nations Unies pour
l'Afrique (UNECA), tiré de Millet D., 2005, op. cit.p. 81 et82.
44 Un des rares pays d'Afrique pour lequel les données
étaient disponibles.
nationales (FMN), «grâce à la
supériorité de leurs garanties et de leur rentabilité,
bénéficient d'un accès plus facile aux banques locales, au
détriment des entreprises locales »45. Sans
compter les rapatriements de bénéfices obtenus en Afrique vers
les maisons mères implantées au Nord.
Concernant les réformes fiscales, elles ont donc
concerné, entre autres, la baisse de l'impôt sur les
bénéfices des sociétés, comme au Rwanda où
il est passé de 50% à 35%, et la généralisation de
la TVA, comme au Ghana, où son introduction en 1995 a fait grimper les
prix d'environ 60% et a déclenché des émeutes anti-FMI. Et
pour cause, la TVA est un impôt acquitté par tous les
consommateurs, riches ou pauvres, sachant qu'en Afrique la plupart d'entre eux
sont plus pauvres que riches. Donc, avec une TVA à 18%, comme au
Sénégal, au Mali, au Burkina Faso, au Bénin et au Togo, si
un ménage consacre la totalité de ses revenus à l'achat de
produits de base pour survivre, il paie un impôt équivalent
à près d'un cinquième de ses rares ressources. Par contre,
un ménage qui n'y consacre que 10% ne se voit prélever que 1,8%
de ses ressources, pouvant alors placer le reste à l'abri de toute forme
de taxation. Et selon le PNUD, «dans de nombreux pays, la grave
insuffisance des recettes tient au fait que les riches échappent
purement et simplement aux impôts directs »46.
Des recettes qui pouvaient servir au désendettement et aux
dépenses sociales...
Enfin, les privatisations massives se sont
réalisées à prix bradés, en faveur de quelques FMN
du Nord et personnes proches du pouvoir. Le peu de recettes est certes
allé directement au remboursement de la dette mais l'accès des
populations à l'eau potable par exemple a sévèrement
décru. Aujourd'hui les privatisations sont à un stade
avancé sur le continent mais la première victime (outre la perte
de contrôle de l'Etat dans des domaines clé du
développement, ou simplement de la survie) a été l'emploi.
Celui-ci a reculé de 15% au Bénin, au Burkina Faso, au Ghana, au
Togo et en Zambie. Pourtant, les expériences sur le terrain du
BIT47 ont montré qu'il était possible de créer
« trois fois plus d'emplois avec de la main d'oeuvre locale tout en
respectant les mêmes spécifications techniques, les mêmes
délais et les mêmes coûts, voire des coûts
inférieurs »48. Encore un manque à
gagner en termes de recettes publiques et de progrès humain.
45 CNUCED, 2005, op. cit., p37.
46 Programme des Nations Unies pour le Développement,
cité à partir de Millet D., 2005, op. cit. p. 87.
47 Bureau International du Travail.
48 Cité à partir de Millet D ;, 2005, op. cit., p.
89.
Pendant l'application des PAS, bien qu'incomplètement
respectée, les pays africains voyaient leurs dettes
rééchelonnées régulièrement par le Club de
Paris et le Club de Londres. Quand, au milieu des années 1990, les
bailleurs et les débiteurs ont réalisé que ces
rééchelonnements n'avaient aucun impact significatif sur la
réduction de la dette, le G8 a lancé l'idée d'une
initiative en faveur des pays pauvres très endettés (l'initiative
PPTE). Celle-ci a pu améliorer les conditions de vie des pays
éligibles, non seulement au niveau quantitatif (montant des
allègements) mais aussi qualitatif puisqu'il s'est agi de «mettre
le pays sur le siège du conducteur »49.
49 Cité à partir de Millet D ;, 2005, op. cit., p.
89.
Chapitre 2
Les initiatives PPTE, une ultime tentative pour
alléger le fardeau de la dette.
Si la viabilité d'une dette est fonction des taux
d'intérêt, des taux de change et, dans une moindre mesure du taux
de croissance du débiteur, alors les PAS, loin d'alléger le
fardeau de la dette, l'ont même renforcé. Si les IFI et le G8 en
ont pris conscience, c'est aussi bien grâce au soulèvement de la
société civile internationale et aux pressions des Organisations
non gouvernementales (ONG) qu'aux statistiques. De la même
manière, le renforcement de l'initiative en 1999 ainsi que l'initiative
d'allègement de la dett e multilatérale (IADM) sont dus aux
mécontentements liés aux insuffisances de la première
initiative. Entre outre, cette pression mondiale a porté ses fruits
puisque les efforts et les premiers effets sont bien présents.
I - Les initiatives PPTE : entre mea-culpa des PAS et
lutte contre la pauvreté à travers l' allègement de la
dette.
La soutenabilité d'une dette à long terme est
liée, outre les trois premiers facteurs cités ci-dessus, à
quatre grandes variables. L'accès des exportations aux marchés
extérieurs est premièrement essentiel. Deuxièmement, les
flux de capitaux vers et en provenance de l'étranger doivent être
stimulés. Troisièmement, le pays doit être capable de
gérer sa dette, domestique comme extérieure. Enfin, les taux
d'investissement doivent être assez élevés, tout comme la
confiance des créanciers étrangers quant à la
capacité du gouvernement à gérer son économie
nationale d'une façon efficace. Les PAS, loin de renforcer ces
caractéristiques, ont mené la plupart des économies sur le
chemin inverse. Il était donc temps de prendre la mesure de la dette et
de la pauvreté afin de les intégrer dans un programme issu d'un
dialogue et d'en finir avec la thérapie de choc.
A/ La prise en compte du poids des ajustements et de la
dette sur la pauvreté, enfin.
Si la première initiative était la bienvenue en
1996, elle a tout de même nécessité quelques retouches
améliorant son efficacité trois ans plus tard. L'initiative PPTE
renforcée est ainsi devenue bien plus accessible que la
première.
1 Des limites de Lyon aux exigences de Cologne, le
renforcement de l 'initiative.
Il est vrai que les chiffres sur la dette extérieure
publique des PPTE d'Afrique étaient si effrayants qu'une action
s'imposait. Il était devenu évident que les mécanismes
traditionnels de rééchelonnement ne permettraient plus à
certains bénéficiaires d'honorer leurs dettes, ni même de
revenir à un taux d'endettement viable, permettant au moins d'assurer le
service de la dette. En 1996 donc, l'encours total de la dette
extérieure publique en Afrique subsaharienne était de 174
milliards USD (voir tableau 4 en annexe p.142), contre 144 en 1990 et 77 USD en
1985. Autant dire que les négociations au Club de Paris n'ont pas eu un
réel impact, la progression de l'encours n'ayant pas été
stoppée, ou pas significativement.
Ainsi, jusqu'aux conditions de Lyon, les tentatives de gestion
de la dette n'ont pas vraiment abouti, notamment parce que les conditions pour
bénéficier des allègements étaient trop strictes,
et surtout parce que la part multilatérale n'était pas
concernée. Or, dans le cas des PPTE africain, elle est rapidement
devenue majoritaire (voir graphique 3 en annexe p.167), notamment en raison des
PAS. Les conditions de réaménagement sont
répertoriées en quatre phases avant 1996. De 1975 à 1988,
le Club de Paris consentait des rééchelonnements mais sans
allègement en valeur actualisée, ni annulation. Les conditions de
Toronto, à partir de 1988, ont été les premières
à réduire la valeur actualisée nette (VAN) de la dette
bilatérale de 33,3%. Dès lors, la somme restant à
rembourser était actualisée au taux de marché des
annuités (intérêt et principal payés chaque
année) présent. Les conditions de Londres, applicables dès
1991, ont porté ce taux à 50%, avant que celles de Naples (1994)
ne renchérissent avec un taux de 67%. Quant aux conditions de Lyon
(1996) elles augmenté l'allègement en VAN à 80% avant que
les conditions de Cologne (1999) le portent jusqu'à 90% (voir tableau 2
en annexe p.140).
L'initiative PPTE, qui débute avec les conditions de
Lyon en 1996 va alors apporter une grande valeur ajoutée. Contrairement
aux principes en vigueur sous la période d'ajustement structurel,
l'Initiative PPTE instaure un véritable allègement de la dette et
non plus un simple traitement indirect par le Club de Paris. Les IFI
concèdent une réduction de leurs créances (la part
multilatérale de la dette) pour la première fois. D'autre part,
et c'est l'aspect qualitatif le plus manifeste, d'une politique imposée
de l'extérieur et décidée «d'en haut» dans le
plus grand secret, l'on passe à une politique élaborée par
le pays récipiendaire, inscrite dans une approche « par le bas
» et dans une plus grande transparence. En effet, les populations des PPTE
participent désormais à l'élaboration et à la mise
en oeuvre des politiques définies dans le document stratégique de
réduction de la pauvreté, qui remplace le Documenta cadre de
politique économique (DCPE) du temps des PAS. Or, grâce à
l'intégration de la société civile et de la population
dans la nouvelle stratégie, les spécificités des PPTE sont
mieux prises en compte. Cette variable était fondamentale car «il
est difficile pour une institution de taille modeste comme le FMI d'en savoir
très long sur toutes les économies du monde ». Dans ces
conditions, comment aurait-elle pu avoir légitimement le «monopole
des bons conseils »1? Car, les économies africaines
comportent des spécificités importantes, complexes et, de fait,
difficilement appréhendables (voir le chapitre 1), notamment pour un
économètre washingtonien sédentaire Enfin, la
dernière amélioration qualitative, et pas des moindres, remplace
un indicateur de moyens, quant au suivi de la mise en oeuvre des
conditionnalités, par un indicateur de résultats (voir tableau
annexe 8 p.146). Par conséquent, les pays ne sont plus tenus de prouver
à chaque étape leur bonne foi quant à l'application des
conditions, mais doivent désormais les respecter à terme. Ce
système permet également de juger de l'impact des
conditionnalités sur la situation économique et sociale. Une
considération importante compte tenu de la négligence à
l'égard des impacts économiques et sociaux des PAS pendant quinze
ans, malgré les protestations.
La première initiative était donc prometteuse,
symbolisant officieusement l'acception des IFI quant à l'échec
des politiques d'ajustement structurel. Avec de tels apports, la gestion de
l'endettement extérieur public en Afrique ne pouvait qu'être
amélioré. De manière annexe, mais très importante
bien que ne concernant pas directement le
1 Stiglitz J. E., 2002, in «La grande désillusion
», éd. Fayard, p. 72.
thème de l'analyse, l'initiative a permis de renouer
avec la lutte contre la pauvreté et les inégalités
croissantes sur la scène internationale. Le dispositifs'inscrit en effet
dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement,
« cibles que la communauté internationale s'est don-née en
vue de réduire de moitié la pauvreté dans le monde et
d'améliorer la situation des plus démunis d`ici 2015
»2 . A priori, une telle mission n'aurait pas dû incomber
au FMI, mais compte tenu du changement de son rôle à partir de la
crise de la dette au début des années 1980, «se
désengager des activités en faveur des pays pauvres ne serait pas
conforme à la mission du FMI et aggraverait les
déséquilibres »3. En ce sens, le FMI participe
à la réduction de la pauvreté à sa manière,
financièrement. Cette participation est louable car tous les PPTE
souffrent d'une dett e, majoritairement multilatérale, freinant
considérablement les efforts de lutte contre la pauvreté.
Néanmoins, après un examen exhaustif de
l'initiative en 1999, des modifications ont été apportées
afin de corriger ses défauts. Car la première était
très exigeante dans la sélection des récipiendaires. En
effet, concrètement, les candidats devaient respecter, malgré les
rééchelonnements traditionnels et la mise en oeuvre avec
succès d'un programme de stabilisation macroéconomique et de
réformes pendant trois ans, différents taux. Ces taux
respectés, la dette était alors jugée insoutenable. Ainsi,
le ratio en VAN de la dette par rapport aux exportations devait dépasser
200%, voire dans certains cas, 250% (il s'agissait alors d'une fourchette). Le
cas échéant, une économie ne pouvant remplir ce
critère à cause de son degré élevé
d'ouverture, devait justifier d'un côté d'une part des
exportations dans le PIB de plus de 40% (prouvant qu'elle est ouverte) et de
l'autre d'une part des recettes publiques dans le PIB excédant 20%. En
respectant ces deux autres conditions, elle pouvait alors être
éligible, non pas au regard du poids de la dette dans ses exportations
(le critère d'ouverture), mais du critère budgétaire ; le
poids de la dette dans ses recettes publiques. Ce poids devait en outre
être supérieur à 280% de ses recettes (voir tableau 9 en
annexe p.147). Avec de telles conditions, seuls cinq pays ont été
admis à l'allègement sur le critère des exportations
(Bolivie, Burkina Faso, Mali, Mozambique et Ouganda) et deux sur le
critère budgétaire (Côte-d'Ivoire et Guyana).
En septembre 1999 de fait, les modifications ont visé
«un al-
2 Définition donnée par le FMI,
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/mdgf.htm
3 FMI, in « Bilan de la réforme du FMI depuis
l'Assemblée annuelle de Prague »,
http://www.imf.org/external/np/exr/ib/2002/fra/120502f.htm
lègement plus substantiel à un plus grand nombre
de pays et plus rapidement, ainsi que [le renforcement des] liens entre
l'allègement de la dette, la réduction de la pauvreté et
la politique sociale »4.
2. L 'éligibilité du pays pauvre
surendetté en tant que PPTE officiel.
L'initiative PPTE renforcée a d'abord adouci la
période d'ajustement structurel, préalable à l'examen des
différents taux. En effet, le délai des programmes de
stabilisation sous l'égide du FMI et de la Banque mondiale devient
flottant.
A l'issu des réformes, les deux IFI analysent la
viabilité de la dett e. L'initiative renforcée a ainsi
ramené le ratio VAN de la dette/exportations à un taux fixe (et
non plus une fourchette) de 150%. Touj ours dans la même idée que
la précédente, une économie très ouverte ne peut
compter sur ce critère pour justifier de l'insoutenabilité de sa
dette. De fait, si son rapport est inférieur à 150%, elle peut
encore être éligible dans la mesure où elle satisfait les
deux critères suivants. Elle doit dans ce cas justifier d'un ratio
exportations/PIB supérieur à 30% (et non plus 40) et d'un ratio
recettes publiques/PIB dépassant 15% (au lieu de 20). Pour ces pays, le
ratio VAN de la dette/recettes publiques doit alors excéder 250% (et non
plus 280).
Comme dans la première, ces taux ne sont
analysés qu'après examen de la situation du pays. D'une part, le
pays doit démontrer l'insoutenabilité de sa dette malgré
la mise en oeuvre des programmes du FMI et de la Banque mondiale ainsi que des
différents réaménagements consentis aux conditions les
plus favorables du Club de Paris5 (la dette résiduelle devant
donc excéder 150% des exportations).
Concrètement, la Banque mondiale (BM) répertorie
l'endettement extérieur selon deux ratios; le ratio VAN de la dette
extérieure totale par rapport à la moyenne rétrospective
sur trois ans du RNB et le ratio VAN de la dette extérieure totale par
rapport à la moyenne rétrospective sur trois ans des exportations
(y compris les envois de fonds des travailleurs et les réexportations,
selon les cas). Dès lors, si l'un de ces ratios dépasse les
valeurs critiques (80% pour le premier et 220% pour le second), le pays est
classé en tant que pays lourdement endetté. Si ces
4FMI, fiche technique sur l'initiative PPTE,
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/hipcf.htm
5 Selon les termes de Lyon puis de Cologne.
ratios se situent aux trois cinquièmes ou plus de ces
seuils, le pays est répertorié comme
«modérément endetté ». En revanche, si ces
ratios sont inférieurs au trois cinquièmes des valeurs critiques,
le pays est considéré comme peu endetté.
Par la suite, le candidat doit formuler un programme (ou
document) de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP)
dont il a l'entière responsabilité. Le cas échéant,
la Banque mondiale se charge d'élaborer les diagnostics de la
pauvreté sur la demande du FMI. Le DSRP, financé par la
Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance
(FRPC, qui remplace la FASR voir glossaire p.179), reflète les
priorités nationales en matière de réduction de
pauvreté et de promotion de la croissance. Créée
également en septembre 1999, la FRPC a fait l'objet d'une
évaluation par les services du FMI en 2002, qui a conclu que les
prêts accordés dans ce cadre étaient davantage favorables
à l'augmentation des dépenses publiques, notamment celles en
faveur des pauvres.
Actuellement, les prêts concessionnels de la FRPC sont
administrés par le FMI à travers le compte fiducie FRPC-FCE
(Facilité de protection contre les Chocs Exogènes) et du fonds
fiduciaire FRPCPPTE. Le compte FRPC-FCE est alimenté par des emprunts
aux Banques centrales, Etats ou organismes publics, à taux de
marché. Mais le FMI prête ensuite ces mêmes ressources aux
pays admissibles à la FRPC à un taux annuel de 0,5%. La
différence est alors comblée par les contributions de donateurs
bilatéraux et les ressources propres du FMI. Le
bénéficiaire doit en outre rembourser son prêt «sur
dix ans par paiements semestriels dont le premier a lieu 5 ans et demi
après le décaissement du prêt »6 . En
août 2006, 78 pays à faible revenu au total étaient
admissibles à la FRPC (car celle-ci ne concerne pas seulement l'IPPTE).
L'accès est donc conditionné par l'évaluation du revenu
par habitant du candidat. L'analyse, réalisé par le FMI, se base
sur le critère d'admissibilité au guichet concessionnel de la
Banque. Depuis 2003, ce critère correspond à un revenu national
brut par habitant de 895 dollars EU.
D'autre part, le pays candidat ne doit être
éligible qu'à une assistance concessionnelle de la part du FMI
(à travers la FRPC) et de la Banque mondiale (dans le cadre de
l'Association internationale de développement, AID)
Quatrièmement, l'économie doit démontrer sa
capacité à réaliser des réformes et à
respecter les conditionnalités du
6
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/prgff.htm
programme conclu avec le FMI. Plus particulièrement, il
doit établir un répertoire des réformes
réalisées dans le cadre des programmes soutenus par les deux
institutions et démontrer la priorité de la lutte contre la
pauvreté.
Enfin, pour accéder au point de décision, le
pays doit avoir apuré ses éventuels arriérés
vis-à-vis du FMI (il ne doit alors plus avoir de dette envers le
FMI).
Grâce au sommet de Cologne en 1999, au cours duquel le
G7 a demandé de ramener le ratio d'endettement à 150%, le montant
des allègements a doublé pour atteindre 33 milliards de dollars
exprimés en VAN de la dette. De même, grâce à
l'assouplissement des exigences, le nombre de pays éligibles a
triplé, passant de sept à vingt et un. En effet, dans
l'année qui a suivi le renforcement, quatorze pays ont été
identifiés comme PPTE (le Cameroun, la Gambie, la Guinée, la
Guinée-Bissau, le Honduras, l'île de Madagascar, le Malawi, la
Mauritanie, le Nicaragua, le Niger, le Rwanda, l'île de Sao Tomé,
le Sénégal et la Tanzanie7). Certains pays, entre 1999
et 2000, étaient effectivement très lourdement endettés.
La dett e extérieure totale (privée comme publique et à
court terme comme à long terme) de la Côte-d'ivoire par exemple
s'élevait à 15,1 milliards de dollars, celle du Cameroun,
à 9,3 milliards, celle de la Tanzanie, à près de 8
milliards ou encore celle de Madagascar, à 4,5 milliards. Si l'Afrique
n'est pas le continent le plus endetté en termes absolus, il l'est
relativement à son PIB (c'est-à-dire à ses richesses).
Ces pays ont donc pu répondre aux critères
d'éligibilité grâce à l'assouplissement inclus dans
la seconde version de l'initiative. Ainsi, en avril 2007, 40 PPTE
étaient identifiés par les IFI, dont 22 au point ne
décision, 8 dans la phase intérimaire, et 10 n'ayant pas encore
atteint le point de décision (voir tableau 10 et graphique 4 en annexe
p.148 et p.1 68). Une fois ces critères remplis, les pays
accèdent enfin au point de décision et prennent la route
séquentielle de l'allègement.
7 CNUCED, 2004, in Le développement économique en
Afrique, «Endettement viable : Oasis ou mirage?», p. 19.
B/ Un programme « en phases » avec le pays
bénéficiaire et sa population : une démarche très
attendue.
1. Du Document de stratégie de réduction de
la pauvreté au point d 'achèvement...
Une fois que le pays est jugé éligible au
bénéfice de l'initiative PPTE, il doit encore formuler un DSRP
intérimaire pour atteindre le point de décision. Car le point de
décision va détailler la mise en oeuvre des politiques favorables
à la réduction de la pauvreté et à la croissance
qui devront être appliquées tout le long de la période
intérimaire. C'est en effet ce point qui détermine la
capacité du pays à exécuter convenablement le programme de
réformes contenu dans le DSRP , et à utiliser les fonds
dégagés par l'allègement de manière efficiente. La
bonne exécution, aidée par la FRPC, conditionne alors le
franchissement du point d'achèvement (voir graphique 4 en annexe p.168).
En effet, ce n'est qu'une fois cette étape franchie qu'une partie du
stock de la dette est annulée, dans les proportions définies au
point de décision. Il ne s'agit donc pas d'une annulation
inconditionnelle mais d'un allègement en vue de revenir à un taux
d'endettement soutenable.
Ce qui va donc conditionner le point de décision, c'est
la rédaction en bonne et due forme d'un DSRP intérimaire.
Celui-ci s'assure que les fonds libérés par la remise de dette
seront effectivement affectés à la réduction de la
pauvreté et à la promotion de la croissance. Il va en outre
conditionner l'éligibilité définitive à
l'initiative mais aussi celle aux futures aides multilatérales et
bilatérales. Pour démontrer qu'il est capable d'absorber les
fonds à bon escient, l'Etat, en collaboration étroite avec sa
population doit donc logiquement définir « le profil, les causes et
les moyens de combattre la pauvreté »8. Cet exercice
n'est pas aisé et demande alors du temps, de la réflexion, et
l'approbation finale du Comité Monétaire et financier du FMI
ainsi que celle du Comité de Développement de la Banque mondiale.
Néanmoins, tout DSRP est soumis à certains principes intangibles.
Il doit d'abord être «piloté par le pays
bénéficiaire », avec entre autres, une large participation
de la société civile. Il doit ensuite être «axé
sur les résultats » (notamment les effets sur la pauvreté).
Il doit également être «global», afin de retenir la
nature pluridimensionnelle de la pauvreté. Les priorités doivent
être
8Nguena O. J., 2005, in «Initiative PPTE, Quels
enjeux pour l'Afrique ? », éd. L'Harmattan, p.57.
hiérarchisées, afin d'éviter le
«syndrome de la shopping liste ». Il doit de plus faire l'objet d'un
partenariat, en particulier avec les partenaires du développement (ONG,
organisations bilatérales et multilatérales). Enfin, il doit
être fondé sur une perspective de long terme pour lutter contre la
pauvreté avec efficience9.
Un document complet et exécutoire sera établi
sur cette base pour la période intérimaire. Mais pour mieux
cerner la question, le cas du Congo, par exemple, est plus convaincant. Le
document intérimaire du Congo en 2004, défini en une centaine de
pages, retrace point par point les difficultés du pays, leurs sources et
les propositions pour les enrayer10. Il explique également
laprocédure de constitution d'un DSRP. Celle-ci s'est
déroulée en trois étapes. Dans son cas, le gouvernement
congolais a instauré par décret un Comité national de
lutte contre la pauvreté (CNLP) chargé de définir les
« grandes orientations politiques relatives à la formulation du
DSRP et d'en assurer la supervision »11.
Parallèlement, le secrétariat technique
permanent (STP) a pour mission de coordonner l'ensemble des activités
à réaliser dans le cadre de ladite élaboration, à
savoir l'animation du processus participatif et le suivi des travaux. Enfin,
l'effectivité des consultations participatives a été
réalisée en trois étapes. La première phase a
consisté à « élaborer une méthode de travail
et à mettre en place un cadre institutionnel de conduite des
consultations participatives ». Il s'agit simplement d'une campagne
d'information de la population; fait plutôt rare pendant les PAS.
«La deuxième phase a vu le lancement officiel du processus
d'élaboration du DSRP-I12 et l'organisation et la tenue des
consultations participatives au niveau central (consultations
thématiques) et des consultations communautaires dans les onze
départements du pays ». Il s'agit ici de recueillir l'opinion
globale des populations sur les causes, la nature et les remèdes
potentiels à la pauvreté. Enfin, la troisième phase relate
le même processus mais plus détaillé cet fois, puisqu'il
s'agit de consultations afin d'obtenir les différents points de vue au
niveau sectoriel.
De manière générale, le DSRP provisoire
du Congo est structuré en quatre grandes parties. La première est
celle qui explique le processus d'élaboration du document. La
deuxième établit un diagnostic de
9 Booth D., tiré de la Banque africaine de
développement (BAD), 2006, Rapport sur le développement en
Afrique, «L'aide, l'allègement de la dette et le
développement en Afrique », éd. Economica.
10 République du Congo, Comité national de lutte
contre la pauvreté, secrétariat technique permanent, 2004,
«Document intérimaire de stratégie de réduction de la
pauvreté (DSRPI)»
http://www.cg.undp.org/Docs/Dsrp_I_revis%C3%A9_08_09_04.pdf
11Id.p 13.
12 Le DSRP intérimaire.
la pauvreté en prenant en compte sa nature
multidimensionnelle. Le chapitre 2 recense donc les perceptions de la
populations, les caractéristiques de la pauvreté (de type
monétaire, humaine, au regard de l'accès aux infrastructures de
base, à l'énergie, à l'habitat...) et un diagnostic
sectoriel (secteur de la gouvernance, de la sécurité et de la
paix, le secteur forestier, du développement rural...). La situation du
pays «résumée », le chapitre 3 peut établir
«les axes stratégiques et les actions prioritaires », tels que
la «consolidation de la paix» et la «promotion de la bonne
gouvernance », la « consolidation du cadre
macroéconomique» et la « relance des secteurs clefs »,
«l'accès aux services sociaux de base» et la «protection
sociale » ainsi que le «développement des
infrastructures» Quant au chapitre 4, il détaille les «mesure
d'accompagnement », comme la «gestion et la mise en oeuvre de la
stratégie », le « suivi et l'évaluation du DSRP-I
» mais aussi les «contraintes et les risques» soulevés
par son application13.
La stratégie intérimaire est similaire pour tous
les pays dans ses grands axes et tient compte des spécificités
dans ses priorités.
Une fois le DSRP final appliquée, le pays parvient au
point d'achèvement. Le stock de la dette est donc allégé
dans les termes prévus au point de décision. Mais cette
dernière étape ouvre également des volets additionnels,
correspondant à des remises de dette supplémentaires
bilatérales. Parmi elles, dans le cas de la France, ce volet concerne le
Contrat de désendettement et de développement (C2D). De 2005
à 2008, 23 pays éligibles à l'initiative sont ou seront
concernés par le C2D14, dont 20 en Afrique.
Brièvement, le ministère des Affaires étrangères et
européennes définit le C2D comme un refinancement par dons des
créances d'APD15 : les pays continuent d'honorer leur dette,
mais aussitôt le remboursement constaté, la France reverse au pays
la somme correspondante pour l'affecter à des programmes de lutte contre
la pauvreté sélectionnés d'un commun accord avec l'Etat
partenaire. (...) Ils représentent un volume financier
prévisionnel d'environ 3,7 milliards d'euros. La remise de dette
s'inscrit dans la durée puisque les échéances des
prêts s'étalent souvent sur une vingtaine d'années, sous la
forme de plusieurs C2D successifs conclus chacun pour une durée de trois
à cinq ans16.
13 Id. p.2 et3.
14 Cameroun, Ouganda, Mozambique, Tanzanie, Mauritanie, Bolivie,
Nicaragua, Ghana, Madagascar, Honduras, Rwanda, Malawi, Sierra Leone, Sao Tome,
Guinée, République démocratique du Congo (RDC), Côte
d'Ivoire, Burundi, Congo, Soudan, Liberia, Myanmar et Somalie, Charasse M.,
2006, Projet de loi de finances pour 2007, Aide publique au
développement. Compte spécial prêts à des
états étrangers et compte spécial accords
monétaires internationaux,
http://www.senat.fr/rap/l06-078-34/l06-078-3448.
html
15 Aide publique au développement.
16
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/economie-mondiale_901/dette-lutte-contre-pauvrete_902/contrats-desendettement-developpement-c2d_903/index.html
Pour parvenir à l'allègement effectif, mais
aussi aux volets additionnels, le pays doit néanmoins appliquer
correctement les mesures exposées dans son DSRP.
2 ... Avec un passage obligatoire par la période
intérimaire.
Le renforcement de l'initiative a donné lieu à
des allègements pendant la période intermédiaire.
Allègements que la première ne prévoyait qu'en fin de
processus. Toutefois, ce n'est pas le stock de la dette qui commence à
être réduit, mais le service, «l'ensemble des dépenses
de l'État consacrées au remboursement des intérêts
de sa dette »17. Certaines dettes constituent une
urgence quant à leur allègement. De fait, la seconde initiative a
pris soin de débuter la réduction en même temps que les
décaissements au titre de la FRPC dans la phase intérimaire. Ces
deux dispositifs épaulent davantage le financement de la mise en oeuvre
des politiques à appliquer, dont le coût est évalué,
si possible, dans le DSRP final.
«Les objectifs budgétaires de ces programmes sont
adaptés en fonction de l'évolution des circonstances du pays et
des priorités des politiques en faveur des pauvres, tout en assurant que
la stratégie peut être financée durablement sans provoquer
d'inflation »18. Le FMI est certes touj ours
soucieux de l'inflation mais il est aussi désormais soucieux de
«l'évolution des circonstance» du pays, traduisant le fait que
le conditionnalités sont maintenant soumises à un indicateur de
résultat (et non plus de moyen). En outre, Lorsque le pays a atteint le
point de décision, il bénéficie d'une assistance dite
intérimaire pour l'allègement du service jusqu'au point
d'achèvement. L'allègement intérimaire revêt une
dimension multilatérale et bilatérale. Au niveau des bailleurs
multilatéraux, le Fonds et la Banque apportent une « assistance
intérimaire tandis que les autres créanciers multilatéraux
accordent des allègements transitoires de la dette à des
conditions discrétionnaires »19 . C'est dans ce cadre
qu'a été créé le Trust-Fund par la Banque mondiale
et le fonds FRPC-PPTE par le FMI. Les bailleurs bilatéraux, comme le
Club de Paris notamment consentent à un traitement dans les termes de
Cologne ; une annulation de 90% des créances commerciales
éligibles pré date butoir [les dettes contractées
après l'éligibilité ne rentrant pas dans le dispositif]
dont les échéances se situent entre le point de déci-
17
http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-publiques/ressources-depenses-etat/depenses/qu-est-ce-que-service-dette.html
18
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/prgff.htm
19 Nguena O. J., 2005, op. cit. p., 60.
sion et l'achèvement. «Devant l'urgence de la
situation plusieurs pays membres du CAD20 ont annoncé une
annulation bilatérale de la totalité des créances
commerciales garanties et éligibles au Club de Paris dès le point
de décision »21. En pratique, cette annonce
se traduit pas un arrêt des versements pendant la période
intérimaire.
La réussite de la période intérimaire
tient à quelques conditions. Il est couramment admis d'une part que la
mise en oeuvre des réformes fondamentales de politique structurelle
approuvées au point de décision doit être satisfaisante.
D'autre part, la stabilité macro-économique doit être
préservée tout au long de la période. Enfin, le pays doit
adopter et mettre en oeuvre une stratégie de réduction de la
pauvreté pendant au moins une année. C'est sur ce point que le
processus se soucie d'être en phase avec les Objectifs du
millénaire pour le développement (OMD).
Le DSRP final, inscrit dans une perspective de
faisabilité, joue alors le premier rôle. Ce dernier doit
décliner les huit OMD en les adaptant à la réalité
du pays et en en précisant les axes prioritaires. Un des enjeux majeurs
est de voir réhabiliter le rôle de l'Etat. De fait, les actions de
celui-ci vont être essentielles. C'est bien l'Etat qui met en oeuvre la
stratégie, en collaborant avec sa société civile et sa
population. Ses actions s'inscrivent globalement dans les préceptes des
théories de la croissance endogène, notamment celle de Barro. En
effet l'Etat doit favoriser l'accumulation de capital, tant au niveau humain
qu'au niveau physique et technique. Par là même, les politiques de
formation et d'éducation doivent oeuvrer dans le sens d'une
amélioration de l'efficacité du capital humain et de
l'accumulation des savoirs. Ce but implique une bonne planification et un choix
judicieux vis-à-vis des politiques sectorielles de long terme.
Brièvement ces politiques doivent s'orienter sur cinq
axes. Le cadre macroéconomique doit, en premier lieu, être
renforcé grâce à la poursuite du plan triennal de la FASR.
Il s'agit globalement de diversifier les exportations, de « monter en
gamme » et de développer le secteur industriel en aidant les
petites et moyennes entreprises et industries (PME, PMI). Les
conséquences en terme de croissance du PIB ne peuvent alors être
que positives. Deuxièmement, le secteur privé, fer de lance du
développement, doit être développé. Le financement
afférant doit s'effectuer à travers la création de fonds
d'appui et de financement, notamment grâce à l'essor de la
microfinance et d'une formation adaptée par les institutions locales. La
restructuration du secteur ban-
20 Comité d'aide au développement, composante de
l'OCDE.
21 Nguena O. J., 2005, idem.
caire doit en outre être le vecteur de celle du secteur
privé. En troisième lieu, le remplacement et l'extension des
infrastructures nécessaires au développement et l'aide à
l'accès aux ressources naturelles doivent être encouragés.
La priorité, dans le cas africain, est bien sûr de construire (ou
développer) le réseau routier pour ensuite assurer l'existence de
voies de communication entre les pays. En matière d'accès aux
ressources vitales, la généralisation de l'eau potable doit
être effectuée en premier. Quatrièmement, dans le cadre du
renforcement du capital humain, il s'agit de développer les instituts de
formation supérieure professionnelle et technique en relation avec
l'emploi. Plus généralement, l'universalisation de l'enseignement
primaire doit être atteinte. Mais sans amélioration de
l'état de santé général, l'accumulation de capital
humain reste impossible. Enfin, dans la lignée de la bonne gouvernance,
les capacités de l'Etat, du secteur privé, de la
société civile et des collectivités locales doivent
être fortes. Il incombe à chaque pays de mettre en place un cadre
institutionnel délimitant et clarifiant les rôles de chacun dans
le cadre de la restauration d'un Etat de droit. Mais avant, tout il faut aider
la société civile à «s'affirmer en tant que
partenaire incontournable »22.
Il est en définitive possible de dire que l'initiative
PPTE renforcée (dite aussi IPPTER) s'aligne bien sur les
spécificités des pays auxquels elle bénéficie et
prend bien mieux en compte le problème de la pauvreté et de sa
nature pluridimensionnelle. Néanmoins, le FMI précise bien qu'il
n'a jamais été question d'une panacée. Et c'est justement
pour prendre le problème de la dett e et de la pauvreté davantage
«à bras le corps » que le G8 a lancé en 2005 une
initiative complémentaire d'allègement de la dette
multilatérale (IADM).
II - Des résultats renforcés à
court terme par l'Initiative d'allègement de la dette
multilatérale (IADM).
Six ans après le lancement de l'initiative PPTE II, les
pays du G8 en considéré les insuffisances dont elle faisait
l'objet, et ont donc décidé de la renforcer à nouveau.
Avec l'IADM, il était sûr que les effets de l'initiative PPTE sur
la réduction de la pauvreté et sur la croissance seraient
renforcés.
22 Nguena O. J., op. cit., p. 73 à 75.
A/ L'IADM, un complément bienvenu de l'initiative
PPTE
L'IADM s'inscrit en effet dans le prolongement de l'initiative
PPTE, ne pouvant être mise en oeuvre avant que le pays ait atteint le
point d'achèvement. Ses effets autonomes ont d'ailleurs
été salués.
1 Un allègement de plus pour les pays ayant atteint
le point d'achèvement.
Le sommet du G8 à Gleneagles (Ecosse), en juin 2005, a
donné lieu à une large réflexion sur le caractère
soutenable de la dett e après atteinte du point d'achèvement. Les
pays ont donc lancé l'idée d'une annulation totale des dettes
multilatérales pour les PPTE ayant achevé l'initiative, ainsi que
les pays jugés très pauvres (voir tableau 12 en annexe p.151).
«Le ministre britannique des Finances, Gordon Brown, avait assuré
le 11 juin 2005 que les 40 milliards de dette dus par les 18 pays les plus
pauvres [seraient] effacées immédiatement
»23. L'annulation ne concerne donc pas
l'intégralité de la dette résiduelle mais «une partie
de la partie » multilatérale de celle-ci. En effet, seules les
dettes contractées auprès de la Banque mondiale, du FMI et de la
Banque africaine de développement (BAD) sont effacées. Ce
dispositif va donc incontestablement aider les pays africains, même si
certains ont des dettes envers davantage d'IFI, à l'instar du Ghana,
débiteur auprès de 9 institutions différentes.
«Cependant, début 2007, la Banque interaméricaine de
développement a aussi décidé d'annuler de la même
manière ses créances sur cinq PPTE des Amériques
»24.
Les pays du G8 ont eu du mal à tomber d'accord.
Certains, comme la France souhaitaient inscrire toute démarche
d'allègement dans le principe de soutenabilité, tandis que
d'autres, comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis étaient favorables
à une annulation totale. La dernière proposition a
été retenue par les IFI en décembre. Dès lors, il
ne s'agit plus de chercher des critères mesurant l'annulation
nécessaire, mais d'instaurer une annulation totale et inconditionnelle,
ou presque. La seule condition est en effet d'être parvenu au point
d'achèvement de l'initiative PPTE, démontrant de fait l'aptitude
à utiliser les fonds dégagés à la
réalisation des OMD. Un revirement de telle ampleur a été
encore une fois impulsé par la pression citoyenne internationale.
Cer-
23 Merckaert J., 2006, in « Dix ans après le
lancement de l'initiative PPTE. Evaluation critique du traitement de la dette
par le G8 », p. 9.
24
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/mdrif.htm
tains y voient aussi, avec un «brin d'optimisme»
[Merckaert J., 2006] une reconnaissance implicite d'une certaine part de
responsabilité dans l'accumulation de la dette. Mais cet aveu n'a jamais
été clairement formulé par le G8. La Banque mondiale a en
plus reconnu en 2006 que le renforcement de l'IADM pourrait se traduire par une
baisse des seuils indicatifs d'endettement dans le cadre de l'analyse de
l'insoutenabilité d'une dette. Cette formulation pourrait avoir deux
conséquences importantes. D'une part, si une telle révision
était acceptée, elle susciterait une réouverture du
débat sur l'éligibilité à l'initiative PPTE (pour
davantage de pays identifiés). D'autre part, elle pose également
la question, au fond, «d'une annulation de toute dette insoutenable (selon
des critères redéfinis) » 25.
La mis en oeuvre est différente selon les IFI, chacune
d'elles ay-ant adapté la proposition du G8 selon ses propres statuts
(voir tableau 13 en annexe p.152). Dans le cas du FMI, tous les pays dont le
revenu par habitant est égal ou inférieur à 380 dollars EU
par an (PPTE ou non PPTE) bénéficieront au titre de l'IADM d'un
allégement de leur dette qui sera financé sur les ressources
propres du FMI, par le biais du Compte IADM-I. Les PPTE dont le revenu par
habitant est supérieur à 380 dollars EU par an
bénéficieront au titre de l'IADM d'un allégement de leur
dette qui sera financé par des contributions bilatérales (les
actionnaires du FMI, et en particulier les pays du G8), administrées par
le FMI par le biais du Compte IADM-II. L'allégement (...) couvre la
totalité des créances détenues par le FMI à la fin
de 2004 et en cours à la date à laquelle le pays est
déclaré admissible à cet allégement. Aucune
disposition ne prévoit l'allégement des dettes contractées
après le 1 er janvier 200526. Les bailleurs de fonds de l'IDA
ont prévu un montage financier fondé sur une augmentation de
leurs contributions avec le temps, de façon à compenser chaque
dollar « payé » par l'IDA pour alléger la dette. Cette
dotation supplémentaire permet de préserver
l'intégrité financière de l'institution et d'assurer ainsi
la disponibilité de ressources pour appuyer les efforts de
développement des pays pauvres. Les contributions des bailleurs de fonds
sous forme d'engagements financiers écrits sont attendues pour juillet
2006; leurs paiements s'étaleront sur 40 ans, de façon à
compenser les montants provenant du remboursement des crédits IDA et
cédés par cette dernière au titre de l'IADM. Les
ressources supplémentaires fournies par les donateurs pour financier
l'IADM seront affectées aux seuls pays IDA,
25 Merckaert J., 2006, op. cit., p. 11.
26
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/mdrif.htm
selon le système d'allocation des ressources IDA
basé sur la performance27. Seules les dettes
contractées avant la fin de l'année 2003 auprès du groupe
de la BM seront annulée. Quant à la BAD, les modalités de
financement sont sensiblement les mêmes. «En vue de préserver
la capacité de financement du FAD, le Groupe de la BAD et les donateurs
se sont accordés sur un mécanisme de financement compensatoire,
dans le cadre duquel les donateurs ont promis de financer
l'intégralité de l'IADM. En outre, les donateurs ont
annoncé que l'allégement de la dett e au titre de l'IADM viendra
en complément des reconstitutions régulières du FAD
à effectuer au fil du temps »28.
Par conséquent, et il s'agit d'un point capital, les
pays finançant l'IADM se sont engagés à la rendre
additionnelle à leurs contributions aux IFI, mais également
à l'Aide publique au développement. Néanmoins, pour la
Banque mondiale et la BAD (et non le FMI), l'annulation constituant un manque
à gagner, elle « s 'accompagne de la réduction
immédiate du montant équivalent d'aide versée (...) au
pays concerné »29. De surcroît, les
pays du G8 ont décidé non seulement d'accroître leur APD,
mais aussi de doubler son montant dans le cas de l'Afrique. Les impacts n'en
sont que plus grands.
2. Des implications non négligeables.
Les pays du G8 ont donc réalisé de grands
efforts en vue d'une meilleure gestion du surendettement africain dans le cadre
de l'atteinte des OMD. L'effet le plus manifeste est symbolisé par
« l'annulation de 80 % à 90 % [du stock de la dette des
bénéficiaires], ce qui fera passer la valeur actuelle de leur
ratio dette/exportations en dessous de 50 % à 60 %
»30. Soit une part bien inférieure à
celle déterminant une dette soutenable (150%). L'impact sur les 17
premiers bénéficiaires (dont 13 en Afrique) est important,
notamment pour des pays restés très endettés même
après achèvement de l'initiative PPTE (voir graphiques 5 et 6 en
annexe p.169 et p.170). C'est par exemple le cas de l'Ouganda, dont le ratio
d'endettement selon le critère d'ouverture (dette/exporta-
27 Ibrahim A., économiste, Bureau de la Banque mondiale,
2006, in « L'initiative d'allègement de la dette
multilatérale (IADM) »,
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/NEWSFRENCH/
0,,contentMDK:20995960~menuPK:3325343~pagePK:34370~piPK:34424~theSitePK:107493
1,00.html
28 BAD, avril 2006, « Modalités de mise en oeuvre de
l'Initiative d'annulation de la dette multilatérale par le Fonds
africain de développement »
http://www.afdb.org/portal/page?_pageid=473,1&_dad=portal&_
schema=PORTAL
29 Merckaert J., 2006, op. cit., p.13.
30 Programme de renforcement des capacités d'analyse de la
dette et stratégie de désendettement des PPTE, 2006, in «
L'initiative d'allègement de la dette multilatérale », p. 1,
http://www.hipc-cbp.org/files/
fr/open/News/MDRI_Aug_%202006_Fr.pdf.
tions) passe de plus de 250% avant l'IADM à un peu plus
de 50% après. Les quatre plus grands bénéficiaires sont
ainsi l'Ouganda, le Burkina Faso, le Bénin et la Zambie. En outre, la
Zambie, en atteignant le point d'achèvement de l'IPPTE, a vu son stock
de dette passer de 7 milliards de dollars à 500 millions. Elle a donc pu
annoncer fièrement, en mars 2006, l'accès gratuit aux soins de
santé de base. Le Ghana, dont le ratio d'endettement est passé
d'environ 80% à environ 25 après l'allègement de sa dette
multilatérale, a utilisé les fonds dégagés pour la
construction d'infrastructures routières en milieu rural et a
gonflé les budgets dédiés à l'éducation et
à la santé.
Les effets sont visibles au niveau des PPTE et des pays
pauvres (dans le cas du FMI), mais ils le sont aussi pour les IFI et les
donateurs (ou actionnaires). Le FMI demande seulement que les pays
éligibles à l'IADM soient à jour au titre de leur
obligations envers le FMI. Ils doivent également présenter un
bilan satisfaisant dans les domaines de politiques macroéconomiques,
dans la mise en oeuvre de leur stratégie de lutte contre la
pauvreté (accomplissement du DSRP) ainsi que dans la gestion de leurs
dépenses publiques. Ainsi, au mois de mars 2007, 19 pays étaient
éligibles immédiatement à l'IADM, dont 17 PPTE et deux non
PPTE, dont le revenu par habitant est inférieur au seuil fixé, le
Cambodge et le Tadjikistan. Certains pays ne sont parvenus que récemment
au point d'achèvement de l'IPPTE et viennent alors d'intégrer
l'IADM, faisant monter le nombre de pays bénéficiaires à
24 (Cameroun avril 2006, le Malawi septembre 2006, la Sierra Leone
décembre 2006 et Sao Tomé-et-Principe mars 2007). A la fin
décembre 2005, la participation du FMI à l'allègement de
la dette au titre de l'IADM (y compris l'assistance qui reste à fournir
au titre de l'Initiative PPTE) représentait un coût total
d'environ 5,3 milliards de DTS31 (soit 8 milliards de dollars EU, en
VAN à la fin 2005). (...) Le G-8 a fourni au FMI 100 millions de DTS, en
VAN de 2005, comme contribution additionnelle (...). Des apports
supplémentaires seront aussi nécessaires pour couvrir le
coût des allégements au titre de l'initiative PPTE et de l'IADM en
faveur des pays récemment identifiés comme PPTE ainsi que les
pays ayant des arriérés de longue date envers le FMI. Dans ce
contexte, le G-8 s'est engagé à ce que les bailleurs de fonds
fournissent les ressources supplémentaires requises pour annuler
l'intégralité de la dette de ces pays32. Pour la seule
IADM, le coût pour le FMI s'élève à 3
31 Instrument de réserve international créé
par le FMI en 1969 pour compléter les réserves officielles
existantes des pays membres. Les DTS sont alloués aux pays membres
proportionnellement à leur quote-part au FMI
32
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/mdrif.htm
milliards de dollars en VAN à la fin de 2005 (voir
tableau 15 en annexe p.1 54). Ces chiffrent revêtent une symbolique
particulière, lorsque l'on sait qu'un dollar octroyé à la
réduction d'une dette correspond à un dollar en moins pour les
IFI destiné à l'aide d'autres pays.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la Banque mondiale,
principal financeur du coût des l'initiative, et la BAD ne peuvent rendre
l'IADM additionnelle pour les pays récipiendaires. L'IDA, en mars 2006,
a annoncé le montant de sa participation au titre de l'IADM; 37
milliards de USD, soit la part la plus élevée. Quant à la
BAD, elle finance le coût de l'initiative à hauteur de 8,54
milliards USD. Les participations tenant seulement à l'IADM sont donc
conséquentes et se montent au total à 50,3 milliards de dollars,
dont 24,9 milliards pour les seuls FMI, IDA et BAD. Néanmoins, seul le
FMI allégeant les dettes immédiatement (les prêts de la BM
et de la BAD ayant des échéances beaucoup plus longues,
jusqu'à 2054 pour la BAD), le coût annuel tombe à 1,5
milliards de dollars. Mais pour les récipiendaires, comme
déjà vu, cette somme constitue un grand soulagement.
Enfin, il convient de rajouter trois faits tout aussi majeurs.
Premièrement, les bénéficiaires, après avoir att
eint le point d'achèvement et bénéficié des
allègements, ont la possibilité de ne plus recourir aux
prêts des IFI. Après deux décennies d'ajustements
structurels imposés, il s'agit d'une véritable opportunité
de choisir son propre chemin de croissance. Deuxièmement, la Banque
mondiale a déclaré que le bénéfice de l'IADM
était irrévocable. Cet engagement était primordial dans la
mesure où, sachant qu'il s'étale sur 40 ans, la Banque ne pourra
ni revenir sur sa décision, ni suspendre l'allègement à
d'autres conditions. Enfin, après l'adoption par le G8 en 2002, d'un
Plan d'action pour l'Afrique, les pays ont décidé en 2005 de
doubler leurAPD d'ici 201033. Ils ont en outre annoncé, le 8
juin 2007, qu'ils dégageraient au total 60 milliards de dollars pour
combattre «en priorité le sida, la tuberculose et la malaria
»34. Or, cette augmentation, non négligeable,
devrait être additionnelle aux allègements, elle ne s'y
substituerait donc pas.
Il s'agit donc, après une présentation
générale des nouvelles tentatives de gestion de la dette
africaine, d'en voir les impacts en chiffres ainsi que les effets sur ce la
réduction de la pauvreté.
33 «Plan d'action du G8 pour l'Afrique, Rapport de mise en
oeuvre des représentants personnels pour l'Afrique»
http://www.g8.fr/evian/francais/navigation/le_sommet_2003/documents_du_sommet/plan_d_action_
pour_l_afrique_du_g8_-_rapport_de_mise_en_oeuvre_des_representants_personnels_pour_l_afrique.
html
34 Gbadamassi F, 2007, «Le G8 et l'Afrique: «Si tu ne
peux pas m'arranger, il faut pas me déranger! »,
http://www.afrik.com/article11889.html
B/ L'ampleur et les impacts des allègements
consentis : un début prometteur.
En effet les deux initiatives ont permis de faire chuter les
premiers taux d'endettement des pays bénéficiaires. Cette
amélioration a ainsi permis d'affecter davantage les dépenses
publiques à la lutte contre la pauvreté, et mois au paiement du
service de la dette.
1 Un début d'amélioration de la situation
économique.
Les deux initiatives ont indéniablement
contribué àl'amélioration économique des pays
d'Afrique subsaharienne. En effet, les chiffres et les évolutions sont
globalement positifs. Certains pays ont vu, avec l'IPPTE II35, leur
dette se réduire considérablement (voir tableaux 14 et 16 en
annexe p.153 et p.155). C'est par exemple le cas de la GuinéeBissau, qui
a vu passer le ratio VAN de sa dette par rapport à ses recettes
publiques passer de 1152% sans l'initiative à 173% avec
allègement au titre de l'IPPTE (données de 2003). Le cas de la
République démocratique du Congo est tout aussi éloquent,
pour lequel ce même ratio a été ramené à 261%
avec l'allègement alors qu'il représenterait 1306% sans
allègement. De manière générale, à la fin
2005, la VAN de la dette des 29 PPTE36 est passé de 88
milliards de dollars avant les allègements traditionnels, à 10
milliards après tous les allègements. Entre temps, elle a atteint
75 milliards après la mise en oeuvre des allègements
traditionnels, puis 37 milliards après allègements au titre de
l'IPPTE, pour parvenir à 34 milliards après mise en oeuvre de
l'IADM (voir graphique 6 en annexe p.170).
Certes, ces ratios ne permettent d'affirmer que la dette est
désormais soutenable, mais les variations sont tout de même
importantes. Il faut donc espérer qu'il ne s'agisse que d'un
début. De la même manière, les ratios du service de la
dette extérieure publique par rapport aux recettes publiques ont
quasiment tous diminué, bien que dans des proportions
différentes. Les baisses les plus importantes sont enregistrées
par Sao Tomé-et-Principe (de 23,3% en 2003 à 4,5% en 2005), le
Ghana (17,3 % en 2003 à 7,9% en 2005) et le Tchad (de 18,3% à
10%). En moyenne, de 2005 à 2008, les ratios service de la
dette/exportation pour l'ensemble des PPTE doivent passer de 6,5% à un
peu plus de 3%. De manière absolue, la dett e globale des PPTE africains
« aurait pu attein-
35 L'IPPTE-II correspond à l'initiative PPTE
renforcée.
36 Dont 19 parvenus au point d'achèvement et 10 pays dans
la phase intérimaire.
dre 200 milliards en 2000 si les créanciers
n'étaient pas intervenus pour stopper l'hémorragie, ont
affirmé les experts»37. Au final, l'initiative PPTE et
l'IADM auront permis, jusqu'en 2005, de réduire la dette des pays
bénéficiaires de quelque 78 milliards de dollars ». Sans
constituer une panacée, l'initiative PPTE a commencé à
dégager un surplus pour le développement des
récipiendaires.
En outre, les données économiques de ces pays
ont évolué de manière favorable. Le rapport 2005 du FMI
sur les «Perspectives économiques régionales » dans le
cas de l'« Afrique subsaharienne »38 est alors
encourageant, tout en restant bien sûr prudent sur la suite des
évènements. D'abord, s'il est vrai que la part de l'Afrique dans
le commerce mondial a diminué, notamment à partir du début
des années 1980, non seulement celle-ci est en ré-augmentation
depuis 2000, mais la part du commerce africain dans le total des
échanges des pays africains a nettement progressé depuis la fin
des années 1980. Sa légère décrue depuis la fin des
années 1990 pourrait annoncer la contrepartie en entrée dans le
commerce mondiale, car si les échanges intra-zone se sont
développés, c'est surtout parce que le continent était
marginalisé depuis la crise de la dette surtout. Or, le FMI observe
plusieurs tendances favorables à une insertion des le commerce
international (bien que timide pour l'instant), en ne recensant pas le
Nigéria et l'Afrique du Sud car ces pays surestiment les indicateurs.
Les données comparent la période 1997-2001 à
l'année 2004.
Au niveau de la situation extérieure, les flux nets
d'IDE en direction du continent semblent reprendre le chemin de l'expansion
depuis 2000, avec toutefois comme caractéristique habituelle, une forte
instabilité. De plus, la part des exportations de biens et services dans
le PIB de la zone a augmenté de cinq points, passant de 33,6% à
38,7%. Parallèlement, la part des importations dans le PIB a cru moins
fortement, mesurée à 3 8,6% entre 1997 et 2001, elle n'atteint
que 40,7% en 2004. Par conséquent, le solde de la balance commerciale
s'est amélioré (de 0,6% du PIB à 3% sur la même
période). Quant au solde extérieur courant, s'il est toujours
négatif en 2004 (-2,2% du PIB), il l'est beaucoup moins qu'entre 1997 et
2001 (-5,5%). Néanmoins, l'apport des dons dans ce solde est loin
d'être négligeable. Si le premier ratio les inclut, un second les
exclut, faisant alors passer ces même taux respectivement à -8,3%
du PIB et -5,2%. Pourtant, les dons officiels ne se sont
37 Kristiansen J., 2005, in « Dette africaine : le bilan
2005 »,
http://www.rfi.fr/Fichiers/MFI/EconomieDeveloppement/1
641 .asp
38 Stratégie du Département Afrique, FMI, sous la
dir. de Basu A., 2005, in « Perspectives économiques
régionales Afrique Subsaharienne »,
http://imf.org/external/pubs/ft/afr/reo/2005/fra/01/reo0505f.pdf
pas vraiment amplifiés, d'une part de 2,8% dans la
première période, ils atteignent timidement les 3% en 2004.
Enfin, la dette extérieure envers les créanciers publics a connu
naturellement une décrue non négligeable, puisque de 76,9% entre
1997 et 2001, sa part dans le PIB de la région ne représentait
« plus que» 52,5% en 2004.
A l'échelle domestique, si l'investissement total n'a
pas con-nu de nette amélioration, mais au contraire une
légère régression (de 19,3% du PIB entre 1997 et 2001
à 18,3 en 2004,), la part de l'épargne intérieure dans le
PIB a elle fléchi de plus de deux points (de 14,5% à 16,9%). Le
solde budgétaire global, dons inclus, est resté négatif
sur la même période, mais s'est tout de même bien
amélioré, passant de -3,7 % du PIB à -1,6. Si l'on exclut
les dons cependant, le déficit passe à 6,2% dans la
période 1997-2001 à 4,4% en 2004. D'où l'importance
(relative toutefois) des dons dans l'amélioration de la situation
économique tout comme dans la gestion de la dette. Enfin, le FMI semble
montrer de l'enthousiasme quant aux perspectives économiques de la zone
dans la mesure où, «en 2004, la croissance du PIB réel de
l'Afrique subsaharienne a atteint 5%, son taux le plus élevé
depuis huit ans, et l'inflation est à son plus bas niveau historique
»39.
Au total, le coût pour tous les créanciers
(bilatéraux, commerciaux, multilatéraux) au titre de IPPTE
s'élève, fin 2005, à 63,2 milliards de dollars (en VAN fin
2005) pour les 40 PPTE identifiés. Pour les bailleurs
multilatéraux, le coût grimpe, pour les deux initiatives, à
54, 2 milliards (dont 30,1 milliards pour la seule Banque mondiale). L'effort
est donc bien présent.
Les données les plus encourageantes concernent les
domaines sociaux; domaines particulièrement visés par l'IPPTE et
l'IADM.
2 Les impacts sur les variables économiques et
sociales : prémices d 'un assainissement.
De manière générale, la réduction
du service de la dette a eu un effet notoire sur l'accroissement des
dépenses sociales (voir graphiques 7 et 8 en annexe p.171 et p.172).
Pour l'ensemble des 27 pays ayant atteint le point de décision, les
dépenses en faveur de la réduction de la pauvreté sont
passées de quelques 6 milliards de dollars US en 1999, à 12
milliards en 2005, soit un doublement des dépenses. Au total, les
dépenses affectées par les PPTE à la réduction de
la pauvreté ne cessent
39 FMI, 2005, «Perspectives économiques
régionales. Afrique subsaharienne », op. cit., p. 1.
d'augmenter depuis 1999, alors que les paiements au titre du
service de la dette diminuent (...). Le service de la dette payé par les
29 PPTE ayant dépassé le point de décision a
été ramené d'environ 4 % du PIB en 1999 à environ 2
% en 2005. Dans le même temps, les dépenses consacrées
à la lutte contre la pauvreté ont augmenté, passant de 7 %
du PIB en 1999 à plus de 9 % en 2005. En valeur absolue, ces
dépenses ont représenté 14,8 milliards de dollars à
la fin de 2005, soit plus de cinq fois le montant du service de la dette
à régler après l'allégement attendu au titre de
l'Initiative PPTE40. Or, ces dépenses ont continué
d'augmenter en 2006 grâce à l'allègement fourni au titre de
l'IADM car les économies faites sur le service grâce à
cette dernière ont globalement été affectées
à la lutte contre la pauvreté.
Il convient alors de comparer ces montants avec la part du
budget allouée aux services sociaux de base et au service de la dette
pour la période 1992-1997 en Afrique. En moyenne, la part du service de
la dette dans le budget s'élève à 38%, atteignant 46% en
Tanzanie, et 40% au Kenya et en Zambie. Symétriquement, le poids des
dépenses sociales dans le budget ne représente que 4% au
Cameroun, 6,7% en Zambie et se monte jusqu'à 20,4% au Niger. Il faut
toutefois ajouter que les pays qui dépensent le plus pour le service de
leur dette ne sont pas nécessairement ceux qui dépensent le moins
pour les services sociaux basiques. Durant la période 1999-2004, «
Les dépenses sociales (éducation, santé de base,
développement rural) des 28 pays ayant franchi le point de
décision représentent maintenant plus de quatre fois le montant
du service de la dette » et sont passées de 42% des recettes
publiques en 2000 à environ 52% en 2006, soit de 5,5% du PIB à
9%41 (voir graphique 7 en annexe p.171).
Ces moyennes cachent toutefois de fortes disparités
entre les PPTE africains. En effet, si l'allègement ne représente
que 20% du volume des ressources publiques affectées aux trois secteurs
sociaux au Burkina Faso, cette part s'élève à 48% à
Madagascar, 90% en Guinée ou au Mozambique et parvient à
près de 200% en Zambie42. Le Comité pour l'annulation
de la dette du Tiers-Monde (CADTM) analyse également l'évolution
du nombre de personnes vivant avec moins de un dollar par jour sur le
continent. Et selon l'organisme, 300 millions d'africains
40 Comité du développement (Comité
ministériel conjoint des Conseils des gouverneurs de la Banque et du
Fonds sur le transfert de ressources réelles aux pays en
développement), septembre 2006, in « Initiative en faveur des pays
pauvres très endettés (PPTE) et initiative d'allègement de
la dette multilatérale: Etat d'avancement », p. 23 et 24.
http://siteresources.worldbank.org/DEVCOMMINT/Documentation/20139733/DC2003-0014(F)-HIPC.
pdf
41 BAD, 2006, Rapport sur le développement enAfrique 2006,
op. cit ?, p. 78.
42 Association pour le développement de l'éducation
en Afrique, in « L'initiative PPTE: quelles chances pour
l'éducation? »,
http://www.adeanet.org/newsletter/fr_latest/02.html
sur les 770 millions au total vivaient en dessous de ce seuil
en 2000, soit presque 40% de la population. Ce nombre s'élèverait
à 345 millions en 201543. Néanmoins, compte tenu de la
croissance démographique et de la croissance des dépenses en
faveur de la lutte contre la pauvreté, le Département de
l'Information de l'ONU considérait en juin 2007 que «le pourcentage
de personnes vivant avec un dollar par jour ou moins (est) passé de 45,9
pour cent à 41,1 pour cent depuis 1999 »44.
La structure des dépenses en faveur de la lutte contre
la pauvreté permet de mieux détailler les impacts sociaux des
initiatives (voir tableau 23 en annexe p.1 62), les dépenses les plus
fondamentales étant celles inhérentes à l'éducation
et à la santé.
Au niveau de la santé, le total des engagements pour la
santé primaire en Afrique de 1990 à 2004 a été
multiplié par 8,4 entre 1990 et 2002, passant d'environ 90 milliards de
dollars à environ 760. Toutefois, « étant donné les
efforts qui se sont déployés à l'échelon
planétaire pour parvenir aux Objectifs du Millénaire pour le
développement, il est étonnant de constater que l'aide
alloué au secteur de la santé ait amorcé un déclin
après 2003. Mais (...) la concurrence s'intensifie indiscutablement
entre l'aide destinée à l'Afrique et celle ciblant des
initiatives mondiales » 45 Globalement, le secteur de la santé
reçoit 25% des ressources libérées par les
allègements. De fait, bien que des efforts restent encore à
fournir dans ce domaine, les premiers résultats dénotent
néanmoins une nette amélioration. Force est de constater que les
initiatives doivent être complétées par d'autres actions,
telles que les programmes d'aide ciblés.
Concernant l'éducation, il s'agit du « secteur
bénéficiant de la plus grande partie des ressources
libérées (39% en moyenne) »46. A titre
indicatif, les économies effectuées grâce à la
remise de dette PPTE s'étendent selon les pays de 34% à 838% (8,3
8 fois) de l'estimation de besoin de ressources additionnelles
nécessaires pour la réalisation de l`objectif de scolarisation
primaire universelle.
43 MilletD., 2005, op. cit., p. 1.
44 Département de l'Information de l'ONU, 2007, in «
L'Afrique et les Objectifs du Millénaire pour le développement Le
point en 2007 »,
www.unictunis.org.tn/Africa%20&%20MDGs%20French%20Word.
doc
45 BAD, 2006, op. cit., p. 11 à 13.
46 Conférence des Ministres de l'éducation des
Etats membres d'Afrqiue, MINEDAF VIII, Dar-esSalam, décembre 2002,
http://portal.unesco.org/education/fr/ev.php-URL_ID=11046&URL_DO=DO_
TOPIC&URL_SECTION=201.html
Enfin, touj ours de manière générale, il
convient de saluer le fait que les dépenses militaires ne semblent plus
constituer une priorité dans les budgets gouvernementaux, les
dépenses en faveur de la santé, de l'éducation et du
développement rural ayant pris le relais47.
Certains pays enregistrent des performances très
louables et se font remarquer. Parmi eux, brièvement, se trouve le
Burkina Faso. Le pays a mis en oeuvre un Plan Décennal de
Développement de l'Education de Base (2001-2010), visant, entre autres,
à atteindre un taux brut de scolarisation de 70 % en 2010. Les remises
de dette ont permis ou vont permettre, en plus de l'augmentation des ressources
(de 2 1,6% du budget national aujourd'hui à 26% en 2010), plusieurs
améliorations qualitatives. A titre d'exemple, les fonds
libérés vont amorcer une réforme de l'organisation du
ministère de l'Enseignement de base et de l'Alphabétisation pour
privilégier l'opérationnalité des structures
déconcentrées, véritable clé de voûte de la
mise en oeuvre du plan décennal. Le pays peut également
intensifier, en milieu rural, la construction de salles de classes
équipées, de logements de maîtres et de latrines, la
généralisation des cantines scolaires et la mise en place de
points d'eau dans les nouvelles écoles. L'accès des femmes adulte
à la formation sera également renforcé et l'exemption des
cotisations annuelles des parents d'élèves, pour les
élèves filles, dans les 20 provinces les moins scolarisées
sera instaurée48.
L'initiative PPTE renforcée et l'IADM se sont donc
imposées en conditions nécessaires pour une meilleure gestion de
l'endettement extérieur en Afrique subsaharienne. D'une part parce
qu'elles ont permis, par définition, de rétablir a priori la
soutenabilité de la dette, et d'autre part parce qu'elles ont
suscité une amélioration des performances économiques et
sociales, au moins à court terme. Néanmoins, une
47 Gupta S., McDonald C., Luiz de Mello, Chakravarti S,2001, in
« Les dépenses d'éducation et de santé gagnent sur
les dépenses militaires dans les PPTE »,
http://www.inwent.org/E+Z/1997-2002/df601-6.htm
48 Association pour le Développement de l'éducation
en Afrique, Daboué J., in « Burkina Faso : Une dette
allégée de moitié, mieux gérée »,
http://www.adeanet.org/newsletter/fr_latest/05.html
Partie II
Au-delà des insuffisances de l'initiative PPTE
:
l'enjeu d'un veritable engagement mutuel a moyen
terme.
Si les initiatives PPTE et l'IADM étaient
revêtues d'une très bonne volonté, force est de constater
qu'elles ont malheureusement raté le coche du retour à la
soutenabilité de l'endettement extérieure en Afrique
subsaharienne et de la réduction de la pauvreté. Car en limitant
l'accès à l'initiative à des conditions trop rigoureuses,
et en définissant une dette insoutenable à travers des
indicateurs aussi restrictifs, de nombreux PPTE ne peuvent être
identifiés comme tels, tandis que les quarante qui le sont ne peuvent
bénéficier d'allègements satisfaisant la
réalisation des OMD pour 2015. En outre, pour ces derniers, non
seulement l'allègement est régulièrement retardé,
alors même qu'il était urgent, mais les projections
économiques sous-tendant les niveaux d'allègement sont en plus
trop optimistes. Les conditionnalités persistent, parallèlement,
comme au temps des PAS, dans leur abstraction du processus d'internalisation de
la croissance et de la pauvreté, à travers la participation des
populations à leur élaboration et leur exécution. Par
conséquent, pendant que la dette continue d'augmenter du fait des
retards dans l'application de tels programmes, le montant des remises de dettes
diminue au prorata de l'utopisme des pronostics économiques.
Il ne reste pourtant que huit ans avant le bilan des OMD,
définis il y a sept ans déjà. Le temps presse. Il est donc
urgent que les IFI et leurs membres refondent leurs stratégies de
croissance, en commençant par admettre leur culpabilité dans le
processus de surendettement. Cet aveu aurait pour principale conséquence
l'institutionnalisation d'un cadre de négociation des restructurations
de dettes souveraines plus équitable. Et ladite équité
passe d'abord par un engagement mutuel à
long terme, et additionnel aux aides traditionnelles, de la
part de tous les créanciers. Cet engagement doit alors se
concrétiser dans l'élaboration d'un Tribunal international de la
dett e, fonctionnant sur la base d'une législation internationale
relative à la dette souveraine.
En définitive, le désendettement soutenable de
l'Afrique subsaharienne doit impérativement débuter par
l'annulation immédiate et inconditionnelle des « dettes odieuses
», contractés hors de toute volonté des populations, qui en
sont pourtant les premières victimes, et au vu et au su de tous les
créanciers. Ensuite seulement, les conditionnalités doivent
être renversées pour enfin promouvoir le développement
humain à travers des politiques de relance dites keynésiennes.
Celles-ci peuvent effectivement avoir le mérite de promouvoir la
«bonne gouvernance sociale », fondée sur l'effectivité
d'une processus de décision démocratique.
Chapitre 3
Un bilan traduisant une simple rénovation
marginale à court terme.
Le plus grand reproche fait aux deux initiatives (PPTE et
IADM, qui seront pour la suite de l'étude régulièrement
confondues) est de ne pas intégrer suffisamment de pays pauvres
très endettés. Pourtant, nombre d'auteurs, notamment Berr E. et
Combarnous F. [2006], sont parvenus à démontrer que d'autres pays
mériteraient d'être intégrés selon des
critères d'éligibilité différents, et plus
pertinents. Une autre grande critique a consisté à montrer que,
compte tenu des diverses limites de l'initiative, celle-ci s'inscrit en
réalité dans le prolongement des programmes d'ajustement
structurel, et ne résout donc pas les problèmes du surendettement
africain.
I - D'une initiative partiale quant au choix des
critères d'allègement...
Les critères d'éligibilité à
l'initiative PPTE conditionnent fortement le choix des pays
récipiendaires. D'autres indicateurs existent. S'ils étaient pris
en considération, les PPTE déclarés seraient plus nombreux
et le fléau du surendettement serait traité plus efficacement au
niveau mondial.
A/ La partialité du choix des économies
récipiendaires.
Il s'agit ici de discuter de la définition de la
pauvreté ainsi que des critères de soutenabilité de la
dette retenus. Car ces indicateurs, bien que possédant une part
d'objectivité, ont tout de même été définis
discrétionnairement.
1 La définition des pays pauvres en question
et les changements occasionnés par son
élargissement.
Comme déjà énoncé, pour être
éligible en tant que pays pauvre, le pays doit être admis à
l'assistance concessionnelle de l'Association Internationale de
Développement (IDA ou AID, dont l'admissibilité dépend de
la pauvreté relative du pays, fixée en 2007 à un RNB
par
habitant de 1025 dollars1) et doit
bénéficier de la Facilité pour la réduction de la
pauvreté et pour la croissance (FRPC). C'est donc le revenu par habitant
qui conditionne la définition d'un pays pauvre. Dans ces conditions,
l'initiative ne considère donc que l'aspect monétaire de la
pauvreté alors même qu'elle disait tenir compte de sa nature
multidimensionnelle. La pauvreté est une notion délicate à
définir de manière radicale. Cependant, il existe
différentes définitions correspondant à différents
types de pauvreté. Sans détailler exhaustivement ces
différentes notions, il est possible de résumer la
pauvreté à deux grandes natures; la pauvreté
monétaire et la pauvreté humaine. La pauvreté
monétaire se scinde en deux sous catégories; la pauvreté
monétaire absolue et la pauvreté monétaire relative. La
première revêt une forme extrême puisqu'il s'agit de
déterminer un seuil de revenus en dessous duquel un individu ne peut se
procurer un panier de biens et de services jugés essentiels à la
survie humaine. Dans cette première vision, le seuil le plus connu est
de un dollar US, voire deux, par personne et par jour (même s'il peut
aussi être défini en nombre de calories). La méthode
relative se fie au niveau de vie du pays et utilise le plus souvent une
fraction du revenu médian2 (50% pour la France par exemple ou
60% dans l'Union européenne). Concrètement, presque un
cinquième de la population mondiale vit avec moins d'un dollar par jour,
et un peu moins de la moitié vit sous le seuil des deux dollars
quotidiens. La pauvreté humaine s'inscrit, quant à elle, dans
l'approche en termes de développement humain. Cette forme recouvre de
multiples aspects que «l'on ne sait pas mesurer ou que l'on a pas
l'habitude de mesurer»3. Néanmoins, elle peut être
facilement rapprochée de la définition de la liberté faite
par A. Sen ; une « liberté de choisir le type de vie que l'on a des
raisons d'espérer ». Dès lors, elle est mesurée par
l'Indice de pauvreté humaine (IPH). Il en existe en outre un pour les
pays développés (IPH-1) et un autre conçu
spécifiquement pour les pays en développement (PED, l'IPH-2).
L'IPH- 1 est calculé à partir de trois indicateurs. Le premier
est un indicateur de longévité qui définit le pourcentage
de décès avant 40 ans. Le second correspond à un
indicateur d'instruction, mesurant le taux d'analphabétisme. Et le
troisième représente le manque de conditions de vie
décentes à travers le pourcentage de personnes privées
1Pour en savoir plus sur l'IDA,
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/EXTABTUSFRENCH/EXTIDAFRENCH/
0,,contentMDK:20634181~menuPK: 1264559~pagePK:51236175~piPK:437394~theSitePK:
1264512,00. html#borrowers
2 Qui partage la somme des revenus au niveau national en deux
parties égales
3 Pauvreté monétaire absolue : cadre conceptuel et
caractéristique, extrait tiré du rapport mondial sur le
développement humain 1997, p. 18,
www.cered.hcp.ma/index.php?preaction=joint&idjoint=2010
d'accès à l'eau potable, le pourcentage
d'individus privés d'accès aux services de santé et la
part des enfants de moins de cinq ans souffrant d'insuffisance pondérale
(modérée ou aiguë)4.
Dès lors, si le DSRP se veut tenir compte des multiples
formes de pauvreté, les critères d'éligibilité n'en
font pas autant. S'ils le faisaient, le groupe de pays admissibles à un
allègement de dette au titre de l'IPPTE aurait été
différent. Et pour cause, si l'IPH-1 était utilisé »,
tous les pays africains pour lesquels les données sont disponibles»
seraient éligibles dans la mesure où ils appartiennent à
la catégorie des pays bénéficiant exclusivement de
l'assistance de l'IDA et de la FASR et où ils seraient jugés
encore «plus pauvres que la Bolivie et Guyana (Amérique du Sud),
qui sont admissibles »5. La CNUED semble remettre en cause
l'objectivité de fixation des critères. Celle-ci ne ferait pas
uniquement l'objet d'une appréciation économique (et sociale dans
une mesure restreinte), mais serait également fonction «de
considérations politiques et de coût »6. Si
à l'origine l'initiative devait se contenter de combattre l'endettement
excessif des pays les plus pauvres, elle a réservé le
bénéfice de l'allègement aux pays relevant exclusivement
de l'assistance de l'IDA et de la FRPC dans sa version finale. De fait, des
pays qui auraient pu bénéficier d'une remise dette, comme le
Nigéria, ont été « rejetés ». Et pour
cause, le stock de la dette extérieure publique du Nigéria
s'élevant à 36,2 milliards de dollars7 (dont 30
milliards dus aux gouvernements du Nord), il deviendrait l'un des pays
bénéficiant des allègements les plus conséquents,
et donc les plus coûteux.
Qui plus est, il est étonnant de constater que ce
critère d'exclusivité (assistance de l'IDA et FRPC) n'est pas
systématiquement appliqué. En effet, le Kirghizistan par exemple,
réunit les conditions nécessaires à une remise de dette
mais n'a pas été inclus à l'initiative au motif que les
pays en transition doivent faire l'objet d'un traitement spécifique.
Dans le même temps, des économies comparables, comme celles de la
Gambie ou du Malawi, ont été admises après
réévaluation de leur endettement.
4
http://fr.wikipedia.org/wiki/Indicateur_de_pauvret%C3%A9_humaine.
L'IPH-2 recense les mêmes indicateurs définis relativement aux
conditions de vie des pays développés, mais rajoute un indicateur
tenant à l'exclusion. Ainsi, il définit le pourcentage de
décès antérieurs à 60 ans, le taux d'illettrisme,
le pourcentage de personnes vivant en dessous de la demi-médiane de
revenu disponible des ménages et la part de la population active au
chômage de longue durée.
5 CNUCED, 2004, in « Le développement
économique en Afrique, Endettement viable : Oasis ou mirage?», p.
41.
6 Id.
7 Bonfond O. CADTM, 2006, in «Nigéria: un accord aux
forts relents de pétrole... »,
http://www.cadtm.
org/article.php3?id_article=1736.
Les critères de pauvreté tenant à
l'admissibilité des pays à l'initiative PPTE sont donc
très relatifs. Pour faire de l'initiative un dispositif plus juste, les
résultats de l'IPH-1 devraient être pris en considération.
Cet indicateur permettrait en outre une meilleure efficacité de
l'initiative, qui, il faut le rappeler, dit vouloir lutter contre la
pauvreté, dans la mesure où elle prendrait en compte la nature
multidimensionnelle de celle-ci dès le départ.
A un degré encore supérieur, les critères
relatifs à la soutenabilité de la dette font également
l'objet de virulentes critiques.
2 La solvabilité et la soutenabilité de la
dette : deux approches conceptuelles différentes...
En 1989, le plan Brady, en énonçant que la dette
des PED ne devait plus être honorée à sa valeur faciale
(nominale), reconnaît qu'il ne s'agit pas d'une crise de liquidité
mais bien de solvabilité. En demandant aux créanciers de faire un
efforts (s'ils voulaient voir leurs chances d'être remboursés
s'accroîtrent), il reconnaît également implicitement que ces
derniers sont impliqués dans la mauvaise gestion de l'endettement. Alors
aujourd'hui, compte tenu des erreurs importantes déjà commises,
il est largement possible de considérer que l'IPPTE se fourvoie en ne
faisant que rendre la dette solvable et non soutenable.
Car les deux concepts ne relèvent pas de la même
logique. Pour E. Berr et F. Combarnous [2006] en effet, « la
solvabilité représente le fait, pour un débiteur, d'avoir
les moyens de payer ses créanciers» et «fonde la vision des
pays riches, des IFI et des économistes orthodoxes ». La
soutenabilité, elle, «implique de prendre en compte [l'impact de la
dette] sur le bien-être des populations (...) donc d'avoir une approche
plus équilibrée considérant également les
intérêts des débiteurs »8. L'initiative
PPTE, censée favoriser la réalisation des OMD, s'inscrit pourtant
dans l'approche de la solvabilité. C'est d'ailleurs l'une des raisons
pour lesquelles, elle n'est elle-même pas soutenable. Car elle semble
seulement vouloir «créer les conditions d'un remboursement maximal
»9. L'approche par la solvabilité est
appréhendée par les IFI à travers la courbe de Laffer de
la dette. Et selon Laffer, tout comme selon Krugman, les créanciers
peuvent avoir tout intérêt à accorder des
allègements de dette s'ils veulent en voir une partie au moins
honorée. Car, succinctement, la courbe de Laffer explique que le
débiteur ne
8 Berr E. et Combarnous F., 2006, in « Une autre lecture de
la soutenabilité de la dette », p. 1 et 2.
9 Id.
rembourse pas sa dette seulement parce qu'il le peut, mais
aussi parce qu'il le veut. Or, ces questions de possibilité et de
volonté s'apprécient conjointement lorsque la dett e atteint un
niveau tel que la probabilité de défaut s'accroît (voir
graphique 9 en annexe p.173). Par conséquent, le créancier, qui
procède à une anticipation de la valeur des remboursements, a
intérêt à concéder une réduction lorsqu'il
constate que cette valeur atteint un seuil jugé critique. Cette approche
était déjà en vigueur dans la période des PAS. Et
de manière générale, pour les PED sous ajustement, la
dette «n'a cessé de croître, passant de 715 à 2600
milliards de dollars entre 1982 et 2004 »10. Les
auteurs proposent donc «une autre lecture de la soutenabilité de la
dette» pour permettre un remboursement sans appauvrissement.
La CNUCED [2004], critique elle aussi les méthodes
adoptées pour juger de la soutenabilité d'une dette. Pour elle en
effet, les deux critères, d'ouverture et budgétaire, sont trop
réducteurs, et parfois même inappropriés. Le ratio VAN de
la dette/exportations a été conçu à l'origine pour
les pays émergents d'Amérique Latine au moment de la crise de la
dette (1982). Or, les conjonctures et les structures sont très
différentes de celles des PPTE africains. Si les économies
latinoaméricaines pouvaient alors exporter davantage grâce aux
dévaluations pour rembourser une dette due en priorité à
des banques commerciales, cet avantage est inapplicable dans le cas des PPTE
africains.
De fortes dévaluations ne serviraient pas à
rembourser une dette contractée en priorité à des
créanciers publics (à l'exception de la Côted'Ivoire et du
Mozambique, et quelques autres pays) pour deux raisons. D'une part parce que
ces pays sont dépendants des aides publiques au développement
(APD) et des importations, et d'autre part parce que la manoeuvre serait
malvenue étant donné les réalités de la demande
mondiale vis-à-vis des produits de base.
Le ratio VAN de la dette/recettes publiques a, quant à
lui, été fixé à un niveau si bas qu'un seul pays
peut y recourir (la Côte-d'Ivoire). «Mais [il] a été
assorti de critères subsidiaires non justifiés sur le plan
pratique qui excluent de nombreux autres PPTE »11.
De plus, les ratios inférieurs à ces seuils ont bien
souvent une explication structurelle, par conséquent non soluble
à court terme. Or, comme les économies doivent suivre « avec
succès » un programme de réformes sous l'égide des
IFI pendant trois ans, «il est difficile d'affirmer qu'en l'absence de
ces
10Id,p.3.
11Martin, 2002, tiré de CNUCED, 2004, in «
Le développement économique en Afrique », op. cit. p. 39.
seuils l'initiative PPTE récompenserait les pays menant
des politiques économiques peu rigoureuses »12.
Ainsi, il s'agit de compléter les critères des IFI
pour remédier à l'exclusion parfois illégitime de certains
pays pauvres.
B/... Pesant de tout leur poids sur
l'éligibilité des économies au bénéfice de
l'allègement.
La CNUCED et, entre autres, Eric Berr et François
Combarnous [2006] proposent de définir des indicateurs
complémentaires pour davantage de cohérence quant à
l'éligibilité des PPTE. Car il est vrai que nombre
d'études montrent que certains pays pauvres très endettés
ne sont injustement pas reconnus comme tels.
1 La construction d'un indicateur
complémentaire...
Le rapport de 2004 sur le développement
économique en Afrique souligne le fait que la définition d'un
indicateur d'endettement, quel qu'il soit, doit garder à l'esprit le but
qu'il poursuit. Ainsi, « lorsque l'on analyse le degré
d'endettement extérieur tolérable, la dette
considérée devrait normalement englober tous les
éléments de la dett e extérieure, publics et
privés. Lorsque l'on analyse la viabilité budgétaire de la
dette, celle-ci devrait généralement englober toute la dette
publique, étrangère et intérieure
»13. Or, l'IPPTE ne considère ni la dette
privée extérieure, ni la dette publique domestique. La dette
externe privée constitue certes une part minoritaire de l'endettement
extérieure totale. Mais le service de la dette publique interne
pèse parfois autant, voire davantage, sur les finances publiques d'un
Etat que le service de sa dette extérieure.
De fait, ce n'est pas parce que la dette extérieure
paraît viable que la dette totale l'est. En outre, les PPTE africains
n'ayant pas accès, pour la plupart, aux marchés financiers
internationaux et étant dès lors tributaires de l'APD, le
marché intérieur devient une source importante de financement. Et
lorsque le marché domestique devient insuffisant, c'est l'appel aux
prêts publics multilatéraux ou bilatéraux qui
prévaut. Ignorer le statut de l'endettement intérieur revient
donc à surestimer la viabilité de l'endettement total, ainsi que
le potentiel de ces pays à financer leur développement
après le point d'achèvement. Car les PPTE auront toujours recours
aux prêts si l'APD est insuffisante, ce qui est le cas. Les opposants
à l'intégration de la dette domestique dans la défini-
12 Id.
13Id.,p. 48.
tion d'un endettement soutenable avancent quelques arguments,
toutefois réfutables. Ils considèrent par exemple que les
données manquent et peuvent être manipulées, ou qu'il
existe des problèmes de définition de la notion de dette
intérieure publique. La Banque mondiale estime, quant à elle, que
ce problème est supposé se résoudre grâce à
la FRPC dans le cadre de l'ajustement structurel pré-point de
décision, voire grâce à l'application du DSRP dans la phase
intérimaire. Les montants alloués au titre de la FRPC sont
pourtant insuffisants dans de nombreux cas, où le stock et le service de
cette dette sont trop élevés. Mais «la principale raison
avancée est l'absence de seuils empiriques permettant d'évaluer
le niveau approprié de la dett e intérieure ». Il faudrait
donc juger au cas par cas. Pourtant, le FMI a non seulement suivi
l'évolution ces économies pendant la mise en oeuvre des PAS, mais
il les suit encore aujourd'hui dans la mise en oeuvre des DSRP. Il dispose de
fait, et depuis longtemps, de données assez fiables pour définir
un tel seuil.
Deuxièmement, s'il est globalement impossible de
déterminer un seul critère d'endettement soutenable, il existe un
certain consensus sur quelques points. L'on sait par exemple que le ration VAN
de la dette (ou son service)/exportations est un bon indicateur du degré
d'endettement extérieur, ou que le ratio VAN de la dette (ou son
service)/ recettes publiques est utile pour juger d'un endettement
budgétaire supportable. Mais si le but est de définir un
indicateur global d'endettement tolérable, alors le ratio VAN de la
dette (ou son service)/richesse du pays (PIB, PNB, RIB ou RNB14) est
très utile. Birdsall et Williamson [2002] ont effectivement
estimé que cet indicateur a en plus l'avantage d'être moins
instable que le critère d'ouverture, et plus disponible que le
critère budgétaire. Pourtant, il reste trop négligé
par l'initiative15. Il serait donc utile de mieux considérer
le critère global dans l'admissibilité des pays au
bénéfice de l'allègement, connaissant les limites du
critère d'ouverture dans le cas des PPTE africains (cf. chapitre 1) et
celles du critère budgétaire (avec la non prise en compte de la
dette domestique).
En outre, Berr et Combarnous [2006] ont proposé un
indicateur de soutenabilité de la dette, qui prend donc en compte les
intérêts du débiteur. «La démarche se justifie
pleinement si l'on garde à l'esprit les causes (...) qui ont mené
à l'éclatement de la crise en 1982 »16 (cf.
14 Produit intérieur brut, Produit national brut,
Revenu intérieur brut ou Revenu national brut. La différence
entre les termes « intérieur» et « national » tient
au fait que le revenu ou le produit national incluent les revenus nets
provenant de l'étranger.
15 Tiré de CNUCED, 2004, op. cit., p. 48.
16 Berr E. et Combarnous F., 2006, op. cit., p. 4.
chapitre 1). Pour les auteurs, un «bon» indicateur
d'endettement doit posséder cinq grands attributs.
Il doit d'abord être le plus obj ectif possible, sans
refléter l'opinion de celui qui le définit. Il doit ensuite
mesurer des «résultats », et non des
«potentialités ». Il doit en troisième lieu être
divisible, c'est-à-dire permettre la «distribution des
résultats obtenus ». D'autre part, il est nécessaire qu'il
soit « simple à construire et facile à comprendre
»17.
Enfin, il doit pouvoir donner lieu à des comparaisons
internationales. Sachant cela, un indicateur pertinent aura quatre grandes
fonctions. Il servira alors à mesurer un niveau de «performance
» pour offrir une information permettant d'alimenter cette performance (la
maintenir ou l'améliorer). Il aura ensuite pour fonction de
déceler les failles afin, encore une fois, d'améliorer le niveau
de «performance» du phénomène étudié.
Enfin, il permettra de mesurer les progrès et d'en établir la
suite, « aussi bien dans l'espace que dans le temps ».
Les indicateurs tenant à l'éligibilité
d'un pays à l'allègement au titre de l'IPPTE tendent à
refléter en priorité la capacité du débiteur
à faire face à ses obligations envers les créanciers (qui
les ont définis). Ils peuvent demeurer, mais seulement si des
manomètres sont construits en face.
Ceux-ci peuvent être de deux ordres. Les premiers,
servant à mesurer le poids du flux du service de la dette sur les
populations des pays débiteurs, peuvent être calculés sur
la base du montant annuel du service de la dette par habitant (le SDHA,
rapportant le service de la dette en dollars courants à la population).
Les seconds, dont l'objectif serait de savoir dans quelle mesure le
remboursement du service nuit à d'autres dépenses favorables au
développement, pourront être mesurés par trois ratios. Le
premier rapporterait alors le service annuel de la dette au montant annuel
d'investissement (SDIK), le second, aux dépenses publiques de
santé (SDPSA), et le troisième, aux dépenses publiques
d'éducation (SDPED). Les auteurs ont préféré le
service, en tant que flux, au stock car «ni les stocks constitués
par l'accumulation de la dette, ni d'ailleurs les flux d'endettement n'ont en
définitive d'influence clairement établie respectivement sur le
développement ou sur la charge subie au jour le jour par un pays. Seul
le service de la dette constitue une charge financière effective,
captant une partie des fonds disponibles et se substituant à d'autres
utilisations potentielles »18.
17 Id., p. 6.
18 Id., p. 7.
Dès lors, un véritable critère de
soutenabilité de la dette peut émerger. Il chiffrera le
problème de la capacité des pays à assurer leurs
engagements de débiteurs (ratio service de la dette/exportations,
noté SDEX) certes, mais aussi le «poids social» de la dette
sur les populations (SDHA) et la substituabilité du remboursement de la
dette au développement, économique comme humain (noté SDDT
et réunissant le SDIK et le SDPDH, formé du SDPSA et du
SDPED).
Les résultats donnés par ces indicateurs, mais
aussi par d'autres études, montrent que les PPTE admis à
l'initiative ne sont d'une part pas les plus endettés et d'autre part
pas assez nombreux.
2 ...Démontrant la nécessité d'un
élargissement du nombre de bénéficiaires.
Plutôt que de parler d'incohérence, il vaudrait
mieux aborder le thème d'adaptation de l'initiative aux
réalités des pays surendettés. Car les pays qui sont
intégrés méritent de l'être, il s'agit donc
seulement de voir si d'autres économies ne le mériteraient pas
également. En effet, en 2001, la population des PPTE ne
représentait que 11% de la population totale des PED, de même que
leur dette ne constitue que 10% du stock total de la dette des PED.
En outre, l'indicateur de soutenabilité de la dette
(ISD) de Berr et Combarnous offre des résultats très
différents de ceux donnés par les indicateurs traditionnels. Pour
les 92 pays pour lesquels les données étaient disponibles en
2004, il ressort que les pays les plus durement affectés par la dette
sont le Belize, la Hongrie, le Burundi, la Pologne, le Kazakhstan, l'Uruguay,
le Brésil ou encore la Turquie. Or, seul le Burundi a été
admis à bénéficier d'un allègement de sa dette au
titre de l'IPPTE. Il est actuellement en période intermédiaire. A
l'inverse, les pays pour lesquels le problème de l'endettement est le
moins violent (bien que réel) sont le Cambodge, le Togo, le Botswana,
l'Albanie, le Belarus, la Chine ou encore l'Ethiopie. Parmi eux, le Togo est en
train de négocier son entrée dans le point de décision.
«Les pays éligibles à l'initiative PPTE présentent
pour leur part des valeurs d'ISD très nettement inférieures
à la moyenne ». De fait, «le classement « officiel»
des pays selon leurs niveaux d'endettement perd largement de sa pertinence
»19. Néanmoins, avant de fournir les
résultats d'autres études,
19 Berr E. et Combarnous F., 2006, op. cit., p. 15.
il serait nécessaire de relativiser les
résultats de celle-ci. Car s'il est vrai que les pays les plus durement
touchés par l'endettement selon l'ISD mériteraient d'être
éligibles à l'initiative, l'indicateur ne prend toutefois pas en
compte les possibilités qu'ont les différentes économies
d'honorer leurs obligations. Or, il est clair qu'entre le Burkina Faso et la
Hongrie par exemple, la différence est manifeste en termes
d'accès à différentes sources de financement (IDE,
exportations, accès aux marchés internationaux de capitaux,
localisation géographique, dont l'appartenance à la zone
économique intégrée qu'est l'UE, suscitant des effets
d'entraînement...). Nous pensons donc que le classement
«officiel» est «pertinent », dans le sens où la
priorité doit effectivement être donnée aux pays qui sont
actuellement éligibles. Néanmoins, il est sûr que
l'initiative doit être élargie à d'autres pays lourdement
endettés.
De manière générale, le Rapport 2003 de
la plate-forme Dette et Développement fournit un tableau des pays
«pays méritant d'être intégrés à
l'initiative PPTE selon Jubilee 2000 et le World Watch Institute (voir tableau
17 en annexe p.156)20. Parmi eux apparaissent des pays asiatiques,
continent pauvre délaissé par l'IPPTE il est vrai, avec notamment
l'Afghanistan, le Bangladesh, le Cambodge ou encore l'Indonésie, une
grande victime de la crise financière de 1997.
Dans les cas particuliers tenant à l'Afrique
subsaharienne (ASS), le cas du Nigéria est intéressant.
Recensé parmi les pays les plus pauvres du monde (avec un IPH atteignant
35, soit plus faible que 10 PPTE qualifiés), le Nigéria regroupe
le cinquième de la population de l'ASS et environ les trois quarts de sa
population survivent avec moins d'un dollar par jour. Le Nigéria
correspond en plus au cas typique de ce qui est communément
appelé une «dette odieuse» (cf. infra) car des
décennies de dictature ont laissé le pays débiteur de 29,4
milliards de dollars (en 1999). La majorité de la dette est
détenue par le Club de Paris. Mais le pays a été exclu de
l'initiative en 1999. La raison officielle du FMI et de la Banque
étaient que seuls les pays financés exclusivement par l'AID
pouvaient être considérés comme PPTE. Malheureusement,
l'effet de seuil a joué en défaveur du Nigéria car au lieu
de bénéficier d'un PIB par habitant de 875 $ pour être
considéré comme pauvre au sens de l'IDA...le pays ne dispose
« que » de 884 $21 . Pour le Fonds et la Banque, le pays,
étant données ses importantes ressources
pétrolières, peut recevoir des financements « mixtes »
(IDA et BIRD).
20Ajaltouni N. et al., sous la direction de
Merckaert J., 2004, Plate-forme Dette et Développement, rapport 2003,
«La dette face àla démocratie », p13.
21 Id.
Néanmoins, ses capacités d'emprunt sont
très limitées àla BIRD et le pays ne peut donc emprunter
à des conditions favorables. De plus, «il est aujourd'hui largement
reconnu que les ressources naturelles [comme le pétrole] n'apportent pas
toujours les profits escomptés en matière de croissance et de
développement »22. D'ailleurs, preuve en est
avec un ratio moyen VAN de la dette/exportations de 163% (contre 150%
exigés pour l'éligibilité à l'IPPTE) et une ratio
moyen VAN de la dette/RNB de 82% (contre le seuil critique exigé de 80%
par la BM). En outre, si l'ouverture du pays, en raison de ses exportation de
pétrole, ou l'indisponibilité des données sur les recettes
publiques du Gouvernement nigérian peuvent compromettre l'analyse, il
est alors possible de se référer au ratio service de la dette/RNB
qui supérieur à celui de la moitié de l'ensemble des PPTE
admis. Mais même jugé lourdement endetté par la Banque
mondiale, le pays a dû négocier sa dette au Club de Paris
où il n'a obtenu que des rééchelonnements et des
moratoires23 sur certains encours. «Le Nigéria devra
donc rembourser 1,7 Mds $ en 2002, soit 700 millions $ de plus qu'en 2001,
malgré un nouveau rééchelonnement de sa dette obtenu fin
2001 auprès du Club
de Paris »24.
Le cas du Kenya illustre quant à lui le cas d'une autre
dette odieuse ainsi que celui d'une lourde dette intérieure, dont
l'impact est négligé. De 1970 à 1995, la dette
extérieure totale du Kenya a été multipliée par 15
(de moins de 500 millions à 7,4 milliards). Elle est retombée
à 6 milliards en 2001, dont 5 milliards pour la part publique.
Parallèlement, la dett e intérieure publique du pays est tout
aussi inquiétante (2,5 milliards de dollars fin décembre 2001) et
le service de la dette intérieure était, entre 1999 et 2000, plus
de deux fois plus élevé que celui de la dette extérieure,
dont l'encours était pourtant trois fois plus élevé.
Ainsi, l'encours de la dette intérieure a grimpé pour atteindre
près de 30% du PIB en 2002. Si les critères de l'IPPTE jugent la
dette kenyane supportable, Were [2001] a montré que, même sans la
dette intérieure, la dette extérieure du pays nuit à sa
croissance et à son développement. Un allègement pourrait
alors réduire l'extrême pauvreté, sachant que près
des deux tiers des 30 millions de Kenyans vivent avec moins de deux dollars par
jour (un quart avec moins de un dollar)25. Par exemple, Nafula
[2002] montre qu'un allègement de la dette aiderait le pays
22 CNUCED, 2004, op. cit., p. 51.
23 Délais.
24 Mabilais R. et de La Forest-Divonne A., Plate-forme Dette et
Développement, in Rapport 200 1-2002, «La dette des pays du Sud et
le financement du développement », p.42.
25 CNUCED, 2004, op. cit., p. 50.
à assurer l'accès universel à
l'enseignement primaire. Enfin, Birdsall et Williamson [2002, p. 131 et 132]
considèrent que l'argument de la dette odieuse est largement valable
dans le cas du Kenya car « une élite dirigeante corrompue a
gaspillé ou amassé en fortune personnelle des milliards de
dollars, en partie au su et avec le soutien des créanciers du
pays »26.
Ces cas font légion. De nombreux pays pauvres et
lourdement endettés en Afrique sont exclus de l'initiative, à
chaque fois pour une histoire de seuil. Dans ces conditions le problème
du surendettement africain ne peut être réglé. Mais plus
encore, les pays qui ont « la chance» d'y être admis ne sont
même pas assurés d'un retour à la stabilité de leur
taux d'endettement, et encore moins de leur économie toute
entière.
II - ... A une solution partielle en matière de
résultats.
Nombre de personnes (société civile
internationale, Gouvernements et populations des PPTE, économistes de
tout bord...) pensent que l'initiative PPTE et son IADM ne sont qu'une
exhumation des politiques d'ajustement structurel. En tant que telle, elles
imposent des conditionnalités toujours aussi strictes et difficilement
applicables, et ne permettent pas, loin de là, d'affirmer que les taux
d'endettement seront désormais soutenables, au moins à moyen
terme.
A/ Entre exhumation et réelle immortalité des
conditionnalités...
Le consensus de Washington, alors même qu'ayant vu ses
limites démontrées à de multiples reprises, ne semble pas
avoir disparu des programmes des IFI. Le processus est non seulement
semé d'obstacles, mais il s'agit encore d'obstacles posés,
directement ou indirectement, par les IFI. Par conséquent,
l'effectivité de la participation de la population et de la
société civiles est biaisée.
1 Un processus PPTE semé de conditions.
Le rapport de la plate-forme Dette et Développement se
demande si « les DSRP, destinés à adapter les
réponses au contexte spécifique de chaque pays, [ont
abandonné le] «catéchisme économique» des PAS.
Et «de toute évidence, leur foi dans le dogme
néolibéral est trop an-
26Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert
J., 2004, Plate-forme Dette et Développement, rapport 2003, «La
dette face àla démocratie », p. 21
cré »27. Si aucun PPTE
africain n'a bénéficié d'une marge de manoeuvre digne de
ce nom, les IFI ont surtout gardé la main mise sur la définition
des politiques macroéconomiques (commerce, investissement,
fiscalité, politique monétaire, privatisations). «La recette
ressemble étrangement aux plans d'ajustement structurel
»28.
Tout d'abord, il convient de rappeler que le pays, avant toute
admissibilité, doit mettre en oeuvre un programme d'ajustement
structurel pendant une période dite « flottante ».
Déjà.
Ensuite, la FRPC, puis le DSRP, dictent les objectifs
macroéconomiques (voir tableau 18 en annexe p.1 57), structurels ainsi
que ceux liés à la bonne gouvernance. Et ce sont bien souvent les
IFI qui dictent les modalités de ces dispositifs, soit directement
(lorsque le pays ne parvient pas à rédiger son DSRP), soit
indirectement (parce que le pays sait ce que les IFI attendent de lui pour
l'admettre au point de décision). C'est la raison pour laquelle tous les
DSRP sont plus ou moins similaires. Par ailleurs, même si le pays n'a pas
à mettre en oeuvre «son » programme dans un délai
strictement imparti (phase intermédiaire), l'allègement au point
d'achèvement ne survient tout de même que s'il y est parvenu. Ce
qui constitue une condition suffisante pour appliquer toutes les
réformes selon le syndrome de la « shopping list
»29.
Au niveau macroéconomique, les conditions sont souvent
considérées comme trop restrictives, si bien que beaucoup de
gouvernements ne parviennent pas à les remplir assez rapidement et
prennent du retard, alors même que, parfois, l'allègement de leur
dette relève de l'urgence. Il leur est en outre demandé de
réduire leur taux d'inflation, de maîtriser leur déficit
budgétaire et leur dett e publique, ainsi que de constituer des
réserves de devises pour davantage de crédibilité et pour
favoriser l'investissement (étranger surtout). Les conséquences
dans la mise en oeuvre sont alors les mêmes que lors des PAS. Les retours
à la stabilité des prix, à celle du déficit
budgétaire et de la dette impliquent un strict encadrement des
dépenses publiques, une politique monétaire rigoureuse (avec
notamment des taux d'intérêt élevés) ainsi qu'une
politique fiscale favorisant les revenus issus du capital. Les gouvernements
ont tous du mal à renflouer les caisses publiques, compte tenu notamment
de la faible collecte effective des impôts et de la mise en oeuvre, en
prime, d'un programme de lutte contre la pauvreté.
27Ajaltouni N. et al., sous la direction de
Merckaert J., 2004, Plate-forme Dette et Développement, rapport 2003,
«La dette face àla démocratie », p. 21
28 Id.
29 Sans considération de priorité ni de temps.
Les conditionnalités d'ordre structurel sont toutes
aussi délicates à remplir. Elles concernent massivement les
privatisations, parfois dans des secteurs clé. C'est le cas par exemple
du Burundi, qui doit privatiser sa filière café, ou du Mali, dans
le secteur du coton (voir tableau 19 en annexe p.15 8). Quant aux
conditionnalités afférentes à la «bonne gouvernance
», elles ont surtout trait à la gestion des finances publiques,
mais aussi au suivi des dépenses sociales. Dans une moindre mesure,
elles concernent également les réformes de la fonction publiques
ou encore la lutte anti-corruption. A titre d'illustration, le Congo, le Tchad
ou la République démocratique du Congo (RDC) sont soumis à
sept types de conditions dans le domaine de la gestion des finances publiques,
et le Congo doit au total respecter une vingtaine de conditionnalités
dans le seul domaine des critères de gouvernance. Pourtant, «peu de
recherches ont été menées pour savoir si les conditions de
gouvernance ont un impact sur la lutte contre la pauvreté. On ne sait
pas non plus quelles autres conditions de gouvernance pourraient venir en
soutien pour assurer des conditions vraiment destinées à la lutte
contre la pauvreté »30. De fait, si leur
nombre a sensiblement diminué, les conditionnalités n'ont en rien
disparu.
Mais ce n'est pas tout. Les conditionnalités concernent
également l'IADM, et tout l'avenir, à moyen terme au moins, des
PPTE les plus vulnérables. Au regard de l'IADM, «quatre pays
(Belgique, Pays-Bas, Norvège et Suisse) avaient émis le souhait
en juillet 2005 que les PPTE ne bénéficient d'allègements
que «par étapes » liées à des «
conditionnalités appropriées »31. Ce
n'est pas la proposition qui a été retenue, mais elle a tout de
même influencé le FMI puisque, alors même que le G8 avait
promis une annulation immédiate et donc inconditionnelle, le FMI a
retardé l'allègement au titre de l'IADM de certains pays, sans
justification. En 2005, la Mauritanie a ainsi dû « attendre un peu
», sans explication officielle, pendant que l'Ethiopie, qui bravait
systématiquement les droits de l'Homme, voyait sa dette
multilatérale s'envoler. Autant dire que dans ce cas, les signaux du FMI
envoyés à la communauté financière internationale
sont pour le moins ambigus. « Ce sont même six pays qui auraient
été recalés par le FMI, fin 2005, sous des
prétextes fallacieux, (...) pour les pays qu'ils n'avaient plus sous
30 Fourmy S., 2005, « L'initiative PPTE et ses
conditionnalités : petite carotte et gros bâton »,
Plate-forme Dette et Développement, chapitre 4 du rapport 2005/2006,
«La loi des créanciers contre les droits des citoyens », p. 60
à 64.
31 Merckaert J. 2006, «Dix ans après le lancement de
l'initiative PPTE. Evaluation critique du traitement de la dette par le G8
», d'après analyses développées dans les chapitres 1
et 2 du Rapport 2005-2006 de la plate-forme Dette & Développement,
«La Loi des créanciers contre les droits des citoyens »,
co-écrits respectivement avec Fourmy S. etAjaltouniN., p 15 et 16.
son contrôle [et qui] n'auraient plus été
sous programme du FMI au 1er janvier 2006 »32. Cette
ingérence injustifiée, dix ans après le lancement de
l'IPPTE, constitue donc le vice « inexorcisable » du Fonds.
Un pêché qui s'étend bien au-delà
des initiatives puisque, brièvement, les deux grandes IFI disposent
d'indicateurs pour noter les pays, même lorsqu'ils ne sont
débiteurs de rien à leur égard. Le FMI a alors
développé en 2005 un Instrument de soutien à la politique
économique (ISPE) qui aide [les] pays [« à faible revenu qui
ne désirent pas bénéficier, ou n'ont pas besoin, d'un
concours financier du FMI »] à élaborer des programmes
économiques efficaces et, une fois ceux-ci approuvés par le
Conseil d'administration, il informe les donateurs, les banques
multilatérales de développement et les marchés que le FMI
a approuvé le plan d'action des membres33. Dans tous les cas,
tout pays pauvre qui désire un financement extérieure public
parce qu'il n'a pas accès aux marchés internationaux a affaire
à des donateurs qui «posent comme condition à leur aide que
le pays ait reçu l'approbation du FMI »34.
Quant à la Banque, elle avait déjà lancé son
indicateur de « bonne gouvernance », l'Évaluation de la
politique et des institutions nationales (CPIA), de plus en plus influent parmi
les bailleurs. «Aussi les pays souhaitant bénéficier de
nouveaux financements internationaux, fût-ce exclusivement par dons,
doivent-ils se conformer aux critères de notation de la Banque mondiale.
Or, ceux-ci évaluent dans quelle mesure les pays ont mis en oeuvre les
réformes préconisées par ladite Banque...
»35.
Les IFI disposent donc, en tout lieu et en tout temps, encore
aujourd'hui, d'un droit de veto sur toutes les décisions de politiques
économiques des pays pauvres et très endettés. Une telle
similitude avec le processus en vigueur sous les PAS est troublante. Or, si les
PAS ne sont pas parvenus à solutionner (bien au contraire) le fardeau de
l'endettement excessif en Afrique, les Initiatives n'y parviendront pas plus
dans ces conditions. En outre, une telle ingérence ne peut que remettre
en cause l'effectivité du droit des populations et de la
société civile à intervenir dans le processus PPTE.
32 Id, p. 16.
33
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/psif.htm
34 Stiglitz J. E., 2002, in «La grande désillusion
», éd. Fayard, p. 85.
35 Merckaert J. 2006, op. cit., p. 17.
2 Un processus participatif de fait biaisé.
Le dilemme de l'effectivité du droit de la
société civile et de la population de participer à
l'élaboration, à la mise en oeuvre, au suivi et à
l'évaluation des politiques économiques et des programmes de
lutte contre lapauvreté se pose à deux grands niveaux. D'une
part, l'ingérence des IFI sur tout le processus empêche donc les
acteurs les plus concernés et les plus aptes à connaître
les modalités d'une croissance susceptible de résorber le fardeau
de la dette de « faire leur travail ». Mais d'autre part, à
l'intérieur même des pays pauvres, les modalités de mise en
oeuvre de ce droit sont également compromises.
L'immixtion du Fonds et de la Banque dans
l'élaboration, l'approbation et la mise en oeuvre du Document
stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) n'est pas
sans poser de problèmes. Si la Banque mondiale définit la
participation comme «le processus à travers lequel des agents
influencent et partagent le contrôle sur la fixation des
priorités, la définition des politiques, l'allocation des
ressources et l'accès aux biens et services publics
»36, la réalité est toute autre. Ce
processus a certes donné lieu à des débats dans quelques
pays, comme l'Ouganda, le Rwanda ou la Zambie. Mais pour la plupart des PPTE
africains, la différence entre les discours et les pratiques est
problématique. En Tanzanie par exemple, le FMI lui-même a
critiqué l'immixtion de la Banque dans l'écriture du DSRP. Soit
les institutions aptes à discuter n'ont été
abordées que pour la ratification du document (Mali et
Sénégal), soit seuls quelques rares parlementaires ont eu le
droit de parler (Bénin, Malawi). «En ce qui concerne la
société civile, rares sont les pays où les syndicats ont
été pleinement associés au processus
»37. Dans tous les cas, les acteurs de la
société civile sont tenus à l'écart des
débats sur la politique économique ; domaine touj ours
réservé aux experts. En outre, l'obligation de la
rédaction en bonne et due forme d'un DSRP s'oppose à un
allègement rapide, car urgent. Dans ces conditions, beaucoup de pays se
justifient d'avoir «bâclé » une telle élaboration
par le fait que leur dette est justement trop insoutenable pour attendre. Les
gouvernements ayant besoin d'un financement rapide, se conforment
mécaniquement aux attentes des IFI, considérant de fait que toute
participation est inutile. Les grandes lignes du DSRP étant de toute
façon établies à
36 Définition donnée lors d'un atelier
organisé par la Banque mondiale, du 29 avril au 3 mai 2002 à
Washington. Pour en savoir plus, voir:
www.worldbank.org/wbi/socialprotection/africa/hq/pdfpapers/
shahfr.pdf. Extrait tiré de Ajaltouni N. et al., sous la direction de
Merckaert J., 2004, Plate-forme Dette et Développement, rapport 2003,
«La dette face à la démocratie », p. 19.
37 Id, p. 20.
l'avance, la discussion n'a pas lieu d'être. Dès
lors, l'élaboration d'un «contre-DSRP» dans plusieurs pays
démontre non seulement que la participation de la société
civile est insuffisante, mais également que celle-ci voudrait
manifestement prendre part aux discussions. Ce n'est donc pas comme si elle
s'en désintéressait, par résignation.
D'un autre côté, si l'ingérence des IFI
est très souvent condamnable, peut-être que celle-ci pourrait
être justifiée dans certains domaines. Car par définition,
les pays pauvres n'ont pas les moyens de mettre en place une telle
participation dans la mesure où celle-ci n'ayant pratiquement jamais
existé, il faudrait « l'inventer ». Evidemment, une telle
intervention dans ce domaine ne serait justifiable qu'avec une procédure
délimitant strictement les prérogatives du Fonds et de la
Banque.
Ainsi, la Banque mondiale considère que trois
critères sont essentiels pour assurer une participation effective de la
société civile au niveau national. Premièrement, celle-ci
doit être légitime, dans la mesure où le (les)
représentant(s) doivent être habilité(s) ou reconnu(s)
publiquement. Deuxièmement, le groupe doit être
représentatif, c'està-dire représenter les
intérêts et les besoins de la population concernée. Enfin,
il doit être capable, disposant alors des « capacités
organisationnelles et analytiques pour remplir ses objectifs, énoncer
ses demandes, défendre ses intérêts et pour participer au
dialogue national »38 ; Or, ces trois critères ne sont
jamais totalement respectés dans les PED. Concernant le critère
de la légitimité, il n'existe pas de groupe y répondant
véritablement dans ces pays, les ONG faisant souvent office de
«courtiers en développement »39. De
plus, même les ONG peuvent manquer de légitimité, de
représentativité et de capacité. Et les groupes qui
peuvent parler au nom de la population sont seulement ceux qui ont le plus de
pouvoirs. Ils ne sont donc pas légitimes et encore moins
représentatifs, puisqu'ils servent essentiellement leurs propres
intérêts. Car, les PED sont souvent caractérisés,
à l'échelle politique, par d'importantes lacunes en
matière de coordination et d'organisation de la société
civile.
Et pour cause, il n'existe aucun type de formation ou
d'information de la société qui puisse l'habiliter à
discuter pertinemment des réformes qui vont la concerner en premier
lieu. Financièrement, ces deux conditions (formation et information)
sont beaucoup trop onéreuses à instaurer. Le secteur de la
statistique représente effectivement une grande faiblesse. Les
institutions statistiques sont elles-
38 Cling J.-P. et al., unité de recherche CIPRE de l'IRD,
2002, in « Les nouvelles stratégies internationales de lutte contre
la pauvreté et pour les droits humains », p.8,
http://www.hcci.gouv.fr/lecture/synthese/
lutte-contre-pauvrete-dsrp-cling-roubaud.html.
39 Id.
mêmes défaillantes, manquant de res sources
humaines pour procéder à des enquêtes, et ne pouvant
affirmer la fiabilité des rares informations soutirées.
D'ailleurs, leurs résultats n'ont même pas d'impact sur les
orientations politiques.
La relative légitimité de l'arbitrage des IFI
(notamment des conflits d'intérêts) en faveur de
l'effectivité du processus participatif, tient également au fait
que l'Etat manque, lui aussi, de légitimité, de
représentativité et de capacité dans bien des cas.
A une échelle «neutre », «certes, les
DSRP confèrent un rôlepivot à l'État, en tant que
pilote du processus participatif, et responsable de la conduite des politiques
de lutte contre la pauvreté ; mais l'État estil capable d'assumer
ces nouvelles responsabilités après plusieurs décennies de
crise et d'ajustement structurel gouverné par la philosophie du «
moins d'État»? »40. Il est possible d'en
douter. D'autant plus que dans bien des situations, l'Etat n'est pas vraiment
volontaire pour prendre le temps de questionner correctement sa
société civile. En effet, à titre d'illustrations, soit
les Gouvernements choisissent soigneusement les quelques organisations qui
auront le droit de parler (Ghana, Cameroun, Sénégal, Tanzanie et
Niger), soit ils les questionnent au dernier moment (la veille de la
ratification pour la Tanzanie et seulement dans la capitale pour la Tanzanie
encore, et le Mozambique), dans une langue inconnue de nombreuses
régions du pays (Niger), ou encore sans leur donner accès aux
documents clé (Zambie, Mozambique, Sénégal). «Selon
le PNUD, le Lesotho avait même prévu de ne mener les consultations
qu'après l'adoption du DSRP! »41.
Les IFI ne devraient plus oublier qu'elles n'ont pas affaire,
dans la majorité des cas, à des régimes
démocratiques de type occidental, mais à des
sociétés qui possèdent leur propre mode de fonctionnement.
«L'objectif d'appropriation [à travers le processus participatif]
risque donc de buter sur ce manque de capacité, avec pour
conséquence un retour à des pratiques de prise en charge
extérieure de l'élaboration des politiques que l'on
annonçait pourtant révolues ». Pourtant, qui mieux que les
populations concernées connaissent les stratégies à mettre
en oeuvre pour relancer la croissance selon un modèle endogène,
et ainsi gérer correctement le processus d'endettement? Les limites des
PAS sont donc désormais celles de l'initiative PPTE.
40 Id, p. 10.
41 Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert J., 2004,
Plate-forme Dette et Développement, rapport 2003, op. cit., p. 20.
B/... L'insoutenabilité de la dette comme limite des
PAS et de l'Initiative PPTE
De nombreuses analyses montrent que la dette extérieure
des PPTE ne parviendra pas à la stabilité après l'atteinte
du point d'achèvement. Plusieurs raisons expliquent cet échec,
notamment la lenteur du processus, alors que certaines dettes doivent
être urgemment allégées, et des projections de la
viabilité à moyen terme beaucoup trop optimistes de la part des
experts washingtoniens... alors que ce sont elles qui déterminent le
montant des allègements.
1 La lenteur de la procédure et l 'irréalisme
des projections.
La lenteur du processus s'explique essentiellement par le
difficile respect de toutes les conditionnalités, mais aussi par des
facteurs exogènes aux PPTE. En effet, les pays, notamment en Afrique,
sujets à l'occurrence de chocs exogènes, font l'objet d'un suivi
et d'une évaluation délicate de leurs politiques en raisons des
difficultés statistiques et se voient également parfois imposer
un report de l'allègement dont les raisons sont très
ambiguës. Dans son rapport de 2003 sur l'état d'avancement de
l'initiative, la Banque mondiale admet la difficulté d'atteinte des OMD
en raison du « ralentissement économique mondial, [de]la baisse des
cours mondiaux de nombreux produits de base et [de] l'accumulation des dettes
(...) et cela indépendamment du stade auquel se trouvaient les PPTE dans
le processus d'allègement »42. Ainsi pour S.
Fourmy [2005], la cause majeure des retards reste le non-respect des
conditionnalités43. Soit le pays n'a pas pu appliquer son
programme, soit il a pris du retard dans l'exécution. Et dans ce cas,
l'évaluation du suivi par le FMI est également
différée. Ainsi, «la période intérimaire s'est
allongée au fil du temps, passant de 0,2 année au début de
2000 (Ouganda) à 5,5 années en 2006 (Cameroun). La durée
de cette période pourrait s'accroître encore, dans la mesure
où des pays comme le Malawi, Sao-Tomé-et-Principe, la
Guinée, la Guinée-Bissau et la Gambie tarderont certainement
davantage à atteindre le point d'achèvement
»44.
42 Services du FMI et de la Banque mondiale, 2003,
«Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE)
: Rapport d'avancement », p. 28,
http://siteresources.worldbank.org/DEVCOMMINT/Documentation/20139733/DC2003-0014(F)-HIPC.pdf
43 Fourmy S., 2005, « L'initiative PPTE et ses
conditionnalités : petite carotte et gros bâton »,
Plate-forme Dette et Développement, chapitre 4 du rapport 2005/2006,
«La loi des créanciers contre les droits des citoyens, p.60 et
61.
44 Comité du développement (FMI et Banque
mondiale), 2006, «Initiative des pauvres très endettés
(PPTE) et Initiative d'allègement de la dette multilatérale
(IADM) : Etat d'avancement », p. 4,
http://siteresources.worldbank.org/DEVCOMMINT/Documentation/21194815/2007015544FRfr007_HIPC_Text.
pdf
En outre, le suivi et l'évaluation des avancées
sont délicats àréaliser correctement dans la mesure
où les statistiques sont difficilement collectées, en raison
« d'une pénurie de données macroéconomiques et
socio-économiques de qualité. Lorsqu'elle sont disponibles, les
données ne sont pratiquementjamais désagrégées par
région géographique ou par genre »45.
Au total, «au 1er octobre 2006, seuls 20 des 42 PPTE initiaux sont
parvenus au terme de l'initiative (...). Dix pays ont franchi une
première étape (point de décision). Neuf autres en sont
restés au point de départ »46. Le
problème est que, dans les cas où le fardeau de la dette
pèse considérablement sur les populations et aurait donc besoin
d'être apaisé rapidement, les retards ont des conséquences
considérables. De plus, pour certains auteurs [Merckaert, 2006], les IFI
et leurs actionnaires ne seraient pas vraiment volontaires pour
accélérer le processus, sachant qu'un dollar remboursé
à cause d'un passage retardé du point d'achèvement,
constitue un dollar en moins à annuler.
Ce même nombre de dollars à annuler est par
ailleurs fonction des projections de soutenabilité de la dette faites
par les institutions de Bretton Woods. Ces estimations se basent sur des
évaluations macroéconomiques prospectives plus qu'optimistes.
L'estimation de la viabilité de la dette à moyen terme est
irréaliste pour trois raisons au moins.
D'abord, elle ne tient pas compte des créanciers de
«second rang » 47 qui, suite à l'allègement, vont
réclamer leur dus (voir tableau 20 en annexe p.159). Car de nombreux
pays ont accumulé des arriérés entre 1994 et 1998, qui
seront réclamés dès la sortie du dispositif. En-suite, les
projections omettent les futurs emprunts qui serviront à financer un
développement indispensable. Enfin, les postulats de base reposent sur
des anticipations trop euphoriques. En effet, dans les cas de l'Ouganda ou de
la Tanzanie, le FMI et la Banque anticipent un taux de croissance annuelle
moyen de 9% des recettes d'exportations, et de 6 à 10% du PIB aussi bien
que des recettes publiques sur vingt ans. Or, la projection des recettes
publiques ou d'exportations est sujette à caution. En effet, les
institutions se réfèrent au niveau moyen des exportations et des
recettes publiques sur les trois dernières années avant
l'entrée dans le processus. Par conséquent, la conjoncture du
pays au cours de ces trois dernières années conditionne le niveau
de l'allègement. Or, connaissant l'instabilité des cours mondiaux
des produits de base aussi
45 BAD, 2006, «Rapport sur le Développement en
Afrique », op. cit., p. 87.
46 Merckaert J. 2006, «Dix ans après le lancement
de l'initiative PPTE. Evaluation critique du traitement de la dette par le G8
», op. cit., p. 6,
47 Toussaint E. et Zacharie A., CADTM, 2002, « Sortir de
l'impasse, Dette et ajustement », éd. Syllepse, p. 99.
bien que du cycle économique des pays africains, ces
estimations donnent lieu à des résultats trop aléatoires.
Le cas de l'Ouganda est éloquent puisqu'il s'agit d'un PPTE qui devait
donc connaître une forte croissance à tout point de vue, mais qui,
au lieu de cela, a été victime d'une chute brutale des cours, du
milieu des années 1990 jusqu'à la fin de 2002. Le pays a alors
dû procéder à de nouveaux emprunts auprès du Fonds
et de la Banque. Il s'est donc retrouvé à nouveau
surendetté en 2004, selon les critères de l'initiative dans la
mesure où les projections n'avaient pas pris en compte de tels
aléas conjoncturels (et, pour le coup, pas seulement de court terme),
pourtant fréquents dans le cas du continent tout entier. Car des
projections aussi optimistes réduisent d'autant l'allègement
consenti.
Mais ce ne sont pas seulement les anticipations de croissance
économiques qui font défaut. D'une part, il faut rappeler que
bien qu'ayant un impact important sur les finances publiques et le
développement, la dette publique intérieure est trop
négligée. D'autre part, dans le cadre du ciblage des
dépenses publiques, «la CNUCED avait précédemment
indiqué que, quand on choisit d'affecter les dépenses publiques
à certains secteurs plutôt qu'à d'autres, il faut
considérer ce choix du point de vue de son impact général
sur la croissance et que, dans le contexte africain, des niveaux
élevés et croissants d'investissements public sont
indispensables, particulièrement dans l'infrastructure, pour enclencher
un processus de croissance soutenue »48. Or, les
DSRP privilégient les dépenses sociales, bien qu'elles soient
très importantes également, bien entendu. Mais un tel effet de
substitution a des conséquences sur le niveau de croissance global,
susceptible d'engranger des ressources pour le désendettement. Enfin
(même s'il existe encore de nombreuses causes aux erreurs commises dans
les projections), les taux d'actualisation à court terme liés aux
monnaies jouent également un rôle majeur dans le montant de la
remise de dette.
Ces taux servent en effet à calculer la VAN d'une dette
supportable à moyen terme et correspondent aux taux
d'intérêt commerciaux de référence (TICR) des
monnaies établis par l'OCDE. Ils sont dits à court terme car ils
représentent une moyenne pour la période de six mois
précédant la date de référence de l'analyse du
degré d'endettement tolérable. Or, ils donnent lieu à des
résultats arbitraires dans la mesure où les calculs de la VAN
sont extrêmement sensibles à leurs variations. «Par exemple,
d'ans le cas d'un prêt de 10 millions de dollars rem-
48 CNUCED, 2002a, p. 26, tiré de CNUCED, 2004, «Le
développement économique en Afrique, Endettement viable : Oasis
ou mirage », op. cit., p. 22
boursables à un taux d'intérêt de 4% sur
40 ans, l'utilisation d'un taux d'actualisation de 6% aboutit à une VAN
de 7,5 millions de dollars, tandis qu'un taux d'actualisation de 2% donne une
VAN de 13,9 millions de dollars (presque le double)49. Par
conséquent, les taux d'intérêt évoluant dans le
temps, toute modification de la date de référence de l'analyse de
la viabilité de l'endettement implique une modification des taux
d'actualisation, et donc de la VAN de la dette des PPTE, et de
l'allègement de la dette au titre de l'initiative ». Dans le cas de
projections optimistes et de taux d'actualisation élevés, la
dette peut ainsi apparaître viable, alors qu'elle est loin de
l'être en termes réels.
Ces facteurs contribuent largement à expliquer la
faiblesse des allègements accordés et, par là même,
le fait que le fléau de l'endettement excessifdes PPTE africains ne sera
pas éradiqué par l'initiative PPTE.
2 Allègement insuffisant et absence de retour
à la stabilité.
Ces faits sont reconnus par les institutions de Bretton Woods
elles-mêmes puisqu'elles estiment qu'« au point d'achèvement,
les ratios VAN de la dette aux exportations des PPTE étaient, en
moyenne, de 38,9 points de pourcentage supérieurs aux prévisions
établies au point de décision »50.
Selon les prévisions 2006 du rapport d'avancement, les ratios du
service de la dette/exportations après allègements au titre des
initiatives PPTE et ADM pour les PPTE africains ayant atteint le point
d'achèvement et pour lesquels les données sont disponibles,
devraient diminuer jusqu'en 2008 (avec une plus forte baisse après
allègement de la dette multilatérale), remonter entre 2009 et
2022, pour amorcer une timide décrue ensuite (voir tableau 10 en annexe
p.174)51. Mais en 2004, tous les ratios devaient diminuer, ce qui ne
s'est aucunement vérifié (voir les graphiques 11, 12 et 13 en
annexe p.175) De plus, les 28,8 milliards de dollars effectivement
annulés pour les 19 pays ayant atteint le point d'achèvement
jusqu'à l'été 2006 (parmi les 63,2 des 40 PPTE
identifiés) ne représentent pas plus du cinquième du stock
total de la dette avant la mise en oeuvre de l'initiative. En 2005, les
dépenses moyennes affectées au service de la dette ne
représentaient plus que près de 3% pour les 19 pays
arrivés au point d'achèvement (hors RDC, dont les données
sont insuffisantes) selon les IFI.
Selon le rapport 2003 de la plate-forme dette et
développement cependant, encore 17 des 27 PPTE ayant franchi le point de
décision
49Id,p.58.
50 Comité du développement, 2006, op. cit., p.
12.
51 Id., p. 14.
consacreraient, encore en 2005, plus de 10% de leur budget au
service de la dette, voire 20% pour la RDC, la Gambie et la
Zambie52. Selon la plupart des analyses indépendantes,
«la portée réelle de l'Initiative PPTE est
considérablement exagérée par les IFI et les gouvernements
du G8. En effet, les probabilités de parvenir à un endettement
soutenable sont bien différentes selon que l'ont choisit les taux de
croissances estimés par les IFI ou les taux de croissance historiques
(voir tableau 21 annexe p.160).
Selon le FMI et la Banque, le Congo par exemple a 84,4% de
chances d'atteindre un taux d'endettement soutenable, contre 1,5% selon son
taux de croissance historique. Les allégements de dette annoncés
par les créanciers ne sont pour beaucoup que des jeux d'écriture
comptable portant sur des créances impayables »53.
Il existe effectivement trois manières d'appréhender la
valeur d'une dett e. La valeur faciale (dite aussi nominale ou contractuelle)
représente la valeur de la dette au moment où elle a
été contractée. La VAN correspond à la valeur
actuelle des flux de remboursements escomptés, actualisée au taux
d'intérêt auquel la dette a été contractée.
Elle symbolise donc le « montant qu'il faudrait investir aujourd'hui, en
tenant compte des intérêts accumulés au taux
d'intérêt actuel, pour honorer toutes les échéances
de l'emprunt »54. Quant à la valeur de
marché, il s'agit de la valeur d'échange sur le marché de
la dette, fonction du contexte économique, politique et financier du
débiteur. La décote correspond alors à une valeur de
marché inférieure à la VAN. Les IFI, qui utilisent la VAN,
sont donc régulièrement contredites par les autres utilisations.
D. Cohen [2001] fait partie des auteurs qui considèrent que cette
méthode néglige la forte probabilité d'un défaut de
paiement ou d'un refinancement. Or, les PPTE africains n'auraient de toute
façon jamais été en mesure de rembourser
l'intégralité de leurs emprunts. Il ne s'agit dès lors que
de la régularisation d'une situation de fait puisque « l'illusion
comptable» qui affecte (ou fait semblant d'affecter) les créanciers
amène les initiatives à annuler des créances impayables.
Et Powell [2003] de conclure que les montants d'allègement ne
constituent donc pas des ressources additionnelles55. Par exemple,
d'après le Trésor des Etats-Unis, «le coût
budgétaire effectif de l'annulation des quelques 3,8 milliards de
dollars dus aux Etats-Unis par les 22 pays susceptibles de
bénéficier
52Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert
J., 2004, Plate-forme Dette et Développement, op. cit.,p. 15.
53 Id.
54 Id., p44.
55 Cohen D. 12 mars 2001, in Le Monde et Powell R., 2003, in
«Debt Relief, Additionnality, and Aid allocation in Low-Income Countries
», IMF working paper, tiré de Ajaltouni N. et al., sous la
direction de Merckaert J., 2004, op. cit., p. 44.
de l'initiative PPTE renforcée serait d'environ 346
millions de dollars », soit onze fois moins56. Quant au FMI et
à la Banque mondiale, ils refusent d'annuler leurs créances,
faisant supporter le coût des annulations à leurs actionnaires
(particulièrement au G8) dont la volonté à long terme
reste encore à prouver. En 2002, la Banque n'envisageait de s'engager
qu'à hauteur de 4,8 milliards de dollars, alors qu'elle enregistre des
profits annuels de 1,5 milliards de dollars. Quant au FMI la même
année, sa contribution ne s'élevait qu'à 1,7 milliards de
dollars (grâce à la vente d'une partie de son stock d'or),
malgré « son magot de quelque 200 milliards
»57. Néanmoins, le rapport de Comité
du développement 2006 assure que l'IDA envisage maintenant de couvrir ce
coût à hauteur de 20%, soit 12,5 milliards de dollars en VAN fin
2005 (à cause du supplément accordé au Rwanda et de
l'allègement attribué à la RDC récemment). Par
contre le FMI, toujours assis sur quelques centaines de milliards de dollars,
n'a relevé sa contribution qu'à hauteur de 5,6 milliards de
dollars (soit 9%, pour l'ensemble des 40 PPTE et non seulement ceux ayant
terminé la procédure). En outre, ces chiffres ne sont pas, encore
une fois, actualisés par la prise en compte des créances
impayables.
En plus de l'insuffisante manifeste de l'initiative, beaucoup
s'inquiète de l'absence de relais par d'autres mécanismes. Depuis
le milieu des années 1990 en effet, les crédits
multilatéraux sont en régression sensible, sans qu'aucun autre
bailleur de fonds ne soit venu se substituer à cette pénurie. Les
prêts multilatéraux ont ainsi reculé de 25% en moyenne
entre 1985 et 2000, et jusqu'à 56% pour la Guinée ou la
Côte d'Ivoire, voire 64% pour le Nigéria. A prix constants, cette
baisse est d'autant plus grande, puisque les nouveaux prêts des
institutions multilatérales ont alors perdu plus d'un tiers de leur
volume entre 1995 et 2000. Et, toujours en volume, les nouveaux prêts,
tous créanciers confondus, ont été divisé par deux.
Par conséquent, les transferts nets (remboursements en capital et
paiement d'intérêts déduits des nouveaux prêts) sont
aujourd'hui négatifs. Qui plus est, les investissements étrangers
(IDE et investissements de portefeuille) n'ont pas non plus compensé
cette perte, contrairement aux prévisions des IFI. L'essentiel des
ressources financières africaines provient donc des dons au titre de
l'APD (10 milliards de dollars chaque année, soit 70% des flux nets de
ressources) selon les données de 200358.
56 CNUCED, PMA 2000, p. 153-154, extrait de Toussaint E. et
Zacharie A., CADTM, 2002, op. cit., p. 101.
57 Id.
58 Blamangin O., 2003, in « L'Afrique sub-saharienne malade
de sa dette extérieure », p. 10,
www.reseauipam.org/IMG/doc/L_Afrique_malade_de_sa_dette_-_OB.doc
Malheureusement, l'aide publique au développement,
calculée par les pays riches, représentait jusqu'à
récemment une fonction croissante du taux d'endettement des pays
pauvres. L'allègement est encore comptabilisé en APD pour
certains pays comme la France, dans une certaine mesure (cf. parties
suivantes). Aussi, si l'aide était plus élevée quand le
pays était très endetté, cela signifiait qu'avec
l'allègement de sa dette, il verrait ses apports au titre de l'APD
diminuer d'autant. Aujourd'hui, le caractère additionnel des
allègements au titre de l'IPPTE aux mécanismes traditionnels de
financement est difficile à évaluer en pratique pour les
créanciers bilatéraux59. Ce qui est sûr en
revanche, c'est que les allègements au titre de l'IADM ne le sont pas
dans le cas de la Banque mondiale. Déjà, celle-ci a
économisé 7 milliards de dollars à ce titre en n'incluant
dans les allègements que les dettes contractées avant fin 2003
(et non fin 2004 comme le FMI et la BAD). Ensuite, l'AID et la BAD, subissant
un manque à gagner au titre de l'IADM, accompagnent leur annulation de
la réduction immédiate du montant équivalent d'aides
versées par ces institutions au pays concerné. Ainsi, pour chaque
dollar de dette annulé, le pays voit diminuer le montant de l'aide qui
lui est allouée d'un dollar (« ajustement de l'assistance brute
à hauteur du montant annulé dans le cadre du programme de
remboursement », selon les termes du G8)60.
Il n'est nul besoin d'aller plus loin dans le détail
pour comprendre que ce ne sont pas les initiatives PPTE et d'allègement
de la dette multilatérale qui peuvent résoudre le problème
du surendettement extérieur en Afrique à moyen ou long terme.
Mais l'analyse ne doit pas s'arrêter là. Il convient de fournir
des pistes de réflexion sur une orientation possible en vue de pallier
les limites des programmes présentés ci-dessus. Néanmoins,
si ces pistes sont assez aisément empruntables à l'échelle
économique et financière, encore faut-il que la volonté
politique suive. Un problème récurrent.
59 CNUCED, 2004, op. cit., p. 66 à 69.
60 Merckaert J., 2006, op. cit., p. 12.
Chapitre 4
L'enjeu à moyen terme, la
nécessité d'un engagement moral plus que financier.
Il semble nécessaire de rappeler, notamment pour ceux
qui pensent sincèrement que «les choses sont plus
compliquées que ça », que le monde dispose de suffisamment
de ressources pour éradiquer toute forme de besoin primaire. Il ne
s'agit donc pas de quantités de fonds nécessaires au
désendettement, mais bien d'un partage des richesses. Il s'agit donc
d'un problème économique qui ne peut être solutionné
que politiquement, et de fait malheureusement peu susceptible
d'intéresser les experts orthodoxes. Pourtant faire oeuvre d'un tel
partage permettrait sans aucun doute d'alléger le terrible fardeau de la
dette extérieure publique en Afrique subsaharienne en dépassant
les limites de l'initiative PPTE, et de reconstruire sur de bonnes bases les
économies africaines pour enfin apaiser les relations Nord-Sud.
I - Un simple « désenrichissement »
partiel des créanciers...
Ce transfert doit nécessairement passer par la
volonté politique de s'engager financièrement à long terme
pour commencer enfin à négocier correctement. Il s'agirait en fin
de compte, pour les pays industrialisés et leurs populations, de prendre
leurs responsabilités.
A/ Le respect indispensable de toutes les modalités
d'engagement
Tous les auteurs s'accordent à dire que le
caractère additionnel des aides est une condition nécessaire
à l'émergence économique de l'Afrique. Une telle
additionnalité implique des engagements à long terme pour les
créanciers déjà mêlés à l'affaire,
certes, mais aussi de ceux qui ne le sont pas encore.
1 L 'enjeu crucial de l 'additionnalité des
aides.
Avant tout, la valeur de marché devrait remplacer la
valeur actuelle net (VAN) dans la mesure où elle possède
l'avantage de prendre en compte les arriérés, les
rééchelonnements et les refinancements «contraints» de
différentes natures. D. Cohen a alors procédé à une
étude économétrique pour évaluer la valeur de
marché de la dette de tous les PPTE et conclue que ce prix correspond
à 28 cents pour un
dollar de dette nette. La traduction est que seul le quart des
montants d'allègement représente un apport réel de
ressources pour le financement des PPTE. C'est peu.
Merckaert J. [2006] pose trois conditions à
l'additionnalité. Une aide est alors additionnelle aux mécanismes
traditionnels si l'accord apporte des fonds strictement supplémentaires
aux récipiendaires, si l'accord vient s'ajouter aux promesses
d'augmentations de l'APD des pays riches et s'il maintient intacte la
capacité des IFI à fournir de l' aide.
Au niveau des pays pauvres, les données statistiques
sont délicates à recueillir. Mais il est quand même
possible d'affirmer que les allègements ne dégagent pas des
ressources strictement supérieures, notamment ceux de la Banque mondiale
et de la BAD (cf. supra).
Du côté des pays riches, ce sont
déjà eux, et plus particulièrement les pays du G8, qui
financent l'IPPTE et l'IADM à travers leurs contributions
«normales» aux IFI, qui renflouent les comptes d'une Banque mondiale
déficitaire quant à l'IADM (lors d'une réunion triennale)
et qui ont promis d'arriver à une APD correspondant à 0,7% de
leur RNB d'ici 2015, ainsi que de la doubler pour 2010, notamment en direction
de l'Afrique. C'est beaucoup et le doute est donc permis quant à la
soutenabilité de leurs engagements à long terme. Par ailleurs,
ils ne contribuent pas tous (cf. partie suivante) et l'APD demeure
insuffisante, sauf pour la Norvège, le Danemark, le Luxembourg, les
Pays-Bas et la Suède... qui ne font pas partie du G8, mais qui se
nomment eux-mêmes les pays du « G0,7 »1.
Pour les cinq Premiers ministres, la baisse de l'APD dans les
années 1990 a en outre contribué au retard de l'Afrique sur le
chemin de la croissance et du désendettement. Car s'il est vrai que le
total des engagements d'APD de l'ensemble des donateurs pour l'Afrique a
doublé entre 1990 et 2004, il est tout de même resté
quasiment inchangé de 1990 à 2001 compte tenu des fortes
variations entre temps. Un effort a été effectué en 1991
(puisque qu'il est passé de 17,35 milliards de dollars en 1990 à
21,98 en 1991) et en 2000 (de 16,5 milliards de dollars en 1999 à 19,6
en 2000) avant d'être relâché en 2001 (plus que 17,96
milliards). Une croissance soutenue de l'APD a donc repris à partir de
2002. En effet de 2002 à 2004, le total des engagements a doublé
(voir tableau 22 en annexe p.161).
1 Jan Pieter Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas, Kjell
Magne Bondevik, Premier ministre de Norvège, Göran Persson, Premier
ministre de Suède, Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg
etAnders Fogh Rasmussen, Premier ministre du Danemark, 2005, in «La
Norvège demande au G8 une augmentation de l'aide au développement
».
Néanmoins, hormis certains pays (cf. supra), les Etats
ne respectent globalement pas le taux de 0,7% du RNB de l'APD
décidé en 1970. La part de l'APD dans le RNB français
atteignait modestement 0,47% en 2005 et 2006. Or, même si les
pourcentages sont rassurants par rapport à ceux de 2000 et 2001 (0,32%),
la France doit progresser sur la voie du respect des 0,7% (voir tableau 14 en
annexe p.176). Et, de manière générale, le G8 doit montrer
l'exemple. S'il avait promis au sommet de Gleneagles en 2005 de doubler le
montant de l'APD, soit 50 milliards de dollars, il a confirmé sa
volonté en annonçant un montant de 60 milliards enjuin 2007.
Néanmoins, encore faut-il rappeler « qu'il y a 35 ans, les pays
riches s'étaient engagés à porter leur APD à 0,7 %
de leur revenu national brut (RNB), promesse renouvelée plusieurs fois
depuis ».
Aujourd'hui, l'APD des pays riches s'élève
à seulement 0,25 % de leur RNB, nécessitant donc un triplement
pour que l'engagement de 1970 soit enfin tenu. L'annonce de Gleneagles est donc
un recul face à cet engagement précédent.
»2. Car la Banque africaine de développement (BAD)
affirme que pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le
développement, le montant de l'APD doit grimper jusqu'à environ
140 milliards de dollars en 2006 et jusqu'à quasiment 200 pour 2015
(voir graphique 15 en annexe p.1 77).
De plus, un tel montant doit être additionnel aux
allègements consentis au titre de l'initiative PPTE, sans quoi le
coût pour le créancier est considérablement réduit,
aussi bien que le bénéfice pour le débiteur. Il est en
outre difficile de savoir si les remises de dettes sont comptabilisées
en APD, il s'agit souvent d'une question d'écritures comptables. La
France par exemple a mis en place des Contrats de désendettement et de
développement (C2D) additionnels à l'allègement survenant
au point d'achèvement de l'initiative. Ces contrats annulent les
créances d'APD dues à la France. Cette allègement
bilatéral était le bienvenu certes, mais il comptabilise en APD
le coût des annulations des intérêts (mais pas le
principal). Les C2D ne sont donc que partiellement additionnels à
l'initiative PPTE. Bien que très critiqués, les C2D
représentent tout de même une avancée additionnelle dans
l'annulation de dettes. S'il n'est pas entièrement légitime de
leur reprocher leur liaison avec l'initiative PPTE et un programme
économique décidé (soit
2 Millet D. et Toussaint E., 2005, in « G8 : Le CADTM
demande la fin des engagements non tenus sur l'aide au développement
»,
http://www.alterpresse.org/spip.php?article2796.
disant toutefois) conjointement entre le récipiendaire
et la France, il est tout de même dommage que la signature de tels
contrats enregistre un tel retard3. De plus, même si un
chiffre exact ne peut être fourni, il est notoire que les remises de
dette sont souvent comptabilisées en APD. Ainsi, l'augmentation de l'APD
en 2005 (de 15 milliards de dollars) est simplement due à l'annulation
de la dette irakienne par le Club de Paris. Aucune somme supplémentaire
à ce titre n'est donc réellement déboursée. Ce cas
peut malheureusement faire légion.
En dernier lieu, après la nécessité de
l'augmentation de l'APD des Etats du Nord, leur caractère additionnel
aux remises de dett e au titre de l'IPPTE, il conviendrait de délier
l'aide telle qu'elle l'est actuellement (achat de biens et services au pays
créancier comme contrepartie des fonds versés) pour la relier
à une obligation de résultat. En effet, les
bénéficiaires peinent souvent à absorber sainement les
montants décaissés (surtout que l'essentiel des fonds entre 1998
et 2003 a été alloué à des pays sortant de
conflits). Par conséquent, il serait judicieux de décaisser les
fonds en fonction de la capacité d'absorption du pays. En outre, cette
capacité serait jugée en premier lieu eu égard aux
dépenses de lutte contre la pauvreté dans le cadre de la
réalisation des OMD et, en second lieu par rapport aux remboursements de
la dette qui continue de courir.
Concernant les institutions multilatérales, l'IADM de
la Banque et de la BAD n'est pas additionnel à leurs prestations, tandis
qu'elle l'est pour le FMI (cf. supra).
Par conséquent, ce qui importe le plus, c'est toujours
une réelle volonté d'engagement mutuel des Etats à long
terme. Il est sûr que si les créanciers avaient davantage
confiance en une bonne foi des débiteurs devenue effective, le
problème de la dette serait résolu à moyen terme. Mais un
tel engagement doit être ancré dans les actes à
l'échelle spatiale et temporelle, et non plus seulement dans les
discours.
3 «Au 1 er mars 2006, huit pays sur la vingtaine
concernés ont effectivement signé un C2D: le Mozambique (nov.
2001), l'Ouganda (juin 2002), la Bolivie (mai 2003), la Tanzanie (juin 2003),
la Mauritanie (juillet 2003), le Ghana (nov. 2004), Madagascar (février
2005) et le Nicaragua (mars 2005). Ces huit pays représentent seulement
8% de l'encours total des créances françaises d'APD sur les pays
potentiellement éligibles, soit un peu plus de 300 millions d'€. On
peut ainsi estimer que, sur les 558 millions d'€ de «refinancement
pardon» initialement prévus sur la période 2001-2005, seuls
81 millions (14,5 %) ont effectivement été reversés
», Blamangin O. et Goirand P., «L'enlisement des C2D Annulations
bilatérales françaises additionnelles à l'initiative PPTE
», chapitre 5 du rapport 2005/2006 de la plate-forme Dette &
Développement.
2 Un engagement à long terme essentiel de la part de
tous les créanciers.
Il ne s'agit pas d'annuler, de façon inconditionnelle
et immédiate, toutes les dettes insoutenables, mais de tenir parole au
moins dans le cadre de l'initiative PPTE et d'allègement de la dett e
multilatérale (IADM). En d'autres termes, deux promesses doivent
être tenues. D'une part, les échéances étant, pour
certains pays, très longues, les allègements doivent être
impérativement financés sur le long terme. D'autre part, les
créanciers étant divers, la participation des prêteurs
impliqués doit être assurée au prorata de leurs
créances. Or, aucun de ces impératifs n'est garanti aujourd'hui.
Et la courbe de Laffer de prévenir que si les ratios d'endettement
demeurent insoutenables, les créanciers verront baisser leurs chances
d'être remboursés.
Du côté des échéances, certaines
sont effectivement très longues. Des pays comme la Sierra Leone (2036),
Sao Tomé-&-Principe (2038) ou comme le Burundi (2043), ne verront
effectivement leur dernier allègement de dette que très tard. Le
plus ironique est sans doute le fait que le problème soulevé par
un tel engagement n'est pas tant financier que politique. Le FMI l'admet
lui-même. Les IFI ont donc les moyens de financer une telle promesse
« sur leurs fonds propres, sans que cela porte préjudice à
leur fonction de prêteur en dernier ressort »4. Mais ce
n'est pas tant les institutions de Bretton Woods qu'il faut incriminer que les
créanciers non engagés dans les initiatives d'allègement.
Car approximativement, d'après les données de 2006, l'ensemble
des coûts relatifs aux allègement de dette des 40 PPTE
déclarés comme tels se partage entre les créanciers
multilatéraux (46%, dont 20% pour l'IDA, 9% pour le FMI et 7% pour la
BAD), 36% pour les créanciers bilatéraux membres du Club de
Paris, 13% pour les créanciers bilatéraux non membres, et 5% pour
les créanciers commerciaux (voir tableau 24 et graphique 16 en annexe
p.163 et p.178). L'IDA connaît un déficit au niveau du financement
de l'IADM, mais est renflouée régulièrement par ses
actionnaires. Le FMI n'ayant pas constitué assez de provisions pour
financer l'assistance fournie au titre de l'IPPTE, pour les pays en situation
d'arriérés prolongés ainsi que pour les nouveaux PPTE
identifiés, il doit trouver les ressources financières
nécessaires avant que ces derniers ne parviennent au point de
décision. Le Fonds africain de
4Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert
J., 2004, Rapport 2003 de la plate-forme Dette et Développement, op.
cit., p. 30.
développement (FAfD), compris dans la BAD, sera
opérationnel pour le financement de l'IADM lorsque les garanties de
financement nécessaires auront été obtenues.
La difficile contribution de tous les bailleurs se situe alors
au niveau multilatéral, bilatéral mais surtout commercial.
Au niveau multilatéral, «sur les 31
créanciers considérés, [seulement] 23 ont indiqué
leur intention de participer à l'initiative PPTE» en
20065. Les huit réfractaires constituent 0,5% du coût
total. C'est peut-être peu au regard de la totalité, mais beaucoup
pour certains débiteurs.
Les créanciers du Club de Paris supportent au total,
pour les 40 PPTE identifiés, la somme de 15,2 milliards de dollars en
VAN à la fin 2005, sans compter quelques allègements
supplémentaires6. La quasitotalité des 19 membres
participe.
Pour les pays non membres du Club mais détenteurs de
dettes, la situation est déjà plus contrastée. «Le
caractère facultatif de l'Initiative PPTE explique en partie la faible
participation des créanciers bilatéraux publics non membres du
Club de Paris »7. Il n'existe en effet aucune base juridique
contraignant les créanciers concernés à participer aux
initiatives. Ainsi, sur les 56 créanciers «impliqués»
à ce titre, 13 représentent environ 85% des allègement
accordés. Les services de la Banque et du Fonds ont donc adressé
des demandes de participation à neufs créanciers importants
(Algérie, Bulgarie, Chine, Émirats arabes unis, Honduras,
Koweït, Libye, Arabie Saoudite et Venezuela).
Tous ont répondu favorablement, mais a priori
seulement, et chacun selon ses propres critères d'allègement. Six
créanciers bilatéraux non membres du Club ont consenti à
un allègement total (comme la Jamaïque ou la République de
Corée), ce qui représente 1,4% du total des allègements.
D'autres ont accepté un allègement partiel (la Chine, la Libye ou
encore la Pologne). Un autre créancier important s'est
déclaré participant, les Emirats Arabes Unis, ce qui se traduira
par un allègement plus important au total.
Quant à la Libye et la Chine, elles ont fait savoir
qu'elles accorderaient des allègements de leur propre chef, sans donner
d'autres détails (sur les montants et les conditions notamment).
Malheureusement au total, «les données d'information disponibles
tendent à in-
5 Comité du Développement, 2006, Initiative en
faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et Initiative
d'allègement de la dette multilatérale (IADM), Etat d'avancement,
p. 21.
6 Certains dès le point de décision, d'autres au
point d'achèvement et d'autres encore pour les 10 PPTE en phase
intérimaire (dont les données n'étaient pas disponibles en
2005).
7 Comité du Développement, 2006, op. cit., p.
28.
diquer que les allègements consentis aux PPTE par les
créanciers bilatéraux publics non membres du Club de Paris sont
faibles, même sur la base d'hypothèses optimistes
»8. Sans compter qu'un créancier bilatéral
public, la Libye, a carrément engagé une action en justice pour
être remboursée par le Nicaragua, un des PPTE ayant franchi le
point d'achèvement.
Au niveau commercial enfin, la situation est plus
préoccupante, même si la part commerciale dans les
allègements de dette au titre de l'initiative PPTE ne cesse d'augmenter.
Si la part des créances commerciales reste largement inférieure
à celle des autres types de créances, elle est loin d'être
négligeable pour certains PPTE (notamment la République du Congo,
où elle représente 35%, la Côte d'Ivoire, le Libéria
où elle s'élève à 20% ou encore au Soudan,
où elle compte pour 13% de l'endettement total). En outre, très
peu de créanciers commerciaux ont accordé un allègement de
dette aux PPTE, puisque leur allègement ne représente que 5,5% de
montant qu'il devrait représenter avec une participation pleine et
entière aux 29 PPTE ayant franchi le point de décision. Parmi ces
19 PPTE, 13 ont donc été obligés, depuis 1989, d'utiliser
le Fonds de désendettement des pays exclusivement IDA9 pour
payer une partie de leur dette commerciale. Mais le plus grave, c'est qu'un
nombre croissant de créanciers commerciaux et de fonds vautours (ces
fonds d'investissements spécialisés qui rachètent les
dettes d'entreprises en difficulté afin d'en prendre le contrôle
et de les restructurer, sont 44 au total) intentent des actions en justices
contre les PPTE (voir tableau 20 en annexe p.159).
Les plus grandes victimes sont la RDC, le Guyana et l'Ouganda.
Ces créanciers sont dispersés un peu partout dans le monde, mais
la plupart se concentrent au Royaume-Uni, aux îles vierges britanniques
et aux Etats-Unis. La plupart des procès se déroulent dans les
grandes villes des Etats-Unis, à Paris et à Londres). Or, la
majorité des procès intentés ont donné raison aux
créanciers (26 sur 44 pour 7 PPTE). Et les sommes à payer ne sont
pas non plus pas négligeables ; 30 milliards de dollars pour la Sierra
Leone, l'Ouganda et la Zambie dans le passé, par exemple. La somme
totale des créances qui, selon les indications données, font
l'objet d'une action en justice s'élève à peu près
à 1,9 milliard de dollars, soit un montant supérieur de 22 %
environ au montant de l'allègement de dette accordé par les
créanciers commerciaux au titre de l'Initiative PPTE. Les poursuites
engagées contre le Cameroun
8Id,p. 30.
9 Ce fonds octroie des dons aux pays qui remplissent les
conditions voulues pour préparer et exécuter des
opérations de rachat de dettes. Pour en savoir plus, voir Comité
du Développement, 2006, op. cit., p. 36.
et le Nicaragua par exemple ont débouché sur des
dommages-intérêts représentant respectivement plus de la
moitié et quatre fois les allègements de dette qui auraient
dû être consentis par les créanciers commerciaux à
ces pays10. La faible participation des créanciers
commerciaux pose un autre problème dans le cadre du principe d'un
partage équitable de la charge de l'allègement pour les
créanciers. Or, ce dilemme du «passager clandestin », qui
consiste pour les créanciers non engagés à profiter du
retour à la solvabilité de leurs débiteurs grâce aux
allègements de dette consentis par les créanciers
impliqués, aura du mal à être résolu par les IFI. En
effet, celles-ci ne disposent pas de moyens pour les inciter à
participer à l'initiative.
Dans ces conditions, il appartient aux Etats accueillant ces
détenteurs de dette, aussi bien que leurs procès, de les
encourager à faire un effort, quitte à employer des mesures
coercitives. Une autre option pour l'avenir, plus générale,
consisterait à créer un cadre de négociation de la dette
plus équitable que celui qui prévaut encore aujourd'hui.
B/ La nécessité d'un cadre de
négociations désormais équitable.
L'instauration d'un cadre de négociation
équitable peut se dérouler en deux temps, ou
simultanément, selon la volonté des pays riches. D'abord, il
s'agit de réformer les marchés financiers afin d'éviter le
phénomène du «passager clandestin ». Il est ensuite
nécessaire de mettre en oeuvre une proposition qui de toute
évidence fait l'unanimité des économistes travaillant sur
le surendettement. En effet, de nombreux auteurs demandent la création
d'un tribunal international de la dett e accompagné d'un droit
international relatif à la dette souveraine insoutenable.
1 La réforme des marchés financiers et la
création d'un marché spécifique aux PED.
Le FMI et la Banque mondiale sont très inquiets quant
au phénomène du «passager clandestin ». En effet, le
nombre croissant de fonds vautours intentant des actions en justice contre les
PPTE pèse fortement sur l'efficacité de l'initiative PPTE.
Comment revenir à un endettement soutenable si des pays sont
harcelés et lésés politiquement et financièrement
dès qu'ils achèvent les négociations relatives à
un
10 Id.
allègement de leur dett e ? Il existe toutefois plusieurs
moyens de lutter contre ce fléau.
Dans l'hypothèse de l'inefficacité des actions
internationales, l'Assemblée nationale française propose un
recours à des mesures intérieures. Car, il est vrai que beaucoup
de procès, donnant en outre gain de cause aux créanciers, se
déroulent à Paris. L'Assemblée française s'est
ainsi émue de «l'inefficacité partielle» des actions
menées par le Club de Paris face à «l'existence des
spéculateurs refusant de s'y associer », et qui parviennent
à réaliser des «plus-values considérables
»11. La République du Congo en a fait les
frais, en devant céder une créance de 1,8 millions de USD au
fonds Kensington, lequel prétend aujourd'hui en tirer 300 millions.
«Le fonds FG Hémisphères espère quant à lui
faire payer à 100% aux banques finançant le Congo ou aux
compagnies pétrolières exploitant son sous-sol, les
créances qu'il a acquises à un prix qu'il tient soigneusement
dissimulé ». Les Etats ainsi harcelés et lésés
doivent être protégés. La proposition de loi vise donc
à s'inspirer du dispositif français de retrait de droits
litigieux (article 1699 du Code civil) ou de la notion anglo-saxonne de
champarty (« trafic usuraire d'actions en justice »12).
Ces mécanismes permettent aux juges de ne donner raison
au créancier qu'en fonction de l'aide consentie par la
collectivité publique, des efforts des autres créanciers, et,
surtout, de la situation économique du débiteur. Or, un tel
mécanisme en France ne néces site aucune contestation de la
créance cédée de la part du débiteur. De plus,
«il s'agit (...) d'une mesure de morale et de cohérence dans l'aide
aux pays amis, notamment enAfrique, tant il serait absurde que
l'Exécutif efface d'une main nos créances pour que le pouvoir
judiciaire accorde de l'autre les sommes rendues disponibles aux usuriers
»13. Car nous pensons en effet que, compte tenu du
contexte dans lequel s'est effectuée la décolonisation (abandon
quasi-total), les PPTE africains doivent prioritairement être
protégés par leurs anciens colons. Cela vaut donc
également pour des pays tels que le Royaume-Uni (de nombreux
procès se déroulant aussi à Londres) et, de manière
général, pour l'Union européenne.
A l'échelle internationale, des solutions sont depuis
longtemps proposées. La plus connue est bien entendue celle de la
réglementation des marchés financiers, avec la
«traçabilité» des opérations (provenance,
destination, but), celle du contrôle des mouvements de capitaux
11 Le Fur M., 2006, proposition de loi, «Lutte contre des
fonds financiers dits « fonds vautours »,
http://
www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion3214.asp
12Id.,p. 2. 13 Id.,p. 3.
afin de les réguler, ou encore la suppression des
«paradis fiscaux ». Il s'agit surtout dans ces cas de contrer le
phénomène de fuite des capitaux, manifeste dans les PPTE et qui
ont conduit à un manque à gagner considérable en termes de
recettes publiques. D'autres propositions ont également
émergé. A titre d'exemple, des auteurs comme Eric Toussaint
[2004], proposent de ne justifier l'endettement extérieur
protégé que s'il est décidé
démocratiquement. Ce qui suppose deux conditions et une
conséquence. D'une part, dans le cadre d'une
«conditionnalité à l'envers », des charges de
remboursement consenties à taux d'intérêt inférieurs
à ceux du marché doit se justifier dans le cas d'un emprunt
permettant «une création de richesses suffisante ». La
deuxième condition relève de l'approbation populaire quant
à un emprunt extérieur (voie parlementaire ou
référendaire). Consécutivement, «une protection forte
et efficace des pays débiteurs devra être organisée en
faveur des pays en développement à l'échelle
internationale, de telle sorte que ces pays puissent se défendre contre
toute forme d'abus et de spoliation par les banques, les investisseurs
privés internationaux et les institutions financières
internationales »14 (cf. partie suivante).
Deux autres pistes très intéressantes peuvent
enfin être explorées en profondeur. La première
consisterait pour le FMI à exercer un droit de préemption sur les
créances privées et dangereuses contractées par les PPTE
identifiés lors des vingt dernières années. Seul le pays
débiteur pourrait alors contester cette propriété. La
seconde est la création d'un marché financier spécifique
aux PPTE. Dans la mesure où il est admis que les PPTE doivent pouvoir se
financer par d'autres moyens que les emprunts publics bilatéraux et
multilatéraux, un marché leur étant dédié
pourrait être réglementé par le FMI, par exemple. En outre,
des règles strictes seraient imposées, telles que des taux
d'intérêt contrôlés par l'institution (agissant par
là même sur le service de la dette), ou l'interdiction
d'émission de produits dérivés (options,
swaps...)15. Et pour davantage encore de sécurité, les
emprunts en monnaies nation-ales devraient être
favorisés16. Ces règles régiraient donc les
fonds de financement émis par diverses banques commerciales et fonds en
tout genre pour préserver les PED d'un retour de l'endettement excessif
et non contrôlé.
14 Toussaint E., 2004, in « Un financement du
développement non générateur de dettes et une nouvelle
architecture financière internationale », p. 17,
harribey.u-bordeaux4.fr/colloques/toussaint.pdf.
Et Toussaint E. et Zacharie A., 2002, in « Sortir de l'impasse dette et
ajustement », éd. Syllepse, p. 184.
15 Accoce J.-V., 2006, in « L'inefficacité des
mesures d'allègement et d'annulation de la dette publique externe des
pays en développement: le cas de la république du Congo »,
p. 14,
beagle.u-bordeaux4.
fr/jourdev/Papers/Accoce.pdf.
16 Stiglitz J. E., 2006, «Un autre monde », éd.
Fayard, p. 326.
En outre, ce type de mesures équitables, qui
protègent les débiteurs tout en les responsabilisant et qui ne
porte pas nécessairement préjudice aux pays riches, apaiserait
aussi les relations Nord-Sud. En cas de litige toutefois, touj ours dans
l'optique de prévenir l'endettement insoutenable et
incontrôlé, un tribunal international de la dett e devrait
urgemment être créé dans le droit chemin d'une
législation internationale du surendettement.
2 L'instauration d'une législation et d'un Tribunal
international de la dette (TID).
Dans la mesure où tous les mécanismes de gestion
de la dette extérieure publique qui ont été mis en place
par les créanciers depuis des décennies se sont
avérés partiels et inefficaces (y compris l'IPPTE), il convient
d'instaurer un dispositif plus équitable. L'impasse dans laquelle s'est
trouvée l'Argentine met en évidence les problèmes
posés par l'absence d'un mécanisme international de gestion de la
dette extérieure publique (y compris celle liée à la
garantie de l'Etat des emprunts privés). Ce type de juridiction
internationale a surtout été proposé pour les pays
émergents faisant largement appel aux capitaux privés pour se
financer mais attirant par là même les capitaux spéculatifs
et les prises de risque excessives. Toutefois, il serait tout aussi judicieux
de créer une législation internationale sur la dette souveraine
(LIDS) accompagné, dans son application, d'un Tribunal international de
la dette (TID17) pour les pays pauvres, notamment les
«très endettés ». Un tel organisme s'inscrit dans la
lignée d'une autre lecture de la soutenabilité; celle qui tient
compte des intérêts et des responsabilités des
créanciers, comme de ceux des débiteurs. Il a de plus le grand
avantage de pouvoir contraindre les créanciers commerciaux, initialement
réfractaires, à participer aux négociations de
restructurations et d'allègements de dettes.
La mise en place d'un mécanisme formel de
restructuration de la dette souveraine18 doit s'inscrire dans un
cadre de justice et de transparence (contrairement aux négociations dans
le cadre du Club de Paris, dont les modalités sont souvent très
opaques et au sein desquelles le débiteur est seul face à tous
ses créanciers organisés). Un tel mécanisme pourrait
s'inspirer du code de la faillite américain, qui conjugue les
intérêts et la responsabilité du débiteur et ceux de
créancier.
17 Les abréviations sont « inventées »
par l'auteur dans la mesure où elles ne sont pas apparues dans les
documents utilisés.
18 Dette des Etats souverains.
Le FMI s'est récemment déclaré favorable
à une telle instauration. Et certains éléments de sa
proposition paraissent séduisants. En outre, le Fonds adhère au
caractère préventif d'une telle législation, qui viserait
à responsabiliser non seulement le débiteur mais également
le créancier. Selon lui, les pays débiteurs seraient alors les
initiateurs d'une «mise en faillite provisoire » puisqu'ils
déclareraient un moratoire sur leurs remboursements pour
déclencher la procédure. Dans ces conditions, la procédure
prendrait en compte les spécificités du pays
«redevable» (comme l'article 9 du code de la faillite
américain), mais elle devrait également tenir compte du
degré de responsabilité du créancier (FMI compris).
Ensuite, le FMI se dit favorable au contrôle temporaire des flux de
capitaux dans le pays débiteur, ce qui constitue une avancée
compte tenu de sa dévotion traditionnelle pour une libéralisation
totale. Il envisage même la mise en place dune « entité
internationale qui pourrait arbitrer les désaccords et superviser les
négociations »19.
Néanmoins, le FMI n'a pu s'empêcher de se
réserver une place de choix dans la procédure. En effet, si
beaucoup d'auteurs à ce sujet estiment que la procédure doit
relever d'une instance neutre et impartiale, le FMI se déclare quant
à lui compétent pour jouer un rôle d'approbation ex ante.
Pourtant, le FMI n'est ni neutre ni impartiale puisque non seulement il est
lui-même créancier mais il est également dans son ensemble
gouverné par les pays riches, notamment par les Etats-Unis20.
Surtout que le Fonds insiste sur son statut prioritaire dans le cadre de sa
fonction de prêteur en dernier ressort. D'autre part, le FMI se focalise
toujours sur l'aspect financier de l'analyse de l'endettement. C'est son droit
puisqu'il s'agit d'une institution financière. Mais il doit dans ces
conditions, puisqu'une dette insoutenable englobe aussi des aspects tels que
ceux liés à la réalisation des OMD, laisser laplace
à une institution apte fournir une analyse globale. Qui plus est, le FMI
reste touj ours muet au sujet de la nécessaire transparence de la
procédure et de la participation de la société civile,
pourtant toutes deux indispensables.
Le compromis décelé au sein du G721
en 2002 est donc insuffisant dans la mesure où il constitue un «
mixage » de la position américaine et de celle du FMI. En effet,
bien que favorables à la proposition du FMI dans un premier temps, les
Etats-Unis s'en sont très vite
19Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert
J., 2004, Rapport 2003 de la plate-forme Dette et Développement, op.
cit., p.51.
20 Les Etats-Unis étant le seul pays à disposer
d'un droit de veto dans le cadre de certaines décisions compte tenu du
fait qu'ils versent la quote-part la plus élevée.
21 La Russie n'y étantpas incluse à cette
époque, le groupe n'était encore pas dénommé G8.
éloignés car ils refusaient de renforcer le
rôle de l'institution. Ils ont alors proposé «une approche de
régulation par le marché »22.
L'idée s'éloigne donc totalement de l'instauration d'un
mécanisme et d'une institution formels pour procéder à de
telles restructurations. Par ailleurs, en préconisant simplement
l'établissement de nouvelles clauses dans les futurs contrats de
prêts, permettant la facilitation des négociations en cas de
défaut, l'idée ne permet pas de résoudre les
problèmes tenant aux prêts antérieurs. De fait, le
consensus du G7 vise seulement à appliquer la proposition
américaine avec un FMI dans le rôle de gendarme «en dernier
ressort ». Or, le problème de l'asymétrie entre
débiteur et créancier n'est alors pas réglé.
L'idée ici prônée s'inspire des quatre
principes préconisés par J. E. Stiglitz [2006] dans le cadre de
la systématisation de « l'opération de
restructuration/effacement de la dett e »23.
D'abord, l'effacement éventuel de la dette doit être assez
conséquent pour permettre un niveau soutenable à moyen terme au
moins (cinq ans selon Stiglitz). Les IFI doivent donc baser leurs estimations
sur des projections réalistes, du moins beaucoup davantage
qu'aujourd'hui. Deuxièmement, les détenteurs étrangers
n'étant pas les seuls créanciers, une priorité doit
être réservée, dans la mesure du possible, aux
créanciers domestiques que représentent les populations dans le
besoin (devoir d'éducation et d'apport de soins de santé pour les
Etats). Troisièmement, «la restructuration doit être rapide
et favorable au débiteur. Tout délai a un coût prodigieux
»24, comme le montrent les retards pris en phase
intérimaire de l'IPPTE. Le chapitre 11 du code américain des
faillites peut inspirer les mesures à prendre à cet égard.
Enfin, et c'est le plus important, la procédure, quelle qu'elle soit, ne
doit pas être déterminée par les créanciers, FMI
compris, ces derniers ne pouvant par définition être
impartiaux.
Pour conclure, «je suis convaincu[e] que la mise en place
d'une organisation des faillites internationales finira par s'imposer ».
(...) Mais, à court terme, il pourrait être utile de créer
un service de médiation internationale pour établir des normes
»25. Une telle organisation a l'avantage de ne pas
nécessiter une création ex nihilo dans la mesure où une
institution qui peut la prendre en charge existe déjà. En effet,
«un groupe de travail élargi sur la dette au sein du programme
«financement
22 Ajaltouni N. etal., sous la direction de Merckaert J., 2004,
op. cit., p. 52.
23 J. E. Stiglitz, 2006, «Un autre monde », éd.
Fayard, p. 327.
24Id.,p. 328.
25 Id. p. 329.
du développement » des Nations Unies [pourrait
être crée], impliquant délégués
gouvernementaux, IFI, experts et sociétés civiles du Nord et
du Sud »26.
Ce même groupe de travail pourrait tout aussi bien avoir
pour tâche d'identifier et d'annuler les dettes dites «odieuses
», avant de réorienter les politiques dites «de bonne
gouvernance » des PPTE. Ce n'est que dans ces conditions qu'une dette peut
effectivement s'avérer soutenable à moyen/long terme.
II - ... Indispensable à la modeste survie des
débiteurs.
Les rééchelonnements ne font que différer
le problème de la charge de la dette, qui plus est plus lourde avec les
intérêts du temps. Il ne s'agit alors pas nécessairement
d'annuler toutes les dettes des PED, compte tenu des difficultés de
financements et de moyens désormais connues (notamment pour la Banque
mondiale et la BAD). Mais il est admis que certaines dettes des PPTE d'Afrique
sont illégitimes car ce sont les populations qui paient alors même
qu'elles n'ont jamais vu la couleur des fonds empruntés. Ce type
précis de dette est intolérable et doit être
annulé.
Dans un second temps, il est absolument nécessaire de
repenser les politiques de «bonne gouvernance ». Les politiques
austères ont montré leurs limites et effets pervers pendant plus
de trente ans. Que les pays riches continuent de faire semblant d'y croire sur
leur propre territoire, c'est une chose. Qu'ils les imposent sur des
territoires où s'applique «le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes »27, c'en est une autre.
A/ L'annulation totale et inconditionnelle des dettes
odieuses : un préalable obligatoire.
Les dettes odieuses ne concernent qu'un petit nombre de PPTE.
Mais elles constituent pour eux un lourd fardeau. Ainsi, comme l'estime
Stiglitz [2006], «une solution simple au problème de la dette
odieuse [est qu'] il doit être admis d'avance que ces pays n'auront pas
à rembourser les prêts. Non seulement cette solution simple
résout le problème du surendettement actuel, mais elle
prévient son retour »28.
26 Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert J., 2004,
op. cit., p. 34.
27 Principe de non-ingérence, défini par l'article
2§7 de la Charte des Nations unies adoptée àla fin de la
Conférence de San Francisco, le 26juin 1945.
28 StiglitzJ. E.,2006, op. cit.,p. 315.
1 Une identification des « dettes odieuses
»...
Définir les dettes odieuses n'est en soi pas bien
compliqué puisque la notion a été développée
dès 1927 par Alexander Nahum Sack, ancien ministre de Nicolas
II29 et professeur de droit à Paris. Selon lui, «si un
pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et dans les
intérêts de l'Etat, mais pour fortifier son régime
despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette
est odieuse pour la population de l'Etat entier. Cette dette n'est pas
obligatoire pour la nation; c'est une dette de régime, dette personnelle
du pouvoir qui l'a contractée, par conséquent elle tombe avec la
chute de ce pouvoir »30. Néanmoins, la dette
odieuse trouve son fondement dès le XIXè siècle, dans une
déclaration des Etats-Unis. En 1898 en effet, les EtatsUnis
refusèrent, après avoir pris le contrôle de Cuba suite
à la guerre contre l'Espagne, d'honorer la dette cubaine à
l'égard de la couronne espagnole. La Commission de négociation de
Etats-Unis estima alors que la dette était illégitime en la
qualifiant de « poids imposé au peuple cubain sans son accord
»31. Aujourd'hui, et dans le cas africain, selon
Tony Blair, Gordon Brown, Michel Camdessus, Trevor Manuel et al, il s'agit
d'une « dette [qui] a, pour l'essentiel, été
contractée par des dictateurs qui se sont enrichis grâce au
pétrole, aux diamants et aux autres ressources de leur pays et qui,
pendant la guerre froide, ont bénéficié du soutien des
pays qui aujourd'hui touchent le remboursement de la dette. Nombre de ces
dirigeants ont pillé des milliards de dollars à leur pays en se
servant des systèmes financiers des pays développés
»32.
Pour déceler toutes les dettes odieuses, Toussaint E.
[2004] propose une idée ingénieuse ; procéder à des
enquêtes citoyennes (audits) sur la légitimité des dettes
dont les créanciers exigent le remboursement. L'audit peut en outre
être amorcé par les différents parlements et gouvernements
concernés. Le Brésil l'a effectué en septembre 2000
lorsque la Campagne Jubilé 2000, la Conférence nationales des
Evêques, le Mouvement des Sans Terre (MST), la Centrale unitaire des
Travailleurs (CUT) ont organisé un référendum sur la
dette. Six millions de brésiliens y ont alors participé (sur 190
millions au total toutefois) car
29 Dernier tsar couronné en Russie.
30 Merckaert J., in « rendre illégales les dettes
odieuses, un impératif moral et politique », chapitre 6 du Rapport
2005/2006 de la plate-forme Dette & Développement, p. 76,
http://www.dette2000.org/.
31 Toussaint E., 2004, «Un financement du
développement non générateur de dettes et une nouvelle
architecture internationale », p. 4 et 5.
32 Le premier ministre et le chancelier britanniques, l'ancien
directeur du FMI et le ministre des Finances sud-africain sont co-signataires,
avec quelques autres, du Rapport de la Commission pour l'Afrique - Notre
Intérêt commun, 2005, p.132. Extrait de Merckaert J., 2004, id.,
p. 75.
plus de 95% d'entre eux réclamaient un tel sondage. En
outre, cet audit était prévu par la Constitution
brésilienne de 1988. Une enquête de ce genre pourrait être
organisée en Afrique subsaharienne, avec l'aide financière des
anciens colons pour dépêcher du personnel sur le terrain. Mais
compte tenu des sommes considérables en jeu au titre de la dette
odieuse, il est prévisible que le bénévolat
prévale. Tout le monde sera volontaire... Néanmoins, pour
davantage de transparence et de sincérité des moyens et des
résultats, un agent « occidental» devrait accompagner l'agent
africain (et vice-versa).
En complément, il devrait être possible de
connaître globalement la destination (tout comme la provenance) des
prêts publics de grande ampleur qui ont suscité des
dépenses personnelles.
Eric Toussaint fournit en outre une liste non exhaustive de ce
genre de dettes (voir tableau 3 en annexe p.141)33. Parmi les pays
africains concernés, figurent des cas notoires comme le Nigéria
(pourtant exclu de l'initiative, cf. supra), l'Ethiopie ou encore le Congo.
Quelques exemples bien identifiés permettent alors de passer en revue la
gravité de la situation. Le Nigéria était donc redevable
en 2004 d'une dette de 30 milliards de dollars, essentiellement composée
des intérêts cumulés d'emprunts contractés durant
les dictatures militaires corrompus de 1964 à 1979 et de 1983 à
1999. Durant ces périodes, les richesses du pays ont été
pillées à travers l'extraction de près de 250 milliards de
dollars de pétrole. Aujourd'hui, il n'est pas identifié PPTE car
il s'agit d'un pays pétrolier qui peut honorer seul ses dettes. Le doute
est pourtant largement permis.
La population d'Ethiopie épurait encore en 2006 la
mégalomanie et le sang versé par le dictateur Mengistu
(1977-1991). Ce dernier, lors de la Terreur Rouge (sang) a brutalisé le
pays, après la chute de Hailé Sélaissié en 1974,
jusqu'à son propre renversement en 1991. Les Ethiopiens remboursaient
donc les armes qui ont servi à tuer leurs frères de combat
à hauteur de 8 milliards de dollars.
Quant au Congo, les puissances occidentales et les
institutions financières internationales lui ont accordé des
prêts ambigus durant la Guerre froide. Mobutu Sese Seko, son dictateur, a
déposé les fonds empruntés sur des comptes bancaires
secrets, en Suisse et ailleurs. Les population n'ont donc jamais profité
de ces ressources, pendant que les créanciers savaient (ou auraient
dû savoir) que l'argent ne servait en rien au développement du
pays. Mais comme le précise Stiglitz, «ce n'était
33 Toussaint E., 2004, «Un financement du
développement non générateur de dettes et une nouvelle
architecture internationale ».p7. Toussaint E., 2004, op. cit., .p7
pas le but: ils voulaient acheter au Congo son amitié
dans la Guerre froide, ou du moins le dissuader de la vendre à la
Russie, et garantir l'accès des compagnies occidentales aux riches
ressources naturelles du pays »34. Et voilà
comment le Congo est devenu un PPTE persécuté par une dette de 8
milliards de dollars à la fin du régime de Mobutu, et à
qui le Club de Paris et les IFI concèdent gentiment un allègement
de dett e conditionné, en précisant tout de même que
l'allègement leur coûte cher. Et de constater que le pays
n'atteindra pas malgré tout un niveau d'endettement soutenable. Pendant
ce temps, l'ancien dictateur s'en était allé vivre des jours
heureux non seulement grâce au silence des créanciers, mais aussi
et surtout grâce à une jolie fortune personnelle (à lui
tout seul donc) comprise entre 5 et 10 milliards de dollars.
Est-il besoin d'aller plus loin dans la description des cas
concrets pour justifier une annulation pure et simple, immédiate,
intégrale et inconditionnelle de ces dettes ? Sûrement pas.
2 ... Nécessaire à leur annulation.
Les arguments pour l'annulation de ce type de dettes sont
irréfutables. Quant au financement, il peut être aisément
trouvé. En outre, de telles annulations ont déjà eu lieu
à plusieurs reprises. Déjà, lorsque les Etats-Unis
refusèrent de payer la dette cubaine à l'Espagne (voir partie
précédente), un traité international entre les deux
parties, signé à Paris en 1898, annula tout simplement ladite
créance.
La doctrine de la « dette odieuse » a
été revendiquée à de nombreuses reprises par les
mouvements citoyens ces dernières années. Mais les successeurs
des dictateurs et les créanciers ont fait la sourde oreille. Ce sont les
Etats-Unis qui ont relancé le débat en demandant aux
créanciers bilatéraux publics de l'Irak (Russie, France,
Allemagne) d'annuler la dette du pays en 2003. De fait, « sous le
patronage américain, l'Irak a fini par obtenir un allègement. De
nombreux autres pays qui, à presque tous les points de vue, le
méritaient tout autant ou davantage n'ont rien eu
»35. Cette situation est anormale. Quitte à
annuler seulement la valeur actuelle nette (VAN, et même pas à
leur valeur marchande) de ces dettes en se référant aux dates des
emprunts (voir tableau 3 en annexe p.141), un effort aurait déjà
dû être fait. Une telle suppression allègerait
considérablement la dette de pays qui, par définition, ne sont
même pas
34 Stiglitz, 2006, op. cit., p. 314.
35 Stiglitz J. E., 2006, op. cit., p. 326.
de véritables débiteurs. Ses dettes sont dues
à différents gouvernements du Nord, notamment les alliés
des américains durant la Guerre foire, mais certaines appartiennent
aussi aux IFI. Qu'ils les reprennent, mais pas aux populations, ou qu'ils
cessent de vanter leur participation à la réalisation des
Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), et se
déclarent carrément contre dans ce cas.
Si des arguments juridiques sont quand même
demandés, alors les cas de « force majeure » et le «
changement fondamental de circonstances » peuvent justifier l'annulation.
Au niveau du droit international, la Commission de droit international de l'ONU
(CDI) définit le premier cas par «la situation dans laquelle un
événement imprévu et extérieur à la
volonté de celui qui l'invoque le met dans l'incapacité absolue
de respecter son obligation internationale en vertu du principe selon lequel
à l'impossible nul n'est tenu »36. Pour le
changement de circonstance, la jurisprudence à caractère
international reconnaît qu'un changement dans les conditions
d'exécution d'un contrat peut l'annuler37. Un autre argument
peut venir compléter les deux premiers si besoin est, celui de
l'état de nécessité. Il peut alors être
invoqué lorsque le remboursement implique des sacrifices pour la
population allant au-delà de ce qui est raisonnable38. Dans
le cas d'une dette contracté à des fins personnelles ou mal
intentionnées par un régime totalitaire, les trois sont
d'actualité.
Cette annulation peut être financée.
Déjà, il est nécessaire de relativiser la dette des PED au
regard de celle des pays riches. La dette extérieure publique de tous
les PED correspond à la dette extérieure totale des Etats-Unis
(1600 milliards de dollars), pays le plus endetté au monde. Ensuite le
service de cette même dette extérieure publique des PED, qui est
de 240 milliards de dollars, est tout de même quatre fois
inférieur aux dépenses mondiales de publicité et aux
dépenses militaires. Concernant l'Afrique subsaharienne, sa dette
extérieure publique est trente trois fois inférieure à la
dette publique de la zone euro (pourtant deux fois moins peuplée), plus
cinq fois inférieure à celle de la France (dix fois moins
peuplée) et plus de 1,5 fois inférieure à celle de la
Belgique (soixante fois moins peulée)39.
36 CDI, Projet d'article 31, A/CN, 4/315, ACDI 1978,II, vol. 1,
p. 58. Extrait de Toussaint E., 2004, op. cit., p8.
37 Dans sa formulation originale : Contractus qui habent tractum
successivum et dependetiam de futurum, rebus sic stantibus intelligentur.
Idem.
38 Ace propos, la CDI déclare: «On ne peut attendre
d'un Etat qu'il ferme ses écoles, ses universités et ses
tribunaux, qu'il supprime les services publics de telle sorte qu'il livre sa
communauté au chaos et à l'anarchie simplement pour ainsi
disposer de l'argent afin de rembourser ses créanciers étrangers
ou nationaux. Ily a des limites à ce qu'on peut raisonnablement attendre
d'un Etat, de la même façon que d'un individu... » (CDI,
1980, p. 164-167.), idem.
39 Millet D. et Toussaint E., 2002, « 50 Questions 50
Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale », éd.
Syllepse, op. cit., p. 202,203 et 207
De même, les arguments opposés des IFI ne
tiennent pas. Si une telle annulation incitait trop de pays à
déclarer des dettes odieuses, alors les enquêtes et les agents
déployés sur place pourraient faire le tri. Cette annulation
n'avantagerait pas les « mauvais » payeurs, puisque de toute
façon ils n'ont pas à payer dans de telles circonstances. Elle ne
saperait pas plus la confiance des créanciers puisque seuls les
«mauvais» seraient intimidés et que, de toute façon,
les pays africains n'ont pas, et n'auront pas avant longtemps, accès aux
marchés financiers internationaux tels qu'ils sont régis
aujourd'hui. Enfin, l'abolition pure et simple ne serait pas si onéreuse
que le prétendent certains dans la mesure où elle ne concerne pas
toutes les dettes (comme d'autres le voudraient d'ailleurs) et que des moyens
de financement exposés depuis des années mais jamais
explorés existent.
Une taxation mondiale ayant pour finalité le
financement d'un «bien public mondial» (le développement) en
taxant le mal mondial (la pollution, la spéculation financière ou
le commerce des armes) pourrait permettre ladite annulation. Rentrent dans ce
champs toutes les taxes type taxes sur les transactions monétaires (dont
les recettes éventuelles pourraient monter jusqu'à 39,64
milliards de dollars avec une taxe de seulement 0,005% sur les monnaies les
plus échangées dans le monde...), la taxation environnementale
mondiale (dites « taxes vertes »), les taxations sélectives
comme la taxe de solidarité internationale sur les billets d'avion, etc.
Elles ont en outre le mérite de ne pas nécessiter la
création d'une instance collectrice (les institutions onusiennes pouvant
s'en charger) et s'inscrivent dans un laps de temps qui peut être
limité. Leur seul inconvénient est revanche connu et
invoqué à qui veut l'entendre.
Une taxation mondiale devrait résulter d'une
«décision de coopération entre différents Etats,
puisque ce sont eux qui ont le pouvoir de lever des impôts
»40. Ce qui est sans compter avec le soutien du
principal pays, les Etats-Unis. Mais même sans elles, le coût reste
marginal. En effet, selon la CNUCED [2004], qui analyse le coût d'une
annulation de la dett e de tous les PPTE, l'addition apparaît marginale
par rapport aux moyens nécessaires pour atteindre les OMD (de 40
à 60 milliards de dollars pour les OMD contre 29 milliards en VAN pour
l'annulation desdites dettes). «Théoriquement, les institutions de
Bretton Woods et les autres banques multilatérales de
développement peuvent annuler des créances irrécouvrables,
comme le font les banques
40 Banque africaine de développement (BAD), 2006, Rapport
sur le développement en Afrique, op. cit., p. 94 à 100.
commerciales en utilisant leurs provisions pour pertes sur
prêts »41. Comme il ne s'agit pas d'annuler
toutes les dettes des PPTE mais seulement les plus « odieuses », le
coût est qui plus est réduit.
De plus, pour l'avenir, l'annulationpleine et entière
serait en outre bien plus efficace que les sanctions commerciales auxquelles
procèdent parfois l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Aujourd'hui
en effet, celles-ci s'avèrent souvent inefficaces, tant le commerce avec
un pays sanctionné est lucratif. Les entreprises sont donc touj ours
tentées de contourner les mesures coercitives, puisque le pays est alors
à leur merci. Concrètement, «les Nations Unies pourraient
tenir à jour une liste de pays concernés. (...). On pourrait
fixer des principes de base pour distinguer les contrats et dettes acceptables
: pour construire une école, oui; pour acheter des armes, non
»42. Le Tribunal international de la dett e
trancherait en cas de litige.
Les solutions ne manquent donc pas. Il est alors impossible
d'affirmer qu'une telle «actualisation de l'Histoire» est impossible.
Dans l'hypothèse où toutes ces recommandations étaient
appliquées (y compris celles tenant au
«désenrichissement» des Etats du Nord), la dette aurait
déjà beaucoup plus de chances de devenir soutenable. Mais dans ce
cas, il serait tout aussi nécessaire de faire en sorte qu'elle le reste
«pour de bon », sans faire primer l'économisme sur le
social.
B/ Au-delà des mécanismes de restructuration
: quelques pistes pour des politiques de réendettement soutenables en
Afrique.
La phobie de l'aléa moral, incitant le pays
bénéficiaire d'une remise de dette à s'endetter à
nouveau sachant que ses créances seront tôt ou tard
annulées, ajustifié l'instauration de conditionnalités.
Toutefois, celles-ci ont montré leurs limites et leurs effets pervers
puisqu'elles suscitent paradoxalement les problèmes liés à
cet aléa. De fait, une fois le niveau d'endettement à nouveau
soutenable, il s'agira pour les pays africains de trouver leur propre chemin de
croissance économique tout en respectant les principes de la «bonne
gouvernance sociale ».
41 CNUCED, 2004, Rapport du sur le développement en
Afrique, «Endettement viable: Oasis ou mirage? », op. cit., p. 75.
42 StiglitzJ. E.,2006, op. cit.,p. 316.
1 L 'atteinte de la « deficit duration » et la
bonne gouvernance économique...
Selon l'OCDE et l'Agence française de
développement (AFD)43, les régimes de croissance en
Afrique dépendent encore largement de facteurs exogènes. Les PPTE
doivent donc endogénéiser les facteurs de croissance. Dans ces
conditions, une deficit duration (DD) atteinte, les pays devront
procéder à un redéploiement industriel et gérer le
risque-pays.
La DD exprime la date témoin traduisant la
réduction du déficit grâce à l'utilisation du
résultat de l'investissement permis par les flux PPTE. Ces flux vont
amener le niveau du déficit à un stade où il correspondra
alors «au montant d'un emprunt dont le service serait entièrement
assuré par les flux générés par les investissements
» 44 liés aux réductions du service puis du stock de la
dette. A l'arrivée de la date de la DD, le pays, qui connaît
désormais les flux découlant de l'IPPTE, peut savoir à
quel moment son déficit budgétaire sera ramené à un
niveau soutenable. Le pays affecte donc les ressources PPTE à la
réduction de son déficit, pour ensuite choisir de continuer
à mener cette politique de rigueur ou d'investir en empruntant. Tout
dépend de ses spécificités et priorités.
Néanmoins, la théorie du circuit, qui fait suite
aux analyses keynésiennes, a démontré que les
conditionnalités prônant des politiques de rigueur favorisaient
paradoxalement le recours à l'endettement (dilemme dit de
«l'aléa moral »). Les IFI pensaient que des politiques
budgétaire et monétaire rigoureuses, ainsi que la cession des
politiques économiques en général aux marchés
devaient éviter le recours perpétuel à l'endettement. Or,
en comprimant la demande domestique, ces mesures oppriment également la
production interne, qui doit alors se tourner vers l'extérieur. Car les
IFI ont omis le fait que la consommation conditionne la production, le recours
à l'emprunt, l'investissement et l'embauche par le jeu des anticipations
des entrepreneurs en termes de profit (la fameuse demande effective).
Il serait dans ce cas nécessaire de promouvoir dans un
premier temps une politique de relance et non des mesures de promotion de
l'exportation. Pour éviter les effets néfastes d'une demande
tendant à se focaliser sur les offres des FMN, un contrôle des
mouvements de
43 Djoufelkit-Cottenet H., janvier 2007, Département de la
Recherche, Agence Française de Développement, OCDE,
repères n° 36, in « Quelle politique de réendettement
pour les pays africains après une décennie de remise de dette
», p. 3,
www.oecd.org/dev/reperes.
44 Nguena O. J., 2005, in «Initiative PPTE : Quels enjeux
pour l'Afrique ? », éd. L'Harmattan, p. 80.
capitaux devra être instauré pour limiter les
fuites de capitaux (notamment à travers le rapatriement des
profits)45. Néanmoins, ces mesures de relance devraient
être mises en oeuvre dans le cadre de la période
intérimaire de l'IPPTE et non après. En outre, l'interdiction de
rapatriement des profits, du moins au début de la relance de la
croissance, peut largement contribuer à éviter le recours
à l'endettement.
Ce n'est que dans un second temps que le pays devra axer ses
mesures sur une offre devant désormais répondre à une
demande croissante. Concrètement, il devra d'abord redéployer son
secteur industriel. Il sera alors temps d'en finir avec la promotion
incontrôlée d'un seul type d'exportation. Il est effectivement
dangereux de faire reposer le processus de croissance et de
développement sur un seul pilier économique, surtout lorsque
celui-ci est instable (produits de base). Il est ensuite admis que la
concurrence est incapable de former les acteurs des filières de produits
de base et de définir, tout en exerçant un effet d'appropriation,
des normes de qualité dans les PED. Elle n'a pas non plus
été capable de susciter une montée en gamme dans les
productions (produits à plus haute valeur ajoutée). L'Etat doit
donc s'en charger et retrouver ainsi le rôle qui était le sien.
Les ressources peuvent provenir de la constitution d'un «
Fonds d'investissement et de développement des entreprises (FIDE)
»46. Ce fonds serait géré par une
banque de développement nouvellement créée qui aurait
vocation à financer les projets porteurs dans le cadre de la
création, du développement ou de la reconversion (ou
restructuration) des entreprises. Les fonds propres pourraient alors provenir
de fonds publics (libérés grâce à la remise de
dette) à hauteur de 25%, et d'apports de soutien sous forme d'aide
directe de pays alliés, tels que les pays de l'Union européenne
pour 75%. Ils pourraient en outre être complétés par des
emprunts auprès des IFI. Dans ces conditions, les effets pourraient
être bénéfiques en termes de créations d'emplois, de
richesses, de transferts de technologie et d'insertion dans le commerce
mondial. Plus tard, le pays pourra ainsi tenter un développement du
secteur de la recherche et développement (R&D) en conjuguant les
ressources privées et publiques. Nguena parle alors, pour se faire, d'un
«triumvirat recherche-entreprise-formation »47.
45 Accoce J.-V., 2006, op. cit., p. 13 et 14.
46 Id,p. 83. 47 Id, p. 86.
Le pays devra tout de même procéder à de
nouveaux emprunts extérieurs tôt ou tard. Si le secteur financier
dome stique s'est développé parallèlement au secteur
réel48, le pays sera alors qualifié de pays
émergent. L'International finance corporation (IFC), organisme de la
Banque mondiale, publie depuis 1981 un indice IFC permettant d'évaluer
les performances de ces marchés. Il considère comme
émergent «tout marché financier en transition dont la taille
et l'activité augmentent ainsi que le niveau de sophistication
»49. Or, cet indice joue un rôle de signal en
direction des investissements de la communauté internationale.
Cette dernière, notamment dans le cas des IDE,
procède en deux temps dans son jugement. Elle identifie puis
évalue. L'identification considère des facteurs tels que la
stabilité politique, le déficit budgétaire, l'état
de la balance des paiements, le service de la dette ou encore le degré
d'incertitude sur les droits de propriété. Elle évalue
ensuite en approfondissant certaines valeurs. Dans le cadre de la
stabilité politique, elle constate par exemple la fréquence de
changements de gouvernements. Dans le cas de la capacité
économique, elle va par exemple analyser les réponses internes
aux chocs externes, ainsi que tous les indicateurs nominaux (taux d'inflation,
endettement, balance des paiements, taux d'intérêt...) et
réels (tels que le taux de croissance du PIB). Si les pays sont
positivement évalués, il leur appartiendra d'orienter les IDE
vers les secteurs clé du développement.
Néanmoins, il incombe aux IFI de promouvoir
l'apparition d'instruments financiers contracycliques. Ainsi, dans une
éventuelle période de choc, «les capital serait
rééchelonné ou annulé »50,
si l'emprunt a déjà été contracté.
Sinon, les prêts doivent être plus nombreux en des temps orageux,
au lieu de se faire plus rares. En période favorable en revanche, le
remboursement devra s'effectuer à un rythme normal ou
accéléré, et l'offre de prêts devra être plus
timide. L'indice IFC doit donc revoir ses critères. De plus, les pays
africains devront favoriser l'endettement en monnaie nationale, afin de ne plus
être dépendant des humeurs des monnaies internationales et des
choix politiques des pays auxquelles elles appartiennent (cf. chapitre
1)51.
Il s'agit pour ces pays d'identifier des stratégies de
développement propres, prudentes et cohérentes. La conception du
dévelop-
48 Celui des biens et services.
49 Nguena O. J., 2005, op. cit., p. 87.
50 Djoufelkit-Cottenet H., janvier 2007, op. cit, p. 3.
51 Stiglitz J. E., 2006, op. cit., p. 325.
pement ici présentée doit être
fondée sur l'innovation institutionnelle. La relation entre l'Etat et le
marché ne doit être assise sur l'opposition mais bien sur la
complémentarité (voir tableau 25 en annexe p.1 64).
Néanmoins, le progrès économique doit s'accompagner,
simultanément, d'efforts en matière sociale et politique. La
bonne gouvernance sociale ne doit pas suivre la bonne gouvernance
économique mais être promue dans les mêmes conditions.
2 Vers une bonne gouvernance sociale.
«La bonne gouvernance sociale ou humaine se
caractérise par trois dimensions: maîtrise, équité
et responsabilité. Maîtrise car elle doit servir les
intérêts des populations et se doit donc d'être
participative. Equitable car elle a pour objectif de créer une
société libre et égalitaire où
l'égalité des chances est garantie à tout un chacun. Enfin
responsable, car elle s'appuie sur des institutions et des structures qui
doivent être transparentes et surtout qui doivent rendre des comptes aux
populations »52.
Dans le cadre des politiques de réendettement, ces
trois critères sont essentiels et doivent forcer le respect. Tout
investissement par l'emprunt doit être justifié
démocratiquement avant de l'être économiquement ou
financièrement. C'est l'acte démocratique qui entérinera
l'emprunt sur la base des arguments économiques et sociaux
présentés par le gouvernement. Les grands projets à la
rentabilité douteuse, à l'instar des«éléphants
blancs », doivent être proscrits. Les populations ont leur mot
à dire dès lors que l'investissement qui demande un financement
de grande ampleur n'est justifié que s'il participe effectivement
à la croissance et au développement. Ces conditions valent pour
l'emprunteur, bien sûr, mais aussi pour le créancier. S'il
participe au financement d'un projet « inutile », il pourrait en
effet voir sa créance annulée, ou rachetée à prix
bradé par une des IFI, en cas de défaut du débiteur, sur
décision du Tribunal international de la dette nouvellement
institué. Les organisations non gouvernementales (ONG) pourraient
éventuellement participer à la prise de décision.
Néanmoins, l'influence qu'elles sont susceptibles d'exercer devra
être régulée. Car beaucoup d'Etat, «dans [leur]
volonté de désengagement dictée par les
conditionnalités des plans d'ajustement structurel [(PAS) ont trop
sou-vent abandonné] une partie de leur prérogatives aux [ONG] qui
étaient financées par les institutions internationales
»53.
52 Nguena O. J., 2005, op. cit., p. 91.
53 Id., p. 92.
Pour mettre en oeuvre un tel processus démocratique, la
société civile doit être reconstruite, la population, mieux
impliquées et les pouvoirs entre l'Etat, la société civile
et la population doivent être redéfinis dans un cadre
institutionnel déconcentré et décentralisé.
La société civile représente « le
domaine de la vie sociale organisée qui est volontaire, largement
autosuffisant et autonome de l'État »54. Elle
peut être composée d'ONG, de syndicats, d'associations
confessionnelles ou non, ou de fortes personnalités. Dans les pays
africains, son influence doit être développée sainement,
selon les principes de la participation décrits par la Banque mondiale
(légitimité, représentativité et capacité,
cf. chapitre 3). Cette promotion doit donc être érigée
parmi les priorités du gouvernement s'il veut connaître la nature
des besoins de son peuple. En outre, la société civile n'est pas
là pour se substituer à l'Etat mais bien pour le compléter
dans les domaines où il ne peut mener d'action efficace.
L'implication directe des populations doit être
constatée, après mise en oeuvre des pré-requis, à
travers un suivi d'exécution, un suivi d'impact et un suivi
participatif. Les pré-requis traduisent le renforcement des
capacités des collectivités publiques, de l'administration, de la
société civile, du secteur privé et des populations
elles-mêmes. Le suivi d'exécution doit émaner de la tenue
de réunions de concertation et d'échanges dans la plus grande
transparence. Le suivi d'impact sera quant à lui réalisé
grâce aux critères d'un tableau de bord social. Ce tableau doit
définir et mesurer la pauvreté du pays. Il doit donc calculer le
seuil de pauvreté, le niveau de revenu ou de consommation en
deçà duquel un individu est considéré comme pauvre.
La cohérence veut que ce seuil soit relatif au revenu médian du
pays, mesuré notamment par le biais d'enquêtes. Ce premier
indicateur est ensuite complété et comparé aux indicateurs
internationaux que sont l'Indice de développement humain (IDH) et de
pauvreté humaine (IPH, voire glossaire p.1 79). Il est alors possible de
fixer un objectif par rapport aux résultats du tableau (écart
entre le niveau de pauvreté constaté et le niveau à
atteindre). Concernant le suivi participatif, «il a pour objet de prendre
continuellement le pouls des populations afin de connaître leurs
perceptions [par rapport] à l'évolution de leur situation
»55.
En dernier lieu, les modalités de participation doivent
passer du global au local. La déconcentration consiste pour le pouvoir
central à déléguer à un agent subordonné une
partie de sa capacité de décision,
54 Définition proposé par Diamond L.,
http://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_civile.
55 Id., p. 96.
sans pour autant la lui céder. L'agent
(subordonné) doit donc rendre des comptes au principal (le pouvoir
central), et peut être sanctionné par ce dernier en cas de non
respect du contrat56. Le problème à éviter est
le conflit d'intérêt, dans lequel l'agent fait croire au principal
qu'il est de bonne foi pendant que le principal émet des doutes sur la
sincérité de l'agent. Des coûts de dédouanement
(pour l'agent) et de contrôle (pour le principal) peuvent alors
être élevés et préjudiciables aux populations,
surtout dans la mesure où l'agent n'a pas à rendre de comptes
à ces dernières. La décentralisation, en revanche, revient
à confier le pouvoir de décision et d'exécution à
une autorité autonome locale, laquelle devra cette fois se justifier
devant les populations, mais pas au pouvoir central. Il faut alors
impérativement éviter que cette modalité de partage ne
favorise l'ascension vers le pouvoir des élites locales. Le maintien, le
renforcement et la transparence de l'action démocratique sont donc de
mise. Une troisième voie hybride peut être également
empruntée ; la «déconcentralisation
»57. Cette option combine les modalités des
deux précédentes. L'Ouganda par exemple l'a adoptée en
1997, en instituant une délégation de pouvoirs à des
conseils locaux élus avec habilitation à lever les impôts.
Néanmoins dans ce cas, l'obligation de rendre des comptes aux
populations doit être préservée (obligation pour l'instant
trop souvent oubliée).
Ces conditions se révèlent être le
meilleur moyen de mettre en oeuvre un processus participatif effectif. Celui
même qui manque cruellement à l'efficacité de l'initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (IPPTE) en termes
d'application cohérente, efficiente et rapide du Document
stratégique pour la réduction de la pauvreté (DSRP).
56 Référence faite àla théorie du
Principal/agent (mandataire/exécutant) de Walsh C.
57 Nguena O. J., 2005, op. cit., p. 99.
En définitive, fixer et atteindre un
objectifd'endettement soutenable, quelle que soit l'échéance,
relève sûrement plus de la volonté du créancier que
de celle du débiteur. Il serait temps que les institutions
financières internationales (IFI) le réalisent, effectivement.
Car il ne suffit pas de prôner les vertus de l'internalisation du
processus de croissance comme condition essentielle au désendettement.
Il faut encore que les actes suivent.
L'Afrique subsaharienne est le continent le plus pauvre et
donc le plus endetté de ce monde. C'est aussi et de fait le continent le
plus dépendant de l'aide extérieure, depuis très longtemps
déjà. L'Afrique n'a jamais eu droit à l'autonomie de ses
choix en matière de développement, même après sa
décolonisation. Celle-ci ne s'est d'ailleurs pas traduite par une
quelconque indépendance, mais bien par une nouvelle forme de
colonisation, plus subtile cette fois, avec d'un côté les pays en
guerre et (ou) sous dictature, et de l'autre, différentes formes de
démocraties plus ou moins effectives selon le bon vouloir des bailleurs
de fonds. Que ce soit vis-à-vis de l'intérieur ou de
l'extérieur, les Africains ne sont pas plus libres aujourd'hui qu'hier.
Surtout qu'en étant forcés de se spécialiser strictement
dans les exportations de produits de base, la dépendance est vite
devenue tout aussi économique.
Il est impératif de le noter une bonne fois pour
toutes, notamment dans les analyses du processus de surendettement
extérieur. Car le processus d'endettement nécessite une
interaction entre deux agents: un demandeur de fonds et un offreur de fonds.
Quand l'un est dépendant de l'autre, le bilan doit en tenir compte, dans
la mesure où c'est justement lui qui va préconiser les mesures de
désendettement.
Or, les plans d'ajustement structurel (PAS) ont totalement
occulté certaines variables clé qui ont pesé dans les
politiques d'endettement excessif en Afrique. Et ces toutes ces variables
tenaient en l'occurrence à la culpabilité des créanciers,
qu'ils soient multilatéraux, bilatéraux ou commerciaux. Car la
mauvaise gouvernance économique interne, imprudente et incapable de
s'adapter à la conjoncture internationale a, elle, très bien
été relevée. C'est d'ailleurs sur elle que se sont
concentrés tous les premiers travaux du FMI et de la Banque mondiale.
C'est sur elle encore que l'action des PAS s'est focalisée. Car ces deux
institutions financières internationales (IFI) ont simplement
pensé que la gouvernance en question était celle effectuée
par les Etats, quel que soit le pays. Ce qu'elles ont oublié, c'est
qu'il leur incombait en priorité de réguler les marchés
financiers internationaux et que leur mission, depuis le début de la
crise de la dette en 1982, était de guider les choix économiques
des pays en difficulté de paiement. En orientant les choix
économiques, elles orientaient donc les sources et les
destinations des financements. De fait, cette mauvaise gouvernance a donc aussi
été la leur.
Nier leur responsabilité a néanmoins permis une
application to-tale du consensus de Washington, revenant globalement à
lier les mains du gouvernement en matière économique et sociale.
Les dix points de ce consensus ont ainsi formé les dix types de
programmes à mettre en oeuvre dans le cadre de l'ajustement structurel.
S'il s'agissait initialement d'une simple théorie faisant l'objet d'un
relatif consensus dans une seule ville au monde, celle-ci a rapidement
été appliquée à tous les pays en difficulté.
Le diagnostic étant touj ours le même, l'ordonnance n'avaitjamais
à être réécrite, et encore moins à être
négociée.
Pourtant, le fait de croire avec une telle ferveur que la
régulation par le marché et la rigueur budgétaire
constituent touj ours et partout des conditions relativement suffisantes
à une croissance attirante pour les investisseurs étrangers, est
pour le moins surprenant. A l'extrême, penser que les cent quatre vingt
dix huit économies dans ce monde, ou du moins le groupe des
901 (G90), largement sous perfusion des IFI, doivent bien être
sensiblement identiques, connaître relativement les mêmes
difficultés et nécessiter quasiment les mêmes
remèdes, est tout simplement aberrant.
Or, c'est cette aberration là qui a fortement
contribué à l'esquisse et à la persistance du
surendettement des économies d'Afrique subsaharienne. L'aléa
moral, cette tendance tant crainte à toujours plus d'emprunts lorsque
les créances sont connues pour être tôt ou tard
annulées, s'est paradoxalement concrétisé sous l'effet des
PAS. Et pour cause, la rigueur absolue et le recours quasi-total au
marché ne pouvaient qu'enliser les pays dans la spirale du
sous-développement, face au jeu d'une concurrence déloyale avec
les pays riches. S'il était impossible de sortir du cercle vicieux de
sous-développement, il était tout aussi impensable que ces pays
puissent dégager les gains de croissance essentiels au
désendettement. Le perpétuel recours à l'emprunt
était donc inévitable. En outre, une étude du Center for
economic and policy Research de Washington sur 103 pays sous ajustement
structurel, a démontré que 83 parmi eux ont enregistré, au
cours des années 1980-2000, un taux de croissance moyen inférieur
de 5% par rapport au taux de croissance moyen de la période 1960-1980.
Or, «quand neuf patients sur
1 Groupe réunissant le groupe des 50 Pays les moins
avancés (PMA), les pays membres de l'Union africaine et les pays du
Groupe Afrique.Caraïbes/Pacifique (ACP);
dix [huit ici en l'occurrence] soignés par le même
médecin meurent, il est clair que le médecin ne sait pas ce qu'il
fait »2.
A cet ultime stade, les IFI et leur PAS ont alors dû
affronter la colère de la communauté citoyenne internationale.
Porté par les organisations non gouvernementales (ONG) notamment, le
courroux a porté ses fruits puisque le Fonds et la Banque ont
décidé d'accorder une plus grande place à la lutte contre
la pauvreté. Force est de con-stater que celle-ci était
totalement incompatible avec l'application des PAS, au regard des
émeutes inhérentes. Il aura donc fallu attendre plus de vingt ans
d'application des politiques libérales pour que, en 1996, l'Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (IPPTE) annonce un
revirement stratégique. Autant dire que cette dernière a
globalement très bien été accueillie. Il faut dire que
l'initiative comptait pallier un bon nombre de limites et d'effets pervers
tenant aux ajustements structurels. Dans leur vision monétaire de la
pauvreté, les IFI ont naturellement estimé qu'un
allègement du fardeau de la dett e permettrait de la combattre
efficacement. Elles ont alors conditionné la réussite d'un tel
objectif à l'internalisation du processus de croissance et des moyens de
réduire la pauvreté. L'Etat, mais également sa population,
à travers la représentation de la société civile,
avaient désormais le droit d'émettre une opinion, et plus encore.
En effet, l'élaboration et l'exécution d'un document
stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP), listant
les conditionnalités de l'allègement, étaient dès
lors réservées aux pays récipiendaires. Il s'agissait donc
a priori d'une excellente stratégie.
Les résultats ont ainsi laissé entrevoir les
prémices d'une amélioration, que l'initiative PPTE
renforcée est venue développer en 1999. La seconde a en effet
offert une place de choix à la lutte contre la pauvreté en la
reliant explicitement à un allègement plus élevé,
pour davantage de PPTE. Alors, lorsque l'initiative d'allègement de la
dette multilatérale (IADM) a été proposée par le G8
et lancée et par les IFI en 2005, la surprise a été de
taille pour les plus pessimistes. Force est de constater que les ratios
d'endettement ont un temps été ramenés à un niveau
tolérable, compte tenu de l'effort financier qui a tout de même
était fait. Quant aux dépenses en faveur de la lutte contre la
pauvreté, elles ont bien pris le relais de celles dédiées
au paiement du service de la dette, du moins dans les premiers temps. Pour
beaucoup, les IFI venaient enfin d'admettre, implicitement au moins,
l'échec des PAS, et avouaient par là même qu'elles ne
détenaient pas, et n'avaient jamais détenu, le monopole des bons
conseils.
2 Stiglitz J. E., 13 août 2002, in Le Monde, extrait de
Zacharie A. et Malvoisin O., 2003, «FMI La main visible », éd.
Labor, p. 68.
C'est la raison pour laquelle les propos de la Banque mondiale
en janvier 2007 laissent d'autant plus dubitatif. Il est en effet choquant de
constater qu'elle commet toujours l'erreur de déclamer à qui veut
l'entendre que le surendettement passé a été induit par un
«excès d'optimisme» quant à la «capacité
institutionnelle des États à mener de bonnes politiques et
à gérer l'endettement », et à
«l'évolution des performances économiques futures
»3. C'est tout.
Il est donc manifeste, et d'autant plus grave, qu'elle omet
toujours l'influence de ses prêts pour les moins corrupteurs dans le
contexte de la Guerre froide, de ses préconisations aux effets
dévastateurs en matière d'aléa moral et de
pauvreté, et de son ingérence inadmissible sur des territoires
bénéficiant du «droit des peuples à disposer
d'euxmêmes ». Bref, elle persiste à nier sa large
contribution au développement de la dette insoutenable. Et elle n'est
malheureusement pas la seule.
Au total, c'est peut-être là la cause de
l'insuffisance des initiatives d'allègement des dettes souveraines.
Refuser d'établir un bilan pertinent revient à refuser de
prescrire les véritables solutions pour un désendettement
soutenable. Encore une fois, les actes s'éloignent des discours et les
prédicateurs ne vont au bout de leur logique. Car en l'espèce, la
logique voulait que le retour à une dette supportable puisse
réduire la pauvreté afin d'atteindre les Objectifs du
millénaire pour le développement (OMD) d'ici 2015. Or, le
pessimisme de la plupart des auteurs travaillant sur la dett e du Tiers-monde
est donc d'autant plus compréhensible que les OMD ne risquent pas
d'être réalisés à l'heure, avec de telles
insuffisances. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce défaitisme
alarmiste semble envahir tous les travaux à ce sujet.
Une telle définition de la soutenabilité d'une
dette ne peut qu'exclure les autres PPTE pendant que les quarante
bénéficiaires n'enregistrent pas de véritable retour
à la stabilité. Les critères sont tellement restrictifs
qu'ils supposent une asphyxie par la dette avant d'ouvrir droit à
l'allègement. Les conditionnalités, comme au temps des PAS,
persistent dans la rigueur et la marginalisation du processus participatif. Les
IFI restent donc maîtresses du processus, du début jusqu'à
la fin, et après encore. Dans ces conditions, elles peuvent
effectivement établir toutes les projections de soutenabilité
dont elles rêvent. Que celles-ci se révèlent fausses ou
non, l'allègement restera
3 Djoufelkit-Cottenet H., janvier 2007, Département de la
Recherche, Agence Française de Développement, OCDE,
repères n° 36, in « Quelle politique de réendettement
pour les pays africains après une décennie de remise de dette
», p. 3,
www.oecd.org/dev/reperes
conditionné par les mêmes pronostics utopiques,
tels une croissance de 10% pour les vingt prochaines années, seulement
grâce à la brève application d'une batterie de
conditionnalités quasiment inchangées. Et plus ces estimations
sont optimistes, plus le montant des allègements diminue.
Les priorités n'ont pas plus évolué. Les
IFI scrutent en permanence le solde des indicateurs purement
économiques, mais n'ont pas jugé nécessaire de
vérifier que le processus participatif était correctement
instauré. Or, si l'argument de l'immixtion a pu être
invoqué par la défense, celui de la nécessaire
démocratie l'a tout aussi justement été par l'accusation.
De plus, estimer que le critère de l'effectivité du processus
démocratique ne doit pas trop peser dans l'accord d'allègement,
car constituant une forme d'ingérence politique, relève de
l'ironie, quand il est notoire que les IFI n'ont jamais culpabilisé
à l'idée de lister les priorités d'Etats élus
démocratiquement.
Mais le temps presse. Les OMD doivent être atteints
d'ici huit ans. L'heure n'est plus au bilan des politiques des IFI, mais aux
actions. Si la dette reste insoutenable, alors les pressions le deviendront
tout autant. Les institutions de Bretton Woods doivent admettre leur part de
responsabilité dans cette dette insupportable, et remédier
à leurs erreurs. Vraiment, cette fois. La volonté d'inscrire la
restructuration de la dett e souveraine dans un cadre institutionnel
cohérent et équitable ne peut plus rester confinée dans
les discours. Elle doit s'inscrire dans des engagements écrits, de long
terme, mettant en avant l'additionnalité des allègements avec les
aides traditionnelles, et de la part de tous les créanciers.
Ce n'est ni au Fonds, ni à la Banque de juger de la
soutenabilité d'une dette, et encore moins de décider si et
comment elle sera remboursée. Cette décision appartient à
une instance plus apte à le faire de manière impartiale, un
Tribunal international de la dette. Celui-ci aurait au moins le courage
d'annuler purement et simplement les « dettes odieuses »,
contractées au vu et au su de tous les créanciers (IFI
comprises), hors de toute volonté des populations, qui en sont pourtant
les premières victimes. Car il ne faut pas oublier que la dette
extérieure publique des PED, qui représente 1600 milliards de
dollars, équivaut à la dette extérieure totale des
Etats-Unis. Parmi cette dernière, 1000 milliards de dollars de bons du
Trésor américain sont détenus par les pays du Sud. Quelle
ironie. Une autre comparaison, tout aussi scandaleuse, établit que la
dette extérieure publique de l'Afrique subsaharienne est plus de trente
trois fois inférieure à la dette publique de la zone euro (qui
compte deux fois moins d'habitants), et plus de cinq fois in-
férieure à la dette publique française
(qui comprend soixante fois moins d'habitants)4. Ce Tribunal, qui a
juste besoin d'être institutionnalisé au sein des Nations Unies,
pourrait se référer à une législation
internationale de la dette souveraine, pour notamment contraindre tous les
créanciers à participer au prorata de leur responsabilité.
Les Fonds vautours n'auraient alors même plus l'honneur de figurer dans
les travaux économiques, tant ils ne pourraient plus soutirer le moindre
dollar à des PPTE bénéficiant tout juste d'une remise de
dette, nécessaire à leur survie.
Si les IFI tiennent tant à la stabilité
financière mondiale, alors qu'elles respectent ce pourquoi elles ont
été créées. Il leur incombe de réguler, par
la réglementation, les marchés financiers, et de veiller à
ce que les pays en difficulté ne soient pas soumis aux mêmes
conditions de financement que les pays riches. Les PPTE doivent donc pouvoir
agir sur des marchés désormais à leur image. Il leur
incombe encore de permettre aux pays pauvres d'être
représentés à leur juste mesure. Ils sont les plus
nombreux et subissent en premier lieu la loi des riches. Le principe du
«un dollar un voix », pour le vote des décisions essentielles,
doit être troqué contre celui du «un Etat une voix»
avec, pour complément, le poids démographique. Les Etats-Unis ne
sauraient justifier plus longtemps leur droit de veto. Il en va de la
sûreté internationale tant il est connu que «la marmite
commence à bouillir par le bas »5. Les émeutes
l'ont montré, la conditionnalité doit être renversée
en faveur d'une relance, même prudente, de la croissance dans des pays
protégés des ressentis des marchés financiers
internationaux et de la concurrence du Nord, tout en faisant l'objet d'une
évaluation régulière et bienveillante des bailleurs de
fonds. Le processus de croissance purement marchande doit être
abandonné au profit d'une stratégie de développement
soutenable. Remettre la machine démocratique en route et faire du social
un moyen et une fin du développement ne demandent que très peu de
réflexion et un minimum d'engagements mutuels.
S'il est vrai que la mentalité collective est celle qui
peine le plus à évoluer, il est tout aussi vrai que ce n'est pas
faute de lui avoir accordé trente ans. Les nombreux travaux sur la dette
et la pauvreté du Tiers-Monde, tous plus pertinents les uns que les
autres, doivent guider les choix politiques mondiaux, si tant est que leur
mission soit toujours de promouvoir l'intérêt
général. Nous l'espérons.
4 Millet D. et Toussaint E., 2002, « 50 Questions 50
réponses sur la dette le FMI et la Banque mondiale », éd.
Syllepse p.203.
5 Proverbe ibo, Nigéria.
Pourtant, à l'échelle du monde et de la
mondialisation, l'intérêt général ne demande pas que
la finance et le commerce dominent, mais que tous les citoyens et tous leurs
maux soient équitablement représentés. Par
conséquent, si les différentes institutions internationales
spécialisées (FMI, Banque mondiale, BIT, OMC, OMS6 et
toutes les institutions des Nations Unies) ne coopèrent pas plus
activement, il peut être sûr qu'aucune forme de Gouvernance sociale
mondiale ne verra le jour pour éteindre l'incendie de la dette et de la
pauvreté, et ainsi atteindre les OMD...
6 Bureau international du travail, Organisation mondiale du
commerce et Organisation mondiale de la santé.
Liste des annexes
Annexes des cartes
1. Carte de l'Afrique subsaharienne 137
2. Carte des PPTE 138
Annexes des tableaux
1. Ratio d'endettement extérieur
de l'Afrique (1970-2002) 139
2. Conditions de réaménagement
de la dette des pays à faible revenu
consenties par le Club de Paris (1975-2001) 140
3. Liste provisoire et non exhaustive
des dettes odieuses pour un nombre limité de pays 141
4. Encours de la dette extérieure publique
de l'Afrique sub-saharienne (1970-2000) 142
5. Principal produit d'exportation des pays africains 143
6. Cours mondiaux des produits de base (1996-2000) 144
7. Conditionnalités du FMI et de la Banque
mondiale en Afrique subsaharienne (1999) 145
8. Les innovations apportées par les DSRP 146
9. Comparaison des dispositifs de l'initiative
PPTE et de l'initiative PPTE renforcée 147
10. Pays pouvant ou ayant intégré
l'initiative PPTE (mars 2007) 148
11. Quelques indicateurs d'endettement
(moyennes sur 2000-2002) 149
12. Champ d'applicationde l'IADM 151
13. Principales caractéristiques
de l'Initiative PPTE et de l'IADM 152
14. Allégement de la dette des pays admis à
bénéficier
des initiatives PPTE et IADM (fin mars 2007) 153 15. IADM :
Ventilation des coûts estimatifs
par créancier et par groupe de pays 154
16. Ratio VAN de la dette/recettes publiques,
avec et sans allègement de la dette
au titre de l'initiative PPTE 155
17. Pays méritant d'être intégrés
à l'initiative
PPTE selon Jubilee 2000 et le World Watch Institute 156
18. Objectifs macroéconomiques de la FRPC
concernant les pays au point de décision 157
19. Les demandes de privatisations
dans le cadre de l'initiative PPTE 158
20. Commercial Creditor Lawsuits Against HIPCs 159
21. Probabilité de parvenir à un endettement
viable selon différents scénarios en 2020 160
22. Totale engagements d'APD de l'ensemble
des donateurs pour l'Afrique (1990-2004) 161
23. Emploi des ressources fournies
au titre de l'IADM (2006) 162
24. Initiative PPTE : Ventilation des coûts estimatifs
par principaux créanciers
et par groupe de pays (fin 2005) 163
25. Une conception du développement fondée
sur l'innovation institutionnelle 164
Annexes des graphiques
1. Nouveaux prêts des créanciers publics
bilatéraux
et multilatéraux à l'Afrique sub-saharienne
(1970-2000) 165
2. Le désengagement des banques commerciales
en Afrique sub-saharienne (1970-2000) 166
3. Dettes publique, multilatérale
et privée de l'Afrique (1970-2002) 167
4. Le processus PPTE 168
5. Impact de l'IADM sur les 17 premiers pays
bénéficiaires 169
6. VAN de la dette après mise en oeuvre
de l'Initiative PPTE, de l'allégement
supplémentaire
de la dette bilatérale et de l'IADM (fin 2005) 170
7. Dépenses affectées à la réduction
de la pauvreté en Afrique 171
8. Dépenses moyennes au titre du service
de la dette et de la lutte contre la pauvreté 172
9. Courbe de Laffer de la dette 173
10. Prévisions relatives au ratio de la dette
aux exportations après allègement au titre
l'Initiative PPTE et de l'IADM 174
11. Projections du service de la dette extérieure
publique 175
12. Projections du service de la dette extérieure
publique par rapport aux projections d'exportations 175 13.
Projection du service de la dette extérieure
publique par rapport aux projections de recettes publiques
175
14.APDfrançaiseen%duRNB(1995-2006) 176
15. APD nécessaire àla réalisation des OMD
177
16. Répartition des coûts potentiels de
l'allègement
de la dette au titre de l'Initiative PPTE,
par groupe de créanciers 178
Carte 1 : L'Afrique subsaharienne.
Cap-Vert
Guinée-Bissau
Gambi
Sénégal
Guinée
Mali
Burkina Faso
Niger
Tchad Soudan
Érythrée
Djibouti
Côte d'ivoire
Béniri Togo
Sao Tomé-&-Principe
Guinée équatoriale
Sierra Leone
Nigéria
Éthiopie
Libéria
Ghana
Cameroun
Rép. centrafricaine
Ouaganda
Somalie
Gabon
Congo
Rwanda
Rép. dém. du Congo
Burundi
Tanzanie
Kenya
Seychelles
Comores
Angola
Malawi
Zambie
Maurice
Zimbabwe
Namibie
Botswana
Madagascar
Mozambique
Swaziland
Lesotho
Afrique du Sud
Source: Sylvain Briand
Carte 2 : Les Pays Pauvres Trés Endettés
(PPTE)
Source: Sylvain Briand
Tableau 1 : Ratio d'endettement extérieur de
l'Afrique (1 970-2002)
(En millions de dollars ou en pourcentage)
|
1970- 1979
|
1980- 1989
|
1990- 1999
|
1990- 1996
|
1997- 1999
|
2000- 2002
|
|
Moyenne de la période
|
|
Afrique
|
Encourstotaldeladette
|
39270
|
180456
|
303232
|
297191
|
317325
|
292561
|
Arriérés sur le capital
|
648
|
9 102
|
34 284
|
31 621
|
40496
|
26259
|
Total des paiements au titre du service de la dette
|
3 347
|
18 591
|
25 800
|
25 683
|
26 075
|
32 706
|
Encours total de la dette/exportations de biens et services
|
91,0
|
195,2
|
234,3
|
242,8
|
217,6
|
168,6
|
Total des paiements au titre du service de la dette/ex-
portations de biens et services
|
7,8
|
20,1
|
19,9
|
21,0
|
17,9
|
13,7
|
Arriérés sur le capital/exportations de biens et
serv- ices
|
1,5
|
9,8
|
26,5
|
25,8
|
27,8
|
15,1
|
Encours total de la dette/PIB
|
24,2
|
51,7
|
65,3
|
67,0
|
61,8
|
54,6
|
Total des paiements au titre de la dette/PIB
|
2,1
|
5,3
|
5,6
|
5,8
|
5,1
|
4,4
|
Arriérés sur le capital/PIB
|
0,4
|
2,6
|
7,4
|
7,1
|
7,9
|
4,9
|
|
Afrique du Nord
|
Encourstotaldeladette
|
17411
|
75780
|
94795
|
94370
|
95787
|
84227
|
Arriérés sur le capital
|
46
|
3 115
|
744
|
878
|
432
|
660
|
Total des paiements au titre du service de la dette
|
1 680
|
9768
|
13 385
|
14220
|
11 437
|
10 834
|
Encours total de la dette/exportations de biens et services
|
173,9
|
284,5
|
227,5
|
242,0
|
199,9
|
139,4
|
Total des paiements au titre du service de la dette/ex-
portations de biens et services
|
16,8
|
36,7
|
32,1
|
36,5
|
23,9
|
17,9
|
Arriérés sur le capital/exportations de biens et
serv- ices
|
0,5
|
11,7
|
1,8
|
2,3
|
0,9
|
1,1
|
Encours total de la dette/PIB
|
44,3
|
68,1
|
60,9
|
65,8
|
51,8
|
40,3
|
Total des paiements au titre de la dette/PIB
|
4,3
|
8,8
|
8,6
|
9,9
|
6,2
|
5,2
|
Arriérés sur le capital/PIB
|
0,1
|
2,8
|
0,5
|
0,6
|
0,2
|
0,3
|
|
Afrique subsaharienne
|
Encours total de la dette
|
21 859
|
104 676
|
208 436
|
202 821
|
221 539
|
208 334
|
Arriérés sur le capital
|
602
|
5 988
|
33 539
|
30 743
|
40 064
|
25 600
|
Total des paiements au titre du service de la dette
|
1 667
|
8 823
|
12415
|
11 463
|
14637
|
12 872
|
Encours total de la dette/exportations de biens et services
|
66,0
|
159,0
|
23 7,5
|
243,2
|
226,3
|
184,2
|
Total des paiements au titre du service de la dette/ex-
portations de biens et services
|
5,0
|
13,4
|
14,1
|
13,7
|
15,0
|
11,4
|
Arriérés sur le capital/exportations de biens et
serv- ices
|
1,8
|
9,1
|
38,2
|
36,9
|
40,9
|
22,6
|
Encours total de la dette/PIB
|
17,7
|
44,0
|
67,5
|
67,6
|
67,4
|
63,7
|
Total des paiements au titre de la dette/PIB
|
1,4
|
3,7
|
4,0
|
3,8
|
4,5
|
3,9
|
Arriérés sur le capital/PIB
|
0,5
|
2,5
|
10,9
|
10,2
|
12,2
|
7,8
|
Source: CNUCED, 2004, «Le développement
économique en Afrique : Endettement viable : Oasis ou mirage »,
p.15
Tableau 2 : Conditions de réaménagement
de la dette
des pays a faible revenu consenties par le Club de
Paris (1 975-2001)
Date/conditions de réaménagement
|
Dette multilatérale
|
1975-1998 : rééchelonnement de la dette
contractée auprés du club de Paris, mais sans annulation, ni
réduction de la valeur actualisée au moyen de réductions
des intérêts.
|
Non applicable
|
Octobre 1988 : Conditions de Toronto qui, pour la première
fois, donnaient la possibilité de réduire la valeur
actualisée nette (VAN) de la dette bilatérale de 33,3%, sous la
forme soit d'une réduction de la dette, soit d'une réduction de
service de la dette.
|
Non réduite
|
Décembre 1991 : Conditions de Londres, qui portaient le
taux d'annulation de la dette à 50% de la VAN des flux du service de la
dette admissible.
|
Non réduite
|
Décembre 1994 : Conditions de Naples, qui portaient le
taux de réduction de la dette à 67% de la VAN des flux du service
et/ou de l'encours de la dette admissible, et fixaient la réduction
minimale de la dett e pour« les pays les plus pauvres et les plus
enettés «à 50% de la VAN. En septembre 1999, le seuil de 67%
a été appliqué à tous les pays pauvres trés
endettés.
|
Non réduite
|
Décembre 1996 : Coditions de Lyon (Initiative PPTE), qui
portaient le taux de réduction de la dette des pays pauvres très
endettés à 80% de la VAN de l'encours de la dette admissible.
|
Les dettes contractées auprès des institutions
multilatérales (FMI, Banque mondiale et banques régionales de
développement) pouvaient aussi être réduites.
La notion de viabilité de l'endettement a
été définie.
|
Source: CNUCED, 2004, «Le développement
économique en Afrique : Endettement viable : Oasis ou mirage », p.
21.
Tableau 3 : Liste provisoire et non exhaustive des
dettes odieuses pour un nombre limité de pays
Pays
|
Régime dictatorial
|
Période de la dictature
|
Dette odieuse (en milliards
de dollars)
|
Stock de la dett e en 2001
|
Nigéria
|
Buhari/Abacha
|
1984-1998
|
30
|
31
|
Afrique du Sud
|
Apartheid
|
1948-1991
|
22
|
24
|
Maroc
|
HassanII
|
1961-1999
|
19
|
17
|
Zaïre/RDC
|
Mobutu
|
1965-1997
|
13
|
11
|
Tunisie
|
BenAli
|
1987-
|
11
|
11
|
Soudan
|
Nimeiry
|
1969-1985
|
9
|
15
|
Éthiopie
|
Mengistu
|
1997-1991
|
8
|
5,7
|
Kenya
|
Moi
|
1978-2003
|
5,8
|
5,8
|
Congo
|
Sassou
|
1979-
|
4,5
|
4,5
|
Mali
|
Traoré
|
1968-1991
|
2,5
|
2,9
|
Somali
|
Siad Barre
|
1969-199 1
|
2,3
|
2,5
|
Malawi
|
Banda
|
1966-1994
|
2,2
|
2,6
|
Togo
|
Eyadema
|
1967-
|
1,4
|
1,4
|
Libéria
|
Doe
|
1980-1980
|
1,2
|
2
|
Rwanda
|
Habyarimana
|
1973-1994
|
1
|
1,3
|
Ouganda
|
IdiAmin Dada
|
1971-1979
|
0,6
|
3,7
|
Centrafrique
|
Bokassa
|
1966-1979
|
0,2
|
0,8
|
Source : Toussaint E., 2004, «Un financement du
développement non générateur de dettes et une nouvelle
architecture internationale ».p. 7
Tableau 4 : Encours de la dette extérieure
publique de l'Afrique subsaharienne (1970-2000)
Enmillionde$UScourants
|
1970
|
1975
|
1980
|
1985
|
1990
|
1995
|
2000
|
Encourstotal
|
5750
|
15712
|
42089
|
77206
|
144101
|
174025
|
163766
|
Créanciers bilatéraux
|
3 314
|
8 225
|
18 147
|
34 201
|
70 552
|
82 598
|
83 477
|
Créanciers multilatéraux
|
869
|
2 554
|
7 599
|
16 687
|
38 189
|
54 684
|
54 478
|
Créanciers privés
|
1 567
|
4 932
|
16 343
|
26 317
|
35 360
|
36 743
|
25 811
|
Source : Blamagin O., AITEC (Association Internationale de
Techniciens, Experts et Chercheurs), 2003, «L'Afrique subsaharienne malade
de sa dette extérieure », p. 2.
Tableau 5 : Principal produit d'exportation des pays
africain
Pays
|
Principal produit d'exportation
|
Part de ce produit dans les revenus d'exportation en
2000
|
Bénin
|
coton
|
84 %
|
Mali
|
coton
|
47 %
|
Burkina Faso
|
coton
|
39 %
|
Tchad
|
coton
|
38 %
|
Ouganda
|
café
|
56 %
|
Rwanda
|
café
|
43 %
|
Éthiopis
|
café
|
40 %
|
Nicaragua
|
café
|
25 %
|
Honduras
|
café
|
22 %
|
Tanzanie
|
café
|
20 %
|
Sao Tomé et Principe
|
cacao
|
78 %
|
Guyana
|
sucre
|
25 %
|
Malayi
|
tabac
|
61 %
|
Mauritanie
|
pêche
|
54 %
|
Sénégal
|
pêche
|
25 %
|
Guinée
|
bauxite
|
37 %
|
Zambie
|
cuivre
|
48 %
|
Niger
|
uranium
|
51 %
|
Bolivie
|
gaz naturel
|
18 %
|
Cameroun
|
pétrole
|
27 %
|
Source : Millet D. et Toussaint E, 2002, «50 Questions 50
réponses sur la dette le FMI et la Banque mondiale », éd.
Syllepse, p. 99.
Tableau 6 : Cours mondiaux des produits de base
(1996-2000) en pourcentage
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
Totalité des produits
|
-4,2
|
0
|
-13
|
-14,3
|
-1
|
Produits alimentaires et boissons tropicales
|
2,1
|
2,8
|
-14,3
|
-18,3
|
-1
|
Café
|
-19,1
|
54,7
|
-28,5
|
-23,2
|
-1
|
Cacao
|
1,2
|
11,2
|
3,7
|
-32,1
|
-0,8
|
Thé
|
...
|
35,1
|
4,3
|
-7,0
|
9,1
|
Sucre
|
-9,9
|
-4,9
|
-21,2
|
-30
|
0,2
|
Riz
|
5
|
-10,7
|
1,3
|
-18,6
|
-6,1
|
Huiles végétales et oléagineuses
|
-4,2
|
-0,9
|
7,1
|
-23,3
|
0
|
Matières 1e agricoles
|
-9,9
|
-10,3
|
-10,8
|
-10,3
|
1
|
Coton
|
-14,8
|
-8,9
|
-8,3
|
-22,9
|
36,7
|
Tabac
|
15,6
|
15,6
|
-5,5
|
-7
|
-3,4
|
Mineraisetmétaux
|
-12,1
|
0
|
-16
|
-1,8
|
-0,8
|
DontCuivre
|
-21,8
|
-0,8
|
-27,3
|
-4,9
|
-4,9
|
Source: «Endettement de l'Afrique subsaharienne au
début du XXIe siècle. L'Afrique créancière ou
débitrice ? », Toussaint E. 2002
Tableau 7 : Conditionnalités du FMI et de la
Banque mondiale en Afrique subsaharienne, 1999
Pays
|
Nombre total de condition
|
Conditions portant sur la gouvernance institutionnelle
|
Conditions portants sur la
gouvernance financière
|
Cameroun
|
92
|
56
|
21
|
Djibouti
|
134
|
77
|
29
|
Gambie
|
121
|
65
|
26
|
Ghana
|
80
|
42
|
19
|
Guinée
|
125
|
61
|
27
|
Madagascar
|
137
|
81
|
22
|
Mali
|
105
|
45
|
22
|
Mozambique
|
74
|
36
|
22
|
Ouganda
|
135
|
73
|
26
|
Rwanda
|
135
|
73
|
26
|
Sénégal
|
165
|
72
|
27
|
Tanzanie
|
150
|
67
|
37
|
Zambie
|
87
|
43
|
16
|
Moyenne
|
114
|
57,4
|
24,6
|
Source : Banque Africaine de Développement, Rapport sur le
développement en Afrique 2006. «L'aide, l'allègement de la
dette et le développement en Afrique », éd. Economica, p.
60.
Tableau 8 : Les innovations apportées par les
DSRP
Objectif principal
|
Ajustement structurel
|
Lutte contre la pauvreté
|
Intitulé des instruments
|
- Document Cadre de Politique Economique (DCPE)
- Crédit d'Ajustement Structurel (Banque mondiale)
- Facilité d'Ajustement Structurel Renforcée
(FMI)
|
- Document Stratégique de Réduction de la
Pauvreté (DSRP)
- Crédit de Soutien à la Réduction de la
Pauvreté (Banque mondiale) - Facilité pour la Réduction de
la Pauvreté et la Croissance (FMI)
|
Traitement de la dett e
|
Indirect (Club de Paris)
|
Allègement de la dette (PPTE)
|
Elaboration
|
- Politique imposée de l'extérieur -
Décidée d'« en haut»
- Secret
|
- Politique élaborée par le pays - Approche
«par le bas»
- Transparence
|
Prise en compte des spécificités du pays
|
Faible
|
Forte
|
Financement
|
Priorité aide-projet
|
Priorité aide budgétaire
|
Indicateurs de suivi / conditionnalité
|
Indicateurs de moyens
|
Indicateurs de résultats
|
Source : HCCI,
http://www.hcci.gouv.fr/lecture/synthese/sy009.html#13
Tableau 9 : Comparaison des dispositifs de l'initiative
PPTE et de l'initiative PPTE renforcée
Déroulement chronologique
|
DispositifPPTE initial
|
DispositifPPTE renforcé
|
Nombre de pays potentiellement éligibles (sur 41 PPTE)
|
29
|
37
|
Critères de soutenabilité de la dette (au point de
décision):
- Dette (en VAN a)/exportations b - Dette (en
VAN)/recettes fiscales c
|
> 200% - 250% > 280%
|
> 150% > 250%
|
Document de stratégie de
réduction de la pauvreté (DRSP) ou Poverty
Reduction Strategy Paper (PRSP)
|
|
a) Préparation d'un document intérimaire pour
atteindre le point de décision (I-PRSP)
b) Mise au point d'un PRSP pour le point d'achèvement.
|
Durée de la période intérimaire
(période séparant le point de décision du point
d'achèvement) d
|
3 ans en principe
|
En moyenne 15 mois.
Point d'achèvement « flottant » fixé
notamment en fonction des résultats dans la lutte contre la
pauvreté (objectifs du PRSP)
|
Assistance intérimaire
|
Uniquement du Club de Paris: accord de flux selon les termes de
Lyon (annulation de 80% des échéances tombant pendant la
période intérimaire)
|
a) Club de Paris : accord de flux selon les termes de Cologne
(annulation à 90% ou plus)
b) Créanciersmultilatéraux: allégements du
service de la dette (Banque mondiale) ou subventions pour son paiement (FMI)
pendant la période intérimaire
|
Allégement du stock de la dette au point
d'achèvement
|
a) Club de Paris : accord de réduction du stock de la
dette selon les termes de Lyon (annulation de 80 % du stock de la dette
éligible e )
b) Autres créanciers bilatéraux et commerciaux :
réduction selon des termes comparables.
c) Annulations et dons des créanciers
multilatéraux
|
a) Club de Paris : accord de réduction du stock de la
dette selon les termes de Cologne (annulation de 90 % ou plus du stock de la
dette éligible) f
b) Autres créanciers bilatéraux et commerciaux :
réduction selon
des termes comparables
c) Annulations et dons des créanciers
multilatéraux
|
Base d'évaluation de l'allégement de la dette
|
Critères de soutenabilité de la dette
appréciés sur la base de projections au point
d'achèvement
|
Critères de soutenabilité de la dette
appréciés au point de décision
|
a VAN : valeur actuelle nette
bAprès application des mécanismes
classiques d'allégement de la dette, tels que les conditions de Naples
(réduction de 67 % de la VAN de la dette prédate butoir).
c Critère alternatif applicable aux économies
très ouvertes (ratio exportations/PIB > 30 % au lieu de 40 % dans le
cadre originel) ayant un endettement très élevé par
rapport aux recettes budgétaires, malgré un bon niveau des
recettes recouvrées (plus de 15 % du PIB au lieu de 20% dans le
dispositiforiginel). Dans ce cas, le ratio Dette (en VAN)/exportations peut
être inférieur à 150 %.
d Point d'achèvement: date à partir de laquelle
l'allégement du stock de la dette devient effectif. eDette
éligible = dette commerciale (c'est-à-dire nonAPD) prédate
butoir.
f À l'issue du sommet de Cologne, les pays du G 7 se sont
au surplus engagés, sur une base bilatérale, à annuler au
point d'achèvement, 100 % de leurs créances d'Aide publique au
développement (APD) et
Source : Beranger-Lachand S., 2001, «Initiative
d'allègement de la dette des pays pauvres très endettés.
Etat d'avancement à fin 2000 », bulletin de la Banque de France
n°86, p. 2.
Tableau 10 : Pays pouvant ou ayant
intégré l'initiative PPTE en mars 2007
Pays ayant dépassé le point
d'achèvement (22)
Bénin Honduras Niger
Bolivie Madagascar Rwanda
Burkina Faso Malawi Sénégal
Cameroun Mali São Tomé-et-Principe
Éthiopie Mauritanie Sierra Leone
Ghana Mozambique Tanzanie
Guyana Nicaragua Ouganda
Zambie
Pays ayant dépassé le point
d'achèvement (22)
Burundi République démocratique du Guinée
Tchad Congo Guinée-Bissau
République du Congo Gambie Haïti
Pays n'ayant pas atteint le point de décision
(10)
République Centrafricaine République kirghize
Soudan
Comores Libéria Togo
Côte d'Ivoire Népal
Érythrée Somalie
Source :
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/hipcf.htm
Tableau 11 : Quelques indicateurs d'endettement
(moyennes sur 2000-2002)
|
VAN de la dette/reve- nu national brut
|
Service de la dette/ revenu na- tional brut
|
VAN de la dette/ex- portations de biens et services
|
Service de la dette/exportations de biens et services
|
VAN de la dette/ recettes publiques
|
Service de la dette/ recettes publiques
|
PPTE africains:
|
|
|
|
|
|
|
Admissibles:
|
|
|
|
|
|
|
Bénin
|
34
|
2,5
|
131
|
9,5
|
209
|
15,2
|
Burkina Faso
|
22
|
1,6
|
194
|
14,3
|
193
|
14,0
|
Cameroun
|
58
|
4,8
|
193
|
14,3
|
298
|
24,5
|
Éthiopie
|
48
|
2,1
|
303
|
13,6
|
270
|
11,9
|
Gambie
|
67
|
4,5
|
97
|
6,6
|
431
|
28,4
|
Ghana
|
66
|
5,5
|
155
|
13,2
|
401
|
34,8
|
Guinée
|
51
|
4,1
|
197
|
15,7
|
469
|
37,2
|
Guinée-Bissau
|
231
|
9,6
|
781
|
32,8
|
1 390
|
58,2
|
Madagascar
|
48
|
2,2
|
179
|
8,2
|
451
|
20,4
|
Malawi
|
77
|
2,6
|
273
|
9,4
|
416
|
14,2
|
Mali
|
53
|
3,4
|
144
|
9,1
|
304
|
19,3
|
Mauritanie
|
30
|
2,3
|
115
|
8,6
|
224
|
17,4
|
Niger
|
45
|
1,4
|
268
|
8,2
|
495
|
14,6
|
Ouganda
|
19
|
1,1
|
108
|
6,4
|
175
|
10,2
|
Rép. dém. du Congo
|
219
|
6,4
|
980
|
29,5
|
3 455
|
76,0
|
Rép-Unie de Tanzanie
|
16
|
1,8
|
102
|
11,2
|
148
|
16,1
|
Rwanda
|
35
|
1,3
|
432
|
16,4
|
348
|
13,2
|
Sao Tomé-&-Principe
|
236
|
10,7
|
569
|
26,8
|
967
|
43,2
|
Sénégal
|
51
|
4,6
|
150
|
13,5
|
281
|
25,2
|
Sierra Leone
|
119
|
8,1
|
872
|
60,4
|
1 025
|
69,6
|
Tchad
|
39
|
1,6
|
222
|
9,3
|
537
|
22,2
|
Zambie
|
126
|
6,2
|
395
|
19,6
|
626
|
31,4
|
Non admissible:
|
|
|
|
|
|
|
Angola
|
133
|
20,2
|
121
|
17,5
|
218
|
31,1
|
Kenya
|
42
|
4,5
|
150
|
16,0
|
188
|
20,1
|
Devant faire l'objet d'une décision:
|
|
|
|
|
|
|
Burundi
|
98
|
3,2
|
1 472
|
48,3
|
499
|
16,4
|
Comores
|
81
|
1,5
|
528
|
9,6
|
606
|
10,5
|
Congo
|
229
|
2,7
|
188
|
2,2
|
544
|
6,2
|
Côte d'Ivoire
|
99
|
7,8
|
212
|
16,7
|
560
|
44,3
|
Libéria
|
477
|
0,2
|
1 445
|
0,5
|
n.d.
|
n.d.
|
Rép. centraficaine
|
62
|
0,9
|
570
|
8,7
|
576
|
9,6
|
Somalie
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
Soudan
|
133
|
0,4
|
575
|
1,8
|
1 027
|
3,3
|
|
VAN de la dette/reve- nu national brut
|
Service de la dette/ revenu na- tional brut
|
VAN de la dette/ex- portations de biens et services
|
Service de la dette/exportations de biens et services
|
VAN de la dette/ recettes publiques
|
Service de la dette/ recettes publiques
|
Autres pays africains:
|
|
|
|
|
|
|
AfriqueduSud
|
20
|
3,5
|
64
|
11,4
|
87
|
15,5
|
Algérie
|
45
|
8,5
|
114
|
21,8
|
113
|
21,6
|
Botswana
|
7
|
1,2
|
11
|
1,9
|
16
|
2,6
|
Cap-Vert
|
41
|
3,0
|
91
|
6,6
|
195
|
14,2
|
Djibouti
|
33
|
2,1
|
85
|
5,4
|
n.d.
|
n.d.
|
Égypte
|
26
|
2,0
|
124
|
9,4
|
133
|
10,2
|
Érythrée
|
31
|
0,8
|
158
|
4,0
|
132
|
3,6
|
Gabon
|
89
|
10,2
|
108
|
12,3
|
316
|
35,9
|
Guinée équatoriale
|
52
|
1,2
|
6
|
0,1
|
64
|
1,5
|
Lesotho
|
41
|
6,3
|
78
|
11,9
|
135
|
20,8
|
Libye
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
Maroc
|
46
|
8,6
|
110
|
20,7
|
181
|
34,5
|
Maurice
|
37
|
6,9
|
58
|
11,1
|
199
|
36,5
|
Namibie
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
Nigéria
|
84
|
5,3
|
144
|
8,9
|
163
|
10,2
|
Seychelles
|
39
|
2,3
|
43
|
2,5
|
97
|
5,8
|
Swaziland
|
22
|
2,0
|
24
|
2,2
|
90
|
8,0
|
Tunisie
|
57
|
7,9
|
110
|
15,5
|
219
|
30,0
|
Zimbabwe
|
62
|
3,7
|
184
|
10,2
|
184
|
10,6
|
Source: CNUCED, 2004, «Le développement
économique en Afrique : Endettement viable : Oasis ou mirage », p.
45
Tableau 12 : Champ d'application de l'IADM
Admissibilité au titre du compte de fiducie IADM-I (revenu
par habitant égal ou inférieur à 380 dollars EU)
Admissibilité au titre du compte de fiducie
IADM-II (revenu par habitant supérieur à 380 dollars EU)
Pays admis à bénéficier de l'IADM à
la fin mars 2007
|
Burkina Faso, Éthiopie, Ghana,
|
|
22 PPTE ayant atteint le point d'achèvement au titre de
l'initiative renforcée en faveur
|
Madagascar, Malawi, Mali, Mozambique, Niger, Ouganda, Rwanda,
São Tomé-et-Princi-
|
Bénin, Bolivie, Cameroun, Guyana, Honduras, Mauritanie,
Nicaragua, Sénégal, Zambie
|
des PPTE
|
pe, Sierra Leone et Tanzanie.
|
|
Deux pays n'ayant pas le statut de PPTE, dont le revenu par
habitant est inférieur à 380 dol- lars EU et qui ont des
arriérés de paiement envers le FMI
|
Cambodge, Tadjikistan
|
|
Pays qui seront admis à bénéficier de l'IADM
lorsqu'ils atteindront le point d'achèvement de l'initiative PPTE
renforcée
8 pays qui ont atteint le point de décision au titre de
l'initiative PPTE renforcée
|
Burundi, Gambie, Guinée-Bis- sau, République
démocratiquedu Congo et Tchad.
|
Guinée, Haïti, République du Congo
|
10 autres pays pourrai-
ent postuler au bénéfice de l'allégement de
la dette au titrede l'initiative PPTE. Ils sat- isfont aux
critères relatifs au revenu et à l'endettement sur la base des
données de la fin
|
Érythrée, Liberia, Népal, République
centrafricaine, Togo
|
Comores, Côte d'Ivoire, République kirghize,
Soudan
|
2004.
|
|
|
La situation de l'Afghanistan
|
|
au regard du critère
|
Des données précises sur le revenu par habitant de
la Somalie ne
|
d'endettement est en cours d'examen.
|
sont pas disponibles à ce stade.
|
Source :
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/mdrif.htm
Tableau 13 : Principales caractéristiques de
l'Initiative PPTE et de l'IADM
|
Initiative PPTE
|
IADM
|
Pays couvert
|
Pays exclusivement IDA, admis à bénéficier
de la FRPC, dont les indicateurs d'endettement sont supérieurs aux
seuilsdéfinis par l'Initiative PPTE,qui ont
engagé des programmes appuyés par le FMI et l'IDA pour satisfaire
aux conditions requises.
|
Pays PPTE parvenus au point d'achèvemen1.
|
Créanciers participants
|
Tous les créanciers multilatéraux, publics
bilatéraux et commerciaux détenteurs de ti-IDA, tres
de dett e extérieure publique et à garantie publique
contractée par des PPTE.
|
FMI et FAD seulement.
|
Allégement de dette fourni
|
La dette extérieure publique et à garantie publique
est ramenée aux seuils définis par l'Initiative PPTE, tels qu'ils
ont été établis au point de
décision2.
|
La dette décaissée avant la fin décembre
2004 (FMI et FAD) et la fin décembre 2003 (IDA) et non encore
remboursée au
moment où le pays remplit les conditions requises
(après four-niture de l'allégement de dette au titre de
l'Initiative PPTE) est intégralement annulée.
|
Modalités d'allégement
|
Différentes modalités. L
plupart des créanciers multi-dette
latéraux et membres du Club deParis fournissent
également un allégement de dette intérimaire.
|
Opérations sur le stock de la
au point d'achèvement ou peu après que le pays a
atteint ce point.
|
Coût total des allégementsde dette annoncé
|
41,3 milliards de dollars à la fin de 2005 en VAN (tableau
4 en annexe)
|
18,3 milliards de dollars à la fin de 2005 en VAN (tableau
4 en annexe)
|
1 En outre, les pays autres que les PPTE dont le revenu par
habitant est inférieur à 380 dollars sont également admis
à bénéficier d'un allégement du FMI au titre de
l'IADM.
2 À titre exceptionnel, un pays peut également
recevoir un allégement supplémentaire au titre de l'Initiative
PPTE au point d'achèvement (complément d'aide).
Source: Comité du Développement, 2006, Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et Initiative
d'allègement de la dette multilatérale (IADM), Etat d'avancement,
p. 11.
Tableau 14 : Allégement de la dette des pays
admis à bénéficier des initiatives PPTE et IADM (en
millions, à fin mars 2007)
|
Encours des crédits accordés par le FMI aux pays
admis à bénéficier de l'IADM2
|
En millions de DTS
|
En millions de dollars EU3
|
PPTEayant atteint le point d'achèvement
|
2
|
566
|
3
|
721
|
Bénin
|
|
36
|
|
52
|
Bolivie
|
|
161
|
|
233
|
Burkina Faso
|
|
62
|
|
90
|
Cameroun
|
|
173
|
|
255
|
Éthiopie
|
|
112
|
|
162
|
Ghana
|
|
265
|
|
383
|
Guyana
|
|
45
|
|
65
|
Honduras
|
|
107
|
|
155
|
Madagascar
|
|
137
|
|
198
|
Malawi
|
|
38
|
|
56
|
Mali
|
|
75
|
|
108
|
Mauritanie
|
|
33
|
|
48
|
Mozambique
|
|
107
|
|
154
|
Nicaragua
|
|
140
|
|
203
|
Niger
|
|
78
|
|
112
|
Rwanda
|
|
53
|
|
76
|
São Tomé-et-Principe
|
|
1
|
|
2
|
Sénégal
|
|
100
|
|
145
|
Sierra Leone
|
|
117
|
|
176
|
Tanzanie
|
|
234
|
|
338
|
Ouganda
|
|
88
|
|
127
|
Zambie
|
|
403
|
|
582
|
Non PPTE
|
|
126
|
|
182
|
Cambodge
|
|
57
|
|
82
|
Tadjikistan
|
|
69
|
|
100
|
Total
|
2
|
692
|
3
|
903
|
1 Pour les PPTE, le montant de l'allègement comprend
l'assistance non décaissée du FMI au titre de l'initiative PPTE
qui devait être fournie dans le temps et l'assistance au titre de
l'IADM.
2 Encours des crédits àla fin 2005 au titre des
décaissements effectués avant le 1erjanvier 2005.
3 Sur la base des taux de change DTS/dollar EU en vigueur au
moment de l'allègement de la dette.
Source : Fiche technique FMI, mars 2007, »L'initiative
d'allégement de la dette multilatérale (IADM) »,
http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/mdrif.htm
Tableau 15 : IADM : Ventilation des coOts estimatifs
par créancier et par groupe de pays (en milliards de dollars)
|
Pays admis1 Pays susceptibles d'être admis
|
Total
|
Pays ayant passé le point d'achèvement
|
Pays intérimaires2
|
Pays qui n'ont pas atteint le point de décision
|
Coûts estimatifs en valeur nominale4
|
|
|
|
|
Coût nominal total
|
35,5
|
7,6
|
5,8
|
48,9
|
Dont IDA
|
26,7
|
5,4
|
4,5
|
36,5
|
FMI5
|
3,0
|
0,7
|
0,4
|
4,1
|
BAfD
|
5,8
|
1,6
|
0,9
|
8,3
|
Coûts estimatifs en VAN, fin 20056
|
|
|
|
|
Coûtstotaux
|
18,3
|
3,9
|
2,7
|
24,9
|
Dont IDA
|
12,8
|
2,5
|
1,9
|
17,3
|
FMI4
|
3,0
|
0,6
|
0,4
|
4,0
|
BAfD
|
2,5
|
0,7
|
0,4
|
3,6
|
1 Pour l'IDA et le FMI, ces pays incluent 19 pays qui ont
passé le point d'achèvement. Pour la BAfD, ces pays incluent 15
pays parvenus au point d'achèvement: le Bénin, le Burkina Faso,
le Cameroun, l'Éthiopie, le Ghana, Madagascar, le Mali, la Mauritanie,
le Mozambique, le Niger, l'Ouganda, le Rwanda, le Sénégal, la
Tanzanie et la Zambie.
2Pour l'IDA, le FMI et la BAfD, ces pays incluent les
10 pays intérimaires.
3 Pour l'IDA et le FMI, ces coûts incluent les 11 pays non
parvenus au point de décision, mais seuls 8pays non encore
parvenus au point de décision seraient susceptibles de
bénéficier d'un allègement de dette au titre de l'IADM
(Comores, Côte d'Ivoire, Érythrée, Libéria,
République centrafricaine, Somalie, Soudan et Togo). Les estimations de
coûts sont très provisoires et fonction de plusieurs
hypothèses, notamment celles concernant la localisation dans le temps
des points de décision et d'achèvement et, le cas
échéant, de la liquidation des arriérés, ii) le
type et la taille des programmes soutenus par le FMI, iii) les résultats
actualisés de l'analyse du degré d'endettement tolérable,
iv) l'évolution future des taux d'intérêt, et v) les
modalités des allègements de dette du FMI au titre de l'IADM en
faveur des pays en situation d'arriérés (une fois les
arriérés liquidités, la dette de ces pays ne pourrait plus
bénéficier d'allègements dans le cadre de l'IADM actuel et
des programmes classiques de liquidation des arriérés ; il
faudrait donc modifier la méthode d'approche).
4 Pour l'IDA et la BAfD, l'allègement en valeur nominale
reflète la somme des économies réalisées sur le
service de la dette. Pour le FMI, il reflète le stock de la dette
susceptible de bénéficier d'un allègement.
5 Dans le cas du FMI, les besoins de financements
nécessaires pour l'assistance de l'IADM aux PPTE nouvellement
identifiés et aux pays en situation d'arriérés ne sont pas
inclus dans les estimations de coût initiales et le financement des fonds
fiduciaires IADM, et il faudra mobiliser des ressources à cette fin.
6 Les calculs des VAN changent selon les modalités de
financement sous-jacentes. Les différences sensibles entre les
estimations en valeur nominale et en VAN pour l'IDA et la BAfD traduisent le
fait que les coûts que supportent ces institutions correspondent aux
pertes de remboursement pendant plusieurs décennies, tandis que les
coûts pour le FMI ont été supportés d'entrée
de jeu pour les pays remplissant les conditions requises.
Source: Comité du Développement, 2006, Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et Initiative
d'allègement de la dette multilatérale (IADM), Etat d'avancement,
p. 34.
Tableau 16 : Ratio VAN de la dette/recettes publiques,
avec et sans allègement de la dette au titre de l'initiative PPTE
|
en pourcentage
|
Sans allégement de la dette au titre de l'Initiative
PPTE
|
Avec allégement de la dette au titre de l'Initiative
PPTE
|
Bénin
|
163
|
113
|
Bolivie
|
161
|
113
|
Burkina Faso
|
137
|
69
|
Cameroun
|
199
|
145
|
Éthiopie
|
191
|
101
|
Gambie
|
424
|
310
|
Ghana
|
413
|
182
|
Guinée
|
445
|
303
|
Guinée-Bissau
|
1152
|
173
|
Guyana
|
333
|
200
|
Honduras
|
225
|
185
|
Madagascar
|
395
|
237
|
Malawi
|
413
|
231
|
Mali
|
203
|
144
|
Mauritanie
|
382
|
191
|
Mozambique
|
192
|
141
|
Nicaragua
|
665
|
186
|
Niger
|
349
|
160
|
Ouganda
|
220
|
139
|
Rép. dém. du Congo
|
1 306
|
261
|
Rép.-Unie de Tanzanie
|
312
|
144
|
Rwanda
|
284
|
82
|
Sao Tomé-&-Principe
|
851
|
145
|
Sénégal
|
233
|
189
|
Sierra Leone
|
585
|
117
|
Tchad
|
258
|
181
|
Zambie
|
576
|
213
|
Source: CNUCED, 2004, «Le développement
économique en Afrique : Endettement viable : Oasis ou mirage »,
p49
Tableau 17 : Pays méritant d'être
intégrés a l'initiative PPTE selon Jubilee 2000 et le World Watch
Institute
Source
|
PNUD
|
FDM 2001
|
FDM 2001
|
FDM 2001
|
FDM 2001
|
FDM 200
|
IDM 2000
|
IDM 2000
|
Anné
|
1998 Population (millions hab)
|
1999 Stock de la dette*
|
1999 Service de la dette*
|
1996-98 Dette/X (%)
|
1996-98 Dette/ PNB (%)
|
Service de la dette % PNB
|
Budget éducation % PNB
|
Budget
santé publique %PIB
|
Chiffres exprimés en millions de dollars US
|
|
|
|
|
|
|
|
Afghanistan
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
Bangladesh
|
125,6
|
17 534
|
788
|
217
|
37
|
1,7
|
2,2
|
1,6
|
Cambodge
|
11,5
|
2210
|
13
|
202
|
74
|
0,5
|
2,9
|
0,6
|
Guinée Equatoriale
|
0,4
|
306
|
6
|
72
|
90
|
1,5
|
1,8
|
5,8
|
Haïti
|
7,6
|
1191
|
59
|
203
|
28
|
1,4
|
1,2
|
1,3
|
Indonésie
|
206,3
|
150 096
|
17 848
|
255
|
113
|
13,5
|
1,4
|
0,6
|
Jamaïque
|
2,6
|
3 913
|
732
|
93
|
60
|
11,2
|
7,4
|
2,3
|
Maroc
|
27,8
|
19060
|
3110
|
150
|
56
|
9,1
|
5
|
1,3
|
Népal
|
22,6
|
2970
|
107
|
219
|
58
|
2,1
|
3,2
|
1,3
|
Nigéria
|
120,8
|
29 358
|
924
|
191
|
93
|
2,9
|
0,7
|
0,2
|
Pakistan
|
148,2
|
34423
|
3 046
|
359
|
59
|
6,2
|
2,7
|
0,8
|
Pérou
|
24,8
|
32284
|
2 940
|
380
|
64
|
5,8
|
2,9
|
2,2
|
Philippines
|
75,2
|
62 022
|
6 732
|
110
|
66
|
8,4
|
3,4
|
1,7
|
Zimbabwe
|
11,7
|
4 566
|
648
|
178
|
87
|
12,4
|
8,5
|
3,1
|
Total ou moyennedes 14 pays
|
785,4
|
349 933
|
36 952
|
219
|
74
|
8
|
2,7
|
1,5
|
* FDM : Rapport sur le financement du développement dans
le monde (Banque Mondiale) IDM : Indicateurs du développement dans le
monde (Banque Mondiale) X: Exportations
Source : Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert J.,
2004, Plate-forme Dette et Développement, rapport 2003, «La dette
face à la démocratie»,p. 13
Tableau 18 : Objectifs macroéconomiques de la
FRPC concernant les pays au point de décision
Pays
|
Indication sur l'inflation
|
Déficit budgétaire
|
Dette publique
|
Réserve
|
Burundi 2005 - 2008
|
10 % en 2005
|
Déficit total
(aide comprise) de 0,2 % du PIB en 2005
|
|
6,5 mois d'importations jusqu'à fin 2005
|
Tchad
2005 - 2007
|
3 % en 2005
|
Le solde primaire (hors secteur pétrolier) passera de -
6.5 % du PIB (hors secteur pétrolier) en 2005 à - 4.6 % et - 3.5
% en 2006, 2007, et 2008
|
Dette intérieure réduite à 2 % du PIB (hors
pétrole)
|
|
RDC
2002 - 2006
|
23 % en 2005
|
Excédent fiscal primaire de 1.1 % du PIB en 2005.
Déficit budgétaire (aide comprise) à 2,2% du PIB
|
|
7 semaines d'importations (hors
aide)
|
Malawi
2005 - 2008
|
Réduire
l'inflation (hors denrée
alimentaire)
entre 5 et 8 % d'ici 2008
|
Excédent primaire à 1,6 % en 2005, 1,9 % en 2006
et 0,9 % en 2008
|
Réduction de la dette intérieure de 24 % à
19 % du PIB en 2005 et à 12,3 % d'ici à 2008 en
maintenant un excédent fiscal
|
Augmentation jusqu'à 1,6 mois d'importations pour
2005 et de 2,6 mois
d'ici à 2008
|
Sao Tome et Principe
2005 - 2007
|
Ramenée à 15 % en 2005, et réduit
à un
chiffre d'ici à 2007
|
Réduction du déficit primaire à 20,6 % en
2004, 17,5 % en 2005 et 7,6 % d'ici à
2007
|
|
Augmentation de 3,4
mois
d'importations en 2005
|
Sierra Leone 2001
|
8,5 % en 2005
|
Déficit primaire de 2,3 % du PIB avec un déficit
global de 4,6 % du PIB en 2005 (aides incluses)
|
|
|
Source : Fourmy S., 2005, « L'initiative PPTE et ses
conditionnalités : petite carotte et gros bâton »,
Plate-forme Dette et Développement, chapitre 4 du rapport 2005/2006,
«La loi des créanciers contre les droits des citoyens, p7
Tableau 19 : Les demandes de privatisations dans le
cadre de l'initiative PPTE
Bénin
|
Adopter une stratégie pour privatiser l'entreprise
parapublique SONAPRA (filière café) après l'abolition du
monopole
|
Burundi
|
Obligation de vendre des holdings d'Etat dans la filière
café
|
Cameroun
|
Privatisation de la Société nationale des eaux du
Cameroun (SNEC).
|
Gambie
|
Soumettre à la vente les 2 principales usines de
traitement de l'arachide
|
Guyane
|
Soumettre à la vente la Guyana National Commercial Bank et
l'ouvrir aux enchères
|
Mali
|
Poursuivre le programme de privatisation, spécialement au
niveau du secteur cotonnier et des banques
|
Mauritanie
|
Privatiser Air Mauritanie et une partie des principales
entreprises du service public (OPT et SOMELEC)
|
Mozambique
|
Adopter un règlement dans le secteur privé au
niveau des télécommunications et des secteurs de
l'énergie
|
Rwanda
|
Privatiser au moins 2 des 9 usines d'Etat de thé
|
Sierra Leone
|
Un projet de loi a été voté pour mettre
en place une nouvelle législation sur la privatisation, qui
établit une commission nationale indépendante pour la
privatisation afin de mettre en place la stratégie de
désengagement du gouvernement
|
Sénégal
|
Privatiser 11 entreprises du secteur public comme prévu,
afin que le secteur public ne possède plus qu'un quart des
portefeuilles
|
Tanzanie
|
Signer un accord de concession affectant les biens de Dawasa
(service de l'eau) à des entreprises de gestion privée ; lancer
une procédure pour séparer Tanesco (électricité) en
unités commerciales autonomes ; adoption par le gouvernement d'une
structure réglementaire de la part de l'administration envers le service
public
|
Zambie
|
Restructuration et mise en circulation des documents pour une
vente aux enchères à l'international de la majorité des
parts de l'Etat dans Zesco (énergie) et à la Banque Nationale du
Commerce de Zambie
|
Source : Fourmy S., 2005, « L'initiative PPTE et ses
conditionnalités : petite carotte et gros bâton »,
Plate-forme Dette et Développement, chapitre 4 du rapport 2005/2006,
«La loi des créanciers contre les droits des citoyens, p7
Tableau 20 : Commercial Creditor Lawsuits Against
HIPCs
HIPC Debtor
|
Creditor 2/
|
Domicile of Creditor
|
Status of Legal Action
|
Original Clain 3/4/
|
Judgement for Creditor
|
|
|
|
|
In millions of U.S. dollars
|
Cameroon
|
1 Winslow Bank
2 Del Favaro Spa
3 Sconset
4 GraceChurch CAPITAL
5 Antwep Investisments Limited
|
Bahamas
Italy
British Virgin Islands Cayman Islands
British Virgin Islands
|
Judgement to pay Judgement to pay Pending
Pending
In arbitration
|
9,9 2,9 18,2
8,9 13,3
|
19,9
4,6
... ... ...
|
Congo, D.R.
|
1 ENERGOINVEST
|
Former SFR Yugoslavia
|
Judgement to pay
|
55,8
|
81,7
|
|
2 KHD Humbolt Wedag AG Koln and others
|
Germany
|
Judgement to pay
|
...
|
80,4
|
|
3 GAT
|
|
In arbitration
|
19,0
|
...
|
Congo, Rep. of
|
1 GAT
|
Lebadon
|
Judgement to pay
|
77,0
|
78,3
|
|
2 Citoh Middle East
|
Lebadon
|
Judgement to pay
|
9,8
|
7,2
|
|
3 FG Hemisphere Assiociates LLC
|
U.S.A.
|
Judgement to pay
|
35,9
|
151,9
|
|
4 AF CAP, Inc.
|
Bermuda
|
Judgement to pay
|
5,9
|
...
|
|
5 Berrebi
|
France
|
Judgement to pay
|
1,91
|
...
|
|
6 Kensington International Ltd.
|
Cayman Islands
|
Judgement to pay
|
30,6
|
118,6
|
|
7 Walker International Holdings
|
British Virgin Islands
|
Judgement to pay
|
12,9
|
...
|
|
8 CommisimPex
|
Rep. of Congo
|
In arbitration
|
19,7
|
96,6
|
Ethiopia
|
1 Kintel
|
Bulgaria
|
Out of court settlement
|
8,7
|
8,7
|
Guyana
|
1 Citizens Bank (government bonds)
|
Guyana
|
Pending
|
26,4
|
...
|
|
2 EPDS
|
|
Pending
|
12,7
|
...
|
|
3 Barclays Bank
|
United Kingdom
|
Pending
|
3,1
|
...
|
|
4 Lloyds Bank
|
United Kingdom
|
Pending
|
0,4
|
...
|
|
5 ITT World Communication Inc.
|
U.S.A.
|
Pending
|
0,2
|
...
|
|
6 India Tata
|
India
|
Pending
|
0,1
|
...
|
|
7 CDC
|
United Kingdom
|
Pending
|
0,6
|
...
|
Honduras
|
1 Laboratories Bago
|
Argentina
|
Pending
|
1,45
|
...
|
Nicaragua
|
1 LNC Investments
|
U.S.A.
|
Judgement to pay
|
26,3
|
87,1
|
|
2 GP Hemisphere Associates
|
U.S.A.
|
Judgement to pay
|
30,9
|
126,0
|
|
3 Greylock Global Opportunity Master Fund
|
British Virgin Islands
|
Judgement to pay
|
10,5
|
50,9
|
|
4 Hamsah Investments, Ltd.
|
British Virgin Islands
|
Judgement to pay
|
2,5
|
11,6
|
Sao Tome &
|
1 Amnadale Associates
|
London
|
In arbitration
|
3,0
|
8,9
|
Principe
|
|
|
|
|
|
Sierra Leone
|
1 J&S Franklin Ltd.
|
United Kingdom
|
Judgement to pay (paid
|
1,1
|
2,4
|
|
2 UMACO
|
France
|
US$2.0 million)
|
0,6
|
...
|
|
3 Executive Outcomes, International Inc.
|
South Africa/Panama
|
Pending (paid US$ 0.1
|
19,5
|
28,5
|
|
4 Chatelet Investment Ltd.
|
Sierra Leone
|
million)
|
0,4
|
...
|
|
5 Scancem International ANS
|
Norway
|
Pending (paid US$ 1.1 million)
|
3,7
|
3,7
|
|
|
|
Pending
|
|
|
|
|
|
Settlement (paid US$ 2 million)
|
|
|
Uganda
|
1 Banco Arabe Espagnol
|
Spain
|
Judgement awarded
|
1,0
|
2,7
|
|
2 Transroad Ltd.
|
United Kingdom
|
and paid
|
5,5
|
10,6
|
|
3 Industry of Construction Machinery and
|
Former SFR Yugoslavia
|
Judgement awarded
|
8,4
|
8,9
|
|
Equipment
|
Former SFR Yugoslavia
|
and paid
|
1,3
|
1,8
|
|
4 Sours Fab External Development
|
Iraq
|
Judgement awarded
|
2,6
|
6,4
|
|
5 Shelter Afrique
|
Kenya
|
and paid
|
0,1
|
0,1
|
|
|
|
Judgement awarded and paid
|
|
|
|
|
|
Out of court settlement and paid
|
|
|
Zambia
|
1 Cunnecticut Bank of Commerce
|
U.S.A.
|
Judgement awarded
|
0,9
|
0,3
|
|
2 Fap Famos Belgrade
|
Former SFR Yugoslavia
|
and paid
|
26,0
|
26,0
|
|
3 Donegal International Limited
|
British Virgin Islands
|
Out of court settlement
|
15,4
|
...
|
|
|
|
(grace period)
|
|
|
|
|
|
Pending
|
|
|
Source: Comité du développement (FMI et Banque
mondiale), 2006, «Initiative des pauvres très endettés
(PPTE) et Initiative d'allègement de la dette multilatérale
(IADM) : Etat d'avancement », p. 4,
Tableau 21 : Probabilité de parvenir a un
endettement viable selon différents scénarios en 2020
|
D'aprèslestaux de
croissance duFMIetdela Banque mondiale
|
D'après les taux de croissance historique
|
Bénin
|
89,3
|
42,3
|
Bolivie
|
75,7
|
11,0
|
BurkinaFaso
|
76,0
|
1,7
|
Cameroun
|
95,9
|
63,2
|
Congo
|
84,4
|
1,5
|
Éthiopie
|
93,1
|
37,3
|
Gambie
|
91,7
|
94,2
|
Ghana
|
89,4
|
81,0
|
Guinée
|
97,2
|
37,6
|
Guinée-Bissau
|
70,0
|
65,1
|
Guyana
|
97,7
|
93,2
|
Honduras
|
99,5
|
98,7
|
Madagascar
|
99,0
|
86,7
|
Malawi
|
72,3
|
44,0
|
Mali
|
75,4
|
59,9
|
Mauritanie
|
98,3
|
25,3
|
Mozambique
|
97,8
|
77,3
|
Nicaragua
|
95,7
|
72,3
|
Niger
|
65,9
|
2,7
|
Ouganda
|
67,4
|
28,3
|
Rép-Unie de Tanzanie
|
83,2
|
35,9
|
Rwanda
|
57,3
|
10,1
|
Sao Tomé-&-Principe
|
66,5
|
12,4
|
Sénégal
|
98,7
|
78,9
|
Sierra Leone
|
81,3
|
1,5
|
Tchad
|
62,3
|
51,4
|
Zambie
|
85,3
|
5,4
|
Moyenne (Total des 27 pays)
|
83,9
|
45,1
|
Moyenne (Total des 23 pays africains)
|
82,5
|
41,0
|
Source: CNUCED, 2004, «Le développement
économique en Afrique : Endettement viable : Oasis ou mirage », p.
62.
Tableau 22 : Total engagements d'APD de l'ensemble des
donateurs pour l'Afrique (1 990-2004)
Années
|
Total engagements (mil- lions de $)
|
Aide liée (millions de $
|
Aide partiellement liée (millions de $)
|
1990
|
17 352,3
|
5 055,5
|
1 093,5
|
1991
|
21 979,0
|
6 177,2
|
332,6
|
1992
|
18 940,9
|
4288,1
|
1 683,5
|
1993
|
16 110,5
|
3,214,7
|
1 012,4
|
1994
|
14 911,5
|
2 847,3
|
624,1
|
1995
|
15 143,7
|
3 154,6
|
561,4
|
1996
|
15 067,3
|
3 079,3
|
919,6
|
1997
|
13 924,7
|
2 861,8
|
1 175,6
|
1998
|
18 280,5
|
3 269,2
|
1 352,6
|
1999
|
16 502,1
|
732,7
|
1 025,7
|
2000
|
19 613,9
|
666,8
|
1 152,9
|
2001
|
17 957,0
|
561,7
|
1 056,9
|
2002
|
22 067,6
|
483,6
|
862,5
|
2003
|
30 896,0
|
781,0
|
4 121,6
|
2004
|
34 284,4
|
913,1
|
3 980,9
|
Source : BAD, 2006, Le développement économique en
Afrique, «L'aide, l'allègement de la dette et le
développement en Afrique», éd. Economica, p. 4.
Tableau 23 : Emploi des ressources fournies au titre de
l'IADM en 2006
Pays
|
Reductions du service de la dette en 20061
|
Emploi des ressources IADM en 2006
|
|
En millions USD
|
En % du PIB
|
|
Bénin
|
15,6
|
0,3
|
Santé et éducation, secteur du coton et financement
de projets pour les petits exploitants agricols
|
Bolivie
|
40,9
|
0,4
|
L'allégement au titre de l'IADM n'a été
résérvé à aucune dépense en particulier.
|
Burkina Faso
|
17,6
|
0,3
|
Éducation, santé et infrastructures rurales.
|
Cameroun
|
29,8
|
0,2
|
Dépenses en faveur des pauvres, conformément aux
priorités dans le DSRP, en particulier infrastructures, secteurs sociaux
et réformes de la gouvernance.
|
Éthiopie
|
13,8
|
0,1
|
Compte tenu de la diminution de l'aide des bailleurs de fonds,
les ressources au titre de l'IADM pourraient financer les dépenses
déjà envisagées dans le cadre budgétaire et
macroéconomique à moyen terme de l'état.
|
Ghana
|
57,9
|
0,5
|
Énergie et eau, remise en état des axes majeurs et
des routes de desserte dans les principales zones agricoles, éducation,
santé et développement des technologies de l'information et de la
communication.
|
Guyane
|
6,4
|
0,8
|
Réhabilitation des infrastructures de drainage et
d'irrigation et des routes agricoles vers les marchés, entretien des
installations d'éducation et de santé et acquisition de
matériels et de fournitures scolaires et sanitaires.
|
Honduras
|
27,6
|
0,3
|
Programme de lutte contre la pauvreté, en particulier
suppression des frais de scolarité dans les écoles publiques.
|
Madagascar
|
34,3
|
0,7
|
Ministères dépensiers prioritaires,
conformément à la stratégie de réduction de la
pauvreté.
|
Mali
|
27,0
|
0,5
|
Allégement ciblé sur l'approvisionnement en eau et
les routes.
|
Mauritanie
|
10,8
|
0,3
|
Financement des dépenses sociales.
|
Mozambique
|
28,8
|
0,4
|
Financement des dépenses « prioritaires « en
faveur des pauvres.
|
Nicaragua
|
17,7
|
0,3
|
Dépenses à l'appui de la réduction de la
pauvreté dans les secteurs de l'eau et du logement et pour l'offre de
fournitures médicales.
|
Niger
|
9,3
|
0,3
|
Programmes en faveur de léducation, de la santé et
du développement du secteur rural.
|
Rwanda
|
9,7
|
0,4
|
Importatations de denrées alimentaires et dépense
à l'appui du projet d'utilisation du gaz méthane du Lac Kivu
(pour produire de l'électricité).
|
Sénégal
|
48,5
|
0,6
|
Besoins prioritaires dans le secteur des services sociaux.
|
Tanzanie
|
82,3
|
0,6
|
Financement du coût en devises de la croissance
indispensable aux projets d'énergie et aux importations alimentaires.
|
Ouganda
|
57,9
|
0,6
|
Compte tenu de la grave pénurie
délectricité en Ouganda, le gouvernement envisage d'utiliser les
ressources libérées par l'IADM pour aider à satisfaire les
besoins pressants du pays dans ce domaine.
|
Zambie
|
23,8
|
0,3
|
Les ressources libérées par l'IADM serviront
à accroître les dépenses à l'appui de projets
agricoles axés sur l'irrigation à petite échelle et la
lutte contre les maladies du bétail.
|
Total
|
559,4
|
---
|
|
Moyenne simple
|
29,4
|
0,4
|
1 Renvoie uniquement aux ressources supplémentaires
libérées par l'IADM sur le paiement du service de la dette.
Source: Comité du Développement, 2006, Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et Initiative
d'allègement de la dette multilatérale (IADM), Etat d'avancement,
p. 89.
Tableau 24 : Initiative PPTE : Ventilation des coOts
estimatifs par principaux créanciers et par groupe de pays
(en milliards de dollars, en VAN à la fin de 2005)
|
Pays intéri- maires1
|
Pays ayant passé le point
d' achève- ment2
|
Total des pays ayant dépassé le point
de décision
|
Pays qui n'ont pas at- teint le point de
décision3
|
Total
|
|
(10)
|
(19)
|
(29)
|
(11)
|
(40)
|
Créanciers multilatéraux
|
5,4
|
15,3
|
20,7
|
8,6
|
29,3
|
Banque mondiale
|
2,4
|
7,4
|
9,8
|
3,1
|
12,8
|
Dont IDA
|
2,4
|
7,0
|
9,4
|
3,1
|
12,5
|
Dont BIRD
|
0,0
|
0,4
|
0,4
|
0,0
|
0,4
|
FMI
|
0,8
|
2,3
|
3,1
|
2,5
|
5,6
|
BAfD/FAfD
|
1,6
|
1,9
|
3,5
|
1,0
|
4,5
|
BID
|
0,0
|
1,4
|
1,4
|
0,1
|
1,5
|
Autres créanciers multilatéraux
|
0,7
|
2,3
|
2,9
|
1,9
|
4,9
|
|
Créanciersbilatéraux et commerciaux
|
7,0
|
13,5
|
20,5
|
13,3
|
33,8
|
Club de Paris
|
5,6
|
9,6
|
15,2
|
7,1
|
22,3
|
Autres créanciers bilatéraux publics
|
0,6
|
3,2
|
3,8
|
4,4
|
8,2
|
Créancierscommerciaux
|
0,8
|
0,7
|
1,5
|
1,8
|
3,4
|
|
Coûtstotaux 12,5 28,8 41,3 21,9 63,2
|
|
Pour mémoire
|
|
|
|
|
|
Coûts totaux en VAN, fin 20044
|
11,9
|
26,3
|
38,2
|
21,0
|
59,1
|
|
Variation totale des coûts en %
|
5,0%
|
9,5%
|
8,1%
|
4,4%
|
6,8%
|
Variation due aux nouveaux pays
|
0,9%
|
5,4%
|
4,1%
|
0,0%
|
0,2%
|
Change due to Data Revisions
|
0,0%
|
0,5%
|
0,3%
|
0,0%
|
0,2%
|
Variation entre 2004 et 2005 en VAN
|
4,1%
|
3,5%
|
3,7%
|
4,4%
|
3,9%
|
1 Les pays qui ont atteint le point de décision sont le
Burundi, la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Malawi, la
République démocratique du Congo, la République du Congo,
Sao Tomé-et-Principe, la Sierra Leone et le Tchad.
2 Les pays qui ont atteint le point d'achèvement sont le
Bénin, la Bolivie, le Burkina Faso, le Cameroun, l'Éthiopie, le
Ghana, le Guyana, le Honduras, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le
Mozambique, le Nicaragua, le Niger, l'Ouganda, le Rwanda, la
Sénégal, la Tanzanie et la Zambie
3 Les pays qui n'ont pas atteint le point de décision
sont les pays qui remplissent les critères de revenu et d'endettement de
l'Initiative PPTE à la fin de 2004 et qui pourraient demander à
bénéficier de l'Initiative. Ces pays sont les Comores, la
Côte d'Ivoire, l'Érythrée, Haïti, le Libéria,
le Népal, la République centrafricaine, la République
kirghize, la Somalie, le Soudan et le Togo.
4 Coût total en septembre 2005 (Initiative en faveur des
pays pauvres très endettés (PPTE) - État d'avancement,
septembre 2005, IDA/SecM2005- 0442)
Source: Comité du Développement, 2006, Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et Initiative
d'allègement de la dette multilatérale (IADM), Etat d'avancement,
p. 30 et 31.
Tableau 25 : Une conception du développement
fondée sur l'innovation institutionnelle
Fin des années 90
La crise du
consensus de Washington
1. Instabilité ou crises politiques
2. Chômage / croissance des inégalités,
conséquence des ajustements de marché
3. Fragilité des institutions financières et
sociales et faiblesse de certains acteurs
4. Sous-investissement dans les infrastructures collectives
5. Forte dépendance par rapport à l'environnement
international
6. Déstabilisation des régimes de croissance
Début du XXIème siècle
Etat et marché:
une complémentarité au sein d'arrangements
institutionnels variés
1. Re-légitimation de l'Etat : promoteur de la croissance
et de la justice
2. Au marché la coordination des décisions au jour
le jour, à l'Etat les décisions stratégiques
3. Favoriser la densité des arrangements institutionnels
et la capacité d'organisation des acteurs
4. Le secteur public assure la cohésion sociale et les
infrastructures collectives
5. Maintien d'un équilibre entre besoins domestiques et
compétitivité extérieure
6. Ouverture internationale différenciée en
fonction des objectifs nationaux et des domaines
Source : Berr E. et Combarnous F., 2004, «L'impact du
consensus de Washington sur les pays en développement : une
évaluation empirique » p. 20
Graphique 1 : Nouveaux prêts des
créanciers publics bilatéraux et multilatéraux a l'Afrique
sub-saharienne (1970 - 2000)
6000
5 000
4000
3 000
2 000
1 000
0
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000
Créanciers bilatéraux Créanciers
multilatéraux
Source : Blamangin O., 2003, «L'Afrique sub-saharienne
malade de sa dette extérieure, 2003, p.4
Graphique 2 : Le désengagement des banques
commerciales en Afrique sub-saharienne (1970 - 2000)
3 500
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
500
0
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000
Nouveaux prêts
Paiment des intérêts Remboursement du principal
Source : Blamangin O., 2003, «L'Afrique sub-saharienne
malade de sa dette extérieure », 2003, p. 2
Graphique 3 : Dettes publique, multilatérale et
privée de l'Afrique, 1970-2002
220 200 180 160 140 120 100
80 60 40 20
0
1970 1974 1976 1982 1986 1990 1994 1998 2002
Dette public à long terme
Dette privée garantie par l'état Encours de la dett
e multilatérale
Source: CNUCED, 2004, «Le développement
économique enAfrique : Endettement viable: Oasis ou mirage »,
p16
Graphique 4 : Le processus PPTE
FRPC FMI en cours DSRP intérimaire
FRPC FMI en cours DSRP complet et en
exécution respect des conditions définies au point de
décision
période intérimaire
Analyse préliminaire soutenabilité dette
Point de décision
> éligibilité à PPTE
> éligibilité à PPTE > condition
d'accés au point d'achévement > traitements
intérimaires
Point d»achèvement
> mise en oeuvre définitive des
allégements > négociation des volets additionels (dont
C2D)
Source :
http://www.ambafrance-cm.org/IMG/images/ppte0.jpg
300
250
200
150
100
50
0
Graphique 5 : Impact de l'IADM sur les 17 premiers
pays bénéficiaires
Pourcentage du stock
de dette en VAN / export
Avant l'IADM
Aprés l'IADM
Source : Merckaert J., 2006, Dix ans après le lancement de
l'initiative PPTE, Evaluation critique du traitement de la dette par le G8
», p12.
Graphique 6 : VAN de la dette après mise en oeuvre
de l'Initiative PPTE, de l'allégement
supplémentaire
de la dette bilatérale et de l'IADM (en milliards de
dollars, fin 2005)
100
80
60
40
20
0
19
17
2
8
58
31
6
28
6
69
Avant allégement traditonnel
Aprés allégement traditionnel
Aprés allégement PPTE
Aprés allégement supplémentaire de
la dette bilatérale
Aprés IADM
19 pays parvenus au point d'achèvement
10 pays intérimaires
Source: Comité du Développement, 2006, Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et Initiative
d'allègement de la dette multilatérale (IADM), Etat d'avancement,
p. 18.
55
50
45
40
35
30
9,5 9 8,5 8 7,5 7 6,5 6 5,5 5
Graphique 7 : Dépenses affectées a la
réduction de la pauvreté en Afrique
2000 2001 2001 2003 2004 2005 2006
Rapport aux recettes publiques Rapport au PIB
Source : Banque Africaine de développement, 2006, Rapport
sur le développement en Afrique, L'aide, l'allègement de la dette
et le développement en Afrique, éditions Economica. p. 78
Graphique 8 : Dépenses moyennes au titre du service de la
dette et de la lutte contre la pauvreté1 (en pourcentage du
PIB)
11 10 9 8 7 6 5 4 3 2
1
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 20062
20072 20082 20092
Dépense au titre de la lutte contre la pauvreté
Service de la dette avant allégement au titre de l'IADM
Service de la dette aprés allégement au titre de l'IADM
1 Hors République du Congo, faute de données
suffisantes.
2 Projections.
Source: Comité du Développement, 2006, Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et Initiative
d'allègement de la dette multilatérale (IADM), Etat d'avancement,
p. 23.
Graphique 9 : Courbe de Laffer de la dette
Surendettement
Encours de la dette
L'alourdissement de la dette diminue son remboursement
Source : Patillo C. etal., 2002, «Dette extérieure et
croissance»,
https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2002/06/pdf/pattillo.pdf
Graphique 10 : Previsions relatives au ratio de la dette
aux exportations après allègement au titre
l'Initiative PPTE et de l'IADM (en pourcentage)
8
7
6
5
4
3
2
1
0
2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023 2025
Avant allégement IADM Après allégement
IADM
Source: Comité du Développement, 2006, Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et Initiative
d'allègement de la dette multilatérale (IADM), Etat d'avancement,
p.22
Graphique 11 : Projections du service de la dette
extérieure publique en millions de dollars
2 423,2
2467,6
2 566,7
2003 2004 2005
Graphique 12 : Projections du service de la dette
extérieure publique par rapport aux projections d'exportations en
pourcentage
9,2
8,4
8,1
2003 2004 2005
Graphique 13 : Projections du service de la dette
extérieure publique par rapport aux projections de recettes publiques en
pourcentage
13,4
12,5
11,7
2003 2004 2005
Source: CNUCED, 2004, «Le développement
économique en Afrique : Endettement viable : Oasis ou mirage », p.
73
Graphique 14 : APD française en % du RNB (1 995-2006)
0,50
0,45
0,40
0,35
0,30
0,49
0,43
0,40
0,35 0,35
0,32 0,32
0,38
0,410,41
0,47 0,47
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2001 2003 2004 2005 2006
Source: Gentilini M., Conseil Economique et social, 2006, La
coopération sanitaire française dans les pays en
développement.
Graphique 15 : APD nécessaire a la
réalisation des OMD (en milliards de dollars)
2001 2006 2010 2015
250 200 150 100 50 0
APD totale nécessaire
APD consacrée aux OMD
Source : BAD, 2006, Le développement économique en
Afrique, «L'aide, l'allègement de la dette et le
développement en Afrique», éd. Economica, p. 94.
Graphique 16 : Répartition des coOts potentiels
de l'allègement de la dette au titre de l'Initiative PPTEI par groupe de
créanciers
Other Multilateral 10%
Other Official Bilateral 13%
IDA 20%
IMF 9%
Paris Club 36%
AfDB/AfDF 7%
Commercial 5%
Source: Comité du Développement, 2006, Initiative
en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et Initiative
d'allègement de la dette ultilatérale (IADM), Etat d'avancement,
p. 28.
Glossaire
Afrique subsaharienne (ASS) :
Région du continent située au sud du Sahara et
excluant donc l'Afrique du Nord. Auparavant appelée Afrique Noire, elle
est divisée en quatre sous-régions connues sous les noms
d'Afrique de l'Ouest, d'Afrique de l'Est, d'Afrique centrale et d'Afrique
australe. Formée de 47 pays, et peuplée d'environ 700 millions
d'habitants (au début du XIXe siècle), l'Afrique subsaharienne
est la partie du continent, ainsi que du monde, la plus démunie,
notamment en matière économique, et la plus mouvementée
politiquement. Dans le cadre de la présente analyse, l'Afrique du Sud,
pays de l'Afrique subsaharienne beaucoup plus développé que les
autres, est le plus souvent exclue.
Aide publique au développement (APD) :
L'APD correspond à tous les apports de ressources (dons et
prêts):
- fournis aux pays de la Partie I de la Liste du CAD ou
à des institutions multilatérales pour être ensuite
acheminés vers des pays de la partie I, - émanant d'organismes
publics y compris les Etats et les collectivités locales ou d'organismes
agissant pour le compte d'organismes publics, - ayant pour but essentiel de
favoriser le développement économique et l'amélioration du
niveau de vie des pays bénéficiaires de l'aide, et comportant un
élément de libéralité au moins égal à
25%.
Les données sont comptabilisées en versements
nets, après déduction des remboursements en capital sur les
prêts. La comptabilisation des engagements permet d'élaborer des
prévisions.
La liste des bénéficiaires établie par le
Comité d'aide au développement de l'OCDE pour l'année 2007
est disponible sur
http://www.oecd.org/
dataoecd/23/35/37954903 .pdf.
Aléa moral ou risque moral (moral hazard)
:
Dans le cadre de l'allègement ou de l'annulation de la
dette, il s'agit de la désincitation, pour pays
bénéficiaires, à rembourser leur dette et de l'incitation
à en contracter de nouvelles s'ils savent qu'elles seront
continuellement effacées.
Arriérés :
Dette due et non remboursée à une date
précise.
Balance des paiements :
Document comptable qui retrace l'ensemble des flux entre une
économie et le reste du monde (entre résidents et non
résidents) durant une période donnée (une année, un
trimestre, un mois).
La balance des paiements est structurée selon trois
postes :
-Le compte des transactions courantes, associé à
la balance des transactions courantes qui recense les flux monétaires
d'un pays résultant des échanges internationaux de biens et de
services (balance des biens et balance des services), à la balance des
revenus (comprenant les revenus du travail et les revenus de capital) ainsi que
la balance des transferts courants.
-Le compte de capital et des opérations
financières, qui retracent respectivement les flux monétaires
résultant de l'achat ou de la vente d'actifs non financiers (des brevets
par exemple) et les flux financiers entre un pays et l'étranger, sous
forme d'investissement direct à l'étranger (IDE), investissement
de portefeuille, réserves de change et autres.
-Les erreurs et omissions nettes, qui enregistrent la
différence entre le total des ressources et le total des emplois. Cette
différence peut résulter de multiples facteurs, tels que la fuite
des capitaux.
Banque mondiale (BM) :
Organisation internationale créée le 27
décembre 1945 sous le nom de Banque internationale pour la
reconstruction et le développement (BIRD) après signature de
l'accord Bretton Woods du 1er au 22 juillet 1944. Le Groupe de la Banque
mondiale comprend la Banque internationale pour la reconstruction et le
développement (BIRD), la Société financière
internationale (SFI), l'Association internationale de développement
(AID), le Centre international de règlement des différends,
l'Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA). L'usage
désigne souvent la BIRD et l'AID du nom de Banque mondiale. La Banque
possède un capital apporté par les pays membres et emprunte sur
les marchés internationaux de capitaux. Elle finance des projets
sectoriels, publics ou privés, à destination des pays en
développement et en transition afin de lutter contre la
pauvreté.
L'AID fournit des financements à des conditions
avantageuses aux pays à faible revenu, définis par un revenu par
habitant inférieur à 865 dollars. Tous les pays de la Zone Franc,
à l'exception du Gabon, peuvent en bénéficier. La majeure
partie des fonds de l'AID provient de dons versés lors des
reconstitutions périodiques de son capital.
Club de Paris :
Groupe informel de 19 Etats créanciers
créé en 1956 et spécialisé dans la normalisation
des défauts de paiement des PED (rééchelonnements ou
annulations).
Club de Londres :
Groupe informel de créanciers bancaires privés
créé en 1976 et qui s'occupe de dettes publiques. Bien
qu'inspiré du Club de Paris, il préfère
rééchelonner les dettes.
Consensus de Washington :
Nom tiré d'un article de l'économiste John
Williamson, qui a défini, en 1989, dix recommandations, notamment en
direction de l'Amérique latine: 1)Discipline budgétaire,
2)Réorientation de la dépense publique, 3)Réforme fiscale,
4)Libéralisation financière, 5)Adoption d'un taux de change
unique et compétitif, 6)Libéralisation des échanges,
7)Elimination des barrières à l'investissement direct
étranger, 8)Privatisation des entreprises publiques
,9)Dérégulation des marchés, 10)Prise en compte des droits
de propriété
Contrat de désendettement et de
développement (C2D) :
Les contrats de désendettement et de
développement constituent le volet bilatéral additionnel
français de l'initiative PPTE. Les C2D sont mis en oeuvre après
le point d'achèvement de l'initiative PPTE. Ils correspondent à
un mécanisme de refinancement par dons des échéances du
service de la dette qui continue à être remboursées par les
pays, selon des modalités définies dans les C2D. Ils
prévoient notamment la pleine association et la participation effective
de la société civile à la mise en oeuvre de ce
mécanisme.
Créanciers publics :
Notion qui recouvre
-les créanciers publics bilatéraux (Etats ou leurs
institutions compétentes), y compris les membres du Club de Paris;
-les créanciers multilatéraux (les institutions
internationales telles que le FMI, la Banque Mondiale ou les Banques
Régionales de développement). Dans le cas de l'initiative, les
créanciers multilatéraux sont: Oasis mirage p36
Crédits commerciaux :
-crédits accordés par une banque ou un
fournisseur à un pays débiteur en contrepartie de l'importation
de biens ou services. Lorsque ces crédits sont garantis par une
institution appropriée de l'un des pays membres du Club de Paris, ils
sont inclus dans les créances traitées lors des
négociations du Club de Paris;
-les crédits «non APD» sont parfois
appelés «crédits commerciaux».
Dette bilatérale :
Ensemble des dettes contractées par un État
auprès d'un autre État.
Dette extérieure :
Ensemble des dettes publiques et privés contractées
auprès d'acteurs extérieurs.
Dette intérieure (ou domestique) :
Ensemble des dettes contractées auprès d'acteurs
résidents dans le pays et exprimées en monnaie locale.
Dette multilatérale :
Ensemble des dettes contractées par un État
auprès d'un groupe d'États ou d'une Institution financière
internationale.
Dette odieuse :
En 1927, Alexander Sack, juriste russe exilé en France,
publie un texte sur les obligations des Etats vis-à-vis des engagements
de leurs prédécesseurs. Il formule la doctrine de la dette
odieuse, suite aux pratiques étatiques qu'il observe. «Si un
pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et dans les
intérêts de l'Etat, mais pour fortifier son régime
despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette
est odieuse pour la population de l'Etat entier. Cette dette n'est pas
obligatoire pour la nation ; c'est une dette de régime, une dette
personnelle du pouvoir qui l'a contractée, par conséquent elle
tombe avec la chute de ce pouvoir»
Dette publique :
Ensemble des dettes contractées par les pouvoirs
publics d'un pays (Etat, administrations publiques, collectivités
territoriales) auprès de créanciers publics ou privés.
Dette publique extérieure :
Elle représente l'ensemble des prêts
contractés par les pouvoirs publics d'un pays auprès de
créanciers (privés ou publics, bilatéraux ou
multilatéraux) extérieurs.
Différé (de paiement) :
Un traitement de dette peut se traduire par un
différé d'une partie de la dett e due immédiatement ou
dans un avenir proche à une date ultérieure. Quand un nouvel
échéancier de remboursement à long terme est
défini, le traitement n'est pas appelé différé mais
reprofilage ou rééchelonnement.
Document de stratégie pour la réduction
de la pauvreté (DSRP) : Document établi par le
gouvernement du pays à faible revenu selon un processus participatif
dans lequel s'impliquent à la fois les parties prenantes au niveau
national et les partenaires extérieurs du développement, dont le
FMI et la Banque mondiale. Le DSRP décrit les politiques et les
programmes macroéconomiques, structurels et sociaux qu'un pays mettra en
oeuvre pendant plusieurs années pour promouvoir la croissance et
réduire la pauvreté; il expose aussi les besoins de financement
extérieur et les sources de financement connexes.
Sa rédaction est obligatoire pour pouvoir
bénéficier de l'initiative PPTE.
Droits de tirage spéciaux du FMI (DTS)
:
Instrument de réserve international créé
par le FMI en 1969 pour compléter les réserves officielles
existantes des pays membres. Les DTS sont alloués aux pays membres
proportionnellement à leur quote-part au FMI. Le DTS sert aussi
d'unité de compte au FMI et à certains autres organismes
internationaux. Sa valeur est déterminée à partir d'un
panier de monnaies.
Faciités de prêts accordés du FMI
:
Facilité pour la réduction de la
pauvreté et pour la croissance (FRPC) et facilité de
protection contre les chocs exogènes (facilité PCE). Les accords
de prêts concessionnels aux pays à faible revenu sont
fondés sur des stratégies exhaustives et pilotées par les
pays qui sont décrites dans leurs documents de stratégie pour la
réduction de la pauvreté (DSRP). Ces dernières
années, la plupart des prêts du FMI ont été
accordés dans le cadre de la FRPC. Les prêts FRPC et PCE sont
assortis d'un taux d'intérêt de 0,5 % seulement par an et sont
remboursables sur
une période de cinq ans et demi à dix ans. La
FRPC proprement dite est le guichet par lequel le FMI accorde des prêts
assortis de faibles taux d'intérêt aux pays à faible
revenu. Les programmes appuyés par la FRPC reposent sur des
stratégies globales d'allégement de la pauvreté qui sont
pilotées par les pays. La FRPC au pays récipiendaire permet
d'appliquer le DSRP dans le cadre de l'initiative PPTE.
Accords de confirmation. Les accords de confirmation
ont pour objectif d'aider les pays à surmonter des difficultés
temporaires de balance des paiements; c'est le type d'accord du FMI le plus
utilisé. Leur durée est en général de 12 à
24 mois et le remboursement normalement compris entre 21/2 et quatre ans. Des
commissions additionnelles s'appliquent aux tirages de montant
élevé.
Mécanisme élargi de crédit.
Cette facilité a été créée en 1974 pour
aider les pays à remédier à des difficultés
prolongées de balance des paiements nécessitant des
réformes économiques plus fondamentales. La durée des
accords au titre du mécanisme élargi est donc plus longue (trois
ans en général). Les pays sont censés rembourser dans un
délai de quatre ans et demi à sept ans. Des commissions
additionnelles s'appliquent aux tirages de montant élevé.
Facilité de réserve supplémentaire
(FRS). Cette facilité a été instituée en 1997
pour répondre à d'importants besoins de financement à
très court terme. La création de cette facilité a
été motivée par la perte soudaine de confiance dont ont
souffert certaines économies de marché émergentes dans les
années 90, qui ont provoqué des sorties massives de capitaux et
nécessité de la part du FMI des concours financiers d'une ampleur
jusqu'alors inégalée. Les pays sont censés rembourser les
emprunts dans un délai de deux ans à deux ans et demi, mais ils
peuvent solliciter une extension ne dépassant pas six mois. Tous les
prêts au titre de la FRS sont assortis d'un taux substantiel de
commission additionnelle de 3 à 5 points de pourcentage.
Facilité de financement compensatoire (FFC).
Créée en 1963, cette facilité visait à
assister les pays confrontés à une chute soudaine de leurs
recettes d'exportations ou à une augmentation du coût de leurs
importations de céréales souvent dues à la fluctuation des
prix mondiaux des produits de base. Les conditions financières de cette
facilité sont similaires à celles d'un accord de confirmation,
mais les prêts ne sont pas assujettis à une commission
additionnelle.
Aide d'urgence. Le FMI débloque une aide
d'urgence aux pays ayant subi une catastrophe naturelle ou sortant d'un
conflit. Les concours au titre de l'aide d'urgence sont assortis du taux de
commission de base, bien que des bonifications de taux d'intérêt
soient offertes aux pays admis à bénéficier de la FRPC, en
fonction des disponibilités. Les prêts doivent être
remboursés dans un délai de trois ans et trois mois à cinq
ans.
Fonds monétaire international (FMI)
:
Institution financière internationale (IFI)
fondée en 1945 suite à la signature des accords de Bretton Woods
et regroupant aujourd'hui 184 pays. Le FMI a pour mission de promouvoir la
coopération monétaire internationale, de garantir la
stabilité financière, de faciliter les échanges
internationaux, de contribuer à un niveau élevé d'emploi
et à la stabilité économique et de faire reculer la
pauvreté.
Fonds vautours :
Fonds d'investissements spécialisés qui
rachètent les dettes d'entreprises en difficulté afin d'en
prendre le contrôle et de les restructurer. Ils s'intéressent
à tous les types de pays, y compris les PPTE.
« Passager clandestin » :
Expression due à Paul A. Samuelson. Elle traduit le
comportement des individus qui bénéficient d'un service collectif
indivisible (dont la consommation de l'un ne prive pas celle des autres), sans
participer à son financement. En d'autres termes, un passager clandestin
est un agent qui profite d'un avantage sans en supporter le coût.
Groupe des Huit (G8) :
Groupe des 8 nations les plus industrialisées (ou les
plus riches). En sont membres les États-Unis, le Royaume Uni,
l'Allemagne, la France, le Japon, l'Italie, le Canada et la Russie, qui a
rejoint officiellement le groupe en 2002. Compris entre 0 (exécrable) et
1 (excellent), il calculé par la moyenne de trois indices quantifiant
respectivement:
-la santé /longévité (mesurées par
l'espérance de vie à la naissance), qui permet de mesurer
indirectement la satisfaction des besoins matériels essentiels tels que
l'accès à une alimentation saine, à l'eau, au logement,
à une bonne hygiène et aux soins médicaux. En 2002, la
Division de la population des Nations Unies a ajusté son estimation des
impacts démographique de la pandémie du VIH/sida pour 53 pays,
contre 45 en 2000.
-le savoirouniveaud'éducation. Il estmesuréparle
taux d'alphabétisation des adultes (pourcentage des 15 ans et plus
sachant écrire et comprendre aisément un texte court et simple
traitant de la vie quotidienne) et le taux brut de scolarisation (mesure
combinée des taux pour le primaire, le secondaire et le
supérieur). Il traduit la satisfaction des besoins immatériels
tels que la capacité de participer aux prises de décision sur le
lieu de travail ou dans la société;
-le niveau de vie (logarithme du produit intérieur brut
par habitant en parité de pouvoir d'achat), afin d'englober les
éléments de la qualité de vie qui ne sont pas
décrits par les deux premiers indices tels que la mobilité ou
l'accès à la culture.
Indice de développement humain (IDH)
:
Indice statistique composite, créé par l'ONU en
1990, permettant de classer les pays du monde au regard de leur
développement qualitatif (et non uniquement économiquement
quantitatif comme le PIB). Compris entre 0 (exécrable) et 1 (excellent),
il calculé par la moyenne de trois indices quantifiant
respectivement:
-la santé /longévité (mesurées par
l'espérance de vie à la naissance), qui permet de mesurer
indirectement la satisfaction des besoins matériels essentiels tels que
l'accès à une alimentation saine, à l'eau, au logement,
à une bonne hygiène et aux soins médicaux. En 2002, la
Division de la population des Nations Unies a ajusté son estimation des
impacts démographique de la pandémie du VIH/sida pour 53 pays,
contre 45 en 2000.
-le savoirouniveaud'éducation. Il estmesuréparle
taux d'alphabétisation des adultes (pourcentage des 15 ans et plus
sachant écrire et comprendre aisément un texte court et simple
traitant de la vie quotidienne) et le taux brut de scolarisation (mesure
combinée des taux pour le primaire, le secondaire et le
supérieur). Il traduit la satisfaction des besoins immatériels
tels que la capacité de participer aux prises de décision sur le
lieu de travail ou dans la société;
-le niveau de vie (logarithme du produit intérieur brut
par habitant en parité de pouvoir d'achat), afin d'englober les
éléments de la qualité de vie qui ne sont pas
décrits par les deux premiers indices tels que la mobilité ou
l'accès à la culture.
Indicateur de pauvreté humaine (IPH) :
Indice permettant de caractériser le niveau de
pauvreté d'un pays. Il a été créé par
l'ONU.
L'IPH-1, dédié aux pays en développement,
est calculé à partir de la moyenne cubique de trois indicateurs
exprimés en pourcentages: -le pourcentage de décès avant
40 ans.
-le pourcentage d'analphabétisme.
-le manque de conditions de vies décentes, il est
lui-même la moyenne arithmétique de trois sous-indices:
°le pourcentage de personne privées d'accès
à l'eau potable; °le pourcentage de personne privées
d'accès aux services de
santé;
°le pourcentage d'enfants de moins de cinq ans souffrant
d'insuffisance pondérale (modérée ou aiguë).
Initiative en faveur des pays pauvres très
endettés (PPTE)/ Heavily Indebted Poor Countries (HIPC) Initiative
:
Dispositif global de réduction de la dette des pays
pauvres très endettés qui appliquent des programmes d'ajustement
et de réforme appuyés par le FMI et la Banque mondiale. À
ce jour, des allégements de dette ont été approuvés
en faveur de 30 pays, dont 25 en Afrique, pour un montant total de 35 milliards
de dollars EU (en valeur actualisée nette au point de décision).
Dix autres pays sont éventuellement admissibles à l'assistance au
titre de l'initiative PPTE et pourraient souhaiter en tirer profit.
Initiative d'allégement de la dette
multilatérale (IADM) :
Initiative visant l'annulation intégrale des
créances admissibles de trois institutions multilatérales sur un
ensemble de pays à faible revenu. L'objectifde l'initiative est d'aider
ces pays à progresser sur la voie des objectifs du Millénaire
pour le développement (OMD) des Nations Unies, dont le but est de
réduire de moitié, à l'horizon 2015, le nombre de
personnes vivant dans la pauvreté.
Institutions financières internationales (IFI)
:
Institutions multilatérales auxquelles adhèrent
des Etats dans le but d'harmoniser les relations financières
internationales. Elles regroupent le Fonds monétaire international
(FMI), la Banque mondiale, ainsi que les banques et les fonds régionaux
de développement (Banque interaméricaine de développement,
Banque africaine de développement, Banque asiatique de
développement, Banque européenne pour la re-
construction et le développement...). La Banque
mondiale et le FMI forment le «noyau dur» des Institutions
financières internationales ; ces dernières avaient pour mission
première de créer un environnement économique favorable
à la reconstruction et au développement de leurs Etats membres,
en particulier ceux qui avaient été affectés par la
guerre.
Microfinance :
Dispositifs permettant d'offrir de très petits
crédits (« microcrédit ») à des familles
très pauvres pour les aider à conduire des activités
productives ou génératrices de revenus leur permettant ainsi de
développer leurs très petites entreprises.
Objectifs du millénaire pour le
développement (OMD) :
Cibles que la communauté internationale s'est
données en vue de réduire de moitié la pauvreté
dans le monde et d'améliorer la situation des plus démunis d'ici
2015. Pour la première fois, en 2000, les 191 pays membres de
l'Organisation des nations unies (ONU) se sont engagés, dans la
Déclaration du Millénaire, à réaliser huit
objectifs d'ici à 2015 : 1)d'éliminer l'extrême
pauvreté et la faim, 2) d'assurer une éducation primaire pour
tous, 3) de promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation
des femmes, 4) de réduire la mortalité des enfants de moins de 5
ans, 5) d'améliorer la santé maternelle, 6) de combattre le
VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies, 7) d'Assurer un environnement
durable, 8) de mettre en place un partenariat mondial pour le
développement
Pays pauvres très endettés (PPTE)
:
Ce terme désigne les pays satisfaisant à des
critères définis par la Banque Mondiale et le FMI les qualifiant
à l'initiative du même nom, destinée à faire
bénéficier ces pays de mesures d'allègements de dette
exceptionnels (Initiative PPTE). Les PPTE sont aujourd'hui au nombre de 42,
dont 38 bénéficient de l'initiative.
Politique d'ajustement structurel (PAS) :
Politique économique préconisée par le
FMI dans le cadre de la conditionnalité. La conditionnalité
permet au FMI de vérifier que l'argent prêté est bien
utilisé pour résoudre les difficultés économiques
de l'emprunteur, de sorte que le pays soit en mesure de le rembourser
rapidement et que les fonds soient ainsi disponibles pour les autres pays qui
en ont besoin. En effet, les prêts du FMI sont généralement
condi-
tionnés par l'adoption de politiques aptes à
résoudre les difficultés de balance des paiements d'un pays et
à permettre au gouvernement de rembourser le FMI.
Position extérieure :
La position extérieure d'un pays retrace l'ensemble de
ses créances et de ses engagements (au sens large) à
l'égard du reste du monde en encours (à un moment donné et
non pendant une période donnée comme c'est le cas pour les
flux).
La position extérieure est mesurée par le solde
des investissements étrangers (différence entre les
investissements entrants et sortants), celui des investissements en
portefeuille, des produits financiers dérivés, des autres types
d'investissements et des avoirs de réserve.
Quote-part au FMI :
Les quotes-parts génèrent l'essentiel des
ressources financières du FMI. Chaque pays membre se voit attribuer une
quote-part sur la base de son importance relative dans l'économie
mondiale. La quote-part d'un pays membre détermine le montant maximum de
res sources financières que le pays s'engage à fournir au FMI et
le nombre de voix qui lui est attribué, et détermine le montant
de l'aide financière qu'il peut obtenir du FMI. À la fin mars
2007, leur total se chiffrait à 216,7 milliards de DTS (environ 327,3
milliards de dollars EU).
Réaménagement de la dette :
Issue d'une négociation entre le débiteur et le
créancier ayant pour finalité de modifier la nature de la dette
ou de son remboursement. Cinq types de réaménagement peuvent
être définis:
-la transformation des prêts en subventions,
-l'allègement des sommes dues au titre d'amortissement
ou d'intérêt. Remise partielle ou totale de la dette qui peut se
limiter aux amortissements ou aux intérêts, ou concerner
l'ensemble de la dette (stock compris),
-le rééchelonnement, qui consiste en un
ajournement des charges relatives aux engagements, ce qui permet au
débiteur de différer les transferts pendant une période de
grâce stipulée dans l'accord de réaménagement,
-la consolidation, qui se traduit notamment par un changement
d'échéancier, c'est-à-dire par l'établissement d'un
nouveau calendrier de paiements avec possibilité de redéfinition
de l'amortissement. La consolidation peut concerner les arriérés
de paiement ou les paiements futurs, ou encore ceux dus au titre
d'intérêts,
-le refinancement, qui consiste en un maintien de
l'échéancier existant, le pays débiteur assurant les
divers règlements aux dates arrêtées à l'origine.
Cependant, le débiteur reçoit les devises nécessaires pour
assurer les règlements, grâce à de nouveaux prêts que
financent les créanciers. Il s'impose souvent dans deux conditions: 1)
lorsque la concentration des échéances est telle que celles-ci ne
peuvent être financées par des emprunts à des conditions
normales sur le marché, mett ant ainsi le pays dans une crise de
liquidités ou 2) lorsque le pays emprunteur est dans une situation lui
rendant pratiquement impossible l'obtention de nouveaux crédits à
des conditions normales.
Cas du refinancement par don : mécanisme sui consiste
pour le débiteur à continuer de rembourser les
échéances dues en contrepartie d'un don équivalent
versé par le créancier en retour. La France applique le
refinancement par don dans le cadre de ses Contrats de désendettement et
de développement (C2D).
Service de la dette :
Somme versée annuellement pour le remboursement de la
dette extérieure, composée du principal et des
intérêts du capital emprunté. Le principal correspond au
montant emprunté et non encore remboursé mais qui devra
l'être tôt ou tard. C'est sur celui-ci que sont calculés les
intérêts.
Stock de la dette :
Montant total des emprunts contractés par un Etat.
Traitement concessionnel, concessionnalité
:
La concessionnalité peut correspondre soit à une
annulation d'une par-tie des créances, soit à un
rééchelonnement de la dette sur une longue période
à un taux d'intérêt inférieur au taux de
marché approprié. On parle de concessionnalité lorsque le
traitement de la dette se traduit par une diminution de sa valeur actuelle
nette.
Valeur actuelle nette (VAN) :
Mesure du degré de concessionnalité de la dette.
Elle se définit comme la somme actualisée au taux de
marché approprié des annuités (intérêt et
principal) restant à courir sur une dette existante. Ainsi, dès
lors que le taux d'intérêt appliqué à un prêt
est inférieur au taux de marché, la VAN de celui-ci est
inférieur à sa valeur nominale.
Bibliographie
Ouvrages :
-Hugon P., 2003, Economie de l'Afrique, collection
Repères, éditions La Découverte.
-Millet D. et Toussaint E., 2002, 50 Questions 50 Réponses
sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, éditions Syllepse.
-Zacharie A. et Malvoisin O., 2003, FMI, La main visible,
éditions Labor.
-Stiglitz J. E., 2002, La grande désillusion,
éditions Fayard.
-Banque Africaine de développement, 2006, Rapport sur
le développement enAfrique, L'aide, l'allègement de la dette et
le développement en Afrique, éditions Economica.
-Millet D., 2005, in l'Afrique sans dette, éditions
Syllepse.
-Nguena O. J., 2005, L'initiative PPTE, Quels enjeux pour
l'Afrique?, éditions L'Harmattan
-Toussaint E. et Zacharie A., Sortir de l'impasse, Dette et
ajustement, éditions Syllepse
-Stiglitz J. E., 2006, Un autre monde, Contre le fanatisme du
marché, éditions Fayard.
Sitothèque des articles :
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http://www.lamicrofinance.org/section/faq
Résumé
La région d'Afrique subsaharienne a longtemps
été absente des analyses économiques et financières
touchant à l'endettement. Le continent le plus touché par les
fléaux de la pauvreté et de la dette n'a, dans les premiers
temps, été considéré que sous l'angle de la
mauvaise gouvernance économique. La responsabilité de sa
situation lui a alors été imputée injustement, compte tenu
de sa dépendance politique1 à l'égard du reste
du monde. Cette unique culpabilité a fait de la zone la première
victime des plans d'ajustement structurel (PAS). Le terme victime est
pesé, tant les pays de cette région sont censurés quant
à leur choix de vie ou leurs choix économiques.
Les PAS, avec une vision strictement marchande de la
croissance et du développement, ne pouvaient ainsi réussir dans
leur volonté de rendre la dette soutenable. Et ils ont même
échoué. Car ils ont oublié que le processus d'endettement
ne peut être enclenché qu'à travers l'interaction de deux
agents ; le créancier, qui offre, et le débiteur, qui demande.
Or, la volonté du Fonds monétaire international (FMI) et de la
Banque mondiale, de gérer le surendettement aux moyens de la rigueur du
comportement public, et de l'extraversion du comportement privé ne peut
aboutir dans une économie sous-développée. Et sans
investisseurs, sans financements internes susceptibles de créer un
véritable marché, et avec aussi peu de moyens publics, l'Etat est
contraint de s'endetter pour développer son pays. Les PAS, loin de
décourager la persistance de cette pratique, l'ont favorisée.
Les initiative en faveur des pays pauvres très
endettés (IPPTE), en 1996 et 1999, puis l'initiative d'allègement
de la dette multilatérale (IADM), en 2005, visant respectivement
à réduire la dette de tels pays puis à annuler leur part
multilatérale (due aux institutions multilatérales à
l'instar du FMI et la Banque mondiale) veulent remédier aux
échecs des premières tentatives de gestion du surendettement
africain. En participant aux Objectifs du Millénaire pour le
développement (OMD), qui souhaitent globalement réduire
l'extrême pauvreté de moitié d'ici seulement huit ans,
elles ont adopté une ligne directrice novatrice. Les PPTE doivent
désormais être assis «sur le siège du conducteur»
afin de mener les réformes qui leur permettront d'absorber correctement
les fonds dégagés par les allègements.
Toutefois, les actes s'éloignent des discours et,
depuis dix ans maintenant, l'initiative PPTE souffre des mêmes limites.
De l'insuffisance des PPTE identifiés, aux allègements trop
marginaux, en passant par des conditionnalités touj ours teintées
d'ingérence par les IFI et touj ours aussi délicates à
mettre en oeuvre, l'initiative PPTE peine à remplir sa mission. Les
résultats positifs ne sont ainsi que de court terme.
Contribuer à la réussite de OMD pour 2015,
à travers le désendettement soutenable de l'Afrique
subsaharienne, suppose alors obligatoirement la construction d'un cadre de
négociation plus équitable, teinté d'un engagement mutuel
à moyen, voire à long terme. Si la responsabilité des
créanciers et les intérêts des débiteurs ne sont pas
officiellement pris en compte, la région ne parviendra pas à un
taux d'endettement soutenable en si peu de temps. Quels que soient les efforts
impliqués, c'est toute l'architecture financière, et plus
largement politique, internationale qui doit être redessinée. La
dette représente un fardeau tel, qu'elle demande l'institutionnalisation
d'une instance spécifique à son égard, capable de
contrecarrer les faiblesses de l'IPPTE. Un tel Tribunal international de la
dette serait en outre en mesure de pallier la partialité des
institutions qui gèrent actuellement le désendettement, d'annuler
les «dettes odieuses », celles contractées aux fins
personnelles des régimes politiques illégitimes aux dépens
de la survie de leurs populations, et de contraindre la participation pleine et
entière de tous les créanciers concernés par le but du
désendettement soutenable.
Ce n'est que par la suite qu'une politique de
réendettement soutenable devra passer pas la saine conjugaison des
performances économiques et du progrès social, dont les
modalités seront cette fois-ci laissées à
l'appréciation du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes.
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