3.1.2 Une législation
sévère mais contournable
Les ordonnances de 1944 relatives aux médias sont
draconiennes. L'audiovisuel, via un monopole public des chaînes, est la
chasse gardée de l'Etat. Pour la presse quotidienne, c'est le principe
de « un homme un titre » qui prévaut, assorti d'une
obligation de transparence économique. Seule la presse périodique
jouit de plus de liberté et permettra la constitution de grands groupes.
A la fin des années 1970, on assiste à une dénonciation du
viol des ordonnances de 1944 que cristallisent quelques affaires, comme la
reprise de France Soir et du Figaro par le groupe de Robert
Hersant, et l'arrivée de la gauche au pouvoir change la donne. Le
monopole public dans l'audiovisuel disparaît, même si les
initiatives privées sont très encadrées, le principe de
« un homme un titre » laisse la place à la notion de
seuil à ne pas dépasser et une autorité de
régulation, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), est
créée. Avec le retour de la droite en 1986, on assiste à
une vague de privatisations dans l'audiovisuel et les seuils en vigueur dans la
presse écrite sont augmentés. L'objectif de François
Léotard, ministre de la culture et de la communication, est de mettre en
place une politique de champions nationaux pour que des groupes de
communication français émergent sur la scène
européenne et mondiale. L'article 41.1 introduit la règle des
« deux situations sur quatre ». Une même entreprise
ne peut cumuler une présence dans plus de deux médias (radio,
télévision hertzienne, télévision par câble
et PQN). Pour la PQN, la règle s'applique si une entreprise rassemble
plus de 20 % de la diffusion globale, ce qui est relativement
élevé. Dès lors, de commissions en débats
parlementaires, il n'y aura plus de modifications significatives du dispositif
anti-concentration, simplement des volontés isolées. Et de fait,
depuis 1986, le débat politique sur la concentration des
médias est au point mort. Le pluralisme médiatique est une valeur
difficile à garantir par le biais de la loi en raison de sa
subjectivité ; les enjeux financiers sont énormes et les
pressions qui pèsent sur les acteurs politiques dans un sens comme dans
l'autre paralysent l'action.
3.1.3 Hersant, ou la concentration comme
principe stratégique
Malgré la législation anti concentration dont
une loi qui le visait sans le nommer, Robert Hersant va se lancer dans
l'édification d'un empire de presse en France et à
l'étranger. Parti d'un formidable succès en presse magazine avec
L'Auto Journal, il reprend de petits titres et signe son premier coup
d'éclat en s'emparant du quotidien régional Paris
Normandie. Sa réussite va crescendo avec la prise de contrôle
du Figaro en 1975 et de France Soir en 1976, puis la reprise
de L'Aurore en 1979. Robert Hersant fait construire un centre
d'impression près de Roissy (Paris Print), avec un système de
fac-similé couplé avec des imprimeries délocalisées
qui servent à imprimer les titres locaux. Sur sa lancée, Hersant
prend le contrôle du Progrès de Lyon, entre au capital de
L'Union de Reims et rachète le quotidien
spécialisé Paris Turf. La logique industrielle s'exprime
dans l'exemple Hersant de trois manières. Tout d'abord le magnat de la
presse avait créé des structures transversales pour rationaliser
l'exploitation technique et commerciale des journaux, à la
manière des grands consortiums de presse américains ; il
s'agit de Paris Print qui imprimait des quotidiens du matin Le Figaro,
Paris Turf, et un quotidien du soir France Soir, trois
régies publicitaires et une agence d'information. Ensuite, Hersant avait
internationalisé son groupe en se lançant à l'assaut des
marchés belge francophone, espagnol et d'Europe de l'Est après
l'effondrement du communisme. Enfin le groupe avait acquis une dimension
multimédia bien que celle-ci ne fut pas concluante, avec une
expérience en radio avec Fun et une autre en
télévision avec La Cinq.
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