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Le projet de grand contournement ferroviaire du bassin parisien au depart du port du Havre dans le cadre des corridors de fret européens


par Roman Lauterfing
Université Paris IV Sorbonne - DESS Transport, Logistique et Communication 2000
  

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    Université Paris IV La Sorbonne

    U.F.R. de Géographie

    Mémoire de D.E.S.S. Transport, Logistique et Communication des échanges internationaux

    sous la direction de M. E.Auphan
    Promotion 1998/1999

    LE PROJET DE GRAND CONTOURNEMENT FERROVIAIRE DU BASSIN PARISIEN AU DEPART DU PORT DU HAVRE DANS LE CADRE DES CORRIDORS DE FRET EUROPEENS

    Roman LAUTERFING septembre 1999

    LE PROJET DE GRAND CONTOURNEMENT FERROVIAIRE DU BASSIN PARISIEN AU DEPART DU PORT DU HAVRE DANS LE CADRE DES CORRIDORS DE FRET EUROPEENS

    INTRODUCTION 6

    I. LE DEVELOPPEMENT DU PORT DU HAVRE : UNE NECESSITE 9

    A. La massification du transport maritime 9
    B. Concurrence entre « main ports » 17
    C. Le port : plate-forme de transbordement multimodale 22
    D. Le projet Le Havre « Port 2000 » 24

    a) Présentation de la plate-forme portuaire 24

    b) Le projet « Port 2000 » 26

    II. LA DESSERTE TERRESTRE DE L'ARRIERE-PAYS : LE ROLE DU CHEMIN

    DE FER 32

    A. L'importance de l'hinterland 42
    B. Irrigation des trafics entre les différents modes de transport dans l'arrière-pays

    havrais 51

    C. Un nouveau contexte propice au développement du transport ferroviaire
    D. Les navettes 57

    III. LE PROJET DE CONTOURNEMENT FERROVIAIRE DU BASSIN PARISIEN DANS LE CADRE DES CORRIDORS DE FRET EUROPEENS 63

    A. La saturation du noeud parisien 66
    B. Itinéraire et évaluation du projet 68
    C. Le projet de GCP dans le cadre des corridors de fret 77
    D. Les projets concurrents d'Anvers et Rotterdam 82
    CONCLUSION 85
    Bibliographie 87

    Face à un nouveau contexte concurrentiel européen entre les ports maritimes, il apparaît clairement que le projet du port du Havre « Port 2000 » de développement de ses capacités nautiques, d'accueil et de traitement de super porte conteneurs de plus en plus grands, est indispensable pour répondre à la politique armateuriale de rationalisation et de massification du transport maritime. L'application de ce projet permettrait à la place portuaire d'avoir l'opportunité majeure de s'affirmer comme l'un des « main ports » européens du conteneur.

    Mais la compétitivité du transport maritime se joue également à terre. La densité et la qualité de la desserte terrestre d'un port deviennent de plus en plus déterminantes dans le choix d'escale des armateurs. Les transports terrestres doivent intégrer les caractéristiques de massification pour desservir efficacement les conteneurs sur un hinterland de plus en plus grand au fur et à mesure que les frontières s'ouvrent.

    La technique ferroviaire paraît être la plus apte à répondre à ce nouveau concept de massification des dessertes terrestres sur longues distances.

    L'ouverture des réseaux nationaux, la libéralisation du mode ferroviaire et une uniformisation européenne des techniques de transport ferroviaire sont néanmoins obligatoires pour rendre ce mode compétitif et proposer une alternative à la route. Il y va de sa survie.

    C'est pourquoi le port du Havre a émis le souhait d'être doté d'une desserte ferroviaire dédiée au fret dans le cadre des corridors de fret, premiers pas vers la libéralisation du transport ferroviaire en Europe, par un itinéraire contournant un noeud parisien saturé, par la Rocade nord desservant ainsi l'est et le sud-est de la France dans un premier temps (hinterland naturel du Havre), l'Europe centrale et la fameuse « banane bleue » dans un second temps. Cet axe doterait Le Havre de conditions favorables pour étendre son hinterland et pouvoir faire face à la concurrence des grands ports européens du nord qui prennent l'Europe tout entière pour hinterland.

    L'importance de ce projet est telle que le port normand dépend en grande partie de celui-ci pour rester parmi les grands ports pivots européens.

    In order to face the growing competition between the european sea-ports in activity of super cellular ships, it is clearly necessary to develop the « Port 2000 » project, at Le Havre harbour concerning the capacity expansion, reception and treatment of bigger and bigger ships, and to answer to the shipowner's politic of rationalization and massification of maritime transport.

    The realization of this project would place Le Havre harbour amongst the main european containers ports.

    But this competition is also taking place overland.The quality and the accessibility and the land infrastructures become more and more decisive in the shipowners choices to touch at a port.

    The terrestrial transport must integrate the characteristics of massification, to convey the containers until the hinterland which are becoming bigger and bigger thanks to the opening of the frontiers.

    The rail way technic seems to be the most qualified to answer to this new concept of massification of land ways on long distances.

    The opening of the rail networks, the liberalization of the rail ways and an european rail technics uniformity are nevertheless compulsory to accord a significant place to this sector.

    That's why Le Havre harbour wish to be equiped with rail infrastructures for freight transport, following an itinerary winding round the saturated pole of Paris, serving the east and south-east of France first (natural Le Havre hinterland),then Central Europa and the famous « bleue banana ».

    This network would provide favorable conditions to extend the hinterland, in order to face the competition of the main north european sea-ports which consider all Europa as hinterland.

    This project is so important that Le Havre port is depending on this success to stay amongst the bigger european sea-port.

    INTRODUCTION

    Dans le processus de mondialisation de l'économie, les transports ont joué et jouent un rôle primordial. Le passage à la globalisation et à l'intensification des échanges internationaux a en effet été favorisé par les évolutions techniques des transports telles que l'augmentation de la rapidité et de la capacité du transport maritime, la baisse de ses coûts, sans oublier l'essor des télécommunications.

    La mondialisation de l'économie a pour effet de mettre en concurrence les économies nationales et leurs entreprises. La maîtrise des transports apparaît essentielle pour les régions ou pour les Etats, la qualité par l'abondance et la commodité de leurs infrastructures est facteur de développement économique et de compétitivité. De meilleurs transports abaissent les prix de revient, permettent d'étendre la zone de distribution des produits, concourent à une plus grande satisfaction des utilisateurs, et à une amélioration de la productivité des entreprises et surtout manifeste un accroissement des échanges. Ces échanges sont facilités par les télécommunications.

    Le transport international est donc essentiel pour l'économie nationale et au niveau de la compétitivité internationale des entreprises industrielles pour lesquelles la politique logistique et le fonctionnement des chaînes de transport se révèlent aptes à renforcer leurs positions commerciales.

    La performance en vitesse, le développement des techniques de transport combiné ou multimodal favorisent l'internationalisation de la production et des marchés. La complémentarité de tous les moyens de transport contribue au développement de la logistique car l'entreprise met l'accent sur l'optimisation du fonctionnement de l'ensemble de la chaîne de transport et sur la maîtrise de l'acheminement comme moyen de contrôle de la production et des débouchés.

    Tous ces facteurs d'intensification des échanges internationaux, d'intégration des préoccupations logistiques dans les stratégies de production ou commerciales des entreprises font que le transport international est devenu un élément capital pour la compétitivité dans ce secteur, pour les industries et l'ensemble de l'économie.

    Le développement de la grande exportation confère donc au transport un poids économique et un rôle stratégique important dans l'économie. La capacité et la rapidité des transports sont des éléments de compétitivité dans les stratégies logistiques des entreprises. Il convient alors pour les autorités nationales d'offrir des infrastructures capables d'attirer des trafics participant à l'accroissement des échanges et au développement économique de leur espace.

    Les ports maritimes apparaissent en premier lieu comme infrastructures de transport les plus importantes car ils sont l'interface directe avec le transport intercontinental par voie maritime par lequel se fait deux tiers du transport mondial de marchandises. Leur capacité à générer des trafics et à traiter le fret efficacement sont les principaux atouts d'une place portuaire. Mais l'importance du port maritime dépend également et de plus en plus de l'étendue de son hinterland, la desserte de son arrière-pays.

    En effet, les ports desservant les principales aires de distribution, de consommation et de production sur le continent tendront à devenir les principales portes d'entrée continentales de marchandises car la hiérarchie portuaire se fonde de plus en plus sur l'étendue et la desserte terrestre de l'hinterland. Car les ports représentent pour les navires intercontinentaux des points de passage obligés des marchandises mais ce ne sont que des points de transit où la marchandise change de mode. Il faut ensuite l'acheminer par voie terrestre afin de desservir l'hinterland.

    Les transports terrestres ont donc un rôle très important à jouer ici. La voie d'eau, la route et le rail bénéficient donc aussi de l'accroissement des échanges internationaux.

    Mais c'est le rail qui, en Europe, attire l'attention car il est avec les directives européennes un mode en pleine expansion au niveau intra-communautaire apportant une solution efficace à la saturation du transport routier. Les grandes places portuaires européennes projettent des lignes ferroviaires consacrées au fret desservant l'arrière-pays et les zones de distribution. L'intermodalité entre le transport maritime et le transport ferroviaire est ainsi nécessaire et même obligatoire afin d'offrir aux entreprises situées dans l'arrière-pays des solutions logistiques efficaces en matière de transport.

    Tel est le cas de la plate-forme portuaire du Havre qui, avec le développement de ses capacités portuaires, a émis le souhait d'être desservie par une ligne ferroviaire rapide et efficace consacrée au transport de marchandises. Cette ligne desservirait dans un premier temps l'est de la France en contournant le noeud parisien par le nord, l'est de l'Europe jusqu'à la frontière austro-hongroise dans un second temps. Cette ligne permettrait ainsi au port du Havre de conforter son aire d'attraction voire de l'agrandir par un moyen de transport efficace, et de concurrencer les autres ports européens ayant émis le même type de projet.

    Pourtant, on peut se demander pourquoi le rail suscite t il un tel intérêt au près des autorités portuaires européennes étant donné qu'il a été jusqu'à maintenant sous utilisé, et ce principalement au détriment de la route.

    Comment le rail peut-il contribuer au développement du port du Havre ?

    Quelles sont par ailleurs les projets du port pour faire face à la croissance du transport du transport maritime et à la forte concurrence européenne ? Pourquoi le port prône t il l'aménagement d'un grand contournement ferroviaire du noeud parisien ?

    Pour répondre à ces questions, nous étudierons dans un premier temps la nécessité de développer les capacités de traitement des marchandises du port du Havre face à la massification du transport maritime et à la concurrence européenne.

    Dans un second temps, nous développerons l'importance de l'hinterland d'un port maritime puis le rôle et l'importance du rail au sein de cet hinterland.

    Nous procéderons dans un dernier temps à l'étude du projet ferroviaire de grand contournement vers l'Est de l'Europe et l'apport prévisible de celui-ci au port du Havre.

    Il est utile de rappeler que ce projet et sa présente étude expriment la volonté seule du port du Havre de s'adapter aux nouvelles évolutions en matière de transport susceptibles d'engendrer pour le site portuaire une croissance forte et durable.

    I. LE DEVELOPPEMENT DU PORT DU HAVRE : UNE NECESSITE

    Le transport maritime connaît, depuis la mondialisation de l'économie favorisée par les évolutions techniques en matière de transport, une forte progression dans le transport de marchandises.

    L'intensification des échanges internationaux a en effet entraîné une mutation et une restructuration du transport maritime. L'augmentation de la capacité des navires et la baisse des coûts de transport ont poussé la marine marchande vers la massification des infrastructures. Les ports sont désormais contraints d'accueillir des navires de plus en plus grands avec des volumes de plus en plus importants et de les traiter dans les meilleures conditions possibles.

    Une course au gigantisme est ainsi lancée entre les différents ports européens qui revendiquent la place de porte d'entrée de l'Europe.

    Le Port Autonome du Havre qui a des atouts à faire valoir dans cette lutte a ainsi émis un projet de développement des capacités de ses infrastructures afin d'attirer une part de trafic plus importante et d'avoir des moyens efficaces et performants de réexpédition du fret dans son hintertland.

    A. La massification du transport maritime

    Le transport maritime a un rôle primordial dans le nouveau contexte de mondialisation de l'économie, processus qui se caractérise par la multiplicité des réseaux d'échanges transnationaux, l'intensification de la circulation des flux de marchandises à l'échelle mondiale, la prédominance des télécommunications et la concentration des activités de production entre un nombre réduit de régions économiquement dynamiques. Les échanges se développent mais se concentrent en quelques grands pôles correspondant aux pays développés de l'hémisphère nord et notamment les pays de la Triade Amérique du Nord/ Union Européenne/Asie du sud est (Japon). Les échanges mondiaux de conteneurs sont principalement effectués entre ces régions industrialisées. Le fait est que les échanges est/ouest sont deux fois plus importants en volume que les flux nord/sud entre les pays industrialisés et ceux en voie de développement.

    En 1996, les trois zones géographiques réalisent 81,7% du trafic conteneurisé mondial.

    Ce sont :

    · l'Extrême-Orient avec 44% (69,32 Mio EVP)

    · l'Europe avec 23% (36,26 Mio EVP)

    · et l'Amérique du Nord avec 14,7% (23,19% Mio EVP)

    L'Asie, qui a multiplié par près de 8 son trafic en 15 ans, alors que l'Europe n'a que triplé son activité durant le même temps, affirme désormais son hégémonie sur la scène mondiale.

    Les entreprises de leur côté s'ouvrent et fonctionnent sur un espace de plus en plus large par-dessus les frontières ; elles dispersent leurs activités, se délocalisent afin de conquérir de nouveaux marchés et trouver des conditions optimales de fonctionnement notamment pour la main d'oeuvre. Cette évolution se réalise à l'échelle mondiale grâce aux télécommunications et aux techniques de transport. Ces derniers étant de plus en plus performants, les distances temps et les coûts d'exploitation sont par conséquent réduits

    Les causes de succès du transport maritime de biens matériels sont donc évidentes :

    · nécessité d'utiliser les voies maritimes pour des échanges de plus en plus longs et de plus en plus volumineux à un coût avantageux

    · capacité de flexibilité (le transport maritime peut acheminer toutes sortes de marchandises)

    · grande sécurité du fret transporté

    Le transport maritime est parfaitement adapté au gigantisme des infrastructures. L'absence totale d'infrastructure linéaire du transport maritime admet la massification des volumes par le gigantisme des navires.

    La massification est la forme la plus spectaculaire de la mutation du transport maritime : pétroliers géants, super porte-conteneurs, infrastructures terminales de plus en plus lourdes, aires de stockage de plus en plus étendues.

    Le gigantisme répond à la recherche d'une productivité de plus en plus grande en matière de transport maritime : il ne provoque pas de réduction de la vitesse, le chargement et le déchargement se déroule plus rapidement, la construction des navires est moins coûteuse (leur nombre est plus réduit), l'exploitation est moins onéreuse car plus le navire est plus grand, moins la consommation d'énergie est importante, et les effectifs des équipages sont plus réduits.

    Le transport maritime répond donc aux exigences de l'exploitant pour qui le gigantisme réduit les coûts et permet d'offrir aux entreprises des coûts de transport plus compétitifs.

    Le transport maritime rentre donc largement en compte dans les stratégies logistiques des entreprises visant à fournir un produit disponible en un lieu et au moment voulu selon le meilleur rapport coût/efficacité.

    Part du trafic conteneur dans l'ensemble du trafic maritime en 1988 et 1995

    1988

    32,8%

    1995

    38,3%

    L'importance des investissements nés des techniques modernes du transport maritime (navires porte-conteneurs, parcs de conteneurs, navires rouliers) a incité les compagnies maritimes à s'unir dans des pools pour exploiter ces matériels. Ces accords sont aujourd'hui très nombreux et les grandes compagnies-conférences travaillent en pool sur la plupart des lignes qu'elles exploitent. Le stade suivant d'intégration du transport maritime consiste à mettre en commun l'ensemble des moyens humains et commerciaux en créant une entité dans laquelle les compagnies s'effacent derrière une dénomination commune et élaborent ensemble leur stratégie commerciale. Ces conventions sont appelées « consortiums ».

    Ainsi, des anciennes conférences, ententes d'entreprises juridiquement indépendantes constituées dans les années 1970 afin d'assurer une desserte régulière à des tarifs stables, en prévoyant les ports d'escale, la fréquence des touchés, le partage du fret, sont nés des regroupements plus ou moins intégrés sous forme de pools ou de consortiums allant jusqu'à assurer en commun le financement des navires porte conteneurs. A la différence des conférences maritimes, pools et consortia, ne visent pas seulement à régulariser le remplissage des navires et les taux de fret. Ils se manifestent par la création d'entités juridiques ad hoc : G.I.E. ou sociétés, gérées indépendamment des compagnies fondatrices.

    Les pools sont des accords entre compagnies visant à répartir le trafic conteneurisé en mettant en commun les moyens d'exploitation et éventuellement les recettes et dépenses. L'objet du pool porte essentiellement sur l'harmonisation horaire, les échanges d'espaces à bord des navires (slots), chaque compagnie conservant sa propre politique commerciale et son réseau d'agences. Au sein d'un consortium, l'intégration porte sur les espaces navires, les horaires, les recettes et dépenses et peut atteindre la gestion commerciale voire financière des navires porte conteneurs.

    Mais l'augmentation des immobilisations en navires avec la généralisation des navires overpanamax et la nécessité commerciale d'améliorer les coûts à des fins de compétitivité, par l'optimisation des moyens techniques, ont conduit dernièrement à l'éclatement des consortia intégrés et à leur remplacement par des nouvelles entités entre armements dites « méga-alliances ». Ces méga-alliances regroupent les capacités de transport de leurs adhérents dans une offre de services commune à la clientèle. Elles permettent d'offrir jusqu'à 4 départs hebdomadaires par zone géographique.

    Cinq alliances ont été ainsi créées entre 1995 et 1998 sur la relation Europe/Extrême-Orient :

    · GLOBAL ALLIANCE rassemblant les armements APL/MITSUI OSK/NEDLLOYD MISC et OOCL

    · GRAND ALLIANCE entre HAPAG LLYOD/NYK/NEPTUNE ORIENTAL LINES/P&OCL

    · ALLIANCE entre MAERSK/SEALAND

    · K LINE/YANG MING & COSCO

    · NORASIA/HYUNDAI & MSC

    La réponse donnée par les armements aux impératifs de productivité, qualité de service et rentabilité, ne s'est pas limitée aux nouvelles formes de partenariat et à l'augmentation de la taille des navires. La réorganisation des procédures a concerné également la configuration des dessertes portuaires en instituant une différenciation au sein des services maritimes. Traditionnellement, les lignes régulières maritimes étaient organisées selon des déplacements pendulaires de navires entre deux continents.

    La première innovation a été la création de lignes autour du monde en 1984 par l'américain APL, suivi du taïwanais EVERGREEN dont les navires enchaînent les traversées transpacifiques et transatlantiques en circulant, pour les uns, dans le sens « eastbound » (navire allant vers l'est), et pour les autres, dans le sens « westbound » (navire allant vers l'ouest). Aujourd'hui, ce concept de desserte autour du monde n'a pas été généralisé, seuls les armements EVERGREEN, CGM, OCL et TRICON ont adopté ce type d'organisation.

    La seconde mutation qui a affecté l'ordonnancement des lignes régulières résulte de la volonté des armements de réduire le nombre de touchés des navires transocéaniques et de structurer leurs dessertes entre des ports pivots (main ports), et des ports satellites dont la hiérarchisation est en cours de renforcement du fait de l'introduction des navires overpanamax.

    Les armateurs ont donc développé des navires porte-conteneurs d'une capacité d'environ 7000 EVP ne desservant qu'un nombre restreint de ports ayant des fonctions très développées de collecteur et de distributeur car les porte-conteneurs ne desservent que des plates-formes de transbordement multimodales desservant efficacement les UTI sur l'arrière-pays.

    Les UTI (Unités de Transport Intermodal) ont également largement contribué à la massification du transport maritime. Appelées plus couramment conteneurs, ces unités sont des boites normalisées qui permettent un rangement beaucoup plus rationnel dans les navires, l'augmentation des capacités et l'abaissement des coûts de transport. Le conteneur protège la marchandise qu'il contient et permet grâce à ses dimensions normalisées d'accélérer les temps de chargement et de déchargement et la vitesse de rotation des navires. Une des principales vertus du conteneur est d'autoriser la combinaison des différents modes de transport, sans rupture de charge. La spécificité du conteneur d'être standard et interchangeable en fait un moyen de transport extrêmement pratique dès qu'il s'agît d'un transport intermodal, d'où l'appellation d'Unité de Transport Intermodale.

    EVP= conteneur équivalent 20 pieds. Unité servant à mesurer la capacité des navires et à quantifier les trafics de conteneurs. Il existe deux types de conteneurs aux normes ISO(International Standard Organisation, organisation internationale de normalisation) : les 20 pieds et les 40 pieds. Un conteneur de 40 pieds = 40/20 = 2 EVP.

    Dans un premier temps, la massification a mis l'accent sur la taille des navires grâce à la révolution du conteneur qui a permis la marginalisation du transport des biens diversifiés.

    La massification du trafic maritime a donc entraîné la nécessité pour les armateurs de couvrir l'ensemble du marché mondial, car plus un navire a une grande capacité, plus la charge est élevée, plus les escales sont longues, moins nombreux les ports touchés, plus longues les distances entre les ports. La concurrence entre les armateurs est aussi devenue très forte : les plus grands s'agrandissent et les petits disparaissent. La compétition les a contraints à augmenter la fréquence de leurs dessertes tout en comprimant les coûts, et la solution a été la croissance de la taille des navires et le regroupement des armements, et ce qui entraîne l'élimination de certains ports.

    Pour l'essentiel, l'économie maritime se caractérise donc aujourd'hui dans le sillage de la globalisation et de la croissance du commerce intercontinental, par la concentration des grands armements qui s'associent ou fusionnent, par un changement d'échelle des bateaux mis en ligne et des infrastructures terminales de transbordement.

    Accompagnant cette évolution, le nombre des ports touchés diminue au profit de ceux d'entre eux ayant une dimension continentale : le volume nécessaire pour justifier l'escale augmente en effet avec la taille des navires.

    Les ports ayant des capacités d'accueil très importantes seront donc choisis pour traiter les porte-conteneurs géants. Se livre alors une véritable course au gigantisme également au niveau des infrastructures terminales afin d'attirer les navires géants empruntant les grands boulevards maritimes.

    C. Concurrence entre « main ports »

    Avec la multiplication des très gros navires et le phénomène de jumboïsation que connaît la marine marchande, on assiste à une concentration des flux en raison d'une recherche frénétique d'économie de temps et d'échelle, vers un nombre réduit de ports de transbordement. Ce mouvement de concentration des trafics sur les main-ports (ports principaux) de groupage-dégroupage au détriment de la desserte multipolaire rend plus intenses les rivalités entre les ports européens. Actuellement, chaque port prétend être la porte d'Europe.

    Le rôle des ports est donc particulièrement important : les moments cruciaux d'un transport sont les déplacements en ligne des navires (vitesse, capacité, sécurité, fiabilité), mais aussi et surtout les opérations aux extrémités de manutention, chargement et déchargement, la plupart longues et coûteuses. C'est sur les phases d'immobilité et non de mouvement que se concentre l'attention.

    En effet, la mise en service de véritables « mastodontes » flottants et leur exploitation par des méga-consortiums ou méga-alliances ne peut que renforcer la tendance à la concentration des trafics sur un nombre de ports de base limité sur chaque continent, soit deux ou trois en Europe. Or, si le port ne peut répondre à l'attente des grands armateurs, non seulement il ne pourra suivre le taux de croissance attendu du trafic en Europe du Nord (+8% par an du trafic conteneur) mais il sera relégué dans la catégorie des ports secondaires (ports satellites) qui seront desservis par de grands « feeders » de 2000 à 3000 EVP depuis les ports pivots, ou main ports, avec en perspective le déplacement des activités industrielles et commerciales vers ces ports principaux. L'accueil des grands porte-conteneurs de 6000 à 8000 EVP nécessitera donc des capacités nautiques que peu de ports sont susceptibles d'offrir.

    L'enjeu est donc de tout premier ordre. Les candidats aux main-ports vont se livrer une véritable bataille pour accéder à ce statut.

    Il s'agît donc pour les grands ports européens tels que Rotterdam, Anvers, Hambourg, Brême, Le Havre... d'être capables de traiter dans des conditions optimales de fiabilité, les escales des méga porte-conteneurs alignés par les grands armements.

    Car, en raison de l'impérieuse nécessité de rentabilité, le navire ne reste plus la majeure partie du temps aux escales pour le déchargement ; il tend à être toujours en mouvement, perpétuellement en fonctionnement. La poursuite de cet objectif implique au sein des installations portuaires la simplification des opérations de manutention, l'utilisation des unités de charge (conteneurs), la spécialisation des opérations de transport par l'introduction des techniques visant à simplifier, voir à supprimer les opérations de manutention afin d'accélérer la vitesse de rotation des navires. Le chargement et le déchargement des grands navires modernes requièrent de plus des équipements portuaires spécifiques. Ces équipements (bassins, portiques, matériels et aires de stockage) permettent une production très élevée (2 minutes pour l'empotage et le dépotage d'un conteneur) mais représentent un investissement considérable.

    La rentabilisation de tels équipements (navires et installations portuaires) exige donc une concentration du trafic sur un nombre limité de ports d'une même façade maritime, des navires de moindre capacité, les feeders, desservant ensuite les ports secondaires à partir de ces ports principaux. Cette concentration continuera à s'exercer dans l'avenir au profit des ports les plus importants, et des détournements de trafic de plus en plus amples à prévoir, tant à l'importation qu'à l'exportation.

    Le feedering consiste à organiser des transbordements dans un port intermédiaire dit port pivot ou hub entre un navire feeder et un navire transocéanique dit navire-mère afin d'éviter à ce dernier d'avoir à faire escale dans tous les ports du continent. Les Iles britanniques, la Scandinavie, la péninsule Ibérique sont très fréquemment desservies de la sorte depuis Rotterdam, Hambourg ou Le Havre. Le trafic feeder concerne aujourd'hui au Havre entre 12 et 13% du trafic.

    Notons que le trafic en tonnage d'un port reflète de moins en moins la qualité des infrastructures portuaires. C'est la diversité des marchandises traitées, les services présents (accueil, entretien, réparation, restauration, douanes, etc...), la gestion de stocks, du conditionnement, d'étiquetage, la qualité des unités de manutention, la commodité des infrastructures qui définissent la valeur des équipements portuaires. Ces caractéristiques sont susceptibles de capter les trafics des catégories de marchandises à forte valeur ajoutée (les conteneurs par exemple dont la valeur ajoutée est 12 fois plus forte que celle des hydrocarbures).

    La rationalisation du travail portuaire et la réduction du nombre des dockers sont également à l'ordre du jour afin d'augmenter la productivité et d'offrir des tarifs d'escale compétitifs. Les écarts du coût de la main d'oeuvre se répercutent dans le prix de l'escale : pour décharger un porte-conteneurs, il faut au Havre 19 hommes contre 10 seulement à Anvers ; pour un conteneur, le coût de la manutention atteint en 1991 1125 fr. au Havre et 750 fr. à Anvers.

    Les grands ports européens disposent de très vastes espaces qui permettent la polyvalence, ce sont des organismes polyfonctionnels offrant une diversité d'équipements marqués par la multiplication du nombre de bassins (Hambourg : 65 bassins). La longueur de quai est aussi un indice de capacité de réception des grands navires (Rotterdam : 40 km de longueur de quai).

    La tendance actuelle pour les autorités portuaires est de développer les capacités d'accueil des super porte-conteneurs dont la valeur ajoutée et la généralisation dans le transport maritime les rendent incontournables.

    En effet, le transport de conteneurs a largement contribué à la massification du transport maritime et aux mutations qui s'en sont suivies. Les méga porte-conteneurs utilisent un réseau de lignes limité desservies par quelques grands ports seulement. La concurrence entre les principaux ports d'une même façade maritime est très forte.

    Aussi, les porte-conteneurs géants ne desservent que les ports majors qui ont la capacité d'écouler les biens grâce à un réseau terrestre diversifié, étendu et dense.

    Le port major devient par conséquent un grand centre d'échanges intermodal, porte d'accès au continent.

    En Europe, au point de vue géographique, la répartition des ports est asymétrique : l'essentiel des ports est installé sur le littoral continental de la mer du Nord (le Northern Range). La proximité géographique de ports tels que Rotterdam, Anvers, Le Havre, Hambourg, Brême ne peut que renforcer une concurrence déjà très forte.

    Néanmoins, le port de Rotterdam apparaît comme le main port européen.

    Les critères de choix d'une escale :

    1. accueil et traitement du navire

    2. traitement et évacuation ou rassemblement de la marchandise

    3. positionnement maritime de l'escale par rapport à l'itinéraire du service

    4. qualité nautique des accès et du port

    5. positionnement du port par rapport aux pôles économiques du continent

    6. qualité et dimension du système de distribution disponibles ou offerts par le port

    7. existence et localisation des autres ports substituables pour la satisfaction de l'un ou l'autre critère le cas échéant

    C. Le port : plate-forme de transbordement multimodale

    La Commission Européenne a pris conscience du rôle primordial des plates-formes de transbordement en travaillant sur le schéma directeur des ports maritimes. Ces derniers représentent un secteur clé pour le transport européen et pour l'économie européenne puisqu'ils sont l'interface entre l'Union Européenne et les autres continents. La fonction maritime est l'élément moteur de l'activité économique.

    Les ports représentent, pour les trafics intercontinentaux, des points de passage obligés des marchandises qui y sont collectées et traitées mais ce ne sont que des points de transit où le fret change de mode de transport. Il faut ensuite l'acheminer par voie terrestre afin de desservir l'hinterland ou le charger à bord des navires (après le pré-acheminement terrestre) pour l'expédier.

    En cela le port maritime ressemble de beaucoup à une plate-forme multimodale, la porte d'accès au continent. Il est l'interface entre le transport maritime et les transports terrestres.

    Ainsi, les nouvelles conditions de navigation (gigantisme) créent des arrivées massives et par vagues de marchandises, nécessitant de bons systèmes de transports terrestres afin d'évacuer rapidement les zones de stockage.

    La multimodalité, ou intermodalité, ou encore le transport combiné consistent alors à utiliser deux ou plusieurs de transport en vue de l'acheminement de marchandises groupées en unités de charge. En effet, le transfert d'un mode de transport à un autre peut s'effectuer sans dissociation de l'unité de charge (conteneur) du lieu d'expédition au lieu de destination grâce à un matériel approprié : portiques puissants, chariots cavaliers...

    Parmi les techniques utilisées dans les transports multimodaux, la conteneurisation a de nouveau joué un rôle très important dans le développement de la technique intermodale :  les conteneurs sont une solution en développement pour le problème des ruptures de charge, ils sont interchangeables d'un mode de transport à un autre et favorisent ainsi le développement de la logistique qui requiert la complémentarité de tous les modes de transport pour une meilleure efficacité mais aussi la réduction des coûts de transbordement par la simplification et l'accélération des opérations de manutention.

    Dans le cadre d'un transport intermodal, on distingue trois phases :

    § le pré- et/ou post-acheminement

    § le transport principal, sur longue distance assurée par un mode de transport compétitif

    § à l'interface des deux, les plates-formes intermodales s'occupant du transbordement des UTI d'un mode à l'autre

    Les UTI constituent le dénominateur commun à l'ensemble des modes de transport. Chaque acteur de la chaîne intermodale doit obligatoirement se doter d'équipements spécifiques permettant d'acheminer les UTI.

    Ainsi, l'attraction est maximale si aux qualités d'accessibilité et de desserte s'ajoute l'efficacité portuaire. Dans le choix des chargeurs et des armateurs, les facilités de transbordement, la rupture la moins sensible de la chaîne logistique sont en effet de plus en plus décisives. Les ports cherchent ainsi à devenir des centres intermodaux compétitifs avec des terminaux intégrés très performants. Les techniques les plus efficientes sont mises au service des objectifs de rapidité, capacité et fiabilité.

    La recherche de la compatibilité entre modes ou entre techniques de transport était un objectif important pour améliorer le rapport coût/efficacité et augmenter la productivité : tel est le sens de la conteneurisation du transport de marchandises. Pour les entreprises, le coût du transport est un élément de compétitivité des produits et la maîtrise de la chaîne, un moyen de mener une politique de pénétration ou de contrôle des marchés.

    Les super porte-conteneurs ne desservent donc que les installations terminales de grande envergure bénéficiant d'infrastructures terrestres importantes pour acheminer les conteneurs dans l'arrière-pays.

    La multimodalité apparaît donc comme un élément déterminant dans la compétition que se livrent les grands européens pour attirer les conteneurs.

    Les deux grands ports du Bénélux fondent leurs activités dans une très large mesure sur le transbordement. A Rotterdam, la proportion de conteneurs faisant l'objet d'un transbordement est de 50%, à Anvers de 55%. L'importance du transbordement atteste l'impact qu'ils exercent l'un et l'autre sur le choix des grands opérateurs maritimes.

    Pour traiter le trafic de conteneurs qui progresse en moyenne de 8% par an en Europe, les grands établissements portuaires aménagent de vastes terminaux spécialisés. La plupart des places portuaires européennes ont des projets de développement et d'aménagement de leurs infrastructures, à Hambourg comme à Rotterdam avec la Maasvlakte et au Havre avec Port 2000.

    D. Le projet Le Havre Port 2000

    a) Présentation de la plate-forme portuaire

    Planté devant l'Atlantique, ce port de mer en eau profonde n'est pas affecté par les marées. Tous les ports n'ont pas cette chance. Avec une quinzaine de mètres de profondeur, plus sept mètres de marnage, Le Havre peut recevoir les gigantesques porte-conteneurs qui présentent un tirant d'eau de 14 mètres. Le Havre est le seul port, pour l'instant, à pouvoir recevoir des 6000 EVP, avec Rotterdam et ce, sans contrainte de chenalage ni de franchissement d'écluse. Les armements ont la certitude de toujours pouvoir y utiliser leurs navires à pleine charge. L'accueil futur d'unités de 8000 EVP ne devrait pas non plus poser de problème : elles ne s'enfoncent guère plus ; l'augmentation de capacité est obtenue par une plus grande largeur. Le port bénéficie également de sa situation géographique de 1er port touché à l'importation et de dernier à l'exportation à seulement 15 heures de navigation de l'Atlantique.

    Depuis 1986, le port du Havre est entré dans une nouvelle phase de prospérité et ce sont aujourd'hui les marchandises diverses qui le hissent au rang des premiers ports européens et en font le premier port français pour le trafic conteneurisé avec 50% du trafic national.

    Le port dispose pour les importateurs et exportateurs d'infrastructures d'accueil leur permettant toutes les fonctions logistiques (stockage, emballage, conditionnement...).

    Le Havre dispose à proximité de ses quatre km de quai, de 150 hectares de stockage, 8 hangars totalisant 88 000 m², 13 portiques de 40 tonnes, 7 portiques ferroviaires de 42 tonnes.

    La compétitivité du port a été obtenue à la suite de la réforme législative de la manutention : le port a vu ses prix baisser, les frais d'embarquement et de débarquement aux terminaux à conteneurs ont été réduits.

    Certains indicateurs permettent d'estimer le poids du port du Havre dans la dynamique économique régionale : l'activité portuaire génère un flux économique estimé à 800 millions de francs, la valeur ajoutée engendrée par le port et la communauté portuaire est estimée à 2 milliards de francs et le port apporte environ 500 millions de francs à la Seine Maritime.

    Aujourd'hui, le développement du port du Havre s'inscrit dans le cadre d'un développement régional.

    Devant la nécessité d'avoir une communauté portuaire plus soudée pour faire face à la concurrence, l'association Port Alliance a été créée en 1986 avec l'appui pu Port Autonome. Port Alliance, dont le rôle est de promouvoir la place portuaire sur le plan national et international regroupe :

    § Le Port Autonome du Havre

    § La Chambre de Commerce et d'Industrie du Havre

    § La communauté portuaire du Havre : l'UMEP (Union Maritime et Portuaire)

    Le Havre représente 7,5% des parts du marché des conteneurs du Range du Nord-Ouest (5e position mais part de marché qui progresse le plus vite). L'objectif pour le port est d'atteindre les 10%.

    Le port normand a bénéficié de l'abondance des vracs énergétiques qui ont pesé 46,6 millions de tonnes dont 37 de pétrole brut, 5,2 de produits raffinés et 3,9 de charbon...

    Dans le cadre d'une croissance globale à deux chiffres, les Havrais ont également établi un nouveau record en matière de trafic des conteneurs avec 1,32 million d'EVP, soit environ 60%du trafic spécifique total des ports de l'Hexagone.

    Parmi les 66,9 millions de tonnes tarifées par le port du Havre en 1998 (dont 16 millions de tonnes de marchandises diverses), plus de la moitié (52% du tonnage net) concerne le transport combiné.

    b) Le Projet Port 2000

    Le projet répond à un enjeu de taille, qui ne concerne pas seulement la place havraise et ses emplois, mais l'économie française tout entière.

    En effet, comment rester indifférent en effet au sort de l'outil portuaire de l'Hexagone, alors que les trafics perdus au profit d'Anvers et Rotterdam signifieraient à long terme délocalisations et dépendance accrue vis-à-vis de chaînes logistiques étrangères ?

    Rappelons que l'enjeu portuaire conféré au port du Havre répond à une stratégie économique d'avenir très importante : les Etats de l'Union Européenne perdront leur spécificité économique et s'unifieront en matière de politique fiscale, monétaire et budgétaire, que les personnes, les capitaux et les services seront de plus en plus mobiles et ressentiront moins les frontières. Alors, de plus en plus, la bonne dotation en infrastructures d'un pays deviendra un atout économique encore plus important, car à l'effet macro-économique révélant les externalités spatiales s'ajoutera l'effet de localisation préférentielle par rapport aux autres pays. Ainsi, dans un monde communautaire dont les règles de fonctionnement échapperont de plus en plus aux Etats, la politique d'infrastructures risque de devenir une des rares armes dont ils puissent disposer à leur gré, et qui présentera pour eux d'autant plus d'intérêt qu'elle est efficace.

    Le projet Port 2000 matérialise donc l'ambition de la communauté portuaire havraise de voir s'inscrire dans l'estuaire de la Seine les équipements permettant d'accueillir et de traiter les plus grands porte-conteneurs et d'en fixer durablement les escales. L'enjeu est de taille pour la porte « océane » mais aussi pour la France qui a besoin de places portuaires d'envergure internationale, capables d'intégrer les impératifs communautaires et les défis mondiaux. Car l'évolution actuelle du trafic de marchandises au Havre en constante progression amplifie le besoin urgent de Port 2000. Avec les 1 320 000 EVP qui y ont été traités en 1998, le port du Havre se situe honorablement sur l'échiquier européen. En 1998, le trafic des conteneurs est en augmentation de 11,2%, croissance nettement supérieure à celles d'Anvers et Rotterdam.

    Il y a donc urgence, au rythme actuel de la croissance de l'activité conteneur au Havre, la saturation des infrastructures menace.

    Dans cette concurrence européenne, Rotterdam, premier port européen avec ses quelques

    3 700 000 EVP est indétronable. En revanche, Le Havre -qui a passé le million de conteneurs depuis 1996- veut tenter de se positionner face à Anvers et Hambourg afin d'attirer sur ses quais la massification des flux de conteneurs. Massifier est le maître mot de la démarche, que les conteneurs viennent par terre ou par mer, et pour fidéliser la clientèle armateuriale.

    Cependant, les autres places portuaires européennes ne restent pas l'arme au pied. Des efforts sont déployés tant à Rotterdam qu'à Anvers, pour accélérer la vitesse de rotation des navires et l'écoulement du fret dans l'arrière-pays, avec des dotations publiques de loin supérieures à ce qu'elles peuvent être dans l'Hexagone. En France, les investissements des établissements portuaires sont majoritairement financés par leurs recettes propres. C'est ainsi que le projet Port 2000 d'un enjeu éminemment national a été émis par la communauté portuaire elle-même et transmis au Ministère des Transports. L'enquête d'utilité publique est prévue fin 1999 et la décision du Ministère des Transports attendue dans la foulée, début an 2000.

    Coût de l'opération : 3,1 milliards de francs avec la mise en service de la première tranche dès 2002 pour éviter la saturation.

    Pourquoi Port 2000 ?

    D'abord, l'activité portuaire et les activités industrielles liées représentent aujourd'hui 30%des emplois dans le bassin d'emplois du Havre. Les conteneurs, avec 20% des tonnages et 40% des escales, sont le principal générateur d'emplois portuaires.

    L'accueil des navires, la manutention, les activités de stockage/manutention et le transport de conteneurs emploient en gros 8000 personnes sur les 13000 occupées dans les professions portuaires et logistiques.

    Port 2000 répond à la globalisation de l'économie, la croissance du commerce international et la massification des transports en agrandissant ses capacités d'accueil et de traitement. Ensuite, en jouant sur sa situation géographique -premier port touché à l'entrée du continent, dernier port touché en sortie-, sur ses accès nautiques, sur Port 2000, Le Havre peut espérer revendiquer une place majeure dans le cercle restreint des grands ports européens.

    Comme ailleurs en Europe, les terminaux havrais ont été mis en place les uns après les autres au fur et à mesure des besoins. Ils ont été construits entre 1968 et 1994 ; 4 d'entre eux sont implantés, à raison de deux chaque fois, au nord et au sud du bassin de marée ; deux autres se situent derrière l'écluse François 1er. Cette dispersion limite la productivité tant pour leur fonctionnement que pour leurs dessertes terrestres. La longueur et la disposition des quais ne permettent pas toujours un positionnement optimal des navires. Les terre-pleins en retrait des quais s'avèrent insuffisants, en tout cas pas assez profonds.

    Les cinq terminaux à conteneurs du port normand sont disséminés en plusieurs points, ce qui allonge le temps de manutention et de formation des trains, qui doivent tous passer par le triage havrais de Soquence. Or, le chantier de Soquence hérite d'une conception qui date de 1925, orientée plein ouest (vers l'avant-port), alors que les activités portuaires se sont déplacées, depuis cette époque vers le sud et l'est (la zone industrielle). D'où un rebroussement obligatoire et une limitation de la longueur des convois à celle des voies, 700 mètres au maximum. Aujourd'hui, entre le chargement d'un conteneur sur un terminal portuaire et son expédition depuis Soquence, il faut compter jusqu'à 10 heures de délai. Des évolutions structurelles et organisationnelles sont ainsi nécessaires.

    Par une utilisation optimale des espaces disponibles, la restructuration de certains terre-pleins, la reconfiguration de certains portiques, la mise en place de liaisons en site propre entre terminaux, Le Havre a su jusqu'ici pallier ces inconvénients et accompagner l'évolution des trafics. L'outillage sera prochainement renforcé par l'acquisition de deux portiques overpanamax. Cependant, ces mesures s'avèreront insuffisantes pour répondre à la demande, la saturation menaçant.

    L'évolution récente des trafics a poussé le port à envisager une restructuration complète de ses infrastructures pour faire face à l'intensification des échanges internationaux. De nouvelles capacités seront donc nécessaires pour répondre à la croissance des trafics, capacités performantes et concentrées.

    Avec des terminaux concentrés sur un même site, bien ordonnés et bien connectés aux dessertes terrestres, le service tant au navire qu'à la marchandise ne pourra qu'y gagner. Les temps d'escale pourront être réduits, les coûts aussi en évitant de nombreux transferts de boites d'une installation à une autre. A la clé, des économies de manutention très significatives et des gains de temps de deux à trois heures sur l'expédition d'un conteneur, ce qui est loin d'être négligeable pour un transitaire ou un chargeur.

    En plus de la restructuration fonctionnelle du port, de l'agrandissement des capacités d'accueil des navires et la fourniture du matériel adéquate, l'augmentation attendue sur chaque mode terrestre impose de développer pour les trois modes des aménagements performants en termes de capacité et de compétitivité pour l'accès et la desserte des terminaux. Les infrastructures ferroviaires se situeront donc à proximité immédiate des terminaux et permettront la constitution de trains complets pouvant gagner directement le réseau national. Les terminaux eux-mêmes seront concentrés, formant une suite ininterrompue de postes à quai avec les terre pleins attenants.

    Dans l'espace situé au sud de la darse de l'Océan, de nouvelles infrastructures fluviales, ferroviaires et routières seront réalisées à proximité immédiate des quais.

    Les études du projet Port 2000 intègrent la desserte ferroviaire des nouveaux terminaux qui y sont envisagés. Il est prévu, notamment, d'y créer un grand chantier ferroviaire unique, facilitant la constitution et l'évacuation rapide des trains complets pouvant directement rejoindre le réseau ferré national.

    Pour le fluvial, le passage direct dans l'actuelle digue sud permettrait aux barges fluviales de desservir directement les quais (terminal dédié fluvial). La desserte routière des terminaux devrait également être améliorée.

    Objectif du PAH : 12 km de quais pour porte-conteneurs en 2050 avec en première phase l'aménagement d'un quai initial de 700 mètres de long et 35 hectares de terre-pleins et en deuxième phase un 2e quai de 700 mètres de long. Les deux quais réunis permettraient de traiter 700 000 EVP supplémentaires par an.

    La logique de la massification impose donc aux autorités portuaires de développer leurs infrastructures d'accueil et de traitement des navires, mais aussi de nouvelles dessertes proches des nouveaux terminaux pour évacuer rapidement le fret dans l'hinterland.

    En effet, pour affronter la concurrence européenne et proposer à la clientèle française et européenne une alternative à Anvers et Rotterdam, Le Havre a absolument besoin, outre Port 2000, de liaisons terrestres performantes pour le pré- et post-acheminement des marchandises. Port 2000 ne sera rien sans logistique adéquate, sans manutention compétitive, et surtout, sans desserte terrestre efficace, car c'est l'une des conditions majeures de l'élargissement de la porte « océane ».

    C'est ainsi que le Port Autonome du Havre soutient un projet d'aménagement d'une ligne ferroviaire performante en termes de coût et de rapidité, dédiée au fret, qui lui permettrait d'étendre son aire de distribution et son influence sur l'arrière pays européen.

    Cependant on peut se demander pourquoi le mode de transport ferroviaire suscite t'il ainsi aujourd'hui un vif intérêt alors que le port et l'Etat ont toujours favorisé jusqu'à lors la desserte routière ? Quels sont les atouts du fer par rapport aux autres modes de transport ?

    II. LA DESSERTE TERRESTRE DE L'ARRIERE-PAYS : LE ROLE DU CHEMIN DE FER

    Les ports européens sont aujourd'hui engagés dans une course au gigantisme nécessitant de bons systèmes de transport terrestre afin d'évacuer rapidement les zones de concentration et de stockage des marchandises à proximité des ports. Le rôle des transports terrestres dans la desserte de l'arrière-pays est donc considérable. Leur capacité et leur étendue seront facteur de compétitivité pour le port qu'ils desservent. Dans ce contexte, le port du Havre doit optimiser ses réseaux terrestres existants, et notamment développer les potentialités du mode ferroviaire.

    A. Importance de l'hinterland

    L'importance de la desserte de l'arrière-pays revêt en effet une importance capitale pour les grandes places portuaires européennes.

    La notion d'hinterland, jadis strictement régionale, résulte désormais de la nouvelle géographie économique de l'Europe avec l'ouverture des pays de l'Est, l'accroissement de la dimension continentale européenne. Les grands ports, qui doivent déjà faire face à la réduction du nombre des escales des navires, doivent maintenant envisager un hinterland profond de 1500 à 2000 km, à moins de perdre leur statut.

    L'attention portée aux équipements nautiques et portuaires n'a aujourd'hui d'égale que celle accordée aux transports terrestres. Du nord au sud de l'Europe, le constat est le même : la bataille du conteneur se gagne à terre.

    Avec la dépréciation des frets maritimes, le prix de l'acheminement terrestre gagne en importance dans la chaîne du transport au point de devenir parfois prépondérant.

    Au départ de New York par exemple, l'acheminement d'un conteneur vers Le Havre ou Hambourg coûte sensiblement la même chose. La plus-value se fait sur le transport terrestre. Sur un parcours Chicago/Munich, le transport terrestre représente 45% du coût total. Ce seront donc la vitesse du parcours terrestre et son coût d'acheminement qui guideront le choix du port par l'armateur.

    Compte tenu des délais d'empotage et de dépotage à terre, des durées d'acheminement terrestre et des stationnements prolongés liés aux ruptures de charge, un conteneur passe 2/3 de sa durée de sa vie à terre et 1/3 en mer, et les coûts. Les grands armements se sont alors eux aussi introduits dans l'organisation des déplacements terrestres de conteneurs. En 1990, les armements réalisaient plus du tiers de leur chiffre d'affaires hors du transport maritime (31% pour la CMB, 44% pour la CGM et 58% pour Nedlloyd).

    Les armateurs intègrent l'acheminement terrestre des conteneurs à leur prestation globale pendant que les chargeurs gardent la maîtrise des flux terrestres. C'est le carrier haulage. Celui-ci permet de dégager de nouvelles sources de profit car il permet à la compagnie maritime (armateur) de faire sa marge sur le transport terrestre. Les barèmes de frets étant fixés dans le cadre des conférences, le carrier haulage a permis à la compagnie d'offrir des prix de bout en bout inférieurs à ceux de la concurrence, sans transgresser le barème de la conférence. Pour ce faire, de nouveaux systèmes de cotation de bout en bout (door to door) ont été instaurés destinés à opacifier vis à vis des clients les composantes du prix global facturé et tout particulièrement la répercussion d'une part non négligeable des frais de passage portuaire (CSC Container Service Charges et THC Terminal Handling Charges) qui sont facturés par l'exploitant du terminal à la compagnie maritime qui en prend en charge 20% au titre du navire et redébite les 80% restant à la marchandise, c'est à dire au chargeur.

    Les transports terrestres dictent ainsi les stratégies et les choix des grands armements. La dépendance continentale augmente par rapport à la dépendance océanique.

    Analysant l'importance grandissante de la desserte terrestre des hinterlands des ports, André Graillot, Directeur Général du Port Autonome du Havre, voit trois raisons pour lesquelles le choix du port sera de plus en plus soumis au coût de la gestion des flux terrestres de conteneurs : tout d'abord, l'accroissement de la part des coûts de pré- et post-acheminement dans le coût global de transport qui résulte des gains de productivité des grands navires ; deuxièmement, la concurrence accrue sur les transports terrestres qui résulte de leur libéralisation ; et enfin, les contraintes des flottes dédiées de conteneurs qui obligent de retourner, très souvent à vide, le conteneur au port maritime. Il est de plus évident qu'un port ne peut assurer la réception ou la livraison de flux massifs de conteneurs (500 ou 1000 par escale) sans des moyens de transport terrestre efficaces.

    Avec la massification des flux attendue dans chacun des ports candidats au statut de port major, l'augmentation du trafic sur chaque mode terrestre, même si la répartition modale est appelée à se modifier en faveur du mode ferroviaire impose de développer pour les trois modes des aménagements performants en termes de capacité et de rapidité. Les investissements de transport contribueront donc à modifier les flux d'échanges et les conditions de développement des régions, voire la concurrence internationale en faveur d'un pays ou d'une région au détriment d'autres.

    En France, seul le Nord est (Alsace/Lorraine) échappe aux ports français au profit d'Anvers et Rotterdam. Mais l'ouverture du marché européen risque de placer les ports français en position délicate par rapport à la concurrence des ports de la mer du Nord.

    L'augmentation de productivité des transports terrestres étend les hinterlands. L'arrière-pays havrais ne dépassant guère les 500 km, le port du Havre devra donc ratisser large. La logique de massification lui impose de renforcer son influence sur l'arrière-pays au-delà de la région parisienne vers l'est, le sud est, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie et d'étendre par ailleurs son rayonnement maritime par des liaisons de cabotage sur d'autres ports en France et en Europe.

    Pour affronter cette concurrence et proposer à la clientèle internationale une alternative à Anvers et Rotterdam, Le Havre a donc besoin de dessertes terrestres importantes. Car avec la position centrale qui est la sienne, Le Havre se doit de porter la plus grande attention à la mise en place de filiales compétitives pour le pré- et post-acheminement des marchandises. Elles sont une condition de la massification et lui permettraient de tirer parti d'une situation maritime privilégiée : 1er port touché à l'import en Europe, dernière station d'approvisionnement à l'export. Pour le chargeur ou le réceptionnaire de l'arrière-pays, cette situation équivaut au « transit time » le meilleur.

    Avec une hausse de 11,2% du trafic conteneurs en 1998, le port du Havre jouit tout de même d'une confiance retrouvée et peut entrevoir l'avenir dans de bonnes conditions.

    Cependant, le retour à la croissance du port du Havre et des ports français en général reste fragile en raison de la faiblesse de leurs dessertes terrestres par rapport à celles des ports du Nord mais aussi au niveau des volumes traités. Avec 50% du trafic maritime de l'Union Européenne, les ports du Range restent la référence. Et tout d'abord en matière de desserte ferroviaire, routière mais aussi fluviale, ils prennent l'Europe tout entière pour hinterland. Anvers et Rotterdam bénéficient pour leur part d'un réseau fluvial remarquablement structuré, facilitant la pénétration jusqu'au coeur de l'Europe grâce à la liaison Rhin-Main-Danube. La part relative de la navigation fluviale dans le trafic maritime représente environ 50% dans les ports du Bénélux contre 1 à 2% au Havre.

    Les ports bénéficiant de la présence d'un réseau fluvial important cherchent à améliorer encore cette desserte car la voie fluviale sert de plus en plus au-delà de ses acheminements traditionnels, au transport des marchandises diverses et des conteneurs à un coût extrêmement économique. Anvers et Rotterdam sont ainsi reliés, grâce à ces autoroutes fluviales, à une trentaine de terminaux portuaires, relais entre les usines et les convois fluviaux à gros gabarit, égrenés le long du Rhin.

    Desservis par d'excellents moyens de transport terrestres, les ports du Range bénéficient également de leur bon positionnement géographique par rapport aux pôles économiques du continent européen. Hambourg, par exemple, compense sa situation physique de dernier port du Range ainsi que la remontée de l'Elbe, par un positionnement favorable vis à vis des centres économiques allemands et l'organisation de la distribution vers les pays d'Europe Centrale, vers la Scandinavie et les ports de la Baltique. Cette fonction de « hub » est valorisée par la capacité des professions portuaires à se projeter dans l'hinterland.

    On pourrait par ailleurs douter d'un avenir brillant pour le port d'Anvers : la longueur de l'estuaire de l'Escaut, le passage des écluses qui font perdre à un bateau d'assez fort tonnage 24H par rapport à Rotterdam. Mais, d'un autre côté, la remontée du fleuve entraîne, pour le réceptionnaire de l'arrière-pays, un gain de transport de transport terrestre de plus de 100 km.

    Or, le prix du transport maritime a diminué et le transport terrestre intervient davantage, nous l'avons vu, dans le coût total de la chaîne logistique. Anvers tire aussi avantage de son positionnement à proximité du marché français, de son réseau de distribution fluvial à grand gabarit vers les grandes zones industrielles de l'Europe Centrale et de sa qualité de port substituable, complémentaire de Rotterdam.

    En terme de trafic, l'écart est très significatif entre le port de l'estuaire de la Seine et ceux du Range et la différence d'échelle est très sensible : Rotterdam traite 4,5 fois plus d'EVP, Hambourg 2,8 et Anvers 2,5. Le décrochage du Havre s'est accentué au cours de la période 1990/1997. Pourtant Le Havre est, après Rotterdam, le plus achalandé en lignes. Presque tous les services y font escale, mais le volume traité à chaque touché reste limité au besoin du marché français soit en moyenne 500 boites au lieu de 1000 à 2000 dans les ports européens concurrents.

    En effet, le positionnement du Havre par rapport aux pôles économiques européens pose un problème. Le Havre bénéficie du poids de la région parisienne et de l'Ile de France (10 millions d'habitants à 250 km) mais plus excentré que ses concurrents par rapport aux principaux centres d'activités et de consommation en Europe. La consultation objective d'une carte des flux et d'une carte de densité de population de l'Europe situent bien le défi : tout se jouera sur la qualité et la dimension du système de distribution sur l'Europe Centrale.

    Si la principale force du Havre est sa situation maritime (1er port touché à l'import, dernier à l'export) et nautique (Le Havre peut recevoir sans contrainte tous les porte conteneurs en service y compris les méga carriers avec un tirant d'eau de 14 mètres), sa principale faiblesse est pesante : l'absence quasi totale de maîtrise de maillons essentiels dans la distribution des conteneurs en Europe par les professionnels portuaires havrais et le manque de potentiel sérieux.

    S'appuyer sur un système plurimodal et une émulation entre modes faisant baisser les prix, bien maîtriser les coûts de pre- et post-acheminement, telles sont les conditions essentielles de réussite. Car, élargir son hinterland au sein des aires d'indécision d'un espace européen où les ports de qualité et pleins d'appétit ne manquent et sont souvent fort proches les uns des autres, ce n'est pas seulement être bien placé, c'est d'abord disposer d'une desserte complète, efficace et peu coûteuse. Or, des différences apparaissent entre les ports qui offrent des services plus ou moins séduisants.

    Les ports du Bénélux ressortent par exemple les plus compétitifs sur leur pre- ou post-acheminement terrestre en Alsace et en Lorraine (hinterland naturel du port havrais), grâce à la disponibilité de la voie d'eau à grand gabarit (Rhin et Moselle) qui permet d'offrir des taux de fret fluvial inférieur de 30 à 40% au prix de transport routier vers Le Havre.

    Au départ de Strasbourg, la navigation fluviale vers Rotterdam est le mode d'acheminement le plus compétitif pour l'expéditeur, soit 4 025 F pour un conteneur de 40' en « round trip » à comparer à 6120 F vers Rotterdam par route et 7300 F vers Le Havre. Cette nette différence permet au transport fluvial rhénan, avec un pre- ou post-acheminement routier, d'être concurrentiel dans un rayon d'environ 300 km autour du terminal à conteneurs du port autonome de Strasbourg et grâce à la flotte actuelle, très performante, il ne faut que 48 H pour rallier Rotterdam à partir de Strasbourg.

    A l'est donc, le véritable concurrent du pre- ou post-acheminement routier est le transport fluvial, via la voie d'eau à grand gabarit vers les ports du nord, qui tirent les prix du marché, quel qu'en soit le mode, vers le bas.

    L'influence des moyens de transport terrestre des ports du Bénélux diminue quand on si dirige plus au sud vers Dijon où le prix du transport routier à partir du Havre retrouve sa pertinence.

    Les menaces ne manquent pas pour le port havrais. Les projets des ports concurrents qui visent la position d'outsider, sont bien plus avancés que celui de Port 2000. Mais la menace la plus forte vient du verrouillage de fait de l'accès au marché de la longue distance en Europe par les chemins de fer allemands dont la stratégie de partenariat s'accompagne aussi d'une stratégie commerciale hégémonique dont les ports de Brême et Hambourg profiteront de facto.

    Les ports du Range génèrent ainsi grâce à leur positionnement physique vis à vis du continent et à de bons réseaux de transport terrestre les volumes les plus importants des ports européens.

    Aussi, alors que la France continue de développer ses relations nord/sud, les ports du Range ont privilégié les axes ouest/est en misant massivement sur le mode ferroviaire desservant les principaux pôles économiques européens situés dans la « banane bleue » et l'Europe de l'est qui présente un nouveau débouché économique.

    Tous ces atouts maritimes et terrestres semblent annuler ceux d'un port comme celui du Havre, se vantant d'être la dernière station avant l'autoroute transocéanique. Malheur donc aux ports en manque d'hinterland.

    Le Havre devra donc, dans sa lutte pour devenir un main port européen, fournir en concertation avec les gestionnaires et exploitants des transports terrestres des efforts considérables afin de rivaliser avec les atouts des ports concurrents, voire de les surpasser.

    L'augmentation de productivité du transport maritime a donc entraîné l'augmentation de la productivité des transports terrestres ayant pour conséquences d'étendre les hinterlands. Il s'agît donc dans la chaîne de transport de prendre en compte un système plurimodal mettant en valeur une complémentarité efficace entre les modes permettant de faire baisser les prix, de devenir plus compétitif et ainsi élargir l'étendue de son arrière-pays. Il s'agît pour les ports de développer les capacités de séduction et les potentialités existantes dans un espace géographique où la concurrence est exacerbée.

    B. Irrigation des trafics entre les différents modes de transport dans l'arrière-pays havrais

    Parts modales dans les pré- et post-acheminements du port du Havre en 1997

    ROUTE

    866 000 EVP

    73,1%

    82,5%

    FER

    166 000 EVP

    14%

    16%

    FLEUVE

    16 000 EVP

    1,4%

    1,5%

    MER (feedering)

    136 000 EVP

    11,5%

    Fût-ce à une plus petite échelle qu'Anvers et Rotterdam, Le Havre a la chance de pouvoir jouer la carte de la tri modalité route/fer/fluvial. En effet, Le Havre dispose outre des modes routier et ferroviaire d'une desserte fluviale par la Seine remontant le fleuve jusqu'à la région parisienne, principal centre de distribution du port. La batellerie permet, on le sait, des économies d'échelle, un transbordement avantageux, des capacités de stockage temporaire intéressantes. Ainsi, les ports situés à l'embouchure d'un fleuve navigable ou aménageable, à l'instar du Havre, sont privilégiés.

    Cependant, le trafic terrestre de conteneurs maritimes dans l'arrière-pays havrais est essentiellement effectué par voie routière. Le trafic terrestre ne se partage d'ailleurs qu'entre la route pour 82,5% en 1997 et le rail pour 16%. La voie d'eau ne réalise tout au plus 1,5% des pré- et post-acheminements terrestres de conteneurs, grâce au lancement d'une régulière entre Le Havre et Gennevilliers au nord de Paris par le GIE Logiseine.

    La route reste donc l'élément de base pour le pré- et post-acheminement. Elle s'arroge près de 83% du trafic avec quelques 250 entreprises qui effectuent plus de 5000 mouvements par jour. La proximité de la région parisienne, 1er marché du Havre, l'antériorité du camion dans les transports d'approche et d'éclatement et l'atout du mode routier dans le fonctionnement des entreprises en flux tendus expliquent cette prépondérance. Le transport routier a, ces dernières décennies, concentré l'essentiel des investissements publiques et a donc connu un essor remarquable. La souplesse du tracé de la route permet aux véhiculent qui l'utilisent d'atteindre presque n'importe quel point géographique, c'est la quasi-ubiquité (P. Merlin). Le transport routier est le seul mode de transport à pouvoir assurer des prestations porte à porte, il est très performant et très rentable sur de courtes distances car peu coûteux.

    L'offre routière est donc très abondante.

    Pour les transporteurs routiers, l'activité de traction de conteneurs est essentiellement une activité régionale puisque :

    § 10% des flux concernent des destinations inférieures à 50 km

    § 20% des flux ont pour origine ou pour destination le reste de la région Haute Normandie

    § 47% des trafics concernent l'Ile de France

    § 20% des flux proviennent ou sont destinés aux autres régions françaises

    § 3% seulement des trafics concernent l'étranger

    Enfin, 10 à 15% des mouvements terrestres relèvent du brouettage portuaire, c'est à dire du transport routier destiné à l'agglomération havraise et revendiqué par la manutention docker.

    Le maintien de la compétitivité de l'offre routière suppose cependant que les infrastructures, en matière de gabarit et d'interconnexion soient encore améliorées. Les axes nord/sud surdéveloppés (A1 et A6), au détriment d'axes ouest/est n'offrent pas de solutions au port du Havre. Pire, c'est un cadeau inespéré aux ports du Bénélux, qui transitent ainsi plus facilement par la France et "grattent" ainsi sur l'hinterland naturel havrais. Pour aider au développement du port du Havre, il conviendrait donc de conforter la desserte terrestre routière de son hinterland.

    Après les progrès de ces dernières années (dont la mise en service du Pont de Normandie) et les améliorations prochaines vers Amiens/St Quentin d'un côté, Caen/Rennes de l'autre, de nouveaux axes de pénétration devront impérativement suivre : c'est le cas de l'A28 Rouen/Alençon et de la liaison entre l'A29 et l'A28 afin de supprimer la discontinuité existant entre le Pont de Normandie et l'axe Calais/Bayonne. Mais les havrais sont surtout demandeurs d'un axe de contournement de la région parisienne ; il y va de la récupération des trafics de l'est de la France qui ont basculé vers Anvers et Rotterdam. La mise à 2x2 voies de la RN31 Rouen/Reims y contribuerait. De même, l'amélioration de la RN154 à 2x2 voies entre l'A13 (Louviers) et l'A10 (Orléans) -axe Rouen/Chartres/Orléans- permettrait le contournement sud de la région parisienne en direction du sud-ouest, de la vallée du Rhône et du sud-est de la France.

    Cependant, les havrais constatent les retards pris dans l'aménagement des tronçons les plus importants : la route des estuaires -grande rocade allant de Dunkerque à Bordeaux- a pris deux de retard, le grand contournement par Amiens/St Quentin/Reims ne sera mis en service qu'en 2003.

    Du côté ferroviaire, l'offre de transport est moins importante. 16% du trafic de conteneurs a été traité par le mode ferroviaire en 1998, la part de marché ferroviaire devrait atteindre 20% en 2005.

    Il faut noter cependant que le fer en raison de son coût élevé n'est rentable que sur des longues distances, sa participation est élevée dans les trafics d'apport terrestre depuis les régions les plus éloignées. La consistance de sa contribution apportée à la structuration de l'hinterland du port du Havre est ainsi comprimée, l'Ile de France et la Haute Normandie -les principaux centres de distribution du port- restant ainsi dans le domaine de la route qui sur de courtes distances est de loin la plus avantageuse. Le marché du pré- et post-acheminement ferroviaire des conteneurs au Havre en 1997, grand cheval de bataille du port normand, dans un contexte de changement permanent dû aux ajustements des stratégies armateuriales n'a progressé que de 4% pendant que le nombre total de boites manutentionnées sur les quais effectuait un bond historique de 17,4%.

    Le mode ferroviaire représente néanmoins un transport terrestre d'avenir permettant d'élargir le marché de l'hinterland du Havre vers l'international.

    Ce qui vaut pour la route est aussi valable pour la desserte ferroviaire : Le Havre est demandeur avant tout d'un grand axe ferroviaire sur Amiens, Reims et Chalons en Champagne qui permettrait, toujours en évitant la région parisienne, de desservir l'est de la France, l'Europe Centrale et Orientale, la Suisse et faciliterait l'accès aux marchés italiens et espagnols. Le port havrais souhaiterait donc que soit concrétisé l'inscription de cet axe au schéma transeuropéen du transport combiné, ce qui implique au préalable son inscription au schéma directeur national.

    Au Havre, l'offre de service ferroviaire est le fait de deux opérateurs :

    la Compagnie Nouvelle de Conteneurs (CNC)

    La CNC, filiale de la SNCF, opérateur de transport combiné, gère des terminaux et une flotte de wagons spécialisés. Plus orientée vers les chargeurs, elle propose des prestations complètes de porte à porte, incluant éventuellement la fourniture des conteneurs.

    Son activité s'exerce dans deux domaines :

    · le trafic maritime pour le trajet terrestre des conteneurs vers ou depuis les ports

    · le trafic continental pour le transport de fret en conteneurs ou caisses mobiles de différents volumes en France et en Europe.

    La CNC propose à partir du Havre la desserte de 45 chantiers terminaux en moins de 24H par le réseau « COMBI 24 » qui relie toutes les agences françaises CNC grâce à un système basé sur le point nodal de Villeneuve St Georges et une centaine de terminaux en Europe.

    Chaque jour, des dessertes par trains blocs sont assurés par le département « Naviland European Services» de la CNC, sur les principales destinations de l'Hexagone, de l'Angleterre, du Bénélux, de l'Italie, de l'Espagne, de l'Allemagne et du Portugal.

    5 départs et 5 arrivées sont proposés quotidiennement au Havre.

    Le chantier CNC au Havre Soquence dit « Le Havre-Combi » est constitué d'une plate-forme de 8000m² en chaussée renforcée pour une exploitation avec grues mobiles autoporteuses. Il dispose de deux voies de 350 mètres de long qui peuvent accueillir chacune 17 wagons S60. L'activité moyenne annuelle de ce terminal est de 12000 caisses mobiles au départ et de 6000 à l'arrivée, essentiellement d'origine continentale. Le chantier est pourvu de moyens importants pour la manutention des conteneurs et des caisses mobiles (portiques de 40 tonnes, grues automobiles, élévateurs), d'ensembles routiers grâce à un réseau de transporteurs spécialisés pour les liaisons entre le chantier et les lieux de production ainsi que de terre-pleins pour stocker les conteneurs, vides ou pleins.

    Intercontainer/Interfrigo (ICF)

    ICF, agence supranationale commune à l'ensemble des compagnies européennes de chemin de fer (sorte de coopérative de réseaux), assure depuis 1967 au moyen de trains blocs les transports massifs internationaux de conteneurs ou de caisses mobiles, et spécialement l'approche ou l'évacuation ferroviaire de conteneurs transitant par les ports de mer depuis ou vers quelques 650 terminaux européens, via son réseau « Quality Net » desservant les principaux centres industriels en Europe grâce à un système de hub à Metz/Sablon. Ceci en fait le 1er opérateur de transport combiné en Europe.

    ICF ne commercialise que des prestations de porte à porte. En 1997, ICF a transporté 1,3 million d'EVP.

    La représentation de Inter Container Inter Frigo est assurée en France par la SNCF (CNC) et des agences locales comme la société Logistique Porte Océane (LPO) installée au Havre depuis début 1998 qui prennent en charge toutes les opérations du transport ferroviaire (organisation des chargements, établissement des contrats de transport...).

    3 départs et 3 arrivées par semaine sont proposés au Havre par le réseau Quality Net d'ICF.

    On peut également mentionner l'existence de l'opérateur de transport combiné rail/route Novatrans qui réalise des transports ferroviaires de semi-remorques non accompagnées par la technique du ferroutage, de caisses mobiles et de conteneurs.

    Depuis Le Havre, Novatrans offre des services quotidiens vers l'Italie (Novara) et 3 fois par semaine pour Perpignan desservant l'Espagne.

    L'offre de transport n'est cependant pas, en raison de l'augmentation des fréquences et la massification des trafics, assez élevée. Les autorités portuaires havraises réclament ainsi l'étoffement des services offerts par les opérateurs ferroviaires et le développement d'infrastructures supplémentaires performantes susceptibles d'accroître sensiblement l'offre de transport ferroviaire au Havre.

    Meilleur marché que le rail, la voie d'eau se spécialise de plus en plus dans l'acheminement de marchandises normalisées conditionnées en unités de charge sur des relations sur lesquelles sont organisés des convois réguliers de conteneurs : c'est le cas de la ligne Le Havre/Gennevilliers exploitée par le GIE Logiseine.

    La voie d'eau peut aussi contribuer à la massification du trafic conteneur. Même si le démarrage de la ligne Le Havre/Gennevilliers a été lent, elle monte en puissance. Parti de 0 en 1994, Logiseine évolue à l'heure actuelle sur un rythme de 12 000 EVP par an en provenance ou à destination de Paris-Terminal SA, qui gère le terminal multimodal du port de Paris Gennevilliers (dont le Port Autonome du Havre a pris une participation dans le capital afin d'apporter son soutien au transport combiné de conteneurs sur la Seine). Trois départs sont proposés chaque semaine, avec des convois d'environ 200 EVP, aux transitaires et au départ de Gennevilliers.

    La profession fluviale, sur la Seine et ailleurs, a donc redéployé son offre en direction des frets à forte valeur ajoutée, en plus des matériaux traditionnellement transportés tels que les produits pétroliers et chimiques, les produits agricoles et alimentaires et les matériaux de construction ou le charbon.

    La voie d'eau présente un intérêt spatial plus limité mais c'est un mode de transport sûr et économique pour les pondéreux non périssables, en particulier les vracs solides et liquides, et les conteneurs, des produits ne demandant pas de livraisons rapides en raison de la lenteur du transport : 12 km/h de moyenne sans les arrêts aux écluses.

    Cependant, la part du mode fluvial dans la desserte de l'hinterland havrais est très faible, à peine 2% contre 50% pour Anvers et 55% (700 000 EVP par an sur le Rhin) pour Rotterdam qui bénéficient de relations directes avec le coeur de l'Europe.

    Si Le Havre est si peu desservi par le transport fluvial, c'est d'abord parce que le réseau des voies navigables français n'est qu'une impasse. La desserte fluviale du Havre est en effet limitée à la région parisienne. Aucun des ports français n'est relié à un réseau fluvial de grand gabarit sur de grandes distances desservant les grands centres économiques continentaux européens.

    Pourtant, les autorités portuaires du Havre, Port Autonome de Paris et Logiseine s'unissent pour développer la voie d'eau, qui peut, elle aussi contribuer à la massification de la desserte de l'arrière-pays même si celui-ci se limite à la région parisienne. Alors que l'approche ferroviaire de Paris butte sur de nombreux problèmes, il serait reprochable de se priver du potentiel que représente la voie d'eau qui permet de rendre les conteneurs aux portes même de la capitale. C'est pourquoi le schéma d'aménagement de Port 2000 comprend l'ouverture dans l'actuelle digue sud du port havrais permettrait aux unités fluviales venant du bassin de marée de gagner directement les futurs quais. En sus, un terminal dédié au fluvial pourrait prendre place dans la darse de l'océan. Un système de brouettage en site propre relierait aux terminaux de Port 2000. Mais le coût élevé de ces installations a provoqué dans les instances publiques de nombreuses réticences qui amèneraient la restriction du projet sur certains points et notamment la digue de protection sensiblement moins longue qui permettrait une économie de 250 millions de francs mais aboutirait sur l'abandon d'une desserte directe des futurs terminaux par la navigation intérieure.

    On estime d'après tous ces facteurs que le fleuve pourrait s'approprier tout de même 3% des flux terrestres à l'horizon 2005.

    C. Un nouveau contexte propice au développement du transport ferroviaire

    La desserte de l'arrière-pays havrais est dominée, on l'a vu, par le mode routier qui a pris une place prépondérante dans un contexte logistique de flux tendus sur de courtes et moyennes distances. Une chose est pourtant certaine, l'option tout route paraît de moins en moins supportable économiquement, socialement et écologiquement aux industriels chargeurs, au public et aux politiques. Après avoir canalisé, compte tenu de sa souplesse et des retombées économiques immédiates, la plus grande part des investissements en matière d'infrastructure, l'accroissement des infrastructures routières n'est plus possible que dans une mesure limitée, tant pour des raisons de saturation spatiale que pour des contingences environnementales.

    Le transport routier a effectivement été le symbole de développement de la période de forte croissance économique d'après guerre (« Trente Glorieuses ») marquée par un changement des modes de production industriels : les biens matériels (produits finis et semi-finis) ont pris la place de l'industrie lourde métallurgique. Les Etats européens ont largement centré leurs plans d'aménagement du territoire sur l'utilisation des axes routiers pour desservir les espaces urbanisés et relier entre eux les grands centres industriels. En France, la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale (DATAR) a longtemps considéré et utilisé le transport routier comme l'outil privilégié du développement des territoires régionaux. La politique du « tout routier » a longtemps été employée. Pendant ce temps, le transport ferroviaire connaissait une réduction généralisée de ses réseaux vers les axes les plus importants et les plus rentables. Aujourd'hui, la route occupe une situation de monopole sur les transports européens de marchandises qui était celle des chemins de fer au 19e et au début du 20e siècle. En 1995, la route a transporté 72% du fret de l'Union Européenne.

    Entre 1970 et 1995, le marché du transport européen s'est accru de 70%. La part de marché du transport ferroviaire en Europe est par contre passée de 32% à moins de 16%. C'est la route qui a bénéficiée en priorité de cette forte croissance. Selon les instances européennes et si aucune mesure n'était prise pour enrayer la situation monopolistique du transport routier visant à rééquilibrer les parts modales des transports européens, la part du mode ferroviaire passerait de 16 à 9% dans les prochaines années alors que l'on peut s'attendre à une croissance du fret de 30%.

    Après le déclin du mode ferroviaire dans la part modale des transports en Europe et le protectionnisme des réseaux des Etats membres, la Commission Européenne a pris plusieurs dispositions visant à développer le fer au niveau européen, les grandes potentialités sur longues distances -domaine de prédilection du fer-, les courtes et moyennes distances étant l'apanage du mode routier.

    Les gouvernements donnaient au fer un rôle prépondérant dans la défense de l'espace national, ces mêmes espaces nationaux ferroviaires qui provoquaient au niveau européen de nombreux dysfonctionnements qui ont causé le recul du rail vis à vis de la route. Les Etats subissent des contraintes budgétaires qui pèsent de plus en plus lourd et qui, à terme, rendront la situation des chemins de fer insoutenable. Si rien n'est fait, cette situation déboucherait à une rationalisation massive des réseaux, c'est à dire que les réseaux se réduiraient à quelques grands axes. Il faut, par conséquent, mettre en place un traitement drastique pour que le rail renaisse. L'unique solution pour que les chemins de fer renaissent est de poursuivre la libéralisation entamée par les directives européennes. Car seule la libéralisation peut sauver le rail. Le voeu de la Commission Européenne est d'arriver à rendre le mode ferroviaire aussi intéressant que les autres modes de transport, à l'échelle européenne. Pour cela, le transport ferroviaire doit s'ouvrir à la libre concurrence.

    Depuis le 1er janvier 1993, les frontières des Etats membres de l'Union Européenne ont été abolies. L'Europe est entré dans le marché unique. Désormais donc, l'échelle des transports est européenne, elle n'est théoriquement plus tributaire des frontières qui bloquaient un développement économique homogène grâce aux transports ? Les échanges internationaux intracommunautaires ont par conséquent, avec l'ouverture des frontières, littéralement explosé : les experts prévoient donc pour les prochaines années une croissance du fret européen de l'ordre de 30%.

    En juin 1993, les Douze membres de l'UE chargèrent le français J. Delors, le président de la Commission, de réfléchir sur les politiques à mener afin de sortir de la crise économique que connaît l'Europe à cette période. M. Delors présente alors ses réflexions lors du Conseil Européen de Bruxelles de Décembre 1993 sous la forme d'un Livre Blanc intitulé « Croissance, Compétitivité, Emploi. Les défis et les pistes pour entrer dans le 21e siècle » qui prône la mise en place d'une politique de grands travaux d'infrastructures dans le secteur des transports participant au développement économique de l'Europe.

    Suivant les orientations du Livre Blanc, l'Union Européenne soutient alors, dans le cadre du marché commun, la libéralisation de l'ensemble des modes de transport afin d'atteindre une mobilité durable et homogène sur le territoire européen, et ce, particulièrement au niveau ferroviaire dont les monopoles nationaux empêchent l'ouverture des réseaux et donc le développement des échanges intracommunautaires transnationaux par voie ferroviaire qui présente pourtant de gros potentiels. Pour déréglementer le transport ferroviaire et proposer une alternative à la route et atténuer ainsi le déséquilibre modale européen, la Commission Européenne a instauré la directive 91/440 qui va dans le sens de la libéralisation des chemins de fer européens.

    Cette directive porte sur deux aspects principaux, à savoir la gestion des compagnies ferroviaires et l'accès à l'infrastructure. En résumé, la Directive impose la séparation comptable entre l'entreprise ferroviaire et le gestionnaire d'infrastructure. L'entreprise ferroviaire devient un quelconque opérateur de transport et l'infrastructure est ouverte à la concurrence pour tout opérateur de transport qui voudrait l'emprunter.

    Les opérateurs ferroviaires, bien souvent nationaux, doivent être dotés d'un statut d'indépendance vis à vis de l'Etat, et sont contraints, par conséquent, d'atteindre l'équilibre financier obligatoire pour le fonctionnement de toute entreprise (« privée »).

    En France, les autorités ont mis en place la stricte application de la Directive 91/440 : elles ont séparé l'infrastructure de l'exploitation.

    Réseau Ferré de France (RFF) est créé le 13/12/97 pour gérer le réseau ferroviaire français. Cependant, ce nouvel établissement public est resté très lié à la SNCF.

    Si la Commission Européenne impose aux Etats membres de telles résolutions dans le domaine ferroviaire, c'est que ce dernier a un rôle à jouer prédominant dans le transport en Europe et apparaît comme un débouché au potentiel énorme dans l'acheminement des marchandises.

    Le transport routier, principal mode employé en Europe connaît de graves difficultés. La route est d'abord source de nuisances : pollution atmosphérique, sonore et visuelle qui sont de moins en moins tolérées par la société. Les grands axes routiers européens connaissent ensuite aujourd'hui des problèmes de saturation chroniques, les routes sont sur utilisées et les abords des grandes agglomérations souvent bloqués, alors que les potentialités des autres modes de transport comme le chemin de fer et la voie d'eau sont sous exploités.

    C'est pourquoi la Commission Européenne a instauré la Directive 91/440 afin de « casser » les monopoles nationaux qui, en gérant et protégeant les trafics intérieurs nationaux, bloquaient le potentiel ferroviaire européen.

    Car le rail est plus attractif vis à vis de la route pour les transports massifs sur grandes distances : il peut admettre de grandes quantités de marchandises sans augmentation proportionnelle des frais. L'atout majeur du chemin de fer réside effectivement dans le transport de charges lourdes (jusqu'à 3000 tonnes) sur de longues distances, avec une consommation énergétique et un coût de transport (si le trafic est volumineux) modérés.

    Le coût du transport est un critère essentiel dans le choix modal des chargeurs, les propriétaires de la marchandise transportée. Celui-ci se décompose en deux termes : un fixe, indépendant de la distance, et un proportionnel à la distance parcourue. Le mode ferroviaire est caractérisé par un coût fixe supérieur à la route et un coût kilométrique inférieur à celui de son concurrent. Il en résulte que le transport ferroviaire est plus rentable que la route sur les longues distances et, inversement que le mode routier l'est sur de coutres et moyennes distances. Le fer est donc facteur d'élargissement du marché.

    Il faut aussi que les trafics soient massifs et équilibrés, c'est à dire qu'ils permettent de remplir plusieurs trains, dans les deux sens et avec une fréquence suffisante. Les liaisons ferroviaires s'effectuent donc entre zones économiques importantes générant beaucoup de fret.

    Le mode ferroviaire présente en plus une efficacité énergétique jusqu'à trois fois plus élevée que celle du transport par route qui permet de réduire sensiblement les coûts, surtout sur longues distances.

    Un autre des principaux atouts du mode ferroviaire est donc sa capacité à traiter des trafics importants, sur un même axe de transport. Le trafic par trains complets est efficace sur des « segments » bien précis concernant des flux volumineux peu souhaitables sur la route. Des trains de 1200 ou 1500 tonnes de charge utile sont courants. Face à la concurrence de la route et de l'avion, le renouveau du rail passe cependant par l'augmentation de la vitesse et de la capacité. Du nouveau matériel de circulation et une coopération entre les réseaux nationaux permettant de réduire les attentes aux frontières sont ici nécessaires.

    Comme pour les autres modes de transport, la capacité de transport est étroitement liée à la fluidité du trafic (nombre de voies, pente, rayons de courbure, mode de traction).

    Le rail est également adapté à la tendance nouvelle de polarisation des territoires et à la concentration des flux sur des axes de moins en moins nombreux mais de plus en plus lourds. La double politique du rail qui a pour orientation la suppression des lignes jugées trop peu rentables et le maintien, voir le renforcement de la desserte sur les grands axes accompagne cette évolution.

    L'essor des échanges intercontinentaux maritimes demande par ailleurs de nouveaux modes de transport permettant la massification des acheminements de fret conteneurisés. Cette tendance ouvre de nouveaux débouchés aux transports ferroviaires car les ports sont générateurs de fret ferroviaire.

    Les professionnels du transport ferroviaire le savent bien, aujourd'hui les affréteurs pensent en terme d'intermodalité, de complémentarité lorsqu'il leur faut imaginer l'acheminement de leur fret. Le transport joue désormais un rôle important dans les échanges commerciaux mondiaux, il représente les défis du 21e siècle en terme de post-acheminement des marchandises une fois débarquées à quai et la place que le rail peut et doit prendre dans ces transports terrestres. Car les ports savent qu'à l'avenir, les caractéristiques du transport ferroviaire seront indispensables à l'écoulement des flux de marchandises massifiés en provenance des super porte conteneurs.

    La recherche d'une productivité accrue pour ces grands équipements conduit alors leurs promoteurs à intégrer d'emblée l'outil ferroviaire nécessaire à leur stratégie de massification des pré- et post-acheminements terrestres des boites.

    Mais sur ce marché, la concurrence est devenue et demeurera féroce entre les divers modes en présence et les exigences des chargeurs et armateurs exercent tout au niveau du coût qu'à celui de la qualité de service. Dans ce domaine, la route reste très compétitive.

    Outre le fait que le transport ferroviaire peut être dans certaines conditions plus compétitif que la route et être substituable à celle-ci, le rail peut également être le complément du mode routier : l'augmentation de la fréquentation des autoroutes ferroviaires avec des volumes importants peut réduire la congestion des autoroutes routières et optimiser ainsi pour ce dernier la qualité ce service en réduisant le transit time et les coûts de transport. Les deux modes de transport peuvent également fonctionner en synergie : en additionnant les avantages de l'un et de l'autre, on peut avoir un moyen de transport offrant des prestations plus intéressantes et compétitives pour les chargeurs. Le transport combiné rail/route est donc voué à un avenir prometteur, encadré de plus par la Commission Européenne.

    L'emprise au sol, très importante pour le coût de l'infrastructure ainsi que la pollution visuelle demeure plus modeste pour le fer pour des masses transportées potentiellement plus importantes que le mode routier. L'impact sur la consommation d'espace est ainsi moins fort que la route, l'emprise au sol est d'environ six hectares par km de ligne ferroviaire contre dix hectares par km d'autoroute.

    Au niveau de la pollution atmosphérique et sonore, le fer est là aussi plus attractif. La lutte contre la pollution est devenue une préoccupation majeure pour les pays européens et les sociétés, la faible consommation énergétique du fer, sa faible emprise au sol, la réduction des nuisances sonores et des rejets de polluants et sa grande sécurité font que le transport de marchandises par voie ferroviaire devient incontournable.

    En résumé, le rail s'adapte aux conditions nouvelles du transport de marchandises face à la route par :

    · l'augmentation de la puissance de traction de locomotives pour l'acheminement de produits pondéreux ou non

    · l'utilisation de wagons spécialisés et de grande capacité

    · la souplesse commerciale

    · la concentration du trafic lourd sur des itinéraires spécifiques, de préférence sur les lignes à faible trafic voyageurs

    · l'organisation de trains à charge homogène (un seul produit) et de trains blocs (trains directs de la gare de formation à la gare de destination)

    · l'organisation de trains rapides et directs de produits divers

    · l'utilisation d'un matériel approprié pour le transport combiné

    Le transport ferroviaire a toutes les chances de jouer l'un des rôles clés pour le processus d'intégration européenne. Avec l'augmentation prévue du transport de marchandises en Europe poussée par la massification du transport maritime, l'efficacité du transport ferroviaire résidera dans l'optimisation de la rapidité et de ses capacités de transport dans un cadre géographique plus large, à l'échelle continentale et une alternative efficace et plus performante que le mode routier pourra être ainsi proposée.

    Les instances européennes considèrent avec l'instauration des directives européennes la solution du rail tel un élément d'intégration à forte capacité. L'intégration économique européenne allonge les distances des échanges : dans ces conditions, le fer retrouve des avantages décisifs sur les autres modes de transport. Ceci est capital, à condition que l'intégration, l'ouverture des réseaux nationaux se concrétise à brève échéance et que les infrastructures soient améliorées.

    Pour entraîner cette intégration communautaire, les communautés portuaires qui misent sur un transport ferroviaire « libéral » stimulent la mise en oeuvre de services par navettes sur les principaux centres de production et de consommation d'un hinterland qu'ils embrassent à l'échelle européenne. Un arrêté interministériel du 15/03/99 a ainsi autorisé en France le Port Autonome du Havre à prendre une participation dans le capital de la société promotionnant la circulation de trains blocs par liaison directe appelée Le Havre Shuttles (LHS).

    D. Les navettes

    L'optimisation technique et commerciale de l'offre ferroviaire apparaît comme une priorité pour les havrais qui juge que l'offre ferroviaire au Havre n'est pas suffisante de la part des opérateurs présents.

    Ainsi, Port Autonome du Havre oeuvre pour la mise en place de lignes dédiées fret afin d'optimiser l'offre et proposer un produit qui est dans la concurrence, en prix, fiabilité et temps, le leitmotiv étant toujours le même : massifier. Pour répondre à la demande croissante de desserte terrestre et notamment de transport ferroviaire de la clientèle havraise, il faut stimuler la concurrence entre les opérateurs ferroviaires afin de faire baisser les prix du transport des pre- ou post-acheminements terrestres.

    Le PAH propose ainsi de remplacer progressivement et pour des relations pertinentes par leur volume de trafic, les trains dirigés systématiquement vers le point nodal par un système de navettes cadencées dès lors que le volume de trafic généré par une région donnée justifie une circulation directe.

    Les ports d'Anvers et Rotterdam ont largement fondé la desserte ferroviaire de leur hinterland sur la mise en place de telles navettes.

    La demande du marché est d'obtenir un enlèvement quotidien à un coût compétitif. La réponse de l'offre est de proposer un service quotidien et une massification de l'acheminement.

    La technique du point nodal qui n'est pas spécifiquement ferroviaire, est la consolidation des trafics via une plate-forme centrale.

    La technique de la navette est le plein emploi de deux rames de matériels en aller/retour entre deux points.

    Le passage par le point nodal implique que les horaires des trains soient tributaires de la phase de consolidation qui dure tout de même quelques heures et génère des coûts de fonctionnement. La mise en oeuvre d'une navette implique que chaque jour la relation fournisse dans les deux sens l'alimentation nécessaire à l'équilibre financier.

    Ces deux modes opératoires sont différents mais ils ne sont pas opposés. Les deux sont des instruments de distribution, l'un prenant appui sur l'économie générale, l'autre prenant appui sur l'économie d'un seul axe. Ils sont parfois même complémentaires car pas mal de navettes sont à destination de points nodaux ou plutôt de centres de correspondance.

    Le PAH, en partenariat avec les opérateurs CNC, ICF ou Novatrans souhaite approfondir son hinterland par la multiplication de telles navettes, dédiées aux conteneurs entre Le Havre et quelques destinations choisies, notamment en direction de l'est et du sud-est de la France.

    La réponse de la place du Havre a pour nom « Le Havre Shuttles » (LHS), une société anonyme à statut de commissionnaire, (sorte de coopérative d'achat qui achète de la capacité à la CNC), commercialisant du transport ferroviaire, en ayant acheté au préalable des navettes ferroviaires opérant sur grandes distances ou plus simplement des « slots ». Les services seront ensuite revendus directement par LHS aux clients.

    L'UMEP est actuellement le principal actionnaire de LHS. Les syndicats professionnels ont été sollicités de même que les entreprises privées. Dans le tour de table apparaît également le PAH pour 34% du capital.

    Le PAH a déjà mis en place de tels services en supportant le risque financier durant le temps de la montée en charge des services :

    · une navette Le Havre/Lille

    · une navette Le Havre/Lyon-Vénissieux

    · une navette Le Havre/Strasbourg-Cronenbourg

    Navette Le Havre/Lille

    Pour desservir le Nord-Pas de Calais et mettre en place un réseau de trafics interrégionaux, Le Havre et le port fluvial de Lille (ce dernier est commissionnaire) sont reliés en direct par un train bloc ICF, avec une rotation par semaine.

    A titre indicatif, le prix du transport ferroviaire dans chaque sens (hors manutention) pour un conteneur plein ou vide est de 650 francs pour un 20', de 800 francs pour un 40'. Il s'agît là de conditions à priori attractives, mais la distance est trop courte pour permettre au fer de jouer vraiment son rôle. D'autant plus que les prix de production semblent plus intéressants au-delà de la frontière, c'est à dire sur le réseau belge et ses prolongements.

    Cependant, la région lilloise proche du port du Havre, est la 2e région import-export de France après l'Ile de France. L'enjeu est donc de taille. Le PAH souhaite ainsi, grâce à cette ligne, faire basculer les trafics d'Anvers vers Le Havre en mettant en valeur la situation géographique du port normand de 1er port touché à l'import et dernier à l'export. Le Havre cherche ainsi à conquérir de nouveaux marchés en concurrençant les prestations du port belge sur son hinterland.

    L'autre facteur majeur d'attraction des trafics est bien évidemment le coût de transport. Les navettes ont pour but de minimiser les coûts et les temps de transport, de rendre plus compétitive l'offre vis à vis des ports concurrents et générer par conséquent des volumes plus importants et conquérir des parts de marché.

    La navette Le Havre/Lille a ainsi pour but de concurrencer l'offre de transport fluvial et fluvio-maritime au départ du port fluvial de Lille et orientée vers Anvers et Rotterdam. Le coût de transport d'un conteneur sur cet axe (650 francs) est néanmoins encore trop élevé pour pouvoir rivaliser avec les prestations des ports du nord.

    Navette Le Havre/Lyon-Vénissieux

    Créée en partenariat avec la CNC sous la forme d'un service trihebdomadaire depuis 1996, en réaction à un projet de mise en place d'une navette Lyon/Rotterdam par l'opérateur privé européen European Rail Shuttles (ERS), la navette ferroviaire directe entre les terminaux du port et la plate-forme de la CNC à Vénissieux connectée aux principaux centres économiques du sud-est de l'Europe, a permis de réduire les délais de livraison d'environ 20 heures.

    Cette navette connaît un réel succès : 50 000 EVP ont été transportés depuis son lancement. La CNC jouant le jeu de la massification, les prix ont pu être sensiblement baissés (jusqu'à 30%).

    Navette Le Havre/Strasbourg-Cronenbourg

    Strasbourg et sa région constituent un autre gisement de trafic convoité par les havrais, mais cependant dominé par l'offre des ports d'Anvers et de Rotterdam.

    Depuis janvier 1998, une navette d'une capacité de 80 EVP circule avec trois aller/retour par semaine entre les terminaux havrais et le chantier ferroviaire de la CNC à Cronenbourg, connecté aux principaux centres économiques de l'est européen. Concurrence oblige, les prix pratiqués sont plus ou moins alignés sur ceux du Rhin. Même s'il subsiste une légère différence, cette navette séduit par un transit time plus court.

    Le produit monte en puissance avec 600 EVP par mois, ce qui est d'autant plus apprécié sur la place havraise qu'elle avait subie de plein fouet la concurrence des services conteneurisés du Rhin.

    LHS entend exploiter ultérieurement en propre la navette sur Strasbourg, en mettant en concurrence CNC et ICF afin de minimiser encore des coûts et devenir encore plus compétitif sur l'offre de transport terrestre.

    Fort du succès de ces premières expériences, et particulièrement de la navette sur Lyon, le PAH souhaite développer ce type de desserte et offrir une palette élargie de destinations à travers l'Europe par trains navettes.

    Il propose la mise en place de quatre nouvelles navettes :

    · Le Havre/Liège via Bruxelles

    · Le Havre/Vesoul-Mulhouse

    · Le Havre/Vienne-Sopron

    · Le Havre/Milan

    L'organisation de ces navettes et leur commercialisation seront le fait d'une structure opérationnelle, en cours de constitution à l'instigation de PAH, et dans laquelle le port serait majoritaire. Statut de commissionnaire de transport pour cette opération, la structure négocierait l'achat de trains auprès des exploitants ferroviaires, en assurerait la commercialisation et la facturation auprès des transitaires et armements.

    A long terme, et compte tenu du nombre de trains directs que le port estime générer, PAH revendique l'aménagement d'itinéraires ferroviaires dédiés au fret et notamment vers l'est.

    Il s'agît en évitant la région parisienne dont les réseaux sont saturés, d'aménager les voies existantes entre Le Havre, Amiens, Reims, Chalons en Champagne et Metz.

    Le dégagement d'un tel itinéraire suppose des travaux d'infrastructures et des études d'exploitation.

    Le choix du mode de transport ferroviaire dans la desserte de l'hinterland paraît donc à l'heure actuelle indéniable étant donné les potentialités existantes de ce mode de transport et la volonté des politiques de développer cette alternative. C'est dans cette perspective et dans ce contexte que le port du Havre souhaite éminemment être desservi par une ligne ferroviaire pour profiter de ces potentialités, à l'instar de ses concurrents européens. Sur l'initiative du port du Havre, un projet a été fondé pour répondre à cette attente et offrir ainsi au premier port français la possibilité de conquérir de nouveaux marchés et d'envisager, avec l'appui du projet « Port 2000 », un avenir plus prospère.

    Quel est la nature de ce projet ? Quelles sont les conditions pour qu'il se réalise et pour qu'il soit réellement efficace et rentable ?

    III. LE PROJET DE CONTOURNEMENT FERROVIAIRE DU BASSIN PARISIEN DANS LE CADRE DES CORRIDORS DE FRET EUROPEENS

    C'est donc sur le rail que se porte l'essentiel de la compétition pour desservir l'hinterland national et international. Le développement du Havre nécessitera des infrastructures performantes de liaisons avec l'est de la France ainsi que l'Europe Centrale et du sud, permettant d'éviter une région parisienne déjà bien engorgée. Sachant que la compétition entre les ports maritimes va se jouer sur leurs capacités de desservir l'hinterland européen sur des axes ouest-est, l'objectif du port du Havre est la création d'un axe puissant vers l'est.

    Le marché du transport de conteneurs est, comme nous l'avons vu, en voie d'extension et d'intégration. La desserte de l'hinterland se conçoit désormais à l'échelle continentale, européenne et les ports se doivent de développer leurs dessertes terrestres afin d'atteindre les grandes zones industrielles et les zones de distribution et d'y conquérir des parts de marché.

    La carte des flux de conteneurs en Europe permet de visualiser les itinéraires des flux de distribution des conteneurs par voie maritime ou terrestre. Elle fait apparaître plusieurs zones géographiques de diverses importances en fonction de la densité des relations. On peut voir que le champ de compétition des grands ports européens se situent dans la traditionnelle « banane bleue » (Bénélux, Allemagne ex RFA, Suisse, Autriche, Italie du nord) qui symbolise une forte concentration des régions industrielles dynamiques de l'Europe fortement tournées vers le commerce international.

    La « banane bleue » est un lieu privilégié pour les importations et les exportations faisant largement appel aux infrastructures portuaires et aux dessertes terrestres pour l'acheminement du fret. Cet ensemble forme un champ clos où s'affrontent les ports majors du nord, Anvers, Hambourg et Rotterdam. Le principal handicap du Havre par rapport à ses concurrents de la mer du Nord est son relatif éloignement vis à vis de cet ensemble économique et son proche hinterland relativement désert. Si la route est compétitive jusqu'à 500 km, au-delà, rien ne vaut le fer pour combler ce handicap géographique et jouer dans la même cour que les « grands ».

    Plus de 220 millions d'habitants résident dans un espace de 1000 km de rayon autour du Havre contre 240 millions pour Rotterdam. Le port normand, avec le développement de l'outil ferroviaire, a donc toutes ses chances.

    S'il est bon que le port soit connecté à une ligne dédiée au fret qui le branche, au-delà de Strasbourg, sur la « banane bleue », cette zone prospère de l'Europe qui s'étend de Londres à Milan, en passant par Rotterdam et Hambourg, encore faut-il que les installations terminales sur le port assurent un tri efficace et le chargement rapide des trains et que ceux-ci dispose d'une infrastructure suffisamment performante.

    Dans un contexte ultra concurrentiel, la France a pris du retard par rapport aux actions engagées au niveau terrestre en Europe du nord, étant donné que les choix des grands armements dépendent désormais, en grande partie, des dessertes ferroviaires, celles notamment qui permettent d'innerver le centre de l'Europe.

    Réaliste, A. Graillot admet que « le Rhin crée une zone de basse pression » drainant sur Rotterdam et Anvers un paquet substantiel de boites en provenance ou à destination de la Suisse, de la France Rhénane et du sud de l'Allemagne. Mais au-delà du Rhin, en allant plus à l'est, en Autriche ou en Hongrie par exemple, le port peut de nouveau être compétitif.

    Car le champ de compétition ne se restreint plus à la traditionnelle « banane bleue », un nouvel espace qui lui est fortement lié, apparaît, constitué de la République Tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, la Croatie, la Pologne...les PECO (Pays d'Europe Centrale et Orientale) ouverts récemment à l'Europe de l'ouest et qui sont très demandeurs de transport et de fret. Les flux devraient ainsi se concentrer de plus en plus entre les ports et les plates-formes terminales de transbordement à proximité de ces pays dont le parcours s'effectuera instinctivement par voie ferrée.

    L'intégration économique progressive des PECO à l'Europe Occidentale sont et seront le principal facteur de la nouvelle organisation des flux en Europe. C'est sous la pression des marchés que se construits l'Europe et sous l'influence de l'évolution des transports.

    Sous l'égide de la Commission Européenne, le groupe TINA (Transport Infrastructure Needs Assesment group) vient de faire des propositions pour le choix des axes et points nodaux à mettre à niveau ou à créer dans les pays d'Europe Centrale et Orientale afin d'assurer la continuité des réseaux transeuropéens de transport. Ces propositions confortent concrètement l'émergence d'un vaste espace économique en voie d'intégration rapide à l'Union Européenne. Les ports maritimes voient donc là un nouveau débouché apte à renforcer la dimension de leur hinterland. Le Havre voit là une formidable opportunité pour développer son hinterland sur un espace encore épargné par la concurrence portuaire terrestre. Cependant, il faudra aller vite car les autres ports ne resteront pas longtemps l'arme au pied.

    A. La saturation du noeud parisien

    Le réseau ferroviaire français, comme on le sait, est pour des raisons historiques, géographiques et économiques centré sur Paris (étoile de Legrand), tout comme ses homologues routiers et aériens.

    La région parisienne est devenue pour tout mode de transport, le passage obligé pour les marchandises et les voyageurs. C'est une véritable plaque tournante par laquelle transite presque tous les échanges.

    C'est pourquoi la région parisienne est devenue pour le chemin de fer comme pour la route, de plus en plus encombrée, l'accroissement des trafics voyageurs et marchandises évoluant plus rapidement que l'offre de transport.

    Au niveau ferroviaire, les trains, de marchandises notamment, empruntent pour accéder au noeud parisien ou pour y transiter une ligne ferroviaire normalement réservée au fret contournant le pole parisien à travers la proche banlieue (la Grande Ceinture) desservant centres de triage, chantiers de transbordement (transport combiné rail/route) et les grands axes ferroviaires nationaux vers les principaux pôles économiques régionaux français et étrangers.

    Cependant, la concentration et l'augmentation du trafic fret sur le noeud parisien a provoqué une relative saturation de la Grande Ceinture qui ne peut plus répondre efficacement à la demande de transport. Des retards importants, des longs moments d'attente interviennent sans cesse. Quand on connaît l'importance des délais d'acheminement et le respect de ces derniers pour le transporteur vis à vis du chargeur, on comprend aisément que la saturation de la Grande Ceinture pose de nombreux problèmes. La mesure de la congestion ferroviaire est directement liée à la notion de qualité de service ressentie par les clients. Le respect des horaires constitue l'élément essentiel de qualité de service ressenti par la clientèle. Le respect des horaires traduit la fiabilité en exploitation des horaires des trains conçus par l'exploitant et se concrétise par un indice de régularité. Le phénomène de congestion ferroviaire se caractérise également par la difficulté (voire l'impossibilité) de répondre à la demande de transport : par exemple, l'impossibilité de tracer des sillons permettant aux trains d'arriver dans les agglomérations aux horaires que le demande le marché, ou l'existence de vitesses commerciales faibles malgré des matériels adaptés à des vitesses de pointe élevées.

    L'exploitation ferroviaire est également par nature instable et fragile, compte tenu de l'absence de déviations en cas d'incidents.

    Beaucoup de trafics sont concentrés sur les lignes les plus performantes qui sont les lignes électrifiées, à vitesse autorisée élevée et à profil facile, avec une forte fréquentation..

    Ce constat explique aussi la concentration du trafic fret nord-sud sur la grande Ceinture.

    Les investissements de capacité de ces dernières années ont de plus peu touché la Grande Couronne de Paris et peu les relations fret alors que les trafics ont augmenté (+2% par an).

    La congestion de la Grande Ceinture menace.

    A la saturation de l'infrastructure par le trafic de marchandises s'ajoute l'augmentation exponentielle du trafic voyageurs de banlieue à banlieue qui fait cruellement défaut en région parisienne. Les transports inter banlieues de voyageurs seront rouverts par jonction des radiales entre elles via certaines branches du RER ou par emprunt de la Grande Ceinture.

    En région parisienne, le fret est le parent pauvre du transport ferroviaire qui circule aux heures qu'arrangent l'exploitant, c'est à dire celles où il n'y a pas de trafic voyageurs. Ceux-ci prendront donc le pas sur les trafics de marchandises.

    Le problème n'est pourtant pas de rendre la Grande Ceinture en elle-même plus performante, puisque pour y arriver, il faut s'approcher de la région parisienne. Or, située en zone urbaine, où l'espace manque cruellement, cette ligne ne peut être améliorée qu'à un coût astronomique, il faudra compter avec l'opposition des riverains qui n'accepteront certainement pas l'accroissement des nuisances dans leur environnement. Il est évident que le coût au kilomètre sera prohibitif.

    A la nécessité générale d'augmenter les fréquences et afin de régler des conflits de circulation de plus en plus nombreux sans investissements pharaoniques, une conclusion simple s'impose : il faut éliminer de la région parisienne tout le trafic qui n'a pas lieu d'être à savoir le trafic de transit fret.

    Le réseau ferré de France est riche de nombreuses rocades permettant de contourner Paris à une distance de 150 à 200 km. Ces lignes, bien tracées et à double voie ont assuré un service important, surtout dans le domaine du fret, du temps de la traction à vapeur. Leur rôle a diminué dans les dernières décennies en raison de la concentration du trafic opérée sur les artères électrifiées (pour une plus grande productivité : politique d'équipement minimale de la SNCF qui a provoqué le rabattement sur quelques lignes de toutes les sortes de trafic), au point qu'elles sont tombées dans un quasi-oubli. Mais elles existent et représentent un beau capital avec un potentiel très important. La solution serait alors de reporter des trafics sur ces fameuses rocades sous utilisées après modernisation et électrification. L'idée serait ainsi de créer un grand contournement de Paris (GCP) qui serait à même de résoudre un grand nombre de problèmes que rencontre l'acheminement du fret et permettrait en même temps de se donner les moyens grâce à une infrastructure efficace de conquérir des marchés.

    B. Itinéraire et évaluation du projet

    La route des trafics portuaires vers l'est relève donc du rail. Toutefois, à raison de près de 550000 conteneurs EVP confiés au fer à l'horizon 2010 (contre 160 000 actuellement), la desserte dite actuelle va droit à la saturation. Elle est prévue dès 2002. En toute logique, le projet Port 2000 a d'abord été soumis à des choix maritimes. Très vite, les regards se sont tournés vers l'intérieur, dans la mesure où les ports les plus performants sont généralement ceux où les marchandises restent le moins longtemps.

    La pertinence de l'offre ferroviaire ne se mesure pas à l'aune de la seule quantité. Il y faut aussi fiabilité, flexibilité, compétitivité. A cet égard, l'optimum n'est pas atteint. Question infrastructure, la desserte en profondeur de l'arrière-pays havrais butte sur le contournement de Paris, où les trafics entrent en conflit, on l'a vu entre autres, avec les trafics banlieue de la région parisienne. Question exploitation, les Havrais sont aussi demandeurs.

    Si, dans le sillage de Port 2000, la part modale du fer doit passer à 20% puis 25, il faut que l'offre ferroviaire suive. La région parisienne ne suffit pas à fournir le pourcentage minimal de boites justifiant l'escale d'un très grand PC : soit 15% en règle générale d'un navire chargeant 6000 boites par exemple. Puiser dans d'autres grands bassins de production et de consommation est dès lors un impératif.

    Etat de l'infrastructure

    Le grand contournement ferroviaire commence à Motteville sur l'axe Le Havre/Paris, à environ 60 km à l'est du grand port normand. Cette jonction amorce le début d'une petite section à voie unique, non électrifiée et utilisée pour la desserte locale. Longue de quelques dizaines de kilomètres, elle rejoint toujours plus à l'est l'axe Rouen/Amiens modernisé et électrifié en 1984 en qualité d'itinéraire bis avec une composante fret marquée. Cet axe permet de rejoindre l'axe Paris/nord à gros gabarit vers le tunnel sous la manche, l'agglomération Lilloise et le vieil axe franco-belge en direction de Metz. L''itinéraire du GCP quitte Amiens pour une ligne orientée plein est vers la Lorraine. La ligne Amiens-Tergnier-Laon-Reims-Chalons en champagne est une ligne à double voie non électrifiée nécessitant des travaux de modernisation. Il s'agît d'une ligne à double voie bien tracée sans ouvrage d'art important à mettre au gabarit (pas de tunnels) et dont tous les noeuds sont déjà sous caténaires (Tergnier et Reims). De surcroît et dans le cadre précédent d'ailleurs, aucune sous-station 25KV nouvelle, ni ligne d'alimentation haute tension de celle-ci ne serait à prévoir. Les sous-stations existantes au point de croisement avec les lignes déjà électrifiées devraient suffire après renforcement si l'on adopte la formule 25KV avec autotransformateur. Et ceci d'autant plus qu'un bloc automatique à cantons longs (espacement de 7/8 mm) devrait suffire. Reims/Chalons en est d'ailleurs déjà equipé. A noter que sur ce dernier tronçon, la section comprise entre l'échangeur avec le futur TGV existant à hauteur de St Hiliaire au Temple et Chalons est de toute façon programmée pour être électrifiée. Avec ces travaux, on obtient, pour un coût bien moindre et un résultat supérieur, un axe fret bien équipé évitant Paris et offrant d'intéressantes possibilités d'utilisation par le maillage qu'il permet avec le réseau existant qui amènerait l'amélioration de la rotation du parc de matériel et d'accroissement de la fluidité et de la régularité des acheminements.

    Il y a cependant les innovations technologiques attendues notamment par le port du Havre de massification des pré- et post-acheminements qui imposent des coûts d'aménagement beaucoup plus élevés et de nombreux problèmes d'adaptation. C'est alors tout l'itinéraire qui devra subir des travaux. Ligne dédié au fret, l'axe pourrait être autorisé à un poids à l'essieu de 22,5 tonnes, voire 25 tonnes d'ici à quelques années et où pourraient circuler des trains jusqu'à 1500 voire 2000 mètres, mais cela n'est pas simple sur le plan technique de faire rouler des trains longs de deux kilomètres.

    La ligne, même si elle n'est pas encore électrifiée, est capable de supporter, avec un renforcement au sol, des trains longs tout en assurant une bonne moyenne, c'est à dire environ 50 km/h du départ à l'arrivée. Cela suppose d'abord une étude fine sur l'optimisation des sillons et l'augmentation de la capacité (cantonnement avec blocs automatiques), indispensables avec le croisement de toutes les lignes radiales sur Paris. Mais il y a aussi les trains qui nécessitent dans ce cas un système de freinage adapté qui n'a pas encore été mis au point (l'étude sur les trains longs n'a pas encore été réalisée). Autre problème, celui des voies d'évitement et de garage de 750 mètres qui ne suffisent bien évidemment pas à des trains deux fois plus longs.

    La section Motteville-Montérolier Buchy est peut être le point de départ du GCP

    Embranchée d'une part à Motteville sur l'axe Le Havre/Paris, à 60 km en aval du Havre, et d'autre part à Montérolier, 90 km au sud d'Amiens sur l'axe Amiens-Rouen , la section Motteville/Montérolier est aujourd'hui un élément d'infrastructure essentiellement utilisé pour la desserte locale. Elle rend néanmoins faisable une liaison directe de la partie avale de la Basse Seine, avec les réseaux nord et est du pays, évitant le passage par la gare de Rouen et la bifurcation de Darnétal, itinéraire très utilisé actuellement. Cette ligne représente un avantage majeur pour éliminer les conflits de circulation de Rouen, pour les circulations de ou vers Amiens. Cependant , l'emploi très marginal de cette section par les plans de transports nationaux de la SNCF, s'explique par le fait que son infrastructure n'est pas électrifiée, ni homogène avec les artères qu'elle est censé relier. Ses caractéristiques (voie unique non électrifiée à cantonnement téléphonique, à vitesse limitée à 70km/h réduite à 40 quand la charge à l'essieu atteint 22,5 tonnes) ne permettent pas d'assurer un débit des circulations à un niveau de souplesse et d'efficacité compatible avec celui de l'ensemble du dispositif utilisé.

    Aujourd'hui, la question de la rénovation de cette ligne est d'actualité car elle permettrait d'offrir au fret portuaire havrais, l'accès à un vecteur de distribution avec l'accueil d'innovations technologiques qui hisserait l'acheminement ferroviaire à un niveau de performance compatible avec les ambitions de développement annoncées par le site portuaire lui-même.

    La section offre ainsi une liaison directe avec Amiens et une opportunité de contourner l'Ile de France en direction de l'est et le sud-est de la France mais aussi vers l'Europe Centrale et Orientale. La section contribuerait à assurer la compétitivité ferroviaire du port normand dans l'hinterland européen. Et l'itinéraire Amiens, Tergnier, Chalons en Champagne peut apporter une alternative sérieuse au passage par la Grande Ceinture. Outre le raccourci considérable sur la distance Le Havre/Amiens, la modernisation et l'électrification de faible ampleur, qui peut être réalisée en moins d'un an, permettrait également de soulager le noeud de Rouen et l'axe Le Havre/Paris et de dégager des sillons supplémentaires.

    La région Haute Normandie est d'ailleurs prête à financer ces travaux dans le cadre des contrats de plan Etat/Régions dont le coût est estimé à 250 millions de francs.

    Plusieurs questions sur la crédibilité du projet se posent et leur résolution renvoie tantôt aux caractéristiques ou aptitudes de l'itinéraire, tantôt à son régime d'exploitation. Des études ont été réalisées et définissent les types de circulation les plus pertinents susceptibles d'emprunter l'itinéraire en fonction d'un trafic potentiel à évaluer sur la base d'une offre de services à déterminer en fonction des différents scénarii d'investissements possibles, plus ou moins volontaristes en matière de dépenses publiques. Selon les performances recherchées pour l'itinéraire, d'une part au niveau de l'exploitation, et d'autre part au niveau de la compétitivité tarifaire des services offerts, il conviendra de définir les niveaux d'investissements requis, progressifs et justifiés par la rentabilité économique du projet.

    Diverses caractéristiques d'exploitation à rechercher doivent être examinées et leur pertinence appréciée à la lumière de leur compatibilité avec l'infrastructure et les autres natures de circulations sur l'axe :

    · ouverture de la relation aux trains du combiné, aux trains entiers voire aux trains lourds

    · desserte par trains navettes, par batteries de trains

    · priorité d'acheminement conférée aux trains de fret vis à vis des trains de voyageurs que supportent certaines portions de l'itinéraire assurant par endroits des dessertes périurbaines (TER)

    · circulation de trains longs et lourds (1500mètres)

    · remise en cause du plan de transport actuel de la CNC dont l'organisation repose sur des points nodaux centralisateurs

    · contribution à la décongestion de la grande ceinture ferroviaire en Ile de France

    · la facilité de circulation des itinéraires de détournement qui sont aujourd'hui difficiles à utiliser de jour comme de nuit (lignes fermées), ce qui nécessite l'installation de dispositifs automatiques d'espacement des trains

    Parallèlement, le traitement de quelques points singuliers très pénalisant dans l'acheminement des trains et le dégagement au gabarit B+ pour envisager les utilisations complémentaires de cet itinéraire devront être réalisés ainsi qu'un programme de régénération des voies afin de relever progressivement la vitesse des trains de fret à 100 ou 120 km/h.

    Le volume global de ces investissements est évalué à 2,2 milliards de francs d'ici 2006.

    Les résultats des études effectuées fournissent une analyse très précise et très bien définie de tous les scénarii possibles selon les prévisions de trafic de la SNCF et les investissements de modernisation sur le grand contournement. Il serait inutile de reprendre textuellement dans cette étude les résultats et les hypothèses des différents travaux. Il apparaît pourtant des conclusions intéressantes :

    en raison de l'importance des investissements d'infrastructures, les réseaux ferrés sont marqués par une grande inertie. La rentabilité d'une voie ferrée est d'autant plus forte que le trafic y est plus intense, le coût marginal de circulation plus faible que le trafic est plus élevé, les frais fixes d'exploitation étant proportionnellement très importants. En raison de l'inertie des réseaux ferrés construits à l'aide d'investissements lourds, ils demandent une longue période d'amortissement, le chemin de fer a besoin de flux volumineux et stables. Et c'est là qu'interviennent de nombreuses réticences car les prévisions de trafic du port du Havre sur les acheminements paraissent beaucoup plus optimistes que celles de la SNCF. Car il ne faut pas oublier que le profil de l'activité conteneur au Havre sera encore fortement dessiné par le marché intérieur français, que l'hinterland ferroviaire intérieur du port est surtout au sud-est et au sud-ouest. Certes la SNCF prévoit l'augmentation du trafic en provenance ou vers les ports français, mais les estimations sont inférieures à celles du port qui, on peut le comprendre dans le contexte concurrentiel portuaire actuel, doit commencer à s'inquiéter de ne pas voir la situation évoluer rapidement. En effet, la perspective de l'aménagement du GCP conduit, dans la seule prise en compte du port havrais dans les trafics fret, la SNCF et RFF à percevoir un combinatoire coût/efficacité difficile après les investissements consentis et l'augmentation fortement probable des péages.

    A la SNCF, on n'est pas contre l'idée de cette ligne mais on réclame en contrepartie une prise de conscience des opérateurs portuaires et notamment des transitaires afin qu'ils s'unissent pour mettre en place un nouveau système de commercialisation des conteneurs permettant de faire des prix de forfait compétitifs sur les navettes.

    Par ailleurs, RFF et la SNCF considèrent l'axe Le Havre/Paris et le passage par la grande ceinture comme étant le plus performant. L'étude sur le GCP souhaite d'ailleurs le maintien du trafic sur la radiale de la grande ceinture qui est et restera, malgré les retards entraînant des délais prolongés, l'itinéraire le plus performant pour un grand nombre de destinations.

    Heureusement, il existe sur cet itinéraire une juxtaposition d'intérêts et il faut principalement aller voir du côté de l'étranger pour relancer le projet. Quels sont les flux concernés par le GCP ? Tout d'abord ceux de l'axe est/ouest, en particulier l'évacuation du trafic du port du Havre, le mieux placé sur la façade atlantique. Mais il existe aussi un potentiel détournable venant du Royaume Uni en direction de l'Europe Centrale et l'Italie. La Rocade peut en effet être une alternative pour les trafics venant des ports de la Grande Bretagne et libérer ainsi la transversale nord-est longeant en France la frontière belge, axe très emprunté qui connaît d'inquiétants problèmes de congestion. Les prévisions de trafics sur le GCP sont ainsi revues à la hausse surtout dans le cadre d'une coopération entre les réseaux nationaux (corridor de fret).

    Il reste toujours le problème du financement. RFF a fait établir un rapport sur les différents scénarii d'aménagement de la Rocade et en a fait parvenir à chaque DRE des régions concernés par le GCP pour les inciter à prendre part à l'investissement. Dans un contexte de restrictions budgétaires importantes, RFF a établi un texte qui autorise le gestionnaire d'infrastructure à chercher de nouveaux partenaires dans certains projets. De leur côté, les régions ne sont pas contre l'aménagement de cet itinéraire du moment qu'elles disposent d'une desserte, mais quant à l'investissement, elles deviennent plus sceptiques et considèrent, sûrement à raison, le trafic ferroviaire de transit bien peu rentable.

    C. Le projet de GCP dans le cadre des corridors de fret

    Le traitement d'un itinéraire ferroviaire à priorité fret ne constitue pour la communauté portuaire havraise qu'une réponse partielle à la question de l'amélioration de la desserte ferroviaire du port. Les mesures de libéralisation du transport ferroviaire sont un autre point sur lequel Le Havre doit porter son intérêt pour développer son hinterland.

    En juillet 1996, le Livre Blanc de N. Kinnock «Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires » souligne la nécessité d'introduire dans l'environnement ferroviaire des mécanismes de marché et de tirer parti de l'ouverture des frontières intracommunautaires. Ce document, mettant en exergue des vitesses commerciales de trains souvent inférieures à 20 km/h compte tenu des arrêts techniques en frontières, suggère la création de « freeways » dont le double objectif vise, d'une part, à assurer la liberté d'accès à tous les opérateurs ferroviaires, et d'autre part, de faciliter et simplifier l'usage de l'infrastructure ferroviaire, notamment pour le transport de fret transfrontalier. La libéralisation de l'Europe ferroviaire, en application de la Directive Européenne 91/440, prévoit, outre le libre accès aux réseaux nationaux pour tout opérateur implanté dans l'Union Européenne et la séparation de l'exploitant d'avec la gestion de l'infrastructure, la mise en place de structures de coopération entre les réseaux pour simplifier l'exploitation du transport de fret transfrontalier. Ce dernier objectif a donné lieu à la définition d'itinéraires ferroviaires dédiés à l'acheminement du fret, initialement appelés « freeways » puis TERFF (Trans European Rail Freight Freeways), couloirs réservés aux circulations de fret, ouverts à la concurrence et régulés par une autorité supranationale. Les TERFF doivent présenter selon le respect de la législation européenne (Directives 91/440 et 95/18-19) quelques caractéristiques :

    · l'accès aux couloirs doit être accordé sur la base de critères non discriminatoires à tous les opérateurs

    · les couloirs doivent être ouverts au cabotage et au trafic international

    · les terminaux de fret doivent être ouverts à tous les opérateurs ferroviaires

    · les horaires des sillons doivent être coordonnés entre pays participants pour donner une meilleure fluidité au passage des frontières

    · la commercialisation de l'usage et la gestion du trafic des freeways doivent être opérées par le biais d'un guichet unique dit « one stop shop » qui assurera l'exploitation commerciale et notamment la réservation des capacités de transport pour chaque client en fonction des disponibilités

    Le guichet unique est la structure commerciale représentant tous les gestionnaires d'infrastructure concernés par le corridor transeuropéen créé, chargée d'octroyer les droits d'accès, de tracer la circulation des trains et de percevoir les redevances d'utilisation pour l'emprunt du corridor. C'est l'unique interlocuteur pour le client chargé de la coordination entre les différents gestionnaires nationaux d'infrastructure.

    La tarification s'effectue par l'addition des redevances nationales. Des grilles tarifaires sont ainsi mises en place. Mais de nombreuses différences dans les péages entre pays membres créent de nouveau des difficultés car certains se sentent, comme la France, lésés.

    Les exploitants des chemins de fer nationaux ne percevront que des péages.

    L'impact sur les prix de transport pourrait atteindre près de 25% de réduction. La nouvelle entente européenne devrait réduire les temps de parcours de 20% et générer du même coup un trafic supplémentaire de deux à trois millions de tonnes par an.

    Dans l'esprit de la Commission Européenne, les freeways ne sont que des solutions à court terme pour renverser la situation actuelle et marquer des points dans la bataille contre la route, en attendant la mise en place définitive de la libéralisation.

    La mise en place des premiers freeways ferroviaires a été officiellement annoncée en 1997 par la Commission Européenne. Trois tracés, tous orientés nord-sud ont été définis. Ils partent respectivement de Rotterdam et de Hambourg/Bremerhaven pour rejoindre selon le cas, l'Italie ou l'Europe Centrale dont un vers Sopron en Hongrie. Leur mise en place se fera sur la base d'accords de coopération entre les entreprises gestionnaires. Les réseaux sont reliés entre eux et échangent ainsi des trafics : ces systèmes supposent alors une normalisation technique (écartement des voies, gabarit du véhicule, système d'attelage et de freinage), opérationnelle (composition des tracés et circulation du matériel), commerciale, tarifaire, juridique et informatique...pour faire un pas en avant vers l'interopérabilité de la circulation des trains. Les délais d'acheminement pourront être réduits grâce à l'amélioration technique des possibilités de transit international en Europe et rendront le chemin de fer plus compétitif. La vitesse commerciale des corridors pourraient s'élever de 50 à 70 km/h au lieu de 16 km/h actuellement, grâce à des réductions d'attente aux frontières (changement d'engin de traction et de personnel de conduite) allant jusqu'à 80%.

    Ressource essentielle du transport ferroviaire, la traction revêt une importance plus aiguë encore dans la mise en oeuvre des corridors de fret. Apanage des entreprises ferroviaires -au sens de la Directive Européenne-, la traction nécessite une adaptation aux différences de courants, de signalisations existant en Europe conduisent à imaginer pour ces axes des machines poly courant, seul passe partout face aux frontières techniques des réseaux qui rallongent les délais d'acheminement et baissent le niveau de compétitivité. Comme la 36000 Aristide qui pourrait aller, en considérant le seul captage du courant, de Belgique en Italie via la France.

    D'autres itinéraires sont également prévus et notamment un corridor entre le Royaume-Uni et la Hongrie.

    On peut remarquer que les premières applications des freeways sont au service des grands ports européens étant donné l'enjeu qu'ils représentent pour l'économie européenne qu'ils alimentent par la distribution terrestre des marchandises. Dans le contexte actuel, la massification des flux des ports vers leurs arrière-pays sont donc une obène pour le transport ferroviaire.

    Par ailleurs, la mise en place des premiers freeways européens suscite les réserves voire les réticences des acteurs français, qu'il s'agisse des pouvoirs politiques ou des opérateurs car les premiers corridors définis par Bruxelles sont prioritairement orientés nord-sud, servant ainsi l'approfondissement des arrière-pays hanséatiques et scaldéens et évitent remarquablement la France. Car les projets soutenus par la Commission Européenne contournent les pays réticents à une plus grande libéralisation. Ainsi, la Belgique la France et l'Espagne sont absents des projets de Bruxelles. Or, la France, du fait de l'importance de ses flux de transit, ne peut pas rester à l'écart et voir ainsi des trafics lui échapper. Les ports français veulent eux aussi rester dans la course des ports européens et ont donc fait pression sur le gouvernement français et la SNCF afin de mettre en place des corridors de fret sur le territoire français. Il en résulte que la SNCF a proposé sa propre vision des couloirs de fret et a lancé son projet de « freightway ». Ce vocable a été choisi pour montrer que ce concept diffère de celui de la Commission Européenne. La France et ses voisins insistent plus particulièrement sur la notion de coopération entre les réseaux et les entreprises nationales ferroviaires offrant la même qualité de service que les corridors européens, avec des coûts tout aussi compétitifs. Seules les entreprises ferroviaires et les regroupements internationaux autorisés par les gestionnaires concernés peuvent y circuler. La différence s'exprime également dans la conception du guichet unique : les gestionnaires d'infrastructure de chaque Etat peuvent garder un contrôle, et restent libres de donner ou non mandat au guichet unique en ce qui concerne les accords techniques, administratifs et financiers définissant les conditions d'accès à l'infrastructure. Les gestionnaires d'infrastructure conservent un droit national (pour les besoins nationaux).

    Ainsi s'annonce un combat juridique et commercial entre deux courants : l'un prônant la voie de la coopération sur un traitement technique des itinéraires, l'autre vers la libéralisation et l'ouverture totales des réseaux, les deux ayant tout de même en commun l'émancipation des mécanismes de marché des contraintes de franchissement des frontières. Le gouvernement français et la SNCF ne veulent pas d'une libéralisation « sauvage », qui les priverait des trafics les plus rentables.

    En réaction à la publication de la première carte des TERFF établie par Bruxelles, la SNCF, associée aux chemins de fer luxembourgeois et belges, a annoncé en 1998 la création d'un corridor ferroviaire pour le fret entre Muizen, noeud ferroviaire desservant Anvers, et Lyon/Sibelin/Vénissieux. Ce corridor devrait être prolongé vers l'Italie et l'Espagne.

    On peut comprendre alors l'irritation du port du Havre quand il a découvert la carte des corridors européens d'une part, la création du freightway entre Anvers, concurrent sérieux du Havre, et le coeur de l'hinterland du port havrais d'autre part.

    Les revendications françaises concernant notamment le dégagement d'un corridor entre Le Havre et Strasbourg et son prolongement jusqu'à Sopron ont longtemps été rejetées par Bruxelles du fait de l'opposition allemande. L'approche française du corridor ferroviaire se heurte à la conception très libérale de Bruxelles, soutenue par les allemands et les hollandais, qui incluent le cabotage. Il semble toutefois que la copie ait été revue et que la carte ferroviaire européenne s'enrichira en particulier d'un corridor reliant Le Havre avec l'est. En effet, afin de développer la part de marché du trafic fret entre la Grande Bretagne, les ports du Havre et de Dunkerque et le centre de l'Europe, la DB AG, Eurotunnel, les ÖBB, les RoeEE AG, Railtrack, RFF et la SNCF sont convenus de créer un corridor de fret entre les zones de concentration des trafics de Glasgow, de Liverpool, Manchester, Birmingham, Londres, Dunkerque, Le Havre, Metz, Strasbourg, Francfort, Wurzburg, Nuremberg, Passau, Wels, Linz, Vienne, Sopron.

    L'accord cadre signé à Vienne le 3/3/1999 est la concrétisation des contacts établis entre ces compagnies ferroviaires qui avaient abouti le 3/7/1999 à la signature d'une lettre d'intention pour la mise en place d'un corridor entre l'ouest et le centre de l'Europe. La mise en place de ce corridor se fait en application de la réglementation européenne, sur la base d'accords de coopération entre les entreprises gestionnaires d'infrastructure. Quatre sillons internationaux ont été établis et permettent de relier quotidiennement Sopron, à Mossend près de Glasgow ou au Havre. Le guichet unique, situé en Autriche coordonne les processus de planification des sillons et leur attribution aux entreprises ferroviaires ou aux regroupements internationaux respectant les dispositions des directives 91/440, 95/18-19 qui en font la demande. Cependant ce corridor n'est que théorique et n'existe que sur un plan juridique, aucun service n'a été commercialisé pour l'instant, les premiers trains ne pouvant être assurés qu'après le règlement de nombreux problèmes techniques qui rendent le parcours beaucoup trop cher.

    D. Les projets concurrents d'Anvers et Rotterdam

    Des projets de création d'axes lourds réservés à l'acheminement du fret existent déjà à l'étranger et visent à améliorer techniquement et commercialement les modalités de pré- et post-acheminement des ports du Bénélux. Ils cherchent manifestement eux aussi à rendre plus compétitive l'évacuation des conteneurs maritimes et à repousser ainsi la profondeur de l'hinterland des ports d'Anvers et de Rotterdam. Deux projets sont proposés dont celui de Rotterdam qui a été signé par le gouvernement néerlandais :

    Les autorités hollandaises ont pour leur part établi un projet de ligne ferroviaire dédiée au fret, à l'instar du GCP en France, appelée la « Betuwe Lijn ». Longue de 160 km, la Betuwe Lijn sera apparemment apte à des procédures d'exploitation innovantes pour un chemin de fer européen : trains longs et lourds affichant un poids à l'essieu de 35 tonnes avec la technique nord américaine du double stack (deux conteneurs superposés). Conçue comme une artère d'évacuation massive par navettes des terminaux de la Maasvlakte à Arnhem(extension la plus occidentale du port de Rotterdam) vers les réseaux de distribution routiers, fluviaux et ferroviaires européens à partir de la frontière allemande, le projet prévoit une ligne à deux voies avec une capacité de dix trains par heure dans chaque sens pour une vitesse commerciale de 120 km/h. Un projet qui peut faire rêver Le Havre. La ligne est la première étape d'un axe qui devrait être prolongé jusqu'à la frontière suisse selon les accords pris entre les gouvernements hollandais et allemands. Mise en service attendue en 2004.

    Ce projet revêt une importance capitale pour le premier port européen car le chemin de fer n'a pour l'instant qu'une part très faible de la desserte terrestre de Rotterdam (4,5% en 1997) mais le port a vite pris conscience de l'enjeu de l'outil ferroviaire sous système de navettes pour intensifier les flux de conteneurs vers l'arrière-pays et de répondre ainsi efficacement à la massification du transport maritime. Actuellement sous la menace de la congestion ferroviaire, Rotterdam pourra ainsi accompagner l'expansion du rail et prévoit à partir de 2005-2006 de quintupler la capacité des infrastructures.

    Ce projet a été retenu parmi les 14 projets d'infrastructures de transport prioritaires définis par Bruxelles au Conseil Européen d'Essen en 1994 et sera entièrement financé par l'Union Européenne.

    De leur côté, les belges qui ont également compris l'enjeu du rail poussent un « vieux projet » concurrent, desservant la Rhur et la « banane bleue », d'un enjeu capital pour le port d'Anvers : il s'agît du « Rhin d'acier » ou « Ljzeren Rijn », la réhabilitation d'une voie existante depuis l'embouchure de l'Escaut à Anvers en direction de l'Allemagne (Mönchengladbach) et qui serait utilisée selon les mêmes principes que ceux de la Betuwe Lijn (trains blocs par navettes).

    L'existence de cette voie réduit ainsi considérablement le coût d'aménagement de l'infrastructure qui s'élèverait de 300 millions à un milliard de francs (selon électrification ou pas) contre 74 milliards pour la Betuwe Lijn !

    Ce projet est donc une formidable opportunité pour le port belge qui pourrait rapidement concurrencer la desserte terrestre des ports concurrents et notamment celle de Rotterdam.

    Cependant, le projet belge traverse une partie du territoire hollandais avant d'atteindre l'Allemagne. Ces derniers ont ainsi la « chance » de pouvoir bloquer le projet belge éminemment dangereux pour le projet de Rotterdam.

    Des pourparlers sont actuellement engagés entre les deux parties pour trouver un terrain d'entente.

    La concurrence entre les ports se joue là bien à terre.

    CONCLUSION

    La rationalisation du transport maritime a conféré une importance accrue à l'organisation et à l'efficacité des opérations à terre où la desserte intérieure et le passage portuaire représentent à eux seuls plus de la moitié du coût total de la chaîne de transport.

    La compétitivité du transport maritime se joue aujourd'hui à terre, et la compétitivité des places portuaires qui s'efforcent chacune d'attirer les armements, dépend désormais très étroitement des performances des réseaux et de l'offre de services terrestres.

    Si les performances nautiques d'accessibilité sont essentielles à l'accueil du navire, elles ne suffisent plus à déterminer les choix d'escale du navire et les ports de transit pour les marchandises. Les caractéristiques de productivité, de fréquence et de massification des vecteurs terrestres de transport sont devenus des critères différentiels justifiant le choix final des armements. C'est l'attractivité vis à vis des armements qui conditionne le développement futur.

    Port 2000 paraît évident pour faire face à la concurrence dans la mesure où le port a besoin de nouveaux postes à quai susceptibles d'accueillir les plus grands porte conteneurs, à la fois pour des raisons quantitatives et qualitatives (réduction de la durée des escales et massification du trafic). Aussi, sa réalisation doit intervenir avant que les trafics ne soient durablement stabilisés sur d'autres ports européens.

    Le projet n'est pas uniquement maritime et concerne aussi l'intégration de l'ensemble des dispositifs de desserte terrestre. C'est pourquoi le port havrais souhaite développer en même temps la qualité de sa desserte terrestre, au niveau du transport routier qui constitue le premier mode de transport pour le pré- et les post-acheminement des marchandises qui transitent par le port sur un arrière-pays largement concentré sur la région parisienne, au niveau du transport fluvial qui pourrait contribuer même s'il est limité à l'Ile de France, à la massification des acheminements, mais aussi et surtout au niveau des infrastructures de transport ferroviaire qui permettraient au Havre de bénéficier d'une desserte développant les atouts et avantages du transport ferroviaire, à savoir le transport de conteneurs sur longues distances. Celui-ci permettrait à la place portuaire, dans un contexte favorable à la généralisation et à l'harmonisation du transport ferroviaire à l'échelle européenne grâce à la mise en place des freeways (TERFF) et freightways, d'approfondir son hinterland.

    A la qualité de la desserte terrestre doit s'additionner l'extension de l'hinterland au sein duquel le port peut offrir aux armateurs les meilleures conditions d'acheminement terrestre au meilleur prix, bref le meilleur rapport coût/efficacité.

    Pour cela Le Havre doit disposer d'une infrastructure apte à renforcer ces éléments de compétitivité, qui permette d'optimiser la réduction des délais d'acheminement et des coûts.

    Le grand contournement ferroviaire du bassin parisien serait une formidable opportunité pour améliorer la fluidité du trafic vers l'est de la France et vers l'Europe Centrale et atteindre les grands centres industriels européens tournés vers l'économie mondiale. Mais il ne faut pas oublier que si le fond de commerce du port est aujourd'hui presque exclusivement français(plus de 90%), sa part de marché de 30% n'est pas satisfaisante surtout dans des zones particulièrement et géographiquement à sa portée comme le sud-est en plus desservi par les ports du nord. Un accès compétitif en temps comme en prix est primordial à garantir pour prendre un leadership incontesté dans le sud-est et une part significative du marché vers l'Italie. L'emprunt de l'axe Le Havre-Mantes demeure indispensable pour la compétitivité commerciale dans ces zones. Le passage par la Rocade nord représente vraiment un détournement d'itinéraire avec des allongements de parcours de 20 à 40% qu'il est difficilement concevable de voir compensés par la qualité de l'acheminement.

    Il est cependant indispensable d'investir massivement pour la modernisation de cet axe. L'observation de la situation géographique de la section Amiens/Chalons en fait néanmoins le chaînon manquant d'un axe d'intérêt stratégique dans les relations ouest est ou ouest sud est (Grande Bretagne, France, Europe Centrale). L'aménagement de cet itinéraire rapide doublant l'artère nord-est est donc de l'intérêt général du réseau national et encore plus du réseau européen.

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