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L'évolution de la notion d'associé

( Télécharger le fichier original )
par Florent Kuitche et Philippe Mankessi
Université Nice Sophia antipolis - Master II droit économique des affaires 2007
  

Disponible en mode multipage

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    Année académique 2007- 2008.

    Faculté de droit, des sciences politiques, économiques et de gestion.

    Master II Recherche, Mention administration des affaires, spécialité droit

    Économique des affaires

    Mémoire

    L'évolution de la notion d'associé

    Sous la direction d'Irina Parachkévova.

    Maître de conférences.

    Présenté par :

    - M. Kuitche Takoudoum Florent.

    - Mlle Mankessi Philippe

    Table des principales abréviations.

     
     

    Al.

    Alinéa

    Art.

    Article

    Bibl.

    Bibliothèque

    Bull. Joly

    Bulletin Joly

    CA.

    Cour d'appel

    Cass. civ.

    Arrêt des chambres civiles de la Cour de cassation

    Cass. com.

    Arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation

    C. civ.

    Code civil

    Coll.

    Collection

    CF.

    Confère

    D.

    Dalloz

    Dr. Priv.

    Droit privé

    EARL

    Entreprise agricole à responsabilité limitée.

    Ed.

    Edition

    Fasc.

    Fascicule

    Gaz. Pal.

    Gazette du Palais

    GIE.

    Groupement d'intérêt économique

    JCP

    Juris-classeur Périodique (Semaine juridique)

    JO

    Journal Officiel

    JORF

    Journal officiel de la République Française

    LGDJ

    Librairie générale de droit et de jurisprudence

    N.

    Notes

    Numéro

    Obs.

    Observation

    Op. cit.

    Opere citato (ouvrage précité)

    P.

    Page

    Préf.

    préface

    P.U.F

    Presse universitaire de France

    Rev. Soc.

    Revue des sociétés

    RTD com. (civ)

    Revue trimestrielle de droit commercial. (civil)

    SA.

    Société anonyme

    SARL.

    Société à responsabilité limitée

    SASU

    Société par action simplifiée unilatérale

    SCA

    Sociétés en commandites par action

    T.

    Tome

    V.

    voir

    SOMMAIRE

    Introduction

    Partie I : la remise en cause de la notion conceptuelle d'associé.

    Chapitre I : Les critères enrichis.

    Section I : l'émergence des quasi-apports.

    Section II : la reconnaissance de l'associé unique.

    Chapitre II : les critères affaiblis.

    Section I : le recul de l'affectio societatis.

    Section II : l'accroissement relatif de la participation au résultat.

    Partie II : l'extension de la notion fonctionnelle d'associé.

    Chapitre I : l'usage diversifié de la notion d'associé.

    Section I : les situations de concours.

    Section II : la notion d'associé élargie à l'investisseur professionnel.

    Chapitre II : la disparité de la notion d'associé.

    Section I : l'unité relative de la notion.

    Section II : une refonte nécessaire de la notion d'associé.

    Introduction.

    Malgré la totale remise en cause des critères sur la base desquels se fonde la notion d'associé, il n'en reste pas moins que cette notion demeure indispensable dans le droit des sociétés.

    En effet, la notion d'associé est à la base du contrat de société. Elle en est une composante essentielle. C'est la raison pour laquelle, il nous paraît indispensable, d'être attentif aux évolutions qui lui sont liées.

    Etymologiquement, le terme « associé » vient du latin « socius », qui peut signifier compagnon, allié, ami ; il s'agit de changer l'altérité en amitié, d'agir en commun, de créer ensemble ...1(*). Il existe plusieurs types d'associés et la tendance contemporaine est à en créer d'avantage. Ainsi, à côté de l'associé ordinaire du code civil, on rencontre, l'associé de la société civile, l'adhérent de la société coopérative, voire le partenaire, sans oublier l'actionnaire, et la liste n'est pas exhaustive.

    Toutefois, il est important de noter qu'il n'existe quasiment pas de définition juridique de l'associé. Un regard synoptique jeté sur la plupart des lexiques juridiques usuels2(*) nous permet de constater qu'aucune définition n'est consacrée au terme « associé ». Néanmoins, une définition générale nous est proposée par Le nouveau Petit Robert3(*) selon laquelle, « un associé est une personne qui met en commun son activité ou ses biens dans une entreprise ».

    Le constat est que le législateur ne définit pas l'associé, parce qu'il considère qu'une telle définition est toute entière contenue dans la définition de la société donnée à l'article 1832 du Code Civil4(*). Cela est toujours vrai après la réforme apportée par la loi du 4 Janvier 19785(*) ainsi que pour les récentes réformes législatives6(*).

    Néanmoins, dans le passé, le législateur a tenté de définir l'associé. En effet, l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi du 23 janvier 1929 relative aux parts de fondateurs, dispose : «  les titres, qui sont en dehors du capital social ne confèrent pas à leurs propriétaires la qualité d'associé ».7(*) Cependant, il s'agit d'une définition que l'on pourrait qualifier de négative, dans la mesure où le législateur ne détermine pas, dans ce texte, qui est associé, mais seulement qui n'est pas associé. Par suite, l'intérêt de la définition se trouve limité à son unique objet : la qualité de porteur de parts de fondateur. La lacune législative est évidente en matière de notion d'associé.

    A cet égard, la position des droits étrangers n'est pas différente. La loi anglaise de 1948 sur les sociétés anonymes, par exemple, ne définit pas l'actionnaire. Certes, le droit anglais connaît l'institution du « Register of members », toute personne inscrite sur ce registre étant réputée actionnaire8(*). On pourrait donc en déduire qu'il y a là une définition de l'actionnaire ; il n'en est rien. Le registre n'a qu'une fonction probatoire et l'inscription ou l'absence d'inscription ne constituent pas une présomption irréfragable de la reconnaissance de la qualité d'actionnaire ou de sa négation. Il est d'autant moins concevable de voir dans l'inscription au registre un critère de la notion d'associé qu'il faut d'abord déterminer qui doit être inscrit, c'est-à dire qui est associé.

    Le droit positif allemand ne contient pas d' avantage une définition de l'associé ; la loi sur les sociétés à responsabilité limitée, comme la loi relative aux sociétés anonymes, ne traitent pas de la notion d'associé. La position du droit Suisse est semblable, le Code civil et le Code des obligations n'étudiant pas la notion d'associé.

    Compte tenu de cette absence de définition législative de la notion d'associé, c'est aux tribunaux et à la doctrine qu'il appartient de forger les éléments de critères entrant dans la définition de la notion d'associé.

    Les difficultés posées par la détermination de la qualité d'associé au juge sont résolues au fur et à mesure qu'elles se présentent, et les décisions rendues ne se fondent pas sur une analyse d'ensemble de la notion d'associé. C'est ainsi que les questions comme le décompte du nombre des associés ou l'attribution du droit d'agir en dissolution en cas d'actions ou de parts indivises9(*), ou encore, la détermination des participants aux assemblées générales en cas d'usufruit de droits sociaux10(*), reçoivent des réponses partielles, qui ne résultent pas d'une étude d'ensemble de la notion d'associé, mais qui sont seulement inspirées des circonstances ou des règles propres à l'indivision ou à l'usufruit. Le nu-propriétaire d'action, par exemple, vote aux assemblées générales extraordinaires, sans que cette solution, reprise par le législateur, soit la conséquence d'une prise de position sur la qualité d'associé11(*).

    La doctrine quant à elle paraît se désintéresser de l'étude de la notion d'associé. Peu d'auteurs donnent une définition de l'associé, et ils sont encore moins nombreux à procéder à une analyse de cette notion. Le seul auteur ayant consacré une étude approfondie à la notion d'associé est Monsieur Viander12(*). Mais ce dernier n'en a pas non plus proposé une définition concrète. Un tel silence peut être expliqué de différentes manières. En premier lieu, il faut noter la désaffection croissante pour l'étude des notions fondamentales. Le chercheur, submergé par l'avalanche de reformes, est obligé de consacrer de plus en plus de temps et d'efforts pour comprendre et pour expliquer les innovations législatives, réglementaires ou pratiques. Il suffit pour s'en convaincre, de constater la disproportion existant entre le nombre de thèses, mémoires ou articles sur le groupement d'intérêt économique, l'offre public d'achat, les groupes de sociétés et les travaux relatifs à la notion d'associé ou de société.

    Pourtant, la notion d'associé est sans doute l'une de celles qu'on utilise le plus en droit des sociétés. En témoigne l'actualité en la matière, car la Cour de Cassation en sa branche commerciale, par un arrêt récent rendu en date du 23 OCTOBRE 2007, s'évertuait encore à déterminer si les clauses d'exclusion interdisant à un associé de voter lors de la délibération relative à son exclusion devraient être validées ou pas13(*). Plus récemment, en date du 8 novembre 2007, la première chambre civile a été appelée à se prononcer sur la validité ou non du cautionnement d'une dette d'un associé14(*).

    Plus largement encore, on constate que le terme « associé » est d'un usage courant. Excepté les théoriciens et les praticiens du droit, il est fréquemment utilisé par toute personne qui adhère à un contrat de société.

    Aussi, l'emploi régulier de cette notion fonde l'intérêt qu'on lui porte dans ces développements. Ainsi, se pencher sur l'évolution de la notion d'associé est d'autant plus important qu'il s'agit théoriquement, d'une part de vérifier si l'une des bases sur laquelle a toujours reposé le droit des sociétés a conservé sa rigidité. En effet, le critère de l'existence d'associés étant, avec la participation aux résultats, la mise en commun des apports et l'affectio societatis, l'une des conditions fondamentales d'existence d'une société, les changements que peut subir l'un de ces critères par l'usure du temps peuvent avoir d'importantes conséquences sur la stabilité de la notion de société. D'autre part, il s'agit, d'apporter notre modeste contribution à l'effort de sensibilisation du législateur sur la nécessité de construire une définition juridique appropriée de la notion d'associé.

    D'un point de vue pratique, il s'agit d'un effort mené afin de distinguer de manière évidente ceux qui sont associés de ceux qui ne le sont pas dans le fonctionnement d'une société. Ce d'autant que les relations qu'entretiennent les associés tant entre eux qu'avec la société ou les tiers, peuvent avoir d'importantes conséquences pour la vie de la société. Ainsi, tous les acteurs sociaux ont un intérêt certain à ce qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés au sujet de la détermination de la qualité d'associé. Telle est par exemple le cas de la détermination de cette qualité au sujet de titulaires de droits sociaux démembrés ou indivis.

    Par ailleurs, on constate qu'avec le développement de certaines pratiques dans le monde des affaires, la volonté de s'attribuer la qualité d'associé n'est pas dénuée de toute considération économique. Tel est le cas de l'investisseur professionnel qu'on assimile aujourd'hui à un associé.

    Par conséquent, face à la multiplicité des centres d'intérêts que génère la notion d'associé aujourd'hui, une question se pose: est-ce que la notion d'associé est-elle toujours homogène ?

    Pour mieux comprendre l'orientation de notre raisonnement, il convient de préciser que le législateur, à l'époque de la rédaction du code civil estimait que la notion d'associé découlait logiquement de celle de société. De ce fait, les textes attribuaient la qualité d'associé à toute personne tant morale que physique, remplissant les conditions requises pour adhérer à un contrat de société. Ces conditions se déduisaient de l'article 1832 du code civil qui faisait état de ce que, pour la création d'une société, il faut la pluralité d'associés, la mise en commun des apports, la contribution aux résultats, à quoi la doctrine a fort logiquement ajouté l'affectio socitatis. Autrement dit, l'associé de l'époque était celui qui avait rempli cumulativement toutes ces conditions précitées. Cela ne constituait pas en soi une préoccupation, parce que le concept d'associé correspondait effectivement aux exigences du code civil, adapté aux circonstances sociales de cette période. Cette conception de la chose prévaut encore aujourd'hui, car, l'article 1832 du code civil n'a depuis lors, presque pas été modifié. Ainsi les critères d'attribution de la qualité d'associé d'aujourd'hui sont textuellement les mêmes que ceux de l'époque. Or, de 1804 à nos jours, beaucoup d'eau à coulé sous les ponts. Les critères de définition de la société ont été largement remis en cause si bien qu'on se demande si cela n'a pas de conséquences négatives sur la notion d'associé telle que conçue en ce temps là.

    Paradoxalement, et en dépit de ces débats qui agitent la doctrine sur le concept d'associé, on constate que cette notion est de plus en plus utilisée dans le fonctionnement des sociétés. L'altération des critères d'attribution de la qualité d'associé laisse place à la multiplication des types d'associés, tels le nu-propriétaire, l'usufruitier, voir l'investisseur... . Cet état de chose nous fait penser qu'il existe une certaine disparité de la notion d'associé.

    C'est pourquoi à la question de savoir si la notion d'associé est aujourd'hui encore homogène, nous répondons par la négative. En effet, s'il est évident que les bases conceptuelles de la notion d'associé sont sérieusement ébranlées (première partie), toujours est-il qu'on constate une extension fonctionnelle de celle-ci (deuxième partie).

    Partie I : la remise en cause de la notion conceptuelle d'associé.

    Les temps changent et les choses évoluent ! Les règles juridiques ne constituent pas une exception à cette adage, car elles sont appelées à subir l'usure du temps. C'est ce qui explique leur constante remise en question par la doctrine et la jurisprudence. La notion d'associé a également subi des restrictions importantes, car ses bases conceptuelles ont été largement battues en brèche. Parmi les conditions à remplir pour se voir attribuer la qualité d'associé, certaines ont été enrichies (Chapitre I), tandis que d'autres ont été appauvries (Chapitre II).

    Chapitre I : Les critères enrichis.

    Certains critères d'origine permettant d'attribuer la qualité d'associé, ont vu leur champ d'application s'étendre. Il en est ainsi de la mise en commun des apports, qui a vu se développer à ses côtés, des techniques nouvelles proches des apports, que la doctrine qualifie de quasi-apports (Section I). De même, le critère de la pluralité d'associés s'est vu complété par la reconnaissance de la catégorie d'associé unique (Section II).

    Section I : L'émergence des quasi-apports.

    La mise en commun d'apports permet la constitution de la société. En effet l'apport se définit comme un bien ou une valeur que chaque associé met en société et en contrepartie duquel des parts sociales ou des actions lui sont remises ou attribuées15(*). A côté des apports traditionnels (Paragraphe 1) sont venus s'ajouter de nouvelles techniques proches des apports que la doctrine qualifie de quasi-apports (paragraphe II).

    P1) Les apports traditionnels.

    Il existe traditionnellement trois types d'apports que sont les apports en nature, en industrie, et en numéraire. Les apports en nature sont ceux qui ont pour objet les biens corporels, mobiliers ou immobiliers, ou des biens incorporels, tel qu'un droit de propriété industriel. Ils réalisent un transfert de droits donnant lieu à une rémunération sous forme de droits sociaux au terme d'une évaluation soumise dans les sociétés à risque limité, à une procédure de commissariat aux apports. La réalisation des apports en nature se fait par la mise à disposition effective des biens16(*). L'objet de l'apport en nature peut être un droit de propriété (un immeuble ou un fonds de commerce), un autre droit réel (apport en usufruit ou en nue-propriété)17(*), ou un droit de jouissance (actions cotées ou parts de sociétés de personnes).

    Concernant les apports en industrie, ce sont des apports par l'associé à la société de son activité et de ses capacités techniques (connaissances, travail, service) dans le domaine spécifié, qui rend l'apporteur comptable envers la société de tous les gains qu'il réalise par son activité.18(*) Les apports en industrie donnent lieu à l'acquisition du titre d'associé et à la reconnaissance des droits sociaux de partage des résultats de la société19(*) ; en revanche, ils ne contribuent pas à la formation du capital social. Avec la loi du 15 mai 2001, les statuts déterminent les modalités selon lesquelles peuvent être souscrites des parts sociales en industrie20(*). Cette loi confirme en effet le fait que les apporteurs en industrie ne contribuent pas à la formation du capital social. Cependant, un arrêt rendu par la première chambre de la cour de cassation en date du 30 mars 2004, retient que l'apporteur en industrie est un véritable associé, peu important pour cela qu'il ne participe pas au capital social21(*). On rappellera que l'apporteur en industrie, bien qu'ayant la qualité d'associé, est privé des attributs patrimoniaux puisque ses droits sont incessibles.

    Pour ce qui est de l'apport en numéraire, il s'agit de la mise à disposition définitive de la société, lors de sa création, ou à l'occasion d'une augmentation de capital, d'une somme d'argent déterminée dont la propriété lui est définitivement transférée, contre une rémunération consistant en l'attribution de droits sociaux. Tout apport doit être réel et sérieux, autant que la dépossession de l'apporteur doit être réelle et durable. Tel n'est pas le cas et l'apport est fictif en cas de retrait de fonds par les associés quelques jours après la constitution de l'apport.

    P2) le développement des quasi-apports.

    Ces dernières années ont vu apparaître, à côté des apports traditionnels portant sur la propriété et la jouissance, des techniques nouvelles qui consistent à mettre un bien ou une somme d'argent à la disposition d'une société. C'est ce que fait par exemple le titulaire d'un bail rural à qui un véritable apport est interdit, ou le bailleur de fonds qui préfère le prêt participatif aux formules plus tranchées soit de l'apport en numéraire soit du prêt de droit commun. Ceux qui effectuent ces opérations deviennent plus que des créanciers, mais demeurent moins que des associés. Aux quasi-apports correspondent les quasi-associés22(*). Les quasi-apports sont donc des techniques nouvelles qui se situent entre les apports en société traditionnels et les créances externes envers la société. L'incorporation des apports au capital social et l'attribution de droits sociaux en contrepartie des apports sont les deux critères qui permettent de distinguer un apport d'une créance externe. Il en va différemment des comptes courants d'associé23(*), des prêts ou des titres participatifs...

    Les comptes courants d'associé sont définis comme des avances faites par des associés à la société « soit en versant des fonds dans la caisse sociale, soit en laissant à la disposition de la société des sommes qu'ils renoncent temporairement à percevoir (notamment dividendes, rémunération de certaines fonctions) ». Les auteurs s'accordent généralement pour qualifier le compte courant d'associé d'instrument d'un contrat de prêt par lequel l'associé met les fonds à la disposition de la société ». Le droit du titulaire du compte envers la société est un droit de créance qui trouve son origine dans un contrat de prêt. Sa qualité de créancier prêteur ou d'emprunteur, lorsque le compte est débiteur vient s'ajouter à celle d'associé avec laquelle elle ne doit pas être confondue24(*).

    Les droits et obligations des associés résultent du contrat de société et diffèrent des droits et obligations que l'associé tire du contrat de prêt constaté par le compte courant d'associé. Il en résulte qu'en principe l'associé dont le compte est créditeur se trouve dans la situation d'un créancier externe de la société, et non dans celle d'un apporteur. Le prêt consenti à l'associé ne donne pas lieu en principe à l'attribution de droits sociaux. La somme ainsi prêtée ne devrait donc pas faire partie du capital social. Pourtant cette analyse juridique ne correspond pas à l'analyse comptable et financière qui assimile les comptes d'associés à des fonds propres, alors que ne donnant pas lieu à l'attribution de droits sociaux, ils ne devraient pas être assimilés à des apports.

    Cette assimilation à des capitaux propres s'opère, d'une part, lorsque les associés sont personnellement responsables des dettes de l'entreprise, et d'autre part lorsque, dans les sociétés de capitaux, certains aménagements conventionnels sont apportés aux obligations du titulaire du compte. Dans chacune de ces hypothèses, les avances en compte sont alors considérées par les praticiens comme des apports et apparaissent généralement à tous comme devant suivre le sort des droits d'associés.

    Les comptes d'associés apparaissent donc comme étant soumis au régime traditionnel des créances externes à ceci près que, si la société est en difficulté au point de ne pouvoir ni rémunérer ni rembourser les prêts constatés par les comptes courants d'associés, la pratique considère généralement que l'associé doit accepter de perdre la rémunération de son prêt, voir le remboursement de ce dernier. C'est ce qui conduit une partie de la doctrine à qualifier d'apport les avances consenties à la société au terme de compte d'associé.

    Si l'analyse du compte courant d'associé se trouve influencée par la qualité d'associé qu'a le prêteur lorsque le compte est créditeur, il en va différemment du prêt participatif lorsque le prêteur est un tiers. Les prêts participatifs ont été créés par la loi n° 78-741 du 13 juillet 1978 et l'article 24 de cette loi les définit comme des concours aux entreprises industrielles et commerciales que les établissements financiers, les établissements de crédit à statut légal spécial, les banques, les sociétés commerciales, les sociétés mutuelles d'assurance peuvent consentir sur leurs ressources disponibles à long terme. Aux termes de l'article 25 alinéas 2 de la loi, les prêts participatifs sont assimilés à des fonds propres. Même si les fonds propres d'une société ne comportent pas exclusivement le capital social constitué par les apports, il n'en demeure pas moins qu'ils constituent une catégorie de créances envers l'entreprise qui sont soumises à un régime juridique analogue à celui des apports formant le capital social25(*).

    La différence entre l'associé apporteur et le créancier d'un prêt participatif est encore estompée lorsqu'on considère l'article 26 de la loi du 13 juillet 1978 : « en cas de liquidation amiable ou de liquidation de biens de l'entreprise débitrice, les prêts participatifs ne sont remboursés qu'après désintéressement complet de tous les autres créanciers privilégiés ou chirographaires. Pour les répartitions à intervenir, les titulaires de ces prêts sont placés sur le même rang ».

    De même la convention de prêt participatif prévoit la rémunération du prêt au moyen de l'attribution au prêteur d'un intérêt fixe, mais l'article 26 de la loi du 13 juillet 1978 dispose que le remboursement de ces prêts se fera après désintéressement complet de tous les autres créanciers privilégiés ou chirographaires » et l'article 27 de la même loi ajoute : « en cas de règlement judiciaire de l'entreprise débitrice, le remboursement des prêts participatifs et le payement des rémunérations prévues sont suspendus pendant toute la durée de l'exécution du concordat ».

    Ainsi, le caractère participatif du prêt assimile à un associé le créancier de la rémunération et du remboursement. Cette assimilation est accentuée par l'article 28 de la loi du 13 juillet 1978 qui prévoit la stipulation, au profit du prêteur d' « une clause de participation aux bénéfices nets de l'entreprise ». Cette rémunération est analogue à celle des apports. Elle fait partie des règles qui accentuent la tendance du législateur moderne à passer outre les catégories classiques.

    Le législateur a encore créé de nouveaux titres qui se situent entre l'obligation classique et l'action : il s'agit des titres participatifs prévus par la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 qui a introduit entre les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 relative aux actions et celles concernant les obligations, les articles 283-6 et suivants. Aux termes du même article, les titres participatifs sont définis comme des titres remboursables uniquement en cas de liquidation de la société ou, à son initiative, à l'expiration d'un délai qui ne peut être inférieur à 7 ans et dans les conditions prévues au contrat d'émission. Ces titres ressemblent à des droits sociaux attribués en contrepartie d'apports lorsqu'ils sont remboursés à la liquidation de la société ainsi que par leur rémunération en fonction des bénéfices sociaux.

    Ainsi, le législateur moderne a accéléré ces dernières années la remise en cause des critères classiques qui servaient à distinguer les créances des préteurs de fonds et les apports. A cette remise en cause s'est jointe la création de nouveaux concepts comme ceux de quasi-apports, qui sont justement venus enrichir le critère classique d'attribution de la qualité d'associé qu'est la mise en commun des apports. Cependant, ce critère n'est pas le seul à s'être enrichi de nouvelles techniques. Plus encore, le critère de la pluralité d'associés, s'est vu adjoindre une nouvelle catégorie qui est celle de l'associé unique.

    Section II : la reconnaissance de la catégorie d'associé unique.

    L'article 1832 al 1er du code civil dispose qu'en principe une société exige le concours d'au moins deux personnes. La pluralité d'associé est le premier élément énoncé dans l'article 1832 de code civil. C'est la nature contractuelle de la société qui impose la pluralité d'associés, que le contrat soit considéré comme un accord de volonté ou comme une relation entre deux patrimoines. Deux associés suffisent en effet pour créer une société de personnes ou une société à responsabilité limitée de type traditionnel. Mais quatre sont nécessaires dans les sociétés en commandite par actions et sept dans les sociétés anonymes. Un nombre maximum d'associés n'est fixé que pour la société à responsabilité limitée qui ne peut pas en comprendre plus de cent (Art. L 223-3 du nouveau code de commerce). Dans les sociétés anonymes, le nombre d'actionnaires est très variable : il peut n'être que de sept réunis à grand peine ou être de plusieurs millions.

    Cependant, deux formes d'exceptions au principe de la pluralité d'associés coexistent aujourd'hui, et constituent les composantes de la catégorie d'associé unique. La première bien qu'encore réduite tend à s'accroître : une société ne peut être créée par un seul associé que dans les cas prévus par la loi (Paragraphe 1). La seconde qui date de 1966, est ouverte à un plus grand nombre de sociétés : en cours de vie sociale, une société plurale peut n'avoir plus qu'un seul associé (paragraphe 2).

    P1) La société créée par un seul associé.

    Il est important de noter que plusieurs obstacles ont été surmontés afin de parvenir à la création de la société unipersonnelle. Le premier obstacle tient à la nature contractuelle de la société : on ne peut conclure de contrat avec soi-même. La réponse est relativement aisée : l'acte juridique unilatéral est reconnu lui aussi par le droit objectif comme pouvant, à certaines conditions, créer des effets de droit. Le second obstacle résulte de la nature collective de la plupart des règles de fonctionnement de la société ; il a pu être résolu, au moins en partie, par l'éviction de ces règles et la détermination d'un mode de fonctionnement individualiste. Un troisième obstacle apparaît avec le principe de l'unité du patrimoine, et avec le lien existant entre le patrimoine et la personne en droit français. Cependant, ce lien n'est pas absolu, il existe des exceptions. Et surtout, le choix de la société préserve les principes du droit français : ce n'est pas une personne qui scinde son patrimoine en deux, mais une personne qui crée une autre personne, chacune ayant son propre patrimoine. Il n'existe donc qu'un seul patrimoine par personne, et les difficultés du patrimoine d'affectation sont évitées26(*).

    Longtemps refusée par le législateur français, malgré les exemples des pays voisins, cette formule a pourtant d'ardents zélateurs dans la doctrine. L'un des principaux arguments consiste à dire que même interdite, la société d'un seul existe, puisque beaucoup de sociétés apparemment plurales sont en réalité composées d'un associé très largement majoritaire et d'associés minoritaires. Ces derniers ont accepté ce qui n'est souvent qu'une apparence d'engagement (d'où parfois des annulations pour apport fictif ou défaut d'affectio societatis) pour complaire au promoteur de l'affaire. Ces associés de façade n'entendent pas se mêler de la gestion, mais il est fort difficile de prouver qu'ils ont voulu ruser avec le droit des sociétés, qui n'impose qu'un très faible minimum de participation dans les SA et les SARL. L'argument perd de sa force, mais il est aussi confirmé, dès lors que deux formules (EURL et SASU) permettent à une seule personne de constituer une société : il n'est plus nécessaire au maître de l'affaire de créer une société avec des comparses. La personnalité juridique peut être déconnectée de l'idée de groupement. Sa dimension patrimoniale est alors mise en avant : un ensemble de droits et d'obligations autonomes affectés à une activité. Toutefois, elle perd dans ce cas une partie de son assise, car elle a été dès son origine, considérée comme un moyen commode de poursuivre une collectivité, et comme un avantage accordé à ceux qui peuvent mutuellement se contrôler (la pluralité d'associés constitue une garantie de fonctionnement de la personne morale).

    Le droit comparé démontre que ces obstacles ne sont pas insurmontables : la société d'un seul a été admise au Liechtenstein (qui l'a cependant abandonné en 1984), en droit Suisse27(*), et surtout en grande Bretagne (One man compagny)28(*) et en Allemagne (Einmanngesellschaft) par les lois du 11 juillet 198029(*) et du 2 Août 199430(*). A vrai dire, ces argument de droit comparé ne sont que partiellement convainquant, puisque la pratique germanique montre surtout que la société à main unique, si elle est à responsabilité limitée, a occasionné un nombre élevé de faillites avec de très fortes insuffisances d'actifs.

    La douzième directive de droit des sociétés sur les SARL à un seul associé a été adoptée par le Conseil des Communautés Européennes le 21 décembre 1989, tout à fait dans la ligne de la loi française. La totalité des Etats membres ont optés pour la SARL à associé unique. Observons que la directive s'applique aussi à la société anonyme, lorsqu'un Etat membre permet qu'elle n'ait qu'un seul actionnaire (article 6) ; de plus, un Etat-membre peut ne pas permettre la société unipersonnelle s'il autorise les entrepreneurs individuels à procéder à l'affectation d'un patrimoine professionnel (article 7).

    La loi française du 11 juillet 1985 a cependant accepté de mettre à la disposition des usagés une formule comprenant une limitation de la responsabilité. Il s'agit de la SARL à associé unique, autrement dit EURL ; Elle a également permis de créer une forme de société civile agricole unipersonnelle, l'exploitation agricole à responsabilité limitée, EARL. Ces formules ont connu un certain succès, avant d'être substantiellement complétées par la SAS unipersonnelle (article 3, loi du 12 juillet 1999), et la société d'exercice libéral unipersonnel (article 31, loi n° 99-515 du 23 juin 1999)31(*). En revanche, ni la société anonyme, ni la société à nom collectif, ni les commandites, ni la société civile (sauf le cas particulier de l'EARL), ni le GIE, ni l'association ne peuvent être créés par une seule personne. Autrement dit, la personne morale « créée unipersonnelle » reste encore l'exception, ce que fait nettement sentir l'article 1832, alinéa 2, du code civil.

    Naturellement, il est important de réfléchir aux contreparties que l'on peut exiger des sociétés unipersonnelles que sont l'EURL et la SASU : bénéficiant de la limitation de responsabilité, l'associé unique doit pouvoir garantir ses créanciers par une bonne information, et par une capitalisation suffisante.

    La pratique montre que l'interdiction des sociétés à une seule personne est illusoire. Tous les groupes de sociétés contiennent en majorité des filiales entièrement contrôlées. De nombreuses personnes physiques organisent des sociétés dont elles sont l'unique opérateur réel, même si les associés dormants donnent une apparence de pluralité. Faut-il dès lors étendre la possibilité de l'associé unique à toutes les formes sociales ? A vrai dire, elle n'aurait pas de sens pour les commandites, qui comportent nécessairement deux catégories d'associés même si un commandité peut, dans la SCA, détenir des actions. De plus, elle ne se comprend pas dans les sociétés faisant appel public à l'épargne. Le problème se limite donc à la société anonyme fermée, à la société à nom collectif32(*) et à la société civile. L'existence de la société par action simplifiée unipersonnelle rend peu utile la société anonyme ne comportant qu'un seul actionnaire, et la transparence des deux autres formules enlève à l'unipersonnalité son intérêt essentiel.

    En dehors des cas prévus par la loi, les sociétés créées par un seul associé sont nulles. Bien que l'hypothèse soit hautement improbable (il faudrait que le greffe immatricule une société qui doit être plurale sans s'apercevoir qu'elle ne compte qu'un seul associé), on peut brièvement raisonner sur ce point. La condition de pluralité se trouvant dans l'article 1832 du Code civil, la nullité peut être obtenue (article 1844-10 du même code). Cependant, on se demande qui intenterait une telle action d'autant que la régularisation ne semble pas exclue (article 1844-13 du même code).

    P2) La société unipersonnelle constituée lors de la vie sociale.

    Il ne s'agit plus de savoir si une société peut être créée ab initio par un associé unique, mais de déterminer les conséquences de l'unicité d'associé survenue encours de vie sociale. Le phénomène peut se produire à la suite de la transmission volontaire des parts à un associé qui acquiert d'un ou plusieurs autres tous les titres dont jusqu'alors il n'était pas propriétaire (cession, donation, transmission par fusion). Il peut aussi résulter de circonstances accidentelles, spécialement un décès (par exemple, deux époux associés n'ont qu'un seul héritier ; un associé est héritier de l'autre).

    C'est surtout cette dernière hypothèse qui a poussé le législateur à rompre en 1966, avec la solution classique, pure et dure, pourrait-on dire, de la dissolution de plein droit en cas de réunion des parts ou actions en une seule main. Le caractère inattendu de cette dissolution et ses conséquences fiscales particulièrement soignées ont mis en évidence la brutalité du système. La société étant dissoute, il fallait la liquider et éventuellement en créer une nouvelle pour poursuivre l'exploitation. Fiscalement une cessation d'entreprise et une création d'entreprise avait les plus heureux effets sur le moral de l'héritier... et dissuadait certaines cession.

    La loi n° 88-15 du 5 janvier 1988 (V. article 1844-5, al 3) a voulu limiter les tracas de la dissolution pour l'associé unique. Elle a décidé que la dissolution d'une société devenue unipersonnelle ne devait pas entraîner la liquidation de cette société, mais la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique. Cette solution a l'avantage de la simplicité notamment dans le cas des groupes. Elle ne peut être écartée par le choix de l'associé unique qui souhaiterait une véritable liquidation, même si la forme de la société est de celle qui impose la pluralité. Faisant disparaître la société unipersonnelle, elle met un terme aux actions en justice qui supposent l'existence de cette personne, et notamment les actions pénales. Le système est toutefois dangereux pour l'associé, qui se trouve irréversiblement à la tête d'un passif qu'il a peut-être mal évalué. De plus, il ne protège aucunement les créanciers personnels de l'associé, qui voient éventuellement le passif de ce dernier augmenté de celui de la société. Pis encore, la solution paraît inadaptée lorsque la société est en redressement ou liquidation judiciaire, car on ne voit pas comment la société peut constituer des garanties ou rembourser. C'est certainement pour ces raisons que la transmission universelle de patrimoine est écartée, depuis la loi NRE du 15 mai 2001 (article 103)33(*), lorsque l'associé unique est une personne physique : celle-ci  « bénéficie » donc d'une liquidation sans transmission universelle de patrimoine.

    Si l'associé unique est une personne morale, les créanciers de la société, du moins s'ils ont une créance certaine, nées antérieurement à la décision de dissolution, sont protégés contre cette transmission par une possibilité d'opposition dans le délai de 30 jours à compter de la publication de la dissolution.

    Or, la jurisprudence semble hésiter à appliquer toutes les conséquences de la transmission universelle du patrimoine et tend à confondre ce mode de dissolution avec une fusion. Par ailleurs, le dispositif de l'article 1844-5, figurant dans les dispositions générales du code civil, n'est écarté ni pour l'EURL ni en cas de dissolution ayant une origine accidentelle.

    Dans ces conditions, beaucoup de sociétés ont intérêt à demeurer unipersonnelles, lors- qu'elles ne sont ni des SARL ni des SASU, ou à redevenir plurales, avec des associés de complaisance. Il est donc utile de se demander quel est le régime de la société devenue unipersonnelle tant qu'elle n'a pas été régularisée. Dans les formules nécessairement plurales, la loi ne précise pas les modalités d'adaptation d'un droit fait pour la conciliation d'intérêts divers, au cas où un seul intérêt demeure dans la société. L'unicité d'associé ne devrait pas dispenser celui-ci de respecter le formalisme des décisions sociales.

    Si la remise en cause de la notion conceptuelle d'associé a été marquée dans nos développements précédents par l'apparition tant de nouvelles techniques, que de nouvelles catégories juridiques venant enrichir les deux critères, que sont la mise en commun des apports et la pluralité d'associés, force est de constater que les deux autres critères restants, à savoir l'existence de l'affectio societatis et la participation aux résultats, ont également été battus en brèche, mais de manière différente. Au lieu de s'enrichir, ils ont plutôt vu leur champ d'application se restreindre de manière significative.

    Chapitre II : Les critères affaiblis.

    Tandis que l'affectio societatis a connu un net recul (section I), la participation aux résultats, principalement, la contribution aux pertes, a subi une extension relative (section II)

    Section I : le recul de l'affectio societatis.

    Autant qu'à travers la diversité des types de sociétés qui se sont développés au fil du temps (paragraphe 1), le recul de l'affectio societatis se manifeste également à travers les restrictions des droits politiques des associés (paragraphe 2).

    P1) La diversité des types de sociétés.

    La notion d'affectio societatis est très importante pour définir le contrat de société et l'associé. Pourtant, elle n'est à aucun moment formellement définie par le législateur qui fait référence à « l'intérêt commun des associés »34(*). Or cet intérêt commun peut avoir différentes acceptions. Joseph Hamel a démontré que l'affectio societatis est un élément de la cause du contrat de société et qui se compose d'une volonté d'union et d'acceptation délibérée de certains risques 35(*). Alain Viandier pour sa part définit la notion comme « la volonté de collaborer ensemble, sur un pieds d'égalité, au succès de l'entreprise commune »36(*) . L'affectio societatis ne serait que l'obligation de bonne foi appliquée au contexte particulier du contrat de société, cet engagement impliquant un devoir de coopération entre associés. L'affectio societatis est ainsi une notion difficilement définissable. D'ailleurs, on pourrait certes considérer que le législateur, en n'intégrant pas ce dernier élément dans l'article 1832, a entendu le rejeter. Rien, cependant, ne serait plus contestable. D'abord, il faut signaler que l'affectio societatis, bien que n'ayant pas été visé dans le code civil ou dans les textes postérieurs, tels les lois du 24 juillet 1966, a toujours été tenu pour inséparable de la notion de société. Il en est de l'affectio societatis comme de la maxime « in pari causa turpitudinis cessat repetitio »37(*), règles qui tirent leur force du mystère qui les entoure, mystère qu'une codification ne pourrait que dissiper. Ensuite, les débats ouverts à l'occasion de la réforme du Titre 9 du Livre III du Code civil démontrèrent amplement que la notion d'affectio societatis restait l'un des éléments du critère de la notion de société, même si elle demeurait à l'écart du code civil.

    Une autre ambiguïté se manifeste, pareillement attachée au sens de la notion d'affectio societatis, et de nature à engendrer des effets analogues au regard de la notion d'associé ; le doute étant alors permis quant à la pertinence du rôle de l'affectio societatis en tant qu'élément du critère de la notion d'associé.

    Son rôle traditionnel tend à s'affaiblir. Cet affaiblissement est probablement dû à la complication croissante du droit des sociétés. Aux quelques règles originelles applicables à tous les types de sociétés, sont venues s'ajouter de multiples textes régissant des sociétés particulières ou complétant la réglementation civile appliquée aux sociétés commerciales. Ce foisonnement a eu pour effet de constituer en autant d'unités autonomes chaque forme de société, dont le fonctionnement ne semble plus être désormais inspiré par les principes classiques, fussent-ils érigés en dispositions générales, depuis la loi du 4 janvier 1978. Cette observation vaut pour l'exigence de la recherche de bénéfice, mais aussi pour l'affectio societatis, qui ne constitue plus la cause des mécanismes courants du droit des sociétés. Il est ainsi devenu très difficile de percevoir, derrière l'exercice des droits attachés à la qualité d'associé, comme dans l'action en dissolution pour juste motif, l'influence de l'affectio societatis.

    En effet, tous les associés n'ont pas l'affectio societatis, une telle situation peut être le fruit du type de sociétés considérées ou de conventions extérieures aux statuts et modelant des types particuliers d'associés. Il en va de même, ensuite, pour certaines sociétés par action : les grandes sociétés anonymes membres d'un groupe ou dirigeantes de ce groupe ainsi que les petites sociétés anonymes dites sociétés de famille. Dans les premières, les actionnaires sont surtout des spéculateurs, seul importe pour eux le rendement du titre et son évolution boursière. Ces actionnaires baptisés par certains d'actionnaires « bailleurs de fonds »38(*), ne désirent pas collaborer à la gestion de la société. Quant aux sociétés anonymes dites de famille, leur constitution est inspirée par des raisons essentiellement fiscales, et l'on voit couramment faire appel à un neveu, un beau frère, un ami, ou un cousin germain pour compléter le groupe de fondateurs, afin que soit atteint le minimum de sept associés. Peut-on soutenir que ces actionnaires d'appoints, qui tous ensemble réunissent rarement plus de 10% du capital, ont l'affectio societatis ?

    Une observation identique peut être faite à propos des sociétés nationalisées telles certaines compagnies d'assurance et plusieurs banques de dépôt. A l'occasion du vaste mouvement législatif destiné à faire entrer dans les moeurs la participation, ces sociétés ont distribué gratuitement une partie de leur capital à leurs salariés. Or, et ce point a été relevé par la plupart des commentateurs, les salariés visés n'ont jamais émis le souhait de devenir actionnaire. Du reste, on ne tient aucunement compte, lors de l'attribution, de leur volonté de devenir actionnaire. Une conclusion s'impose : ces salariés, actionnaires par la grâce de l'Etat, n'ont pas l'affectio societatis, ce qui ne leur interdit pas d'être tenus pour des associés. N'apportent-ils pas la démonstration qu'il est possible de devenir associé de certaines sociétés sans avoir la volonté de collaborer activement à l'entreprise commune ? Il y a plus grave, concernant des associés, appartenant à des sociétés dans lesquelles l'affectio societatis existe, mais se comportant comme s'ils étaient dépourvus de toute volonté de collaboration active39(*).

    P2) Manifestations à travers les restrictions des droits politiques de l'associé.

    Par ailleurs, la faiblesse du rôle explicatif de l'affectio societatis apparaît encore au regard des modalités d'exercice des droits, car l'affectio societatis fonde l'exercice des prérogatives d'associé ; c'est l'opinion des tribunaux et de la doctrine.40(*) En effet, la remise en cause de la notion d'affectio societatis porte une atteinte aux fondements de la notion classique d'associé41(*). Aussi l'associé est-il appréhendé classiquement à travers ses attributs patrimoniaux, financiers, et politiques. Les droits patrimoniaux sont des droits sociaux (parts ou actions) qui ont une valeur vénale et font partie du patrimoine de l'associé42(*). Quant aux droits financiers ou droits pécuniaires, ils s'expriment essentiellement par la perception de dividendes, lesquels correspondent à la distribution des bénéfices réalisés, et par un droit aux réserves qui représente les bénéfices non distribués. A la dissolution de la société, c'est le boni de liquidation qui sera partagé entre les associés43(*).

    Pour ce qui est des droits politiques qui nous intéresse à titre particulier, l'article 1844 du Code civil dispose que « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ». Cette prérogative revêt deux formes : la première est le droit d'information de l'associé sur les comptes et la politique sociale ; la seconde est le droit de vote qui lui permet de participer aux décisions stratégiques et d'exercer son droit de contrôle sur les dirigeants en les révoquant au besoin. Le droit pour tout associé de participer aux décisions collectives est d'ordre public ; les statuts ne peuvent en conséquence déroger à cette disposition. Plus précisément, les statuts ne peuvent contenir une suppression pour certains associés du droit de vote dans un cas non prévu par la loi44(*). C'est d'ailleurs à ce titre qu'un arrêt important rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 23 octobre 2007 a refusé de valider les clauses d'exclusion interdisant à l'associé d'une société par action simplifiée de voter lors de la délibération relative à son exclusion. Cette décision se fonde sur le principe de l'article 1844 alinéa 1er 45(*) du Code civil qui a été posé depuis la fin des années 90 comme un principe absolu. Ce droit, auquel l'alinéa 3 interdit de déroger, est devenu un droit essentiel des associés en 1999 avec l'arrêt CHATEAU d'YQUEM46(*) qui avait le premier posé l'interdiction de toute clause statutaire dérogeant au droit de voter de tout actionnaire. De là date le lien jurisprudentiel explicite, qui ne découle pas de la lettre du texte, entre droit de participer et droit de vote, qui ira croissant par la suite, confirmant le « potentiel de développement que lui prédisait le professeur LE CANNU47(*). du 23 octobre 2007, comme des deux précédentes décisions marquantes, rendues en 2002 et en 2006, témoigne de la volonté de la chambre commerciale de ne pas ramollir ce maigre corps de dispositions impératives48(*).

    Bien que ces arrêts récents donnent une portée rigide à ce principe d'ordre public, il ne faut surtout pas perdre de vue que la tendance globale en la matière exprime un recul évident des prérogatives politiques de l'associé.

    Cet attribut de l'associé est remis en cause par l'importance moindre accordée aux assemblées générales d'actionnaires lors d'augmentation de capital et par la possibilité pour les sociétés d'émettre des actions de préférence sans droit de vote.

    La procédure d'augmentation du capital constitue un indicateur non négligeable du pouvoir des assemblées générales extraordinaires des actionnaires. L'ordonnance du 24 juin 2004, en offrant de larges possibilités de délégation, a parallèlement réduit le pouvoir de ces assemblées ; donc le droit de parole des actionnaires. Dans le régime antérieur, l'assemblée générale ne pouvait que déléguer sa compétence de réalisation, c'est-à-dire, la fixation des modalités d'augmentation de capital décidée précédemment par l'assemblée générale. Les pouvoirs de l'assemblée générale extraordinaire se trouvent donc bien réduits : d'abord, les dirigeants possèdent désormais une délégation de compétence leur permettant de décider seuls de l'augmentation du capital. Ensuite, les droits préférentiels de souscription peuvent être supprimés. Même si la garantie d'une décision préalable est organisée, peut-être la permission est-elle un peu forte. En outre, rien dans les textes n'indiquent les conditions de quorum de telles décisions49(*).

    Cette constatation est d'autant plus préoccupante, que ces assemblées générales extraordinaires concernent directement les engagements des associés. Cet amoindrissement du pouvoir des assemblées générales extraordinaires peut s'avérer dangereux. En effet, dans les sociétés par action, ces assemblées constituent le seul mode de consultation des associés. La réforme se traduit donc par une consécration de l'appropriation du pouvoir par les dirigeants. Cette conséquence pose le problème de la place et de la fonction de l'associé dans la société, donc de la notion même d'associé, lequel ne devient qu'un simple investisseur nu de droits politiques. Cette disparition du droit politique est éminemment matérialisée par la création des actions de préférence.

    Par ailleurs, l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 a ainsi autorisé les sociétés à émettre des actions  dites « de préférence » sans droit de vote. La création des actions de préférence constitue la réalisation du souhait des émetteurs et des investisseurs en capital risque que soit créée une nouvelle catégorie juridique ayant vocation à se substituer aux catégories intermédiaires entre actions et obligations qui existaient jusqu'alors. Les actions de préférence peuvent être émises par toutes les sociétés par action. Cette création peut tout d'abord s'effectuer soit par la conversion d'actions ordinaires en actions de préférence50(*) , soit par l'augmentation du capital social. Les actions de préférence sont régies par l'article L.228-11 du Code de Commerce. Ce dernier édicte que lors de la création de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent. Ainsi, les sociétés par action, peuvent elles mêmes suspendre ou supprimer le droit de vote d'une certaine quantité de leur titre de capital. Sans cependant exclure les actions de préférence en droit pécuniaire, implicitement impossibles, car violant l'interdiction d'une clause léonine.

    Le recul de la prérogative politique de l'associé ne peut demeurer sans conséquences. Certes, si la division du droit de vote n'est toujours pas possible en raison de l'article L225 -122 du Code de commerce qui pose le principe de l'indivisibilité du droit de vote, la question de la possibilité de céder son droit de vote se doit d'être soulevée. La doctrine est néanmoins unanime à considérer que la garantie du droit de vote est d'ordre public51(*) : l'article 1844 du code civil est impératif. Mais l'ordonnance du 24 juin 2004 crée une confusion en indiquant que : le droit de vote peut être aménagé pour un délai déterminé ou déterminable. La consécration de la possibilité d'écarter le droit de vote conduit à s'interroger sur la cessibilité du droit de vote. Cette dissociation des droits politique (le droit de vote) et des droits financiers (la participation aux bénéfices et aux pertes) est très utilisée par la pratique. Il est de plus en plus évident que le droit de vote possède une valeur marchande. L'investisseur en est conscient : plus la renonciation à son droit de vote a une importance pour la société, plus la contrepartie financière demandée est élevée.

    Au-delà de ce débat sur la cession des droits de vote, une chose est certaine : la suppression des droits de vote s'est effectuée au profit d'un droit d'intervention de l'associé. En effet, l'ordonnance du 24 juin 2004 a généralisé la possibilité de supprimer l'un des droits fondamentaux de l'associé : le droit de vote. Lorsque cette disposition est mise à exécution, la question peut légitimement être posée de savoir si l'individu peut encore être substantiellement qualifié d'associé : dépourvu de son droit de vote, il se trouve privé de l'une des prérogatives essentielles qui concouraient à sa définition. Il ne peut manifester son affectio societatis de manière satisfaisante. Ce dernier est ainsi amputé de l'un des moyens les plus efficaces pour participer à la vie de la société. Pour autant, les droits politiques de l'associé n'ont pas totalement disparus. Ils n'ont pas ²changé de forme, ils se sont mués en un droit d'intervention. La suppression du droit de vote à fait place à une autre façon de participer. Le droit à l'information a rejoint en importance le droit de vote de l'associé. C'est pour cette raison que l'associé sans droit de vote dispose néanmoins d'un droit d'intervention. Ce dernier est un droit de critique qui suit la logique du droit de vote52(*). Il fût mis en évidence par Thaller, d'après lequel « le rapport issu d'un contrat de société implique une ingérence, un contrôle étroit et une faculté de critique dans la manière dont s'accompliront les affaires communes, c'est-à-dire un pouvoir d'intrusion53(*). Par conséquent, le droit d'intervention est un droit de contrôle des dirigeants susceptible de pallier partiellement la suppression du droit de vote.

    De même que l'atteinte aux fondements classiques de la notion d'associé se manifeste par le recul de la notion d'affectio societatis, et principalement par la restriction du droit de vote ; on constate que la participation aux résultats des associés est amoindrie.

    Section II : L'accroissement relatif de la participation aux résultats.

    La participation aux résultats est la cause économique du contrat de société, la perspective en vue de laquelle, au sens de l'article 1832 du Code civil, les associés conviennent de réunir les apports à une entreprise commune. La mise en commun de biens ou d'activités pourrait avoir, sur un plan conceptuel ou pratique, quatre types de causes économiques : le partage de bénéfices, la réalisation sans partage de bénéfice, la réalisation d'une économie, enfin... l'absence de tout but économique.

    Avant la loi du 4 janvier 1978, la société était constituée pour réaliser des bénéfices et les partager entre les associés. La cour de cassation avait précisé dans un arrêt resté célèbre « CAISSE RURALE DE LA COMMUNE DE MANIGOD»54(*) que la notion de bénéfice s'entend d'un gain pécuniaire ou d'un gain matériel qui s'ajoute à la fortune des associés ; la réalisation en commun d'une économie comme dans le cas des coopératives, des groupements, des sociétés d'assurances mutuelles, des sociétés civiles professionnelles de moyen, ne correspond donc pas, à cette époque, à la définition du contrat de société. Un reclassement devenait donc nécessaire ; Il est effectué à la faveur des dispositions générales de la loi du 4 janvier 1978 d'une manière qui ne résout d'ailleurs pas toutes difficultés55(*). Désormais le bénéfice, l'économie et les pertes auxquelles les associés s'engagent à contribuer (Art. 1832 al 3 du Code civil) représentent les trois facettes de la notion de résultat dont le contrat de société a pour finalité d'assurer le partage après qu'il ait été régulièrement constaté.

    Cependant de ces trois facettes, la participation aux pertes est sans doute celle qui a le plus été marquée par des changements liés au temps. Aussi va-t-elle constituer le seul élément sur lequel nous allons bâtir notre analyse. Ainsi une étude de la question nous permet d'affirmer que ses manifestations traditionnelles sont maintenues (paragraphe 1), tandis que l'acceptation des manifestations nouvelles ne va pas de soi (paragraphe II).

    P1) Le maintien des manifestations classiques.

    Aux termes de l'article 1832, alinéa 3 du Code civil, «  les associés s'engagent à contribuer aux pertes ». De l'aveu même de la doctrine, « la contribution aux pertes est une notion peu étudiée, peu utilisée par les plaideurs, et donc peu traitée par les juridictions »56(*). Est-ce à dire que cette notion ne soulève aucune difficulté ? Assurément non. D'ailleurs, le contentieux semble avoir repris, parfois même s'être renouvelé, ainsi qu'en atteste plusieurs arrêts récents dont il ressort que l'obligation de contribution aux pertes s'étend à de nouvelles hypothèses et comporte encore de nombreuses obscurités. Cette obligation suscite d'autant d'intérêt que l'article 1832 al 3 du Code civil laisse plusieurs questions fondamentales en suspend.

    Traditionnellement, il existe au moins quatre manifestations traditionnelles de l'obligation de contribution aux pertes. De prime à bord, il faut évoquer la perte de la mise initiale, même non matérielle, car dans toutes les sociétés, quel qu'elles soient, contribuer aux pertes signifie d'abord pour les associés, et au minimum, perdre leur apport ou le reprendre diminué de la part de perte qui leur est imputable. C'est la perte ou l'amputation de la mise initiale qui réalise la contribution aux pertes de chacun d'eux.

    Ensuite, il faut évoquer le payement du passif social. Ainsi dans les sociétés à risque illimité, les associés peuvent être emmenés à contribuer aux pertes en payant le passif de la société à titre définitif. Il y a là une conséquence de l'obligation aux dettes sociales qui correspondent à toutes les sommes dues par la société à ses créanciers et qui sont inscrites au passif de son bilan. La contribution aux pertes se traduit ici par l'obligation pour les associés de supporter, pour leur quote-part contributive, la charge financière assumée par l'un d'eux du fait du payement d'une dette sociale.

    Quant à la participation aux pertes comptables prévues par les statuts, il s'agit pour les associés de supporter les pertes au fur et à mesure de leur constatation comptable, mais ils doivent alors le stipuler expressément dans les statuts ou en accepter le principe par une délibération adoptée à l'unanimité. Si tel n'est pas le cas, il ne peut être reproché aux associés dont les engagements ne peuvent être augmentés sans leur accord de ne pas consentir à l'appel de fonds, mais si ces derniers se sont bien engagés à supporter les pertes comptables, ils peuvent être mis à contribution dès que le bilan a été approuvé par l'assemblée des associés.

    Pour ce qui est du renflouement de la société, dernière hypothèse traditionnelle de contribution aux pertes, il arrive, que dans certains types de sociétés, le législateur ait donné une signification particulière à la contribution aux pertes. C'est ainsi qu'en application de l'article L211-3 du Code de la construction et de l'habitation, les associés des sociétés civiles de construction- vente et de construction attribution sont tenus de satisfaire aux appels de fonds indispensables à l'exécution de contrats ou de programmes en cours57(*). Contribuer aux pertes revient alors pour les associés à renflouer la société, à mois qu'ils ne préfèrent opter pour sa dissolution anticipée.

    P1) l'acceptation controversée des manifestations nouvelles.

    Ces dernières années, la jurisprudence a découvert de nouvelles manifestations de la contribution aux pertes qui est une notion suffisamment souple pour accompagner l'évolution de la vie des affaires en s'appliquant aux nouveaux montages et aux nouvelles conventions la mettant en cause. Certaines de ces manifestations, aussi spectaculaires soient -elles, sont aujourd'hui bien acquises. Il en va ainsi de la perte de la valeur des titres en cas de réduction du capital à zéro, mais d'autres sont encore controversées, tout particulièrement en cas de stipulation de prix plancher des les promesses unilatérales d'achat conclues dans le cadre de cessions massives de droit sociaux ou de convention de portage d'action.

    Relativement à la Perte de la valeur des titres en cas de réduction du capital à zéro, une nouvelle forme de contribution aux pertes est apparue avec la reconnaissance de la validité de l'opération de « COUP d'accordéon » par l'arrêt USINOR du 17 mai 199458(*). On sait que cette opération destinée à reconstituer les capitaux propres consiste dans la succession d'une réduction de capital social d'un montant équivalent à celui des pertes, éventuellement à zéro, puis d'une augmentation du même capital destinée à le ramener au minimum légal. Cette opération qui doit être commandée par la survie de la société59(*), permet d'apurer les pertes de celles-ci, puis d'augmenter le capital par émission d'actions dont le montant nominal correspond, dans ces conditions, à la valeur réelle du titre60(*). En cas de réduction du capital à zéro, l'émission d'actions nouvelles passe nécessairement par l'annulation de la totalité des actions existantes.

    C'est précisément sur ce point que portent les critiques des actionnaires minoritaires qui s'estiment exclus de la société, spécialement dans l'hypothèse d'une suppression du droit préférentiel de souscription. Selon eux, l'opération tendant à la réduction du capital à zéro avec annulation des actions existantes serait illicite, parce que constitutive d'une expropriation illégale pour cause d'utilité privée, mais aussi d'une fraude à la loi, d'un abus de majorité et d'une violation de l'égalité des associés et de l'intérêt commun de ces derniers. Aucun de ces arguments n'a retenu l'attention de la cour de cassation ainsi qu'en atteste un arrêt du 10 Octobre 200061(*) dont la solution a été réaffirmée par un arrêt du 18 juin 200262(*). Par ces deux arrêts, la cour a répondu aux actionnaires minoritaires que la réduction du capital ne constituait pas une atteinte au droit de propriété des actionnaires, ni à leur intérêt commun, « mais sanctionnait leur obligation de contribuer aux pertes sociales dans la limite de leurs apports, ce dont il résultait qu'aucune augmentation des engagements des actionnaires n'était mise à la charge de ceux-ci », autrement dit, lorsque la société a engendré des pertes telles que les titres des associés n'ont plus de valeurs, les minoritaires sont appelés à y contribuer en perdant la valeur de leurs titres.

    En ce qui concerne les deux autres manifestations récentes de la participation aux pertes, à savoir la promesse d'achat de droits sociaux à prix plancher et la convention de portage, elles en constituent certes une évolution , mais elles restent très controversées du fait de leur assimilation à des clauses léonines.

    En effet l'article 1844-1 alinéa 2 du code civil dispose que « la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procurée par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé de la totalité du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites ». Ainsi la clause par laquelle un associé renonce aux bénéfices contre une redevance mensuelle forfaitaire est une clause léonine, du fait qu'elle l'exonère de toute contribution aux pertes en lui garantissant une rémunération minimale63(*). La présence d'une clause léonine dans les statuts ne peut plus entraîner la nullité de la société, même si la clause a été la cause impulsive et déterminante du contrat de société64(*). La clause est simplement réputée non écrite et le partage doit s'opérer proportionnellement aux apports.

    La question de savoir si l'on se trouve en présence d'une clause léonine a commencé à se poser essentiellement à propos des cessions massives de droits sociaux65(*). Ainsi lorsqu'une cession d'action est étalée dans le temps, il est fréquent de prévoir la signature d'une promesse d'achat par le cessionnaire, pour la partie des actions qui ne sont pas acquises immédiatement, avec un prix plancher en faveur du cédant66(*). La cour de cassation a longtemps considéré qu'il y avait là un pacte léonin au motif que le cédant était exonéré de toute perte67(*).

    L'une des applications majeures de ce type de contrat s'appelle le portage, c'est-à-dire la convention par laquelle une personne (généralement une banque) achète des titres à une autre ou en souscrit pour elle, à charge pour cette dernière ou un tiers désigné de les lui racheter en rémunération du service ainsi procuré. Les intérêts du portage résident dans le crédit fait à une entreprise qui désire acquérir une participation sans pouvoir la financer immédiatement, et dans la discrétion du procédé : apparemment c'est telle banque qui a acheté la majorité de telle société ; mais en réalité cette banque opère au bénéfice d'un de ses clients pour lequel elle porte des titres. La rémunération de la banque est généralement calculée par un intérêt, dont les dividendes perçus durant le portage viennent en déduction. Ces accords posent aussi des problèmes de simulation relative à la qualité d'associé. Il en résulte que le portage peut être critiqué au titre de la qualité d'associé : le porteur peut-il se prévaloir d'une telle qualité quand il n'a pas un véritable affectio societatis ? N'est-il pas plutôt un prête-nom ? En tout cas, il est certain que le porteur accepte d'être l'associé apparent.

    Après avoir longtemps appliqué la prohibition de façon extensive, la jurisprudence relative à ce type de convention est devenue plus libérale, sous l'influence de données économiques modernes et d'une doctrine unanime, à dénoncer les inconvénients de la position classique. Mais ce libéralisme n'est pas encore partagé par toutes les chambres de la Cour de cassation. Selon la première chambre civile, La clause de promesse d'achat à prix plancher constitue une clause léonine réputée non écrite par l'article 1844-1 al 2 du code civil68(*). Il s'agit de l'arrêt Kamami, dans lequel la première chambre civile montre qu'une convention extrastatutaire peut être annulée pour son caractère léonin. Le second arrêt, l'arrêt Lévêque-Houist, est rendu le 7 avril 1987. Peu importe pour elle que l'engagement de rachat ait été pris dans un acte distinct de la convention de cession et soit limitée dans le temps. En revanche, elle tient pour léonin le fait que l'accord ait eu « pour effet d'affranchir les cessionnaires de toute participation aux pertes, en leur assurant le remboursement intégral des sommes par elles versées pour l'achat des parts sociales et au titre des comptes courants, majorées d'un intérêt de 10% par années écoulées. Par la suite, la première chambre civile n'a pas eu l'occasion de se prononcer nettement sur la question des promesses d'achat à prix déterminé. Elle a certes retrouvé le problème des clauses léonines dans trois arrêts69(*), sans se prononcer nettement sur le point en difficulté.

    Mais telle n'est pas la position de la chambre commerciale qui refuse d'y voir une clause prohibée, même entre associés, au motif que la clause litigieuse dont l'objet n'est autre que d'assurer, moyennant un prix librement convenu, la transmission de droits sociaux, est étrangère au pacte social et son incidence sur la participation au bénéfice et la contribution aux pertes. En effet, le renouvellement dû à la Chambre commerciale trouve son origine dans l'arrêt du 15 juin 198270(*), qui fait usage de critères nouveaux beaucoup plus favorables aux promesses de cessions à prix fixe. Selon cet arrêt, «  il résulte des constatations de l'arrêt d'appel que la clause dont les promettants contestaient la validité, se trouvait contenue dans une convention portant sur les conditions dans lesquelles devaient leur être cédées les actions de la société et non dans les statuts de celle-ci » ; l'article 1855 du code civil ne visant que le contrat de société, la nullité édictée par ce texte ne peut être étendue à une telle convention ». En l'occurrence, il s'agissait d'une promesse d'achat d'action, stipulée au bénéfice des actionnaires minoritaires d'une société dont les deux promettants venaient d'acquérir la majorité.

    Cependant la suite de l'évolution jurisprudentielle de la chambre commerciale de la Cour de cassation, va montrer qu'en cette haute formation existe bien le souci de découvrir un nouveau critère de définition des clauses léonines. Ainsi dans l'arrêt SOCIETE BOWATER, la chambre commerciale trouve ici l'occasion de préciser ses vues71(*). Il s'agit encore d'une cession de majorité. Cette cession est suivie d'une promesse d'achat du reste du capital souscrite par la société mère de la cessionnaire ; la promesse précisait que le prix serait déterminé d'un commun accord par référence à la valeur nette de l'actif tangible et corporel, sinon à dire d'expert, avec un minimum fixé à 5 millions de francs. Le bénéficiaire de la promesse d'achat se heurte, après avoir levé l'option, au refus de la société Bowater, qui invoque l'article 1844-1 du code civil. La chambre commerciale répond avec fermeté : « qu'elle constatait que la convention litigieuse constituait une cession ». Ainsi, la chambre commerciale distingue suivant l'objet de la convention. S'il s'agit de céder des actions moyennant un prix librement convenu, et non de porter atteinte au pacte social, l'accord ne rentre pas dans le cadre de la prohibition. Cette jurisprudence ne présente ni les inconvénients de la jurisprudence classique trop « léoniste », ni ceux de l'arrêt de 1982, trop formaliste. Elle a été réitérée par la chambre commerciale72(*). Pourtant elle ne semble pas encore avoir emporté l'adhésion de la première chambre civile de la Cour de cassation.

    Cependant une décision de la Cour d'appel de Paris du 21 décembre 200173(*) a pu constituer une première avancée. En effet, celle-ci se prononçait sur la prohibition d'une convention de portage pour montage léonin. L'arrêt a suivi la position adoptée par la chambre commerciale de la cour de Cassation, et confirmé la validité des conventions de portage. Et dans un autre arrêt du 16 novembre 2004, la Cour de cassation reconnaît la validité de la clause de rachat à prix fixe au regard de la situation particulière du bénéficiaire. Cette position est confirmée par un 2e arrêt en date du 22 février 2005. Cet arrêt apporte un nouvel argument au profit des promesses de rachat d'actions à prix plancher qui seront considérées comme valides dès lors que l'option de rachat est limitée dans le temps.

    Somme toute, si l'extension du critère de la participation des associés aux pertes sociales est avérée et se développe de plus en plus, il n'en reste pas moins que ce développement se trouve relativement freiné par l'assimilation tant des conventions de portage, que des promesses de rachat de droit à prix plancher aux clauses léonines.

    Quoi qu'il en soit, le constat est que l'ensemble des critères sur lesquels s'est bâti le concept d'associé est quasiment battu en brèches ; Ceci implique forcément que la notion d'associé n'a plus de repères conceptuels rigides. Est-ce à dire qu'elle est pour autant tombée en désuétude ? Assurément non ! Le paradoxe étant que fonctionnellement, cette notion est en pleine expansion. Ainsi elle reste et demeure indispensable pour le droit de société.

    Partie II : L'extension de la notion fonctionnelle d'associé

    La notion d'associé, loin d'être tombée en disgrâce du fait de la remise en cause de ses bases conceptuelles, est plutôt utilisée de manière accrue. Ceci se manifeste principalement par l'usage diversifié dont elle fait l'objet (Chapitre I). Cependant, la notion d'associé est-elle devenue une « auberge Espagnole » dans laquelle on peut ranger ce qu'on veut et quand on veut ? Cette interrogation nous conduit à se demander si le contraste entre le conceptuel et le fonctionnel ne conduit pas la notion d'associé vers une disparité inquiétante (Chapitre II).

    Chapitre I : L'usage diversifié de la notion d'associé.

    Pour montrer combien actuelle et omniprésente a toujours été la notion fonctionnelle d'associé en droit des sociétés, nous allons nous pencher d'une part sur les situations de concours pouvant exister lors de circonstances particulières découlant de la détermination de la qualité d'associé (section I) , et d'autre part le phénomène d'élargissement de la notion d'associé à l'investisseur professionnel (section II).

    Section I : les situations de concours observées.

    Les situations de concours de façon générale font référence à l'attribution de la qualité d'associé en cas de titres démembrés ou indivis. Seront donc évoquées ici les situations les plus générales. Ainsi, le concours vertical, c'est-à-dire, celui qui porte sur les droits sociaux en usufruit (paragraphe 1), est différent du concours horizontal, relatif aux droits sociaux indivis (paragraphe II).

    P1) le concours vertical : les droits sociaux démembrés.

    Comme tous les autres biens, la part ou les actions peuvent être démembrées par le moyen de l'usufruit et de la nue propriété. L'usufruit est un droit réel, par essence temporaire, dans la majorité des cas viager, qui confère à son titulaire l'usage et la jouissance de toute sorte de biens appartenant à autrui, mais à charge d'en conserver la substance (Code civil, article 578) ; présenté comme un démembrement de la propriété, en tant qu'il regroupe deux attributs démembrés du droit de propriété. Il existe Quatre types d'usufruits, l'usufruit à titre particulier portant sur un bien corporel ou incorporel déterminé (exemple : un immeuble, un fonds de commerce, une créance). Ensuite il y a l'usufruit à titre universel, portant sur un patrimoine ou sur une fraction de patrimoine. Il existe également celui établi par la volonté de l'homme. Il peut être constitué par un contrat (soit à titre onéreux, soit à titre gratuit) ou par testament. Enfin il y a l'usufruit légal qui est celui établi par la loi. C'est le cas de l'usufruit du conjoint survivant sur les droits d'exploitation appartenant au conjoint décédé. Quant à la nue propriété, elle est l'expression consacrée par laquelle on désigne les prérogatives conservées par le propriétaire pendant la période où la chose qui lui appartient fait l'objet d'un démembrement de propriété, à la suite de la constitution d'un droit d'usufruit, d'usage ou d'habitation au profit d'un tiers74(*).

    Dans ce cas, deux personnes ont des droits concurrents, mais différents sur les mêmes parts. Le phénomène est fréquent, notamment pour des raisons successorales, mais aussi dans le cadre des donations-partages (avec réserve d'usufruit pour le gratifiant) et des libéralités en général, ou pour des raisons de techniques financières. L'usufruit est intéressant en ce qu'il permet d'affecter à une personne des dividendes, et éventuellement le droit de vote, tout en conservant à une autre les autres droits issus des parts ou des actions. Naturellement, l'usufruit représente une valeur moindre que la pleine propriété, ce qui paraît attractif à l'égard de l'impôt de solidarité sur la fortune.

    Quand toutes les parts en usufruit sont entre les mains d'une seule personne, il semble que la société n'ait qu'un seul associé s'il n'y a qu'un seul nu- propriétaire. L'article 18844-5 du code civil fournit une indication en ce sens, à propos de la société devenue unipersonnelle, en énonçant que « l'appartenance de l'usufruit de toutes les parts sociales à la même personne est sans conséquences sur l'existence de la société ». A contrario, on peut entendre que le seul point important, pour dire si la société est devenue unipersonnelle, consiste à savoir s'il existe un seul nu-propriétaire.

    Toutefois, l'attribution de la qualité d'associé au seul nu-propriétaire, qui semble conforme à la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation, est aujourd'hui contestée par une partie de la doctrine75(*). Les critères principaux de la qualité d'associé, à savoir l'apport et la participation à la vie sociale, l'affectio societatis, peuvent être remplis par l'usufruitier ; et l'attribution du droit de vote n'est pas elle-même un critère décisif, puisqu'il existe des associés qui sont privés de droit de vote. Il s'agissait de l'arrêt DE GASTE du 4 JANVIER 1994 qui a pu à l'époque être interprété en ce sens que les statuts seraient libres de réserver l'intégralité du droit de vote à l'usufruitier, le nu-propriétaire voyant son droit réduit à celui de participer aux décisions collectives. Solution qui pouvait s'autoriser, sur le plan doctrinal de la théorie selon laquelle, plutôt que le droit de vote, le critère de la notion d'associé résiderait dans le droit d'intervention de la vie sociale » ; mais qui excluait donc que le droit de participer implique le droit de voter. Cet arrêt reposait la question de la titularité de la qualité d'associé en cas de démembrement de droits sociaux, une partie des auteurs, en rupture avec la doctrine classique qui n'attribuait cette qualité qu'au nu-propriétaire, considérant aujourd'hui que l'usufruitier aussi doit se la voir reconnaître76(*). C'est une discussion dont les enjeux sont également pratiques puisque, par exemple, la qualité d'actionnaire ou d'associé détermine le droit de solliciter une expertise de gestion.

    Des règles particulières ont été édictées pour les sociétés anonymes et à partir d'elles pour les autres sociétés par action (voir article L225-10 et L225-118 et suivants). Ces textes ont inspiré, en 1978, l'article 1844-4 du code civil, pour le droit commun des sociétés. Selon ce texte, « si une part est grevée d'un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices, où il est réservé à l'usufruitier. Cependant, depuis la loi du 5 janvier 1988, les statuts des sociétés par action peuvent déroger à cette disposition. De plus en droit commun, l'article 1844 dernier alinéa laisse la même liberté dans les autres formes de société. Un arrêt de la troisième chambre civile en date du 2 mars 1994, en a déduit qu'il était possible de donner dans les statuts, le droit de vote à la fois au nu-propriétaire et à l'usufruitier des mêmes parts. Ensuite, l'arrêt CHATEAU D'YQUEM de 1999, rendu il est vrai à propos d'autres objets de droit de vote, permet désormais de douter de la solution résultant de l'arrêt de GASTE, en liant le droit de participer et le droit de vote ; ce qui signifierait alors que le nu-propriétaire devrait toujours détenir le droit de vote au moins aux assemblées extraordinaires. Ajoutons cependant que même pour un nu-propriétaire de parts, la qualité d'associé n'est pas acquise de façon automatique, s'il hérite de parts d'une société dans laquelle il a été stipulé une clause d'agrément à l'égard des héritiers d'un associé décédé. Selon l'avis de l'avocat Général LAFORTUNE, l'arrêt ultérieur du 31 mars 2004 conduirait implicitement à reconnaître désormais cette qualité à l'usufruitier.

    Dans un arrêt du 22 FEVRIER 2005 non publié au bulletin, la cour de cassation a affirmé que : « les statuts peuvent déroger à la règle selon laquelle si une part est grevée d'un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, à condition qu'il ne soit pas dérogé aux droits du nu-propriétaire, de participer aux décisions collectives ». Autant que par une autre décision, du 13 juillet 2005, rendue par la deuxième chambre civile, mais après avis de la chambre commerciale, précisant que la clause statutaire selon laquelle l'usufruitier représente valablement le nu-propriétaire pour toutes les décisions sociales quelqu'en soit l'objet, si elle permet à l'usufruitier d'exercer seul le droit de vote, en application des dérogations autorisées sur ce point par l'article 1844, al 4 du code civil, ne peut avoir pour effet de priver le nu-propriétaire du droit de participer aux décisions collectives telles ²qu'il est prévu à l'alinéa 1er du dit article. Toutefois comme le soutien un auteur77(*), dans l'hypothèse où, par son vote, l'usufruitier porterait atteinte à la substance des droits du nu- propriétaire, ce dernier devrait logiquement disposer d'une action en responsabilité contre lui.

    Enfin par un arrêt du 29 novembre 2006, la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur cette question âprement disputée qu'est celle d'avoir à préciser si un usufruitier de parts sociales ou d'actions a ou non la qualité d'associé. Malheureusement, ce n'est pas la chambre commerciale, ni la première chambre civile, formation rompue au droit des sociétés, qui ont eu l'occasion de se prononcer sur cette question, mais la 3e chambre civile qui, apporte au débat une contribution qui devrait faire grand bruit78(*). La haute juridiction y approuve une cour d'appel d'avoir relevé que la constitution d'un usufruit sur des parts sociales fait perdre à l'usufruitier sa qualité d'associé, et ce, quelque soit l'étendue du droit de vote qui lui est accordée par les statuts. Cependant la portée de cet arrêt est limitée. Même s'il s'agit d'une décision publiée au bulletin, il est difficile de considérer que la cour de cassation y prend une position de principe sur le point de savoir si l'usufruitier de droits sociaux est ou non associé.

    On se bornera à rappeler qu'une majorité d'auteur s'est aujourd'hui ralliée à l'idée que l'usufruitier a la qualité d'associé ne serait-ce que parce qu'il en a tous les attributs (droits politiques de l'associé et en particulier le droit de vote, vocation aux bénéfices sous forme de dividende), tandis que d'autres considèrent que le nu propriétaire est seul propriétaire des droits sociaux et partant seul associé. Dans l'impossibilité de pouvoir trancher sur la valeur que l'on doit accorder à cette dernière décision, on pourra retenir que, quand bien même la formulation de l'arrêt commenté invite à ne tirer de conséquences de celui-ci qu'avec prudence, et quand bien même la Cour de cassation n'apparaît pas avoir approuvé expressément la position retenue par les juges du fonds, on ne pourra ignorer cet arrêt qui rejette le pourvoi formé contre l'arrêt d'appel qui avait clairement dénié à l'usufruitier la qualité d'associé79(*).Ainsi , jusqu'aujourd'hui la question n'est toujours pas tranchée.

    Cependant, comme tous les autres biens, les parts ou les actions peuvent également être l'objet de titres indivis. Le débat pour l'attribution de la qualité d'associé dans ce type de concours dit horizontal sont-ils aussi vifs que les précédents ?

    P2) le concours horizontal : les droits sociaux indivis.

    L'indivision se définit comme la situation juridique qui existe jusqu'au partage d'une chose (immeuble acquis en commun) ou d'un ensemble de chose (masse successorale, communauté dissoute) entre ceux qui ont sur cette chose ou sur cet ensemble un droit de même nature (propriété, nue-propriété, usufruit), chacun pour une quote-part (égale ou inégale), aucun n'ayant de droit privatif cantonné sur une partie déterminée et tous ayant des pouvoirs concurrents sur le tout (usage, jouissance, disposition).

    On considère le plus souvent que les indivisaires ont tous la qualité d'associé (l'indivision n'ayant pas la personnalité morale)80(*) quand ils sont ensemble copropriétaires de parts sociales ou d'actions. La Cour de cassation a adopté ce point de vue depuis un arrêt de la première chambre civile du 6 FREVRIER 198081(*). Elle précise que : «  les indivisaires ont tous la qualité d'actionnaire, chaque indivisaire est titulaire non pas d'une partie de parts ou d'actions, mais d'une quote-part idéale d'une part ou action, ou d'un bloc de parts ou d'actions ». Ce qui permet la détention d'action en indivision nonobstant le caractère indivisible de celle-ci, affirmé par l'article L 228-5 du code de commerce.

    Le fait que les parts ou actions soient indivisibles ne s'oppose pas à la situation d'indivision, puisque, précisément, les parts ou actions indivises ne sont pas divisées. Toutefois, elles se trouvent avec plusieurs titulaires, et les indivisaires ne peuvent en principe exercer isolement des droits d'associé, comme l'affirment les articles 1844 alinéa 2 du Code civil et l'article L 225-110 du code de commerce. S'agissant du droit de vote, les indivisaires doivent passer pour un seul votant, dans la mesure où ils s'expriment par un mandataire commun. Cette solution relativise la conception traditionnelle qui attribue à chaque indivisaire la qualité d'associé, sans toutefois l'anéantir, car la qualité d'associé peut être conservée alors que l'exercice du droit de vote est réglementé. Les statuts peuvent déroger à l'alinéa 2 de l'article 1844, mais pas à l'alinéa 2 de l'article L 225-110.

    La même idée peut s'appliquer aux époux lorsqu'ils ont tous deux la qualité d'associé. Le problème des époux associés a été renouvelé depuis l'abandon de la règle selon laquelle le droit des sociétés ne devait pas porter atteinte au principe de l'immutabilité du régime matrimonial. La loi actuelle distingue deux situations :

    -Quand un époux emploi des biens communs pour devenir associé d'une société, dont les parts ne sont pas négociables, il doit à peine de nullité de l'acquisition en avertir son conjoint. Concrètement, il est donc prudent pour les autres associés ou le cédant d'exiger la présence de l'autre époux à l'acte d'acquisition ou à la souscription de l'augmentation de capital. En principe, l'époux apporteur ou acquéreur obtient seul la qualité d'associé, sauf si l'autre conjoint notifie à la société son intention d'être lui aussi personnellement associé ; dans ce cas, chaque conjoint devient associé pour la moitié des parts souscrites ou acquises. Le droit de revendiquer la qualité d'associé existe jusqu'à la dissolution de la communauté conjugale, c'est-à-dire, selon la jurisprudence, jusqu'à ce qu'un jugement de divorce soit passé en force de chose jugée. Le conjoint de l'associé peut renoncer à la faculté de devenir lui-même associé.

    - lorsque les droits sociaux sont négociables, c'est-à-dire pour les actions de sociétés anonymes, de SAS, ou de sociétés en commandites par action, chacun des époux commun en bien peut les souscrire ou les acquérir avec des biens communs sans que l'autre puisse revendiquer la qualité d'associé82(*).

    Etant donc cotitulaires d'un titre unique, chacun des indivisaires a la qualité d'associé, mais l'unité du titre implique l'indivisibilité des prérogatives y afférentes et donc leur exercice collectif. Cette situation originale méritait d'être précisée.

    Autant que les situations de concours, l'élargissement de la notion d'associé à l'investisseur professionnel suscite également beaucoup de débats et met ainsi la notion d'associé au centre de l'actualité en matière de droit de société.

    Section II : la notion d'associé élargie à l'investisseur.

    L'actionnaire a toujours été regardé comme un associé. En revanche le sort de l'investisseur qui participe au pouvoir reste généralement sous silence. Le moment est venu de s'attarder sur le régime que l'on applique à l'investisseur associé au contrôle. Le constat est simple. Partant de la différence des profils des actionnaires, la doctrine a proposé un critère général permettant de déterminer qui peut se prévaloir de la qualité d'associé. En pratique, l'épargnant ne peut y prétendre et se voit exempté des obligations propres à la qualité d'associé, pour ne bénéficier que de ses droits83(*). Au contraire, l'actionnaire qui participe au pouvoir est associé à part entière et se voit soumettre au statut d'associé dans son intégralité, avec ses droits et ses obligations. Néanmoins les conséquences de cette qualification sont faibles ; l'investisseur professionnel est un associé particulier, mais il est traité comme un associé ordinaire, et comme un minoritaire ordinaire. La notion d'associé est donc impuissante, car elle ne s'applique pas à lui. Par conséquent, si la qualification d'associé est perspicace dans son fondement (Paragraphe I), elle s'avère inopérante dans sa mise en oeuvre (paragraphe II).

    P1) une qualification perspicace dans son essence.

    Est associé, celui qui a fait un apport en société et qui intervient dans les affaires sociales84(*). De nos jours, la qualité d'associé, ou du moins celle de véritable associé, ne dépend plus seulement de la possibilité abstraite d'intervenir dans la vie sociale, mais de la faculté de le faire utilement. Le critère est qualitatif et s'apprécie in concréto. Peu importe que l'on soit majoritaire ou minoritaire, dès lors qu'on a la volonté de participer au contrôle, que ce soit pour le mener ou pour le contester. De ce point de vue, l'investisseur professionnel relève entièrement de la qualité d'associé.

    La législation contemporaine offre de nombreux exemples de confusion entre l'associé et l'actionnaire. Le législateur ne distingue pas formellement les investisseurs et les associés réels. On pourrait objecter qu'il n'est dans la société que temporairement, même lorsqu'il investi à long terme, et que l'ambiguïté de sa mission « naturelle » d'investisseur commande de le considérer avec indulgence85(*). Néanmoins, son rôle actif dans la société et la pression qu'il exerce sur les détenteurs du contrôle, en font un véritable associé, au même titre que les actionnaires controlaires. Sans même aller jusqu'à reconnaître son droit concurrent au contrôle, on peut donc valablement le qualifier d'associé, en raison de son seul « activisme »86(*). Quelque soit son engagement dans le capital, l'investisseur est techniquement animé d'un affectio societatis, caractérisé par sa participation active et intéressée au processus de prise de décision87(*). Dès lors, il est naturel qu'il soit soumis pleinement au statut d'associé, générateur de droit et d'obligation.

    Confus sur ce point, mais pragmatique et flexible, le droit des sociétés se prête aisément à cette logique. Certes, la distinction entre « vrai » et « faux » associé en est encore à ses balbutiements. Elle relève de la pratique du fonctionnement de la société cotée sans être reconnu explicitement88(*). Cependant elle est sous-jacente à un bon nombre de décisions, et la jurisprudence en tient compte, même si elle se garde bien d'y fonder ses solutions89(*). L'investisseur bénéficie donc des droits de l'associé ordinaire, tandis qu'il a un pouvoir bien plus important que celui d'un simple associé. Ensuite, on ne peut par exemple lui imposer une augmentation des engagements. Par ailleurs, comme tout associé, il est libre de céder ses titres à tout moment. En outre, paré d'un double visage d'associé et d'investisseur, s'appuyant sur une jurisprudence solide, il va se soustraire aux dispositifs des clauses léonines s'il cherche à profiter d'un prix de rétrocession arrêté à l'avance90(*). De toute évidence le droit des sociétés n'en n'est pas encore au stade des nuances, au sein de la catégorie des véritables associés. Quoi qu'il n'ait rien d'un associé ordinaire, le pouvoir politique engendré par sa puissance financière est donc occulté par le statut d'associé.

    Il reste que le système n'est cohérent qu'en apparence. Aussi sensée qu'elle puisse être, la qualification d'associé de l'investisseur se trouve enfermée dans ses propres limites, celles du classicisme. En revanche une fois identifié, l'investisseur n'est ni un associé ordinaire, ni un minoritaire ordinaire, si bien que le soumettre à un régime qui ne tient pas compte de ses particularités, revient à démunir la qualification de son utilité.

    P2) une qualification inopérante dans son application.

    Tous les associés ne sont pas des actionnaires ; l'actionnaire n'est qu'une sorte particulière d'associé, celui qui détient les actions, c'est-à -dire des droits sociaux émis par une société par action, qui se signalent par leur négociabilité. L'associé étant le genre et l'actionnaire, l'espèce. Il semble néanmoins possible de conclure que tout actionnaire a la qualité d'associé. L'actionnaire serait un associé dont la seule originalité serait de détenir des droits sociaux négociables.

    L'idée a beau être communément admise, l'on peut se demander si l'analyse ne gagnerait pas à être renouvelée. La dévolution des modes de financement par action a contribué à bouleverser les catégories. La diversification des valeurs mobilières, le développement des prises de participation temporaires dans les sociétés (le portage par exemple), l'originalité de plus en plus affirmée des sociétés cotées, conduisent l'actionnaire à se poser des questions existentielles. Etre ou ne pas être associé, telle est la question. Le constat est que les analyses classiques sont périmées et qu'elles doivent être renouvelées. Il faut se rendre à l'évidence que dans les sociétés par action, nombre d'actionnaires ne se retrouvent pas dans la définition classique de l'associé et ce d'autant moins que des évolutions récentes ont contribuées à brouiller les frontières entre les catégories d'associés. Lorsque l'on se trouve en présence d'une société par action, la vérité est que l'affectio societatis de l'actionnaire d'une société dont les titres sont admis à la cote sur le marché boursier est presque toujours inexistante. On est tenté de se demander si l'actionnaire est encore un associé.

    Cette inquiétude est devenue plus aigue à mesure que sont apparus de nouveaux modes de financement de sociétés par action. L'actionnaire devient de plus en plus difficile à cerner depuis que l'on voit apparaître des actionnaires à éclipse, qui n'entre dans la société que pour en sortir, ou encore qu'apparaissent de nouveaux titres de financement, qui rendent bien ténue la distinction entre les actions et les obligations.

    Certains financiers prennent la qualité d'actionnaire pour réaliser un apport de capitaux propre à une société, sans avoir, à aucun moment, le souhait de participer aux risques de l'entreprise commune. Cette situation se rencontre par exemple, en présence d'un portage, lorsque le porteur acquiert ou souscrit des titres qu'il veut avoir la certitude de céder pour un prix, qui lui permettra de récupérer sa mise et de percevoir une rémunération. La psychologie d'un tel partenaire financier est plus proche de celle d'un prêteur que de celle d'un associé. Il est alors permis de se demander si cet actionnaire, qui refuse de s'exposer aux risques inhérents à toute prise de participation, et qui n'entre dans le groupement qu'avec la certitude de pouvoir en sortir, est bien un associé.

    Plus troublant encore est le bouleversement qui résulte de l'apparition de titres de financement qui rendent caduque l'opposition bien tranchée entre ces deux titulaires de titres qui ont la qualité d'associé et ceux qui ne l'ont pas. La frontière entre l'obligation et l'action devient bien perméable lorsque l'on découvre les nouvelles valeurs mobilières dont la loi autorise l'émission. L'exemple de l'épargnant se doit d'être évoqué. Ce dernier n'est pas investi de l'affectio societatis. Il perçoit la société comme un objet de placement et n'a ni le temps, ni la compétence, ni même l'intérêt pour participer à la vie sociale. En dépit des apparences, ce dernier n'est plus traité comme un associé, et ceci, quelque soit la nature juridique des titres qu'il détient. Par ailleurs, l'attitude des investisseurs institutionnels met clairement en évidence que ces derniers n'ont aucun égard pour l'affectio societatis. Ceux-ci n'ont qu'un seul objectif : la maximisation de la plus-value à court terme. Si les résultats de la société mettent en évidence un recul des profits, de même si les objectifs prévisionnels sont moins satisfaisants que prévu, ceux-ci vendront massivement leurs titres.

    En effet, « les actionnaires associés en petit nombre, sont vivement intéressés à la marche des sociétés, et les contrôlent pleinement ; les autres, épargnant ou spéculateurs, en très grand nombre, se considèrent comme de simples créanciers de la société, ne sont que des passants »91(*). Il est vraisemblable que l'actionnaire achetant des actions de préférence sans droits de vote, soit moins sensible à la gestion de la société. Entre les divers bailleurs de fonds qui financent l'activité d'une société par action, la summa divisio ne peut plus être établie entre ceux qui sont actionnaires et ceux qui ne le sont pas. Une distinction plus pertinente doit être proposée entre ceux qui sont de véritables associés et les autres. Fort du constat que certains actionnaires entretiennent une proche parenté avec d'autres bailleurs de fonds, qui n'ont pourtant qu'une qualité de créancier, on est tenté de les qualifier d'investisseurs. Les actionnaires ne sont donc tous pas des associés, certains ne sont que des investisseurs. Et il y a lieu de distinguer, parmi les actionnaires, entre ceux qui ont véritablement une âme d'associé et ceux qui se bornent à réaliser un investissement sans avoir une telle ambition.

    Une doctrine autorisée a proposé de faire la différence entre ceux qui participent à la gestion de la société, « les actionnaires associés », et ceux qui financent la société : « les actionnaires investisseurs92(*). Dès lors, il semble que les actionnaires acquérant les actions de préférence sans droit de vote soient avant tout « des actionnaires investisseurs », simples bailleurs de fonds et non de véritables associés. Une distinction entre actionnaire investisseur est aujourd'hui reconnue par la jurisprudence, notamment au regard des promesses de rachat à prix plancher. Aujourd'hui il faut s'entendre sur cette idée élémentaire que tous les actionnaires ne sont pas du même bois. Certains sont de vrais associés, d'autres sont de pures investisseurs, c'est-à dire des créanciers qui ne voient dans l'action que l'enrichissement qu'elle va leur procurer et négligent le pouvoir qu'elle pourra leur conférer. L'idée est aisément admissible mais elle reste platonique si l'on se contente d'y voir une variation lexicale propre à mettre de l'ordre dans la catégorie des actionnaires. Voilà pourquoi, il : convient que cette distinction entre l'investisseur et l'associé se traduise par l'élaboration de règles différentes s'appliquant à l'un et à l'autre.

    Après ces développements certes non exhaustifs sur la diversification de l'usage fonctionnelle de la notion d'associé, celle-ci n'est plus à prouver. Cependant cette dichotomie entre le conceptuel et le fonctionnel liée à l'évolution de la notion faisant l'objet de notre étude ne conduit -elle pas à sa disparité ?

    Chapitre II : la disparité de la notion d'associé

    Une analyse générale de la situation actuelle de la notion d'associé, nous permet d'affirmer qu'elle fait preuve d'une unité relative (SECTION I) qui témoigne de la nécessité de réformer la notion d'associé au sein du droit des sociétés (SECTION II).

    Section I : L'unité apparente de la notion d'associé.

    L'article 1832 du code civil, en posant les critères de définition du contrat de société, définit en même temps les critères d'attribution de la qualité d'associé. Ces critères ont quasiment tous été maintenus jusqu' à nos jours et restent ceux qui s'appliquent à tous les types d'associés. Ceci justifie l'unité au moins théorique de la notion, qui depuis sa création continue à avoir vocation à régir les situations pratiques quelles soient traditionnelles ou nouvelles, d'attribution de la qualité d'associé. En effet, quelque soit le critère évoqué et quelque soit la perte de rigidité qu'il a subi, il est toujours préservé et réussi tant bien que mal à se maintenir malgré l'avalanche de critiques dont il fait l'objet.Il suffit pour s'en convaincre de s'attarder sur le critère de la pluralité d'associés. En effet, celui-ci, bien que remis en cause par l'apparition de l'associé unique, n'a pas disparu. Au contraire, ce critère n'a aucune raison de disparaître, car si il est admis aujourd'hui que l'on puisse créer des sociétés unipersonnelles, force est de constater que la grande majorité des sociétés demeure plurales. D'ailleurs, le législateur l'a tout de suite compris. Ce dernier au lieu, au lieu de sonner le glas de ce critère, a plutôt trouvé nécessaire de le compléter par une nouvelle catégorie d'associé. Ce n'est là que la manifestation d'une adaptation de ce critère à l'évolution de la notion.

    Quant au critère de la mise en commun des apports, malgré l'émergence des quasi-apports, ce critère est celui qui a le mieux conservé sa force dans son ensemble. C'est d'ailleurs ce qui a poussé A. VIANDIER à affirmer que seule la mise en commun d'apports paraît résister aux troubles provoqués par les innovations législatives récentes et par les interprétations jurisprudentielles de l'article 1832 du code civil. Une telle résistance de la mise en commun d'apports s'explique surtout par le caractère fondamental de cet élément. D'une part, en effet, comme le souligne l'article 1832 précité, l'apport est indispensable pour l'acquisition de la qualité d'associé ; l'associé est d'abord un apporteur. D'autre part, l'apport rend compte des autres éléments du contrat de société. L'associé a vocation aux bénéfices et est animé d'une affectio societatis parce qu'il est apporteur. Au reste, la constatation d'une telle mise en commun suffit à prouver la réunion de plusieurs personnes. C'est pourquoi l auteur propose dans sa thèse l'ébauche d'une nouvelle analyse de la notion d'associé fondée principalement sur l'importance du rôle de la mise en commun d'apports93(*).

    En ce qui concerne l'affectio societatis, bien que l'institution de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limité, de la société par action simplifiée unipersonnelle et la suppression du droit de vote de l'associé, constituent des illustrations du recul de ce critère, on constate qu'il est néanmoins maintenu. Car si dans tous ces exemples il recule de manière évidente, force est de constater qu'il ressurgit et conserve toute son importance lorsqu'il n'est plus question de ceux-ci. Il peut être soutenu concernant le droit de vote par exemple, que dès lorsqu'il n'est pas totalement supprimé, l'affectio societatis est préservé par la garantie d'un minimum d'associés détenant un droit de vote susceptible d'être utilisé. De même, il est possible d'admettre que la suppression du droit de vote d'une partie seulement des associés, n'emporte pas de conséquences sur ceux-ci, dans la mesure où l'autre partie des associés possédant le droit de vote, exerce pour eux un affectio societatis suffisant. Le raisonnement se tien d'autant plus qu'incontestablement, depuis déjà bien longtemps, de nombreux associés, disposant du droit de vote n'exercent pas cette prérogative. En outre, aucun texte n'indique formellement que l'associé doit détenir un droit de vote. L'article 1844 du code civil instaure seulement un droit de participer aux décisions collectives94(*). Pour toutes ces raisons et bien d'autres, le maintien de l'affectio societatis se justifie.

    Enfin la participation aux résultats justifie son maintien par plusieurs raisons. D'abord, il faut noter que ce critère conserve toute son importance. Le fait est que le champ d'application des clauses léonines semble régresser, et laissent place à des hypothèses dans lesquelles la contribution aux pertes n'est pas requise pour certains associés. C'est par exemple le cas en matière de portage. Il reste que ces hypothèses demeurent encore très marginales en plus du fait que leur acceptation par la jurisprudence n'est pas encore tout à fait acquise. A cela s'ajoute également le fait que la contribution aux pertes n'est pas le seul volet de la participation aux résultats. Ce critère regorge également la vocation pour un associé à participer aux bénéfices ou aux économies, lesquels critères, restent moins touchés que celui de la participation aux pertes. Tout cela milite en faveur de la préservation actuelle de ce critère par les textes.

    Cependant, cette unité n'est aujourd'hui qu'apparente. Car si elle était avérée, il n'y aurait certainement pas ce fossé entre la notion conceptuelle et celle fonctionnelle d'associé. En effet, ces deux branches de la notion ne vibrent pas au même diapason et cela a des répercussions importantes sur la cohérence de la notion. C'est ainsi que le fait pour la théorie de ne pas s'adapter à la pratique permet de constater qu'il existe des difficultés de plus en plus accrues en ce qui concerne l'attribution de la qualité d'associé. Cela ne facilite pas la tâche à la jurisprudence qui, appelée régulièrement à se prononcer sur ces questions, a tendance à balbutier. C'est la raison pour laquelle des propositions doctrinales foisonnent dans tous les sens à chaque fois qu'il est question d'attribuer ou pas la qualité d'associé.

    On en veut pour preuve les discussions sur l'attribution de la qualité d'associé entre l'usufruitier et le nu propriétaire. Ces discussions sont vieilles de plusieurs décennies et jusqu'à ce jour continuent d'être d'actualité. Sur cette question précise, tout est confus et cette confusion naît sûrement des imprécisions législatives liées à la notion d'associé. Cela contraint le juge à se prononcer au cas par cas. Ce qui prouve à notre avis cette inadéquation entre la notion d'associé telle que conçue par le législateur, et son usage en droit des sociétés.

    Le même problème de détermination de la qualité d'associé se pose lorsqu'il s'agit de savoir qui de l'actionnaire-associé ou de l'actionnaire-investisseur, a réellement la qualité d'associé. Pour le législateur, cela va de soi qu'un investisseur est un associé ordinaire, car ce dernier ne distingue pas formellement les investisseurs et les associés réels. Or la majeure partie de la doctrine s'accorde à dire que l'investisseur présente très peu de caractéristiques d'un associé ordinaire. Ce dernier, contrairement à l'actionnaire associé, actionnaire réel, n'a qu'un seul objectif, la maximisation de son profit ; il n'est pas investi de l'affectio societatis, ce n'est qu'un spéculateur. Par conséquent, lui reconnaître la qualité d'associé accentue la marge entre la notion originelle et celle fonctionnelle d'associé.

    Plus encore, du fait de l'émergence fonctionnelle de nouvelles techniques d'apports, qualifiées par la doctrine de quasi-apports95(*), est apparue une nouvelle notion : les quasi-associés qui ne sont pas des associés à part entière. En effet, c'est parce que les quasi-associés sont titulaires d'actions amputées provisoirement d'un des attributs traditionnels de l'action ou les titulaires d'actions démembrées. Les premiers sont les propriétaires d'actions à dividendes prioritaires sans droit de vote, et les seconds sont les porteurs des certificats d'investissement et les certificats sans droit de vote. Le néologisme doctrinal vient une fois de plus préciser les insuffisances théoriques de la notion d'associé. En effet la souplesse du législateur dans l'attribution de la qualité d'associé permet de penser qu'il contribue passivement à cette disparité. L'exemple des quasi-associés montre qu'il y a émergence de nouvelles catégories juridiques liées à la notion d'associé, auxquelles ne correspond aucun statut légalement prévu. C'est pourquoi la doctrine s'efforce de les intégrer dans le droit des sociétés. Ceci prouve encore que la théorie liée à la notion d'associé est insuffisante, ou alors ne suffit plus à régir tous les types d'associé qui apparaissent.

    Au vu de ces développements, il est manifeste que l'unité de la notion d'associé est relative. Par conséquent, cette situation n'impose-t- elle pas de penser à une refonte nécessaire de la notion d'associé ?

    Section II : une refonte nécessaire de la notion d'associé.

    La réforme de la notion d'associé est nécessaire. En effet, fort du constat selon lequel les bases conceptuelles traditionnelles de cette notion, qui découlent de la définition du contrat de société, sont de nos jours sérieusement remises en cause, nous pensons qu'il serait opportun pour le législateur d'intervenir. Il est temps que ce dernier sorte de sa léthargie. Selon nous, le législateur gagnerait à consacrer une définition de l'associé propre au contexte actuel du droit des sociétés. Autrement dit, la notion d'associé doit être actualisée et surtout soutenue par des bases théoriques solides. Cela passe, nous semble-t-il par une autonomie de cette notion. En d'autres termes, la notion d'associé devrait avoir sa spécificité. Elle devrait avoir sa propre définition, au lieu de découler de celle du contrat de société édictée à l'article 1832 du code civil, car ce procédé qui était certes louable à l'époque de la rédaction du code civil a largement montré ses limites. De cette définition devrait découler un statut propre à l'associé, lequel correspondrait à son régime juridique actuel.

    L'intérêt de cette proposition se situe sur un double plan pratique et théorique. Théoriquement, la notion d'associé aura le mérite d'être rigide, englobante et pertinente. Cela éviterait toutes les controverses liées à l'obsolescence des critères de cette notion. En pratique, elle permettrait aux juridictions d'avoir plus de facilité et de certitude quant à l'attribution de la qualité d'associé. En outre, la notion d'associé, aura le mérite d'être homogène ; homogénéité découlant de l'adéquation entre la théorie conceptuelle et celle fonctionnelle d'associé. Cette innovation pourrait être une chance pour le droit des sociétés en lui restituant une cohérence qu'il n'a plus.

    Par ailleurs, il conviendrait d'établir une distinction précise entre l'investisseur et l'associé se traduisant par l'élaboration de règles différentes s'appliquant à l'un et à l'autre. En effet, un véritable droit des sociétés s'appliquerait aux associés et un droit de l'investissement s'appliquerait aux investisseurs qui ne peuvent être regardés comme des associés96(*). Certaines règles d'ordre public du droit des sociétés ne se conçoivent qu'avec d'authentiques associés. Quand le code prohibe les clauses léonines ou affirme l'intangibilité du droit de vote, il ne fait rien d'autre qu'imposer une certaine fidélité à la touchante icône de ces associés qui oeuvrent ensemble en vue du succès d'une entreprise commune. Si l'on se convainc que, parmi les actionnaires, rares sont ceux qui ont une âme d'associé, l'on peut envisager de construire le droit des sociétés par action sur cette distinction propice. Observons que l'évolution du droit des sociétés est déjà en ce sens. Bien que le législateur persiste à traiter ces investisseurs comme des associés, et à leur imposer des prescriptions dénuées de pertinence ; ce point sur notre droit devrait évoluer. L'actionnaire qui n'est pas associé doit pouvoir échapper à ce qu'il ne peut regarder que comme le folklore d'un droit des sociétés devenu, pour l'investisseur qu'il est plus gênant qu'utile. Il faut lui permettre de s'évader de cet ordre public qui n'a été conçu que pour préserver l'essence du contrat de société et de l'état d'associé. A cet égard, un arrêt de la COUR D'APPEL DE PARIS97(*) apparaît aussi novateur qu'intéressant. Il s'engage sur cette voie qui regarde l'investisseur comme un actionnaire à part, en position d'échapper à l'ordre public du droit des sociétés. Cette distinction entre les actionnaires associés et les actionnaires investisseurs est propre à rendre une cohérence au droit des sociétés par action. L'adopter n'aplanira pas pour autant toutes les difficultés. Deux questions ne manqueront pas de se poser. D'abord celle d'avoir à distinguer parmi les actionnaires ce qui fait l'associé et ce qui fait l'investisseur. Comme pour toute qualification nouvelle, la jurisprudence devra polir les catégories et en dessiner les contours. Ensuite celle d'avoir à élaborer un régime cohérent applicable à ces deux situations bien distinctes que sont celles de l'associé et de l'investisseur. Il faudra rendre à chacun ce qui lui revient et élaborer un droit de l'investissement à côté du vénérable droit des sociétés.

    Voilà déjà longtemps que le Professeur Yves Guyon, a souligné que le droit des sociétés se construisait autour d'une évolution entre les sociétés selon qu'elles sont ou non cotées en bourse98(*). De plus, le droit applicable aux sociétés cotées n'a cessé de se spécialiser, relevant essentiellement des techniques d'attraction des capitaux ; conformément à l'idée de la création d'un droit de l'investissement. Longtemps restés dans l'ombre, les colégislateurs de l'union européenne ont, en effet, récemment engagé un chantier, relatif à la modernisation du droit des sociétés et au renforcement du gouvernement d'entreprise. Au travers de ce dernier, un consensus en faveur d'un distingo sociétés cotées/ sociétés non cotés est à distinguer. Et les manifestations législatives de cette reconnaissance progressive sont nombreuses. Nous en voulons pour preuve le dispositif réglementaire prévu par le décret du 11 décembre 2006, dont l'objectif est de moderniser le droit des sociétés commerciales. Ensuite, il y a le nouveau dispositif légal introduit par la loi du 2 Aôut 2005 qui contribue également à distinguer les structures cotées et non cotées99(*). Ce rééquilibrage est révélateur d'une accentuation de la distinction entre les sociétés ouvertes et fermées, aussi bien à l'échelle française qu'européenne. Ce mouvement fait échos à un solide courant au sein de la doctrine favorable à cette reconnaissance au sein du droit positif d'une summa divisio fondée, d'une part sur un droit spécial des sociétés cotées, « organisé dans un rapport au droit commun des biens », et, d'autre part, un droit classique des sociétés, « organisé dans un rapport au droit commun des obligations »100(*).

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    * 1 . V. P. LE CANNU, Droit des sociétés, Coll. Domat droit privé, 2e édition, Montchrestien, 2003, P. 85.

    * 2 . V. G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 4e éd., PUF Quadrige ;

    * 3 . Le nouveau Petit Robert de la langue française, 2008, p. 160.

    * 4 . Art. 1832 du C. civ : « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre en commun des biens ou leur industrie, en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.

    Les associés s'engagent à contribuer aux pertes ».

    * 5. Loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil, J.O. du 5 janvier, D. 1978, p. 69, JCP 1978, 46684.

    * 6. Loi n°2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, publication au JORF du 16 mai 2001 ; Ordonnance n° 2004- 604 du 24 juin 2004, portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer des dispositions ayant modifiées la législation commerciale, publication au JORF du 26 juin 2004.

    * 7. Il faut noter que cette initiative du législateur est généralement condamnée, V. HAMEL et LAGARDE , « Traité de droit commercial », Paris Dalloz.

    * 8. V. à ce sujet : TUNC, « Le droit anglais des sociétés anonymes », Paris Dalloz 1071, p. 95, n° 73.

    * 9. Pour le décompte du nombre des associés, v. Bordeaux, 20 juillet 1931, D. 1933, 2, 129, n. Pic.

    * 10. Alger, 13 mai 1954, RTD.com. 1995, p. 96, N° 7, obs. Rault, G.P., 1954, 2, 100.

    * 11 . Art. L. 163, al. 1.

    * 12 . A. VIANDIER,  La notion d'associé, LGDJ, coll. Bibliothèque Droit privé, 1978.

    * 13 . A. LIENHARD, « exclusion d'un associé de SAS par décision collective », Actualités Dalloz, édition Dalloz 2007 ; à retrouver dans le site WWW.Courdecassation.fr

    * 14 . A. LIENHARD, « validité du cautionnement d'une dette d'un associé », Actualités Dalloz, édition 2007 ; à retrouver dans le site WWW.Courdecassation.fr

    * 15. V. Vocabulaire juridique G. Cornu, Association Henri Capitant, 4e éd., puf Quadrige, P. 65.

    * 16 . Art. 1843-3, al 2, C. Civ.

    * 17 . V. P. LE CANNU,  Droit des sociétés, 2e éd. Coll. Montchrestien, 2003, p. 113.

    * 18. C. civ. Art. 1843-3.

    * 19. D. Vidal,  DROIT DES SOCIETES, LGDG, 3e éd. P. 35-36.

    * 20 . C. com., Art. L. 223- 7, in fine.

    * 21. « Le titulaire de parts en industrie est un associé », Recueil Dalloz 2004, p. 1088 ; V. le site internet WWW.dalloz.fr.

    * 22. M. GENINET, «  Les quasi-apports en société », Revue des sociétés, 1987, p. 25-42.

    * 23. Cf. I. URBAIN- PARLEANI, « les comptes courants d'associés », thèse, Paris LGDJ 1986, n° 1, p. 7.

    * 24. Cf. I. URBAIN-PARLEANI, op. Cit. , n) 388, p. 239.

    * 25.J. FOYER. Cité par D. Crémieux Israël « l'assimilation des prêts participatifs à des fonds propres ». Rev. soc. , 1983, n°4, p. 754.

    * 26. V. S. GUINCHARD, « l'affectation des biens en droit privé français », LGDJ, col. Bib. Dr. Privé, t.145, préf. R. Nerson.

    * 27. R. PATRY, « la reconnaissance de l'existence d'une personne morale en droit Suisse », études R. Houin, 1985, p. 219, spé n° 7.

    * 28. Au Royaume Uni, la « one man compagny » a été reconnu dès 1897 par l'arrêt Salomon V. A. Salomon and Co, Ltd : 1897 AC22, HL.

    * 29. V. N. HORN, « L'entreprise personnelle à responsabilité limitée. L'expérience allemande » : RTD com. 1984, p. 1.

    * 30. B. LAURIN, « la nouvelle loi allemande sur les « petites sociétés par actions » et la simplification du droit des sociétés par actions » : Petites Affiches 2 nov. 1994, n° 131, p. 11.

    * 31 . Comp. La jurisprudence antérieure : CA Paris, 1ere ch. A, 22 janvier 1997 : Bull. Joly 1997, §228, p ; 579, notes J. -J. AIGRE.

    * 32. A. REYGROBELLET, « Pour une société à nom collectif... impersonnelle » : D. 2003, chr. 679.

    * 33. Depuis cette loi, l'article 1844-5 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé : «  les dispositions du 3eme alinéa ne sont pas applicables aux sociétés dont l'associé unique est une personne physique ».

    * 34. C. civ, Art. 1833.

    * 35. Cf. J. HAMEL, « l'affectio societatis », RTD civ. 1925, p. 761 et suivants; D. Veaux, J-CL. Civil, art. 1304 à 1314, fasc. 20, n° 48.

    * 36. A. VIANDIER,  La notion d'associé, LGDG, Bibl. dt. Privé, t. 156, 1978, n° 197, p. 78.

    * 37. Lorsqu'il y a turpitude des deux côtés, la répétition n'est pas admise.

    * 38.D. SCHMIDT, « Les droits de la minorité dans la société anonyme », paris (Sirey, Bibl. de Dr. Commercial, tome XXI, n° 13), 1970, p. 10.

    * 39. L'exemple des comptes à demi ou comptes communs, qualifiés de sociétés de participation est à cet égard également éloquent ; il s'agit de conventions entre un commerçant et un banquier ; le premier remettant la moitié de ses bénéfices au second qui s'engage, pour sa part, à contribuer à la moitié des pertes. Malgré l'absence d'affectio societatis et d'apport, ces conventions ont pu être qualifiées de sociétés en participation.

    * 40. CHOUKROUN, « Les droits des associés non gérant dans les sociétés à responsabilité limitée », thèse Paris (LGDJ, Bibl. de droit privé, tome III), p. 49 ; GAILLARD, « La théorie institutionnelle et le fonctionnement de la société anonyme », thèse Lyon, 1932, p. 56.

    * 41. G. DAMY, « La remise en cause de la notion classique d'associé : vers une atteinte aux fondements du droit des sociétés », Petites Affiches, LPA, 26 juillet 2007, n° 149, p. 3

    * 42. M. COZIAN, A. VIANDIER, F. DEBOISSI, Droit des sociétés, 17eme éd, Juris- Classeur, Litec, 2004, p. 144.

    * 43. H. LENABASQUE, « les droits financiers de l'associé : Mélanges J. Normand, Litec, 2003, P. 307.

    * 44. Cass. Com., 9 février 1999 : Rev. Sociétés 1999, p. 80, notes P. LE CANNU. - Sur le droit de vote de l'usufruitier.

    * 45. « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ».

    * 46. Com. 9 févr. 1999, Bull. civ. IV, n° 44; D. 2000. Somm. 231, obs. Halloin; Rev. Sociétés 1999. 81, note LE CANNU.

    * 47. LE CANNU, op. Cit. n° 242 et 243.

    * 48. A. LIENHARD, « l'exclusion d'un associé de SAS par décision collective », Droit des affaires, D. 2007.

    * 49. Signalons néanmoins que la loi du 2 Août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (JO du 3 Août 2005, p ; 12639) comporte une mesure relative à l'assouplissement des conditions de quorum pour la tenue des assemblées générales extraordinaires et ordinaires.

    * 50. Art. L 228-15 du C. com.

    * 51. Il convient de préciser que la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques avait clairement considérer le droit de vote comme la prérogative la plus essentielle de l'associé, celle qui lui permet de la manière la plus efficiente de participer aux affaires sociales.

    * 52. T. MASSART, « les actions de préférence et la question du droit de vote », Dr. Et patr, n°130, 2004, p. 84.

    * 53 . Cass. Req. , 3mars 1903, D1904, I, 257, notes Thaller. Cf. A. VIANDIER, op cit, p.170.

    * 54. Cass. , Ch. Réunies, 11 mars 1914, D. P. 1914, I, 257 ; Rev. Soc. 2000, p. 7.

    * 55. Y. GUIYON, Droit des affaires, t. 1, n° 111-117.

    * 56. V. M.-H. MONSERIE-BON, obs. sur CA Versailles, 1ere ch. A, 7 sept. 2000, RTDcom. 2000, p.966.

    * 57. Sur cette obligation, V. Monsieur BARRE, Rép. Soc. Dalloz, v° Sociétés de construction en vue de la vente, 1993, n° 110 à 129, p.11-14.

    * 58. V. Cass. Com, 17 mai 1994, USINOR, Bull. Joly, 1994, Paragraphe 219, p. 816, note J.-J. Daigre; Addé M. COZIAN, A. VIANDIER, F. DEBOISSY, op. Cit. Notes 44, n° 1011, p. 435.

    * 59. V. CA Versailles, 12e chambre. , 2E sect. , 20 mai 1999, RD bancaire et bourse 1999, p. 248, n°3, obs. M. Germain et M. A. Frison- Roche.

    * 60. V. B. PETIT et Y. REINHARD, obs. préc. RTDcom. 1996, p. 73.

    * 61. V. Cass. Com. 10 Octobre 2000 (réduction du capital à Zéro avec maintien du droit préférentiel de souscription, JCP, édition E2001, p. 85, note A. Viandier.

    * 62. V. Cass. Com. 18 juin 2002, (réduction du capital à zéro sans maintien du droit préférentiel de souscription), D. 2002, p. 2190, obs. Lienhard et p. 3264, obs. J. C. Hallouin.

    * 63 . Cass com., 18 octobre 1994, Dr. SOC. , 1994, n° 205, obs. Le NABASQUE.

    * 64 . V. P. LE Cannu, op. Cit. n° 279, p. 162 : «  Au 19e siècle, la cour de cassation avait estimée, sous l'empire de l'ancien article 1855 du code civil, qu'une clause léonine était entachée de nullité, qu'elle soit contenu dans un acte séparée ou dans l'acte de société, qu'elle oblige la société toute entière ou seulement quelques uns de ses membres, et qu'elle soit temporaire ou faite pour un temps déterminé ».

    * 65. V. également à propos de la promesse de rachat à un prix planché des actions du dirigeant qui cesse ses fonctions, com. 12 mars 1996, bull. Joly 1996, p. 516, n° 176, N. Rontchevsky.

    * 66. Ph. MERLE, Droit commerciale, Sociétés commerciales, DROIT PRIVE, Précis Dalloz, 10e édition 2005, n° 42, p. 70.

    * 67. Com. 10 février 1981, Rev. Soc. 1982, 98, Ph. MERLE.

    * 68. V. Cass. Civ. 1ere, 22 juillet 1986, Bull. Civ. I, n° 224; Bull. Joly 1986, Paragraphe 258, p. 859, notes P. le Cannu.

    * 69. Cass. Civ. 1ere, 16 octobre 1990: Bull; Joly 1990: 1029, Paragraphe 330, note LE CANNU ; 29 octobre 1990 : Bull ; Joly, 1990. 1052, paragraphe 343, note LE CANNU ; 9 juin 1993 : Dalloz 1993, IR, 212.

    * 70. Gaz. Pal. 1983, 1, PAN. 23 ; BRDA, n° 18, p. 15.

    * 71. Cass. Com. 20 mai 1990, BOWATERS COORPORATION LIMITED c/ DUVIVIER: Bull. Joly 1986, paragraphe 169, p. 618; RTDcom. 1987, 66, obs. Cl. Champaud, et P. Le Floch et 205, obs. y. Reinhard.

    * 72. Cass. Com 19 mai 1992 : bull. Joly 1992. 779, paragraphe 250, notes P. LE CANNU.

    * 73. Cour d'appel de Paris 25e chambre, 21 décembre 2001, BSA Bourgoin c / CDR participations, Dr. Soc. 2002, Com. n° 44 ; Bull. Juridique 2002, p. 499, notes T. Massard.

    * 74. Pour les définitions, V. Vocabulaire juridique, op. cit. P. 465.

    * 75. J. DERRUPPE, « un associé méconnu : l'usufruitier de parts ou d'action », Petites Affiches, 13 juillet 1994, n° 83, p. 15 ; M. COZIAN, « du nu-propriétaire ou de l'usufruitier, qui a la qualité d'associé ? » JCP éd. E, 1994. I. 374.

    * 76. F. X. LUCAS, note SS. Rennes, 27 mai 2003, Bull. Jolly. 1187.

    * 77. Ph. MERLE, op. cit. n° 492, p. 573.

    * 78. F. X. LUCAS, « Refus de la qualité d'associé à l'usufruitier de parts sociale », Droit des sociétés, n° 2, février 2007, commentaire 25.

    * 79. B. DONDERO, « du possible refus par la cour de cassation de la qualité d'associé à l'usufruitier de droits sociaux », notes sous cour de Cassation, 3e ch. Civ. 29 novembre 2006, revue des sociétés 2007, p.319.

    * 80. Vocabulaire juridique Gérard cornu, op. c.it. P. 465.

    * 81 . Cass. Civ. 1ere , 6 février 1980 : rev. Soc, 1980, 521, Notes A. Viandier.

    * 82. V. cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 16 décembre 200 : Bull ; Joly, Avril 2001, § 103, Note J. P. Garçon.

    * 83 .V. I. Parachkévova, Pouvoirs et financement dans la société anonyme cotée, thèse Nice 2OO4, n° 235.

    * 84. A. VIANDIER, op. Cit. n° 153 et s. p.151 et suivant.

    * 85. V. F. MANIN, les investisseurs institutionnels, thèse, Paris I, panthéon Sorbonne, 1996.

    * 86. V. I. PARACHKEVOVA, Le pouvoir de l'investisseur professionnel dans la société cotée, droit et économie, LGDJ, 2005, n°168, p. 117.

    * 87. V. sur cette définition de l'affectio societatis, C. Ruellan, la loi de la majorité dans les sociétés commerciales, thèse paris II, 1997, n° 352, p. 208.

    * 88 . I. Parachkévova, thèse op. cit. n° 235.

    * 89. L'exemple est particulièrement révélateur s'agissant des clauses léonines où les arguments juridiques permettant de valider les clauses ostensiblement léonines, ne correspondent pas aux vrais raisons de cette clémence : l'absence de qualité d'associé des bénéficiaires. V. F. X. Lucas, « promesse d'achat de droits sociaux à prix garantie et prohibition des clauses léonines a la recherche de la cohérence perdue», JCP 2000-E-II-168.

    * 90. Ceci résulte de l'appréciation souple de la qualité même d'associé. V. F.X. LUCAS, « promesse d'achat de droits sociaux à prix garantie et prohibition des clauses léonines. A la recherche de la cohérence perdue... » op. cit. ; « Les actionnaires ont-ils tous la qualité d'associé ? », Rev. Dr. Bancaire et financier. , n° 4-juillet/Août 2002, édition jurisclasseur, p. 216.

    * 91. G. DAMY, « la remise en cause de la notion classique d'associé : vers une atteinte aux fondements du droit des sociétés », petites affiches, Droit des sociétés, 26 juillet 2007 n° 149, p. 3.

    * 92. D.S. SCHMIDT, « les droits de la minorité dans la société anonyme », Sirey, 1970, n° 12.

    * 93. A. Viandier, Thèse précitée, partie II, n° 151, p. 149.

    * 94. G. DAMY, article précité, n° 43-45.

    * 95. M. Geninet, « les quasi-apports en société » op. Cit, p. 34-39.

    * 96. F -X. LUCAS, « les actionnaires ont-ils tous la qualité d'associé ? » op. cit, p. 217.

    * 97 . CA Paris, 25e chambre, 21 décembre 2001, op. cit.

    * 98 . YVES GUYON, Droit des affaires, t. I, Economica, 11e édition, 2001, n° 220.

    * 99. Loi n° 2005-882 du 2 Août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (J O du 3 Août 2005, p. 12639).

    * 100 . V. notamment M-A. Frison-Roche, « la distinction des sociétés cotées et des sociétés non cotées », in Mélanges AEDBF France, Banque éditeur, 1997, p ; 189 à 199.






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