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John Carpenter, une mise en scène du menaçant

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par Julien Le Goff
Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle (ESRA) - D.E.S.R.A. 2005
  

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INTRODUCTION

« En France je suis considéré comme un auteur, en Allemagne comme un metteur en scène, en Angleterre comme un réalisateur de films d'horreur, et aux Etats-Unis comme un fainéant »

John Carpenter.

Difficile de cerner John Carpenter : cinéaste à l'oeuvre riche (déjà dix-sept longs métrages) mais mésestimée, cinéphile passionné et passionnant, capitaliste convaincu et critique acerbe du système américain, explorateur d'un cinéma de genre populaire et symbole du cinéma indépendant, artiste instinctif et bourreau de travail perfectionniste... Autant de facettes du personnage liées par la cohérence formelle et thématique absolue de son oeuvre. J'ai décidé d'aborder cette oeuvre sous l'angle de la peur, ou plutôt celui de la menace, c'est-à-dire le sentiment, l'indice que quelque chose de fâcheux va arriver, sentiment qui traverse la filmographie carpentérienne. Comment s'y prend-il pour jouer avec nos mécanismes d'anticipation et nous communiquer cette angoisse du moment à venir ? Surtout que nous révèle-t-il de notre vraie nature à travers ce sentiment ?

Carpenter construit en effet son oeuvre filmique sur un sentiment de tension constante ; très vite posée (dès la situation de départ en fait), cette tension ne fait que se développer jusqu'au climax final (l'affrontement) qui viendra clore le récit tout en laissant ouvert un champ des possibles que chacun sera libre d'interpréter. Car c'est là une des clefs de la puissance du cinéma carpentérien : s'il utilise toutes les ressources dont il dispose en tant que metteur en scène pour faire naître la peur, Carpenter n'hésite pas à laisser la porte de son espace filmique entr'ouverte pour le spectateur. Le hors-champ et la suggestion sont bien évidemment les premières armes d'un cinéaste exigeant formé à l'art subtile de la série B et habitué aux budgets démesurément inférieurs à ses ambitions : travailler dans de telles conditions de production, c'est accepter le défi permanent de viser, sous couvert d'une simplicité apparente, une efficacité absolue de la narration. Mais chez Carpenter, épurer le film (scénario qui va droit à l'essentiel, découpage sans artifice : tout doit être efficace !) c'est également laisser d'autant plus de place au spectateur pour l'investir de ses propres affects et de ses propres angoisses, en bref c'est rendre son propos d'autant plus effrayant en même temps qu'universel... Universel car au travers de personnages confrontés à des situations de crise, nous verrons que c'est bien l'Humanité entière, sa place, sa nature, ses valeurs même que Carpenter entend étudier. D'ailleurs, il sait mieux que quiconque que le cinéma fantastique, avec ses vampires, ses « choses » et autres croquemitaines, peut se révéler le vecteur (idéal ?) d'un discours d'auteur audacieux et subversif qui parle de lui, de vous, de nous, de l'Amérique, de l'Homme et qui n'hésite pas à questionner le statut même du spectateur.

Pour mener cette étude j'ai choisi d'utiliser l'ensemble de la filmographie de Carpenter à quelques exceptions près : j'ai écarté de sa filmographie les expérimentations (Dark Star, Jack Burton dans les griffes du Madarin) et les films de commande (Starman, Christine, Les Aventures d'un Homme Invisible,), ne conservant que le noyau dur son oeuvre, à savoir, par ordre chronologique de sortie : Assaut, Halloween, Fog, New York 1997, The Thing, Prince des Ténèbres, Invasion Los-Angeles, Le Village des Damnés, L'Antre de la Folie, Los-Angeles 2013, Vampires et Ghosts of Mars.

Nous mènerons cette étude en trois grande parties :

· Dans la première, intitulée L'espace cinématographique : une déclinaison du huis-clos, nous verrons comment Carpenter délimite précisément son espace filmique (lieux, temporalité...) afin de resserrer sur ses personnages un étau révélateur de leur nature profonde.

· Dans la seconde, Une montée progressive de la tension, nous étudierons la mécanique scénaristique de Carpenter qui parvient à maintenir le spectateur tout autant que le personnage dans une situation de tension permanente.

· Dans la troisième enfin, Une mythologie de l'Amérique menacée, nous découvrirons comment la notion de menace, qui traverse et structure toute l'oeuvre carpentérienne, peut se faire le vecteur d'un discours à la fois politique et philosophique bien plus large.

PLAN

I- l'espace cinématographique: une déclinaison du huis-clos.

1- un espace / temps par définition clos et hostile.

1.1- un espace clos réel ou métaphorique.

1.2- une hostilité progressive: l'espace déréglé et

contaminé.

2- un espace qui oblige à la confrontation avec l'ennemi.

2.1- une logique d'affrontements et de domination avec

un seul enjeu: la survie.

2.2- masse indistincte contre agglomérat d'identités.

3- un espace qui oblige à la confrontation avec l'autre, donc avec soi-même.

3.1- du huis-clos sartrien à la construction d'une unité dans la différence.

3.2- trouver sa voie et choisir d'être humain.

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