FACULTE DE
PHILOSOPHIE
SAINT PIERRE CANISIUS
KIMWENZA
L'INTERPRETATION DE LA LOI PAR LE JUGE ET L'HISTOIRIEN
DU DROIT :
Le problème de l'application dans
Vérité et Méthode
Par
Jean-Luc MALANGO KITUNGANO, S.J.
Gradué en sciences politiques et administratives
malangojeanluc@yahoo.fr
Mémoire présenté pour l'obtention
du Grade
de Bachelier en philosophie
Directeur :
Jean Onaotsho Kawende
Docteur en philosophie.
Professeur aux facultés catholiques de
Kinshasa
et à la faculté de philosophie saint Pierre
Canisius
MAI 2006
EPIGRAPHE
« L'idée d'une dogmatique juridique
parfaite, qui réduirait toute sentence à une pure
opération de subsomption, n'est pas tenable »
Hans-Georg Gadamer, Vérité et
Méthode. Les grandes lignes d'une herméneutique
philosophique, Paris, Seuil, 1996, pp. 351-352.
REMERCIEMENTS
Ce travail n'aurait pas été possible sans le
suivi fidèle et efficace du professeur Jean Onaotsho Kawende, directeur
de ce mémoire. Je le remercie sincèrement.
Je tiens également à dire ma gratitude à
tous les professeurs, collègues et amis qui, par leurs enseignements,
les critiques stimulantes et leur intérêt pour mes
réflexions, ont grandement contribué au contenu de ce travail.
Sans être exhaustif, je tiens à remercier particulièrement
les compagnons Julien Ndongo S.J., les juristes Jean Ilboudo S.J et Pichu
Mukanya S.J. qui, par leurs critiques positives, m'ont encouragé dans
mes réflexions sur une approche juridique de l'herméneutique de
Hans-Georg Gadamer.
A la compagnie de Jésus, je dédie
chaleureusement cette réflexion en espérant que d'autres
chercheurs la dépasseront, c'est la récompense ultime que j'en
escompte.
INTRODUCTION GENERALE
Reliant historiquement la problématique de
l'application en herméneutique à la description du
phénomène éthique et, en particulier, celle de la vertu et
du savoir moral chez Aristote, Gadamer montre que l'analyse
aristotélicienne livre une sorte de modèle des problèmes
que pose la tâche herméneutique.
Le droit dans sa dimension de doctrine et de loi offre une
signification exemplaire de l'application dans les sciences de l'esprit.
L'application n'est pas une partie accessoire et occasionnelle du
phénomène de la compréhension en droit et dans toutes les
autres sciences humaines, mais elle contribue à déterminer la
compréhension. Le raisonnement juridique se présente le plus
souvent sous la forme de l'application d'une règle à un cas,
généralement du point de vue du juge, en vue de rendre justice.
Dans un sens large, l'interprétation en droit désigne toute forme
de raisonnement qui conduit à la solution d'un cas ou à la
découverte de la vérité d'une règle s'il s'agit
d'une recherche historique, indépendamment de la référence
ou non à un texte. L'interprétation est donc le problème
central en droit et pas seulement du coté du juge, car pour l'historien
du droit aussi, il faut interpréter.
Quelles attitudes prennent en face d'un même texte
législatif donné et en vigueur, le juriste et l'historien
du droit? Plus précisément, la différence entre
l'intérêt dogmatique du juge et l'intérêt historique
de l'historien du droit est-elle sans équivoque ?
Au plan des sciences humaines contemporaines, est-t-il
possible de rétablir l'unité des disciplines
herméneutiques, mieux, reconquérir l'unité
herméneutique des sciences humaines à partir du modèle
d'application de l'herméneutique juridique?
Les règles du droit oscillent, selon les
époques, en réaffirmant tantôt le primat de la
méthode, tantôt les insuffisances des méthodes dites
traditionnelles. L'herméneutique peut-elle offrir une perspective des
recherches alternatives au juridisme?
Il est indubitable que l'application joue un rôle
essentiel aussi bien pour le juriste que pour l'historien du droit.
L'interprétation juridique ne constitue en réalité qu'un
genre particulier d'une activité plus générale dont il ne
faut pas l'isoler. Le droit entretient des relations avec d'autres disciplines
sous l'aspect justement de l'interprétation.
Nous soutenons comme thèse centrale de ce travail,
à la suite de Gadamer, que l'activité du comprendre n'est pas
distincte de l'application. A partir de l'application saisie en
herméneutique juridique, on peut reconquérir l'unité
herméneutique des sciences humaines. Plus précisément, de
l'histoire, de la philosophie, de la philologie et du droit lui-même.
L'application, l'interprétation et la compréhension doivent
être saisies dans un processus unitaire.
La méthode à suivre est l'explicitation des
différents thèmes relatifs à l'application dans
Vérité et Méthode en partant de la tradition
éthique socratico-platonicienne telle que Gadamer le développe.
Nous effectuerons ainsi notre analyse à partir de l'évolution de
thèmes relatifs au problème d'application dans
Vérité et Méthode et les ouvrages ou les articles
des commentateurs tels Jean Grondin et Pierre Fruchon ou des critiques tels
Emilio Betti et Pascal Michon.
Nous subdivisons notre travail en trois chapitres :
Dans le premier chapitre, nous explicitons l'application dans
l'éthique d'Aristote comme interprète et critique de la tradition
éthique socratico-platonicienne. Chez Socrate et Platon, Gadamer
s'intéresse à la dialectique comme modèle d'ouverture du
dialogue herméneutique entre l'interprète et la tradition. Et
chez Aristote, il retient l'application dans l'agir moral qui s'offre comme
critique de la tèchne et qui s'élargit dans sa propre
critique de la méthode et la réhabilitation de la
compréhension dans les sciences humaines.
Dans le deuxième chapitre, nous analysons, à la
section première, la signification exemplaire de l'herméneutique
juridique, en partant de l'interprétation de la loi par l'historien du
droit et le juge pour montrer leur point commun par rapport à la
tradition. En une deuxième section, nous analysons l'unité des
disciplines herméneutiques dans l'expérience d'application.
Le troisième chapitre est une critique de
l'herméneutique universelle d'application de Gadamer. Il s'agira, en
deux sections, de présenter la critique du juriste Emilio Betti ainsi
que celle de l'historien Pascal Michon. De ces deux critiques, celle d'un
juriste et celle d'un l'historien, nous cherchons à montrer qu'on ne
peut pas attribuer à Gadamer l'opposition entre vérité et
méthode. Une telle lecture ne rend pas justice à sa
pensée.
L'intérêt de ce travail est justement de montrer
que la thèse de Gadamer sur l'interprétation, la
compréhension et l'application comme processus unitaire est
d'actualité. L'interprétation d'une loi en vigueur faite par le
juge et celle faite par l'historien du droit confortent la thèse de
l'unité des sciences humaines dans l'expérience d'application.
L'homme qui comprend en histoire ou en droit ou encore dans les sciences
humaines en général, comprend toujours à partir d'une
tradition ; celle-ci l'englobe déjà. Il n'est pas dans une
position d'objectivité absolue.
Une conclusion générale reprendra les acquis de
notre travail.
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