L'implication dans les travaux d'un groupe projet assure-t-elle un engagement individuel dans la diffusion du projet au sein de l'organisation ?( Télécharger le fichier original )par Christophe Fié Université d'Evry Val d'Essonne - D.E.S.S. - Dynamique humaine et développement de l'organisation 1994 |
A - Influence sociale et conformismeNorme de groupe41(*) : croyances partagées par les membres au sujet des comportements appropriés ou non-appropriés dans des situations spécifiques. Les expériences de Elton Mayo42(*) à l'usine Hawthorne ont mis en évidence l'existence de l'influence du groupe sur l'individu. Elles ont révélé l'importance de la vie de groupe et son influence sur les comportements de chacun de ses membres. Dans un premier temps il mit en évidence l'existence d'une norme informelle de production qui contraignait chaque ouvrière à produire autant que les autres. Elles produisaient individuellement un nombre de pièces identique aux autres en dépit des modifications apportées lors des expériences ou en cas d'incident sur la ligne de production. Dans un second temps il remarque que chaque incident ou chaque tension entre des personnes provoquait un malaise qui retentissait sur le niveau de production de l'ensemble du groupe. Il existait une vie de groupe qui se caractérisait par un "moral" de groupe influencé par les tensions, clivages et oppositions entre les personnes. L'existence de cette "vie" de groupe et de l'existence de normes propres au groupe a été confirmée par les travaux de M. Sherif43(*). Dans l'obscurité totale, des individus devaient estimer l'amplitude du mouvement d'un point lumineux (en réalité il ne bouge pas - mouvement autocinétique). Cette estimation était réalisée en situation individuelle et en situation de groupe. Le sujet individuel avait 100 mesures à réaliser. Les résultats montrent que chaque sujet se constitue une norme individuelle (un point de référence) et un écart de variation dans les mesures qui lui est propre et qu'il tend à le reproduire les jours suivants si on répète l'expérience avec lui. Les groupes comprenaient 2 ou 3 sujets, chacun annonçant à haute voix son résultat. Si par la suite le sujet continue à travailler seul, il conserve l'écart de variation et la norme de son groupe. S'il change de groupe, ses estimations continuent pendant un certain temps à dépendre des normes du premier groupe. 44(*)"Après les expériences, nous concluons que, lorsqu'un individu perçoit un mouvement autocinétique dépourvu de point de référence objectif et lorsqu'on lui demande au cours d'une stimulation répétée de rendre compte de l'amplitude du mouvement, il établit subjectivement un écart de variation d'amplitude et une norme à l'intérieur de cet écart, qui lui sont propres et qui sont différents de l'écart et de la norme d'autres individus. Lorsque des individus affrontent ensemble pour la première fois la même situation en tant que membres d'un groupe... il est établi une norme et un écart propre au groupe. Lorsqu'un membre du groupe affronte seul la même la même situation ultérieurement, après que l'écart et la norme de son groupe soient établis, il perçoit la situation d'après l'écart et la norme qu'il transfère de la situation de groupe.." Les travaux de Asch45(*) montrent que cette norme de groupe exerce une pression sur le jugement personnel. Il utilise un ensemble de cartes présentant chacune une ligne dont la longueur servira d'étalon de comparaison et un ensemble de carte présentant chacune 3 lignes dont l'une est de même longueur que celle de la ligne étalon et dont les deux autres sont aisées à différentier par rapport à cette longueur. Les sujets isolés n'ont aucune difficulté à donner une estimation correcte de la longueur de 3 lignes inégales par rapport à celle de la ligne étalon. Mais lorsqu'ils doivent exprimer publiquement leur jugement en présence d'autres personnes donnant délibérément des estimations erronées, des conflits surgissent pour environ un tiers des sujets qui cèdent à la pression et donnent des réponses objectivement inexactes. On remarque que la situation de groupe va avoir tendance à conduire à une convergence rapide des points de référence (normes) et des écarts de variation propres à chaque individu. Les normes individuelles sont remplacées par une norme unique et commune. Peut-on en déduire que l'implication et l'engagement de l'individu sont corrélés à la norme du groupe dans ce domaine? Quelles sont les caractéristiques propres au groupe qui peuvent favoriser ces phénomènes ? Des travaux postérieurs ont mis en évidence que l'influence du groupe sur l'individu va dépendre des caractéristiques intrinsèques du groupe. W. G. Scott et Mitchell T. R.46(*) font une synthèse des travaux réalisés dans ce domaine, ce qui leur permet de regrouper en 4 catégories les caractéristiques intrinsèques du groupe ayant une influence directe sur la tendance à la normalisation des comportements et au conformisme. l'exigence de la tâche. Le degré d'ambiguïté de la réponse à apporter et le fait de savoir s'il y a une réponse. Dans une situation ambiguë ou la réponse à apporter n'apparaît pas de façon claire au groupe, le conformisme est plus important. Plus l'individu éprouve un sentiment d'insécurité en ce qui concerne la bonne façon d'exécuter une tâche, plus il sera susceptible de faire usage de l'information qui lui sera donnée par les autres. les caractéristiques du fonctionnement du groupe. L'unanimité du groupe est en rapport étroit avec le nombre de fois ou l'individu se sera conformé au groupe. C'est-à-dire que l'individu aura d'autant moins tendance au conformisme lorsqu'il n'y aura pas unanimité au sein du groupe. Le nombre de membres du groupe est également un facteur de conformisme. Caractéristiques de la personnalité des membres du groupe. R. S. Crutchfield47(*) a établi un rapport entre une gamme de tests de personnalité et le degré de conformisme atteint dans un groupe. Il obtient des résultats négatifs en ce qui concerne le conformisme d'une part et l'intelligence, la tolérance, et la force de la personnalité d'autre part. Les individus tolérants, intelligents et dotés d'une forte personnalité (par rapport à la moyenne des tests réalisés auprès de la population étudiée) auront moins tendance à se conformer que ceux ayant des résultats inférieurs à la moyenne des résultats des tests. Il obtient un rapport positif vis-à-vis du conformisme avec une certaine mesure de l'autoritarisme et de la rigidité. Des résultats supérieurs à la moyenne des résultats sur ces 2 dimensions sont étroitement corrélés à une tendance au conformisme vis-à-vis du groupe. Combinaison entre la tâche, le groupe et les individus. Il semble y avoir un rapport étroit entre le fait de travailler avec d'autres individus dans un climat de sympathie mutuelle et le degré d'influence que chacun des membres du groupe aura sur l'autre. A partir de ces travaux nous pouvons identifier 4 facteurs qui influencent le conformisme vis-à-vis du groupe et peuvent donc influencer l'engagement et l'implication individuelles : l'incertitude liée à la tâche, l'unanimité et la taille, la personnalité des membres du groupe, les affinités et interrelations entre membres du groupe. En ce qui concerne l'incertitude liée à la tâche, elle a tendance à conduire à une normalisation des comportements. La normalisation réduisant l'insécurité. Nous pouvons considérer que ce point est validé et identifier une première variable influençant le conformisme et ayant donc une influence sur les comportements de l'individu. En ce qui concerne les caractéristiques de la personnalité des membres du groupe, l'unanimité et la taille, les interactions entre les membres du groupe, nous devons étudier par quels mécanismes ils influencent l'individu. Les études présentées ci-dessus intègrent des variables qui peuvent influencer la relation de l'individu au groupe et donc avoir un effet sur ses attitudes. Nous étudierons successivement : les affinités et attractions entre les membres du groupe, la cohésion et le dynamisme du groupe, la participation aux travaux du groupe. * 41 Dictionnaire de psychologie, P.U.F., 1991. * 42 Relatée à partir de Bernoux P. "La sociologie des organisations", Point Essai, n°180, 1985. * 43 Sherif M. "An experimental approach to the study of attitudes" Sociometry, n°1, 1937 in Ghuiglione R. & Bromberg " Cours de psychologie" tome 1, chap 2, Dunod, 1993. * 44 Sherif M. "An experimental approach to the study of attitudes" Sociometry, n°1, 1937 in Ghuiglione R. & Bromberg, déjà cité. * 45 Asch S. E. "Effects of group pressure upon the modification and distorsion of judgements" in Maccoby & Newcomb & Hartlet "Readings in social psychology" Holt, 1952. * 46 Scott W. G. & Mitchell T. R. "Organisation et structure d'entreprise : Analyse des comportements" publi-Union, 1972. * 47 Crutchfield "Conformity and character" American Psychologist, vol 10, 1955, p-191-198. |
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