L'émergence de l'économie chinoise et son impact sur l'économie mondiale( Télécharger le fichier original )par Bilel Ben Nahia FSEG de Nabeul (Tunisie) - maitrise en science économie 2006 |
Chapitre 3:La montée en puissance de la Chine: les effets sur l'économie mondialeLe 14 octobre 2002, un certain Stephen Roach14(*)a publié un rapport intitulé "le facteur chinois" et depuis, le débat est enflammé sur une possibilité de menace chinoise pour l'économie mondiale. En effet, la Chine est à blâmer pour les problèmes économiques de mondes tel que la hausse des prix de matières premières et d'énergie, la déflation, le chômage, délocalisation, déficit de balance commercial de certains pays avec la Chine. Tout d'abord étudions l'avantage comparatif de l'économie chinoise. I. Compétitivité-prix15(*): L'avantage comparatif de la Chine repose, d'une part sur l'abondance de la main d'oeuvre, et d'autre part, sur son faible coût. D'où une forte compétitivité-prix. D'abord, ce qui a causé cet avantage c'est la gigantesque migration interne. En effet, quelques 20 millions de travailleurs chinois supplémentaires passent de l'extrême pauvreté et des sous-emplois ruraux au travail dans les secteurs modernes et urbaines16(*). Ainsi on constate q'au point de vue des ressources humaines, la Chine est le pays le plus riche du monde. Aussi, la cause de faible coût est que l'avantage comparatif de la Chine a reposé au départ sur la capacité d'adoption d'une main d'oeuvre qui bénéficiait au minimum d'un niveau d'éducation primaire, donc peu qualifié, et qui a pu passer de l'agriculture à l'industrie avec des niveaux de salaires auxquels aucun des concurrents de la Chine ne pourrait faire face. Par ailleurs cette compétitivité est due à une faible rémunération horaire. En plus de pouvoir compter sur des travailleurs nombreux et disponibles, et en l'absence d'avantages sociaux significatifs, les salaires restaient, en 2002, plus de 30 fois inférieurs à ceux des grands pays industrialisés (Fig. 6). Fig. 6 : Rémunération horaire de la main d'oeuvre manufacturière-2002 (dollars américains, PPA de 1997) Source: Bureau of Labor Statistics, Global insight. Il est à noter que l'avantage comparatif de la Chine dans les biens intensifs en main d'oeuvre peu qualifiée se situe essentiellement dans les secteurs de textile17(*)et de l'habillement, de cuir et des chaussures, des jouets, des bois, des appareils électriques et dans une moindre mesures, de la chimie, des métaux et des machines (Fig. 7). Fig. 7 : La part de la Chine dans la production mondiale Source: La Lettre Internationale MCC. II. La Chine et la hausse des prix de matière première et d'énergie?
Rappelons que la Chine, et depuis à peu près 30 ans, connaît une forte croissance, à peu près 10 %, d'où la demande croissante de son économie pour les matières premières. La Chine est devenue gourmande en matières premières industrielles depuis la fin des années 90. En effet, l'économie chinoise s'appuie, par exemple, massivement sur le charbon; ce pays est le premier producteur et premier consommateur de cette matière qui alimente près de 70 % des besoins énergétiques (Fig. 8). Fig. 8 : Répartition de l'augmentation de la consommation mondiale de charbon en 2003 Source: BP Statistical Review De même la consommation des autres matières premières a augmenté d'une façon remarquable (tableau 2). Tableau 2 : La Chine sur les marchés des matières premières en 2003 Source: COE Les causes de cette augmentation résident dans la lecture de modèle de construction économique et industriel chinois. En effet, afin d'éviter toutes fracture dans la cohésion sociale, la Chine a été obligé à se tourner vers l'intérieur au début des années 90. Dés lors, l'accent a été porté sur la construction d'autoroutes, de vois ferrées, d'oléoducs, de gazoducs, de centrales électriques, thermiques et nucléaires, infrastructures fortement consommatrices de métaux non ferreux et de métaux de base.
En 2004, tous les prix des grandes matières premières ont augmenté de façon considérable, ce qui les a qualifié Philippe Chalmin19(*) de "choc de 2004". Depuis 2001-2002, presque tous les prix des métaux ont doublé, voir, pour le nickel, triplé. Celui de l'acier a été multiplié par 2,5, et les sidérurgistes ont dû accepter une hausse de 71,5 % de minerai de fer. En effet, avec une hausse de la production industrielle chinoise de 17 % en 2003 et 19,8 % en 2004, la demande de la Chine a représenté 60 % de la croissance de la demande globale de métaux non ferreux. Ce mouvement a conduit les cours des principaux métaux à des niveaux inobservés depuis prés de 10 ans. Ainsi les différents segments de matières premières industriels sont touchés de manière indifférenciée par "l'ogre" chinois (Fig. 9). Fig. 9 : Production industrielle mondiale production industrielle de la Chine et prix des matières premières Source: COE, HWWA20(*)
La consommation totale de la Chine en énergie est en hausse permanente pendant plusieurs années en parallèle avec la croissance de son économie ; elle est passée de 14319921(*)en 2001 à 222468 en 2005. Fig. 10: La consommation totale de la Chine en énergie de 2001 à 2005 Source: National Bureau of Statistics of China Si on prend comme exemple de produit énergétique le pétrole brut, la Chine a contribué, en 2003, pour 41 % à l'augmentation de la consommation mondiale (Fig. 11). Fig. 11 : Répartition de l'augmentation de la consommation mondiale de pétrole brut en 2003 Source: BP Statistical Review Deux causes majeures sont responsables de cette hausse, premièrement c'est que la Chine a massivement investi dans des industries intensives en énergie et deuxièmement c'est l'expansion de la classe moyenne chinoise qui a multiplié l'utilisation de véhicules automobiles dans le pays. Avec environ 6 millions de barils par jour (Fig. 12), la Chine est aujourd'hui le deuxième consommateur de pétrole brut de monde, derrière les Etats-Unis. Fig. 12 Cette hausse non précèdent de la consommation de pétrole par la Chine est dû au dynamisme de son économie ce qui a engendré une forte hausse des cours du brut (Fig. 13). Fig. 13 : Pétrole : une flambée des prix depuis 2 ans Source: Recherche économique FBN III. La Chine exporte-t-elle de déflation? Les débats sur la Chine, comme source possible de la déflation mondiale, se sont déclenchés avec la publication d'un rapport intitulé "le facteur chinois" de Stephen Roach, économiste en chef chez Morgan Stanley aux Etats-Unis, rendu public le 14 octobre 2002. Ce rapport a été retenu comme un bouc émissaire pour expliquer la déflation dans certains pays comme les Etats-Unis et le Japon. Roach a tenu pour argument la baisse d'après quelques années de l'indice des prix à la consommation en Chine (Fig. 14).
Fig. 14: pourcentage de changement annuel dans l'indice des prix à la consommation (1981-2004) Source: National Bureau of Statistics of China En effet, il a noté que l'indice des prix à la consommation en Chine avait baissé de 0,7 % (sur un an) en août 2002, et comme la Chine contribue pour 50 % dans la croissance des exportations de l'Asie vers les Etats-Unis entre 1996 et 2001, d'où son économie était sûrement un élément important de la déflation étasunienne. Roach conclue que la Chine est devenue une force toujours croissante dans la régulation du niveau des prix du monde. D'une part, l'augmentation de la demande chinoise exerce des pressions à la hausse sur les prix des intrants mais, d'autre part, au fur et à mesure que les techniques de productions s'affinent, les prix des produits exportés baissent. L'économiste Hu Angang ajoute que la croissance économique de la Chine, sa capacité de production accrue et l'augmentation de ses exportations a contribué pour moins de 4 % à la déflation mondiale. IV. Réévaluer le yuan, une solution? Avec les conséquences déflationnistes de l'économie chinoise sur l'économie mondiale, le déficit commercial avec certains pays (100 milliards de dollars avec les Etats-Unis en 2001), et la forte compétitivité de ces produits en matière de prix, la Chine subit des fortes pressions de la part, surtout, des Etats-Unis et de Japon pour réévaluer le yuan comme une solution à tout ces problèmes. En effet, elle pratique le taux de change stable yuan/dollar et applique un système de conversion obligatoire des devises étrangères. Dans ce système, les entreprises doivent vendre leur réserve de devises à la banque centrale et les entreprises d'importation ainsi que les résidants doivent acheter la monnaie dont ils ont besoin aux banques désignées. S'il y a surplus d'approvisionnement, la banque centrale doit acheter ce surplus de manière à maintenir la stabilité de taux de change yuan/dollar. Les investisseurs étrangers pensent que le yuan est sous-évalué de 20 % à 30 %. En effet, il était avant 2005 entre 8,27 et 8,28 par rapport au dollar. Le 21 juillet 2005, les autorités chinoises ont réévalué le yuan de 2,1 %, le taux de change a passé de 8,28 yuans pour un dollar à 8,11, puis depuis la fin juillet, le yuan peut également fluctuer de 0,3 % autour d'un court pivot et son référencement ne se fait plus seulement par rapport au dollar mais à un panier de devises non révélé par le gouvernement chinois (mais probablement il est constitué de yen, euro et à peu près 90 % de dollar). Il s'agit, selon Jaques Gravereau22(*) de la copie d'un modèle monétaire déjà utilisé à Singapour, le crawling peg, qui permet d'ajuster les taux sur une longue période plutôt que par une forte réévaluation brusque. Avec une forte croissance de l'économie chinoise pendant plusieurs années et encore plus dans les années qui suivent et dans une période de stagnation pour l'économie mondiale, la Chine a été utilisé comme un bouc émissaire pour les problèmes économiques de monde mais cela n'empêche quelle restera l'Eldorado pour les investisseurs à cause de ces avantages comparatifs pour encore longtemps.
* 14Economiste en chef chez Morgan Stanley aux Etats-Unis * 15 D'après "Compétitivité à la chinoise" article publié sur Libération.fr le 14/02/2005 par Philippe Martin, professeur à Paris-I et chercheur au centre d'enseignement de recherche et d'analyses socio-économiques (Ceras-SNRS). * 16 D'après le document de travail "La montée en puissance de la Chine dans le commerce mondial: une réussite spectaculaire pour une économie fragile" de Mary-Françoise Renard, professeur à l'Université d'Auvergne, FSEG, responsable de l'IDREC (Institut de recherche sur l'économie de la Chine) au CERDI (Centre d'étude et de recherche sur le développement international) et directeur du master "Economie de la Chine", publié le 02/12/04. * 17 Objet d'étude en 2éme parite. * 18 Lexpress.fr: "Chine:le défi économique" * 19 Le meilleur spécialiste français des matières premières, passe chaque année au crible dans Cyclope l'ensemble des marchés mondiaux. * 20 HWWA: indice des matières premières (hors énergie), en dollars. * 21 Equivaut à 10000 tonnes de charbon. * 22 Fondateur et directeur de l'institut HEC-Eurasia et également auteur de l'Asie majeure chez Grasset. |
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