II. UNE PLUVIOMETRIE ALEATOIRE
Les données climatiques dont nous disposons, pour
notre analyse, ont été recueillies au niveau du service
de la Météorologie Nationale. A cet effet, trois
stations ont été répertoriées: il s'agit de la
station synoptique de Ziguinchor et les postes pluviométriques de
Sédhiou et de Goudomp. Les stations de Ziguinchor et de Sédhiou
ont été choisies du fait de leur proximité de la zone
d'étude et du fait de l'absence de données anciennes
pour la station de Goudomp.
II-1 Variabilité inter annuelle et contrainte de
salinisation
Les précipitations dans le bassin de Goudomp sont
principalement liées au flux de mousson (en hivernage) mais aussi les
incursions d'air polaire peuvent provoquer en saison sèche de faibles
averses (pluies de « heug »).
Pour analyser la variabilité des précipitations
annuelles, on a recours a des méthodes répandues telles que la
moyenne mobile pondérée, l'écart moyen relatif, le
coefficient de variation, l'indice de variation et la méthode des
quintiles.
La moyenne mobile pondérée permet de lisser la
courbe évolutive des précipitations annuelles. Elle traduit mieux
le comportement de la pluviométrie au niveau de la station sur
la période étudiée. Nous avons eu recours
dans le cadre de notre analyse a une moyenne glissante sur une période
de 3 ans.
La méthode des écarts moyens permet
d'évaluer les excédents ou les déficits d'une année
quelconque par rapport a la moyenne de la série. Sa formule est la
suivante :
E.M (%) = (Pi - Pm) x
100
Pm
E.M (%) = Ecart Moyen relatif en pourcentage
Pi = Pluie moyenne d'une année en mm
Pm= moyenne des pluies de la série en
mm
Le coefficient de variation (C.V) est un
paramètre de dispersion des précipitations. C'est le rapport
entre l'écart- type divisé par la moyenne. Elle donne la
dispersion des valeurs autour
de la moyenne. Quant a l'intervalle de variation (I
.V), c'est la différence entre la précipitation
maximale et la précipitation minimale annuelle de la
série.
Les quantités de pluies enregistrées
annuellement ces trois dernières décennies varient en
moyenne entre 1000 et 1200 mm. Les totaux annuels
pluviométriques connaissent une grande variabilité. Ceci est une
des caractéristiques des zones sahéliennes
où l'essentiel de la pluviométrie est
apportée par les lignes de grains dont la fréquence est
très variable d'une année a l'autre. Cette
variabilité inter annuelle est confirmée par l'intervalle de
variation (I .V = 908,1) et le coefficient de variation inter
annuel (C.V = 0,3)
Un regard jeté sur les cumuls annuels permet de constater
ce fait : durant les trois dernières décennies la station de
Sédhiou a enregistré son plus faible total annuel de pluie
en 1983 (711,3mm !) L'année la plus humide
(1999) avec 1619,4 mm présente un écart moyen de 55%
(excédent) L'hivernage a eu une durée normale (6 mois) et le
maximum est intervenu en août avec 705,5mm. Sur les trente
années d'observations quinze sont déficitaires soit 50%.
La tendance de la pluie moyenne matérialisée montre
:
- une période sèche de 1971 a 1973
- une période humide de 1974 a 1976
- une période sèche de 1977 a 1987
- une autre période humide de 1987 a 1989
- une autre période sèche de 1990 a 1992
- une période humide de 1993 a 1995
- une année sèche en 1996
- et enfin une période humide entre 1997 et 1999.
Une comparaison de cette normale (1970- 1999) d'avec
les années précédentes montre clairement la
tendance déficitaire de la pluviométrie. La moyenne
des précipitations moyennes annuelles est de 1446,1 mm entre
1950 et 1969 contre 1051,5 entre 1970 et
1999. Les années considérées comme
sèches dans la série de 1950 a 1969 ont des valeurs
de loin supérieures a la moyenne de la série de
1970 a 1999.
Il ressort de l'analyse de ces deux tableaux que les
valeurs des années moyennes et excédentaires ont fortement
baissé. La tendance générale est au déficit
pluviométrique.
Cette péjoration des conditions climatiques
observée dans le courant des années 70 a provoqué
deux types de changements sur l'évolution des sols. D'abord du
point de vue chimique, on observe une augmentation considérable de la
salinité des nappes et des sols. Cette hyper salinisation des sols
est lisible sur le terrain par l'apparition d'efflorescences salines.
Ensuite du point de vue minéralogique, on assiste a une formation
généralisée de gypse et a la présence dans certains
profils des tannes, des racines salicifères.
II-2. Variabilité inter mensuelle des
précipitations et fonctionnement hydrologique et
hydrogéologique des bas- fonds
La pluie débute a Goudomp au mois de mai (60% des
observations) et s'achève en octobre (70%) L'étendue de la saison
pluvieuse est en moyenne de six mois. Les pluies hors-saison sont faibles et
se regroupent autour des mois de janvier, février, mars et
décembre. Leur faiblesse se manifeste par des traces.
Le mois le plus pluvieux est août (55% des maxima
pluviométriques), cependant il peut se décaler au mois de
juillet (30%) ou septembre (15%) Ces trois mois concentrent a eux seuls
prés de 75% des précipitations enregistrées.
En effet, les coefficients pluviométriques durant les trente
années d'observations se répartissent comme suit : août
C.P = 28%, juillet C.P =23,3%, septembre
C.P = 22,3%.
Le coefficient pluviométrique (C.P)
permet de déterminer le mois le plus pluvieux. Il est obtenu en faisant
le rapport entre la moyenne de précipitations du mois divisée par
la moyenne des précipitations annuelles élevé en
pourcentage. Il donne ainsi la part du mois dans les précipitations
annuelles.
La variabilité inter mensuelle des précipitations
est aussi mesurée par l'intervalle de
variation (I.V) et confirmée par le
coefficient de variation (C.V)
Les mois pluvieux présente des I.V les plus
élevés (juillet : 239,2 ; août : 185,6 ; septembre :
189,3) Par conséquent la pluie est dispersée.
Cette dispersion est confirmée par les faibles coefficients de variation
(juillet= 0,3, août= 0,2, septembre= 0,3 ) Les mois non pluvieux ont des
C.V très élevés (février= 5,3)
L'analyse du mois pluvieux permet de savoir si, en fonction du
total pluviométrique reçu, on peut considérer le mois
comme étant pluvieux. Pour cela, on peut utiliser une
représentation graphique appelée profil ombrothermique
qui répond a la relation de BAGNOUL et
GAUSSEN :
P = 2 TM avec P :
Précipitations mensuelles enregistrées
TM : Température Moyenne
mensuelle
Un mois est considéré comme pluvieux lorsque la
valeur des précipitations enregistrée est supérieure au
double de la température moyenne. Dans notre bassin, la
véritable saison pluvieuse concerne les mois de juin a octobre soit une
durée de 5 mois.
L'hydrologie des bas-fonds de Goudomp et de Birkama
est étroitement liée aux précipitations qui constituent
le principal agent générateur de l'écoulement de surface.
Les volumes d'eau écoulés sont très importants car
dès le mois d'août il n'y a plus de pertes par infiltration pour
les averses qui tombent sur la zone inondée.
La remontée des nappes aquifères sur les versants
provoque leur affleurement dans
les bas-fonds. Durant la saison pluvieuse, les marigots drainent
les nappes et l'affleurement
de la nappe sur les ramifications des marigots. Les bas-fonds
alors d'une eau douce sur leur partie amont ; sur la partie aval,
apparaît une dépression piézométrique sous les
terrasses alluviales. Cette dépression piézométrique
favorise la circulation de la langue salée.
Durant la saison sèche, les nappes superficielles se
déchargent et leur niveau baisse car ne recevant pas les apports
provenant de l'infiltration des pluies. Cette diminution du niveau des
nappes est aussi le fait essentiel de l'évapotranspiration.
L'aquifère dans son ensemble comprend trois zones
de fluctuation selon les différentes formations qui la composent
:
· une zone de terrasse de profondeur comprise entre 0 et
10 m. Le niveau statique dans cette zone, passe par un niveau d'étiage
et un niveau de crue définissant ainsi deux phases de fonctionnement
de l'aquifère : une phase de recharge pendant la saison des
pluies et une phase de décharge durant la saison sèche ;
· une zone intermédiaire située entre 10
et 15 m de profondeur avec des battements piézométriques
avoisinant 2 a 15m. Ici l'onde de fluctuation reste marquée par
l'équilibre existant entre les phases de recharge et de
décharge durant l'année ;
· une zone de plateau où la nappe demeure
très profonde (+ 20m) avec des amplitudes de battements
saisonniers faibles. La stabilité de cette nappe est fonction
en grande partie a l'importance des précipitations. La péjoration
climatique depuis ces dernières décennies a eu des
conséquences sur le fonctionnement hydrologique et
hydrogéologique des bas-fonds. L'écoulement est devenu semi-
pérenne et s'étale sur plusieurs mois. L'abaissement des
nappes phréatiques consécutives a la sécheresse est
responsable d'une grande partie de l'acidification des terres des bas-fonds
(MALOU, 1992).
II-3 Analyse des précipitations
journalières
Les totaux mensuels et annuels des précipitations
cachent des disparités quant a la répartition des jours de
pluies. Pour l'analyse des précipitations journalières, on a eu
recours aux données de la station de Goudomp en dépit des
lacunes de plusieurs années qu'elle présente.
Dans l'ensemble le mois d'août concentre, le maximum
de jours pluvieux suivi du mois de septembre. La quantité de pluie
enregistrée journalièrement varie en moyenne entre
35 et 75 mm. Les années humides enregistrent le maximum de
nombre de jours de pluies.
II-4 Déficit pluviométrique et
problématique de l'eau
Comme nous l'avons démontré
précédemment, la tendance de la pluviométrie dans
notre bassin est depuis plusieurs années au déficit. Ceci
n'est pas sans conséquences sur la production rizicole dans les
bas-fonds. Les réserves naturelles en eau douce sont de moins
en moins importantes. Celle-ci ne provient que des
précipitations pendant une période qui s'est raccourcie
considérablement. En effet, le climat de Goudomp se caractérise
par deux faits majeurs :
- une distribution unimodale des précipitations qui
créé un seul cycle cultural dont dépendent a la fois
la sécurité alimentaire des paysans et leurs revenus annuels ;
- une variabilité inter annuelle et intra annuelle qui
expose constamment les cultures a des risques de sécheresse.
Or la riziculture nécessite une alimentation
régulière en eau douce. Le stockage des eaux pluviales par un
barrage et la gestion du niveau de l'eau sont devenus indispensables. Les sols
salins et acides, conséquence de la baisse de la pluviométrie,
constituent un autre obstacle majeur a surmonter. La salinité est
entretenue par les eaux marines ; la fonction anti-sel du barrage
n'empêchant cependant pas les intrusions via la nappe.
L'acidité présente dans ces sols génère dans
le milieu des éléments solubles toxiques pour les plantes.
La stérilisation de ces terres (en extrême aval du bassin) a
entraîné l'abandon de la
culture du riz en zone salée : 58% des causes d'abandon
des terres sont liées a la salinité.
Aujourd'hui, la problématique de la maîtrise
de l'eau demeure entière dans le bassin de Goudomp et invite a
une réflexion sérieuse quant aux stratégies a mettre en
place pour une augmentation de la productivité et un
épanouissement des conditions de vie des paysans.
Conclusion
Le fait majeur caractéristique du climat de Goudomp
est la distribution unimodale des précipitations et leur
variabilité interannuelle et intra-annuelle.
En dépit de la diminution des pluies consécutive
a la sécheresse des années 70, les volumes d'eau annuels
précipités demeurent suffisants pour remplir les petits
aménagements des bas-fonds durant l'hivernage. Donc, nous pouvons
affirmer que dans l'ensemble le climat reste favorable a la mise en
valeur agricole (culture sous pluie ou irriguée) bien que la
variabilité des précipitations annuelles et mensuelles
expose les cultures a des risques permanents de sécheresse.
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