Université Paris VII-Denis Diderot
U.F.R. Géographie, Histoire, Sciences de la
société (GHSS)
Les mythes fondateurs de l'A.P.R.A :
Témoignages et production historiographique
Daniel Iglesias
Mémoire de Maîtrise d'Histoire
Réalisé sous la direction de :
Pr. Zacarias Moutoukias
Année universitaire 2004-2005
A Nathalie, pour ton soutien, ton amour, ton amitié,
et toutes les indénombrables choses que tu m'as données, et qui
m'ont permit de réaliser ce mémoire
Ici habite Manongo Aquí descansa Manongo
De pure race latine De pura raza latina
Son grand-père émigra de Chine Su abuelo
emigró de China
Sa mère vint du Congo Su madre vino del Congo
Manuel Gonzalez Prada, Grafitos, Paris, 1937,
p.175
(Inscription sur la porte de la maison d'un étudiant
péruvien dans le Quartier latin, à Paris)
SOMMAIRE
INTRODUCTION
I) LA CONSTRUCTION JOURNALISTIQUE D'UNE FILIATION
(1926-1929)
A) L'ÉMERGENCE D'UNE CONTESTATION JOURNALISTIQUE FACE
À UN RÉGIME AUTORITAIRE (1919-1926)
1) De l'illusion à l'autoritarisme
a. Les paradoxes d'un système népotique
b. L'instauration d'un Etat policier
2) La montée en puissance de la presse contestataire
a. Le rôle de la presse dans la Réforme
universitaire de 1920
b. De l'expansion à la persécution
B) LE TEMPS DE LA COLLABORATION ENTRE L'AMAUTA ET
L'A.P.R.A
1) Une revue politique progressiste
a. La recherche d'une régénérescence par
la culture
b. Le renouveau nationaliste
2) Le travail de présentation des origines
a. La défense des signes précurseurs du
renouveau
b. La sacralisation de Gónzalez Prada
II) L'ÉMERGENCE D'UNE HISTORIOGRAPHIE DE
« L'ÂGE D'OR »
A) UNE NÉCESSAIRE RÉPONSE STRUCTURÉE EN
TEMPS DE CRISE (1969)
1) L'A.P.R.A à l'épreuve du Pérou de
Velasco
a. Une tradition de rapports conflictuels entre l'Armée
et l'APRA
b. La réappropriation du programme apriste par le
gouvernement militaire
2) La prise de distance avec le marxisme péruvien
a. Le problème du rapprochement par le passé
b. Le symbolisme politique de la rupture avec
Mariátegui
B) UNE RESTRUCTURATION AUTOUR DE LA PURETÉ DES
ORIGINES
1) La mise en valeur des luttes du passé
a. La Réforme universitaire péruvienne
b. Le leadership dans la lutte contre la dictature de
Leguía
2) La sacralisation de Haya de la Torre
a. Le culte du héros
b. La figure du chef
c. La figure de la victime
III) LA CONSOLIDATION DU DISCOURS APOLOGÉTIQUE SUR LES
ORIGINES (1975-1981)
A) L'HEURE DU BILAN ET DU CHANGEMENT
1) Le temps de la restructuration dans un pays en crise
(1975-1980)
a. Le désengagement politique progressif des forces
armées péruviennes
b. La mise en place d'une Assemblée Constituante
2) La recomposition de la gauche péruvienne
a. Le débat autour des origines de la gauche
péruvienne
b. La question de l'expérience réformiste de
Velasco
B) UNE SACRALISATION EN GUISE DE CHARISME OBJECTIVÉ
1) Le travail de finition de la symbolique populaire
apriste
a. Les mythes fondateurs de l'A.P.R.A
b. La défense de la qualité d'héritier
légitime de González Prada
c. Le raffermissement de la culture de la singularité
2) La recherche d'une assise populaire durable pour la figure
d'Haya de la Torre
a. La mythification de la victoire lors de la
lutte pour la Journée de Huit heures
b. Le développement d'une culture du chef intemporel
CONCLUSION
La place de l'activité discursive dans la vie politique
a été de tout temps, une donnée incontournable dans la
construction d'une légitimité et dans la modification
éventuelle des rapports de forces. Les hommes politiques, les partis
structurés, voire tous les acteurs de l'univers politique en ont fait
une ressource de pouvoir, dont l'objectif premier est de peser sur une
société en véhiculant un message, une idée ou un
imaginaire. Les discours politiques sont difficilement repérables
à première vue comme tels, faute de critères internes
permettant de les classer en « politiques » ou
« non politiques », « ne serait-ce que parce que
les discours les moins politiques par leur contenu peuvent produire des effets
évidents (à commencer par la
dépolitisation) »1(*). La première difficulté réside
donc, pour celui qui se prête à l'étude d'un ou plusieurs
discours politiques, dans l'extrême plasticité et
multiplicité de l'objet. Car les discours politiques englobent des
discours publics, de la propagande, des programmes électoraux, des
motions de congrès, bref, l'ensemble de la production émanant des
différents acteurs de la vie politique.
Les témoignages d'hommes politiques et la production
historiographique peuvent être qualifiés de discours politiques,
par la nature de leurs auteurs, les informations politiques qu'elles
contiennent, voire l'incessant flux d'idées politiques qu'elles peuvent
véhiculer. Ils sont une autre forme de communication politique que celle
inclue dans les corpus classiques, et gardent des mécanismes qui les
rendent parfois indépendants des critiques que subissent les autres
discours publics, souvent stigmatisés pour leurs lourdeurs formelles ou
leurs caractères mensongers. Dans le cas étudié, nous nous
pencherons sur les témoignages des principaux leaders de l'Alliance
Populaire Révolutionnaire Américaine (APRA), ainsi que sur la
production historiographique officielle de ce parti politique péruvien.
Notre étude cherche à proposer une interprétation de la
portée, tant politique que publique, de la déformation, voire de
l'utilisation de l'histoire par l'APRA. De ce fait, notre travail se veut un
éclaircissement du recours à l'histoire par ce parti politique,
et des motifs politiques qui l'ont conduit à agir de la sorte. Il
s'efforce de montrer, suivant les différentes façons de
réfléchir à l'usage politique du passé qu'examinent
Jacques Revel et François Hartog dans Les usages politiques du
passé, comment des discours historiques sont susceptibles de
devenir pour des raisons politiques, un élément de propagande
politique. Cette question demeure, à notre sens, d'autant plus
significative pour le cas apriste, qu'il n'existe aucune historiographie sur
l'APRA qui ne s'émancipe de la tutelle du parti ou qui ne soit l'oeuvre
d'une campagne politique à son encontre. Car à l'exception du
livre de l'historien américain Peter Klaren, Formación de las
Haciendas Azucareras y los origenes del APRA, l'historiographie
non-apriste et non partisane sur l'APRA demeure un champ vide. Renforcé
par la monopolisation de l'écriture sur les origines par les historiens
apristes, ce vide contraint donc l'historien à se pencher sur
« des interprétations simplificatrices et
impropres »2(*),
et à suivre des démarches comme celle de l'historien
français Raoul Giradet. Ces dernières en effet, ambitionnent
expliquer une historiographie engagée à partir du contexte, en
tissant des ponts permanents entre les voix discursives et un contexte
politique plus large, dans le but de rompre avec la résultante des
« passions politiques et religieuses mal cantonnées par
l'absence de tradition scientifique »3(*).
L'examen de ces discours embrasse une expérience
discursive qui s'est bâtie au cours de trois grandes étapes de la
vie politique de l'APRA (ses débuts à partir de 1926, sa plus
grave période de crise à la fin des années 1960, et sa fin
en tant qu'aprisme historique à partir de 1975). Elle vise à
comprendre l'évolution du discours et de ses modalités sur une
longue période, afin de vérifier la corrélation entre le
contexte politique et la production littéraire, tout comme
l'évolution des positionnements stratégiques de l'APRA. Le
discours étudié ici est présenté en trois grands
ensembles, que nous avons sélectionnés en fonction du lien
indissoluble entre le travail d'écriture et les mutations politiques et
sociales. Les témoignages et la production historiographique regroupent,
dès lors, des données de trois périodes distinctes, que
nous avons classées, hiérarchisées, et
présentées de manière chronologique.
Ces témoignages sont le principal recueil de textes du
leader historique de l'APRA, Víctor Raúl Haya de la Torre
(Testimonio y mensaje, Obras Completas de 1977), les
Mémoires de l'historien et universitaire Luis Alberto Sanchez
(Testimonio personal de 1969), celle de l'indigéniste Luis
Varcarcel (Memorias), les impressions du leader syndical Julio Rocha,
et pour finir, les souvenirs de l'historien péruvien Jorge Basadre
(La vida y la historia), qui bien que n'étant pas apriste, nous
livre des informations vitales, de par sa qualité de témoin, pour
comprendre le pourquoi de ces écrits sur les origines du parti.
La production historiographique quant à elle, comprend
tout le travail historiographique formulé par les membres du parti
à ses débuts dans les années vingt, et à sa fin
comme « aprisme historique » à partir de 1975. Cette
historiographie s'ouvre avec le travail de présentation des origines
effectué par les apristes dans les pages de la revue Amauta
dès 1926, au temps de la collaboration entre les partisans de Haya
de la Torre et ceux de José Carlos Mariátegui. Ce qui correspond
à tous les articles publiés par le magazine sur les origines et
les thématiques développées par l'aprisme, alors que
celui-ci ne s'était pas encore consolidé en parti politique
structuré. Pour ce qui est de la période 1975-1980, cette
historiographie regroupe des écrits jugés officiels par le parti,
et qui correspondent aux formulations classiques de l'APRA sur ses origines en
ce qui concerne le parcours historique de son chef (Sanchez Luis Alberto,
Víctor Raúl Haya de la Torre o el político), les
luttes politiques (Murillo Percy, Historia del APRA 1919-1945; Sanchez
Luis Alberto, Apuntes para una biógrafia del APRA, Los primeros
pasos 1923-1931; Villanueva Valencia Victor, El Apra en busca del
poder 1930-1940, Villanueva Valencia Victor, El Apra y el
ejercito) ou encore la formulation des actes fondateurs de l'APRA comme la
Révolution mexicaine, la Réforme universitaire de Cordoba, et les
luttes étudiantes contre Leguía.
Prétendre analyser un discours politique, cela ne
signifie pas uniquement délimiter les frontières d'un objet dans
le temps et dans l'espace, ou encore choisir les corpus les plus accessibles,
c'est, avant tout, proposer un angle d'attaque pour mieux en saisir la
portée et l'intérêt historique. Tout discours politique ne
peut, par nature, s'émanciper de la réalité dans laquelle
il s'insère. Plus généralement, ce dernier condense
parfois les logiques sociales, les angoisses, ou tout simplement l'état
d'esprit qui préside à leur production et à leur
réception. Dans cette recherche de pertinence, il convient de proposer
une approche analytique qui saisisse le discours politique dans son rapport
à son temps de production. Il s'agit en effet d'essayer de dresser des
ponts entre les logiques textuelles et le réel, plutôt que de
penser le discours comme un tout indépendant de son contexte de
naissance, ce qui nous amène à opter pour une approche qui
présente, dans un premier temps, le contexte politique et social, et
dans un second, le discours lui-même. Cette démarche repose sur
l'idée qu'une production discursive émanant d'un parti politique
reste avant tout une manifestation sociale ou plus précisément un
incessant flux d'idées qui irrigue le champ et la vie sociale d'un pays.
Voilà pourquoi nous consacrons la moitié de l'explication
discursive de chacune des trois parties chronologiques, au travail de
recentrage historique à partir des témoignages eux-mêmes et
de travaux historiographiques sur ces périodes. Par ailleurs, nous
revenons également en introduction de chacune des parties, sur
l'historique de ces discours politiques, en essayant, chaque fois ,d'en
souligner leur portée, en vue d'une meilleure compréhension des
liens pouvant exister entre une production séparée dans le temps.
Notre but est de tisser les liens entre les débuts du travail
historiographique de l'aprisme « primitif » de 1926 et la
naissance d'une historiographie officielle dans les Mémoires de Luis
Alberto Sanchez en 1969, puis entre cette dernière et le corpus de
témoignages apparus suite à l'avènement de la junte
militaire présidée par Morales Bermudez en 1975.
Présentation historique des luttes du parti, de
l'oeuvre politique de son leader charismatique Víctor Raúl Haya
de la Torre, entreprise de légitimation ou de filiation, ces sources
n'en restent pas moins l'expression, sinon le vecteur d'une pensée
dominante et structurée. Crée en mai 1924, par Víctor
Raúl Haya de la Torre alors en exil au Mexique, ce mouvement à
vocation continentale apparut dès ses débuts comme une
synthèse de plusieurs courants. Comme le souligne Pierre
Vayssière, l'aprisme prétendait, « se situer au
carrefour de l'idiosyncrasie américaine et de l'ouvriérisme
européen ; son idéologie complexe était
condensée dans un slogan : `'Contre l'impérialisme,
pour l'Unité politique de l'Amérique latine, pour la
réalisation de la Justice sociale !'' »4(*). L'APRA devînt dès
lors l'un des principaux animateurs de la scène politique
péruvienne et latino-américaine, développant au passage un
programme attaqué par la IIIe Internationale et les Partis communistes
de México et de la Havane. Lancé en 1936 par son
« caudillo », dans son célèbre ouvrage
L'anti-impérialisme et l'APRA (El Anti-imperialismo y el
APRA), ce programme, en effet, proposait cinq points directeurs (lutte
anti-impérialiste, nationalisation des terres et solidarité des
classes opprimées, unité continentale, internationalisation du
canal de Panamá) qui allaient, par la suite, forger durablement l'image
et l'imaginaire politique autour du parti. Ce dernier se voulait avant tout
social, plus encore porteur d'un espoir de justice sociale.
L'indigénisme et l'agrarisme hérité de la
Révolution mexicaine prirent ainsi une place centrale dans cette
nouvelle réflexion politique que l'on commençait
déjà à connaître sous le nom
d'« hayatorisme ».
Ainsi conçu, l'aprisme, dont la donnée
fondamentale restait à ses débuts l'internationalisme
prolétarien mais sans lutte de classes, cherchait à s'ouvrir vers
l'extérieur. Haya de la Torre croyait fermement à la
possibilité d'étendre l'idéal apriste en créant
plusieurs mouvements analogues partout sur le continent
latino-américain. Uni autour d'un nationalisme continental pour mieux se
prévaloir contre les attaques portées par l'impérialisme
« yankee », la mission première du parti
était de concevoir et de diffuser, une révolution culturelle
à l'échelle du continent. Mais, très vite interdit
à partir de 1932, puis pourchassé suite à l'assassinat du
président Sanchez Cerro le 30 avril 1933, l'APRA ne dépassa
jamais la sphère péruvienne. Reste que, même si cette
Internationale ne pu jamais se réaliser, il convient cependant
d'affirmer qu'il a existé une famille de partis apristes qui
créèrent entre eux une chaîne de solidarité. Cet
ensemble éphémère, réussit cependant à
réunir le Mouvement National Révolutionnaire bolivien, l'Action
Démocratique du Venezuela, le Parti Colorado en Uruguay, les Febreristas
au Paraguay, le parti de la Libération nationale au Costa Rica, et
même le futur parti révolutionnaire dominicain de Juan Bosch et le
parti du gouverneur Muñoz Marin à Porto Rico. Ces
affinités donnèrent même naissance à la revue
politique Combat (Combate), publiée à San
José de Costa Rica.
Aux cours des décennies suivantes, l'APRA fut interdit
puis réapparut éphémèrement. Cette oscillation
nourrit progressivement l'hostilité croissante de l'armée et de
la droite péruvienne à son encontre. Au point que ces derniers
agitèrent à plusieurs reprises la peur de l'aprisme pour
légitimer des coups d'Etat, voire de très sévères
purges dans l'armée. Cette situation renforça dès lors la
position de victime du parti. Il dut dès lors penser à sa survie
et faire face à la censure et aux persécutions, tout en
continuant à se forger une identité depuis l'exil. Les principaux
chefs en exil s'efforcèrent d'entretenir la mémoire des luttes
des années 1920-1930. Ils forgèrent ainsi une sociabilité
politique autour de symboles et d'un imaginaire collectif dont la personne de
Haya de la Torre en signifiait la grandeur. La question de la consolidation
identitaire était d'autant plus importante que l'APRA ne
réussissait jamais à prendre le pouvoir du vivant de Haya de la
Torre. Contraints de s'allier, au risque de voir s'instaurer un nouveau coup
d'Etat, comme en 19455(*) ou
en 19566(*), ou bien ,
vaincu électoralement par la coalition Action
Populaire-Démocratie Chrétienne, menée par Fernando
Belaunde Terry en 1963, le parti ne put jamais véritablement
gouverner, voire se maintenir dans l'appareil exécutif. Les
expériences de 1945 et de 1956 qui virent des coups d'Etat militaires se
substituer aux régimes démocratiquement élus,
témoignèrent même de la vigueur de l'anti-aprisme des
forces armées, et de la peur que suscitait encore pour certains la
secte7(*). L'espoir
de gagner les élections, et de voir Haya de la Torre devenir
président du Pérou après plusieurs tentatives, s'estompa
après le coup d'Etat militaire de Velasco Alvarado et l'avènement
de la « Révolution péruvienne ». Bien qu'il
ne réussît jamais à prendre le pouvoir sous la direction de
son leader et fondateur historique, l'histoire de l'APRA n'en reste pas moins
l'une des données structurelles les plus importantes et les plus
illustratives de l'histoire politique contemporaine péruvienne. Car,
malgré une absence de commandement institutionnelle, le parti
réussit à se doter d'une base militante solide, de fiefs
électoraux imprenables, ainsi que d'une symbolique populaire
inébranlable qui demeure encore jusqu'à nos jours. Ce fut alors
grâce au travail de construction identitaire, à ses alliances
à l'étranger ou encore à son potentiel de mobilisation
sociale que le parti put survivre puis s'instaurer définitivement sur le
paysage politique local. Tributaire d'une évolution idéologique,
sans pour autant s'écarter des fondements de l'hayatorisme, l'APRA
réussit finalement à prendre le pouvoir en 1985 en la personne
de Alan García Perez. Ce dernier, en effet, l'emporta au premier tour
des élections présidentielles contre le candidat marxiste
Barrantes (Gauche Unie, Izquierda Unida).
Plusieurs facteurs peuvent à l'évidence
expliquer la survie de l'aprisme jusqu'à la victoire de Alan
García, mais tel n'est point notre propos. Mais, ce qui est
indéniable, c'est que la recherche identitaire ou plus encore la
réponse à la question « Qu'est-ce
l'aprisme ? »8(*), ont été l'un des points de
réflexion autour desquels s'est construit le parti. Poussé par
les évènements ou tout simplement sensible à
l'évolution de la pensée marxiste au 20ème
siècle, l'APRA a su progressivement répondre à cette
question. Haya de la Torre lui-même en guida l'évolution,
infléchissant progressivement sa radicalité politique au regard
des mutations socio-économiques que connaissait la société
péruvienne. Au-delà de la réponse apportée, il y a
la manière, plus spécifiquement le moyen ou les moyens d'y
répondre. L'APRA commença son travail de production
historiographique sur ses origines dans les pages de la revue Amauta
deux ans à peine après la naissance de celle-ci Soucieux de se
faire connaître dans leurs pays d'origines, les fondateurs de l'APRA en
exil, Haya de la Torre en particulier, commencèrent dès lors
à articuler leur travail de séduction, autour des origines
politiques et intellectuelles du mouvement émergent. La
nécessité de se justifier, de construire une
légitimité, de présenter un tout actif et
décidé, va devenir par la suite un des leitmotivs de l'aprisme.
Cette nécessité va s'accroître après le coup d'Etat
de 1968, qui va plonger le parti dans ses années les plus sombres. Puis
elle va se prolonger après 1975, grâce au retour progressif de la
démocratie au Pérou, faisant du modèle historiographique
lancé en 1926, un modèle d'écriture historique adaptable
à un autre genre littéraire : les mémoires.
Quels éléments a-t-on donc utilisé pour
faire exister une expérience collective vouée au service d'une
cause nationale et continentale ?
Dans quelle mesure la nécessité de construire
une image de parti cohérente, gratifiante, enracinée,
tournée vers l'avenir, mobilise-t-elle des ressources offertes par le
passé ?
De quelle manière a-t-on mis en avant la trajectoire
d'un leader politique censé incarner non seulement les luttes de son
pays mais également celles d'un continent ?
De quelle manière a-t-on mises en évidence des
preuves sur lesquelles étayer la légitimité de Haya de la
Torre en tant que leader politique péruvien ?
Indépendamment de ces questions, cette construction
historiographique sur plusieurs années témoigne également
de la complexité idéologique de l'APRA. Elle est non seulement la
manifestation d'un usage politique du passé, mais surtout l'expression
d'un certain type de discours populiste. Ce dernier point est ce qui fait,
à nos yeux, la singularité de ce parti. Il découle d'un
caractère populiste omniprésent, dans la mesure où, le
discours que nous nous proposons d' examiner ne s'appuie pas tant sur une
idéologie ou une doctrine, mais plutôt sur une manière de
faire ressentir et de présenter le passé. Du fait de la nature du
populisme comme mouvement politique, du recours à l'imaginaire politique
national ou simplement de la convergence du discours vers la personne de Haya
de la Torre, ces discours traduisent même une volonté politique de
prolonger la communication du parti en utilisant les avantages offerts par les
mémoires et l'histoire. Cette question prend tout son sens, si l'on
tient compte du contexte politique et social dans lequel il s'insère.
Car, comme le souligne Raoul Girardet, toute production historiographique,
aussi déformée ou partielle soit-elle, n'en garde pas moins un
lien étroit avec le réel. Elle fournit même selon ce
dernier, « un certain nombre de clés pour la
compréhension du présent, une grille à travers laquelle
semble s'ordonner le chaos déconcertant des faits et des
évènements »9(*). Voilà pourquoi, nous considérons que
nous ne pouvons dissocier l'histoire du discours sur les origines de l'APRA et
l'histoire politique péruvienne contemporaine. Outre que ce dualisme en
figure une explication plus concrète du discours lui-même, il nous
fournit par ailleurs des éléments pour discuter le vrai sens
politique à leur accorder. D'après ces éléments
donc, dans quelle mesure l'ensemble de ces discours sur les origines sont-ils
fondateurs d'un double mythe populiste ? Mais encore, dans quelle mesure
sont -ils ce que Girardet définit comme des signes
« révélateurs de quelques-unes des crises les plus
profondes et les plus constantes propres à un certain type de culture et
de civilisation. »10(*) ?
Replaçant en permanence notre étude discursive
dans son contexte de production, nous examinerons par conséquent,le
caractère représentatif, tant au niveau politique que social, de
chacune de nos sources. Nous y retracerons avec précision la
corrélation entre la volonté de communiquer autour des origines
de l'APRA, et l'histoire du parti, et du Pérou. Nous procéderons
alors de manière chronologique, analysant dans une première
partie, le contexte, et l'éclosion d'une historiographie sur les
origines, née dans les pages de la revue Amauta. Prolongeant
notre approche historiographique, nous reviendrons dans une seconde partie, sur
les Mémoires de Luis Alberto Sanchez, en l'insérant davantage
dans l'histoire de l'APRA. Puis dans une troisième partie, nous
insisterons sur la consolidation de ce travail de présentation des
origines de l'APRA et du parcours politique de Haya de la Torre, tout en
revenant brièvement sur le contexte politique péruvien.
I) La construction journalistique d'une filiation
(1926-1929)
Très proche des idées du Front des Travailleurs
Manuels Intellectuels11(*), fondé en 1923 par Víctor Raúl
Haya de la Torre, la revue Amauta publia dès sa naissance en
1926, l'ensemble de l'historiographie sur les origines produites par les cadres
de l'APRA. Son directeur, José Carlos Mariategui, n'hésitait pas
à déclarer que le magazine pouvait offrir aux apristes une
renommée si grande, qu'il figurait la phase de définition des
idées avant-gardistes proposées par Haya de la Torre.
Amauta servit de relais dans l'opinion publique péruvienne pour
ce mouvement fondé à peine deux ans auparavant, tout comme il
contribua à entretenir l'esprit de sacrifice que cultivaient les
apristes en exil. En effet, ces derniers, expulsés en 1923 alors qu'ils
étaient étudiants, se servirent du journal pour continuer
à peser sur la vie politique de leur pays d'origine, quant bien
même ils étaient contraints à l'exil à Paris, au
Mexique (pour Haya de la Torre) et en Argentine (pour Manuel Seoane et Manuel
Cox). Une crise éclata finalement en 1928, suite à des
désaccords politiques portant sur la question du marxisme, ce qui
profilait déjà la rupture irrémédiable de 1930.
Reste qu'à ses débuts, la revue Amauta
se plaçait effectivement sur le même terrain rénovateur que
l'APRA, dont elle divulguait les communiqués, les symboles12(*) et en magnifiait les origines,
à tel point que ce fut dans ses colonnes que se fondèrent les
mythes mobilisateurs que l'on retrouve dans toute l'historiographie apriste.
C'est ainsi que se créa progressivement durant deux ans, à
travers des publications intermittentes, tout un ensemble de
références autour desquelles va être fondé en 1930,
le Parti Apriste Péruvien ou PAP. Différents articles de Haya de
la Torre, de Manuel Seoane, de Carlos Manuel Cox, d'Antenor Orrego,
illustrèrent alors le caractère novateur de l'aprisme, et en
soulignèrent ses composantes nationalistes et culturelles. La culture
péruvienne et latino-américaine fut introduite sous une
connotation politique, car les proches de Haya de la Torre estimaient que la
rénovation de l'esprit demeurait une arme aussi puissante que le glaive
dans tout processus révolutionnaire. La revue publia pour cela des
articles touchant à l'histoire, et à la
« péruanité » dans une optique purement
nationaliste, où émergeait d'ores et déjà
l'idée que, le chemin du changement commençait par une
revalorisation du patrimoine historique et culturel national et continental,
véritable barrière face à la menace
impérialiste.
A) L'émergence d'une contestation journalistique
face à un régime autoritaire (1919-1930)
1) De l'illusion à l'autoritarisme : le
régime d'Augusto B. Leguía
Le bilan des « Onze ans » (Oncenio) a
toujours donné lieu à de multiples interprétations, entre
ceux qui voit en Leguía, le modernisateur qui permit au Pérou
d'entrer dans la modernité, et d'autres au contraire, qui soulignent
plutôt (c'est le cas des apristes, de l'ensemble de la gauche
péruvienne depuis 1930, et des principaux intellectuels
péruviens) son penchant autoritaire et népotique.
Déjà en 1930, l'intellectuel catholique conservateur,
Víctor Andres Belaunde dénonçait dans son essai, La
realidad nacional, le caractère tyrannique du nouveau
président élu en 1919, et qui se maintît au pouvoir en 1924
au détriment de la Constitution et des dispositions institutionnelles.
Cet intellectuel et diplomate voyait dans cette victoire électorale, un
recul sensible pour la vie politique de son pays, tant elle statuait selon lui,
une trahison à la patrie que le président cultiva durant son
mandat13(*). D'autres
comme par exemple, Jorge Basadre, alors étudiant à San Marcos, se
souviennent de cette période comme un temps obscur et contestataire,
où Leguía faisait tout pour se maintenir au pouvoir, y compris
utiliser la répression policière contre ses opposants14(*). Ces lectures très
critiques, contrastent avec la vision qu'entretiennent les partisans d'un
régime fort dans le pays, et qui défendent le fait que, La
Nouvelle Patrie15(*)
marqua partiellement la fin de l'oligarchie politique16(*), tout comme elle permit
l'émergence sur la scène politique des classes moyennes
liméniennes et provinciales autour de la figure du caudillo
charismatique ou encore la naissance du « Pérou
moderne »17(*).
Reste qu'au-delà de ces débats sur les bienfaits du
léguiisme, les promesses électorales non tenues de Leguía
(l'instauration d'une République décentralisée,
libérale, et parlementaire) entraînèrent des contestations
sociales dans le pays, spécialement dans les milieux universitaires et
ouvriers. Progressivement, le « Maître de la
Jeunesse »18(*),
même s'il mit fin à la « République
aristocratique »19(*), inaugura un nouveau caudillisme dans le pays. C'est
d'ailleurs justement, ce que dénonce dans leurs écrits
postérieurs à cette période, l'ensemble des acteurs
s'étant opposé au régime.
a) Un système népotique
Malgré les critiques lancées contre lui, la
victoire de Leguia aux élections présidentielles de 1919, au
détriment du candidat civiliste, Antero Aspíllaga, n'est en rien
contestée. Même Víctor Andrés Belaunde, pourtant
l'ennemi juré du caudillo Leguía, estimait que cette victoire
était légitime, et répondait correctement aux
impératifs juridiques20(*). Ce succès exprimait la volonté d'un
large front populaire, où se mêlait diverses sensibilités
jusque là écartées du pouvoir, mais dont le coeur
était dominé par des représentants des classes moyennes et
des étudiants réformistes. Très vite, le président
élu se dit prêt à moderniser le pays, et à tout
faire pour le sortir de l'immobilisme en place. Il dota le Pérou d'une
nouvelle Constitution plus parlementaire, et prôna un renforcement de la
stabilité politique en limitant le mandat présidentiel à
cinq ans non renouvelable. Face aux pressions exercées par les
intellectuels de la Sierra (proches des mouvements indigénistes
et de la Réforme universitaire péruvienne de 1920), il afficha
une volonté de protéger le statut de l'indien.
Cependant, comme le dénonçaient ses
détracteurs, son gouvernement mena progressivement une politique
économique nettement orientée vers le capital américain.
Selon l'historien et homme politique péruvien de centre-gauche, Franklin
Pease, cette politique permit alors à l'Etat et au président,
d'asseoir leur domination sur l'économie nationale, et de mettre en
place un système dont la famille de ce dernier en fut la première
récompensée21(*). Pour Belaunde d'ailleurs, la famille de
Leguía était si favorisée de la pénétration
des entreprises nord-américaines et anglaises, qu'elle s'enrichissait
à tel point qu'elle pouvait se permettre de se payer les places vacantes
dans les deux assemblées, ce qui avait transformé progressivement
ces lieux en des temples où « Fraude, corruption et
clientélisme n'auront jamais été aussi
florissant »22(*). Décriée avec force par
Belaunde23(*), cette
gestion de l'économie péruvienne par La Patria Nueva
révélait pour celui-ci, une volonté du chef de l'Etat
d'utiliser les ressources nationales à son profit. Elle traduisait
même une politique qui offrait aux entreprises étrangères
des enclaves agricoles et minières sur le sol péruvien.
Critiquée comme la manifestation d'une corruption
généralisée et institutionnalisée, cette ouverture
de l'économie péruvienne aux capitaux étrangers
était en ce sens perçue comme un moyen pour le président
Leguia d'assouvir les appétits de sa famille24(*). Cette corruption était
telle, selon Victor Andres Belaunde, qu'elle souillait le pays au point de lui
ôter son identité, son honneur, ne lui laissant finalement qu'une
dette en forte augmentation et les caisses de l'Etat vide25(*) .
Cette situation de corruption généralisée
ne restait pas moins paradoxale. Car elle voyait également Leguia
prendre des mesures sociales comme la Loi de Huit Heures de travail quotidien,
le salaire minimum, et la mise en place d'un programme d'éduction
primaire pour les quartiers ouvriers dans Lima. Mais malgré ces
avancées sociales notables, le clientélisme continuait à
nourrir de plus en plus les mécontentements dans le pays. Assurer la
sécurité devînt dès lors un impératif pour
Leguía, lui qui déclarait que cette question demeurait un des
leitmotivs de son action gouvernementale : « Je suis venu non
seulement pour liquider le vieil ordre établi, mais également
pour freiner les progrès du communisme dont l'avènement
prématuré aurait des conséquences désastreuses sur
notre société »26(*). Car les mécontentements ne manquaient pas,
surtout parmi les classes laborieuses, les étudiants, et les ouvriers,
qui commençaient à se restructurer à partir de 1924, et
à mener des manifestations contre « ce qui n'avait jamais eu
lieu au Pérou, la réélection d'un Président, pour
ce qui avait été nécessaire de changer la Carte politique,
ce dont le gouvernement lui-même se chargea de faire dès 1920
»27(*)
b) L'instauration d'un Etat policier
Le renforcement autoritaire du régime d'Augusto B.
Leguía ne toucha pas immédiatement la population
péruvienne. Cette dernière en effet, bien qu'elle condamnait
« les emprisonnements, les attaques contre la presse, la main mise
sur le pouvoir judiciaires »28(*), n'exprimait guère son rejet de manière
publique, et semblait parfois indifférente à la donne politique.
Elle était en somme endormie selon les termes de Víctor Andres
Belaunde, par une amélioration sensible des conditions de vie suite
à un contexte international favorable aux exportations
péruviennes, ce qui avait fait doubler les entrées du fisc, et
permit une régression du chômage. Mais un évènement
majeur vînt entériner la rupture irrémédiable entre
le président et des forces sociales qui, dans leur grande
majorité, lui apportèrent tout leur soutien lors des
élections présidentielles de 1919. Comme le confirment des
témoignages, comme celui de l'indigéniste Luis Valcarcel ou de
l'historien Basadre, le revirement de la politique sécuritaire de Leguia
intervînt suite aux manifestations du 23 mai 1923 contre la
consécration du Pérou au Sacré-Coeur, perçue par
ouvriers et étudiants comme « un artifice politique et
réactionnaire »29(*). Ce qui fut le premier signe politique fort de tous
les opposants à Leguía, vit alors se dresser des manifestants
farouchement convaincus d'une ruse de celui-ci pour garder le pouvoir, et pour
favoriser sa réélection présidentielle. Ce qui
commença comme une timide manifestation des forces
anti-cléricales très largement minoritaires
(francs-maçons, protestants, anti-catholiques se réclamant de la
loi française de Séparation entre l'Eglise et l'Etat de 1905) se
transforma soudainement en grand rassemblement des forces d'opposition. Ce
rejet contre ce que certains considéraient comme une légitimation
de l'autoritarisme en place, fit même apparaître des contestations
dans le propre camp présidentiel. L'archevêque Clemente Palma,
pourtant député et fervent léguiiste, se déclarait
par exemple contre cette mesure au nom du libéralisme en matière
religieuse. L'article que ce dernier publia dans la presse locale, poussa les
étudiants de l'Université San Marcos à se joindre à
la fronde contre cette prise de décision en matière religieuse.
Jusque-là endormis depuis la fin mitigée du mouvement
réformiste, les étudiants réapparurent divisés sur
la scène politique. Néanmoins, l'évènement ralluma
la flamme revendicatrice exprimée lors de la Réforme
péruvienne de 1920, ce qui fit dire à Belaunde que :
« son centre est à nouveau
l'Université »30(*). Certains étudiants de tendance civiliste
dénonçaient la mesure au nom de la rupture avec la tradition
romaine de l'Eglise péruvienne. D'autres, se réclamant de la
jeunesse de gauche y voyait le signe d'un renforcement de l'autoritarisme. Ces
mouvements se rallièrent enfin en un seul bloc qui manifesta le 23 mai
1923, ce qui donna lieu à des graves incidents avec la police, qui se
conclurent par la mort d'un ouvrier et d'un étudiant, alors que du
côté, de la police, on comptait également des morts et des
blessés. Finalement nous livre Luis Valcarcel, cet
évènement « alluma la mèche de la contestation
contre Leguia, qui dès lors du recourir aux persécutions pour se
défaire de ses opposants qui étaient de plus en plus
nombreux »31(*).
Or malgré cette insistance sur le caractère
anti-tyrannique (anti-Leguia) des évènements du 23 mai 1923 chez
Basadre ou chez Víctor Andres Belaunde, l'historiographie apriste quant
à elle ne retient de cet épisode que l'extrême violence
avec laquelle les policiers s'en prirent aux étudiants, et surtout
à leur leader Haya de la Torre. Pour Luis Alberto Sanchez, le jeune
leader étudiant Haya de la Torre fut d'ailleurs la principale cible des
forces de l'ordre dans le cortège, au point qu'« un soldat se
précipita contre le groupe dans lequel se trouvait
Haya »32(*).
Luis Alberto Sanchez, acteur et témoin direct de ces journées,
revînt par exemple dans ses Mémoires, sur la participation des
futurs apristes aux évènements, la décrivant sous le
prisme d'une dramaturgie guerrière. Il y montrait une scène
où tous les éléments extériorisaient une
connotation sanguinaire, et un esprit de sacrifice et de courage de la part
d'hommes qui résistèrent même si « en partant la
police laissait de nombreux blessés, et deux morts : l'ouvrier
Salomón Ponce et l'étudiant Alarcón
Vidalón »33(*). Il peignait un tableau où il exposait le
dualisme d'une scène, qui voyait des ouvriers et des étudiants
sans défense subir les foudres d'une force capable d'envoyer
« une groupe de policiers fermer le pas aux étudiants et
ouvriers, alors qu'un autre les attaquait par
derrière »34(*). Ceci créait ainsi une martyrologie autour de
cet épisode, renforçant dès lors l'esprit de sacrifice qui
était l'une des qualités innées du bon apriste. D'un autre
côté, cette vision dotait l'APRA d'un statut encore plus
nationaliste, puisqu'il décrivait l'attachement éternel de ses
hommes aux valeurs nationales, et leur volonté de sauvegarder
l'intégrité et de l'indépendance religieuse du
Pérou, au moment même où le pays passait de plus en plus
sous tutelle extérieure. Elle montrait pour finir leur amour à la
nation ou plutôt aux fondements de la nation, dans un pays où
n'existant pas de séparation entre l'Eglise et l'Etat, la religion
demeurait l'un des piliers de la citoyenneté, et de l'esprit national,
chose que comme le démontrait Victor Andres Belaunde, le
président Leguía ne cessa de souiller durant ses onze ans de
gouvernance sans partage.
Contraint de réagir contre la montée des
mécontentements (surtout après son choix de 1924, de briguer un
second mandat présidentiel qui lui était constitutionnellement
interdit) Leguia décida de persécuter ses adversaires.
L'indigéniste Luis Valcarcel raconte à cet égard dans ses
Mémoires, qu'il fut lui-même victime de cette violence
d'Etat en 1927, date à laquelle il fut capturé puis envoyé
à l'île San Lorenzo35(*) accusé de complot contre le président.
Cette répression poussa d'autres à l'exil. Ce fut par exemple le
cas du leader de la Fédération des Etudiants Péruviens,
Víctor Raúl Haya de la Torre, que l'on accusa de promouvoir le
désordre et l'anarchie parmi la jeunesse péruvienne, et qui du
s'enfuir au Mexique en 1923, là où il fonda un an après
l'APRA. Pourtant, et malgré cette répression et l'existence de la
censure, une opposition journalistique, née dès la prise de
pouvoir de Leguia, continua à exister. Elle réussit non seulement
à se maintenir, mais également à devenir progressivement,
un moyen de se socialiser politiquement. C'est notamment grâce à
ces premiers points de ralliements, que va naître quelques années
après, la revue Amauta. Ce maintien d'une opposition
journalistique n'est pas pour conclure, sans lien avec l'émergence de
l'Université San Marcos sur la scène contestataire, puis sa
résistance face à un contexte devenu progressivement de plus
répressif.
2) La montée en puissance de la presse
contestataire
Selon François Bourricaud, la mobilisation politique
des années vingt au Pérou, a pour caractéristique majeure
qu'elle développe un très net parallélisme avec la prise
de conscience idéologique. Il souligne même que « les
divers moments de la prise de conscience idéologique correspondent plus
ou exactement aux divers moments du processus de
mobilisation »36(*). L'évolution de la presse contestataire n'est
pas étrangère à cette évolution, sans pour autant y
adhérer complètement. Elle reste porteuse d'un message politique,
voir pour certains journaux d'une empreinte nationaliste. Mais la presse
anti-gouvernementale ne fut pas à proprement parler, un vecteur d'une
idéologie définie et pensée dans le cadre d'un parti ou
d'une organisation. Elle fut à l'image de la contestation
étudiante qu'elle soutenait, une entreprise souterraine, puis publique,
qui va évoluer en fonction d'un régime de plus en plus
impopulaire. La prise de conscience idéologique que souligne Bourricaud,
va se développer ultérieurement, dans les pages de
l'Amauta. Reste que la naissance de cette revue, comme le souligne
Valcarcel dans ses Mémoires, est largement tributaire d'un
éveil journalistique datant de 1919, et des luttes étudiantes qui
l'accompagne.
a) Le rôle de la presse dans la Réforme
universitaire de 1920
L'explication de la consolidation d'un noyau contestataire
à partir de 1919, dans les principales universités
péruviennes, peut donner lieu à de multiples
interprétations. Nul ne doute pourtant, de l'influence jouée par
le mouvement réformiste argentin de 1918 sur l'expérience
péruvienne qui vit le jour quelques temps après. Certains, nous
le verrons ultérieurement, voient dans cette suite, la manifestation
d'un réveil politique continental, voir les origines d'un possible
ensemble structurel à l'échelle de l'Amérique du Sud.
D'autres se revendiquent pour des questions politique de l'héritage
argentin, en s'en présentant comme les garants idéologiques.
Hormis quelques allusions chez certains historiens péruviens, la
question de l'influence jouée par d'autres facteurs explicatifs sur ce
mouvement, semblent avoir été ignorés. Pour Bourricaud au
contraire, ce phénomène repose sur des liens sociaux unissant les
étudiants37(*),
voir sur leur capacité à pouvoir assimiler un discours de nature
idéologique. En revanche, ils sont peu à revenir sur le contexte
social de l'époque ou à examiner d'éventuels facteurs
internes plus locaux qui auraient pu jouer sur la naissance d'une socialisation
étudiante.
Le cas de la presse semble pourtant un élément
qui nous permet d'éclaircir la montée de la contestation, sans
pour autant y voir un lien de cause à effet. La participation de
Mariátegui et de Falcón dans les colonnes des journaux Le
Temps (El Tiempo) d'abord, puis La Raison (La
Razón) ensuite, nous en illustre même certaines de ces
composantes, et la rapidité avec laquelle peuvent se constituer des
liens de solidarités. La Razón fut l'un des fers de
lance de cette contestation, menant directement campagne à faveur de la
Réforme péruvienne dans ses colonnes38(*). Elle en fut, à en
croire Jorge Basadre, la mèche qui alluma le feu, tant « le
mouvement étudiant de la Faculté de Lettres y trouva un
écho favorable »40(*). Cette complémentarité était
d'ailleurs si grande, que les deux voix « coïncidaient dans
l'essentiel »41(*). Les étudiants en effet, retrouvaient dans les
mots de ces deux journalistes, des observations et des critiques sur leur
quotidien, parfois si difficile. Car comme le dénonçait la
Razón et le Tiempo, les contraintes économiques
se faisaient de plus en plus pesantes chez les universitaires, au point que
certains d'entre eux ne pouvaient plus mener à terme leur formation. Ces
contraintes freinaient leur progression académique, les empêchant
de respecter l'obligation d'une assiduité obligatoire, ce qui poussa
finalement les grands mouvements étudiants à réclamer
l'assistance libre aux cours (Asistencia libre)42(*). Ce journal introduisit une
sensibilité nouvelle parmi ces étudiants, surtout parmi ceux qui
étaient salariés, et confrontés à ces
problèmes. Dans son éditorial, Mariategui y critiquait
très sévèrement les responsables universitaires, qu'il
jugeait responsables de l'échec des étudiants, en raison de leur
incapacité à anticiper, pis à faire face aux
problèmes causés par l'élargissement du corps des
élèves suite à l'exode rural43(*). Dès lors, la lecture
de journal devînt un point de ralliement de la lutte pour
l'amélioration du statut étudiant. Forts de leur
légitimité parmi leurs jeunes lecteurs, les deux journaux
insufflèrent un vent nouveau à la campagne contre l'immobilisme
dans l'Université, permettant à cette occasion aux
dénonciations contre les méfaits du système universitaire,
de prendre place dans l'opinion publique péruvienne. Ils
donnèrent dans ce sens une voix publique au mouvement réformiste,
ce qui se traduisit très rapidement par une pénétration
des critiques contre le corps professoral dans les débats politiques,
tant ces accusations avaient un large écho dans l'opinion. La lecture
des énoncés du mouvement réformiste donnèrent lieu
à des débats, à des échanges, et accrurent le
dialogue entre les élèves et les responsables du mouvement
étudiants. Elle créa même un tel enthousiasme parmi les
jeunes, qu'elle brisa les barrières séparant les
élèves d'années différentes, au point que comme
s'en souvient Basadre, « à peine les articles de La
Razón sortis, et ce qui les suivirent plein de franchise,
d'honnêteté, de clarté et de grâce, il y eût
une réunion chez l'un des plus importants élèves de
deuxième année : José Léon
Bueno »44(*) . S'y rendirent les plus entreprenants auteurs
de cette audacieuse entreprise. », La juxtaposition entre cette
presse et certains étudiants devînt telle, que comme s'en souvient
Luis Alberto Sanchez dans ses Mémoires, « tous les
matins à onze heures, on se réunissait dans la salle de
rédaction, à la vue et patience de Mariategui, qui assistaient
souriant à nos joyeuses et belliqueuses sessions»45(*).
Le retentissement médiatique dès le début
du mouvement fut tel, que progressivement d'autres journaux de diverses
sensibilités accrurent le débat autour des revendications
étudiantes. Des journaux comme L'Actualité
(L'Actualidad), La Cronique (La Crónica), et
même le journal de culture très conservatrice, La Presse
(La Prensa), prirent part au débat, soulevant parfois des
protestations en défense des professeurs ou des soutiens à
l'encontre d'intellectuels proches du mouvement réformiste46(*). Les principales demandes de
étudiants réformistes (orientation nationaliste des programmes,
participation de représentants étudiants au Conseil
d'administration de l'Université, renvoi des professeurs jugés
inaptes par les élèves, suppression des listes de classes et des
récompenses) traversèrent parfois les rédactions des
journaux, où commençait déjà à se politiser
le débat. La question étudiante servit progressivement à
alimenter les prétentions politiques des grands chefs politiques, qui se
prononçaient pour ou contre les étudiants, en qui ils voyaient
des électeurs potentiels. La presse prit une part importante dans cette
politisation, ce qui entraîna des scissions parmi des journaux. Comme par
exemple à El Tiempo, qui vit partir Mariategui et Falcón
ne supportant pas le virage pro-Leguia de leur journal. Ces départs
expliquent la radicalisation de la campagne menée par La
Razón, dont la naissance découle justement de cette
scission. Libre de toute contrainte éditoriale, Mariátegui et
Falcón se livrèrent alors, jusqu'à leur exil forcé
à peine un mois après, à travailler à créer
les conditions pour la réunification de toutes les tendances
réformistes. Cette indissociabilité entre le mouvement
réformiste et le journal fait même dire à Luis Alberto
Sanchez, que la naissance du journal et celle de la Réforme est
double47(*) .
L'expérience de coopération entre La
Razon et le mouvement universitaire naissant dura peu. Quelques temps
après la parution des premiers numéros, le gouvernement de Leguia
décida déporter Falcón et Mariategui en Europe. Coupables
de galvaniser les foules à son encontre, le président les
expulsa, tout en leur versant une somme pour leur voyage. Ceci va alors
provoquer une vive polémique, surtout parmi les proches du second, qui
vont crier à la traîtrise. C'est en Europe que Mariategui se
nourrit des idées de Sorel, du marxisme, et de l'ouvriérisme
européen, ce qui le poussa à son retour à fonder une revue
pouvant introduire ces idées au Pérou afin de briser le pouvoir
de celui qui l'expulsa en 1919. Pour finir, cet épisode
éphémère du début du mouvement réformiste
qui dura jusqu'en 1923, marqua la première grande manifestation
journalistique contre le pouvoir de Leguia. Elle fut porteuse en cela d'un
éveil journalistique qui, quelques années après, se
développa davantage en réaction au renforcement de
l'autoritarisme dans le pays.
b) De l'expansion à la persécution
La première crise qui révèle le
début de la rupture entre le président fraîchement
élu et les forces sociales qui le firent élire, ne fut pas
à proprement parler un événement politique. Pourtant, la
rupture du président avec son neveu, Germán Leguia Martinez, fut
plus qu'une simple scission parmi les proches du président. Bien que la
séparation entre les deux hommes peut paraître anodine à
première vue, voir sans rapport réel avec un contexte politique
très chargé, elle signifia la perte pour le président
à peine élu, des hommes chargés de mener à terme
les objectifs de la Patria Nueva. Le départ de ces jeunes
collaborateurs provinciaux connus comme
« germancistas », compliqua les plans du
président en matière de main mise sur les élites
régionales. Il perdit en effet des hommes très
appréciés dans les grandes villes péruviennes par leurs
idées développées dans les pages de leur journal
Germinal. Ces derniers commençaient à se distinguer dans
des activités où se distinguait jusqu'alors uniquement des
liméniens issus des grandes familles oligarchiques, ce qui
séduisait alors des élites locales friandes de plus de pouvoir.
Leguia se priva dès lors, des plumes qui contribuèrent à
son élection dans les grandes villes péruviennes, et dont il se
servit pour rallier les intellectuels de la Sierra à son
programme. Mais plus grave pour lui, il du se résigner à voir se
former des noyaux indigénistes hostiles à ses projets autour de
ce groupe. Passés dans l'opposition où ils
dénonçaient la trahison du président à ses
promesses en matière de régionalisation et d'ouverture vers des
thématiques sociales locales, les
« Germancistas » appelèrent à la
mobilisation sociale. Dénonçant la situation alarmante du
système éducatif péruvien, certains se joignirent, comme
par exemple José Antonio Encimas, aux forces contestataires autour de la
revue Amauta. D'autres jouèrent un rôle majeur dans la
naissance du Front des Travailleurs Manuels et Intellectuels, fondé en
1923 par Víctor Raúl Haya de la Torre. Les principaux
rédacteurs de Germinal rejoignirent eux, au nom de la lutte
contre l'hydrocéphalie qu'incarnait la capitale, les grands journaux
contestataires des villes de Cuzco et d'Arequipa. Quant à ses deux
principales figures, Erasmo Roca ou Carlos Doig Lora, elles prirent part
à la fondation de la revue Amauta en 1926.
Au-delà de cette rupture venue de l'intérieur,
la première campagne journalistique proprement dite contre le nouveau
régime, date de janvier 1921. Elle fut orchestrée par le journal
de droite de tradition très conservatrice, La Prensa. Dans ses
éditoriaux, son directeur Luis Fernán Cisneros y lançait
de très sévères critiques contre un président,
coupable selon lui, de mener une politique clientéliste et
tournée exclusivement vers les intérêts de sa famille. Le
gouvernement répondit par l'expropriation du journal, qui passa aux
mains d'un des proches du président, et par l'emprisonnement de son
directeur accusé de subversion et d'atteinte à la
sûreté de l'Etat48(*). Ces deux faits soulevèrent de nombreuses
protestations parmi les conservateurs. Le philosophe Víctor
Andrés Belaunde, revînt sur le devant de la scène publique
pour dénoncer cette atteinte à la liberté de la presse, et
en profita même pour critiquer très durement Leguia sur le terrain
des libertés individuelles et de l'autonomie de la justice. Il
décida de se rallier aux protestations étudiantes que l'affaire
avait poussé dans la rue, et « ne cacha pas sa volonté
de remplir un devoir qu'il mettait en relation avec la nécessité
de célébrer dans la dignité le centenaire de
l'Indépendance du Pérou »49(*). Cette obstination rallia
à sa cause une partie du personnel diplomatique, duquel il faisait parti
en tant qu'ambassadeur. De nombreux diplomates, dont la plus part
étaient basés en Europe, renoncèrent à leur charge
en guise de protestation contre la politique menée par le gouvernement.
Cette fronde diplomatique gagna aussitôt le monde judiciaire50(*) , dont les présidents
des principales juridictions, ainsi que le Doyen du Collège des Avocats,
Julián Guillermo Romero, émirent de très
sévères commentaires à l'encontre des décisions
gouvernementales. Ils accusèrent même le pouvoir exécutif,
de « violer les droits civiques en ne respectant les mandats des
juges s'étant prononcés contre ces
transgressions »51(*) .
Cette contestation journalistique ne se limita aux principaux
journaux de la capitale. Elle s'exprima également dans les grandes
villes péruviennes, surtout dans celles où l'influence
intellectuelle des indigénistes et des germancistas demeurait
importante. Menés par la plume de Luis Valcarcel, les lettrés du
journal El Sol (Le Soleil) firent de Cuzco la nouvelle place forte de
la contestation journalistique. Bénéficiant de son prestige
grâce à ses écrits sur l'histoire incaïque et les
coutumes indigènes, Valcarcel poursuivit plus âprement son travail
de critique entamé à Lima, dans les pages du journal El
Comercio. Il fit de sa colonne politique, « un instrument de
dénonciation et de polémique politique »52(*), ce qui lui causa d'ailleurs
des problèmes, et poussa certains de ses détracteurs à
l'agresser physiquement. Ces derniers ne supportaient pas en effet ses prises
de position contre un président « qui s'entourait de ses
proches, et profitait de sa charge pour s'enrichir »53(*). Malgré son aversion
contre ce dernier, il ne cacha de voir en lui « un chef d'Etat de
premier ordre »54(*). Loin de se limiter à sa seule position
dénonciatrice des mensonges de Leguia, Valcarcel raconte dans ses
Mémoires, que son journal joua également de sa force
sociale pour parachever certains combats politiques contemporains. Il se
rappelle à cette occasion, qu'il se pencha sur le problème de la
campagne pour un plébiscite sur le statut des provinces
péruviennes du sud perdues lors de la Guerre du Pacifique. Il encouragea
alors son journal à prendre position en faveur du retour de ces
provinces dans le territoire national. L'auteur de Tempête dans les
Andes se souvient même que El Sol publia
d'évocatrices premières pages avec des titres tels que :
« Tacna, Arica, Tarapacá
péruviens ! »55(*). L'autre grande ville intellectuelle de province,
Arequipa, ne resta pas en marge de ce phénomène d'éveil
journalistique. Elle compta même comme nous l'indique Valcarcel, avec
«l'un des plus furibond opposant à Leguia, dans la personne le
directeur des journaux Voix du Sud (Voz del Sur) et Heraldo
d'Arequipa, Alberto Seguin »56(*). Ce dernier mena de telles critiques contre le
régime en place, qu'il finit par être déporté en
Bolivie. La répression politique ne se limita pas à ce simple
cas. Elle toucha directement les auteurs de Cuzco, surtout à partir de
1926 avec le durcissement des critiques contre la réélection de
Leguia. L'Etat réagit dans les colonnes du journal partisan La
Nation (La Nación), où les opposants y
étaient systématiquement critiqués, ce qui fit
naître dans le pays, de vifs combats journalistiques. Ne voyant cesser
les contestataires, Lima finit par nommer un militaire chargé
d'éliminer les journalistiques au poste de préfet de Cuzco.
Valcarcel et les siens furent alors persécutés. Ils
réussirent quant même à s'en sortir, grâce des
sympathisants et à une organisation souterraine bien encadrée.
Pour finir, le gouvernement ne pu jamais véritablement imposer une
censure totale à l'encontre de tous les journalistes. Certains comme
Valcarcel, entretirent au contraire, des liens étroits avec la junte qui
fit tomber Leguia en 1930.
Ce lien étroit entre La Réforme universitaire
péruvienne et la presse marque une étape importante dans
l'évolution interne péruvienne. Elle permit la rencontre de
figures qui vont par la suite un grand rôle social et politique. Cette
évolution, tout comme la vague réformiste s'estompèrent
à partir de 1923, avec l'instauration d'un véritable Etat
policier dans le pays. Suite aux événements de mai 1923, le
gouvernement chassa du pays les principaux leaders réformistes (Haya de
la Torre, Luis Heysen), et reprit en main l'Université. Pourtant, une
nouvelle socialisation politique va progressivement resurgir de ces cendres,
au cours de la seconde moitié des années vingt. Elle va
être l'expression d'un renforcement des liens autour de positionnements
politiques, et donner naissance à de nouvelles formes contestations,
non plus dans le cadre d'un mouvement purement revendicatif, aux demandes
purement universitaires, mais plutôt comme un front plus politique contre
l'autoritarisme.
Témoin et acteur de cette évolution, Mariategui
va en être l'une des premières victimes. Finalement accusé
d'encourager la violence et de propager des idées jugées
dangereuses pour la stabilité du pays, Mariategui du de quitter le
Pérou en 1919. C'est par suite, au cours de son expérience en
Italie, que celui-ci va découvrir le marxisme, l'ouvriérisme, les
idées de Sorel, et se doter d'éléments, qui vont le
pousser à vouloir fonder une revue qui regroupe l'avant et
l'après période réformiste.
B) Le temps de la collaboration entre l'Amauta et
l'A.P.R.A
1) Une revue politique progressiste
Fondée à Lima en 1926 et fruit de la
convergence d'un certain nombre d'intellectuels et d'artistes
péruviens57(*), la
revue péruvienne Amauta demeure l' une des expériences
journalistiques les plus singulières de l'histoire contemporaine
péruvienne. Publié et dirigé par le journaliste et
essayiste péruvien José Carlos Mariátegui, ce
périodique contestataire se présenta dès sa parution comme
le signe évocateur d'un renouveau intellectuel, culturel, et politique,
pour le Pérou et l'Amérique latine. Se voulant « une
tribune ouverte à tous les vents de l'esprit»58(*), il incarnait, selon son
directeur, un catalyseur idéologique porteur d'un message et d'un
esprit. Il était même selon son directeur, la « voix
d'un mouvement et d'une génération »59(*) dont les idées
avant-gardistes, qu'elles soient socialistes ou communistes, devaient
rapidement créer un phénomène de polarisation et de
concentration. Son approche contestataire du régime en place, poussa
également ce périodique à faire de la pluralité une
de ses lignes directrices, avec aussi bien la publication d'articles nationaux
qu'internationaux, et une large palette de sujets allant de la politique
à la littérature, passant par les problèmes
économiques mondiaux.
a) La recherche de régénérescence par
la culture
Dès son premier numéro de septembre 1926, la
revue se donna pour objectif, « de soulever, d'éclaircir et de
connaître les problèmes péruviens à partir
d'une approche doctrinaire et scientifique, tout en plaçant le
Pérou dans un panorama mondial »60(*). Son titre symbolisait
à cette occasion, la volonté de rendre hommage à la
culture incaïque, tout en cherchant à refonder la culture nationale
en la rattachant aux autres cultures61(*) . Partant d'un désir d'universalisme
culturel62(*), Mariategui
et les siens étudièrent tous les grands mouvements
avant-gardistes dans le monde, introduisant au Pérou de nombreux textes
philosophiques, artistiques, littéraires, et scientifiques. Il
plaçait d'ailleurs ce travail d'introduction d'idées dans un pays
en proie à l'autoritarisme, comme une mission de rénovation
sociale en vue de créer « un Pérou nouveau dans un
monde nouveau »63(*). La culture en conséquence était
appréhendée non pas comme une regroupement des manifestations de
l'esprit, mais plutôt en tant que sphère complémentaire du
champ politique et de la lutte en vue de l'amélioration des conditions
sociales au Pérou et dans le monde. Cette volonté de faire de la
culture l'un des prolongements de l'idéologie sociale défendue
par la revue, poussa les collaborateurs d'Amauta à publier des
extraits des textes de Marx, de Lénine, de Sorel ou encore à
encourager l'introduction dans le pays, de l'art indigéniste
émanent de la Révolution mexicaine comme les fresques et de
peintures de Diego Rivera. Sachant très bien que leur entreprise ne
pouvait rencontrer un écho unanime parmi la population, ils
décidèrent de recentrer leur choix d'articles autour d'une ligne
directrice de plus en plus revendicatrice contre le régime en place,
cherchant non plus à séduire uniquement les classes
lettrées, mais surtout à mobiliser les forces qui
s'étaient exprimées lors de la Réforme universitaire de
1920 à laquelle ils participèrent pour la plus part. Il
s'agissait d'acquérir une nouvelle maturité dans la phase
revendicative, en cherchant dans les idées venues d'Europe ou
d'Amérique latine (la notion de « race cosmique » de
Vasconcelos par exemple), des éléments constitutifs d'un ordre,
afin de ne point commettre les mêmes erreurs de la première phase
contestataire du début des années vingt. Dès lors la
littérature, l'art, la poésie, la peinture, devinrent elles
aussi, des signes d'un renouveau intellectuel capable de bâtir une
nouvelle unité, et de libérer le peuple du joug de Leguia. Or,
des premiers signes d'une nouvelle socialisation politique ou plutôt
d'une multiplication des liens et de l'affectivité autour d'une
même cause politique, dont la revue encourageait la réussite,
commençaient à se manifester dans la société
péruvienne. Se basant sur ces premières réussites,
Mariátegui ne se privait pas d'insister sur la portée historique
de sa revue, en exhibant d'ailleurs le symbolisme de sa fondation, qui pour
lui, était un fait historique incontournable64(*).
Vitrine médiatique des progrès du Front des
Travailleurs Manuels et Intellectuels péruvien, le périodique
était le relais des grands rassemblements partisans du mouvement,
qu'elle transformait en lieux de communion culturelle, militante et sportive.
Des réunions comme celle la Fête de la Plante65(*), devinrent ainsi des symboles
du renouveau syndical et social dans le pays. Cette fête du
prolétariat, qui réunissait les délégués des
syndicats et membres des Universités Populaires Gonzalez Prada66(*), se posait en chantre des
valeurs sociales et de solidarité autour desquelles devait se
bâtir le renouveau culturel donc politique La poésie le matin, le
sport l'après-midi, puis le cinéma le soir, en étaient
l'expression, et le vecteur. Lors de cette manifestation, la culture se
chargeait de « revendiquer l'histoire, la littérature, l'art
vraiment péruvien, et d'en éliminer tous les
éléments étrangers, artificiels et
bourgeois. »67(*). Cherchant à briser le monopole culturel
exercé par le civilisme et une Université, qui selon
Mariátegui, n'avait aucun esprit national68(*), la poésie prit une
part importante dans ce dispositif régénérateur.
Accueillant un concours de poésie où s'illustrèrent des
poétesses comme la future grande dirigeante apriste, Magdal Portal, les
organisateurs de la Fête de la Plante donnèrent à la
poésie d'avant-garde, le rôle d'ériger l'hymne des
Travailleurs. Les jurés en effet, José Carlos Mariátegui,
Jorge Basadre, Arturo Sabroso, ne devait point juger les qualités
artistiques des textes, mais au contraire y dénicher l'esprit
prolétaire qui soit en meilleure adéquation avec les
revendications et la nature du Front des Travailleurs Manuels et Intellectuels.
Ces manifestations qui avaient lieu dans le quartier ouvrier de Lima de
Vitarte, servaient également de tribune pour les idées de
l'aprisme naissant. Des lettres de l'exilé Haya de la Torre
étaient lues aux assistants, et on en profitait pour manifester du
soutien au parti, tout en soulignant l'indissociabilité entre
l'évènement en cours et les Universités Populaires
Gonzalez Prada. Profitant de la portée sociale de
l'évènement, Haya de la Torre affichait la réussite des
Universités Gonzalez Prada, dont il en faisait un modèle dans la
réalisation d'un « programme de total de rédemption du
peuple exploité »69(*). Prolongeant son engagement envers l'Amauta
de novembre 1926, il ne se privait pas d'appeler les masses à la
mobilisation pour la justice sociale et la liberté. Se dirigeant
directement à l'auditoire, et utilisant le « nous »,
il en appelait même à la lutte commune pour la réalisation
d'un idéal duquel il fallait en être le soldat70(*) .
Porteuse d'espoir social, la collaboration entre
l'Amauta et l'APRA datait des premiers numéros de la revue.
Elle portait en germe une attente ou plutôt un pacte que Haya de la Torre
avait proposé à Mariátegui depuis Londres. Dans
une lettre envoyée à la Rédaction, et publiée par
la revue lors de son quatrième numéro, le fondateur de l'APRA
exprimait en effet sa volonté de faire de l'entente entre les deux
forces, un vecteur de la régénérescence culturelle pour le
pays. Il s'agissait de porter sur le devant de la scène, une
idéologie nouvelle et synonyme de justice sociale pour « le
Pérou que le civilisme méprise »71(*). Le projet visait à
exposer un visage culturel nouveau, plus proche des réalités
nationales et des aspirations des masses opprimées. Le rôle de
l'Amauta dans cette construction, était de véhiculer les
valeurs artistiques et culturelles des provinces péruviennes72(*), et de les sortir de
l'ignorance dans laquelle le civilisme les enfermait depuis toujours. Outre son
soutien à la Fête de la Plante, Haya de la Torre manifestait
également dans ses messages pour Amauta son soutien à la
fondation de la revue, à qui il rendait hommage et lui souhaitait de
réussir son entreprise culturelle. Dès lors la convergence entre
les deux parties se fit quasi-naturellement. L'Amauta publia en
priorité les messages politiques de Haya de la Torre et ses textes
historiques, ainsi que ceux des apristes comme Luis Heysen ou Antenor Orrego.
La revue édita même durant deux ans, tous les textes politiques
officiels du parti, et la correspondance de ses principaux membres73(*). Elle reprit surtout la
définition active de la culture qu'approuvait le mouvement, en
publiant beaucoup de textes de l'un des amis d'enfance de Haya de la Torre,
l'universitaire Antenor Orrego. Cette volonté de faire de la culture
l'un des points essentiels de sa mission mobilisatrice, vit d'un autre
côté le périodique, oeuvrer pour la constitution d'une
littérature et d'une culture servant de rempart à la
« dictature intellectuelle »74(*), responsable selon lui,
d'avoir rendu le continent et le pays inertes face à sa
singularité culturelle. La réflexion et la recherche de la
singularité culturelle, politique et surtout historique, devînt
alors l'un des enjeux majeurs pour cette revue, si ce n'est le principal, si
bien qu'Antenor Orrego se demandait : « Quelle culture créera
l'Amérique ? »75(*). Présentée comme « une
aventure, le grand croche-pied de Colomb, la fille du fortuit et de
l'inespéré. »76(*), l'Amérique latine ne pouvait se doter d'un
renouveau culturel, qu'en posant au préalable la question de
l'héritage et des conséquences de la conquête espagnole.
Reprenant le caractère libérateur de la culture que cultivait les
apristes, l'Amauta poursuivit son travail de publication en
encourageant davantage sur la recherche de constitution d'un front intellectuel
en Amérique latine. Cette question, au coeur même du projet
apriste de 1926, servit alors à prolonger le travail de
présentation d'auteurs et d'intellectuels qui furent mêlés
aux principaux mouvements que connaissait le continent sud-américain,
comme par exemple, José Vasconcelos pour la Révolution mexicaine
ou Palacios pour la Réforme de Córdoba. Partant de l'idée
lancée par Edwin Elmore de prolonger « les mots de feu avec
lesquels les penseurs d'aujourd'hui sont entrain de défier les
détenteurs du pouvoir dans le monde, et qui sont reçus dans les
âmes des jeunesses d'Amérique latine comme l'écho d'un
battement propre »77(*), les rédacteurs approfondirent dès le
quatrième numéro, leur quête de mobilisation sociale en
Amérique. Prolongeant dans les faits, l'appel lancé par Haya de
la Torre en 1926, Mariategui et les siens multiplièrent les appels
à la solidarité et au partage entre les universitaires et les
intellectuels latino-américains. Ils approfondirent d'ailleurs
l'idée d'intégration continentale que prônait Haya de la
Torre, en créant une filiation des grands penseurs de
l'intégration où ils placèrent Bolívar,
Martí, Gonzalez Prada, Vasconcelos, et bien sûr, le fondateur de
l'APRA. Ils rappelèrent alors la grandeur de la pensée
unificatrice de Bolivar, saluèrent le courage de Martí,
l'intelligence de Vasconcelos, la dimension pérégrine de Gonzalez
Prada. Ces quatre hommes furent érigés en hérauts de la
cause apriste, car porteurs d'une volonté éternelle de doter le
continent de structures politiques capables d'apporter la justice sociale.
Quant à Haya de la Torre, il fut exhibé en héritier
légitime de ce courant de pensée, voire en porte parole d'un
nouveau paradigme, celui qui avait enfin compris, le besoin de s'unir pour se
prémunir contre l'impérialisme. Or, le seul moyen de le combattre
pour les hommes de l'Amauta, était l'union entre les peuples,
la solidarité continentale, la prolétarisation de la culture et,
principalement, la culture au service de la justice sociale. Les pays
d'Amérique latine devaient, en conséquence, commencer par
réagir contre les méfaits de l'esprit colonial sur leur
société, en encourageant et en partageant les idées
nées dans les mouvements porteurs d'espoir tels que la Révolution
mexicaine, la Réforme de Córdoba, et surtout la fondation de
l'APRA.
Le rapport entre culture et politique fut une constante dans
la revue Amauta. Ce rapport témoignait d'une volonté de
changer les esprits avant de changer le politique, surtout à partir de
1928, date à laquelle la revue choisit de s'ériger en porte-
parole des luttes de l'Union Latino-américaine78(*). Cette question devînt
l'une des principales armes contre le pouvoir en place qui, de son
côté, se présentait aussi en rupture avec
l'élitisme intellectuel hérité du temps de la colonisation
espagnole. Le périodique répondit par conséquent sur le
même terrain mais de manière critique. Il choisit de
dénoncer les différents régimes successifs, en les
accusant d'être tous coupables d'avoir perverti l'identité locale
au détriment d'une rationalité européenne incompatible
avec la sensibilité latino-américaine. Antenor Orrego fit
même de l'antagonisme entre les deux cultures et les deux intellects,
l'une des raisons qui expliquaient le mieux « le naufrage des
délicatesses et de l'excellence culturelle européenne lors de
leur arrivée en Amérique et leur substitution par leur nature la
plus monstrueuse »79(*). Soudé autour d'une volonté de tout
rebâtir à partir de définitions nouvelles et d'une histoire
critique, le nationalisme apriste fut introduit par la publication de tout un
ensemble de textes historiques et nationalistes. Ces derniers furent même
la manifestation de cette recherche prônée par Orrego, si ce n'en
furent les outils. Car, tout comme l'Amérique latine demeurait pour les
auteurs une fonte des races et des peuples80(*), elle n'en était pas moins à leurs yeux
une terre d'Histoire et un passé.
b) Le renouveau nationaliste
Par son rapport à la vérité, l'histoire
devînt au fil des numéros, l'un des éléments
essentiels du construit intellectuel, voulu par la revue, qui fut
orienté vers une purification et une appréhension sociale
nouvelle du terme « nationalisme ». C'est pourquoi, la
revue publia à de nombreuses reprises, différents articles
touchant à cette question, en lui donnant une signification
épurée des acquis culturels trop proches du legs colonial.
L'article «Nacionalismo verdadero y Nacionalismo mentiroso», du
jeune apriste péruvien à Buenos-Aires, Manuel A. Seoane,
dénonçait par exemple le terme de
« péruanité » en vigueur, en
détaillant dans une liste exhaustive, toutes les entraves à ce
qu'il qualifiait de « vrai nationalisme ». Pour celui-ci,
l'objectif politique recherché par l'APRA (l'intégration
politique des pays d'Amérique latine) ne pouvait s'atteindre qu'en
éloignant les individus des facteurs contraignants qu'imposaient la
conception aristocratique de la « nation ». Le rôle
premier des apristes étaient donc de modifier par la culture la vision
étroite qu'avaient les latino-américains d'eux-mêmes, et
qui reposait sur une vision de la nation comme le fruit d'une histoire commune,
mais qui ne tenait en compte le facteur social ni même
l'égalité. Il consistait à les « détacher
de certaines frontières inconscientes qui éloignent les individus
de certaines zones humaines à cause d'apriorismes de race et de
culture »81(*),
afin de pallier au « manque de sensibilité
universaliste »82(*) que le legs colonial faisait encore sommeiller dans
le continent, et qui demeurait une contrainte extrêmement lourde83(*) pour tout projet unificateur.
Ce fut ainsi que l'Amauta introduisit dans la société
péruvienne en crise, « une énergie utile pour la
société »84(*), que Mariátegui et les siens désiraient
prolonger afin de renverser Leguía. Développant la
définition de « nationalisme » prônée
par le Front des Travailleurs Manuels Intellectuels et l'APRA, la revue
ne cessa d'appeler au réveil nationaliste ou plutôt aux
«bons et authentiques nationalistes qui devaient orienter leurs
écrits vers la nécessité de purifier le concept de
patriotisme, en le libérant par un recentrage national de toute
connotation affective inutile en vue d'un avenir meilleur »85(*). Le nationalisme, que
défendait Seoane, devait dès lors permettre de briser la
stagnation culturelle en place, et ainsi favoriser la réorientation des
Péruviens vers une « adhésion coopératrice à
une grande finalité internationale que n'a pas atteint le Pérou
de Leguía »86(*). La régénérescence culturelle
prenait ainsi tout son sens, de part sa capacité à expliciter
sous un autre angle, des revendications politiques que l'on pouvait hisser au
niveau régional en faisant appel à l'histoire et à la
culture ou en quelques mots, à tout ce qui pouvait réunir les
pays latino-américains au-delà de leur spécificités
locales.
Question morale, question identitaire ou encore enjeu
politique, la question nationale telle qu'elle fut traitée par la revue,
n'en gardait pas moins une forte connotation historique. Influencée par
la proximité du centenaire de l'Indépendance péruvienne de
1821 et les idées de Renan, la revue cherchait à porter la
question historique au coeur de la société péruvienne.
Elle puisa alors dans le passé de ses principaux collaborateurs, qui
pour la plus part, jouèrent un rôle important dans le tournant
nationaliste que prit la Réforme universitaire péruvienne de
1920. Celle-ci en effet avait été pour eux, au-delà de sa
dimension purement contestataire, et portant sur des sujets propres à
l'organisation de l'Université, leur première grande
manifestation nationaliste. Ce fut au cours de ces manifestations, qu'ils
effectuèrent d'ailleurs leur premier essai pour rompre avec une lecture
unique de l'histoire nationale, et avec la tradition universitaire
péruvienne, en organisant le Conservatoire Universitaire de 1919,
véritable laboratoire historiographique en pleine fronde
étudiante. Ce qui fut une série de conférences
dictées par des étudiants ou autres autour d'un thème
central, où on s'efforça d'étudier, en marge de tout
critère traditionnel, les origines et le développement du
renouveau émancipateur du Pérou et au Pérou, marqua en
réalité, leur première épreuve de rupture
historiographique. Les fondateurs de ce mouvement, que l'on allait retrouver
par la suite pour la quasi-totalité, dans les pages d'Amauta
(Jorge Guillermo Leguía, Víctor Raúl Haya de la Torre,
Jorge Basadre, Luis Alberto Sanchez), s'étaient alors efforcés,
de projeter un message émancipateur et indépendant de tout legs
du passé, afin de doter le pays d'une nouvelle réflexion qui
puisse mieux inclure tous les éléments nationaux. Des essais
évocateurs, écrits par de futurs grands historiens
péruviens alors simples étudiants comme Lima au
18ème siècle, de Jorge Guillermo Leguía ou
Les poètes de la Révolution, furent ainsi
découverts par un public plus large, car les textes étaient
systématiquement vendus à des prix accessibles à tous.
Nourri de cette expérience fondatrice, l'Amauta
se dirigea donc presque naturellement, vers une lecture historique
étroitement liée à ses convictions nationalistes.
Indépendamment du fait que « tout discours historique est
susceptible d'usages politiques, que cela soit le fait de son auteur, de ses
destinataires ou encore qu'il faille l'attribuer au rapport particulier que les
seconds entretiennent avec le premier »87(*), ce fut surtout dans leur
rapport à la construction d'une identité nationale que furent ici
pensés et sélectionnés, différents articles
historiques. Cette question demeurait d'autant plus importante pour ces forces
contestataires, que la société péruvienne des
années vingt restait encore très marquée par le souvenir
de la défaite contre le Chili lors de la Guerre du Pacifique
(1879-1883). En réponse à ce contexte de crise identitaire
nationale, les rédacteurs de la revue répondirent en reprenant
les grandes lignes de la pensée de Renan sur la
« nation ». Fervents connaisseurs de l'oeuvre de Renan
(comme le souligne très bien l'historien Luis Alberto Sanchez en le
citant en français dans un passage de ses Mémoires portant sur
sa période de collaboration à l'Amauta88(*)), ils reprirent à
leur compte l'idée que l'histoire était entre autre chose :
« le capital social sur lequel on assied une idée
nationale »89(*). L'histoire nationale en fut exaltée, et si
l'on reprend Ernest Renan, appréhendée comme
« l'héritage que l'on a reçu
individis »90(*)
qu'il fallait transmettre, perpétuer et légitimer dans un rapport
constructif avec le présent. Elle fut complétée par des
idées française arrivées au temps du gouvernement de
Piérola, qui avait alors permit aux milieux lettrés du
début du 20ème siècle, de découvrir le
culte français de la nation, et en particulier les idéaux de la
Révolution française. Luis Alberto Sanchez présentait
d'ailleurs l'idéal révolutionnaire français comme l'un des
vecteurs de socialisation politique qui fut utilisé contre
Leguía, si ce n'est l'un des symboles universels de la lutte des
opprimés contre le despotisme91(*). L'histoire fut dès lors traitée, dans
son rapport au fait national tel qu'il était pensé par l'aprisme
émergent, tout comme elle prolongeait la mission éducatrice
envers les plus démunis qu'avaient inaugurée les
Universités Populaires Gonzalez Prada en mai 1923.
Résultante d'un contexte d'anomie suite aux
méfaits de La Patria Nueva, reflet des mutations structurelles
qui frappèrent le pays, partie prenante et complémentaire par
nature de tout projet nationaliste, cette lecture historiographique n'en
demeurait pas moins avant tout, une vision du passé. Le rapport des
auteurs à leur sujet demeurait ici central, surtout si l'on prend en
considération les données structurelles du Oncenio.
Certes, avant d'être une vision nationaliste d'un objet historique
précis, tout discours aussi apriste ou réformiste soit-il, reste
tributaire d'une mobilisation de ressources du passé. Ceci contraint
donc les auteurs à suivre une certaine logique, à entreprendre un
travail de hiérarchisation, et enfin, à structurer ces
dernières autour d'un objet, faute de quoi, tout discours n'est point
appréhendable par les différentes rationalités des
destinataires. Bien que la société péruvienne des
années vingt comptait une grande majorité d'analphabètes,
ce discours était un discours public, et ouvert malgré la
censure. La situation d'anomie et de crise politique que traversait le pays,
poussèrent les rédacteurs de la revue à choisir des textes
et des sujets présentant un discours destiné à toucher un
public dont l'appréhension consciente de la désillusion et sa
manifestation inconsciente en favorisait une plus grande
réceptivité émotionnelle. Jouant la carte de la
connotation communautaire, l'Amauta choisit des textes historiques
capables d'éveiller les sensibilités nationales. Des
thématiques historiques autour de l'incaïsme ou le legs colonial
prirent une place majeure dans cette publication, surtout sur le plan
qualitatif. Non seulement Mariátegui et les siens leur donnèrent
une importance en nombre92(*), mais singulièrement, ils proposèrent
également d'autres d'auteurs comme Karl Marx, Léon Trotski, ou
Georges Sorel93(*), et
ceci malgré l'existence de censure et de violence politique envers des
auteurs contestataires venus de l'extérieur94(*). Cette volonté
d'éveiller les forces du renouveau, poussa alors le périodique
à illustrer l'histoire péruvienne dans un souci d'explication,
mais également de mobilisation, en regardant dans le passé
politique péruvien, les éléments sensibles
d'éveiller un sursaut de fierté nationale.
Fidèle à son nom, l'Amauta insista tout
particulièrement sur l'histoire Inca, plus précisément sur
ce nous nous proposons d'appeler son « âge d'or »,
plus précisément « l'âge d'or de l'Empire
inca ». Sa vision historiographique traduisait des relations
importantes avec la réalité politique, et ceci d'autant plus, que
ses thématiques s'inscrivaient dans une société
marquée par des affrontements internes entre le centre et la
périphérie. L'article «Sumario de Tawantisuyo»95(*) du journaliste et
indigéniste péruvien Luis Valcarcel (lui-même opposant et
farouche combattant du régime en place), en faisait par exemple un large
écho. Valcarcel, était en effet de ceux qui dans la revue
Amauta, développèrent l'idée que
l'expérience incaïque n'était rien de plus que le symbole
suprême de l'unité, tant géographique que politique, de la
nation péruvienne96(*). Il représentait l'histoire
précoloniale comme un tout figé, solidifié,
cristallisé, reprenant de ce fait attentivement les principaux
caractères de la définition de « mythe »
introduit par Georges Sorel dans ses Réflexions sur la
violence. Ainsi dessiné comme un ensemble lié d'images
motrices, cette vision de l'Empire inca prolongeait l'appel à l'action
que l'on retrouvait dans l'ensemble des numéros du magazine. Cette
lecture historiographique exerçait aussi une fonction explicative,
fournissant aux péruviens désorientés face aux mutations
structurelles, un certain nombre de clefs pour la compréhension du
présent. Ce rôle explicatif complété par une grille
de lecture des méfaits de la conquête espagnole, véhiculait
un dynamisme prophétique. De ce fait, l'Amauta nourrissait
avec plus de vigueur la contestation politique, relayant dans cette fuite hors
du temps une certaine forme de malaise, d'inquiétude et d'angoisse
sociale. Le psychisme des péruviens était par conséquent
pénétré par un passé historique glorifié et
idéalisé qui les renvoyait, de par ses thématiques,
à « leur psychisme primitif étant
considéré comme indéracinable ». Ce qui
favorisait ainsi la juxtaposition entre un passé individuel vécu
et un passé historique reconstitué à partir
d'éléments objectifs,97(*) et contribuait à renforcer le
mécontentement social dans le pays. Désormais, la nation
péruvienne avait un autre passé, un legs à poursuivre, des
bases sur lesquelles bâtir un nouveau modèle capable de freiner
les inégalités sociales dans le pays. Il ne s'agissait plus de
séparer la sphère sociale du passé, mais de les
réunir par des modifications économiques dans un tout qui vienne
recouvrir un temps qui avait gommé l'essence et le principe même
de nation péruvienne.
Cependant, conscients des limites d'un discours purement
apologétique, les hommes d'Amauta complétèrent
leur relecture de l'histoire nationale en signifiant la décadence
nationale que connaissait le pays depuis la conquête espagnole. Ils ne
cherchaient plus à exalter un passé idéalisé ni
d'en apologiser les composantes, mais au contraire à légitimer
leur volonté de reconstruire un nouveau modèle nationale, en
désignant un responsable aux maux du présent. L'article
« L'Eglise et l'Etat »98(*) s'y employa minutieusement, tout comme il en profita
pour témoigner de la sympathie de la revue au marxisme.
Complétant partiellement la conception mythologique de l'Empire inca
développée par Valcarcel, Eugenio Garro présentait une
lecture singulière et critique des rapports du pouvoir religieux et du
pouvoir civil chez les Incas. A la lumière des enseignements de la
pensée marxiste autour du rapport entre l'Eglise et le capital, il en
examinait les liens et en soulignait les bienfaits pour le monde andin. Il
défendait l'intime liaison existante entre l'autocratie et la religion,
et en concluait que le pouvoir théocratique, bien qu'aliénant,
était la condition sine qua non à la réalisation d'une
répartition d'un bien commun comme la terre. Il voyait dans la division
du travail imposée par la théocratie inca, « une forme
de droit politique ». Pour lui, la religiosité des individus
constituait non pas un enfermement, mais au contraire, le socle sur lequel
reposait l'édifice institutionnel qui allait permettre à chacun
de « profiter de la liberté que lui permettaient son
état de membre d'une communauté et sa vie
collective »99(*). La décadence qu'avait amené la
conquête était si grave pour lui, qu'elle avait
déréglé puis éliminé progressivement cette
organisation, privant au passage l'indien de sa terre. Car, en introduisant une
autre religion dans l'espace public, les Espagnols avaient redéfini les
rapports économiques et sociaux chez les indiens, ce qui ôta la
terre aux indiens au profit de l'Eglise et l'Etat. L'auteur prolongeait
même sa réflexion en voyant dans ce phénomène,
l'illustration d'une histoire qui avaient donné les moyens à
l'Eglise de « gouverner l'Etat par procuration grâce à
ses pouvoirs délégués »100(*). Plaidant la cause d'une
unicité institutionnelle dans l'histoire péruvienne à
travers l'exemple Inca et celui de la confiscation des terres par l'Eglise,
l'Amauta transférait sur le terrain historique, le combat pour
une réforme agraire dans le pays. Cette vision du passé
péruvien n'était pas qu'une simple amplification des distorsions,
sous l'effet d'un grossissement polémique, mais au contraire, comme
toute dénonciation, un réponse à un climat psychologique
et social très tendu. Or, le Pérou connaissait une certaine
américanisation de son économie, qui se traduisait notamment par
l'arrivée des capitaux étrangers sur son sol et par la
réorganisation des finances du pays par des experts états-uniens
dès 1921. Soutenues par ces capitaux, les énormes
haciendas de la côte, notamment, celles dont les grands
propriétaires tiraient de grands bénéfices de la
modernisation de l'agriculture avaient pu en effet accroître leur assise
économique et territoriale dans un pays où, l'oligarchie
contrôlait la quasi-totalité de la terre arable. Cette critique de
l'expropriation des terres par les « blancs » prolongeait
de ce fait la vision entretenue par Haya de la Torre, qui défendait
l'idée que cette dernière n'était rien de moins que la
manifestation d'un déclin progressif des conditions de vie des
Péruviens dans le cadre d'une évolution dialectique. Le jeune
leader apriste demeurait d'ailleurs le défenseur d'une
interprétation dialectique de la colonisation espagnole, grâce
à laquelle il expliquait le déclin d'un monde andin stable et
érigé en modèle de développement, au
détriment d'un autre modèle qui vînt créer
« une nouvelle négation avec la
colonisation »101(*). Il voyait même dans l'expression de la
domination de « la classe créole, héritière de
la race conquérante »102(*), une nouvelle antithèse qui supplanta le
modèle colonial et qui finalement produisit « une nouvelle
antithèse déterminée par les conditions
économiques »103(*). Reprenant ainsi la méthodologie
hégélienne de laquelle il se réclamait
ouvertement104(*), Haya
de la Torre montrait le poids de l'action des hommes sur la destinée
d'un pays, et invitait à saisir la spécificité du cas
latino-américain. Il cherchait alors à montrer l'importance du
relativisme historique qui frappait l'Amérique latine, fruit non
seulement du métissage, mais également de la naissance d'une
« race cosmique » avec l'arrivée des Espagnols.
Forts de cette dénonciation, Garro et Haya de la Torre poussaient pour
finir encore plus loin la volonté de la revue de rebâtir le pays
à partir d'une culture historique des méfaits d'une colonisation
dévastatrice. Ils la présentaient comme l'antithèse de
tout modèle plausible au bien être national, car responsable selon
eux, d'une privation injuste de la terre, pis de la naissance de contraintes
sociales incompatibles avec l'avènement d'un vrai modèle national
dans le pays.
Sachant très bien de la distance que pouvaient
éprouver les forces vives à qui elle se dirigeait
vis-à-vis d'une histoire lointaine, la revue se pencha également
sur l'histoire constitutionnelle contemporaine péruvienne. Son discours
ne se plaçait plus en simple plaidoyer pour un temps révolu qu'il
s'agissait de revigorer, mais au contraire, en analyse minutieuse et
sérieuse de la vie politique péruvienne105(*). Il prolongeait la
réflexion autour du renouveau national en étudiant le
phénomène d'occidentalisation de l'ordre politique
péruvien à partir des tendances constitutionnelles. Très
critique de la confusion entre la sphère présidentielle et la
sphère parlementaire, qu'il qualifiait de « danger pour la vie
politique du pays »106(*), l'article de Fidel Zarate, «El parlamentarismo
y el presídencialismo en el Perú», dénonçait
par exemple le mimétisme entre les idées politiques
européennes et les caractéristiques générales des
régimes péruviens. Zarate y insistait sur le fait que le choix
des principes constitutionnels résultait plus d'une répercussion
d'évènements étrangers que d'une évolution sociale
et politique locale107(*). Se servant de cette critique, la revue prolongeait
alors la contestation politique et sociale, contre un régime
identifié à ses débuts aux revendications des classes
moyennes, prolétaires, et intellectuelles de la Sierra, mais
qui désormais était perçu comme népotique.
Dénonçant ce népotisme, Zarate s'obstinait sur le fait
qu'il n'existait aucune filiation entre mimétisme et régime
présidentiel, mais plutôt la manifestation évidente d'une
idéologie nourrie d'ambition personnelle108(*), comme c'était le cas
sous Leguía. Cette réflexion autour des méfaits du
caudillisme au niveau constitutionnel, s'inscrivait dans le prolongement des
graves problèmes constitutionnels que connaissait le Pérou de
l'époque. Le pays subissait, en effet, de nombreuses manifestations de
l'opposition contre Leguía, suite à l'annonce de ce dernier de
modifier la Constitution afin de briguer un second mandat109(*). Perpétuant les
critiques contre le régime en place, l'Amauta traita la
question du régionalisme libéral, en accentuant le fait que le
régime en place avait promis un transfert de compétence vers les
périphéries qui s'était soldé par la consolidation
du centralisme politique favorable aux grands propriétaires. Reprenant
la critique du régionalisme de Mariátegui exprimée dans la
plus part des éditoriaux de la revue, l'article de Fidel Zarate
dénonçait les principes constitutionnels de répartition
des pouvoirs entre le centre et la périphérie. Zarate y concluait
que cette répartition n'était en réalité que la
toile de fond de l'accroissement du pouvoir des grands propriétaires au
nom « d'un certain type de régionalisme ». Il
démontrait pour cela, que le régionalisme demeurait un leurre
dans un pays où il n'avait jamais servi à démocratiser la
vie politique. Selon lui, il avait tout au contraire permit aux
propriétaires terriens de se doter d'énormes fiefs au nom d'une
libéralisme fédéraliste, ce qui s'était à la
longue soldé, par la consolidation d'une place forte à Lima
à partir de laquelle la classe dirigeante « asseyait la
domination du caciquisme et l'exploitation de la part des fiefs
régionaux »110(*). Cette critique se nourrissait, pour finir,
d'immenses accusations contre les conséquences sociales de cette donne
chez les indiens. L' Amauta y répondait dans sa qualité
de « support à une littérature de combat »
selon Haya de la Torre, en offrant au contraire, un espoir à cette
population, en véhiculant un certain nombre de mythes, de croyances, et
en ravivant la « saga » de la Conquête qui
sommeillait dans la mémoire populaire. Il s'agissait bien sûr non
pas de se diriger directement à une classe sociale analphabète,
mais de se forger une proximité avec les classes métisses, voire
avec les élites indiennes, en se faisant connaître comme la voix
du peuple opprimé, et du prolétariat indien, ceux à qui
personne n'avait jamais parlé.
Se voulant l'héritier de la Révolution
mexicaine et de la Réforme de Córdoba, Amauta prolongea
également au Pérou le débat nationaliste ouvert par ces
deux évènements majeurs. Ce fut ainsi que la revue permit la
découverte, puis l'intégration au langage politique
péruvien, de la pensée politique du philosophe Argentin
José Ingenieros dont l'ouvrage posthume Fuerzas Morales fut
partiellement publié par celle-ci. Cet ouvrage joua un rôle
décisif dans la structuration du nationalisme péruvien, si bien
que Haya de la Torre lui rendit hommage en le nommant
« Précurseur » non seulement de ce mouvement, mais
aussi de l'aprisme en général111(*). En tout cas, la pensée d'Ingenieros
introduisit une vision plus sociale et plus morale de la
« nation » dans la génération de la
Réforme qui saluait en ce dernier la volonté de bâtir un
concept libre de toute influence européenne112(*). La revue saluait d'un autre
côté, la figure du philosophe et intellectuel José
Vasconcelos en publiant régulièrement des éloges
à sa pensée et à son oeuvre. Peint comme le penseur du
renouveau continental, José Vasconcelos fut introduit au Pérou
comme la plus brillante plume luttant pour la défense de la
souveraineté économique et politique de l'Amérique latine
face à l'invasion de l'impérialisme nord-américains
(yankee). Insufflé par la légitimité que
portaient ces figures, le nationalisme apriste réinventé sous un
prisme plus social, préconisait un internationalisme volontaire en
Amérique latine. Il exhortait les pays à créer les
conditions sociales et économiques nécessaires à sa bonne
réalisation, et il en appelait à poursuivre la conception
bolivarienne113(*). Ce
réveil des peuples que souhaitait le mouvement, avait pour corollaire un
vaste projet politique à l'échelle continentale. Il ne s'agissait
rien de plus que de créer les conditions locales pour la poursuite d'un
désir ardent de bâtir « une grande maison Indo
américaine, une grande fédération de peuples
tournée vers la future concorde du monde »114(*). Ainsi posée, la
question nationale était désormais une quête de
liberté face aux aliénations et face aux problèmes sociaux
que rencontraient tous les peuples sud-américains. L'Amauta se
posait à cet égard en vecteur d'une socialisation nouvelle,
cherchant par tous les moyens, à fomenter l'éveil d'un
nationalisme révolutionnaire aux objectifs sociaux clairement
définis, au point qu'il serait même capable « d'apporter
le bonheur à la masse exploitée de paysans indigènes et
d'ouvriers citadins »115(*). Ce nationalisme, « plus vaste que le
petit et mesquin dont les gouvernants se sont chargés de propager
à toutes les époques, au détriment des
intérêts les plus chers des peuples »116(*), se faisait alors porteur de
justice sociale, plaçant de ce fait le peuple et ses
intérêts au coeur d'un large processus de transformation sociale.
D'un autre côté, ses objectifs ne se limitaient pas uniquement
à l'Amérique latine. Le nationalisme révolutionnaire dont
les apristes, Luis Heysen, Carlos Manuel Cox et bien sûr, Víctor
Raúl Haya de la Torre, en étaient les auteurs, prônait en
effet l'universalisme, voire la rédemption pour tous les peuples
opprimés117(*).
Ceci les poussait à se solidariser avec d'autres mouvements
nationalistes dans le monde, en particulier avec ceux en proie à des
luttes anti-coloniales. L'Amauta contribua à cette vaste
entreprise, en publiant des textes appelant à la décolonisation
et les appels répétés de Romain Rolland, où il
exhortait une prise de conscience universelle, et en appelait à la
solidarité entre les peuples. Le meilleur exemple de cette
solidarité s'exprima en 1927, lors de l'invasion américaine au
Nicaragua, qualifiée par Romain Rolland118(*), de « partie
prenante d'un plan largement orchestrée par l'impérialisme
yankee en vue de mettre la main sur le continent
américain119(*)». La revue relaya cet appel dans l'opinion
péruvienne, où commencèrent progressivement à se
former, surtout dans les milieux universitaires de San Marcos, des groupes de
soutien contre « cette mort de la liberté sur
terre »120(*).
La présentation élogieuse du personnage et de l'oeuvre de
José Vasconcelos dans les pages d'Amauta, ne résultait
pas uniquement d'une adhésion intellectuelle à sa pensée.
Elle témoignait à travers lui, d'un éloge beaucoup plus
général envers la Révolution mexicaine dont l'aprisme se
réclamait. Il en allait de même pour la Réforme
universitaire de Córdoba, avec la publication d'articles écrits
par ses principaux protagonistes (Del Mazo, Palacios), ainsi que par des
critiques très élogieuses retraçant cet
évènement. Dès lors, l'aprisme naissant chercha à
se forger une réputation d'héritier logique et légitime de
ces signes du renouveau intellectuel. Cherchant à réaffirmer ses
positionnements nationalistes et ses idées de
régénérescence par la culture, l'APRA cultiva les
analogies avec ses deux faits majeurs de l'histoire latino-américaine du
début du 20ème siècle.
2) Le travail de présentation des origines
Conscients de la montée des mécontentements dans
le pays et des désillusions créées par la Patria
Nueva, les apristes comprirent que les situations structurelles avait
dépourvu de repères la population péruvienne.
Malgré cela, le pays n'était pas étranger à
l'impact qu'avaient la Réforme de Córdoba et la Révolution
mexicaine, en tant que symboles de renouveau salutaire et de lutte contre
l'immobilisme. Forts de leur contact avec les principales figures de ces deux
mouvements dans le cadre le l'Union Latino-américaine, les apristes
décidèrent de se réclamer, voir de se porter comme
l'émanation directe de ces évènements. Il s'agissait de se
forger des origines illustres et de présenter les signes
précurseurs d'un âge d'or, afin de mieux introduire une
pensée politique encore méconnue et qui demeurait
handicapée par son éloignement géographique, du fait de sa
fondation au Mexique, de la présence d'une cellule apriste à
Paris, voire de la présence de certains de ses grands maîtres
à penser à Buenos-Aires. Enjeu de communication politique, les
origines du parti prirent une part très grande dans la stratégie
politique de Haya de la Torre et les siens, envers un peuple qui les
identifiait encore aux évènements de mai 1923. La Réforme
universitaire de Córdoba et la Révolution mexicaine furent alors
décrites en rapport direct avec la naissance de l'aprisme. La figure de
l'anarchiste péruvien, Gónzalez Prada quant à elle, fut
aussi récupérée, à telle point, que
désormais ce dernier, prit le nom de
« l'apôtre »121(*) de l'APRA.
a) La défense des signes précurseurs du
renouveau
La Réforme universitaire de Córdoba et sa
corollaire péruvienne prirent un part importante dans les pages de la
revue Amauta. Les mots abondaient pour la décrire comme
« la première étape consciente de
l'américanisation de l'Amérique latine »122(*) ou bien comme le point de
départ d'un long et glorieux combat. Sa dimension historiographique
était puissante, car elle s'insérait dans un contexte politique
en crise, et qu'elle « correspond ainsi à une
certaine forme de lecture de l'histoire, avec ses oublis, ses rejets et ses
lacunes, mais aussi avec ses fidélités et ses dévotions,
source jamais tarie d'émotion et de ferveur »123(*). Le but n'était pas
de présenter un fait historique dans sa globalité, mais d'en
magnifier la portée à tel point que ce dernier puisse
cristalliser toutes les puissances du rêve jusqu' à devenir un
mythe. Le mythe de la Réforme universitaire de Córdoba tel qu'il
fut présenté dans les pages de l'Amauta, servit alors de
système explicatif, d'éléments de mobilisation, et d'objet
de croyance pour des masses confrontées au déclin sensible de la
légitimité présidentielle, accusée par ailleurs de
livrer le pays au capital étranger. Or la Réforme de Cordoba
était formulée comme l'antithèse de la politique
gouvernementale, comme la manifestation d'une émancipation contre un
passé paralysant et « porteur des vices et des limitations
européennes »124(*). Cette lecture de l'évènement
réformiste se composait d'une structure fonctionnant par analogies,
où chaque marque historique était sensée rappeler aux
lecteurs la décadence politique péruvienne, alors qu'au
contraire, les acquis de Réforme de Córdoba permettaient de
s'ériger contre l'anachronisme éducatif et politique que
cultivait une structure sous le joug d'« une tyrannie en place que le
civilisme exerçait depuis l'Université depuis qu'il avait prit le
pouvoir politique »125(*). Ainsi, les apristes introduirent leur mouvement
dans la lignée d'un combat légitime pour la modernisation et les
méfaits de la stagnation sur les esprits. Haya de la Torre, introduit
comme le leader de la manifestation péruvienne de ce mouvement, en
était le symbole et le continuateur logique de l'expérience
argentine. Les réussites de ce dernier (la fondation des
Universités González Prada, la loi universitaire de 1920)
demeuraient même la preuve du bien-fondé de l'appel de
Córdoba, parce qu'il avait permit de mettre fin à la domination
civiliste. Le parallélisme entre le succès de la Réforme
argentine et les ex-étudiants réformistes devenus apristes (Luis
Heysen, Carlos Manuel Cox, et autres collaborateurs de la revue
Amauta) visait à créer une continuation naturelle des
deux mouvements, donnant aux leaders apristes une légitimité dans
le combat contre les méfaits du régime civiliste, au moment
où ce dernier était de plus en plus assimilé à
l'Oncenio de Leguía. Ils apparaissaient investis d'une
connaissance des réalités locales malgré l'exil, et
surtout, ils prouvaient par l'histoire, qu'ils étaient capables de mener
à terme des actions politiques visant à améliorer les
conditions sociales péruviennes. Ce temps d'avant, de la grandeur, de la
noblesse dans la lutte contre l'oppression, était enfin synonyme d'un
certain bonheur qu'il appartenait au peuple de retrouver. Guidé par
l'aprisme ou plutôt la manifestation politique continentale de la
Réforme de Córdoba, le pays pouvait connaître de telles
réussites, et sortir de la crise qu'approfondissait le gouvernement de
Leguía. Ce fut d'ailleurs sur cette seule et fondamentale opposition
entre le jadis et l'aujourd'hui ou dans la culture d'une nostalgie
guerrière, que cette mythologie de l'âge d'or tendit à
s'affirmer. Elle permit aux apristes de passer outre leur absence de la
scène politique durant trois ans d'exil, et elle redonna l'espoir
à certains par l'histoire, là où personne ne faisait plus
rien pour eux.
Le cas de la Révolution mexicaine restait lui aussi
très significatif, pour la manière avec laquelle la revue
Amauta en fit un usage politique du passé. Cela ne signifie
pas pour autant que cet évènement fut inventé, car il
existe toujours des parts de réel dans toute entreprise de
mythification. La présentation de la Révolution mexicaine
correspondait plutôt à une volonté de répondre aux
attentes sociales témoignant « d'une forme relativement
proche de malaise, d'inquiétude ou d'angoisse»126(*). Cet évènement
qui entraîna la mort de milliers de personnes, fut présenté
comme un bloc, comme la manifestation d'un tout figé, dont l'objet
était uniquement de faire saisir aux lecteurs, la portée et la
réussite de l'entreprise. La revue publia de nombreux éloges
à cette révolution, en la décrivant comme le berceau du
nationalisme continental, et en soulignant l'esprit de résistance du
peuple mexicain. La doctrine Carranza et la Constitution de 1917 furent ainsi
érigées en modèle à suivre dans la lutte contre
l'impérialisme nord-américain. La doctrine Carranza par exemple,
fut élevée en tant que programme politique à appliquer sur
tout le continent en vue de la réalisation d`une justice sociale
à grande échelle. Elle en était d'ailleurs le
« drapeau en Amérique latine »127(*) selon Ramos, de part sa
nature anti-impérialiste avérée lors de la confrontation
avec les Américains suite à la Révolution mexicaine. D'un
autre côté, et revenant sur la période d'affrontements
entre les Etats-Unis et le Mexique, Rafael Ramos Pedruezuela glorifiait les
symboles de la lutte contre l'impérialisme yankee. Il utilisait
pour cela des symboles animaliers pour mettre en évidence le combat
entre les deux ensembles, reprenant ainsi des traditions locales dont les codes
étaient très proches, en tout cas facilement assimilables par la
population péruvienne128(*). Pour Eudocio Ravines, fondateur de la section
apriste de Paris, la Révolution mexicaine était le Thermidor
mexicain. Elle marquait une immense victoire sociale pour le peuple contre
toutes les composantes de la classe dominnate, et exprimait la première
manifestation politique contre l'impérialisme nord-américain. Cet
évènement portait également une symbolique sociale
très forte, qu'incarnait le front commun que formèrent les
classes opprimées contre une domination héritée de la
conquête espagnole. Cette dimension sociale de la révolte se
manifesta alors sans organisation de classes, et le prolétariat fusionna
avec la petite bourgeoisie insurrectionnelle dans un seul mouvement solidaire
qui balaya « la domination du féodalisme, des caciques et de
sa clientèle d'intellectuels, de docteurs et
licenciés »129(*) . Cette fusion, la victoire contre
l'impérialisme, les conquêtes constitutionnelles firent de cette
révolution, «l'évènement social de la plus grande
magnitude en Amérique latine, durant ces années»130(*). Elle fût même
pour Ravines, une manifestation populaire autonome et sans apports
étrangers, qui ne peut être cataloguée comme
émanation d'une quelconque influence européenne131(*).
Ainsi définie comme un âge d'or de la lutte
sociale, le rôle de l'aprisme était de s'édifier en
gardien intellectuel de la Révolution mexicaine et d'en appuyer la
réalisation des présupposés révolutionnaires. Selon
l'uruguayen proche de l'APRA, Oscar Cosco Montalvo, il en résultait
même une mission pour les sympathisants des acquis de la
Révolution. Cette mission consistait donc à « exhiber
objectivement, à toute occasion propice, ce qu'il y a d'impersonnel,
d'idéologiquement pur et de réalisation effective dans la grande
épopée de la révolution mexicaine »132(*). Il était alors
question de manifester un attachement sans faille à un
évènement qu'on ne se privait pas de présenter comme une
authentique victoire latino-américaine contre l'impérialisme,
tant culturel qu'économique.Arboré comme fils d'une
révolution aux acquis sociaux et symboliques palpables, l'aprisme se
voyait investi d'une mission légitime, et d'un legs à poursuivre.
Fondé à Mexico en 1926, le mouvement cherchait à se poser
en interloctuteur connu, puisque résultante d'une révolution, au
moment même où les conditions politiques et sociales le
permettaient. Cette mythologie de l'âge d'or s'introduisait en effet
dans une société où existaient des poussées
d'effervescence mythique, de par la précipitation de l'évolution
économique et sociale, et l'accélération des changements
qui bouleversaient les anciens équilibres. L'APRA apparaissait comme le
garant de la continuité de ce modèle à suivre dans la
lutte face à la menace impérialiste, car il était
potentiellement capable d'apporter la justice sociale et des acquis sociaux
(Réforme agraire par exemple) de par sa filiation en hommes, en
idées et en projets avec le mouvement mère. Haya de la Torre
reprit pour cela, la symbolique utilisée lors de la Révolution,
faisant de l'écusson de l'Université de Mexico133(*) , l'emblème officiel
de l'Alliance Pour la Révolution Américaine.
b) La sacralisation de Gónzalez Prada
Cette création d'une identité ne se limita pas
à des origines conjoncturelles étrangères. Elle
nécessitait une figure locale de qui se réclamer. Le choix se
porta sur l'anarchiste Gónzalez Prada, un personnage très
controversé de son vivant, mais qui demeurait inébranlablement
identifié à la lutte anti-civiliste et au combat pour le droit
des indiens. Se basant sur leur expérience personnelle avec cet
éminent intellectuel péruvien, certains collaborateurs de la
revue se lancèrent au fil des numéros à une entreprise de
sacralisation de ce dernier, tout en publiant à de nombreuses reprises
des extraits des oeuvres les plus importantes de celui qui incarna, «la
possibilité d'un Pérou nouveau»134(*). Gonzalez Prada consacra en
effet de nombreux ouvrages à la recherche de ce renouveau, et se forgea
au fil des années, une réputation de combatif et de farouche
critique envers un pays qu'il qualifiait « d'organisme malade :
où l'on pose le doigt, le pus coule »135(*). Malgré sa mort en
1917 et même s'il ne s'imposa jamais comme chef politique, sa
radicalité demeurait encore vivace dans les esprits des années
vingt, surtout parmi les étudiants universitaires. Cette
radicalité était même pour Bourricaud, à l'origine
de l'idéologie de la génération des années vingt.
Elle traduisait un doute radical des structures en place, alors que les
légitimations traditionnelles devenaient caduques et qu'une obligation
de « trouver autre chose » et de « faire quelque
chose » était de plus en plus ressentie par une population
confrontée à un régime corrompu. Gónzalez Prada et
sa pensée personnifiaient la remise en cause de l'oligarchie et de la
lutte contre le « tout venant, la fournée des amis
du président recrutée plus ou moins hâtivement, et qui ne
survit pas à la fortune politique du chef de l'exécutif.
»136(*). Ce doute
radical portait sur les causes de la domination oligarchique et sur les
raisons qui continuaient à maintenir un système reposant sur
l'exclusion de l'indien et l'immobilisme culturel. Il fustigeait la
période coloniale, dans laquelle il voyait la source des maux que
subissait le pays et qui se traduisait par de l'injustice sociale, dans le
cadre d'une féodalité favorisant l'oppression de l'indien et
l'immoralité politique.
Ainsi présentée, la figure de Gónzalez
Prada revînt sur le devant de la scène grâce à la
revue Amauta. Annoncé par Haya de la Torre au son
d'un « Nous avons recupéré Prada, l'arrachant du
chauvinisme civiliste, pour l'offrir au peuple »137(*), cette
récupération fit de Prada une icône. Il s'agissait pour
l'aprisme, de se réclamer de l'unique figure qui ne succomba pas
à la tentation civiliste, et qui dédia sa vie à la lutte
pour la justice sociale. Ce travail d'exposition par procuration, visait
à ce que l'on puisse identifier l'APRA, non seulement à
Gónzalez Prada, mais aussi à ses idées en matière
de lutte contre les vices, les corruptions, et les crimes des classes
dominantes. Mêlant l'héritage de Vasconcelos et celui de
Gónzalez Prada, la lutte pour la défense de l'indien que
prophétisait Haya de la Torre, devait servir de base à la
libéralisation progressive du continent latino-américain du joug
de son passé. La pensée de « l'apôtre »
fut également présentée comme un signe précurseur
du renouveau politique du continent américain. Sa
fécondité intellectuelle fut placée au même rang que
celles des « précurseurs de futur »138(*) ou en quelques mots, les
précurseurs du projet apriste : Bolivar, Sarmiento, Montalvo et
Martí. Plaçant Prada au même rang que ces grandes figures
de l'histoire latino-américaine, les apristes souhaitaient en effet
revendiquer le rôle joué par la pensée péruvienne
dans le processus de construction régionale, et surtout faire de ce
dernier, le chaînon entre les figures du 19ème
siècle et le tout nouveau mouvement émergent.
La collaboration entre l'APRA et l'Amauta permit
l'introduction progressive des thématiques apristes sur le sol
péruvien. Plus encore, elle en présenta les composantes, tout en
dotant ce mouvement politique d'origines illustres telles que la Réforme
universitaire de Córdoba, la Révolution mexicaine, les luttes des
étudiants contre Leguía ou l'action politique contestataire de
Gónzalez Prada. Elle bénéficia pour cela de
l'éclatement des forces contestataires, dont les forces vives
n'appartenaient à aucun parti politique organisé. Il n'existait
en effet, aucun organe encore capable de réunir les forces progressistes
dans un front commun, ce à quoi l'aprisme se hâta de se consacrer
dans les colonnes du journal. La situation politique du pays ne favorisait pas
non plus la constitution de mouvements de masse. Le régime de
Leguía en effet, menait une politique très active contre les
partis traditionnels, ce qui entraîna leur disparition progressive, au
détriment de l'unique figure du caudillo. Des complications
surgirent à partir de 1928, autour de la question des rapports
éventuels que pouvaient entretenir l'APRA avec l'Internationale
communiste. En outre, la question des statuts de l'APRA créa des
affrontements internes et des jalousies avec le directeur d'Amauta. Il
s'agissait de savoir si l'APRA devait rester un mouvement politique, une simple
alliance anti-impérialiste où coexisteraient socialistes,
communistes et bourgeois libéraux, au bien s'il devait se
prévaloir de statuts et se transformer en un véritable parti
politique de masse. La crise éclata dans le courant de l'année,
lorsque fut fondé le Partido Nacional Libertador, qui cherchait
à structurer les idées apristes dans la cadre d'un parti, en vue
de lancer la candidature de Haya de la Torre à la présidence de
République péruvienne. Le directeur de la revue Amauta,
José Carlos Mariategui refusa son adhésion au parti, ce
qui marqua la fin de la collaboration avec l'aprisme. Des articles très
critiques envers les non-communistes furent publiés par la revue, et des
sujets qui jusqu'alors jouissaient de l'unanimité
générale, servirent de prétexte à des affrontements
idéologiques. Le rôle du prolétariat mexicain durant la
Révolution mexicaine fut, par exemple, critiqué par Eudocio
Ravines, car celui-ci oublia de jouer son rôle historique de classe
révolutionnaire. S'en suivit la dissolution de la cellule apriste de
Paris, dirigé par Eudocio Ravines et à laquelle s'était
associé temporairement Mariátegui, le 1er mai 1929.
Des premiers groupes communistes firent leur apparition à Cuzco, alors
qu'au contraire, certains collaborateurs de la revue comme Luis Alberto
Sanchez, rejoignirent l'APRA. La séparation fut finalement
scellée en 1930, avec la fondation à un mois d'intervalle, du
Parti Communiste Péruvien et du Parti Apriste Péruvien. Cette
rupture marqua dès lors la division de la gauche péruvienne en
deux grands blocs rivaux et antagonistes, qui s'opposèrent dans la rue,
par les mots, et qui nourrirent sensiblement la culture politique
péruvienne.
II) L'émergence d'une historiographie de
« l'âge d'or »
La publication des Mémoires de Luis Alberto Sanchez
intervînt alors que le pays connaissait depuis octobre 1968, une
expérience révolutionnaire qui vînt balayer l'organisation
oligarchique de la société et des structures de production
péruvienne. Ce déblocage politique, avec des militaires de
gauche qui imposèrent « une révolution par le
haut », aurait pu signifier la victoire de l'aprisme et de ses
idées nées en 1926, puis consolidées dans les
années 1930. Haya de la Torre aurait même pu reconnaître
cette victoire contre l'oligarchie qu'il critiquait tant. Il ne le fit pas. Le
parti était en effet en pleine phase de reconstruction politique, suite
aux voyages de son leader en Europe de l'Est, et à l'annulation par
l'armée de sa victoire aux élections présidentielles de
1963. Contraints à la « révolution par la
conscience », l'APRA passa les années 1963 à 1968
retranché dans ses locaux, à « meubler les
heures »139(*)
et à repenser son rapport au marxisme. Ce fut au cours de ces
discussions, que Haya de la Torre livra à ses camarades,
l'élargissement de son jugement sur l'URSS, qu'il décrivait comme
un vaste empire despotique (ce qui était assez inhabituel en pleine
Guerre Froide au sein de la gauche). Influencé par ces discussions, et
marqué par l'arrivée au pouvoir de l'armée avec laquelle
l'APRA n'entretînt jamais de bon rapports, l'historien Luis Alberto
Sanchez entreprit de lever le voile sur les diverses expériences qui
menèrent à la formation de l'APRA, ainsi que sur les liens qui
existèrent durant les années 1920 entre les principaux membres de
la génération dite de la « Réforme ».
Même s'il se garda d'énoncer que sa description du passé
était « un ensemble d'images, de jugements et de portraits
organisés selon ses souvenirs »140(*), il en profita pour
approfondir la thématique des origines illustres du parti, et pour
clarifier sa position vis-à-vis marxisme. Celui qui avait
été successivement professeur puis recteur de l'Université
San Marcos, se livra même à une hagiographie du leader apriste,
dont les défaites électorales, les alliances successives avec les
autres partis, et l'enthousiasme populaire envers le vélasquisme, en
avait nettement affaibli l'image. Ceci prolongeait de fait la publication
parallèle du livre Víctor Raúl: biografía de
Haya de la Torre de l'apriste Cossio del Pomar, où ce dernier
revenait longuement sur la vie et la personnalité du leader apriste,
sans pour autant y préciser des informations relatives aux victoires
politiques qui eurent lieu durant la jeunesse du
« Jefe ». Témoin direct de toutes les
batailles depuis la Réforme de Córdoba et caution intellectuelle
de l'APRA, Luis Alberto Sanchez utilisa un support à priori anodin, pour
montrer la singularité, la nature sociale, et la
légitimité, de l'APRA. Contraint à réagir suite au
départ d'une partie de son intelligentsia vers le vélasquisme,
l'APRA devait en effet à nouveau, comme au temps de l'exil, construire
un imaginaire à partir de son passé. Cette question des origines
du parti apriste était d'ailleurs une préoccupation centrale pour
Luis Alberto Sanchez, qui, dès 1934, publia depuis son exil à
Panama, le livre Víctor Raúl Haya de la Torre o el
político, où il exaltait les vertus du fondateur de
l'aprisme, et en glorifiait l'activité politique dans les années
vingt. Ces Mémoires marquèrent ainsi, une restructuration dans
l'écriture de l'histoire de l'APRA pour celui qui en demeurait
l'historiographe officiel et unique du parti. Car cet écrit lui ouvrait
la possibilité d'expliciter pour la première fois le long
cheminement qui eût lieu durant les années 1920, et auquel toute
une génération participa. Ce livre introduisit pour finir
l'histoire de l'APRA ou plutôt son écriture, au premier rang d'une
nouvelle dynamique qui visait renforcer l'identification populaire au parti.
Les origines de l'APRA servaient alors à se prémunir contre ceux
qui, par voix officielle, niaient en bloc l'existence d'une quelconque
dimension sociale chez les apristes dans le passé.
S'inscrivant dans un contexte de restructuration interne du
parti, ces Mémoires répondaient à la
nécessité de développer un langage médiatique qui
puisse venir pallier le retrait de la parole et de l'imaginaire apriste de la
scène publique. Ils visaient à développer des logiques
d'actions autour de la genèse du parti, en rendant le langage
opportuniste et en ajustant la rhétorique aux circonstances. Cette
présentation des origines était, reprenant la théorie de
Goffman, « un jeu de représentation, et un acte
théâtrale par quoi s'accomplit l'échange entre soi et les
autres et une mutuelle reconnaissance »141(*). Pour se faire, l'historien péruvien
racontait les luttes du passé et la figure de Haya de la Torre, de
manière théâtrale, transformant des circonstances
historiques en un effet mobilisateur par le moyen de la
« dramatisation associée à du
spectacle »142(*). Le poids de l'imaginaire dans cette construction
venait transfigurer l'histoire politique du parti, en mystique, selon
le mot de Péguy, transposant des mythes, le symbole de Haya de la Torre,
des valeurs sociales et des malheurs, en des vecteurs ayant pour fonction,
d'unir en créant une solidarité supérieure. Comme le
défend Alexandre Dorna en parlant du paradigme populiste
latino-américain, cette syntaxe de l'histoire de l'APRA visait à
placer au coeur d'un large « processus progressiste de
réformes qui se situe entre les traditions libérales et
socialistes, devant l'injustice sociale »143(*), tout un ensemble de points
symboliques. La place de la symbolique autour de la figure de Haya de la Torre
jouait ici un rôle déterminant. Elle permettait de
véhiculer avec plus de facilité, une histoire complexe et souvent
contradictoire, en transmettant par l'insistance sur la nature charismatique
d'un homme, des émotions et un imaginaire nécessaire à la
survie du parti. Ainsi présentée, la figure de Haya de la Torre,
pour reprendre Goleman, servait de « révélateur
formidable des vérités cachées à l'aide d'une
émotion rationnelle »144(*). C'est pourquoi, Luis Alberto Sanchez procéda
à une structuration des luttes du passé, tout comme, il prolongea
son entreprise de sacralisation de Haya de la Torre, née trente ans
auparavant.
A) Une nécessaire réponse
structurée en temps de crise (1969)
1) L'A.P.R.A à l'épreuve du Pérou de
Velasco
Lorsque parurent les Mémoires de Luis Alberto Sanchez,
la junte militaire présidée par le général Velasco
Alvarado s'apprêtait à célébrer la victoire d'un
courant réformateur qui « initiait une étape de la vie
républicaine du Pérou, et qui à son terme devait instaurer
une société nouvelle, distincte, et juste »145(*). Lors du discours
commémorant le premier anniversaire (1er octobre 1969) de ce
que Velasco considérait non pas comme un coup d'Etat militaire mais
comme l'avènement d'une nouvelle ère146(*), la junte de la voix de son
chef, déclarait haut et fort son intention de mener à terme tout
un ensemble de réformes structurelles qui, pour qui ne l'avaient pas
compris, marquait l'avènement d'une révolution dans le pays. Il
comparait dans ce sens, la révolution péruvienne à la
révolution française, dans laquelle il voyait la meilleure
expression d'une substitution d'un « système politique,
social et économique par un autre qualitativement
différent »147(*). Non content de défier encore davantage
l'oligarchie, il exaltait pour finir le potentiel rénovateur du
processus en cours qui, selon lui, « ne fut pas fait pour
défendre l'ordre établi au Pérou, mais pour le transformer
de manière profonde dans tous ses aspects
essentielles »148(*).
Velasco Alvarado proclamait même le besoin de poursuivre
les réformes entamées qui avait déjà
considérablement transformée la vie quotidienne en chassant du
pays l'oligarchie et en redonnant sa fierté au pays. Il soulignait les
victoires de la junte149(*), et annonçait la poursuite des
réformes escomptées. Cette transformation devait dès lors
toucher tous les secteurs de production du pays, et tous les Péruviens.
Comme l'indiquait l'un des hauts responsables du CAEM (Centre des Hautes Etudes
Militaires), le processus révolutionnaire devait tout faire pour
recréer un bien commun qui, « doit être
considéré comme une situation à atteindre, une situation
idéal afin que se donne les conditions favorables pour que l'homme se
réalise dans sa plénitude d'être
humain »150(*). L'année de publication des Mémoires
de Luis Alberto Sanchez vit ainsi une consolidation des mesures sociales et
politiques, qui s'accélèrent durant l'année, comme par
exemple, la réforme agraire, qui marquait selon ses instigateurs, le
début « d'un processus irréversible qui assoira les
bases d'une grandeur nationale authentique, c'est-à-dire d'une grande
cimentation de la justice sociale et de la participation réelle du
peuple à la richesse et à la destinée de la
patrie. »151(*). Longtemps préparé dans les couloirs
du CAEM152(*), ces
réformes n'en gommaient pas pour autant leurs inspirations apristes, ce
qui contrastait nettement avec les difficultés que rencontraient le
parti suite à l'arrivée au pouvoir de son ennemi de toujours.
a) Une tradition de rapports conflictuels entre
l'Armée et l'APRA
Le coup d'Etat militaire de Velasco d'octobre 1968
intervînt un an avant une échéance électorale qui
aurait pu donner la victoire à l'APRA, tant le parti se situait en
position de force, suite l'incapacité de la coalition gouvernementale de
centre-droit (Action Populaire du président Belaunde élu en 1963,
et la Démocratie chrétienne) de mener à bien les
réformes promises. Cette coalition était même
mêlée à un scandale politique, en raison de la cession en
août 1968, du potentiel pétrolier péruvien à
l'entreprise nord-américaine, International Petroleum Company.
Indépendamment des motivations conjoncturelles, et de la conviction
partagée par les militaires, que les civils étaient incapables de
mener à terme les réformes nécessaires, ce coup d'Etat fut
aussi une réponse à la menace apriste. Il poursuivait alors une
longue tradition de coups d'Etat contre le parti, dont les origines remontaient
à des actes fondateurs, qui se développèrent pratiquement
en même temps que l'essor national du parti de Haya de la Torre.
La première confrontation entre les deux camps datait
en effet du lendemain de la chute de Leguía. Elle commença lors
de la campagne pour l'élection présidentielle de 1931, qui vit
s'affronter Haya de la Torre, et le général Sanchez Cerro, le
tombeur de Leguía. Cette élection, qui marquait le retour du pays
à la démocratie après onze ans d'un pouvoir autoritaire,
donna pour la première fois le droit de vote à tous les hommes
âgés de vingt-et-un ans sachant lire et écrire. Les
analphabètes et les paysans exclus, cette élection resta
essentiellement un phénomène urbain auquel ne participa que 7,4%
de la population153(*).
Après une campagne houleuse, où les deux adversaires
menèrent une campagne populiste, la victoire de Sanchez Cerro,
après l'annulation des votes d'un département remporté par
l'APRA, marqua le début des rancoeurs apristes contre l'armée.
Les apristes crièrent haut et fort à la fraude,
et menèrent dès lors de vastes campagnes de mobilisation sociale
contre le régime, tout en utilisant l'importante minorité dont
ils disposaient à l'Assemblée constituante. L'élection
Sanchez Cerro marquait la victoire des classes moyennes et des membres de
quelques vieilles familles aristocratiques, particulièrement sensibles
à la question de l'intégrité territoriale. Or, l'APRA, et
surtout Haya de la Torre, étaient suspectés d'entretenir des
liens avec l'étranger, et même d'être le parti de
l'étranger. En février 1932, la crise entre les partisans de
Sanchez Cerro et les apristes devînt de plus en plus grande. La
majorité ultranationaliste refusa les mesures sociales
prônées par l'APRA à l'Assemblée, et finit par
expulser les vingt-sept députés apristes en
vertu de leur appartenance à une organisation internationale,
tout en arrêtant Haya de la Torre. En réponse à cette
expulsion et à l'arrestation de leur chef, une insurrection apriste
éclata en juillet 1932, dans la ville de Trujillo, dont Haya de la Torre
était originaire. Elle fut marquée par la prise de
l'hacienda sucrière de Laredo par des ouvriers agricoles
(peones) proches du parti, et par l'installation d'un préfet
apriste à Trujillo. Elle vit surtout l'assassinat de plusieurs officiers
dans la caserne de la ville. Cet acte ébocha le début de l'haine
vouée par l'armée contre le parti, présentée comme
une organisation antimilitariste. L'insurrection fut finalement brisée
par la force, et se traduisit par l'exécution de centaines de militants
apristes dans les ruines de Chan Chan, aux portes de Trujillo.
Un autre acte encore plus symbolique vînt par la suite
accroître les différences. En 1933, le président Sanchez
Cerro fut assassiné et son meurtre fut attribué à l'APRA.
Le parti fut dès lors identifié comme menace pour la
sûreté de l'Etat, et ses partisans persécutés.
L'armée reçut comme consigne de persécuter les apristes,
ce qui se résumait à une seule formule : « lutte
à outrance contre l'APRA »154(*). Après la mort du président, le
Congrès nomma le général Benavides à la tête
de l'Etat. Il se hissa comme garant de l'ordre institutionnel155(*), et arrêta de nombreux
militants apristes et ferma les locaux du parti. Sachant qu'une bonne partie de
la clientèle apriste se recrutait parmi les officiers de l'armée
en raison de leur position sociale156(*), il chargea un groupe de policier-enquêteurs
d'infiltrer l'armée pour y démanteler d'éventuels groupes
subversifs. Parallèlement à cela, le nouveau chef d'Etat
décida d'interdire le parti, justifiant sa décision en invoquant
la constitution de 1933 qui privait de droits politiques les partis
« qui prétendent détruire l'ordre moral et la
discipline dans l'armée »157(*). D'un autre côté, Haya de la Torre fut
interdit de briguer un quelconque mandat, toujours à raison de
l'appartenance de son parti, à « une organisation
internationale ».
Ces actes fondateurs de la répression à la
violence apriste, nourrirent dès lors l'idée, dans
l'armée, que le projet initial de l'APRA préconisait
« la subordination des forces armées au pouvoir civil et leur
substitution par une armée de partisans. »158(*). Le gouvernement de
Benavides interdit lui-aussi le parti jusqu'en 1945, sauf durant une
brève parenthèse en 1934. En 1937, il adopta d'ailleurs des lois
très strictes pour se prémunir contre une éventuelle
menace apriste. Ces dernières s'inspirèrent largement des
législations de défense nationale adoptée dans plusieurs
pays d'Amérique latine--notamment le Brésil, l'Argentine et le
Chili--contre le péril communiste. Elles interdisaient en effet, tout
acte de propagande et les « doctrines communistes ou dissolvantes,
par quelques moyen de publication o diffusion qu'elle s'exerce : livres,
journaux, tracts, annonces, dessins, inscriptions murales, instruments
acoustiques ou lumineux, cinéma ou radio...en interdit l'introduction
sur le territoire national, la production, la vente et l'acquisition, la
distribution159(*). D'un
autre côté, le CAEM poursuivait cette politique de lutte contre la
menace apriste sur le terrain de l'enseignement, faisant de l'anti-aprisme,
l'un de ses piliers formateurs, à tel point que celui-ci «faisait
partie de l'éducation des cadets dans les écoles militaires, et
constituait le principal facteur de cohésion des forces
armées«160(*). L'APRA répondit durant ces années par
la violence. Se basant sur une rhétorique proche de la martyrologie, et
cultivant l'esprit de sacrifice parmi ses membres, en exhibant des
« saints » apristes torturés et tués pour la
gloire du parti, il mena des opérations résonantes. En 1935, le
parti assassina par exemple le directeur du journal anti-apriste, El
Comercio, Antonio Miro Quesada. Quelques années plus tard, en 1948,
le parti fut impliqué dans une mutinerie d'une partie de la flotte
mouillée au Callao, contre le président Bustamante Rivero.
En somme, l'arrivée au pouvoir des militaires, en 1968,
représentait une menace potentielle pour le parti, voir un danger. Mais
Velasco, malgré des pressions internes issues des principaux
instructeurs du CAEM, ne poursuivit la politique de persécution et
d'interdiction contre le parti. Mis à part, quelques déportations
isolées, il estimait que le mouvement était caduc, et que le coup
d'Etat de 1963, avait déjà suffisamment déstabilisé
le parti. Il garda un oeil sur le parti mais ne molesta pas directement Haya de
la Torre, et toléra les manifestations commémorant l'anniversaire
du parti. Contraint au silence après l'arrivée au pouvoir de
l'ennemi éternel, l'APRA traversa une longue période de crise. Il
du se recroqueviller, et penser une manière de revendiquer sa force
sociale sans pouvoir l'exprimer par des manifestations sociales de grande
ampleur. La menace virtuelle que représentait un gouvernement militaire
s'accrut même pour le parti, lorsque certains de ses cadres rejoignirent
l'équipe gouvernementale de Velasco. Dès lors frappé en
son sein, l'APRA du faire face à une nouvelle menace. Il ne s'agissait
plus de se prémunir contre une éventuelle action à son
encontre, mais plutôt, de lutter contre une menace encore plus
grande : la réutilisation de ses idées par l'ennemi
juré.
b) La réappropriation du programme apriste par le
gouvernement militaire
Ironiquement, le coup d'Etat de 1968 mena au pouvoir des
militaires qui utilisèrent largement les idées de l'APRA, et la
théorie économique développée par Haya de la Torre
dans son ouvrage, El antiimperialismo y el Apra de 1936. La junte
militaire bénéficia à cet égard, de l'apport et de
l'assistance de renégats de l'aprisme, qui déçus de la
politique de collaboration parlementaire menée par le parti, estimaient
que le temps était venu d'appliquer, le programme apriste des
années 1930. Cette scission débilita d'autant plus le parti, que
certains de ses cadres, voir le secrétaire personnel de Haya de la
Torre, Carlos Olivera, reçurent comme mission des militaires de
définir les plans structuraux de la Révolution péruvienne.
Menés par la conviction que l'attitude de Haya de la Torre durant les
années 1960 avait fait perdre au parti sa dimension
révolutionnaire et réformiste, les transfuges
transformèrent le système économique péruvien en un
modèle socialiste avec une réforme agraire radicale, la
nationalisation de tous les secteurs économiques (banque, pêche,
assurances, mines, assurances), ainsi que le développement du
coopérativisme rural. Reprenant la thématique de la lutte
anti-impérialiste chère à Haya de la Torre, le
gouvernement militaire cultiva la rhétorique anti-impérialiste,
continuant à instrumentaliser la menace qui faisait peser sur le
Pérou l'impérialisme américain. Comme illustration de ce
positionnement, Velasco protesta au sein de l'Organisation des Etats
Américains (OEA) contre l'ostracisme à l'égard de Cuba, et
appuya les revendications de Panamá sur le canal. Or, cette mesure
était l'un des cinq piliers du programme apriste des années 1930.
Plus encore, reprenant la vision universaliste que l'APRA cultivait dans la
revue Amauta, les militaires proclamèrent que leur choix du
tiers-mondisme et leur refus de l'alignement sur Moscou, résidait dans
une vaste stratégie de solidarité contre
l'anti-impérialisme, ce qu'ils firent lors des sommets du groupe des 77,
dont l'une des sessions eût d'ailleurs lieu à Lima en 1970.
Cette réappropriation des valeurs de justice sociale et
de progrès social, par les militaires réformistes,
débilita le parti apriste. Il perdait en effet son identité, en
voyant d'autres appliquer des réformes qu'il avait lui-même
conçues. D'autre part, le parti comprit vite que son choix de la
convivencia (vie commune) qu'il fit entre 1956 et 1968, lui avait fait
perdre son image de victime isolé et revendicative. Ses collaborations,
d'abord Pardo, puis avec Odria, représentant militaire de l'oligarchie,
avaient non seulement produit une scission interne, mais pis, faussé les
repères identitaires qu'il avait forgé durant les années
vingt. En pleine quête identitaire, l'APRA décida de réagir
en posant le problème de la définition de sa singularité
et de son unicité. Afin de montrer la vraie nature de l'aprisme, il prit
un tournant décisif dans son autodénomination, choisissant de
tourner définitivement le dos à son passé marxiste et
à ses liens plus qu'étroits avec le mariatéguisme. Luis
Alberto Sanchez s'y attacha dans ses Mémoires, jouant la carte de
l'anecdote et de l'objectivité historique, que lui offrait son dualisme
de témoin et historien.
2) La prise de distance définitive avec le marxisme
péruvien
L'expression faîte par Mariategui de son adhésion
au mouvement apriste dans les années vingt, les origines marxistes de la
pensée de Haya de la Torre ou la maturation d'un noyau communiste au
sein de l'APRA, étaient autant de signes, qui illustraient la confusion
qui pouvait exister à la lecture des origines communes, des deux
principales forces de la gauche péruvienne. Cette question ne demeurait
en rien une particularité péruvienne, on peut même dire,
qu'elle englobait tous les débats qui eurent lieu dans les partis
socialistes des années vingt. Le premier point de filiation entre l'APRA
et le marxisme péruvien, résidait dans le fait, qu'ils se
déclaraient tous les deux socialistes. Les débats autour du vrai
sens à accorder à ce terme, nourrirent de nombreux affrontements
entre chacune des parties, qui cherchèrent à se
réapproprier cette notion dans le dessein d'affirmer leur autonomie.
Pour l'apriste Luis Heysen, le socialisme qu'incarnait l'APRA, offrait
« une solution par nous, dans nos terres et richesses nationales,
dans notre indépendance face à la voracité yankee
ou à l'ours, éveillé et sans chaînes
soviétique »161(*) . Critiquant la pensée de Mariategui
qu'il qualifiait de « bolchévique d'annunziano », il
défendait l'idée que le socialisme ne pouvait pas s'atteindre par
des « idées irréelles et fantastiques crées par
l'imagination »162(*), mais par une action construite dans le cadre d'une
lutte régionale contre l'impérialisme. Ces débats
n'étaient en rien une évidence pour une population très
peu réceptive de ces débats idéologiques. Pour beaucoup
encore, les dirigeants apristes demeuraient, au même titre que
Mariategui, le symbole de la résistance héroïque contre un
dictateur, que le gouvernement de Velasco ne se privait pas de critiquer. Les
apristes restaient assimilés à la revue Amauta, et
personne ne comprenait réellement avec clarté, la
séparation qui eût lieu entre les deux forces à la fin des
années des années vingt. Forcé de se livrer à une
défense de la singularité de son parti, Luis Alberto Sanchez
entreprit un travail d'explication et d'éclaircissement sur les
circonstances historiques et les raisons qui poussèrent à cette
séparation.
a) Le problème du rapprochement par le
passé
La question des références intellectuelles
communes entre socialisme et communisme a toujours été un
thème qui a suscité des controverses et des polémiques de
part et d'autres. Dans le cas péruvien, les principales figures de
gauche (Haya de la Torre, Mariategui, Meza) vouèrent au début des
années vingt, une certaine dévotion aux anarchistes russes,
Bakounine et Kropotkine, et à l'anarchiste péruvien de
Gónzalez Prada. Ils voyaient dans ce dernier, le fondateur du renouveau
politique péruvien, et prônaient dans ce sens, la
nécessité de bâtir une nouvelle nationalité et une
nouvelle culture, autour des idées de Prada. Ils en
célébraient ensemble son statut de défenseur des indiens,
et sa violente hispanophobie. Luis Alberto Sanchez revenait d'ailleurs dans ses
Mémoires, sur la sociabilité politique que créaient ces
figures parmi la jeunesse péruvienne, et d'autre part, sur la
fascination qu'exerçait la Révolution russe sur la
génération de la Réforme péruvienne. Cependant, il
cherchait à relativiser cette passion commune pour des auteurs qui
bercèrent leur jeunesse, mais qui selon lui, demeuraient des
découvertes intellectuelles intéressantes, faisant parti d'un
cheminement intellectuelle, mais dont la radicalité ne
pénétra jamais la pensée apriste née quelques
années après. Il détachait pour cela Prada des anarchistes
russes, ne reprenant finalement que sa dimension sociale et sa
radicalité d'esprit, le rendant ainsi plus amène à figurer
en précurseur d'un parti qui se voulait révolutionnaire par sa
dimension réformatrice, mais qui refusait de prendre le pouvoir par la
violence.
Indépendamment de cette proximité
intellectuelle, la question de l'imbrication des réseaux entre apristes
et futurs fondateurs du Parti Communiste péruvien demeurait
également un autre thème sensible pour les apristes, d'où
l'obligation pour Luis Alberto Sanchez, de hiérarchiser ces rapports,
et de montrer le rôle politique joué par Mariategui, sans faire de
l'ombre à Haya de la Torre. Il présentait le parcours
journalistique de Mariategui, de ses débuts en 1915 comme simple
employé des ateliers de la Prensa, à son zénith
comme directeur de l'Amauta. Mais plus que dresser un historique de
son évolution, il mettait en évidence le rôle joué
par Haya de la Torre dans la carrière de celui-ci. Il en magnifiait le
fait que, sans une décision du leader apriste de 1923, Mariategui
n'aurait jamais participé politiquement au combat de résistance
contre Leguia. Pour l'historien apriste, la décision de Haya de la Torre
de le nommer directeur substitut de la revue Claridad, correspondait
à la véritable entrée en politique de Mariategui, et
à son premier contact avec les Universités Populaires. Cherchant
à souligner la supériorité de Haya de la Torre dans
l'action et les réalisations politiques, il caricaturait parfois la
figure de Mariategui, en le dépeignant davantage comme un homme de
lettres que comme un homme d'engagement. Mariategui était en effet peint
en animateur des milieux littéraires liméniens, en intime
d'écrivains tels que Valdelomar163(*), et comme quelqu'un cherchant à nier en
permanence son passé littéraire.
Même la maladie de Mariategui entra dans le
schéma mit en place par Sanchez pour marquer la
supériorité de Haya de la Torre. Il écrivit à ce
sujet, en surexposant le rôle qu'il joua et que joua Haya de la Torre
lors d'un des moments les plus critiques de la maladie du fondateur de
l'Amauta. Il relata d'ailleurs, l'action qu'il entreprit pour venir en
aide à ce dernier, et comment il se battit pour aider son ami, pour qui
il « lança un appel dans les pages de la revue
Mundial afin de collecter des fonds pour venir en aide à la
famille meurtrie de Mariategui... »164(*). Il associa même à cette entreprise
Haya de la Torre alors en exil, en soulignant la force de la solidarité
et de la compassion de ce dernier: « Je te remercie de ce que tu as
fait pour J.C.M. Tu l'as fait comme si ça avait moi. C'est un
frère »165(*). Les Mémoires servirent de ce fait à
propager la grandeur de l'esprit de fraternité que cultivaient les
jeunes apristes dans les années vingt. L'auteur y retraçait le
rôle qu'il joua pour venir en aide aux prisonniers politiques injustement
emprisonnés sous Leguia. Or le cas de Mariátegui permettait de
montrer que, s'il pouvait exister certes un rapprochement par le passé
entre marxistes et apristes, il avait toujours servit au premier comme
échappatoire face au danger. L'historiographe officiel de l'aprisme
parachevait par exemple cette exposition des faits, en montrant que Mariategui
pu sortir de prison en 1929, grâce aux apristes, et que sans Luis Alberto
Sanchez, une personne malade innocente aurait pu mourir en prison.
Ainsi présenté, le passé commun entre
marxistes et apristes tournait en faveur des seconds. Il permettait de
dépasser les dangers d'une association trop rapide, pis, de montrer une
certaine supériorité en actes et en valeurs. Le fait d'insister
sur la solidarité envers Mariategui n'était en rien anodine. Elle
rappelait le rôle joué par les futurs apristes dans la
carrière de celui dont la junte militaire en faisait son héros,
au même titre que Tupac Amaru. Elle permit de clarifier également
la spécificité de l'aprisme, et de souligner la primauté
de l'APRA en faits et dans la lutte contre l'autoritarisme. Non content de se
limiter à la période de collaboration, Luis Alberto Sanchez
poursuivit son travail explicatif sur la rupture. Là, non seulement il
reprit les schémas antérieurs, mais il la transforma en symbole
politique.
b) Le symbolisme politique de la rupture avec
Mariátegui
L'interprétation de la rupture entre Haya de la Torre
et Mariátegui demeure l'une des données les plus significatives
de la culture politique péruvienne. Elle résulte d'une longue
lutte qui commença dès 1929, et qui se prolongea parmi les
proches de chacun de ses deux icônes. Les Mémoires de Luis Alberto
Sanchez se placèrent elles aussi dans ce débat, et elles en
alimentèrent les rivalités, tant ce livre présentait un
fourmillement de données historiques. La nouveauté qu'introduisit
Luis Alberto Sanchez, pourtant très proche dans sa jeunesse de l'homme
de l'Amauta, fut qu'il développa un dispositif de mise en
concurrence entre Mariategui et Haya de la Torre. Il procéda pour cela
à de multiples comparaisons entre les deux hommes, et ne se priva pas
mettre en avant le paternalisme et la précocité qu'avait le
leader apriste sur l'auteur de Sept Essais d'Interprétation de la
Réalité Péruvienne. Les livres les plus significatifs
de ces derniers entrèrent dans cette logique, faisant de l'oeuvre de
Haya de la Torre, le caractère précurseur du renouvellement de la
gauche péruvienne du fait que « son livre Pour
l'émancipation de l'Amérique latine de 1927,
édité par Gleizer, à Buenos-Aires, avait circulé
sans obstacles, bien avant les Sept Essais d'Interprétation de la
Réalité Péruvienne de
Mariategui... »166(*). Revenant sur l'expulsion de Mariátegui et
Falcón de 1919, l'ouvrage signalait que le retour au pays du premier
avait été très difficile. Mariategui en effet, avait
souffert de la polémique autour de son départ en exil167(*), et ça avait
été Haya de la Torre en personne qui lui avait permit de revivre
politiquement. Le chef de l'APRA, alors président de la
Fédération des Etudiants Péruviens, s'était alors
chargé de le faire réintroduire dans les mouvements
contestataires, en jouant de tout son charisme pour le faire accepter parmi les
ouvriers et les réticents. Il lui avait même permit de devenir
professeur des Universités Populaires qu'il avait créées.
Luis Alberto Sanchez se basait pour finir sur ce fait, pour défendre
l'idée que ce fut grâce Haya de la Torre que commença
l'activité sociale et politique de Mariategui168(*). Ce paternalisme de Haya de
la Torre se poursuivait également, selon Luis Alberto Sanchez, sur le
terrain idéologique. Pour lui, il existait plus qu'une filiation aux
niveau des idées, entre la revue Amauta et le Front Unique des
Travailleurs Manuels et Intellectuels. Il s'agissait plutôt d'un
enfantement, qui permit à Mariategui de mener à terme son projet
de revue politique progressiste169(*). Comme le soutenait l'auteur en citant
Mariátegui, les milieux contestataires péruviens vivaient
à l'époque dans l'expectative des apports et de
l'expérience de Haya de la Torre alors en exil en Europe170(*).
Parallèlement à ces éclaircissements,
Luis Alberto Sanchez mit en place une véritable instrumentalisation de
la rupture entre marxistes et apristes. Il cultiva la théorie du
complot, mettant ostensiblement en avant, la lâcheté des premiers
face au courageux projet préparé par les exilés apristes
en vue de renverser Leguia. Il les accusa d'avoir fait échouer le
projet, d'avoir provoqué des arrestations dans les rangs de l'APRA, et
de n'avoir disposé d'aucun courage politique d'opposition171(*). La présentation de
la trahison d'Eudocio Ravines quant à elle, marqua le sommet du
retournement de position des marxistes. Ayant assisté au Congrès
Anti-impérialiste de Bruxelles avec Haya de la Torre, Ravines fut
présenté comme le grand instigateur de la rupture, jouant
à cette occasion un rôle de « trompe-l'oeil »,
qui fit que Mariátegui « confondit cette campagne dynamique et
politique de Haya de la Torre contre Leguia, comme une expression de
l'individualisme du caudillisme »172(*) . Critiqué comme un séparatiste pour
avoir quitté le secrétariat de la Cellule Apriste de Paris,
Eudocio Ravines était d'autant plus traître, que dès qu'il
posa un pied sur le territoire péruvien, il qualifia son ancien
compagnon de voyage en Europe, Haya de la Torre, de « totalitaire,
de néofasciste, d'ambitieux, et d'individualiste»173(*). Cette critique se
poursuivit finalement en rappelant que leurs anciens collaborateurs
livrèrent des documents de Haya de la Torre au gouvernement de Leguia,
qui s'empressa de les publier dans la presse officielle, accompagnés de
commentaires salaces.
Ainsi présentée, cette rupture servit aux
apristes pour exprimer leur origine et remettre à l'ordre du jour leur
image de « cavalier seul contre tous », que les alliances
parlementaires avaient brisées. Elle permit surtout de signifier leur
positionnement sur l'échiquier politique péruvien, et de
quantifier les injustices à leurs égards. La rupture servit pour
monter la connivence d'intérêts entre la droite dictatoriale et
« la gauche européiste » ou le
mariatéguisme. Présentée comme une permanence, cette
connivence fut introduite comme une atteinte à la démocratie,
dont l'APRA restait le principal supporter. Cette manifestation, nous disait
Sanchez, vérifiait la nécessité d'opter pour des partis
qui puissent lutter contre la menace que représente le totalitarisme.
Pour finir, la rupture des années 1920 faisait du marxisme l'Adversaire,
voire l'ennemi à abattre, qu'il fallait critiquer, même par des
coups bas174(*). La
prise de distance définitive avec le marxisme permit à l'APRA de
se restructurer autour de son passé. Non content de signifier la nature
non marxiste de son parti, l'auteur prolongea son travail de réveil
identitaire en revenant sur les faits marquants des origines de l'aprisme. Il
fallait dès lors, faire renaître les symboliques apristes, et
raviver l'épopée des années 1920, que les participations
au pouvoir avaient partiellement effacées.
B) Une restructuration autour de la pureté des
origines
1) La mise en valeur des luttes du passé
A partir de circonstances historiques
déterminées, Luis Alberto Sanchez cultivait un discours
antagoniste, en divisant la société en deux camps
opposés : le peuple contre l'oligarchie ou plutôt, l'APRA
contre ses ennemis. Il en faisait un étroit système de
filiations, d'assimilations et d'équivalences, entre des faits
historiques (La Réforme universitaire péruvienne, l'opposition
à Leguía, l'action politique de Haya de la Torre) et les valeurs
propres au parti. Tantôt description objective d'une
réalité passée, tantôt passé collectif des
apristes élaboré en tradition de lutte sociale, son récit
des luttes visait à reconstituer une légitimité perdue,
une crédibilité mise à mal depuis l'arrivée au
pouvoir de la junte. Pour cela, l'imaginaire éclairait le
phénomène apriste dans sa subjectivité et dans sa
totalité. Apportant des images, des sensations, une
théâtralité constructive, le récit historique devait
correspondre à ce que les Péruviens désiraient trouver
chez un leader et un parti politique. L'auteur cherchait donc à
présenter une voix où chacun est censé se retrouver, de la
sorte à que chaque péruvien, puisse s'incérer dans un
consensus autour de l'acceptation de l'idée, qu'Haya de la Torre
était le parti, le peuple, le Pérou. C'est pourquoi, Luis Alberto
Sanchez procéda à une instrumentalisation
d'événements politiques, tout comme, il prolongea son entreprise
de sacralisation de Haya de la Torre, née trente ans auparavant.
a) La Réforme universitaire péruvienne
L'histoire à laquelle font allusion les mythologies de
l'âge d'or, correspond à des ensembles immobiles, il faudrait
mieux dire immobilisés. Elle formule des circonstances historiques avec
un rapport avec le réel, et repose sur une structure logique dont
« l'élémentaire simplicité contraste
singulièrement avec le foisonnement des images, des
représentations et des symboles et qui n'est rien qu'autre que la
décadence »175(*) que combat le parti. Cristallisant autour d'elle des
valeurs et tous les rêves de justice sociale, la représentation du
temps d'avant était un mythe au sens le plus complet du terme :
« à la fois fiction, système d'explication et message
mobilisateur »176(*). Présentée comme point de
départ de la lutte pour le combat social au Pérou, la
Réforme universitaire péruvienne s'inscrivait de ce fait, comme
la première référence historique se rattachant à ce
schéma. Fille du mouvement réformiste argentin177(*), cette manifestation
contestataire était introduite selon une scénographie qui
cherchait à présenter l'action politique d'une communauté
close, et étroitement resserrée « dans la chaleur de
son intimité protectrice »178(*). L'auteur y décrivait avec précision
les différents rapports entre les étudiants réformistes,
en tissait les liens, voir en racontait les origines familiales. Il s'attardait
surtout sur les futurs apristes, revenant longuement sur leur participation
directe au combat étudiant, les plaçant à cet égard
en première ligne179(*). Il soulignait l'importance que jouait la
Réforme comme vecteur de la socialisation politique étudiante
parmi des jeunes dirigeants universitaires, dont les réunions180(*) et la passion pour le
sport181(*)
préméditaient déjà, la base de camaraderie et des
valeurs de compagnonnages qui caractérisera plus tard le parti apriste.
Il en montrait l'unité, revenant sur une sociabilité
constructive qui lança les bases, non seulement du renouveau
universitaire péruvien, mais également du réveil social et
nationaliste péruvien.
La description faîte par l'auteur du Conservatoire
Universitaire de 1919, permettait par exemple, de défendre l'idée
que, ce mouvement étudiant largement encadré par des futurs
cadres apristes, fut la première grande expression d'un renouveau
intellectuel au 20ème siècle dans le pays. Elle
était même, en raison de la nature de ses leaders et de leur forte
culture historique182(*), la première manifestation d'une rupture avec
une lecture unique de l'histoire nationale. Le Conservatoire universitaire,
nous disait Luis Alberto Sanchez, représentait une véritable
manifestation de la volonté de rompre avec la tradition universitaire
péruvienne. En outre qu'il cultivait le souvenir d'une expérience
dont les idées introduirent des questions nouvelles dans le débat
politique péruvien, cette description cherchait aussi à projeter
les valeurs culturelles et le nationalisme singulier du parti. Revenant sur la
francisation de la société péruvienne de
l'époque183(*),
et sur les connaissances de l'oeuvre de Renan par ces étudiants
réformistes en le citant en français184(*), Luis Alberto Sanchez
rappelait de ce fait le caractère nationaliste et en rien anodin de ce
projet. Il spécifiait l'importance historique de cette expérience
intellectuelle, qui pour lui, avait servit d'échappatoire pour une
société encore très marquée par le souvenir de la
défaite contre le Chili lors de la Guerre du Pacifique (1879-1883).
Rappelant l'ouverture en direction des plus défavorisés, il
soulignait l'un des piliers de l'aprisme que le vélasquisme leur avait
ôté : l'ouverture de la culture péruvienne au plus
grand nombre. Mettant en lumière l'expérience du Conservatoire
universitaire dont il citait l'importance historiographique, et la
volonté de ces hommes de rompre avec l'immobilisme et le conservatisme
universitaire185(*) du
début du siècle, il rendait compte du rôle des apristes
dans le renouveau nationaliste et culturel pour leur pays.
En vérité, plus qu'une simple description d'une
contestation, cette histoire de la Réforme péruvienne autorisait
les lecteurs à apprécier une réponse structurée
face à une élite composée de riches héritiers qui
dominait l'Université186(*), et le pays. Elle traduisait un essai d'exposition
d'une première grande réponse structurée face à
l'injustice et aux mépris de l'oligarchie. Soulignant l'élan de
coopération entre ces principaux leaders, et les qualités de ces
derniers187(*) ,
l'auteur contait un groupe dynamique, confronté à des
résistances brisées par la figure charismatique de Haya de la
Torre. L'historique de ces victoires face « aux étudiants
civilistes, dépendants de la argolla (petit cercle)
professoral »188(*) servait en effet à l'aprisme, pour rappeler
le lien du leader charismatique avec son entourage, et à sa
capacité à gérer les passions politiques189(*). Ce lien était
d'autant plus fort, que celui qui « dessinait les grandes lignes de
la Réforme »190(*) avait à l'époque poussé ses
camarades à former un Comité de Réforme ad-hoc,
dans lequel ils exercèrent leurs droits. Nourri d'un
« dynamisme contagieux qui entraîne une attirance
irrésistible »191(*), le groupe que décrivait Luis Alberto
Sanchez, se livrait à réformer le système. Victoire
après victoire, il expulsait les mauvais professeurs, cassait le cercle
népotique, ouvrait l'Université aux plus démunis, bref,
étendait un cercle fermé au plus grand nombre, et même au
ouvriers. Menée par un groupe de purs nationalistes, la Réforme
de Manuel Seoane, de l'auteur, de Haya de la Torre, avait donc mit l'accent sur
les problèmes sociaux du monde contemporain, et de la nation
péruvien. Bien avant le vélasquisme, comme le sous-entendait Luis
Alberto Sanchez, cette expérience réformiste avait redonné
un espoir au peuple, en lui offrant des lois universitaires qui
« répondait à nos attentes »192(*). Ce témoignage sur la
Réforme correspondait à une campagne aux allures de combat,
nettement pointé de dramaturgie politique. L'auteur se livrait en
conséquence à une présentation d'un combat inégal,
entre petits et grands, entre oligarques et
étudiants héros, entre les tenants de la
modernité et tenants de l'ordre établi. Il revenait
sur l'esprit de sacrifice des étudiants réformistes, sur les
dangers193(*) ou encore
sur le courage face l'injustice194(*). Sans en faire des martyrs, Luis Alberto cherchait
à susciter une émotion autour de ceux, qui pour lui,
s'étaient offerts en sacrifice pour le bien d'une institution
archaïque. Célébrant le Congrès étudiant de
Cuzco comme un acte fondateur qui « proportionna les idées
matrices du futur Front des Travailleurs Manuels et
Intellectuel »195(*), il détachait ce mouvement de la
sphère marxiste, en le transformant en corollaire d'une
révolution universitaire largement dominée par les futurs
apristes. Ainsi, l'une des grandes victoires d'un mouvement plus global, se
convertissait en l'acte fondateur d'un mouvement fondé par Haya de la
Torre, et dont il s'était servit pour tisser les réseaux qui
aboutirent à la création de l'APRA en 1924.
Présentée comme une mythologie de l'âge
d'or, la présentation des origines étudiantes de l'APRA gardait
un caractère nettement mobilisateur. Elle prétendait signer
l'entrée en politique et dans la vie contestataire des grandes figures
du parti. Haya de la Torre était d'ores et déjà, introduit
comme un leader charismatique, et ses compagnons, comme des figures
résistantes et combatives. Vecteurs d'émotions, cette
historiographie où la victoire était décrite comme
totale196(*), servait
à remémorer, sinon commémorer des luttes qui
forgèrent l'identité de l'APRA. Elle permettait également
de montrer les capacités du parti à se structurer, et à
réussir des avancées sociales significatives. C'est pourquoi,
cette écriture de la période de la Réforme fut un mythe.
Non pas qu'elle ait été une fabulation ou une déformation
du réel, mais plutôt, une explication du passé servant de
véhicule à un dynamisme prophétique.
b) Le leadership dans la lutte contre la dictature de
Leguía
La revendication du passé combatif
de l'aprisme ne se limitait pas au début des années vingt. Elle
englobait également, les luttes étudiantes qui secouèrent
le pays à partir de 1923, et les méfaits de l'autoritarisme du
régime de Leguia. Jouant la carte d'une écriture parfois
manichéenne, Luis Alberto Sanchez exhibait une rhétorique qui
séparait d'un côté les dépositaires de
l'autoritarisme, et de l'autre, les représentants du peuple et de ses
privations. Il s'agissait de faire de l'oligarchie, l'incarnation de
l'inauthentique ou de l'étranger, du mal, de l'injustice, et de
l'immoralité. Les étudiants eux au contraire,
extériorisaient des qualités authentiques, bonnes, justes, voir
morales. Ce discours visait à montrer qu'il n'y avait aucune
possibilité de compromis ni de dialogue, avec des hommes qui
défendait crapuleusement un régime népotique, autoritaire,
et tourné vers les intérêts du capital étranger.
Luis Alberto Sanchez y dénonçait les injustices en radicalisant
les connotations émotionnelles du passé, tout en cherchant
à éveiller des sentiments communautaires en exposant des faits
historiques qui « célébraient la libération
temporelle de la vérité officielle et de l'ordre
établi ; marque de la suspension de toutes les hiérarchies
de rangs, de privilèges, de normes, et de
prohibitions »197(*).
Du fait de cette description, l'APRA résultait alors la
résultante logique d'un combat, si ce n'est du réveil social,
contre un Etat oligarchique qui excluait la majorité de la population,
et qui entretenait des relations de
« domination/subordination »198(*) avec cette dernière.
En d'autres termes, le parti avait pour origine une lutte encadrée qui
se consolida progressivement et sans violence. Cette maîtrise
affichée des risques de débordements populaires et de la
violence, contrastait l'image de parti insurrectionnel que lui collait
l'armée péruvienne, et faisait du parti, comme l'indique Di
Tella, un « intermédiaire dans
l'acceptation »199(*), c'est à dire, un organe assimilable par tous
les partisans du statuo quo. Mythifiée comme un temps obscure,
la période du Oncenio symbolisait pour l'auteur, le temps de la
répression policière, et de la trahison, où Leguia
était passé du statut de « maestro de la
juventud » à celui de
« Huiracocha »200(*). La description de cette période servit
dès lors à l'aprisme, pour remémorer ses origines
étudiantes, et rappeler à ceux qui l'avait oublié, son
autorité au sens où l'entend Simmel201(*). Paradoxalement, ce fut
l'exposition du système autoritaire de Leguia qui contribua à
remplir cette fonction sociale d'importance. Explication d'autant plus
convaincante, qu'elle se voulait totale et d'une exemplaire clarté, la
description de la Patria Nueva relevait en conséquence d'une
« logique apparemment inflexible, à une même et unique
causalité, à la fois élémentaire et toute
puissante ».202(*) Après avoir nommé son chapitre
« scherzo contre Leguia », Luis Alberto Sanchez y passait
au détail toutes les affaires de corruption et de fraude auxquelles
avait été mêlées la famille du dictateur. Ce
schéma véhiculait l'image d'un régime népotique
profondément clientéliste, où chacun des membres de la
famille de Leguia recevait son dû203(*). Ne se privant de dénoncer tous les acteurs
de cette institutionnalisation de la corruption dans le pays, il critiquait
l'armée comme complice passive d'une entreprise qui visait à
contrôler tous les organes du pouvoir. L'apriste décrivait
à cette occasion, le rôle des proches de Leguia dans
l'asservissement consenti de l'armée204(*), et en illustrait les mécanismes de
coopération. Au point que l'exemple du fils du Président, Juan
Leguia, qui terrorisait députés, maires ou commissaires, se
plaçait en miroir d'un système où « l'on
organisait des cocktails à l'honneur des
châtiés »205(*). Prolongeant sa critique contre l'autoritarisme, il
fustigeait la non séparation des pouvoirs, et le fait que durant ces
années, « aucune décision n'était prise sans
l'approbation du Président »206(*). D'autre part, il ironisait sur les
mécanismes du clientélisme présidentiel, et sur le culte
de la personnalité que cultivait Leguia. Luis Alberto Sanchez en faisait
même des fresques humoristiques, où l'on suivait des yeux
l'omniprésence présidentielle, et son infatigable volonté
de figurer partout207(*). Construit critique et agressif, ce discours
cherchait ainsi à faire de chaque image, de chaque signe ostentatoire de
richesse, de chaque expression symbolique de la richesse, une résonance
harmonique, que Bachelard nomme doublet-psychique. Il
créait un rapprochement avec le quotidien de chacun, et soulignait le
sentiment de rejet envers des formes immorales de gestion des affaires
courantes. Travaillant une dénonciation de l'utilisation de fonds
publics pour satisfaire des vanités personnelles, Luis Alberto Sanchez
visait à faire renvoyer toute une symbolique, au plus profond et au
plus intime du moi individuel. Il y fustigeait la frivolité de Leguia,
son goût pour l'argent208(*) ou son caractère narcissique209(*) afin de que le lecteur
renvoie tout cet univers à son vécu.
Face à un régime autoritaire et policier, la
contre-attaque étudiante était exposée sous le signe de
l'unité. Au delà de ses connotations populistes, cette
thématique implantait une logique visant à perpétuer
l'idée de la résistance héroïque des étudiants
face au tyran. Grâce à une scénographie politique210(*) tissée autour de
points victoires symboliques contre Leguia, l'auteur dépeignait
progressivement une trame où « la démonstration de
pouvoir reste toujours la manifestation de puissance »211(*). Il y explorait la
montée en puissance de la vague contestataire, et en magnifiait les
confrontations entre les parties212(*). Il faisait de l'organisation d'un front commun
entre autorités et élèves de San Marcos, le
véritable fer de lance contre le régime. Chacun était
introduit sous de bons hospices, notamment les intellectuels Víctor
Andres Belaunde et le poète José Galvez (tous les deux
étant démissionnaires de leur poste à l'étranger),
qui étaient revigorés comme les chefs d'une
« intelligentsia universitaire et journalistique contre
le pouvoir en place »213(*). Plus encore, chacune des venues du Président
à l'Université San Marcos étaient exposées comme
des marques tangibles de la rupture, entre les partisans de l'oligarchie,
et une opinion publique guidée par des étudiants organisés
et dynamiques. Garants de l'ordre constitutionnel que violait le chef de
l'Etat, les étudiants formaient les postes avancées pour la
défense du progrès et des droits pour tous de
bénéficier d'une Université égalitaire.
Célébrées par Sanchez, comme la première pierre qui
tombait de l'édifice gouvernemental, les propositions de ce mouvement
proposaient en effet, de « nettoyer l'Université de tous les
éléments rétrogrades et incapables »214(*). Même si elles ne
réalisèrent jamais, faute d'accord avec le gouvernement, elles
symbolisaient la volonté de certains, de résister contre le
non-respect des garanties constitutionnelles, voir de se porter garants d'un
projet alternatif. Cette unité d'un bloc qui résista
malgré les intimidations, et dont les liens avec la revue
Amauta demeurait palpables, devint dès lors source de la
légitimation de l'APRA. Elle transposa des valeurs de solidarité,
de camaraderie, bref, d'un esprit de sacrifice qu'inaugurèrent Haya de
la Torre et l'auteur en 1923, lorsqu'ils n'entrèrent pas en cours en
solidarité avec les grévistes.
Le poids de l'image dans la construction d'une mythologie de
l'âge d'or demeure une donnée essentielle. Elle permet non
seulement de véhiculer un message mobilisateur, mais encore, de mettre
en scène « un pouvoir qui uniquement exposé sous le
seul éclairage de la raison aurait peu de
crédibilité »215(*). Il s'exprime par la transposition d'attentes et de
valeurs sur des évènements historiques singuliers, et par la
répétition de situations orchestrées pratiquement comme un
cadre cérémoniel. Ce mouvement descriptif vers un passé
glorieux, héroïque, plus dynamique, rappelait de ce fait, les
valeurs autour desquelles se fonda l'APRA. Ces valeurs d'amitié, de
communion, de justice sociale, telles qu'elles étaient
transposées par l'auteur, cherchaient à exprimer la nature de
l'aprisme. Au point qu'elles visaient à défendre l'idée
qu'elles structurèrent la naissance de l'aprisme, en tant que vecteur
politique dont le leitmotiv était tourné vers la gloire et la
rédemption d'un pays, et d'un continent. Conscient de
l'indissociabilité dans l'imaginaire collectif, entre le parti et son
leader charismatique, Luis Alberto Sanchez compléta ce travail sur les
origines, en présentant sa principale figure politique. Il revînt
alors sur la destinée d'un homme, écarté du pouvoir
à maintes reprises, et qui continuait depuis son bureau, à
incarner les luttes et l'espérance de beaucoup.
2) La sacralisation de Haya de la Torre
De tout temps, les leaders charismatiques ont
évoqué des mythes, et cultivé un imaginaire fascinant
autour de leurs vies et de leur trajectoire politique. Assimilés
à des icônes, ils demeuraient dans certains cas, la
personnification d'une époque ou des luttes de tout un peuple. Marque
d'un moment charismatique216(*), ils émergeaient au cours de périodes,
où des situations particulières fragilisaient les structures en
place, et où l'espérance du salut se tournait vers une image
salvatrice. Jouant le rôle de sauveur, ces hommes s'exhibaient comme les
garants de la rénovation complète du système, et
proclamaient ouvertement leur désir de lutter contre l'angoisse sociale
et les inégalités. En Amérique latine, les exemples
d'Evita Perrón (la madre dolorosa) ou de José
María Velasco marquèrent même par leur aboutissement, le
sommet de ce phénomène. Condition à la survie du parti en
raison des persécutions et de l'abnégation à leur
encontre, le recours à la symbolique politique autour de Haya de la
Torre fut fréquente dans le discours apriste. Il ne datait donc pas des
Mémoires de Luis Alberto Sanchez, ni de la restructuration de la fin des
années 1960. Sa réintroduction répondait à son
importance communicationnelle, tout comme à la volonté de lui
adjoindre une série de codes et de représentations. Reprenant la
dimension religieuse qu'exprimait Haya de la Torre dans ses discours de par
l'utilisation d'un langage biblique, les Mémoires prolongèrent ce
sentiment mystique et absolument nécessaire, pour le succès
politique du parti. Haya de la Torre fut utilisé comme
« clé de voûte de toute la construction
politique »217(*), jouant à cet égard, un puissant
rôle de vecteur sociologique parmi les destinataires. Les cibles ;
les déçus de l'aprisme, son électorat classique, et une
couche transversale touchant toutes les couches de la population; devaient
alors ressentir un appel qui leur était exclusivement dirigé.
Explicatif d'un vécu personnelle et intime, Luis Alberto Sanchez
extériorisait par l'anecdote, un certain nombre de pans méconnus
du leader apriste. L'action politique de Haya de la Torre était
racontée selon la même logique de théâtralité
politique que les origines de son parti, à différence
près, qu'elle alternait l'hagiographie et la tragédie dans de
grandes scènes d'une théâtralité tournée vers
la pédagogie. Manifestant une proximité et un éloignement
du fait de son statut de héros, la vie de Haya de la Torre
témoignait la volonté de se rapprocher des formes populaires
d'expression, ainsi que des préoccupations sociales de la vie courante.
Les échanges du leader apriste avec ses interlocuteurs ou avec ses
détracteurs lors de ses combats politiques, étaient
racontés de manière accessible, « avec une
vivacité et souvent une spontanéité presque
festives, qui laissent les marques de sympathie durables dans la
mémoire des interlocuteurs même inconnus »218(*). Langage simple,
interventions limpides, la description de ses interventions était
pensée pour véhiculer une énergie contagieuse pouvant
être appréhendée et sentie par tous.
Peinte à travers la complexité d'un
système mythique, la vie de Haya de la Torre visait à prendre une
certaine ampleur collective. Elle tendait à combiner plusieurs
systèmes d'images retraçant son parcours, avec des
représentations sociales traduisant de l'injustice, afin de projeter
dans l'imaginaire du lecteur, un enchevêtrement d'aspirations et
d'exigences sociales les plus variées. Au point que, Le Chef (El
Jefe) devenait plus qu'un simple homme politique luttant pour la justice
sociale. Il en incarnait la phase revendicative dans la globalité, dans
sa totalité historique nationale, honorant au passage, la mémoire
de ceux qui étaient tombés pour ses idéaux. La question de
la temporalité jouait le rôle d'instrument légitimant,
puisqu'elle replaçait ses luttes dans une chronologie, et de ce fait, en
pérennisait les traits spécifiques. Grossissement du réel,
elle idéalisait la dimension guerrière de Haya de la Torre,
autant qu'elle amplifiait sa volonté de casser tout déterminisme
social, et tout conditionnement lié au statut. Haya de la Torre devenait
dès lors au fil de chacune de ses victoires, le porteur d'une dimension
affective très forte, qui transmettait des émotions, des
ferveurs, et des espérances à partager. Cette dimension affective
se voulait d'ailleurs la fenêtre d'une dévotion plus grande et
plus encadrée, à l'image de celle existante dans le parti. La vie
du leader charismatique était pensée en conséquence comme
un moyen de reconstituer les fidélités, de restructurer la vie
collective, voir de consolider une nouvelle trame sociale. Comme le souligne
très bien Raoul Girardet en prenant l'exemple de Maurice Barrès,
le leitmotiv de ce type représentation visait à tisser une
sociabilité politique encore plus forte, autour d'un nouveau et plus
puissant « agent de socialisation des
âmes »219(*). Incarnation d'un dynamique permanente, le
rôle ou plutôt les rôles du leader apriste étaient
nettement mis en valeur. Toile de fond « d'un dynamisme contagieux et
qui entraîne une attirance irrésistible »220(*), le portrait de Haya de la
Torre portait successivement les traits du héros, du chef, et de la
victime.
a) Le culte du héros
Le poids de la sphère symbolique a toujours
été à la fois une constante dans la vie politique d'une
société quelque qu'en soit sa nature. Les dispositifs
symboliques, les pratiques codées conduites selon un rituel,
l'imaginaire, sont d'autant d'éléments qui ont toujours
prévalues, au point que Paul Valéry affirmait que le domaine
politique était celui où « tout en tient que par
magie ». La fonction sociale du héros quant elle, a toujours
structuré la scénographie politique, la production des discours
politiques, et les procédures menant à la conquête du
pouvoir. La charge symbolique de la figure du chef ne pouvait se maintenir sans
un appel et une utilisation raisonnée, des ressources du pouvoir. Une
figure qui règne, même sur un parti, ne pouvait dès lors se
prévaloir d'un travail de mythification héroïque, même
symbolique. La lecture imaginaire permettait de rendre dans le cas de Haya de
la Torre, une intelligibilité perdue, à l'histoire d'un homme
dont les interprétations restaient si hétérogènes
qu'elles en dispersaient la part de réel. Grâce au passage de
l'ombre à la lumière, son temps historique symbolisait mieux les
aspirations du parti, et en hiérarchisait mieux les luttes. Sur les
débris de croyances fausses et étonnées, cette nouvelle
lecture de la vie du caudillo transformait un passé méconnu en un
ordre immanent. Elle préfigurait un nouveau cadre, par l'utilisation
d'un imaginaire fournissant de nouveaux éléments de
compréhension, et d'adhésion, rendant ainsi à Haya de la
Torre, sa place de premier ordre dans les coeurs et les consciences des
Péruviens.
Transformant un passé rompu par une participation au
pouvoir éphémère et perçue comme une trahison, Luis
Alberto Sanchez transposait l'image d'un homme redevenue lisible grâce
à son vécu. Son récit reprenait tous les
éléments se rattachant au leader apriste, et en faisait une
« projection d'un idéal »221(*) , dans le but de transformer
un homme politique en déclin, en un objet de culte, et de
vénération. Présentation idéalisée du
fondateur de l'APRA, elle retraçait le parcours de quelqu'un
personnifiant une force quasi-surnaturelle. Haya de la Torre prenait alors
successivement le visage du sauveur dans des faits anodins de sa vie
antérieure à l'action politique. La période de l'enfance
de ce dernier, permettait notamment de créer une sorte de
déterminisme autour de sa personne, où chaque
élément préfigurait déjà, le statut de
leader qui allait être le sien, dix voir vingt années plus tard.
Nourri de trait prophétique, ce récit de l'enfance d'un chef
incluait en premier chef, les premier pas de l'Elu sur le terrain
social. Chacune des grandes périodes menant à la vie adulte
était décrite dans un rapport étroit aux
thématiques sociales apristes. La naissance de Haya de la Torre quant
à elle, symbolisait un commencement absolu qui s'était
exprimé lors de la venue au monde d'un bébé dont les
parents en auraient présagés le futur politique en
annonçant peu de temps avant la naissance que « si c'est un
garçon, il sera un révolutionnaire »222(*). Pressage d'autant plus
symbolique selon Sanchez, que la naissance du bébé avait eu lieu
à l'époque, dans « une atmosphère
chargées de pressages funestes », fruit d'une
« révolution qui avançait à travers tous les
sentiers de la sierra péruvienne »223(*).
Véritable hagiographie, cette présentation
produisait un discours socialiste, et socialisant, où sous couvert
d'anecdotes autour de l'enfance224(*), des jeux225(*), et des rapports amicaux de l'enfant Haya, se
dessinait un travail de juxtaposition entre un homme et la politique. L'auteur
montrait pour cela un enfant hors norme, qui n'hésitait point à
prendre la parole en public, y compris lors de situations profondément
pénibles pour tous, comme par exemple après la mort d'un camarade
de classe où « comme il avait déjà une voix
éloquente, les professeurs et élèves le
désignèrent pour prononcer un discours nécrologique sur la
tombe de Espinoza. Les yeux humides, mais la voix entière, Victor
Raúl fit l'adieu au camarade définitivement
parti. »226(*). Ces descriptions cherchaient de ce fait à
légitimer la construction progressive d'un héros politique, en
donnant à toutes ses actions, une connotation politique et sociale.
L'éveil politique227(*) de ce dernier traduisait par exemple,
l'indissociabilité existante depuis toujours, entre la personne et le
combat politique, entre l'homme et l'intérêt
désintéressé pour autrui. Il décrivait un jeune
homme précoce, impatient, mais déjà pleinement
prédisposé, à servir son peuple et à se battre pour
le bien de tous, sans intérêts personnels, et au nom de valeurs.
Conscient du poids de la force physique dans l'imaginaire collectif
péruvien, Luis Alberto Sanchez revenait d'un autre côté,
longuement sur ce sujet, cherchant en permanence, à créer une
corrélation entre le jeune Haya et les valeurs liées à la
sportivité. Il véhiculait le caractère sportif de Haya de
la Torre228(*), faisant
même de ce dernier, une sorte d'Hercule très proche des valeurs de
camaraderie et de discipline que portaient certains sports, au point qu'il
avait fondé avec son cousin Agustín, « un club sportif,
le Jorge Chavez, dans lequel ils organisaient les futurs championnats
régionaux. »229(*). Enfant doué, rapide230(*), dynamique, ses
qualités physiques étaient dessinées comme de signes
précurseurs d'une force d'esprit et de caractère, qui le guidait
depuis ses débuts en politique. De longues lignes sur son
physique231(*)
prolongeaient cette toile d'un homme vigoureux et viril. Elles manifestaient la
présence d'un étudiant intègre, charismatique, et
absolument persuasif. Cette capacité à s'imposer, sa force de
persuasion, son goût pour relever des challenges, préfigurait
même la force et l'expression d'un esprit guerrier et tellement puissant
que « dans les instants les plus difficiles, lorsque les esprits
se chauffaient autour d'un but refusé, le sourire saint et optimiste de
Víctor Raúl apaisait les esprits, et ramenait au calme des
esprits prêts à en découdre»232(*). L'auteur cultivait pour
cela, la mémoire d'un homme droit, et honnête233(*). Ainsi, Haya de la Torre
devenait en quelque sorte, le reflet vivant de toutes les valeurs personnelles
nécessaires à un homme politique souhaitant focaliser l'attention
dans un pays de culture très enclin à la corruption.
Héros herculien, guerrier social, la figure de Haya de
la Torre était tantôt célébrée, tantôt
mystifié dans une perspective émotive à forte
portée sociale. L'enfance d'un chef, la représentation de
l'enfance mettait en avant, les qualités de direction du leader apriste,
et par conséquent de l'APRA. Voilà pourquoi, l'auteur mettait
autant de vigueur dans le récit autour de sa force de commandement, et
non uniquement sur l'explicatif de sa destiné.
b) La figure de caudillo
Question inextricable pour certain comme Luc Ferry qui invite
à « laisser de côté la question intéressante,
mais probablement insoluble de l'origine de l'autorité
personnelle »234(*), objet difficilement appréhendable pour
d'autres qui insiste sur le fait qu'il « n'existe pas de traits
universels pour identifier le leadership »235(*), le leadership a toujours
donné lieu à de multiples interprétations sur sa nature et
ses liens avec le corps social. Selon les travaux de Bass, le leadership
s'explique dans la capacité d'un homme à manier les outils
symboliques, en vue de pénétrer la sphère publique et
privée, et d'y installer durablement son image sociale. Or cette
définition, semble très bien convenir à la tradition
apriste, où les discours n'ont cessé d'exhiber une image d'un
parti proche de la population, avec un chef identifié au peuple comme un
« homme de la rue ». Les Mémoires de Luis Alberto
Sanchez ne virent en rien modifier cette logique, et cette construction d'un
imaginaire politique structurant. Pis, ils le structuraient d'avantage par le
recours à de nouvelles formes d'expression du pouvoir de Haya de la
Torre. Ils réaffirmaient les compétences politiques de ce
dernier, et son pouvoir de commandement inégalé.
L'utilisation d'anecdotes, de souvenirs ponctués d'un
degré élevé de spiritualisme et de symbolisme, jouait
alors un rôle déterminant dans l'extériorisation des
compétences du leader apriste. Revenant ponctuellement sur les
premières activités politiques de ce dernier, le récit
propulsait le travail d'affermissement de l'idée d'une autorité
naturelle et rationnelle chez Haya de la Torre. Tenu à
l'intérieur d'étroites limites, du fait de la complexité
de lieux et des faits décrits par l'auteur, cette démonstration
visait à transformer un exercice ponctuel du pouvoir, en une
manifestation de puissance, et de ce fait, légitimer son
autorité. En d'autres termes, cette utilisation du passé
politique du jeune Haya montrait un jeune homme qui possédait toutes les
capacités pour commander et se faire obéir. Car comme le souligne
très bien Xénophon dans son Apologie de Socrate :
« En toutes affaires, les hommes consent à obéir
à ceux qu'ils jugent supérieurs ». Illustrant cette
vocation à diriger par l'anecdote sur son choix d'orientation
professionnelle236(*) ou
pour le récit de l'arrivée de Trujillo, l'auteur
témoignait longuement sur les qualités et le parcours d'un jeune
hors normes, et déjà sensiblement inquiet au sujet des
problèmes sociaux237(*). Luis Alberto Sanchez portait cette
inquiétude, en montrant la portée revendicative du jeune
étudiant Haya de la Torre, au sein d'un univers fermé comme
l'Université238(*). Mais encore, il en soulignait le passé
combatif dans sa ville d'origine, en y indiquant qu'il luttait à chaque
occasion à coté des ouvriers et des premières victimes du
fléau impérialiste.
Discours simple et précis, la description du leadership
de Haya de la Torre transmettait la vision d'un homme faisant propre des
valeurs communes. Cette proximité avec des vérités
établies, était établie en tant que vecteur de
socialisation autour de sa personne, tant elle intégrait des
idées propres à un « large spectre
social »239(*). L'ambiguïté de ce message
résidait dans sa capacité à revendiquer sa
proximité au peuple, tout en créant à la fois une
mythologie d'une figure supra sociale. Sentant la douleur des ouvriers de
Trujillo, découvrant le mode d'organisation des animaux, son enfance
traduisait sa force de caractère et la conviction dans ses
idéaux. Scénographie de par sa nature volage et dynamique, elle
remplissait les coeurs et l'esprit d'images et de symboles d'une forte
puissante évocatrice. Loin de rester dans la simple sphère
commémoratrice, Luis Alberto Sanchez cherchait également à
approfondir le poids symbolique de Haya de la Torre en le qualifiant de
victime. Son récit tourna dès lors vers la construction d'un
passé de victime, qui transférait la mémoire de victime du
parti à sa personne.
c) La figure de la victime
L'utilisation politique de la figure du bouc émissaire
a toujours fait partie intégrante des ressources de l'aprisme. Parti
sorti des catacombes grâce à la force de son imaginaire politique,
l'APRA a successivement utilisé la revendication de la condition de
victime, comme point de ralliement à ses valeurs de camaraderie, de
solidarité, et de sacrifice. Il avait alors développé une
religiosité séculaire en son sein, explicitant par le moyen d'une
rhétorique religieuse ou par la commémoration de
cérémonies en honneur des martyrs apristes, son statut de
« nouvelle religion »240(*). Référence naturelle dans une
société de tradition catholique, l'imaginaire sacrificiel
était une composante essentielle du champ et du lexique religieux
qu'utilisait la société péruvienne. Son utilisation par
Luis Alberto Sanchez s'inscrivait comme un complément aux
différentes techniques dramatiques utilisées, afin de simplifier
et d'ouvrir au plus grand nombre, les actions politiques et la
singularité du caudillo apriste. Elle prolongeait d'autant plus
ce travail de pédagogie, qu'elle utilisait un langage ouvert et
tourné vers l'appropriable. Par ailleurs, elle ressortait certains
éléments d'un passé obscur et méconnu, et en
faisait des objets de fierté pour l'APRA. C'était ainsi que Luis
Alberto Sanchez retraçait des évènements assez
isolés de la lutte anti-oligarchique de la fin des années 1910,
comme des vérités cachées, qui dénotaient la
montée la peur des puissants face à la force montante de Haya de
la Torre. Il détaillait en conséquence, des points très
symboliques où l'on pouvait facilement apprécier des marques
d'injustice ou de violence des grands contre les petits.
Jouant encore une fois, sur sa qualité de témoin direct, il
revenait sur le passé étudiant de son « camarade de
classe occasionnelle en troisième année de
Lettres »241(*), et y détaillait l'exemplarité et le
courage de ce dernier. Revenant par exemple, sur l'affrontement universitaire
puis médiatique entre Haya et le professeur Miró Quesada, il
montrait la dureté de la répression contre les ennemis du statu
quo à San Marcos. Il en faisait alors un combat symbolique, et
décrivait la vengeance de la famille oligarchique, à laquelle
appartenait ce professeur de lettres. Il énumérait alors les
campagnes de désinformation et de silence médiatique242(*) menées par la presse
et surtout par cette famille, en signalant ouvertement l'importance d'Haya de
la Torre aux yeux d'ennemis qui « décidèrent de le
considérer comme un ennemi encore plus grand que Leguia, et de
l'attaquer de toutes les formes les inimaginables et à leur
disposition »243(*). Montrant la connivence d'intérêts
entre les Miró Quesada et un gouvernement autoritaire, il faisait
ressortir le déséquilibre des forces, et de ce fait, forgeait un
imaginaire autour de l'esprit de courage et de sacrifice d'un seul homme.
D'où l'accentuation sur le parallélisme entre le combat d'un
étudiant et le futur du pays, ce qui renforçait le
caractère décisif de l'action de Haya de la Torre sur la
destinée d'un peuple. Voilà pourquoi l'historien péruvien
porta cette scène à priori anodine, au regard de l'histoire
contemporaine péruvienne, au rang de point de départ d'un
affrontement politique dont « ce fut le Pérou qui paya de son
sang et de sa bile pour cet épisode
juvénile »244(*).
Alimentant un univers déjà chargé de
références symboliques, ce bref historique permettait de
compléter des données cachées de la vie de Haya de la
Torre. Il prolongeait les travaux antérieurs de l'auteur, et confirmait
sa volonté de structurer l'image d'un homme dévoué
à son peuple sur le plan moral et politique. Cette image de victime aux
prises aux forces d'une oligarchie surpuissante, recentrait des informations
souvent éparpillées dans le texte, en raison de sa nature et de
son caractère non doctrinaire. Héros, chef, et enfin victime,
cette description fournissait une grille de lecture simple de la vie d'un
homme, et redonnait une fierté au pays en le présentant comme son
bras combatif. Même s'il n'avait pu à de nombreuses occasions
venir à bout de l'oppression, Haya de la Torre demeurait quant
même un homme d'action. Cette présentation pour finir, même
si elle ne régla les problèmes du parti suite au coup d'Etat
militaire de 1968, clarifia tout au moins par son niveau d'ouverture, les
origines de l'APRA.
Pour Ernesto Laclau, la singularité des
phénomènes populistes résident non pas dans leur
idéologie, mais plutôt dans leur capacité à
articuler leurs discours. Dans le cas étudié, il s'agissait de
revenir sur le passé politique de Haya de la Torre, ainsi que sur les
origines de l'APRA. Ainsi entendue, la proposition de cet ouvrage était
de simplifier le passé, par une opération
« d'interprétation /constitution »245(*), grâce à
l'utilisation d'un langage et d'un imaginaire populaire. Reposant largement sur
un système binaire (APRA face à l'oligarchie, étudiants
face à une Université rétrograde, APRA face aux marxistes,
Haya de la Torre face à Mariátegui, Haya de la Torre face aux
inégalités sociales), cette oeuvre utilisait une
rhétorique à forte coloration émotive, cherchant par
conséquent à isoler les dépositaires des valeurs du
peuple, soit les apristes, des autres, c'est-à-dire les
véritables responsables (l'oligarchie, l'armée, le totalitarisme)
de tous les maux. L'histoire de Haya quant à elle, traduisait une
garantie de pureté par-dessus toute chose, et ceci d'autant plus,
qu'elle qualifiait la personne à partir de sa force de caractère
et de sa personnalité extraordinaire. Cet Haya historique diffusait des
mythes de grandeur, tout comme un ensemble de représentations qui
identifiaient le peuple à un tout collectif, dont il fallait en
être fier. Il en était le légitime dépositaire, tant
par son passé étudiant, que par chacune de ses manifestations. En
outre qu'ils manifestaient un effet de puissance, ces exemples
représentatifs introduisaient également, un « aspect
quasi socratique, voir sophistique »246(*). Ces récits ponctuels
et en rien ordonnés (d'où à notre sens, leur force),
formaient en effet une dialectique historique247(*), où chaque anecdote suivait une logique
où « tout s'enchaîne avec simplicité, humour plus
qu'ironie et surtout conviction »248(*). Dans ce registre ouvert et pédagogique, le
parcours de cet homme apportait aux masses péruviennes, des
révélations sur leur histoire, et cultivait l'image d'une
évolution où « les portes de l'histoire ne s'ouvrent
pas sans un grand vacarme et une dose admirable d'audace »249(*). Cette description des
habilités du jeune Haya (ascension depuis Trujillo, assurance face
à un professeur oligarque et injuste, valeurs sociales dès
l'enfance, résistance au stress, contrôle émotionnelle face
à un auditoire lors de l'enterrement d'un camarade) s'inscrivait dans
une perspective jamais abandonnée par le parti, celle de l'aprisme
révolutionnaire. Certes le parti n'était plus celui des
années 20, ni celui des années 30, mais il gardait encore une
rhétorique officielle de nature révolutionnaire. Situation
paradoxale tout de même, car cette revendication se faisait alors que le
parti statuait sa rupture avec le marxisme et le socialisme utopique, et
défendait son image de parti de cadres et de gouvernement. De plus,
cette revendication entrait en jeu, quant bien même, la junte militaire
commençaient à mettre en oeuvre ses idées
révolutionnaires. Historiquement, les Mémoires de Luis Alberto
Sanchez ne réglèrent en rien les déboires du parti. Elles
servirent néanmoins à remettre à l'ordre du jour les
combats du passé, et surtout, la grandeur du Guide. Confronté
à l'attente depuis le coup d'Etat de 1968 ; l'APRA passa les
années suivantes dans le mutisme, et dans l'attente d'un bouleversement
qui puisse lui redonner son rang et sa chance d'atteindre le pouvoir. Ce fut
ironiquement, le déclin progressif dès 1975, des mesures
empruntées à l'hayatorisme, qui retourna la donne en sa faveur.
Après l'appel de Morales Bermudez à oeuvrer à la tenue
d'élections via une transition démocratique, l'APRA se
lança dès lors dans la campagne. Mais les cadres vieillissants,
la consolidation de la paupérisation au Pérou, les changements
générationnels, poussaient à la réflexion sur
l'attitude à adopter, et sur l'adéquation de l'aprisme avec son
temps. Le temps était venu de refonder le parti, et de trancher à
partir de cette évolution, sur le positionnement du parti sur
l'échiquier politique. Le débat fit rage entre autour de la
position à adopter. Ce travail entraîna en conséquence une
réflexion autour de la nature de l'APRA. Or ce débat passait
obligatoirement, par un regard sur les origines.
III) La consolidation du discours apologétique
sur les origines (1976-1981)
Lorsque les compilateurs (Luis Alberto Sanchez, Carlos Manuel
Cox, Nicanor Mújica, Andrés Townsend, Carlos Roca)
décidèrent de publier un recueil des principaux textes de Haya
de la Torre, ce dernier était déjà revenu en force sur le
devant de la scène politique péruvienne, à tel point, que
sa victoire aux élections de 1980 semblait acquise faute de concurrents.
Sa figure était redevenue très populaire grâce à son
rôle de chef de l'Assemblée Constituante, et les divers ouvrages
historiques sur les origines du parti s'étaient très bien vendus.
Edité alors que son auteur bordait les quatre-vingt dix ans, le livre
Obras Completas prolongeait un vaste travail historiographique de
parti entamée en 1975, par l'entreprise de démystification
d'Armando Villanueva dans le premier tome de son livre El Apra en busca del
poder 1930-1940 (L'APRA en quête du pouvoir
1930-1940)250(*).
Celui-ci en effet avait publié un ouvrage où selon ses propres
mots, il cherchait à expliquer et à aller à l'encontre de
croyances toutes faites autour de la violence apriste, et l'implication d'Haya
de la Torre dans les violences de Trujillo de 1931 et contre Sanchez
Cerro251(*). Il y
reprenait une tradition où se mêlaient parallèlement les
contraintes de l'histoire péruvienne et la volonté politique de
transmettre un état d'esprit qui avait brassé quatre
générations de militants qui avait défendu « un
idéal supérieur : celui de la pleine liberté et de la
justice sociale »252(*). Ce besoin d'écrire et de transmettre
l'histoire du parti inclut dès lors toutes les principales figures
intellectuelles apristes. Conscients de leur âge avancé et de la
force de leur parole, dans laquelle ils voyaient l'expression ultime d'une
génération253(*) qui appréhendait le présent
« avec l'espérance au coeur, et la funeste expérience
du démembrement, comme l'enseignement de ce que peuvent apporter les
erreurs dans la vie des peuples »254(*), ces hommes livrèrent un témoignage
sur l'évolution du parti en jouant sur leur légitimité
historique. Ils montrèrent ainsi l'importance de la biographie de Haya
de la Torre dans la consolidation d'une mémoire, en insistant notamment
sur son parcours personnel. Ils voyaient dans la synthèse des
écrits de leur leader, le meilleur témoignage de sa vie, et
encourageaient donc vivement la lecture et l'examen du livre. Par ailleurs, ils
défendaient tous la grandeur de l'aprisme, dont la portée
était telle selon Andres Townsend, qu'elle avait frappé des
écrivains nord-américains255(*), et jusqu' au professeur anglais et grand
commentateur de Marx, G.D.H Cole qui l'avait décrit comme « la plus
notable contribution à la formulation d'un mouvement social de gauche
pécuniairement latino-américain »256(*). Dans la préface du
livre de Percy Murillo, Historia del APRA 1919-1945, Andres Townsend
en montrait d'ailleurs son caractère novateur, l'élevant au rang
« d'interprétation philosophique de l'histoire du
continent »257(*), ce qui lui permettait de renforcer son idée
qu'Haya de la Torre « nia et continua dialectiquement le marxisme de
par sa théorie de l'espace et du temps »258(*). Elevée au niveau de
Marx, la pensée de Haya de la Torre fut introduite comme l'expression
même de la singularité et de l'indépendance. Elle portait
les germes du renouveau, car unique et de nature latino-américaine. Pour
Germán Arciniegas, ceci représentait même une
nouveauté si grande pour le continent, qu'il n'y eût plus dans le
monde un mode d'expression qui ne traita de cet acte fondateur de la
pensée politique latino-américaine259(*).
Publiés et commercialisés à
différentes dates, ces ouvrages cherchaient à dépasser la
simple routine électoraliste, et ambitionnaient de convaincre un vaste
public de déçus, en misant sur la mise en relief du passé
glorieux et combatif de l'APRA et d'Haya de la Torre. Ils s'appliquaient
à réintroduire dans un débat public péruvien, des
thèmes refoulés par la junte militaire, et éclipsés
par l'accélération des réformes qui
éliminèrent définitivement le système oligarchique.
En plus de cela, ils renforçaient l'image d'un parti secondaire aux yeux
des réussites et du parcours de son leader charismatique.
Confronté à la nécessité de se repenser dans un
cadre nouveau, le parti opta pour la reconquête d'une clientèle
fidèle promue au rang de peuple de substitution, par un «
mécanisme de « sociation'' »260(*) destiné à
accentuer la singularité des apristes. Ces divers livres revinrent en
conséquence sur un passé héroïque, sur les
qualités sociales de l'aprisme, et finalement, sur tous les
éléments capables de créer « la satisfaction qu'un
homme éprouve à travailler avec le dévouement d'un croyant
au succès de la cause d'une personnalité et non pas tellement au
profit des médiocrités abstraites d'un programme»261(*). Face à l'inconnu
qu'offrait une situation politique de plus en plus instable, cette lecture du
passé de l'APRA s'édifiait sur les débris des croyances
mortes (échec des mesures économiques et sociales du
vélasquisme censées apporter la prospérité au
pays), et fournissaient de nouveaux éléments de
compréhension du passé et d'adhésion à
l'idée de progrès. Cet imaginaire mythique jouait alors un
rôle explicatif pour une société en crise de
repères, lui permettant ainsi de « se réarmer dans un
présent reconquis, de reprendre pied dans un monde redevenu
cohérent, redevenu en effet clairement lisible»262(*). L'enjeu était
d'autant plus grand que progressivement la situation politique se
dégrada tellement, que la nouvelle junte en appela à une
Assemblée Constituante et mit en place un processus de transition
démocratique. Cependant, ce processus de conquête du pouvoir fut
interrompu le 2 août 1979, par la mort de Víctor Raúl
Haya de la Torre des suites d'un virulent cancer aux poumons. Le rêve de
voir un jour, el jefe (le chef) s'asseoir au Palais de Pizarre
s'évanouit subitement. Néanmoins, le travail de publication de
témoignages et de production historiographique se poursuivit avec encore
plus de vigueur. Cela était dû á la
spécificité de l'APRA, mais surtout à la mémoire
de celui dont « les restes reposent au cimetière Miraflores de
sa ville natale, sous une stèle qui porte comme épitaphe :
`'Aqui nace la luz'' (Ici naît la lumière) »263(*)
A) L'heure du bilan et du changement
1) Le temps de la restructuration dans un pays en crise
(1975-1980)
Après la mort de Velasco en 1975, dont la maladie
qu'il traînait depuis 1973 avait considérablement affaibli le
pouvoir des partisans des réformes, la nouvelle junte
présidée par Morales Bermúdez décida de tourner le
dos à l'idéologie en place. La nouvelle junte fut rapidement
identifiée par les fidèles du régime264(*) et par la population,
à la fin de la Révolution péruvienne, malgré des
déclarations officielles où l'on qualifiait cette nouvelle phase
d'« étape de consolidation et d'approfondissement de la
révolution » ou « gradualisme ». Cet
abandon d'une politique de réformes structurelles profondes au
détriment d'un retour au réalisme, témoignait d'une
volonté de revenir progressivement au vieux libéralisme
dépendant, et surtout, de relancer une économie
complètement paralysée en raison de l'échec des
réformes menées pendant sept ans. Il s'agissait en
réalité, de relancer la moyenne et la petite industrie, ainsi
que de freiner l'opposition croissante des couches moyennes de la
société, souvent indisposées par la nature autoritaire du
régime. Ce changement de cap intervînt alors que le pays
connaissait une montée sensible des forces d'opposition, surtout au
niveau syndical, en raison du rôle très actif que jouait l'APRA,
dans l'encadrement et la socialisation de ces groupes de pression. Cette
contestation englobait également les organisations paysannes
particulièrement touchées par la situation économique
déclinante, et qui acceptaient de moins en moins bien, l'encadrement de
la population à travers le SINAMOS265(*). En effet, les populations rurales supportaient
très mal les dispositions gouvernementales de 1971 qui cherchaient
à établir des liens directs entre l'ensemble des forces
productives et l'Etat, à partir d'un système qui faisait du
travailleur le pilier de la Révolution et que Velasco défendait
en affirmant que « sans la participation de tous les péruviens
à l'effort créateur d'un nouvel ordre social, économique
et politique dans le pays, celle-ci ne pourrait réaliser tous les
objectifs qu'elle s'est tracée»266(*). Conçues comme le prolongement
législatif de l'idéologie de sécurité nationale,
elles visaient une meilleure récupération des initiatives de
mobilisation. Malheureusement pour la junte de Velasco, ce programme fut
très mal appliqué, et il donna lieu à l'instauration d'un
réseau de clientèles, de par la fonction distributive du Sinamos,
qui répartissait des aides en fonction de l'attachement au
régime.
Fragilisés par le rejet progressif de sa tentative
d'incorporer les couches populaires défavorisées urbaines et
rurales, afin de développer le pays, les militaires durent se
résoudre à ouvrir l'espace public et à prendre des mesures
permettant au pays de sortir de la crise. Profitant d'une ouverture du
régime, les mouvements d'opposition redoublèrent leurs
activités, et encouragèrent l'agitation dans les
universités, les grèves dans les mines, le secteur bancaire, la
pêche, et l'administration municipale. Revenant sur sa position initiale,
le gouvernement répondit dès juin 1976, en prenant un certain
nombre de mesures autoritaires (suspension des droits constitutionnels et
fermeture de la presse d'opposition) et économiques (gel des salaires,
compression des dépenses publiques, dévaluation de la monnaie,
augmentation du prix de l'essence, des transports et de la plus part des biens
de consommation). Néanmoins, cette période donna lieu à un
processus de transition démocratique, et de relative ouverture quant aux
partis politiques. La preuve, ce fut l'APRA lui-même qui joua un grand
rôle lors de l'Assemblée Constituante appelée par Morales
Bermudez en 1977.
a) Le désengagement politique progressif des forces
armées péruviennes
Affaiblie par les grèves de février 1975, qui
traduisaient le mécontentement généralisé devant la
détérioration de la situation économique, et l'abandon des
réformes, l'armée comprit vite qu'elle disposait d'une
légitimité plus que limitée aux yeux de la population. Ces
grèves lui montrèrent l'absence d'une structure d'appui à
leur action gouvernementale, et surtout, elles lui signifièrent
l'échec palpable du Sinamos. Elles lui ouvrirent les yeux sur la
radicalisation profonde d'une partie de la société civile, ce qui
la poussa à réprimer très durement la gauche et surtout
l'extrême gauche. Dès août 1975, les militaires,
tolérant de moins en moins bien les critiques, interdirent la
publication de la revue Marka (proche du PC), et ordonnèrent la
déportation de personnalités appartenant à toutes les
tendances de l'opposition : dirigeants syndicaux, journalistes,
politiciens membres de l'APRA et d'Acción Popular. Après avoir
joué un rôle décisif dans l'instauration d'un régime
réformateur, les généraux réformistes
péruviens perdirent progressivement du terrain. Les premières
contestations émergèrent en réalité dès
1973, avec la constitution d'un mouvement frondeur au sein de l'armée,
qui contestait le choix présidentiel de se maintenir au pouvoir
au-delà du temps proscrit par les institutions militaires. L'usure du
pouvoir267(*), parfois
démoralisante pour des hommes se pensant comme les dépositaires
du changement historique268(*), joua également un rôle important dans
la décision de rendre le pouvoir à une classe politique
élue au terme d'un processus démocratique. Ce revirement
militaire s'effectua en raison de la montée en puissance d'un groupe
d'officiers militaires, connue sous le nom de La Misión (La Mission), et
qui entretenait des liens avec une partie du secteur privé national,
particulièrement avec des industriels liés au capital
étranger, qui ne supportaient plus d'être accusés, d'avoir
péché et d'être responsables de tous les maux du
pays269(*). Ces derniers
en effet n'acceptaient plus un ordre économique qui statuait un
contrôle étatique du secteur industriel270(*), qui selon eux, constituait
un frein pour le développement industriel du pays. La défense
d'intérêts corporatistes tendit davantage une situation
d'affrontement interne, ce qui poussa l'armée, à prendre
conscience du danger de se maintenir au pouvoir.
Menacée dans son intégrité,
l'armée privilégia la sauvegarde de l'unité interne, et
introduisit des civils dans l'appareil gouvernemental. En mai 1978, la junte
nomma l'économiste Javier Silva Ruete au portefeuille de l'Economie et
des Finances, avec comme mission d'engager des réformes afin de sortir
le pays de la crise dans laquelle il était de plus en plus
plongé. Morales Bermudez s'assuma rapidement dans son poste, et
devînt même populaire en défendant l'idée qu'il
fallait assumer le positif et le négatif de la Révolution
péruvienne. Sur le plan économique, il prit des mesures
économiques plus libérales et fit appel au capital privé,
aussi bien national qu'étranger, tout en maintenant certaines
nationalisations qui lui paraissaient irréversibles. D'un autre
côté, la prise de conscience de son illusoire
supériorité sur les civils en matière de gestion des
affaires courantes du pays, poussa l'armée à superviser le
déroulement d'une transition démocratique. Celle-ci mit alors en
place un processus démocratique qui fut le plus long en Amérique
latine (à peu près six ans), que certains auteurs
qualifièrent de «transition forcée« ou encore
«incomplète«271(*). Cette durée significative s'expliquait en
effet par la frilosité de la junte à associer la
société civile, alors même que les grèves se
multipliaient, et qu'elle prenait des mesures répressives à leur
encontre. Les pressions externes contribuèrent également à
rallonger le temps de décision des militaires, tant les demandes
formulées par le gouvernement américain notamment, divisaient les
officiers entre « duros et blandos »272(*) (durs et mous). Affaibli sur
le plan social, ruiné économiquement, poussé de
l'extérieur, le gouvernement de Morales Bermúdez décida
dès lors, de se livrer à une entreprise, très
contestée parmi les proches du président défunt Velasco
Alvarado, l'organisation d'une sortie institutionnelle à la crise.
b) La mise en place d'une Assemblée Constituante
Finalement, après avoir obtenu des conditions de sortie
et des garanties pour l'avenir, l'armée décida de mettre en
chantier une Assemblée Constituante (élections en 1978 et
installation le 28 juillet 1978), soumise au contrôle sans faille de ses
généraux. Les participants durent se plier aux exigences des
militaires, qui leur imposèrent leurs prérogatives en
matière de libertés individuelles, tout comme ils les obligeaient
à s'aligner sur la continuité du processus
révolutionnaire. Les forces en présence se devaient en
conséquence d'institutionnaliser les réformes imposées par
Morales Bermúdez, car comme les avait prévenu le chef de l'Etat
avant leur élection, l'Assemblée serait dissoute si elle
remettait en cause les politiques du régime273(*)». Néanmoins,
elle offrit pour la première fois depuis plus de dix ans, la
possibilité d'analyser avec un plus grand critère, les
réformes et réalisations de la Révolution
péruvienne. Mais, les mesures proposées par la
société civile ne purent jamais s'émanciper de la tutelle
militaire, et elle vit toutes ses tentatives d'entériner la
réforme agraire, et la main mise de l'Etat sur l'économie
s'estomper.
Le grand vainqueur de cette entreprise de transition
constitutionnelle fut sans aucun doute l'APRA. Il su faire peser tout son poids
de parti de masse et de mobilisation en sa faveur, assumant même un
rôle central en tant que médiateur entre la junte et les forces
politiques civiles, au moment où ses ennemis d'extrême gauche
subissaient les foudres du régime. Le charisme de Haya de la Torre, son
aura de par son passé et son rayonnement international, ainsi que
l'anti-communisme à présent déclaré du parti,
firent de lui un interlocuteur incontournable sur la table de
négociation. Sa base électorale, son poids syndical croissant
depuis 1975, ses liens étroits avec une partie des officiers au pouvoir,
firent de l'APRA, la force politique la plus en apte à mener à
bien en partenariat avec l'armée, ladite transition. Cette convergence
d'intérêts facilita d'ailleurs l'élection de Haya de la
Torre comme président de l'Assemblée Constituante, lui rendant
ainsi une place de premier ordre sur un échiquier politique en pleine
mutation, et dont les regards commençaient déjà à
se tourner, vers les prochaines élections au suffrage universel.
Paradoxalement, ce fut le parti jadis conspué,
persécuté, et instrumentalisé comme le pire ennemi, qui
devînt en quelques années, le principal partenaire de
l'armée, en vue de trouver un débouché à une grave
crise politique et de légitimité. Certes, la junte de Morales
Bermúdez détenait encore la force dans le pays, mais elle ne
bénéficiait plus d'une investiture, même symbolique, du
pouvoir, sans quoi elle ne pouvait réellement le transformer en
autorité. Malgré ce retour politique fracassant et
l'élection de son caudillo à la tête de l'Assemblée
Constituante, l'APRA souffrait d'une usure et d'un vieillissement de ses
cadres, et de son idéologie. Le temps était dorénavant
venu de repenser l'aprisme, au moment même où, Haya de la Torre
était déjà donné vainqueur des élections
présidentielles à se tenir en 1980. L'APRA devait dès lors
se prémunir de toutes erreurs, afin de refonder sa
crédibilité, et de se repositionner au sein de la gauche
péruvienne. Or, la gauche péruvienne, tout comme les autres
mouvements analogues dans le monde, connaissait à la fin des
années soixante-dix, des remous internes, suite à la prise de
distance face au marxisme-léninisme, à l'idée de lutte des
classes, ou encore à la nature du socialisme. Elle se livrait alors dans
ses organes de presse à un examen de conscience, sans pour autant cesser
de clamer haut et fort son anti-aprisme grandiloquent, et son intention
d'empêcher l'APRA d'accéder au pouvoir.
2) La recomposition de la gauche péruvienne
Le guide de la Révolution péruvienne mort
quelques jours avant Noël 1977, les forces réformistes
péruviennes entamèrent la période de transition
démocratique en position de faiblesse. En réponse, une partie de
la gauche décida d'ouvrir un vaste débat idéologique dans
ses rangs, poussant à cette occasion, ses sympathisants à se
positionner clairement face aux acquis du vélasquisme, et à
l'attitude à adopter face à la nouvelle situation du pays. Pour
sa branche la plus marxiste, incarnée par la revue Socialismo y
Participación (Socialisme et Participation), la mort du
« Général » ne devait en aucun cas être
prise comme un signe de renoncement face à une politique sociale
volontariste. S'appuyant sur le soutien de Velasco et de son legs274(*), et s'articulant autour de
figures contestataires ((Hector Bejar et des universitaires comme Carlos
Franco), ce magazine s'afficha comme la vitrine médiatique et surtout
intellectuelle, des idées héritées de la
Révolution. Publiée pour la première fois en octobre 1977,
et offrant la parole aux mécontents du revirement politique de Morales
Bermúdez, de tradition anti-apriste et contestataire. Socialismo y
Participación permit aux forces de gauche, d'échanger des
points de vue autour de notions (gauche socialiste, économie
planifiée), de perspectives d'avenir, et de la lutte à mener
contre l'impérialisme. Cette revue publia des articles tant nationaux
qu'internationaux, où se mêlaient des plumes comme Regis
Debray275(*) ou
Franscisco Sagasti (grand journaliste péruvien), et chercha à
redynamiser des forces écartées du processus de transition
démocratique, et victimes de la violence militaire. Plus
spécifiquement, elle servit surtout à republier des textes
fondateurs de la gauche péruvienne, jouant même parfois un
rôle commémoratif autour de personnages historiques devenu des
mythes, comme par exemple José Carlos Mariátegui. Ce fut donc
dans ses pages, qu'émergea un vaste débat sur la nature de la
gauche péruvienne, sur le rapport entre l'hayatorisme et le marxisme, et
sur la traîtrise de l'APRA au regard de ses promesses
révolutionnaires.
a) Le débat autour des origines de la gauche
péruvienne
S'emparant des habits du
« propagandiste »276(*) léniniste, le comité de
rédaction de Socialismo y Participación basa son travail
de restructuration autour d'une propagande sur la « pulsion
combative »277(*) des figures de José Carlos Mariátegui
et de Manuel Gonzalez Prada. L'article de José Aricó,
«Mariategui y los orígenes del marxismo latinoamericano»,
revînt lui longuement, sur la singularité de la pensée du
fondateur d'Amauta, et s'empressa de le défendre en critiquant
ouvertement ses détracteurs apristes. José Aricó y
célébrait l'immense apport théorique de Mariátegui
à la pensée marxiste, voyant même dans son oeuvre majeure,
Siete ensayos interpretación de la realidad peruana (Sept
Essai d'Interprétation sur la réalité
péruvienne), «le plus grand effort théorique
réalisé en Amérique latine en vue de l'introduction d'une
critique socialiste des problèmes et de l'histoire d'une
société concrète et
déterminée»278(*). Au delà de commémorer les cinquante
ans de la publication de cet ouvrage (republié pour l'occasion en 1977),
il cherchait à défendre la singularité et
l'originalité des penseurs qui influencèrent largement le
processus révolutionnaire péruvien mené par les forces
armées. Aricó célébrait pour cela
l'expérience de la revue Amauta comme la première
manifestation d'une émancipation culturelle sur l'oligarchie, et le
premier regard porté sur un peuple souffrant pour lequel elle se battit
pour créer un éveil révolutionnaire279(*). Chantre de la
«péruanisation» de la pensée nationale et de la
culture, Mariategui personnifiait, pour l'auteur, une force unique et une
détermination sans égale dans la lutte pour les droits des
indiens280(*). Prenant
à contre-pied la tradition apriste, il voyait dans celui-ci le seul
héritier de Gónzalez Prada, c'est à dire du premier
intellectuel péruvien qui ouvrit le débat autour de l'exclusion
des indiens, de leur état de soumission, et de leur
exploitation281(*).
Prolongeant son animosité contre l'APRA, l'auteur estimait que la
décision que prit Haya de la Torre de fonder un parti politique à
la fin des années vingt, priva le Pérou de la tant attendue
révolution qui allait venir apporter la justice et
l'égalité pour tous. Cette séparation en effet signifiait
la fin d'une possible entente entre communistes et internationalistes, en vue
de former un front suffisamment puissant pour venir à bout de tout ce
que dénonçait à juste titre Gónzalez Prada.
Hiérarchisant les origines de la gauche
péruvienne, magnifiant la rupture d'un processus révolutionnaire
de par la naissance du Parti Apriste Péruvien, la revue défendait
le caractère socialiste du processus révolutionnaire
péruvien. Sans pour autant faire de Mariategui une figure communiste,
José Aricó montrait l'importance de la problématique de ce
dernier, au moment même où une partie de la gauche
péruvienne, mais pas uniquement, construisait une réflexion
autour du rapport entre le marxisme et la culture dominante de son
époque (la tradition bourgeoise et l'économie de marché).
Revenant aux sources pour mieux resurgir, ce courant de la gauche
péruvienne jouait son identité, et son avenir. Elle voyait donc
dans Mariategui, sa ligne directrice, son fer de lance, et son orientation,
celle du maintien à tout prix de la lutte pour l'instauration d'un
socialisme péruvien. Or, c'étaient les qualités que
revendiquait sans cesse, le père spirituel de la revue, Juan Velasco
Alvarado, dans la quasi-totalité de ses discours. Mais cette
interprétation des origines était loin de faire
l'unanimité parmi la gauche péruvienne. Prolongeant la
complexité des attitudes adoptées suite à l'arrivée
au pouvoir de la junte en 1968, son courant le plus radical commençait
en effet à publier un certain nombre d'ouvrages à l'encontre de
l'expérience vélasquiste. Socialismo y
Participación réagit dès lors en revenant dans
plusieurs de ses numéros sur la grandeur de la Révolution
péruvienne. Sa plume la plus connue, Héctor Béjar,
répondit d'ailleurs aux critiques en défendant le
caractère réformateur de cette Révolution, et son
aboutissement historique, prenant de court ses détracteurs qui
étiquetait cette idéologie de «réformisme
bourgeois»
b) La question de l'expérience réformiste de
Velasco
Les forces apristes ne furent pas les seules à
profiter de la période de transition politique pour tenter de se
restructurer internement et idéologiquement. Les autres composantes de
la gauche péruvienne en profitèrent elles aussi pour se
repositionner sur un échiquier politique en pleine mutation. Les divers
courants de la gauche non apristes commencèrent tout d'abord par essayer
de tirer un bilan de l'expérience vélasquiste, tout en gardant en
tête la volonté d'afficher leur spécificité.
Cependant, les critiques du vélasquisme émanant de courants de la
gauche péruvienne ne dataient pas exclusivement de la fin des
années 70, ni de l'échec économique des réformes
escomptées. Tout d'abord, la gauche péruvienne avait
adopté quatre attitudes distinctes face au processus
révolutionnaire. La première avait été de se
rallier à la révolution, et de travailler parmi les nouvelles
structures, tout en assumant le nouveau régime comme porteur d'une
idéologie pouvant mener au socialisme. La seconde avait visé
à s'en approcher afin de gagner des positions en vue d'inscrire le
processus dans la voie du socialisme historique. La troisième au
contraire, avait cherché à s'éloigner du régime, et
à critiquer sa compromission avec le capitalisme, en signalant son
caractère « réformiste-bourgeois ». La
dernière enfin, avait tendu à le combattre sur tous les fronts,
et à le dénoncer publiquement comme un régime fasciste.
Suite aux multiples répressions, exils, seule la seconde branche
contestataire survit au temps et à l'usure. Elle en sortit même
renforcée après la prise du pouvoir de Morales Bermudez et le
virage libéral de la nouvelle junte. Ceci permis donc à un groupe
autour d'un modérateur, le journaliste Mirko Lauer, de publier un
ouvrage intitulé El Reformismo burgués (Le
Réformisme Bourgeois) où il faisait la synthèse de
son positionnement idéologique. Recueil de discussions, ce livre
était perçu par ses auteurs comme « la meilleur et la
plus juste version testimoniale de ce qui signifia le réformisme
bourgeois pour la gauche péruvienne »282(*). Ils y
dénonçaient ouvertement les limites du processus
réformiste, son incapacité à transformer les structures
économiques du pays, à l'industrialiser, et à le
développer. Par ailleurs, ils en fustigeaient les relations avec les
anciens membres de l'oligarchie, et soulignaient que la junte n'avait pas pu
véritablement fonder une nouvelle société, voire le
modèle coopérativiste tant promis aux masses. L'un des
discutants, Arias Schreiber voyait même dans le gouvernement de Velasco,
un échec de plus dans le cheminement des masses vers leur
autonomie283(*).
S'empressant de réagir à la fin de l'année 1978,
Socialismo y Participación répondit en critiquant leur
étroite vision du « réformisme ».
Héctor Béjar montrait que la révolution péruvienne
ne pouvait en rien être qualifiée de
« réformiste » et de
« bourgeoise », car aucune réformes n'avait
été menée ni par la bourgeoisie, ni dans leur sens, mais
qu'au contraire, le bourgeoisie péruvienne s'était vivement
opposée aux mesures284(*). Il célébrait même les
réussites sociales de Velasco, son courage politique, et la vie de ce
dernier, qui comme le légitimait un article écrit par des
chercheurs nord-américains, « avait affectée non
seulement son pays, mais aussi le mouvement des pays en voie de
développement vers leur libération et la découverte de
leur propre chemin »285(*).
Ces débats n'étaient en rien des
éléments éloignés de l'évolution politique
de l'APRA. Encore classé à gauche, et partageant des visions
communes avec ces gauches, comme par exemple la question de
l'impérialisme, le parti comprit que ces débats pourraient lui
être nuisibles dans une perspective électorale. Car, ils partaient
toujours de l'idée que, aussi négatif qu'aie pu être le
gouvernement de Velasco, il avait mit fin à la domination oligarchique
que l'APRA avait soutenu de par son entente politique avec Acción
Popular et les partisans d'Odría dans les années
soixante286(*).
Décrit comme un parti ayant abandonné sa nature contestataire au
détriment d'une obsession du pouvoir, dont le mythe nourri par la gauche
d'un Haya de la Torre avide de gloire immortalisait, l'APRA commença son
travail de publication d'ouvrages historiographiques avec la solide conviction
qu'il devait rassembler afin de l'emporter. Les diverses publications s'y
attachèrent, soulignant tous les bienfaits de l'aprisme, et gommant
à cette occasion, son passé sombre et assimilé par tout un
imaginaire, à un caractère violent quasi naturel.
B) Une sacralisation en guise de charisme
objectivé
1) Le travail de finition de la symbolique populaire
apriste
Messianique, l'histoire de l'APRA telle fut
présentée par ses auteurs, ne se limitait pas à une
célébration de toute la splendeur des idées de son
fondateur et guide. Elle transformait des évènements historiques
comme la Révolution mexicaine et la Réforme de Córdoba en
des signes annonciateurs de l'avènement de l'aprisme et de son combat
social. De même, elle accentuait la singularité et
l'originalité du parti, tout comme elle revendiquait l'héritage
de Gónzalez Prada alors que le vélasquisme se l'était
réapproprié durant ses années au pouvoir. Mais surtout,
cette lecture des origines était essentiellement placée sous le
signe de la célébration des luttes du chef ou en quelques mots,
comme le reconnaissaient les apristes eux-mêmes, de celui dont la date
d'anniversaire passa à être une fête du peuple
péruvien287(*).
a) Les mythes fondateurs de l'A.P.R.A
La vie politique du parti apriste fut marquée depuis
son commencement par une dimension affective très grande, à telle
point que l'affectivité politique permit au parti de se prémunir
contre de violentes attaques contre ses leaders. Ce besoin de justification
permanente avait alors fait naître l'idée de recourir à un
passé idéalisé en vue d' assurer l'adhésion des
militants aux objectifs explicites définis par leur leader, mais aussi
de forger une « certaine identité des
sensibilités »288(*). Cette entreprise de protection reposait sur la
reproduction parfois partielle, et d'autres cas totales, des origines du parti.
La Réforme universitaire de Córdoba et sa corollaire
péruvienne, tout comme la Révolution mexicaine servaient par
conséquent de référents historiques d'une structure
socio-affective qui englobait le culte d'un leader et « d'un parti
symbolisant à lui seul le règne du peuple »289(*). Cette passion était
entretenue par l'idée que la Réforme de Córdoba avait
été une vague contestataire étudiante profondément
internationaliste290(*),
et qui avait unit, après le coup de tonnerre mexicain, le continent, ce
qui préfigurait déjà l'APRA291(*). Voilà pourquoi, les
auteurs, Haya de la Torre en particulier en défendaient le
caractère non marxiste292(*), préférant n'en garder que son
caractère social et libérateur293(*), qui avait servit de baptême politique pour
toute une génération continentale294(*). Cette lecture d'un
évènement moteur et de ses liens avec la naissance de l'APRA
permettait aux apristes de souligner leur capacité passée
à mener à terme des desseins continentaux. Elle légitimait
en conséquence le lien entre le parti et la Réforme, à
travers tout un ensemble de références qui
énuméraient ; comme par exemple, les allusions directes des
principaux protagonistes, tel que Gabriel del Mazo295(*) ; le fait que l'APRA
était devenu à court terme l'aboutissement politique du processus
réformiste argentin. Elle reprenait également les
réussites de la Réforme universitaire péruvienne, ce qui
affermissait encore plus l'idée d'une filiation quasi naturelle entre
les deux mouvements. Ce dernier point donnait ainsi l'occasion à l'APRA,
de magnifier encore plus ses origines, en montrant que la réponse
étudiante de 1920 contre la mainmise de l'oligarchie sur
l'Université, avait introduit dans le pays des convictions nouvelles
(panaméricanisme, unité régionale, libération des
peuples du joug culturel hérité de l'époque coloniale,
transformations des universités en des organes politisés)
bénéfiques au peuple. Haya de la Torre en accentuait même
les transformations que le Réforme péruvienne produisit à
l'Université San Marcos, où grâce au mouvement qu'il guida
en tant que chef des étudiants contestataires, cet établissement
avait pu se livrer d'un archaïsme qui l'avait transformé en
« la plus vieille et rongée de toutes les universités
d'Amérique »296(*). Et, cette rupture avait été telle
selon Haya, que la Réforme réussit « en expulsant
dix-sept professeurs en plein processus de momification, et en changeant
radicalement les systèmes, en obligeant une servile assemblées
parlementaire à nous respecter, et en lui soufflant un air frondeur qui
était un vent révolutionnaire argentin, fort, et immense, mais
d'un force salutaire»297(*), à enfin faire rentrer San Marcos, dans une
modernité que cette Université préférait ignorer
pour cause de conservatisme exacerbée. Décrite comme un
« cri annonçant à l'Amérique un pas de plus vers
le chemin de nos peuples vers l'objectif tant attendue de la
Justice »298(*), la Réforme de Córdoba était de
ce fait, placée au même rang que l'autre signe précurseur
officiel de l'aprisme : la Révolution mexicaine.
Point de départ d'une dynamique de combat
anti-impérialiste selon la formulation officielle du parti, la
Révolution mexicaine ne fut pas décrite avec la même
profondeur que sa « soeur révolutionnaire
argentine ». Bien que sachant que l'APRA avait été
fondée à Mexico en 1924, les apristes se limitèrent aux
faits majeurs de cette révolution. Par contre, ils en
intensifièrent son caractère révolutionnaire non marxiste,
l'exposant fièrement en tant que « première
révolution sociale, non socialiste du 20ème
siècle »299(*). Parallèlement, ils en élargirent sa
portée jusqu'à en faire un symptôme, à l'instar de
l'expérience argentine, du réveil légitime des
peuples300(*) en vue de
l'extension d'une vague révolutionnaire sur tout le continent301(*). Cette revendication de la
condition de descendance de la Révolution mexicaine donnait ainsi
à l'APRA, une image encore plus sociale, purement
latino-américaine302(*), qui au même titre que son nom et son lieu de
naissance (le Mexique), mettait en évidence son empreinte
révolutionnaire, et son indépendance de toute influence non
latino-américaine.
L'entretien des sentiments d'appartenances à une
communauté historique a toujours été l'un des
caractéristiques majeures de l'aprisme. Cet exposé des origines
cherchait de ce fait à continuer à entretenir la fierté au
regard de leur passé collectif, et des entreprises
réalisées. Mythes au sens de construits mobilisateurs, la
Révolution mexicaine et la Réforme de Córdoba jouaient le
rôle de pôles d'appartenance, à partir duquel l'APRA
cumulait les appartenances au peuple, à la nation, et à
l'Amérique latine. Elles en appuyaient la double identité
(nationale et continentale) du parti, renforçant de ce fait, sa
singularité par rapport aux autres partis politiques péruviens.
Touché au coeur depuis la Révolution péruvienne, l'APRA
poursuivit également son travail de fidélisation de ses
adhérents en revenant sur l'autre élément qui fondait sa
singularité doctrinaire : l'héritage de Gónzalez
Prada. La publication des OEuvres Complètes de Haya de la Torre
répondit alors à tous ce qui s'étaient
réappropriés l'auteur de Páginas libres et
Horas de lucha, en spécifiant de par la qualité de proche de
Gonzalez Prada de son auteur, qu'Haya de la Torre était bien le seul et
l'unique fils spirituel de cet intellectuel péruvien.
b) La défense de la qualité d'héritier
légitime de González Prada
Dans la consolidation d'un langage idéologique, le
poids de l'imaginaire tend parfois à devenir tel, que la revendication
d'un penseur politique s'avère comparable à ce qui existe dans
l'univers religieux. L'historiographie apriste autour de l'anarchiste
péruvien, Gonzalez Prada, répond très bien à ce cas
de figure. Tradition née dans les pages de la revue Amauta, ce
travail de mythification fut longtemps le seul terrain gardé de l'APRA.
Mais, la junte militaire commandée par Velasco Alvarado brisa cet
ensemble monolithique303(*) en citant dans de nombreux discours des phrases
célèbres de Prada, le rendant ainsi précurseur de la
Révolution péruvienne de 1968. Contraint à réagir
face à la dépossession de son « père
spirituel », le parti se livra dès 1976, à une
revalorisation du legs de Prada et de ses liens avec l'APRA. Percy Murillo le
premier, commença par exhiber le rôle d'Haya de la Torre et de
Luis Alberto Sanchez dans la sauvegarde la pensée de Gonzalez Prada. Il
fit de ces deux chefs apristes, les seuls vrais héritiers304(*) de Prada, et balaya tous les
prétendants à cet héritage en revendiquant la
primauté des expériences apristes où préfigurait un
hommage à l'illustre penseur péruvien305(*). Luis Alberto Sanchez quant
à lui, poursuivit cette réappropriation en fustigeant les faux
fidèles de l'apostol (apôtre), qui niait l'influence de
celui-ci dans la consolidation de l'APRA comme organe politique
structuré. Il étalait pour cela, l'omniprésence de
références intellectuels de Gonzalez Prada dans l'organisation du
Parti Apriste Péruvien, comme dans le cas des Jeunesses Apristes, qui
s'étaient édifiés en reprenant les conseils moraux et
politiques développés par l'anarchiste dans son ouvrage Horas
de lucha306(*).
Comme le montrait Luis Alberto Sanchez307(*), cette revalorisation de
l'interconnexion entre l'APRA ou plutôt Haya, et Gonzalez Prada passait
également par un travail d'exhibition de faits historiques, qui puissent
prouver la primauté des apristes parmi ceux qui se revendiquaient de
Prada. Voilà pourquoi, les compilateurs des OEuvres Complètes
de Haya de la Torre inclurent dans ce livre, l'un des textes les plus
connus du chef apriste, `'Mes souvenirs Gonzalez Prada'', préalablement
publié en 1925 dans la revue argentine Sagitario (Sagitaire).
Dans ce texte, Haya de la Torre dépeignait tout un ensemble de souvenirs
autour de sa rencontre et son amitié avec l'auteur de Páginas
libres (Pages libres). Il y décrivait dans une scénographie
politique très détaillée ses rapports avec « une
figure qui règne mais ne gouverne pas »308(*), dont la force
d'évocation était telle, qu'il lui laissait après chaque
discussion, « une impression de fraîcheur, de force, une grande
envie de courir, comme après un bain... »309(*). Cette description
détaillée du rapport du sage et du disciple, entre un jeune homme
enthousiaste et un vieil homme, traduisait l'attirance grandissante du jeune
étudiant Haya de la Torre pour la politique et la pensée sociale
d'un homme, qui commençait déjà à le fasciner au
point qu'il lui donnait envie de se battre pour la justice sociale310(*). Non seulement maître
mais également ami311(*) et guide, les qualificatifs employés par Haya
de la Torre cherchaient à faire de cette rencontre le point
déterminant de son engagement politique. Avant tous les autres, sa
filiation avec le penseur était bien plus qu'intellectuelle. Elle
était personnelle, et naturelle, un signe émouvant d'une
reconstruction imaginaire, où « l'intensité
émotionnelle de la dépendance filiale »312(*) faisait de cet instant un
rite de passage entre deux hommes qui possédaient en leurs mains la
force du changement. Rencontre sourde aux dialogues coupés, la rencontre
entre Haya de la Torre et Gonzalez Prada gardait par ses temps morts, et
l'observation entre les deux acteurs, un univers symbolique où
« les chantres du pouvoirs ont traditionnellement cherché
à surmonter cette éventuelle indifférence et à
engager chacun dans le mime, dans les langages corporels qui exhiberont les
bons sentiments et aussi les inculqueront »313(*). Malgré le peu de
dialogues, ce contact tel qu'il fut décrit par Haya, le transposait en
héritier, au simple fait que ses entrevues avec Gonzalez Prada lui
offrirent la possibilité de s'ouvrir au monde des idées, et de la
lutte sociale. Son témoignage restait la seule trace directe d'un
dialogue entre le maître et ses disciples présumés, ce qui
faisait de Haya, la seule personne pouvant affirmer une paternité dans
la longue liste des héritiers. Cette clarification de la condition de
« fils spirituel » de Gonzalez Prada, témoignage
à la clé, visait de ce fait à rappeler le caractère
unique de l'APRA, et surtout, défendre son unicité, au moment
même où le parti était confronté à une
restructuration idéologique.
c) Le raffermissement de la culture de la
singularité
Aucun parti politique ne peut échapper à la
nécessité de produire et de diffuser des messages afin de
fidéliser ses adhérents, et de peser de tout son poids social.
Ainsi construits, ces messages forment un univers partisan qui offre des
réponses spécifiques aux questions éventuelles qui peuvent
naître autour du parti. L'efficacité politique de cette
matérialisation de tous les éléments relatifs au parti
repose alors sur son aptitude « à maintenir l'intensité
des croyances »314(*) en fidélisant autour de
caractéristiques majeures. La revendication du caractère
singulier de l'APRA tant au niveau doctrinaire et qu'historique correspondait
parfaitement à ce cas de figure. Cette prétention à
l'originalité absolue a d'ailleurs toujours joué un rôle
très important dans le travail pédagogique du parti d'Haya de la
Torre. Poursuivant une tradition née dans les années 1920,
l'historiographie apriste prétendait créer une persistance dans
le temps de la pensée apriste, et celle de son leader, Víctor
Raúl Haya de la Torre. Elle s'appuyait pour cela sur
l'originalité doctrinaire de l'aprisme, et sa condition unique dans la
constellation des pensées politiques des différentes gauches.
Andres Townsend, dans sa préface du livre de Percy Murillo mettait en
évidence la rupture que reflétait l'aprisme aux yeux du marxisme
doctrinaire, qui selon lui s'était trompé car
« l'expérience de notre temps donnait tort au
prophète »315(*) mais qui trouvait son salut avec Haya de la Torre,
car celui-ci « écrivit le chapitre que Marx oublia d'écrire,
et que le socialiste hindu, Asoka Metha signalait comme la grande absente du
philosophe du Capital : la théorie révolutionnaire
pour les pays en voie de développement»316(*). Il corroborait de ce
fait le caractère authentique de l'aprisme en soutenant son
caractère purement latino-américain317(*), surtout dans sa dimension
anti-impérialiste, désigné comme « un
schéma de transition, à travers lequel les pays se
libèrent comme nations et les classes exploitées rompent le cycle
de leur exploitation »318(*). Célébré comme « le
premier penseur politique d'Amérique latine qui formula une
interprétation philosophique du continent »319(*), Haya de la Torre
personnifiait la force d'anticipation d'un mouvement politique qui, le premier
selon Townsend, devança de plusieurs années l'orientation
idéologique prise par la sociale-démocratie
européenne320(*).
Se basant sur la portée des travaux sur l'unité
économique du continent de Haya, Townsend voyait même en lui le
pionnier de l'idée d'intégration régionale. Il le
décrivait en père d'un « unionisme
scientifique »321(*), qui bien avant les autres, avait défendu la
nécessité d'une intégration économique et politique
pour l'Amérique latine afin de se prémunir contre la menace
impérialiste. Faisant appel à la précocité de la
pensée d'un autre apriste, Antenor Orrego, il concluait sur le
caractère singulier de l'APRA, en montrant que le terme de
« peuple-continent » d'Orrego de 1939, devançait de
bien des années, les analyses du CEPAL des années cinquante sur
les perspectives en Amérique latine322(*). Cette prétention à l'unicité
véhiculait aussi l'idée que l'APRA demeurait le seul parti
politique péruvien avec un esprit de sacrifice que légitimait la
dimension héroïque des luttes passées323(*). Ce courage cachait
dès lors d'autres qualités morales324(*) et physiques qui
caractérisaient les apristes, expressions fragmentés d'une
virilité à toute épreuves qui contrastait avec
« l'efféminement, l'inconstance et la mollesse des autres
Péruviens»325(*) .
La singularité de l'aprisme telle qu'elle était
exposée par l'historiographie apriste, marquait la volonté
d'exalter un passé, qui en faisait sa spécificité.
Transmettant l'originalité doctrinaire et psychologiques de ses
fondateurs, les apristes reprenait une vieille formulation qui depuis, reste
comme un des symboles du parti : « Apriste, sois orgueilleux de
ton parti ». Ils rendaient ainsi leur passé plus accessible,
car plus facile à appréhender, puisque porteurs de
réalités palpables. Conçu à la base comme
devoir326(*), cette
volonté de se faire respecter traduisait l'une des
caractéristiques majeurs de l'aprisme : sa nécessité
de cultiver son image social. Née de la pensée philosophique
d'Haya de la Torre, négateur et continuateur de Marx pour Townsend, ce
choix de répéter sans cesse l'originalité de l'APRA,
montrait enfin que le parti, ne possédant ni bilan d'exercice du
pouvoir, ni expérience dirigeante, ne pouvait se priver d'une exaltation
de ses origines et de sa singularité. Car, elle lui conférait le
statut d'organe bénéfique dans l'histoire péruvienne et
latino-américaine de par ses réalisations. Voilà pourquoi,
les apristes développèrent avec autant de zèle, le bilan
politique et historique de leur leader.
2) La recherche d'une assise populaire durable pour la
figure d'Haya de la Torre
Dans un parti structuré et dépositaire d'une
longue histoire comme l'APRA, la question de la légitimité
passait par une interprétation de ses victoires sociales. Il s'agissait
pour Haya de la Torre, de démontrer qu'il avait toujours suivi la ligne
sociale du parti, et qu'il était « le véritable
disciple de ses grands ancêtres »327(*), alors que ses adversaires
s'étaient écartés de cette ligne. Ce travail
idéologique cherchait à cimenter l'affectivité collective
autour d'un construit historiographique qui aspirait à
« redonner à chacun le sentiment de faire partie d'une
histoire légitime »328(*). Haya de la Torre évoquait pour cela son
passé d'acteur dans des luttes sociales, sous forme de
témoignages descriptifs proches de l'histoire romancée
« qu'un sujet se donne à lui-même et qui soutient les
identifications et les exclusions »329(*). Dans cette présentation, que parachevait
l'historiographie apriste, l'acquisition de la journée de travail de
huit heures (1918-1919) par les ouvriers de Lima servait de préhistoire
du mouvement apriste, et de son caractère revendicatif en
matières de droits sociaux et de l'amélioration de la condition
ouvrière. Quant à l'exposition de la persistance du leadership
chez Haya de la Torre, elle poursuivait la volonté de renouveler le
culte du fondateur de l'APRA, de créer un lien direct entre les
adhérents apristes et leur chef, et d'exalter l'unité du parti.
Dans cette hiérarchisation de l'organigramme apriste, l'illustration de
la condition d'Haya de la Torre en appelait aux sens des lecteurs à
travers un caractère quasi érotique qui visait un attachement
intense. Ce discours le dépeignait alors comme un guide suprême
qui ne jouissait pas « du plaisir d'exercer son pouvoir, ni
même de la satisfaction d'être reconnu pour sa compétence,
mais du plaisir d'incarner l'idéal des adhérents et d'être
aimé à ce titre. »330(*).
a) La mythification de la victoire lors de la lutte pour la
Journée de Huit heures
Les revendications ouvrières pour une modification du
temps de travail au Pérou commencèrent à la fin de
l'année 1918. Mais selon Percy Murillo, ces revendications sociales
trouvaient leur origine dès 1905, dans les propositions formulées
par la Fédération des Boulangers dans son programme d'inspiration
Gonzalez-Pradiste, et dans les positions du Groupe du Nord auquel participa
activement Haya de la Torre dans sa ville natale dans les années 1910 et
dont « on ne peut oublier le rôle que joua dans les luttes
sociales » de cette région
sucrière »331(*). Percy Murillo faisait même de ce groupe
de lettrés de Trujillo, où « on trouvait des noms comme
César Vallejo, Alcides Spelucin, Francisco Xandoval, Macedonio de la
Torre, José Eulogio Garrido, Oscar Imaña, Eloy Espinoza, Juan
Espejo Asturriaga et Federico Esquerre »332(*), l'organe précurseur
des idées avant-gardistes en matière de législation
sociale, du fait de son positionnement en faveur des réclamations des
travailleurs des haciendas sucrières des vallées de Chicama et de
Santa Catalina333(*).
Les apristes convoitaient ainsi le fait d'affermir leur présence,
même indirecte, en tant qu'étudiants, dans un mouvement ouvrier
qui paralysa la capitale péruvienne par ses grèves.
Se basant sur son amitié avec le dirigeant ouvrier,
Nicolas Gutarra334(*),
et sa renommée parmi les ouvriers, Haya de la Torre, estimait que ce
lien demeurait beaucoup plus étroit, puisqu'il avait lui-même
participé aux manifestations, et en avait été l'un des
meneurs. Prolongeant la démarche explicative entamée par Murillo,
le leader apriste livrait dans ses OEuvres Complètes, son
témoignage de combattant actif durant les journées les plus dures
du mouvement gréviste. Il y détaillait dans un texte nommé
`'Jornada de las 8 horas'' (La Journée de Huit Heures),
préalablement publié en 1941 dans la revue clandestine du Parti
Apriste, Lecturas Obreras (Lectures Ouvrières), sa
participation aux évènements, et surtout son rôle dans la
victoire des demandes formulées par les ouvriers, à qui
s'était jointe une partie des étudiants de San Marcos. Haya
utilisait pour cela une rhétorique fortement empreinte de connotations
dramatiques, voire d'une théâtralité dont il était
à la fois le héros, et le narrateur. Cette dramatisation
formulait de manière chronologique tous les éléments
exprimant une montée de la tension ou de la menace de la part des forces
de l'ordre335(*). Elle
illustrait la communion populaire entre les ouvriers et les étudiants,
transformant cette dernière en cri de révolte nationale,
véritable expression d'une légitimité enfin
dévoilée. Les ouvriers y brillaient par leur force et leur
courage, manifestant par la vigueur de leur hymne336(*), leur prédisposition
à mener un combat proportionnel à l'enjeu. D'un autre
côté, le leader apriste cultivait son image de garant de la
justice sociale en revenant sur les dialogues qu'il échangea furtivement
et en pleine manifestation, avec les forces de l'ordre. Il s'y montrait
ostensiblement en permanente position de force face au commandant chargé
de freiner les manifestants, à qui il répondait « sur
le même ton »337(*) tout en lui rappelant qu'il « commettrez
un crime »338(*) s'il pensait tirer sur la foule. L'inclusion de ces
dialogues lui permettait de manifester sa force de commandement, et sa
virilité. Ces dialogues lui servaient pour personnifier davantage le
combat339(*), et la
responsabilité déployée pour manoeuvrer des foules tendues
par l'exposition à la violence policière, et la
prodigalité des conseils des anarchistes qui voulaient affronter les
forces de l'ordre. Ils singularisaient également la prise de
décision340(*)
qui s'effectua autour de la position stratégique à tenir face
à la menace d'assaut des forces de police, ce qui mettait en
lumière sa capacité à se hisser en héraut du
peuple. Quant au tableau de la victoire finale, il exposait les instants
décisifs de façon encore plus symbolique, examinant
l'acquiescement du gouvernement de manière précise, racontant
même que ce fut « cinq heures dix minutes de l'après-midi du
15 janvier 1919, que la voiture du Ministre du Travail s'arrêta devant le
local de la Fédération des Etudiants, au Palais de
l'Exposition »341(*). Cette illustration de sa détermination
imbattable le portait d'un autre côté, à déplacer le
combat social autour de l'instant où il reçut le texte de loi et
que « convaincu que c'était le même que l'on avait
accordé avec le ministre »342(*), il prit la parole pour annoncer la bonne nouvelle.
Haya de la Torre relevait à cette occasion le caractère
esthétique de la victoire, montrant un peuple quasiment en délire
après qu'ait été prononcée la nouvelle si attendue
de la modification du code du travail, et si heureux que « les
manifestations de joie durèrent plus d'une
demi-heure »343(*) jusqu'à voir « les troupes laisser la
voie libre aux manifestants »344(*). Il donnait simultanément un caractère
de charnière à cette conquête sociale, la transposant en
acte fondateur d'organisations syndicales345(*) plus structurées, qui ne se contentaient
point de la journée de huit heures de travail pour les ouvriers, mais
qui demandaient une revalorisation de la condition ouvrière et des
salaires.
Exposées par Haya de la Torre et l'APRA comme le point
de départ des luttes sociales péruviennes au
20ème siècle, les manifestations ouvrières de
1918-1919 pour une modification du temps de travail, réussirent à
obtenir la journée de huit heures pour les ouvriers. Pour Haya de la
Torre, ces journées de lutte anticipaient la Réforme
universitaire péruvienne et les Universités Populaires Gonzalez
Prada346(*). Elles
avaient été scellées par sa fermeté, sa
capacité à négocier, et à s'imposer face aux
dérives potentielles que porte toute manifestation sociale. Ce
récit contribuait dès lors à renforcer la
légitimité qu'il pouvait avoir, et qui s'était
exprimé à juste titre par le passé, même à
son plus jeune âge. Il lui conférait ce statut de leader
inné, de chef intemporel, que les apristes ne doutaient pas de mettre en
avant dans chacun de leur discours. Cet évènement passa dans la
longue liste des conquêtes attribuées à Haya de la Torre,
ce qui nourrit par conséquent les débats autour de son rôle
durant ces journées, ce qui fit même dire à Basadre :
« à mon sens, la conquête des huit heures de travail
furent des journées uniquement ouvrière»347(*).
b) Le développement d'une culture du chef
intemporel
Comme l'explicitait en son temps Aristote dans
Rhétorique, le langage politique traditionnel utilise largement des
mots, dont le caractère persuasif est dans la plupart des cas, une
évidence. Pour les auteurs, le but est de transmettre une idée ou
un message de la manière la plus directe possible, en ayant recours
à des mots symboliques qui puissent traduire l'idéal-type de
l'homme politique. Après avoir énoncés le parcours
politique de leur chef, d'autres témoignages d'apristes, portaient leur
choix sur ce qu'évoquait chez eux le souvenir de leur illustre leader.
Ils faisaient alors allusion par des termes relatifs au pouvoir, plus
précisément au leadership, à l'image de Víctor
Raúl Haya de la Torre. L'utilisation de cette terminologie briguait la
persistance dans le temps de ce dernier, par une reproduction permanente de
caractères vertueux et héroïques. Dans certains cas
même, cette manifestation de la puissance d'un homme reléguait le
décor historique en second plan, rendant le chef apriste
quasi-intemporel, tant les souvenirs ne conservaient que tout ce qui le
concernait. Dans certains témoignages, comme celui du syndicaliste
apriste, Julio Rocha (1981), l'action politique d'Haya de la Torre devenait
l'élément central du récit. Elle était à la
source de tout processus politique péruvien, et de toute modification
dans la vie politique de ce pays, de manière à exprimer la
convergence de tous les phénomènes politiques d'un temps
donné vers une seule personne. Utilisant des caractères
hagiographiques, Julio Rocha dessinait un passé qui témoignait
uniquement des bienfaits du jefe (Le chef), et qui ne pouvait
être compris sans lui. Rocha défendait sa position en se basant
sur sa propre expérience militante démarrée en 1922 suite
à un discours public d'Haya de la Torre. A la question sur les raisons
de sa ferveur envers son chef de parti, il répondait en disant qu'elle
s'expliquait uniquement par « la sympathie, l'amour et les
aspirations qu'il avait envers nous tous »348(*). Cette sympathie d'Haya
envers son peuple, était d'ailleurs colorée d'une dimension
universelle349(*), qui
entretenait toute une liste de vertus qu'on lui attribuait, mais dont la plus
évocatrice demeurait le don de la parole et le poids de son
verbe350(*). Ce
témoignage livrait également le souvenir d'un leader
héritier d'une longue tradition351(*) qu'il transforma pour mieux l'utiliser, et dont il
en fut l'illustre, mais parfois incompris guide, sans qui les Péruviens
n'auraient pu atteindre le bonheur et la grandeur352(*). Mais également,
Julio Rocha transposait l'esprit de sacrifice apriste à la seule
conviction de lutter pour l'oeuvre et la personne du Jefe353(*). Elle justifiait selon
lui, l'histoire du parti, l'engagement durant toutes les années
où Haya de la Torre vécu, et les motivations qui continuaient
à habiter le parti, où moment même où des luttes
intestines rongeaient l'APRA. En effet, le parti se trouvait en pleine crise de
succession, et il était tiraillé entre son courant syndical qui
joua un grand rôle social durant la phase de transition politique de
1975-1980, et le positionnement des vieux cadres
« aristocratiques » (Luis Alberto Sanchez, Andres Townsend,
Armando Villanueva), qui refusaient la poursuite des mesures
héritées du vélasquisme. Son courant intellectuel,
anti-marxiste et auteur de l'historiographie officielle, nomma finalement
Armando Villanueva aux élections générales où il
perdit avec 24,4% des voix contre 45,37%, du vieux rival de Haya de la Torre,
Belaunde.
Les apristes firent un portrait historique d'Haya de la Torre
hautement symbolique. Déjà dans ses OEuvres
Complètes, celui-ci montrait la voie en évoquant son combat
social pour la Journée de Travail de Huit heures, à travers tout
un ensemble de mots qui, « là où ils parlent,
éveillent des connotations positives »354(*). Ces mots, voire l'inclusion
de dialogues lui servaient à hisser sa figure historique en force
motrice pour le peuple et en héros d'un panthéon séculier.
Ils explicitaient des luttes qui remontaient à soixante ans en
arrière, et qui complétaient une vie longue et complexe, dont
« les trois quarts furent dédiés au combat, avec tous
les risques que cela comportait pour celui qui joue sa vie en pleine
aventure»355(*).
Combattant social ou « dynamo en marche » comme le nommait
Luis Alberto Sanchez, Haya de la Torre symbolisait pour les siens, l'esprit de
sacrifice dont il fallait s'inspirer, au point de se sacrifier pour lui. Car
indépendamment de ses réussites et de son esprit, de sa personne
et de ses idées, il demeurait, ce que Julio Rocha résumait en
quatre mots : « el jefe, Víctor Raúl »
(le chef Víctor Raúl).
Parce qu'elle n'est point une improvisation tactique, la
parole politique, sous ses multiples formes, revêt une forte dimension
dramaturgique. L'attention est fixée, principalement, sur les effets
sensitifs que peut provoquer la médiatisation
généralisée à l'intérieur du champ social.
Cette extériorisation d'idées ou de symboles cherche à
offrir une « impression idéalisée » de tout
ce qu'incarnent les forces en présence, en persuadant ceux auxquels elle
s'adresse, de la correspondance absolue des visées politiques des
acteurs avec la réalité. Les témoignages des cadres
historiques de l'APRA et leur production historiographique sur les origines de
leur parti, fournissent eux aussi, malgré leur apparente liberté
de ton et de style, des indications qui viennent corroborer des processus
politiques visant à la conquête du pouvoir. C'est à notre
sens, cette caractéristique majeure de l'aprisme, qui justifie et
légitime l'utilisation du terme « populisme » pour
désigner ce parti politique péruvien. Car comme nous l'avons
démontré au cours de travail, l'utilisation de l'histoire par
l'APRA répondait à sa volonté d'étendre le postulat
de l'unité du peuple, l'évocation de sentiments populaires et
une assurance péremptoire avec laquelle son chef suprême se posait
en « reflet des aspirations et des craintes
populaires »356(*). Ce recours au passé permettait d'ailleurs
à l'APRA, d'exposer sa version des origines jusqu'à la transposer
en lecture unilatérale et officielle d'un passé
caractérisé comme évangélique, et d'enraciner
durablement son histoire dans l'imaginaire collectif péruvien. Le parti
pouvait de ce fait continuer à entretenir son image de garant de la
cause sociale et anti-impérialisme au Pérou et en Amérique
latine, même si de nombreuses évolutions idéologiques
s'étaient produites en son sein, au point de passer d'une composante
farouchement anti-impérialiste (années vingt et trente) à
une autre « farouchement anti-communiste et
pro-U.S »357(*) (années cinquante et soixante), pour enfin se
transformer en un parti « dit social-démocrate » dans les
années soixante-dix.
Née dans les pages de la revue Amauta en 1928,
cette lecture des berceaux de l'aprisme a su successivement s'adapter en
fonction des bouleversements de la vie politique péruvienne, sans pour
autant perdre sa spécificité et son unité en
thèmes, en lieux, et en personnes. Elle a su mobiliser des ressources
du passé telles que la Réforme universitaire de Cordoba et sa
soeur péruvienne de 1920, la Révolution mexicaine, la
légitimité de Gonzalez Prada, ou des expériences plus
locales comme la Journée de Huit heures, jusqu'à en faire les
signes annonciateurs d'une histoire qui commença le 7 mai 1924. Ce qui,
peu à peu, traduisait une volonté de révéler la
spécificité de l'aprisme, se convertit finalement en sceau d'une
lecture incontestable d'un passé qui témoignait à
répétition de la nature unique et de la grandeur de l'APRA sur la
scène idéologique mondiale. Ce discours s'arrogeait pour cela le
droit d'affirmer que l'avenir du peuple péruvien dépendait quasi
exclusivement d'un seul homme, Víctor Raúl Haya de la Torre.
Celui-ci était d'ailleurs esquissé en relation directe avec le
peuple dans son ensemble, loin de tout clivage partisan et reflétant
à chacune de ses interventions, la volonté
générale. De ce fait, les récits se multipliaient pour
raconter les entreprises réalisées par cet homme à
différentes étapes de sa jeunesse, comme si finalement, la seule
origine du parti qui soit, demeurait l'enfance, l'adolescence, et la fleur de
l'âge d'Haya de la Torre. La rhétorique utilisait pour cela de
manière sélective des sentiments (angoisse, anomie, malaise) que
ressentait la population péruvienne dans son ensemble. Elle s'en
nourrissait d'ailleurs, au gré des humeurs et des désillusions
face aux échecs répétitifs de la classe dirigeante, dans
tout les cas, moins pour présenter un programme ou des propositions
concrètes, que pour exploiter les défaillances des régimes
successifs dont les mesures prises, avaient plongé le pays dans des
crises successives.
Cette écriture de l'histoire exploitait
parallèlement le rayonnement d'évènements passés
sous le ton de l'agressivité polémique, non tant dans la forme,
que dans l'affirmation tranchée d'un temps de la grandeur, des
réussites en matière économique et sociale, bref, de tout
ce que l'on pouvait revigorer en se ralliant à la cause apriste. Cette
lecture historiographique puisait alors ses ressources dans divers
thèmes, aussi variés que l'anti-impérialisme de la
Révolution mexicaine, que la rénovation culturelle propre aux
Réformes universitaires ou que les appels à la justice sociale
d'un Gonzalez Prada, proche de l'APRA par son amitié avec
« el Jefe ». Mais elle gardait les connotations
les plus importantes pour les expériences de Víctor Raúl
Haya de la Torre, hissé à la fois en héros sportif qu'en
enfant solidaire. Les exploits sportifs de l'enfant Haya, par exemple,
symbolisaient au mieux son esprit de camaraderie et sa force de commandement,
dans la mesure où il entretenait, comme au basket, « une
démarcation affective entre l'équipe des bons, dont il renforce
la cohésion, et celle des méchants ou des hypocrites, dont les
déboires réjouissent »358(*). Unissant par son vécu le peuple, le chef
charismatique s'en voulait également l'expression. Il en était
d'ailleurs à la fois le guide, l'interlocuteur et l'acteur. Cette
pluralité des charges lui conférait ainsi un statut au dessus de
tous dans son parti, voire sur la scène politique péruvienne et
latino-américaine, car elle témoignait effectivement de la
prétendue efficacité imparable de cet homme qui, parti de rien,
réussit à s'imposer d'abord comme leader étudiant, puis
comme chef du Front des Travailleurs Manuels et Intellectuels, jusqu'à
attiser les foules au simple son de sa voix. Elle légitimait sa
capacité à gouverner, à être un Président de
la République inoubliable, car son vécu avait été
si grand, que le futur ne pouvait être que plus glorieux. Car, Haya de la
Torre était non seulement un homme de terrain qui combattit à
côté de son peuple, il le représentait aussi par sa
qualité de penseur et d'idéologue, d'esprit au service de sa
dévotion la plus chère : le peuple péruvien.
La question des usages politiques du passé ne se limite
en rien au simple cas de l'APRA. Elle résulte en réalité,
de l'un des paradoxes de toute production historiographique, voire du
métier d'historien, tant « à vrai dire, tout discours
historique est susceptible d'usages politiques, que cela soit fait de son
auteur, de ses destinataires ou encore qu'il faille l'attribuer au rapport
particulier que les seconds entretiennent avec le premier »359(*). Mais ce qui fonde la
spécificité du cas apriste ou plutôt de son usage du
passé à des fins politiques, c'est sa capacité à
juxtaposer le réel et le discours historique, « comme s'il
existait une relation nécessaire entre le texte et la
réalité dans laquelle le texte historique représenterait
un monde défini et doté de sens »360(*). Cette juxtaposition
explique d'ailleurs selon nous, ce qui permit au parti d'instaurer un consensus
historiographique autour de ses origines, ce que des publications telles que
The politics of Reform in Peru : The Aprista and other Mass parties of
Latin America de Hilliker Grantde (1971) ou El movimiento Aprista
Peruano de Kantor Harry (1964), s'empressèrent de reprendre, ni
voyant pas le poids de cette historiographie à sens unique. L'effort de
ce Mémoire était à cette occasion, d'expliciter et de
contextualiser l'historiographique apriste afin de mieux saisir les raisons qui
ont fait de cette lecture historique, un double mythe populiste. Il visait
ainsi à montrer le poids d'une lecture des origines qui, bien
qu'entrecoupée, réussit à sacraliser l'APRA en tant
qu'institution indépendante des hommes qui la dirigent, et comme symbole
collectif de l'unité du peuple péruvien, au point d'en faire une
version officielle reprise par tous. Mais surtout, il cherchait à
montrer comment progressivement les apristes réussirent à faire
d'Haya de la Torre, un objet de culte d'une religion séculière,
dont la mémoire demeure encore de nos jours, liée à la
lutte sociale pour tous les Péruviens et aux injustices qui
l'empêchèrent d`être président. Ce qui finalement
avait pour but, d'expliquer les raisons historiques qui firent de
l'historiographie apriste, une réussite, au point que les
Péruviens cultivent encore l'idée qu'« APRA es Haya y
Haya es APRA » (L'APRA, c'est Haya et Haya c'est l'APRA).
Annexes
Annexe n°1
Amauta, Année II, n°9, avril 1927, p.9
Annexe n°2
Ecusson de l'Université de Mexico
Annexe n°3
Marsellaise apriste
Parole : Arturo Sabroso
Musique : Rouget de Lisle
Contra el pasado vergonzante
Nueva doctrina insurge ya
Es ideal realidad liberante
Que ha fundido en crisol la verdad
Tatuaremos con sangre en la historia
Nuestra huella pujante y triunfal
Que dará a los que luchen mañana
Digno ejemplo de acción contra el mal
Peruanos abrazad
La nueva religión
La Alianza Popular conquistará
La ansiada redención
Que viva el APRA compañeros
Viva la Alianza Popular
Militan
Tes puros y sinceros
Jamás desertar
Reafirmemos la fe en el aprismo
Que es deber sin descanso luchar
La amenaza del imperialismo
Que a los pueblos quiere conquistar
Apristas a luchar
Unidos a vencer
Fervor, acción, hasta truinfar
Nuestra revolución
Annexe n°4
Amauta, 1927
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TABLE DES MATIÈRES
Introduction................................................................................
p.7
I) La construction journalistique d'une filiation
(1926-1929)................... p.17
A) L'émergence d'une contestation journalistique
face à un régime autoritaire
(1919-1926).......................................... p.18
1) De l'illusion à
l'autoritarisme..........................................................
p.18
a) Les paradoxes d'un système
népotique............................................... p.20
b) L'instauration d'un Etat
policier...................................................... p.22
2) La montée en puissance de la presse
contestataire.................................. p.26
a) Le rôle de la presse dans la Réforme
universitaire de 1920........................ p.26
b) De l'expansion à la
persécution........................................................
p.30
B) Le temps de la collaboration entre l'Amauta et
l'A.P.R.A......................... p.35
1) Une revue politique
progressiste....................................................... p.35
a) La recherche d'une régénérescence par
la culture....................................... p.36
b) Le renouveau
nationaliste...............................................................
p.43
2) Le travail de présentation des
origines................................................ p.57
a) La défense des signes précurseurs du
renouveau....................................p.57
b) La sacralisation de Gónzalez
Prada................................................... p.62
II) L'émergence d'une historiographie de
« l'âge
d'or »...........................p.66
A) Une nécessaire réponse structurée en
temps de crise (1969).......................p.69
1) L'A.P.R.A à l'épreuve du Pérou de
Velasco.......................................... p.69
a) Une tradition de rapports conflictuels entre l'Armée
et l'APRA.................. p.71
b) La réappropriation du programme apriste par le
gouvernement militaire......... p.75
2) La prise de distance avec le marxisme
péruvien..................................... p.77
a) Le problème du rapprochement par le
passé.......................................... p.78
b) Le symbolisme politique de la rupture avec
Mariátegui............................ p.81
B) Une restructuration autour de la pureté des
origines................................ p.84
1) La mise en valeur des luttes du
passé.................................................. p.84
a) La Réforme universitaire
péruvienne.................................................. p.85
b) Le leadership dans la lutte contre la dictature de
Leguía........................... p.90
2) La sacralisation de Haya de la Torre
................................................. p.95
a) Le culte du héros
........................................................................
p.97
b) La figure du chef
........................................................................
p.101
c) La figure de la victime
.................................................................. p.103
III) La consolidation du discours apologétique
sur les origines (1975-1981)...p.109
A) L'heure du bilan et du changement
...................................................p.113
1) Le temps de la restructuration dans un pays en crise
(1975-1980) ............... p.113
a) Le désengagement politique progressif des forces
armées péruviennes ......... p.115
b) La mise en place d'une Assemblée
Constituante.................................... p.117
2) La recomposition de la gauche péruvienne
.......................................... p.119
a) Le débat autour des origines de la gauche
péruvienne ............................. p.120
b) La question de l'expérience réformiste de
Velasco ................................. p.123
B) Une sacralisation en guise de charisme objectivé
.................................. p.125
1) Le travail de finition de la symbolique populaire apriste
.......................... p.125
a) Les mythes fondateurs de l'A.P.R.A
................................................. p.126
b) La défense de la qualité d'héritier
légitime de González Prada .................. p.129
c) Le raffermissement de la culture de la singularité
.................................. p.132
2) La recherche d'une assise populaire durable pour la figure
d'Haya de la Torre p.135
a) La mythification de la victoire lors de la
lutte pour la Journée de Huit heures... p.136
b) Le développement d'une culture du chef intemporel
............................... p.140
Conclusion...................................................................................
p.144
Annexes.......................................................................................p.149
Bibliographie................................................................................
p.154
Table des
matières..........................................................................p.162
* 1 Le Bart Christian, Le
discours politique, Paris, PUF, 1998, coll. « Que
sais-je ? », p.5-6
* 2 Revel Jacques Hartog
François (sous la dir.), Les usages politiques du passé,
Paris, Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2001, coll.
« Enquête », p.8
* 3 Ibid, p.13
* 4 Haya de la Torre, El
anti-imperialismo y el APRA, Obras Completas, Lima, Ed Juan
Mejia, 1977.
* 5 En 1945 se produit au
Pérou un grand mouvement en faveur de la démocratie et des
libertés publiques dont l'expression politique fut le Front
Démocratique National. L'APRA, proscrit en 1932 revînt à la
légalité en 1945 comme Parti du Peuple. Une très large
partie de l'opinion, un vrai Front composée de mouvements politiques,
porta José Luis Bustamante-Rivero au pouvoir qui l'emporta lors des
élections contre le général Eloy G. Urreta. »
Tamayo Herrera José, Nuevo Compendio de Historia del
Perú, Lima, Centro de Estudios País y Región, 1995,
352 p.
* 6 « Des
élections libres furent célébrées en 1956. Manuel
Prado-Ugarteche fut élu grâce au soutien de l'APRA. Un
régime nouveau, `'convivencia'', se mit en place. On restitua
les libertés démocratiques, on revînt aux institutions de
la Constitution de 1933, et on légalisa tous les partis
politiques. », Ibid, 357p.
* 7 Nom donné par le
journal liménien El Comercio au parti suite à
l'assassinat de son directeur Antonio Miró Quesada et de son
épouse en 1935, par des militants apristes.
* 8 « Qué es el
APRA ? », du nom d'un article signé par le poète
communiste Julio Antonio Mella et paru dans la revue Amauta en 1932.
(Julio Antonio Mella, « Qué es el APRA ? »,
Amauta, Année V, n° 32, août-Septembre 1930, p.
24-37
* 9 Girardet Raoul, Mythes
et mythologies politiques, Paris, Seuil, 1986, p.13.
* 10 Ibid, p. 207
* 11 « José
Carlos était complètement d'accord avec les grandes lignes du
Front Unique des Travailleurs Manuels et Intellectuels. Il prétendait
même incorporer tous ce qui n'étaient pas des civilistes ou c'est
à dire, des oligarques farouches et fascistes. », Sanchez Luis
Alberto, Testimonio personal. Memorias de un peruano del siglo 20,
Lima, Ed. Villasán, 1969, p.306
* 12 Voir annexes p. 1
* 13 « Le
régime de Leguía s'instaura sous le signe d'une véritable
trahison à la patrie. Il cherchait à détourner la
conscience collective de la pondération de ce crime, par le recours aux
plus audacieuses promesses, et à la plus répugante comédie
réformatrice. », Belaunde Víctor Andres, La
realidad nacional, Lima, Editorial Horizonte, 1991 [1930], p.178-179
* 14 « Les
affrontements entre les jeunes et la police, extrêmement fréquents
depuis 1923, augmentèrent en 1924, au moment de la succession à
la présidence de la République », Basadre Jorge,
La vida y la historia, Lima, Sin Edit, 1981, p.254
* 15 Autre nom donné au
régime de Leguia pour signifier sa volonté de rompre avec la
tradition oligarchique en place qui se manifestait politiquement, socialement,
économiquement et culturellement
* 16 L'oligarchie domina la vie
politique nationale (1899-1919) grâce à son organe
hégémonique le Parti Civiliste. Leguia lui-même arriva au
pouvoir en 1908 grâce aux civilistes qui voyait en lui un financier
capable de développer une économie nationale très
frappée par la crise mondial de 1907.
* 17
« L'Oncenio fut une époque crucial dans l'histoire
national au 20ème siècle, car elle permit
l'émergence du Pérou moderne et la gestation de mouvements
vraiment rénovateurs dans les tripes de la Patria
Nueva »,
Tamayo Herrera José, op. cit., 326p.
* 18 Leguía joua un
rôle très important à faveur des étudiants
péruviens du mouvement de la Réforme universitaire à tel
point qu'on le, surnommait « El maestro de la
juventud ». Cette union avec les étudiants contribua par
ailleurs largement à sa victoire électorale de 1919.
* 19 Tamayo Herrera
José, op.cit., p.312.
* 20 « Difficile
d'énoncer un jugement sur les élections de 1919, il semble,
néanmoins, que, dans le cadre des conventions légales,
Leguía obtînt la majorité. », Belaunde
Víctor Andres, op. cit., p.178
* 21 « Un des fils du
président devînt d'un jour à l'autre grand officier
aéronautique. Des proches du chef de l'Etat dirigeaient le
Congrès, d'autres étaient haut placés dans les
ministères ou dans les hautes fonctions administratives. »,
Pease Franklin, Historia contemporánea del Perú, Mexico,
Fondo De Cultura Económica, 1995, p.167
* 22 Bullick Lucie, Pouvoir
militaire et société au Pérou au XIXe et XXe
siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p.77
* 23 « La gestion
économique de la dictature fut critiqué par beaucoup de mes
compagnons d'exil, principalement par les patriotiques campagnes du journal
La República [La République], dirigé par
Felipe Barreda et Laos. », Belaunde Víctor Andres, op.
cit., p.178
* 24 « Dans sa
nécessité d'argent, non seulement pour les services de l'Etat,
dont les paiements étaient en retard, mais pour satisfaire les
appétits de sa famille et à petit feu, ce qui rejoignait la fatal
agonie du régime ; le gouvernement, dans le comble de la
démence et du crime, pensait attribuer définitivement les
réserves pétrolières du Pérou à une
entreprise étrangère. », Belaunde Víctor
Andres, op. cit., p.197
* 25 « Les
centenaires se fêtaient avec un faste byzantin, et en triste contraste
avec la misère de notre peuple. Dans des actes de
générosités sans pareil, on offrit des palais aux
délégations étrangères, afin d'offrir aux anciens
propriétaires des prix élevés. Ne suffit le duplication de
la rente, on augmenta la dette externe, laissant ainsi à sec le
crédit national. », Belaunde Víctor Andres, op.
cit., p.196
* 26 Manuel A. Campuñay,
Leguía : vida y obra del constructor del Perú,
Lima, 1952, p.151
* 27 Basadre Jorge, op.
cit., p.255
* 28 Belaunde Víctor
Andres, op.cit., p.196
* 29 Sanchez Luis Alberto,
Víctor Raúl Haya de la Torre o el político.
Crónica de una vida sin tregua, Lima, Enrique Delgado Valenzuela,
1979 [1933], p.86
* 30 Belaunde Víctor
Andres, op.cit., p.202
* 31 Valcárcel Luis,
Memorias, Lima, IEP, 1981, p.225
* 32 Sanchez Luis Alberto,
Testimonio personal. Memorias de un peruano del siglo 20,
op.cit., p.87
* 33 Sanchez Luis Alberto,
op.cit., p.87
* 34 Sanchez Luis Alberto,
op.cit., p.87
* 35 Minuscule île face
au port de Callao, où traditionnellement sont envoyés les
prisonniers politiques péruviens.
* 36 Bourricaud
François, Pouvoir et société dans le Pérou
contemporain, Paris, Armand Colin, 1967, Cahiers de la Fondation nationale
des Sciences Politiques, n°149, p.4
* 37 « Le seul lien
qui les unit--outre l'identité provinciale ou des institutions
comme le compadrazco--c'est un ensemble d'orientations plus ou moins
vagues. Ces individus mobiles, parce qu'ils ont bénéficié
de quelque instruction, sont beaucoup plus ouverts à un endoctrinement
idéologique que leurs sucesseurs, les paysans indiens, qui viendront par
la suite s'entasser dans des barriadas. », Bourricaud
François, Ibid.
* 38 « Le 26 juillet
1919, nous lûmes dans le journal La Razón, que dirigeait
José Mariategui et César Falcón, un article sur le mauvais
état de l'enseignement à l'Université, suivi d'un
descriptif des professeurs de première et deuxième année
de Lettres. Il coïncidait avec os propres observations. »,
39 Basadre Jorge, La vida y la historia op. cit.,
p.185
* 40 Basadre Jorge, op.
cit., p.185
* 41 Basadre Jorge, op.
cit., p.185
* 42 « Asistencia
libre, cette revendication visait à soustraire l'étudiant du
contrôle d'assiduité. A première vue, elle ne soulevait
donc qu'une question mineure de discipline. A y regarder de plus près,
elle substituait une image nouvelle à l'image de l'étudiant
traditionnel. Si le señorito pouvait passer tout son temps
à l'Université, c'est qu'il était déchargé
des soucis matériels par les libéralités de sa famille. Le
cholo débarqué de sa province doit travailler pour
subvenir à son entretien ; aussi attend-il de ses professeurs une
préparation surtout professionnelle et il est moins sensible que ses
prédécesseurs aux beautés de la culture
classique. », Bourricaud François, op. cit.
* 43 « Ce qu'il y a
de sûr, c'est qu'à partir des années 1920, le
système éducatif--à la fois secondaire et
universitaire--touche une population de plus en plus nombreuse et
qu'il devient ainsi un des canaux de circulation et de passage les plus
efficaces. Du coup, l'Université entre dans une crise dont elle n'est
pas sortie. », Bourricaud François, op. cit.
* 44 Basadre Jorge, op.
cit., p.185
* 45 Sanchez Luis Alberto,
op. cit., 435p.
* 46 « Le mouvement
étudiant de la Faculté de Lettres trouva un écho favorable
parmi les journaux La Razón et l'Actualidad. Ce
soutien s'exprima aussi par des articles où s'exprimaient des sympathies
à faveur du docteur Enrique Paz Soldán, comme ceux parus dans la
Chronique (Crónica) du 29 juillet ou encore ceux de
Ezequiel Pinillos dans la Prensa. », Basadre Jorge, op.
cit., p.187
* 47 « Après
s'être séparés du journal El Tiempo, Mariategui,
Falcón, et Del Aguila fondèrent la Razón, avec
l'aide d'Alfredo Piedra Salcedo, cousin de Leguia, et d'autres amis, parmi
lesquels Sebastián Llorente, Balthazar Caravedo dans de modestes
installations situés rue Pileta de La Merced, à peine à
trente mètres du Jirón de la Unión, Ce fut
là où naquit la Réforme universitaire péruvienne,
ou du moins où, se consolida et s'orienta le mouvement. »,
Sanchez Luis Alberto, Testimonio personal. Memorias de un peruano del siglo
20, op. cit., p.299
* 48
« Emprisonné, ce grand écrivain (Luis Fernán
Cisneros) fut envoyé à l'île San Lorenzo, comme
intégrant d'un plan subversif. », Basadre Jorge, La vida y
la historia, op. cit, p.244
* 49 Basadre Jorge, op.
cit, p.245
* 50 Les membres de
l'oligarchie péruvienne occupaient à l'époque les hautes
charges diplomatiques et judiciaires. Ce qui explique assez facilement cette
solidarité de classe ou plutôt de famille.
* 51 Basadre Jorge, op.
cit,, p.246
* 52 Valcárcel Luis,
Memorias, op. cit., p.223
* 53 Valcárcel Luis,
op. cit, p.224
* 54 Valcárcel Luis,
op. cit, p.224
* 55 Valcárcel Luis,
op. cit, p.223
* 56 Valcárcel Luis,
op. cit, p.229
* 57 Antenor Orrego de
Trujillo, l'historien originaire de Tacna Jorge Basadre, des anciens
exilés en Europe comme César Falcón, des artistes comme
Camilo Blas et José Sabogal, des intellectuels comme Alberto Ulloa
Sotomayor, Enrique Bustamente y Ballivián, Hugo Pesce, Alcides
Spelucín, Oquendo de Amat, César A. Rodriguez, ainsi qu'une
cinquantaine d'écrivains et d'artistes qui y contribuait.
* 58 --«No hace falta
aclarar expresamente que Amauta es una tribuna libre abierta a todos
los vientos del espíritu», Mariategui José Carlos,
Amauta, Année I, n°3, novembre 1926, p.1.
* 59 Ibid, p.1
* 60 Ibid, p.1.
* 61 « Cette revue
rattachera d'abord les nouveaux péruviens aux autres peuples
latino-américains, et ensuite aux peuples du monde entier. »,
Ibid, p.1.
* 62 « Tout
l'humain est nôtre », Ibid, p.1.
* 63 Mariategui José
Carlos, Ibid, p.1.
* 64 « Il faut
être très peu perspicace, pour ne pas se rendre compte qu'il
naît actuellement au Pérou, une revue historique »,
Ibid, p.1.
* 65 Fiesta de la
Planta. Nom donné en hommage à l'Arbre de la Liberté
de la Révolution Française. La plantation d'un arbre en
était le signe distinctif.
* 66 Fondées en 1920 par
Víctor Raúl Haya de la Torre, sur le modèle des
Universités Populaires créées au moment de l'affaire
Dreyfus par un ouvrier libertaire, Georges Deherme.
* 67 Haya de la Torre
Víctor Raúl, « Nuestro frente intelectual»,
Amauta, Année I, n°4, décembre 1926, p.3
* 68
« L'éducation nationale, n'a par conséquent, aucun
esprit national : elle a plus un esprit colonial et
colonisateur... », Mariátegui José Carlos, Siete
ensayos interpretación de la realidad peruana, Lima, Empresa
Editora Atahualpa, 1977 [1928], p.106
* 69 « La fiesta de la
Planta», Amauta, Année II, n°6, février 1927,
p.34
* 70 « Pensons en la
responsabilité que suppose mener à bien notre programme de
revendication, et de liberté face à l'exploitation. Il ne suffit
pas de compromettre la justice à notre lutte, il faut en être le
soldat, et tout faire pour que le peuple nous suive derrière nos
drapeaux », Ibid, p.35
* 71 Víctor Raúl
Haya de la Torre, op. cit., p.4
* 72 « Revendiquez ce
qu'il y a dans le Pérou populaire, dans le Pérou des producteurs,
dans le Pérou des montagnes oubliées. Revendiquez les
écrivains et les artistes provinciaux, victimes de tous le mépris
du civilisme national », Víctor Raúl Haya de la Torre,
op. cit., p.4
* 73
« L'Amauta publia dans ses dix-sept premiers numéros,
tous les communiqués, déclarations, votes, et motions de la
section parisienne de l'APRA, aux mains de Luis Heysen et Eudocio
Ravines », Sanchez Luis Alberto, Testimonio personal. Memorias de
un peruano del siglo 20, op. cit., p.306
* 74 Orrego Antenor, Cultura
universitaria y cultura popular», Amauta, Année III,
n°16, juillet 1928, p. 35
* 75 Orrego Antenor, « El
gran destino de América. Qué es América?»,
Amauta, Année III, n°12, février 1928, p.13-14
* 76 Ibid,
p.14
* 77 Elmore Edwin, « La
batalla de nuestra generación», Amauta, Année I,
n°3, novembre 1926, p.5
* 78 Association politique
regroupant les principales figures de la gauche non marxiste
latino-américaine qui luttait pour l'instauration d'une nouvelle culture
nationaliste à l'échelle du continent.
* 79 Orrego Antenor, op.
cit., p.14
* 80
« L'Amérique latine est un noeud. En elle se croise les
chemins de toute les races. Elle est la convergence historique de l'Orient et
de l'Occident. » Orrego Antenor, op. cit., p.14
* 81 Seoane Manuel,
« Nacionalismo verdadero y nacionalismo mentiroso »,
Amauta, Année I, n°4, décembre 1926, p.19
* 82 Ibid, p.19
* 83 « Je pense que
lorsque le monde avancera et disparaîtront alors pour lui un certain
régionalisme politique in nécessaire, subsistera encore pour
longtemps un certain régionalisme spirituel. », Ibid,
p.19
* 84 Ibid., p.20
* 85 Ibid., p.20
* 86 Ibid., p.20
* 87 Hartog François,
Revel Jacques (sous la dir.), op.cit., p.206
* 88 « L'oubli, et je
dirai même l'erreur historique, sont un facteur essentiel de la formation
d'une nation et c'est ainsi que le progrès des études historiques
est souvent pour la nationalité un danger », Renan Ernest, in
Sanchez Luis Alberto, Testimonio personal. Memorias de un peruano del siglo
20., op.cit., p.375
* 89 Renan Ernest, Renan
Ernest, Qu'est-ce qu'une nation ?, Paris, Editions Mille et une
nuits, 1997 [1869], p.31
* 90 Renan Ernest,
Ibid, p.31
* 91 « Cela ne
surprit personne qu'éclatèrent un 14 juillet 1930, date
anniversaire française, d'immense sifflements contre la dictature si
bien apparurent à l'écran les Sans Culottes attaquant la Bastille
au son belliqueux de la Marseillaise alors que l'on projetait un film allusif
à la Révolution au théâtre Exelsior en
présence de Leguía. Une étincelle s'était
allumée. Un mois après éclata la mutinerie d'Arequipa et
chutait le dictateur, alors que demeurait le système »
Sanchez Luis Alberto, Testimonio personal. Memorias de un peruano del siglo
20., op.cit., p.376
* 92 La rédaction de
l'Amauta en effet publia trois articles sur l'histoire de
l'Amérique latine, neuf sur l'histoire du Pérou, trois d'histoire
général, quatre sur l'histoire d'Espagne, et pour finir cinq sur
l'histoire de la Russie.
* 93 Marx Carlos,
« Espartero », Amauta, Année IV, N°24,
juin 1929, p.1-9
Trotzky Léon, « Vladimiro Ullich Lenin»,
Amauta, Année II, n° 9, mai 1929, p.15-20
Sorel Jorge, « Defensa de Lenin »,
Amauta, Année II, n°9, mai 1929, p.25-27
* 94 « Haya de la
Torre qui planifiait depuis le Mexique un mouvement révolutionnaire au
nord du Pérou afin de renverser Leguía vit confisquer certaines
de ses lettres. Des lettres signées à Berlin qui lui furent
attribuées servirent de prétexte à des persécutions
contre des apristes de Cusco. Nous étions en 1928, et il existait
déjà plusieurs groupes apristes affiliés au mouvement (pas
au parti) juvénile continental fondé à Mexico le 7 mai
1924 à Trujillo, Cusco et Lima. » Sanchez Luis Alberto,
Testimonio personal. Memorias de un peruano del siglo 20, op.
cit., p.250
* 95 Valcarcel Luis E.,
«Sumario de Tawantisuyo», Amauta, n°13, p.29-30
* 96 « Extension
géographique et apogée politique des confédérations
des tribus quechuas. Ses bases furent :une grande vitalité, une
colonisation réciproque, une langue officielle, la
complémentarité entre une économie centralisé et
une économie tribale, le caractère des conquêtes, le
tribut. Le travail. », Ibid, p.29
* 97 « Le psychisme
primitif étant considéré par définition comme
indéracinable, le passé infantile surtout étant admis
comme toujours présent dans l'inconscient adulte, toute agression
extérieure, toute situation conflictuelle risque de se traduire par un
retour, à la limite une fixation névrotique, vers un stade
inférieur à la formation de la personnalité. Passé
individuel vécu et passé historique reconstitué peuvent
ainsi se rejoindre à travers une même quête, une même
vision, celle de la lumière perdue du premier bonheur, celle aussi d'une
intimité close, d'une assurance paisible depuis longtemps
disparues. »
J. Laplanche et J-B. Pontalis, Vocabulaire de la
psychanalyse, Paris, PUF, 1967, article
« Régression »
* 98 Garro J. Eugenio,«La
Iglesia y el Estado», Amauta, n°19, p. 31-36
* 99 Ibid, p.34
* 100 Ibid, p.36
* 101 Haya de la Torre,
Víctor Raúl, « El problema historico de nuestra
América », Amauta, Année III, n°12,
février 1928, p.22
* 102 Ibid
* 103 Ibid
* 104 « Je pense que
la meilleure méthode pour analyser et comprendre nos
phénomènes historiques reste la méthode
hégélienne, c'est-à-dire la dialectique »,
Ibid
* 105 « Plus qu'une
tentative de poser une problématique, il obéit à un essai
d'étudier la vie politique péruvienne, dans le but de saisir les
évolutions et les différents courants qui se manifeste dans
l'opinion publique... », Zarate, «El parlamentarismo y el
presídencialismo en el Perú», Amauta, n°25,
p.28
* 106 Ibid, p.33
* 107 « Le
libéralisme péruvien s'est toujours caractérisé par
être une application d'évènements étrangers, comme
ce fut le cas en 1823 pour toute l'Amérique latine qui fut
influencée par les idées libérales anglaises,
colorée par le sentimentalisme lyrique et révolutionnaire de
Rousseau ou celui des principes sociaux de la révolution
française de 1848 qui forma spirituellement les hommes de la Convention
progressiste et libérale de 1856... », Ibid, p.32
* 108 « D'autres
fois il obéit [le régime présidentiel péruvien]
à la forte idéologie d'un seul homme dominé par une
immense ambition politique qui pénètre la destinée d'un
seul continent, telle qu'elle se manifeste dans la Constitution
bolivarienne. », Ibid, p.33
* 109 Le Président
Leguiá, élu en 1919, balaya en effet la Constitution
libérale de 1920 qui fut approuvée par une Assemblée
Constituante qui établissait le mandat présidentiel pour une
durée de 5 ans non renouvelable.
* 110 Ibid, p.33
* 111 Haya de la Torre
Víctor Raúl, Testimonio y mensaje, Obras Completas,
op. cit.
* 112 « Une
communauté d'origine, de parenté raciale, d'assemblage
historique, de similitudes des coutumes et croyances, d'unité
linguistique, d'assujettissement à un même gouvernement.
Il est donc indispensable que les peuples régis par les
mêmes institutions se sentent unis par des forces morales que naissent de
la communion de la vie civile. », Ingenieros José, «
Terruño, Patria, Humanidad», Amauta, Année I, n°2,
octobre 1926, p.18
* 113 « Mais si
l'internationalisme absolu est inconscient et fictif, il en existe un autre qui
possède des causes palpables et immédiates, et celui peut devenir
réalité. C'est à cette catégorie qu'appartient le
mouvement--si prodigalement baptisé--qui doit unir, en
amplifiant la conception bolivarienne, les nations d'Amérique centrale
et du sud, ce qui est en réalité, un mouvement de nationalisme
continental comme le baptisèrent ses inspirateurs argentins »,
Seoane Manuel A, op. cit, p.20
* 114 Cox Carlos Manuel,
« Revolución y peruanidad», Amauta, Année II,
n°8, avril 1927, p.26
* 115 Ibid, p.26
* 116 Ibid, p.26
* 117 « Les luttes
en Chine, en Egypte, au Maroc, de tous les peuples opprimées, sont des
luttes nationalistes compatibles, même si cela paraît paradoxal,
avec l'idée de civilisation oecuménique universelle. »,
Ibid, p.26
* 118 Haya de la Torre fut son
secrétaire durant six mois en Suisse durant ses années d'exil
(1923-1930). Les deux hommes entretinrent par la suite une correspondance
politique.
* 119 Roland Romain, « Al
comité de la A.P.R.A», Amauta, Année II, n°6,
février 1927, p.4
* 120 Ibid, p.4
* 121 « el
apostol »
* 122 Orrego Antenor, op.
cit., p.14
* 123 Giradet Raoul, op.
cit., p.105
* 124 Orrego Antenor, op.
cit., p.14
* 125 Haya de la Torre,
« Nuestro frente intelectual», Amauta, Année I,
n°4, décembre 1926, p.3
* 126 Girardet Raoul, op.
cit., p.133
* 127 Rafael Ramos Pedrezuela,
« La revolución mexicana frente a yanquilandia »,
Amauta, Année III, n°12, février 1928, p.34
* 128 « Venant du
nord de notre frontière, le vautour impérialiste s'avance avec
une vibrante voracité. Dans nos ciels bleus, sous le soleil qui illumine
l'Anáhuac, s'élève glorieusement l'aigle mexicain qui bat
des grands coups d'ailes avec les pupilles fixes malgré le rayonnement
du soleil, détruisant entre ses griffes le serpent de toutes les
tyrannies. », Ibid, p.35
* 129 Ravines Eudocio, «
El Termidor méxicano», Amauta, Année IV, n°23,
1929, p.78
* 130 Ibid, p.78
* 131 « Mexico
offrit au prolétariat latino-américaine un précieux
enseignement, une expérience typique qui ne peut être
qualifiée d'étrangère, ni peut être accusée
d'apporter le sceau de l'importation. », Ibid, p.79
* 132 Cosco Montaldo Oscar,
« Defensa de la revolución », Amauta,
Année III, n°18, octobre 1928, p.87
* 133 Voir annexes p.2
* 134 Orrego Antenor, «
Prada, «hito de juvenilidad en el Perú», Amauta,
Année III, n°16, juillet 1928, p.1
* 135 González Prada
Manuel, Páginas libres/Horas de lucha, Caracas, Biblioteca
Ayacucho, 1976
* 136 Bourricaud
François, op. cit.
* 137 Haya de la Torre,
Obras Completas, op. cit., p.34
* 138 Haya de la Torre,
Obras Completas, op. cit., p.34
* 139 Neira Hugo,
« Relire aujourd'hui Haya de la Torre. De l'identité
culturelle à l'identité politique »,
Caravelle, 1983, p.97-104
* 140 Sanchez Luis Alberto,
Testimonio personal. Memorias de un peruano del siglo 20, op.
cit., p.8
* 141 Balandier Georges,
Le pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1992,
coll. « Fondements », p.151
* 142 Ibid, p.157
* 143 Dorna Alexandre, Le
leader charismatique, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p.71
* 144 Ibid, p.26
* 145 Velasco Alvarado,
Message à la Nation comme motif du 148ème anniversaire de
l'Indépendance National (28 juillet 1969), La Revolución
peruana, Argentine, Eudeba, 1973, p.21
* 146 Ibid, p.21
* 147 Ibid, p.55
* 148 Ibid, p.55
* 149 « Tout ceci et
plus encore, a été réalisée en à peine un an
de gestion du gouvernement. Il y en a qui disent que le pouvoir de la
propagande est grand. C'est possible que ce le soit. Mais aucune propagande ne
peut gommer l'appréhension de tous les Péruviens, de la
conviction que ce gouvernement est entrain de réaliser des choses
qu'aucun gouvernement n'avait jamais encore fait. », Ibid,
p.58
* 150 Chavez Jorge,
Reflexiones sobre el CAEM : objetivo, política y
estrategia, CAEM, Lima, 1974.
* 151 Velasco Alvarado Juan,
Message à la nation pour motif de la promulgation de la Loi de
Réforme Agraire (24 juin 1969), op. cit., p.7
* 152 Le directeur du CAEM, le
général Pardo, exprimait déjà en 1959, cette
nécessité d'agir au niveau politique contre la pauvreté et
le problème de la répartition de la
terre : « Il n'est pas
possible--affirmait-il--de poser les problèmes de
défense nationale séparément de ceux du
développement économique et social de la nation»,
Vayssière Pierre, op. cit., p. 210
* 153 Sulmont Denis, El
movimiento obrero en el Perú, 1900-1956, Lima, PUC, Fondo
Editorial, 1975, p.127
* 154 Bullick Lucie,
op.cit., p. 93
* 155 « Le
général se porte une fois de plus à la rescousse de
l'oligarchie, au nom de l'harmonie de la famille
péruvienne. », Message du général O.R.
Benavides, in Jorge Basadre, Historia de la República del Perú,
1822-1933, t.XIV, p.408
* 156 « Dans
l'armée de terre, les conscrits sont à 95% des gens de la
sierra...analphabètes, célibataires, et sans
responsabilité familiale, qui manquent de sensibilité sociale et
de conscience civique....En revanche, les unités blindés,
emploient un personnel relativement qualifié. En ce qui concerne la
flotte, les engagés, qui représentent 50% de l'effectifs, sont
d'authentiques professionnels, venant pour la plus part de la côte, qui
souffrent toutes les pénuries des gens pauvres...En outre, ils ont des
contacts avec les civils et s'intéressent aux questions qui les
concernent directement. Ils sont donc accessibles à la propagande
politique. C'est parmi ces soldats-ouvriers que l'Apra a recruté le plus
grand nombre d'adhérents. Mais les officiers de l'armée de terre,
les officiers de la police et de la gendarmerie sont en général
des gens d'origine modeste : sur eux, les mots d'ordre de l'Apra sont
efficaces », Villanueva Valencia Victor, El Apra y el
ejército, 1940-1950, Lima, Editorial Horizonte, 1977.
* 157 Message
présidentiel, 8 déc. 1936, Archives diplomatiques, 28
déc. 1936, in Bullick Lucie, op.cit., p.95
* 158 Cotler Julio,
« Crisis política y populismo militar », in
F.Fuenzalida Vollmer (éd), Perú Hoy, Mexico, 1975,
p.87-174
* 159 Archives
diplomatiques, 3 mai 1937, In Lucie Bullick, op. cit., p. 96
* 160 Macera Pablo, Vision
historica del Peru, Lima, Ed. Milla Bastres, 1978, p.258
* 161 Luis Heysen, in Arico
José, «Mariategui y los orígenes del marxismo
latinoamericano», Socialismo y Participación, n°5,
décembre 1978, p.19
* 162 Carlos Manuel Cox, in
Arico José, «Mariategui y los orígenes del marxismo
latinoamericano», Socialismo y Participación, n°5,
décembre 1978, p.19
* 163 « La figure et
la conduite de l'auteur du Comte de Lemos avait crée une
école. Mariátegui s'y intégra avec ferveur. En peu de
temps, il en devînt le principal prêtre. », Luis Alberto
Sanchez, op. cit., p.182
* 164 Luis Alberto Sanchez,
op. cit., p.197
* 165 Luis Alberto Sanchez,
op. cit., p.198
* 166 Luis Alberto Sanchez,
op. cit., p.318
* 167 « A ce moment
se murmurait que tous les deux avait été acheté. La chose
fit son chemin. », Luis Alberto Sanchez, op. cit., p.302
* 168 « Haya de la
Torre compromit Arturo Sabroso, Conde, Nalvarete, Posada, Rios, et à
tous les leaders ouviers sous son influence directe, pour qu'ils accordent un
affidavit temporel à Mariategui. Ce fut le début de
l'activité sociale et socialiste de Mariátegui. », Luis
Alberto Sanchez, op. cit., p.302
* 169 « La
planification d'Amauta se fit dans les lignes directrices du le Front
Unique des Travailleurs Manuels et Intellectuels, lancé par Haya de la
Torre et l'APRA. », Luis Alberto Sanchez, op. cit., p.306
* 170« Victor
Raúl est en ce moment en Russie, il va certainement nous apporter des
choses nouvelles », Luis Alberto Sanchez, op. cit., p.304
* 171 «...Cette
opération [l'invasion du Pérou par le nord du pays] échoua
à cause de la négative au projet de la part du groupe de
l'Amauta autour de Mariategui, tout comme l'intervention de la
diplomatie américaine présente à Pánama et
lié à Leguía », Luis Alberto Sanchez,
op. cit.,
* 172 Luis Alberto Sanchez,
op. cit., p.319
* 173 Luis Alberto Sanchez,
op. cit., p.319
* 174 «...l'histoire
idéologique de l'auteur de Siete Ensayos suvait le rythme de
ses problèmes physiques... », Seoane, in Luis Alberto Sanchez,
op. cit.
* 175 Girardet Raoul, op.
cit., p.105
* 176 Girardet Raoul, op.
cit., p.98
* 177 « Nous
entrâmes en scène, suite au cri de Cordoba lancé le 15 juin
1918, pour liquider le statut feudal de l'Université »,
Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 178 Girardet Raoul, op.
cit., p.127
* 179 « Je connus
`'Manolo'' (Manuel Seoane) en 1917, en entrant à San Marcos. Il
était inscrit en Faculté de Sciences, car il voulait devenir
médecin. L'année suivante, il changea d'opinion, et se changea
à Lettres. L'année qui suivit, nous vus comme en première
ligne de la Réforme Universitaire. On participait tous les deux au
Comité pour la Réforme de Lettres que présidait Jorge
Guillermo Leguia, et qui avait pour secrétaires Ricardo Vegas, et
lui. », Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 180 « Nous
étions dans la première moitié de 1918. Porras habitait
les hauteurs de la rue Mariquitas (troisième bloc du Jirón
Moquegua). Nous nous réunissions, Jorge Guillermo Leguía,
Guillermo Luna Cartland, Pablo Abril de Vivero, José Luis Llosa Belaunde
(qui était à l'époque fiancé d'une des soeurs de
Porras, avec laquelle il se maria après), Carlos Moreyra, José
Quesada Larrea, Manuel Abastos, Víctor Raúl Haya de la Torre,
Riacardo Vargas García y Jorge Basadre. On lisait des chapitres entiers
de divers livres, mais aussi des articles et des commentaires. On
échangeait également des opinions, des informations, et des
rumeurs.», Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 181 « Ce fut
autour de Porras et de sa maison, que nous consolidâmes notre
amitié, Victor Raúl et moi. Nous séparés les
intérêts intellectuels, mais nous rapprochés l'enthousiasme
pour la culture et le sport.. », Sanchez Luis Alberto, op.
cit.
* 182 « Raúl
Porras, Jorge Guillermo Leguía, Victor Raúl Haya de la Torre,
Ricardo Vegas García, Guillermo Luna Cartland, Carlos Moreyra Paz
Soldán, José Quesada, José Luis Llosa Belaunde, Jorge
Basadre, Luis Alberto Sanchez », Sanchez Luis Alberto, op.
cit.
* 183 Démarrée
au temps du gouvernement de Piérola, le Pérou connaissait en
effet au début du 20ème siècle une sensible
pénétration de cette culture, et en particulier des idées
véhiculées par la Révolution française : Luis
Alberto Sanchez les présentait même comme l'un des vecteurs de
socialisation politique contre Leguía, si ce n'est l'un des symboles
universels de la lutte des opprimés contre le despotisme :
« Cela ne surprit personne qu'éclatèrent un 14
juillet 1930, date anniversaire française, d'immense sifflements contre
la dictature si bien apparurent à l'écran les Sans Culottes
attaquant la Bastille au son belliqueux de la Marseillaise alors que l'on
projetait un film allusif à la Révolution au théâtre
Exelsior en présence de Leguía. Une étincelle
s'était allumée. Un mois après éclata la mutinerie
d'Arequipa et chutait le dictateur, alors que demeurait le
système » Sanchez Luis Alberto, op. cit., p.376
* 184 « L'oubli, et
je dirai même l'erreur historique, sont un facteur essentiel de la
formation d'une nation et c'est ainsi que le progrès des études
historiques est souvent pour la nationalité un danger »,
Sanchez Luis Alberto, op. cit, p.375
* 185
« L'Université correspondait exactement à la
mentalité et à la réalité économique de ce
temps. Elle était une Université de nature coloniale avec des
docteurs en toges et en costumes, fermés face dans leur conception de la
vie. L'Université civiliste exigeait des étudiants, une
adhésion aveugle et un respect soumis. Le civilisme avait
plasmifié son type d'université », Sanchez Luis
Alberto, op. cit.
* 186« Les
aristocrates et leur clientèle la plus dépendante gagnaient
presque toujours tous les prix. Les directeurs, loin de favoriser les
étudiants pauvres, gratifiaient les étudiants les plus riches.
Ceci s'expliquait par le fait, que selon les autorités
compétentes, `'l'Université est le patrimoine des
minorités appelées à diriger la destinée
nationale», Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 187 « On
bénéficiait de deux forces alliées : la
capacité captatrice et organisationnelle de Haya de la Torre, et
l'agressivité mordante de Raúl Porras Barrenechea. Sans eux, la
Réforme n'aurait jamais été possible. », Sanchez
Luis Alberto, op. cit.
* 188 Sanchez Luis Alberto,
op. cit.
* 189 « Dans ce
registre d'influence affective, l'attitude charismatique (l'enthousiasme,
l'énergie, l'attirance) apporte aux masses une révélation
politique : les portes de l'histoire ne s'ouvrent pas sans un grand
vacarme et une dose admirable d'audace. », Dorna Alexandre, op.
cit., p.27
* 190 Sanchez Luis Alberto,
op. cit.
* 191 Dorna Alexandre, op.
cit., p.28
* 192 Sanchez Luis Alberto,
op. cit.
* 193 « Comme
épisode de l'affrontement, il y eut des duels au pistolet et au sable
entre les membres de la Fédération des Etudiants et le
Comité de la Réforme », Sanchez Luis Alberto, op.
cit.
* 194 « Je perdis
l'année universitaire de 1921 à cause de la fermeture de San
Marcos imposée par les directeurs civilistes », Sanchez Luis
Alberto, op. cit.
* 195 Sanchez Luis Alberto,
op. cit.
* 196 « Le nouveau
gouvernement, celui de Leguia, promulgua les lois 4002 et 4004, qui
répondait à toutes nos exigences », Sanchez Luis
Alberto, op. cit.
* 197 De la Torre Carlos, In
Alvarez Junco José et Gónzalez Leandri comp, El populismo en
España y América, Madrid, Catriel, 1994, Coll.
«Ensayo», p. 51
* 198 Ibid, p. 48
* 199 Ibid, p.49
* 200 « Leguia
était habitué à un turbulent jeu d'adulations et de
prodigalités, et surtout à recevoir le surnom de
Huiracocha, c'est à dire Dieu. C'est comme ça
que l'appelait sa clientèle, et même l'ambassadeur des Etats-Unis,
le riche journaliste et jovial nord-américain Moore, qui le compara
même à Périclès et à Bolivar. »,
Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 201
« L'autorité, et par extension le pouvoir, ne peut se
comprendre que dans une interrelation concrète entre individus agissant
dans des situations historiques précises, et pas seulement
motivées par la calcul et l'intérêt rationnel. »,
Dorna Alexandre, op. cit., p.20-21.
* 202 Girardet Raoul, op.
cit., p.55
* 203 « En 1928,
Leguia leva la prohibition des courses de chiens, dans le but de favoriser l'un
de ses neveu, Alberto Ayulo, qui venait d'ouvrir une affaire ou `'Kennel
Park'', Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 204 « Un des
cousins du Président, don Alfredo Piedra Salcedo, exerça durant
plus d'une décennie, une influence décisive parmi les jeunes
officiers », Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 205 « Vers 1927 ou
1928, arriva à Lima, le général allemand William Fauppel,
en provenance d'Argentine et de Bolivie. Fauppel fut nommé Inspecteur
Général de l'Armée Péruvienne. Suite à
l'arrestation de l'insubordonné comandant Lega, on organisa un cocktail
très concouru au Palais Concert en son honneur. On y proclama de
très virulents discours contre Inspecteur Général de
l'Armée. Celui-ci alla voir le Président, et démissionna.
Leguia n'accepta pas sa démission, sans avoir préalablement
envoyé son fils, le commandant Leguia, hors du pays, dans un
espèce d'exil doré », Sanchez Luis Alberto, op.
cit.
* 206 Sanchez Luis Alberto,
op. cit.
* 207 « Un jour, on
lui organisa un hommage dans le Lawn Tennis. A la sortie, certains de ses amis
les plus enthousiastes, parmi lesquels un médecin très connu qui
devînt député de Chincha, voulurent se substituer aux
chevaux qui tiraient le carrosse présidentiel : un gravure des
pages de Histoire de la République de Basadre vient
perpétuer ce fait. », Sanchez Luis Alberto, op.
cit.
* 208 « Lors de
l'inauguration de son troisième mandat à la tête de l'Etat,
le Comercio et la Banque offrirent à Leguia un banquet au
Thêatre Forero ; les menus étaient en or et en argent, la
table d'honneur en hauteur, et les invités étaient
debout. », Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 209 « Aucun autre
président ne reçut autant de distinctions que Leguia. Il
reçut à peu près, le grade numéro 33 de l'Ordre
Maçonnique, et la Grande Croix de l'ordre du Christ envoyé par le
pape. », Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 210 L'idée est prise
ici au sens où l'entend Georges Balandier, c'est à dire que
« tout univers politique est une scène ou plus
généralement, un lieu dramatique, où sont produits des
effets », Balandier Georges, op. cit., p.111
* 211 Balandier Georges,
op. cit., p.108
* 212 « Jamais
Leguia, homme adulé et populaire, n'avait senti le poids d'une
opposition, aussi petite et hostile à la fois, que lorsqu'il entra au
Salon Général de San Marcos en 1928. », Sanchez Luis
Alberto, op. cit.
* 213 Sanchez Luis Alberto,
op. cit.
* 214 Sanchez Luis Alberto,
op. cit.
* 215 Balandier Georges,
op. cit., p.16
* 216 « Un moment
charismatique représente le moment où la levée de
l'angoisse se réalise », Dorna Alexandre, op.
cit., p.9
* 217 Dorna Alexandre, op.
cit., p.74
* 218 Dorna Alexandre, op.
cit., p.76
* 219 Girardet Raoul, ,
op. cit., p.95
* 220 Dorna Alexandre, op.
cit., p.28
* 221 Martin Arranz, In
Alvarez Junco, op. cit., p.45
* 222 Sanchez Luis Alberto,
op., cit. , p.45
* 223 Sanchez Luis Alberto,
op., cit. , p.45
* 224 « Dans leurs
jours de divertissement, Vîctor Raúl et Cucho partaient en
excursion avec leur cousin Macedonio, et Gónzalez Obergoso. Ils
escaladaient des collines, jouaient à revivre des scènes
incaïques, revisitant l'histoire du Pérou. », Sanchez
Luis Alberto, op. cit.
* 225 « Le groupe se
consacrait à l'élevage de ver de terre et d'abeilles. Ils
observaient comment les ruches formaient des républiques
ordonnées et discrètes, et comment les vers terre manifestaient
des formes d'abnégation et de travail incroyables. », Sanchez
Luis Alberto, op. cit.
* 226 Sanchez Luis Alberto,
op. cit.,
* 227 Nous étions en
septembre 1908. Les élèves du Séminaire de Trujillo
réalisaient une excursion. A quatre heures de l'après-midi,
Victor Raúl demanda la permission pour rentrer en ville.
--Pourquoi es-tu si
pressé ?--l'interrogea son professeur français,
P.Biand
--Car les nouvelles du changement de gouvernement
doivent être arrivées de Lima
--Et toi, qu'as-tu à voir avec la politique,
petit.
--Oh !--répondit Víctor
Raúl--moi je m'interesse beaucoup à la politique.
--Ce garçon fera parler de lui--commenta Briand,
regardant le petit Haya de la Torre alors âgé de treize
ans. », Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 228 « Sa figure
haute et menue se fit incontournable dans les amphithéâtre de San
Marcos. Il était un dynamo en marche. », Sanchez Luis Alberto,
op. cit.
* 229 Sanchez Luis Alberto,
op. cit.
* 230 « Macedonio
était fatigué comme d'habitude, avant tout le monde, car il
était maigre et fragile. Victor Raúl et les Gónzalez
Orbergoso rivalisaient au contraire en athlétisme. », Sanchez
Luis Alberto, op. cit.
* 231 « Quant il
riait, il montrait des dents de travers, tous révoltés les en
contre les autres pour obtenir la meilleure place : dentaire exemple d'un
mouvement social en marche », Sanchez Luis Alberto, op.
cit.
* 232 Sanchez Luis Alberto,
op. cit.
* 233 « Haya de la
Torre était le neveu de don Agustín de la Torre-Gónzalez,
le vice-président de Leguía durant son gouvernement de 1908
à 1912, et de don Agustín Ganoza, le vice-président en
office durant celui de 1919 à 1923. Par conséquent, il disposait
des moyens pour profiter des avantages et des cadeaux, ce qu'il ne fit jamais.
Son refus de toutes ces faveurs ne faisait aucun doute. », Sanchez
Luis Alberto, op. cit.
* 234 Luc Ferry, Le
Point du 28 février 1998
* 235 Dorna Alexandre, op.
cit., p.32
* 236 « `'--Je ne
serai pas un simple huissier, mais un avocat. Je défendrai les causes
justes.''
`'--Alors tu mourras de faim--rumina
Agustín''
`' -- Cela peu importe, mais je ne serai pas un petit
huissier'' », Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 237 « Les
discussions avec les ouvriers lui ouvrirent de nouveaux horizons. Des braves
travailleurs de Cartavio, de Laredo, de Chiclín, évoquaient les
injustices patronales. Chacun avait une offense subie à
partager. », Sanchez Luis Alberto, op. cit.
* 238 « A Trujillo,
Víctor Raúl entra à l'Université de la Libertad.
Dans son désir de réunion et de coopération, il
créa le Centre Universitaire, qui l'élut d'abord comme
secrétaire, puis comme vice-président », Sanchez Luis
Alberto, op. cit.
* 239 Alvarez Junco, op.
cit.
* 240 Arturo Sabroso, La
Marseillaise apriste, Hymne officiel de l'APRA. Voir annexe, p.3
* 241 Sanchez Luis Alberto,
op. cit., p.317
* 242 « Lorsque le
Comercio de Lima, laissant de côté son animosité
avec Leguia, applaudit chaleureusement les mesures répressive contre les
étudiants et les ouvriers dans leur majorité proches des
Universités Populaires, Haya de la Torre répondit par une
violente lettre de protestation et de dénonciation, qu'il adressa
à Joaquin García Monje, qui la publia dans son inoubliable et
autorisée revue Repertorio Americano (1927). Les termes de
cette missive étaient dédiés à la famille
Miró Quesada. Ces derniers, Sanchez Luis Alberto, op. cit.,
p.317-318
* 243 « Le journal
exproprié à la famille Durand, reproduisait chaque
communiqué de Haya en le faussant, alors que le Comercio
ne les publiait pas, mais couvrait son auteur d'injures. »,
Sanchez Luis Alberto, op.cit., p.317-318
* 244 Sanchez Luis Alberto,
op.cit., p.318
* 245 Alvarez Junco, op.
cit., p.21
* 246 Dorna Alexandre, op.
cit., p.27
* 247 Ce caractère
n'est pas sans rappeler l'hégélianisme de Haya de la Torre dans
« El problema histórico de nuestra América»
(Amauta, Année III, n°12, février 1928, p.21-23
* 248 Dorna Alexandre,
op. cit., p.27
* 249 Dorna Alexandre,
op. cit., p.27
* 250 « Dans ces
pages nous nous proposons d'éclaircir les relations existantes entre les
deux institutions politiques nationales [l'APRA et l'armée] les plus
importantes de ce présent siècle. Nous prétendons
détruire quelques-uns des mythes existants qui, au fil du temps, se sont
consolidés jusqu'à s'introduire dans la société, au
point que certains qui souhaitaient faire de l'histoire, honnêtement
peut-être, mais sans étudier suffisamment les faits,
élèvent en vérité historique de simples versions
populaires, dont la majorité sont inspirées par des
nécessités partisanes. », Villanueva Villanueva Victor,
El Apra en busca del poder 1930-1940, Editorial Horizonte, 1975, p.7
* 251 « Nous
voulons démontrer en outre, que l'agressivité et l'esprit
belliqueux que montra l'APRA, à peine proclamée la victoire de
Sanchez Cerro en 1931, ne furent pas le fruit de la véhémence de
Haya de la Torre pour arriver au pouvoir, comme on le dit
généralement. », Ibid, p.7
* 252 Haya de la Torre
Víctor Raúl, Testimonio y mensaje, Obras Completas,
Lima, Ed Juan Mejia, 1977, p.15
* 253 Nous la
génération de Víctor Raúl, qui est aussi la mienne
avec l'espérance au coeur,. », Germán Arciniegas,
Recuerdos en torno a Víctor Raúl, (Rome, octobre 1976), In Haya
de la Torre, Ibid., p.17
* 254 Ibid
* 255
«... l'histoire contemporaine de l'Amérique latine commence
avec Haya de la Torre », Goodwin Richard, `'Our Stake in a Big
Awakening'', Life, Ed. norteamericana, Vol.62, n°15, 14 avril
1967, In Murillo Percy, Historia del APRA 1919-1945, Lima, Editor:
Enrique Delgado, 1976, p.5
* 256 Ibid, p.5
* 257 Ibid, p.9
* 258 Ibid, p.10
* 259 « Ce fut
considéré comme si nouveau dans le monde, qu'il n'y eût ni
revues, ni livres, ni conférence où l'on ne mit le doigt sur le
fait qu'il s'agissait d'une nouvelle solution pour les problèmes dans le
monde », Arciniegas Germán, In Haya de la Torre Víctor
Raúl, op. cit., p. 19
* 260 Hermet emprunte ce
concept à Max Weber, pour qui il signifiait la formation d'espaces
sociaux et idéologiques exclusifs, séparés du reste de la
société, et accueillant en son sein, des membres, sans
discrimination aucune. Hermet Guy, Les populismes dans le monde. Une
histoire sociologique XIXe-XXe siècle, Paris, Fayard, coll.
« L'espace du politique », p.61
* 261 Weber Max, Le savant
et le politique, Paris, 10/18, 2002,
coll. « bibliothèques 10/18 », 186p.
* 262 Girardet Raoul, op.
cit., p. 181
* 263 www.
Apra.org.pe /victorraul.asp
* 264 « Le 3
octobre, nous avons fêté le 10ème anniversaire du
début du processus révolutionnaire mené par le
Général Velasco Alvarado et interrompu le 29 août 1975 par
une action de Morales Bermúdez et des hauts gradés des Forces
Armées », Editorial, Socialismo y
Participación, n°5, décembre 1978, p.5
* 265 Système National
d'Appui à la Mobilisation Sociale
* 266 Velasco Alvarado,
Message à la Nation comme motif du 151ème anniversaire
de l'Indépendance nationale (28 juillet 1972), op.cit.,
p.231
* 267 Le président
péruvien Morales Bermúdez expliquait dans un article du
monde d'avril 1979, que l'usure du pouvoir était quelque chose
de beaucoup plus pesant pour les forces armées que pour les civils,
« Un entretien avec le président du Pérou »,
Le Monde, 13 avril 1979
* 268 « Nous sommes
conscients que ce qui est en jeu, n'est rien d'autre que le signe et
l'orientation de l'histoire future du Pérou. Notre dépendance,
notre sous-développement, notre pauvreté et notre retard sont le
fruit d'un système économique, politique et social, dont le
maintien rend logiquement impossible tout effort pour dépasser les maux
profonds du Pérou. Voilà pourquoi, le gouvernement des forces
armées sait que remplir le compromis qu'elles ont scellé avec le
pays, représente nécessairement, l'abandon définitif d'un
système socio-économique en place jusqu'au 3 octobre 1968.
Seulement comme ça, il sera possible d'asseoir les bases d'un nouvel
ordre social que la révolution se propose de construire. »,
Velasco Alvarado Juan, Message à la Nation pour motif du
149ème anniversaire de l'Indépendance (28 juillet
1970), op. cit., p.93-94
* 269 « Et de tous les
péchés commis contre le Pérou et son peuple, aucun n'est
aussi douloureux ni aussi opprobre que celui de servir les
intérêts d'une entreprise étrangère. Nous n'accusons
pas les institutions. Nous accusons les hommes qui les dirigèrent. Nous
n'accusons pas les partis politiques, ni ses militants. Nous accusons les
dirigeants qui sont les vrais responsables. Ils eurent les rênes de
l'Etat, et ils en furent responsables. La révolution mit fin à
cette honteuse situation, qui humilia notre patrie », Velasco
Alvarado, Discours lors du premier anniversaire de la Journée de la
Dignité National (Talara, 9 octobre 1969), op. cit., p. 77
* 270 « La nouvelle loi
établit, en premier lieu, le contrôle étatique de
l'industrie de base comme une priorité, assurant la fonction directrice
de l'Etat dans le processus d'industrialisation du pays. », Velasco
Alvarado Juan, Message à la Nation pour motif du
149ème anniversaire de l'Indépendance (28 juillet
1970), op. cit., p.120
* 271 P.W. Zagorski,
Democracy vs National Security : Civil-Military Relations in Latin
America, Boulder (Col.), Lynne Rienner, 1992, Chap 2, In Lucie Bullick,
op. cit., p. 258
* 272 Lucie Bullick, op.
cit., p. 258
* 273 Pease Garcia Henry et
Filomeno Alfredo (éd.), Perú 1977. Cronología
Política, t.VI, Lima, Desco, 1979, p.2778
* 274 « En
présence de nouvelles conditions, il est nécessaire de
préserver le legs révolutionnaire, et affronter unis l'historique
devoir de construire dans notre patrie, une société socialiste
vraiment indépendante et national, une démocratie participative
basée sur la propriété sociale et la participation directe
de notre peuple au pouvoir politique. Aujourd'hui comme hier, il est
nécessaire de faire une effort pour unir les hommes et les organisations
populaires ; pour accroître la confiance dans la capacité
à affronter de nouveaux problèmes ; de diffuser la foi et
conforter la conviction dans nos possibilités de forger la
société que la révolution se promit d'instaurer au
Pérou. Avec la ferme espérance que Socialismo y
Participación contribue à de tels objectifs, il me
plaît de vous exprimer mes plus affectueuses salutations. »,
Velasco Alvarado d'octobre 1977, « El legado de
Velasco », Socialismo y Participación., p.11
* 275 Regis Debray,
Socialismo y Participación, n°4, septembre 1978.
* 276 « Il
[Lénine] distinguait nettement deux fonctions différentes dans la
propagande, portées par deux types d'agents : le
propagandiste, qui touche beaucoup moins de personnes (des centaines
dit-il), parce que, selon nous, c'est celui qui tâche de persuader,
à gagner des futurs militants, et l'agitateur, qui a affaire
à des dizaines de mille, qui doit chercher les mettre en mouvement
(c'est selon, nous, la propagande émotive), en les sensibilisant et
entraînant. Ainsi se créent des milliers de canaux, par lesquels
se répandent facilement les mots d'ordre, lancés par les centres,
si ces mots d'ordre correspondent aux besoins aigus d'une classe et d'une
époque... », Tchakhotine Serge, Le viol des foules par la
propagande politique, Paris, Gallimard, 1952, p.334
* 277 Ibid, p.334
* 278 Arico José,
«Mariategui y los orígenes del marxismo latinoamericano»,
Socialismo y Participación, n°5, décembre 1978, p.33
* 279 « On peut
parler avec propriété d'une véritable
`'redécouverte de l'Amérique'', d'une annonce dans le processus
de recherche d'une identité nationale et continentale à partir de
la reconnaissance, de la compréhension, et de l'adhésion aux
luttes des classes populaires. », Ibid., p.27
* 280 « En refusant
de le considérer comme un « sujet national »,
Mariategui rompit avec une tradition solidement consolidée. Indexant le
problème indigène sur le problème de la terre,
c'est-à-dire sur le problème des rapports de production,
Mariategui trouva dans les structures agraires, les raisons du retard de la
nation et de l'exclusion de la vie culturelle et politique des masses
indigènes. », Ibid, p.29
* 281 « Ne forment
pas partie du vrai Pérou, les regroupements de créoles et de
blancs qui habitent la frange de terre entre les Andes et le Pacifique ;
la nation est formée par les populations indiennes
disséminées dans la bande orientale de la Cordillère.
Lorsque nous un peuple sans esprit de servitude, et des hommes politiques
à la hauteur de ce siècle, nous récupérerons Arica
et Tacna, et alors, et seulement alors, nous marcherons sur Iquique et
Tarapaca, et donnerons le coup décisif, le premier et le
dernier. », Manuel González Prada, Páginas
libres/Horas de lucha, Caracas, Biblioteca Ayacucho, p.44
« A l'indien, il ne faut pas lui inculquer
l'humilité et la résignation, mais l'orgueil et la
révolte. Qu'a-t-il gagné avec trois cents ou quatre cents de
conformité et de patience ? L'indien ne se lèvera que
grâce à son amour propre, et non par l'humanisation de ses
oppresseurs. Tout blanc est, à peu près un Pizarro, un Valverde
ou un Areche », Ibid, p.45-46
* 282 Lauer et al., El
Reformismo Burgués. (1968-1976), Lima, Mosca Azul editores, 1978,
p.13
* 283 « Avoir
maintenu avec le glaive des positions si discrépentes...ne contribua en
rien à la lutte du peuple pour sa libération ni pour la prise de
conscience parmi les travailleurs que cette lutte reste sans aucun doute, la
chose la plus importante. », Ibid, p.74
* 284 « Curieusement
le gouvernement de Velasco serait en sorte un régime réformiste
bourgeois sans bourgeois au gouvernement et sans une classe social bourgeoise.
Avec un discours politique, un langage et des manières qui ne
correspondent en rien à la bourgeoisie. Et qui cherchait appui dans les
secteurs populaires », Béjar Hector, «Velasco: reformismo
burgués?», Socialismo y Participación, n°5,
décembre 1978, p.77
* 285 Vaneck Jaroslav, Reinert
Erick, `'La tercera vía del presidente Velasco : una estratagia
para el cambio'', Socialismo y Participación, n°5,
décembre 1978, p.61
* 286 « N'est-ce
pas l'année 1968 qui était caractérisée par le
grand accord entre les partisans de Belaunde, l'APRA, et ceux de Odría
sur le terrain politique, et les magnats de la pêche, les banquiers et
les compagnies impérialistes sur le terrain
économique ? », Béjar Héctor, In op.
cit., p.81
* 287 Arciniegas
Germán, In Haya de la Torre Víctor Raúl, Obras
Completas, op. cit., p. 19
* 288 Ansart Pierre, La
gestion des passions politiques, Lausanne, Age de l'Homme, 1983,
coll. « Pratiques des sciences de l'homme », p.109
* 289 Hermet Guy, op.
cit., p.206
* 290 « La
Réforme Universitaire est née en Argentine, mais elle
possède un caractère légitimement latino-américain.
Des pays où l'augmentation de la population ne s'est produite de
manière aussi rapide qu'en Argentine; où l'immigration est
élémentaire, et où l'irigoyénisme ne peut contenir
la portée ; ont aussi des champs de bataille, des centres d'action,
et des piliers des conquêtes de ce mouvement », Haya de la
Torre, `'La Reforma Universitaria'', Obras Completas,
op.cit., p.205
* 291 « Nous
étions tous des camarades : on se tenait main dans la main, et on
projetait une internationale latino-américaine, ce qui fut la base de la
fondation de l'APRA », Arciniegas Germán, In Haya de la Torre,
op. cit., p.19
* 292 « Marx et le
marxisme étaient très peu connus par notre
génération protagoniste de la Réforme universitaire
entamée en 1918 à l'Université de
Córdoba. », Haya de la Torre, `'La Reforma Universitaria y la
realidad social'', Obras Completas, op.cit., p.125
* 293 « Elle marque
le début de la fin du médiévisme intellectuel. Il n'aurait
été point erroné d'affirmer que les universités
étaient les vice-royautés d'un esprit vaincu par le mouvement
libertaire de la jeunesse. », Ibid., p.126
* 294 « D'elles
surgirent des hommes qui rejoignirent la droite comme la gauche. Au Chili,
à Cuba, comme en Argentine et au Pérou, la Réforme est le
baptême de sang de beaucoup de leaders révolutionnaires, sauf dans
les cas, où se fut le début des hommes qui prirent des postures
de néo-chevaliers réactionnaires. », Haya de la Torre,
`'La Reforma Universitaria'', op.cit., p.210
* 295 Del Mazo Gabriel, La
reforma universitaria : Documentos relativos a la propagación del
movimiento en América Latina, 1918-1927, Buenos-Aires : Ferrari-Bme
Mitre, 1927, 460p.
* 296 Haya de la Torre,
«La Reforma Universitaria y la realidad social »,
op.cit., p.126
* 297 Haya de la Torre,
«La Reforma Universitaria y la realidad social »,
op.cit., p.126
* 298 Haya de la Torre, `'La
Reforma Universitaria'', op.cit., p.214
* 299 In Murillo Percy,
Historia del APRA 1919-1945, op.cit., p.18
* 300 « La
Révolution mexicaine n'est pas une révolution socialiste, mais
tout comme les étudiants réformistes, la manifestation du droit
sacré à l'insurrection (droit sacré la
révolte) », Haya de la Torre, op. cit.
* 301 «...la
première tentative sociale autonome et guidée par les masses
populaires dans une aguerrie lutte pour une seconde indépendance qui un
jour s'étendra et aura lieu, lorsque nous réussirons notre
intégration continentale. », Haya de la Torre, op.
cit
* 302 «...cette
révolution a au moins un rare mérite : elle fut mexicaine.
Elle ne copia aucun pays. », Murillo Garaycochea Percy, op.
cit., p.18
* 303 « Durant de
nombreuses années, l'aprisme défendit solitairement le legs
révolutionnaire de Gónzalez Prada aux nouvelles
générations. », Murillo Garaycochea Percy, op.
cit., p.26
* 304 « On a
publié de nombreuses études sur sa pensée philosophique,
et on lui a reconnu un place prépondérante dans la
littérature péruvienne. Pour cela, il fallut batailler durement,
et ceci est le mérite que l'on doit sans contestations attribuer
spécialement à Haya de la Torre et à Luis Alberto Sanchez,
qui sont les deux écrivains péruviens qui se sont le plus
identifiés avec cet illustre précurseur des temps
nouveaux. », Murillo Garaycochea Percy, op. cit.,
p.26-27
* 305 « Son nom fut
immortalisé dans les Universités Populaires que fonda Haya de la
Torre dans les premières années de la lutte livrée en
défense des classes opprimées. », Murillo Garaycochea
Percy, op. cit., p.26
« Et pour s'il existe encore un doute sur la condition
de précurseur de l'aprisme qu'a Gonzalez Prada, il suffirait d'indiquer
que ce fut lui qui signala le chemin pour la formation du Front Unique des
Travailleurs Manuels et Intellectuels que l'aprisme prit sous son aile afin de
maîtriser un puissant mouvement politique qui avait combattu les vices et
cicatrices que le maître combattit par le verbe et la plume le
siècle passée. », Murillo Garaycochea Percy, op.
cit., p.27
* 306 « Beaucoup
plus tard, on verra reproduite ou reflétée cette influence dans
le Code de la Jeunesse Apriste de 1934 (FAJ), dont les premiers
préceptes ordonnaient : `'prépare toi pour l'action, non
pour le plaisir'' », Murillo Garaycochea Percy, op. cit.,
p.24
* 307 « Les
élèves-ouvriers des Universités Populaires
rénovaient leur promesse au Recteur absent : en
réalité il le faisait à leur futur leader
politique. », Sanchez Luis Alberto, Apuntes para una
biógrafia del APRA, Los primeros pasos 1923-1931, Miraflores, ,
Mosca Azul Editores, 1978, p.24
* 308 Balandier Georges,
op.cit.
* 309 Haya de la Torre,
`'Recuerdos Gonzalez Prada'', Obras Completas, op cit.,
p.224
* 310 « Dans le
mois, qui suivit sa mort, je sentis faim pour la première fois, et je
commença à comprendre le douleur des autres. », Haya de
la Torre, `'Recuerdos Gonzalez Prada'', op cit., p.224
* 311 « Combien de
fois dans mes amères journées de solitude et de privations,
surgissait le souvenir de ce vieil ami, le seul que j'ai eu, sans qu'il le
sache peut-être, à une époque dans laquelle il alluma en
moi la foi dans une nouvelle vie », Haya de la Torre, `'Recuerdos
Gonzalez Prada'', op cit., p.224
* 312 Ansart Pierre, La
gestion des passions politiques, op.cit., p.76
* 313 Ansart Pierre,
op.cit., p.75
* 314 Ansart Pierre,
op.cit., p.115
* 315 Townsend Andres, In
Murillo Percy, Historia del APRA 1919-1945, op.cit., p.10
* 316 Townsend Andres, In
Murillo Percy, op. cit., p.10
* 317 « L'aprisme
est le premier effort pour donner une réponse latino-américaine
aux problèmes latino-américain », Townsend Andres, In
Murillo Percy, op. cit., p.11
* 318 Townsend Andres, In
Murillo Percy, op. cit., p.10
* 319 Townsend Andres, In
Murillo Percy, op. cit., p.9
* 320 « Non moins
significative, pour confirmer l'anticipation apriste, a été la
nouvelle direction prise para la social-démocratie européenne de
l'après seconde guerre mondiale. En particulier lorsque lors du
Congrès de Frankfort et du Programme de Bad-Godesberg, les partis
socialistes européens se définissent comme `'partis du peuple''
et cessent d'être des `'partis de classe'', comme ils l'avaient
été depuis leur fondation. », Townsend Andres, In
Murillo Percy, op. cit., p.10
* 321 « ...un
unionisme `'scientifique'' fondé sur une réalité
économique, une politique anti-impérialiste, et un
dénominateur commun démocratique, sont les apports de
l'aprisme », Townsend Andres, In Murillo Percy, op. cit.,
p.11
* 322 « Au
schéma primordial de Víctor Raúl, il faudrait ajouter la
perspicacité d'Antenor Orrego qui, forgea le terme majeur de
`'peuple-continent''. Dans ce livre de 1939 que porte ce nom, Orrego,
découvrit, quatorze ans avant le CEPAL, un terme qui concluait en disant
que, que qu'à peine finit le processus de désintégration,
commencera en Amérique latine, un processus corrélatif
d'intégration. », Townsend Andres, In Murillo Percy, op.
cit., p.11
* 323 « Nous autres,
les apristes, qui avons su résister sans nous laisser intimider, sans
demande de faveur, sans nous plaindre, nous sommes les seuls qui, par notre
entourage, donnons un démenti à ces affirmations. »,
Haya de la Torre, `'Carta a los prisioneros apristas'', Obras Completas,
op. cit..
* 324 « L'aprisme
est une école d'éducation de la volonté, et un grand
redresseur pour les individus inconsistants. », Haya de la Torre,
`'Carta a los prisioneros apristas'', op. cit..
* 325 Haya de la Torre,
`'Carta a los prisioneros apristas'', op. cit..
* 326 « Notre devoir
est de nous faire respecter où que nous nous trouvions. »,
Haya de la Torre, `'Carta a los prisioneros apristas'', op. cit..
* 327 Ansart Pierre, La
gestion des passions politiques, op.cit., p.126
* 328 Ansart Pierre,
op.cit., p.126
* 329 Ansart Pierre,
op.cit., p.126
* 330 Ansart Pierre,
op.cit., p.117
* 331 Murillo Percy, op.
cit., p.28
* 332 Murillo Percy, op.
cit., p.28
* 333 Ces deux haciendas se
situent au nord de la ville de Trujillo, et à l'époque, elles
étaient la possession de la famille péruvienne d'origine
allemande Gildemeister.
* 334 « Dans les
premiers jours du conflit, et en veille de la grève
générale, je m'était lié d'amitié avec un
des plus efficaces et spontanés agitateur de masses que j'ai jamais
connu : Nicolas Gutarra. », Haya de la Torre, revue
Apra, In Murillo Percy, op. cit., p.30
* 335 « Mes deux
compagnons de délégation Bueno et Quesada, revinrent de
façon agités, m'amenant la nouvelle que la troupe était
entrain de placer des fusils-mitrailleurs le long du parc correspondant
à l'Institut d'Hygiène, et que le commandant en charge, le
lieutenant-colonel Juan Carlos Gómez, envoyait la notification
péremptoire à l'assemblée pour qu'elle lève la
grève générale. », Haya de la Torre, `'La
jornada de la 8 horas'', Obras Completas, op.cit., p.230
* 336 « Venez tous
les camarade à la lutte, car aujourd'hui s'engage l'incarné et
libre enseignement, qui flotte ai soleil de l'avenir. », Haya de la
Torre, `'La jornada de la 8 horas'', op.cit., p.231
* 337 Haya de la Torre, `'La
jornada de la 8 horas'', op.cit., p.230
* 338 Haya de la Torre, `'La
jornada de la 8 horas'', op.cit., p.230
* 339 « Le
commandant le parlait depuis son cheval imposant ; moi je lui
répondais sur le même ton. Cependant, lorsque je lui
dis :''consultez avec vos supérieurs et vous verrez qu'il y a
d'autres manières de gérer l'affaire, et vous commettrez un crime
si vous tirez sur les ouvriers'', je vis que mes paroles lui avaient
causé une certain effet. », Haya de la Torre, `'La jornada de
la 8 horas'', op.cit., p.230
* 340 « Minuit
passé, je me suis dirigé vers le coin de la rue du centre
où se trouvait le commandant Gomez et un groupe de militaire, et je leur
dis que tout était prêt.
`'-Et ceux qui présidaient l'assemblée où
sont-ils ?
-Celui qui présidait l'assemblée au moment de sa
dissolution c'était moi, et me voici.
-J'avais besoin d'ouvrier et vous m'avez trompé, je vais
vous arrêter !
-Je vous avais dit de faire ce que vous voudriez, et vous me
faîtes par peur
-Pourquoi vous criez ?
-Parce que vous criez !
-A moi, vous ne me m'agressez pas
-Ni vous à moi !'' », Haya de la Torre,
`'La jornada de la 8 horas'', op.cit., p.230
* 341 Haya de la Torre, `'La
jornada de la 8 horas'', op.cit., p.236
* 342 Haya de la Torre, `'La
jornada de la 8 horas'', op.cit., p.236
* 343 Haya de la Torre, `'La
jornada de la 8 horas'', op.cit., p.236
* 344 Haya de la Torre, `'La
jornada de la 8 horas'', op.cit., p.236
* 345 « Vingt quatre
heures après, se réunissaient au local de la
Fédération des Etudiants au Palais de l'Exposition, les
dirigeants des syndicats ouvriers du textile pour commémorer la victoire
de la journée de huit heures. Je les invitai à constituer la
Fédération des Travailleurs Textiles du Pérou. Je
rédigeai l'acte et fut fondée la plus puissante organisation
ouvrière du pays, dont l'histoire des luttes pour l'amélioration
de la classe des travailleurs a 25 ans d'honneur. », Haya de la
Torre, `'La jornada de la 8 horas'', op.cit., p.237
* 346 « Comme cela,
on lança les bases du grand front ouvrier et étudiant qui , deux
ans plus tard, également un jour de janvier mais en 1921, s'affirmait
indestructiblement avec la fondation de la première Université
Populaire, qui portait le nom glorieux de Gonzalez Prada. », Haya de
la Torre, `'La jornada de la 8 horas'', op.cit., p.238
* 347 Basadre Jorge, La
vida y la historia, op.cit., p.194
* 348 Rocha Julio, In Vega
Centeno Imelda, Aprismo popular : mito, cultura e historia, Lima,
Tarea, 1985, p.20.
* 349 « Un
gentleman, qui nous appréciait tous, du grand au petit, et du plus grand
au plus petit, du millionnaire au plus pauvre. Ceci ne peut être fait par
tout le monde. Dans ses manifestations par exemple, il serrait toutes les
mains, et témoignait d'une grande affection. Voilà pourquoi, nous
le suivîmes dans la lutte qu'il mena, pour sortir de notre situation, et
pour utiliser nos droits de l'homme, que nous devons tous avoir. »,
Ibid, p.21
* 350 « La chance a
voulu que durant plus d'un demi-siècle, il ne perdit jamais le don de la
parole évocatrice. Il le maintient comme l'enchantement et
l'ensorcellement de son ardent magistère verbal. »,
Ibid, p.21
* 351 « Tout
conduisait à l'apparition de grands leaders comme ce qui furent les
précurseurs, Gonzalez Prada, Ingenieros, Rodó, Vasconcelos. Parmi
les plus jeunes, surgit Víctor Raúl. », Ibid,
p.21
* 352 « Dans toutes
mes années d'affiliation au parti, sa lutte [Haya de la Torre], sa
politique ont été très bonnes. Si nous avions tous
compris cette lutte qui nous était favorable, on aurait une autre
maison, on vivrait heureux, on ferait un grand Pérou, si on travaillait
tous ensemble. », Ibid, p.22-23
* 353 « En hommage
aux milliers de martyrs, de héros anonymes qui contribuèrent
à forger généreusement à pérenniser l'oeuvre
forgée par Víctor Raúl Haya de la Torre... »,
Ibid
* 354 Ansart Pierre,
op.cit, p.70
* 355 Arcienigas
Germán, In Haya de la Torre, op. cit., p.17
* 356 Hermet Guy, op.
cit., p.104
* 357 Löwy Micheal,
«Le populisme en Amérique latine», in Gallissot René
(dir.), Populismes du Tiers-Monde, Paris, L'Harmattan, 1997,
coll. « L'homme et la société »,
p.118
* 358 Hermet Guy, op.
cit., p.104
* 359 Revel Jacques Hartog
François (sous la dir.), op. cit., p.14
* 360 Giovanni Levi,
« Le passé lointain. Sur l`usage politique de
l'histoire », in Revel Jacques Hartog François (sous la
dir.), op. cit., p.26
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