Université Paris IV La Sorbonne
U.F.R. de Géographie
Mémoire de D.E.S.S. Transport, Logistique et
Communication des échanges internationaux
sous la direction de M. E.Auphan
Promotion 1998/1999
LE PROJET DE GRAND CONTOURNEMENT FERROVIAIRE DU BASSIN
PARISIEN AU DEPART DU PORT DU HAVRE DANS LE CADRE DES CORRIDORS DE FRET
EUROPEENS
Roman LAUTERFING
septembre 1999
LE PROJET DE GRAND CONTOURNEMENT FERROVIAIRE DU BASSIN
PARISIEN AU DEPART DU PORT DU HAVRE DANS LE CADRE DES CORRIDORS DE FRET
EUROPEENS
INTRODUCTION 6
I. LE DEVELOPPEMENT DU PORT DU HAVRE : UNE NECESSITE
9
A. La massification du transport maritime 9
B. Concurrence entre « main ports »
17
C. Le port : plate-forme de transbordement
multimodale 22
D. Le projet Le Havre « Port 2000 »
24
a) Présentation de la plate-forme portuaire 24
b) Le projet « Port 2000 » 26
II. LA DESSERTE TERRESTRE DE L'ARRIERE-PAYS : LE
ROLE DU CHEMIN
DE FER 32
A. L'importance de l'hinterland 42
B. Irrigation des trafics entre les différents
modes de transport dans l'arrière-pays
havrais 51
C. Un nouveau contexte propice au développement
du transport ferroviaire
D. Les navettes 57
III. LE PROJET DE CONTOURNEMENT FERROVIAIRE DU BASSIN
PARISIEN DANS LE CADRE DES CORRIDORS DE FRET EUROPEENS 63
A. La saturation du noeud parisien 66
B. Itinéraire et évaluation du projet
68
C. Le projet de GCP dans le cadre des corridors de fret
77
D. Les projets concurrents d'Anvers et Rotterdam
82
CONCLUSION 85
Bibliographie 87
Face à un nouveau contexte concurrentiel européen
entre les ports maritimes, il apparaît clairement que le projet du port
du Havre « Port 2000 » de développement de ses
capacités nautiques, d'accueil et de traitement de super porte
conteneurs de plus en plus grands, est indispensable pour répondre
à la politique armateuriale de rationalisation et de massification du
transport maritime. L'application de ce projet permettrait à la place
portuaire d'avoir l'opportunité majeure de s'affirmer comme l'un des
« main ports » européens du conteneur.
Mais la compétitivité du transport maritime se joue
également à terre. La densité et la qualité de la
desserte terrestre d'un port deviennent de plus en plus déterminantes
dans le choix d'escale des armateurs. Les transports terrestres doivent
intégrer les caractéristiques de massification pour desservir
efficacement les conteneurs sur un hinterland de plus en plus grand au fur et
à mesure que les frontières s'ouvrent.
La technique ferroviaire paraît être la plus apte
à répondre à ce nouveau concept de massification des
dessertes terrestres sur longues distances.
L'ouverture des réseaux nationaux, la
libéralisation du mode ferroviaire et une uniformisation
européenne des techniques de transport ferroviaire sont néanmoins
obligatoires pour rendre ce mode compétitif et proposer une alternative
à la route. Il y va de sa survie.
C'est pourquoi le port du Havre a émis le souhait
d'être doté d'une desserte ferroviaire dédiée au
fret dans le cadre des corridors de fret, premiers pas vers la
libéralisation du transport ferroviaire en Europe, par un
itinéraire contournant un noeud parisien saturé, par la Rocade
nord desservant ainsi l'est et le sud-est de la France dans un premier temps
(hinterland naturel du Havre), l'Europe centrale et la fameuse
« banane bleue » dans un second temps. Cet axe doterait Le
Havre de conditions favorables pour étendre son hinterland et pouvoir
faire face à la concurrence des grands ports européens du nord
qui prennent l'Europe tout entière pour hinterland.
L'importance de ce projet est telle que le port normand
dépend en grande partie de celui-ci pour rester parmi les grands ports
pivots européens.
In order to face the growing competition between the european
sea-ports in activity of super cellular ships, it is clearly necessary to
develop the « Port 2000 » project, at Le Havre harbour
concerning the capacity expansion, reception and treatment of bigger and bigger
ships, and to answer to the shipowner's politic of rationalization and
massification of maritime transport.
The realization of this project would place Le Havre harbour
amongst the main european containers ports.
But this competition is also taking place overland.The quality
and the accessibility and the land infrastructures become more and more
decisive in the shipowners choices to touch at a port.
The terrestrial transport must integrate the characteristics of
massification, to convey the containers until the hinterland which are becoming
bigger and bigger thanks to the opening of the frontiers.
The rail way technic seems to be the most qualified to answer to
this new concept of massification of land ways on long distances.
The opening of the rail networks, the liberalization of the rail
ways and an european rail technics uniformity are nevertheless compulsory to
accord a significant place to this sector.
That's why Le Havre harbour wish to be equiped with rail
infrastructures for freight transport, following an itinerary winding round the
saturated pole of Paris, serving the east and south-east of France first
(natural Le Havre hinterland),then Central Europa and the famous
« bleue banana ».
This network would provide favorable conditions to extend the
hinterland, in order to face the competition of the main north european
sea-ports which consider all Europa as hinterland.
This project is so important that Le Havre port is depending on
this success to stay amongst the bigger european sea-port.
INTRODUCTION
Dans le processus de mondialisation de l'économie, les
transports ont joué et jouent un rôle primordial. Le passage
à la globalisation et à l'intensification des échanges
internationaux a en effet été favorisé par les
évolutions techniques des transports telles que l'augmentation de la
rapidité et de la capacité du transport maritime, la baisse de
ses coûts, sans oublier l'essor des télécommunications.
La mondialisation de l'économie a pour effet de mettre en
concurrence les économies nationales et leurs entreprises. La
maîtrise des transports apparaît essentielle pour les
régions ou pour les Etats, la qualité par l'abondance et la
commodité de leurs infrastructures est facteur de développement
économique et de compétitivité. De meilleurs transports
abaissent les prix de revient, permettent d'étendre la zone de
distribution des produits, concourent à une plus grande satisfaction des
utilisateurs, et à une amélioration de la productivité des
entreprises et surtout manifeste un accroissement des échanges. Ces
échanges sont facilités par les
télécommunications.
Le transport international est donc essentiel pour
l'économie nationale et au niveau de la compétitivité
internationale des entreprises industrielles pour lesquelles la politique
logistique et le fonctionnement des chaînes de transport se
révèlent aptes à renforcer leurs positions
commerciales.
La performance en vitesse, le développement des techniques
de transport combiné ou multimodal favorisent l'internationalisation de
la production et des marchés. La complémentarité de tous
les moyens de transport contribue au développement de la logistique car
l'entreprise met l'accent sur l'optimisation du fonctionnement de l'ensemble de
la chaîne de transport et sur la maîtrise de l'acheminement comme
moyen de contrôle de la production et des débouchés.
Tous ces facteurs d'intensification des échanges
internationaux, d'intégration des préoccupations logistiques dans
les stratégies de production ou commerciales des entreprises font que le
transport international est devenu un élément capital pour la
compétitivité dans ce secteur, pour les industries et l'ensemble
de l'économie.
Le développement de la grande exportation confère
donc au transport un poids économique et un rôle
stratégique important dans l'économie. La capacité et la
rapidité des transports sont des éléments de
compétitivité dans les stratégies logistiques des
entreprises. Il convient alors pour les autorités nationales d'offrir
des infrastructures capables d'attirer des trafics participant à
l'accroissement des échanges et au développement
économique de leur espace.
Les ports maritimes apparaissent en premier lieu comme
infrastructures de transport les plus importantes car ils sont l'interface
directe avec le transport intercontinental par voie maritime par lequel se fait
deux tiers du transport mondial de marchandises. Leur capacité à
générer des trafics et à traiter le fret efficacement sont
les principaux atouts d'une place portuaire. Mais l'importance du port maritime
dépend également et de plus en plus de l'étendue de son
hinterland, la desserte de son arrière-pays.
En effet, les ports desservant les principales aires de
distribution, de consommation et de production sur le continent tendront
à devenir les principales portes d'entrée continentales de
marchandises car la hiérarchie portuaire se fonde de plus en plus sur
l'étendue et la desserte terrestre de l'hinterland. Car les ports
représentent pour les navires intercontinentaux des points de passage
obligés des marchandises mais ce ne sont que des points de transit
où la marchandise change de mode. Il faut ensuite l'acheminer par voie
terrestre afin de desservir l'hinterland.
Les transports terrestres ont donc un rôle très
important à jouer ici. La voie d'eau, la route et le rail
bénéficient donc aussi de l'accroissement des échanges
internationaux.
Mais c'est le rail qui, en Europe, attire l'attention car il est
avec les directives européennes un mode en pleine expansion au niveau
intra-communautaire apportant une solution efficace à la saturation du
transport routier. Les grandes places portuaires européennes projettent
des lignes ferroviaires consacrées au fret desservant
l'arrière-pays et les zones de distribution. L'intermodalité
entre le transport maritime et le transport ferroviaire est ainsi
nécessaire et même obligatoire afin d'offrir aux entreprises
situées dans l'arrière-pays des solutions logistiques efficaces
en matière de transport.
Tel est le cas de la plate-forme portuaire du Havre qui, avec le
développement de ses capacités portuaires, a émis le
souhait d'être desservie par une ligne ferroviaire rapide et efficace
consacrée au transport de marchandises. Cette ligne desservirait dans un
premier temps l'est de la France en contournant le noeud parisien par le nord,
l'est de l'Europe jusqu'à la frontière austro-hongroise dans un
second temps. Cette ligne permettrait ainsi au port du Havre de conforter son
aire d'attraction voire de l'agrandir par un moyen de transport efficace, et de
concurrencer les autres ports européens ayant émis le même
type de projet.
Pourtant, on peut se demander pourquoi le rail suscite t il un
tel intérêt au près des autorités portuaires
européennes étant donné qu'il a été
jusqu'à maintenant sous utilisé, et ce principalement au
détriment de la route.
Comment le rail peut-il contribuer au développement du
port du Havre ?
Quelles sont par ailleurs les projets du port pour faire face
à la croissance du transport du transport maritime et à la forte
concurrence européenne ? Pourquoi le port prône t il
l'aménagement d'un grand contournement ferroviaire du noeud
parisien ?
Pour répondre à ces questions, nous
étudierons dans un premier temps la nécessité de
développer les capacités de traitement des marchandises du port
du Havre face à la massification du transport maritime et à la
concurrence européenne.
Dans un second temps, nous développerons l'importance de
l'hinterland d'un port maritime puis le rôle et l'importance du rail au
sein de cet hinterland.
Nous procéderons dans un dernier temps à
l'étude du projet ferroviaire de grand contournement vers l'Est de
l'Europe et l'apport prévisible de celui-ci au port du Havre.
Il est utile de rappeler que ce projet et sa présente
étude expriment la volonté seule du port du Havre de s'adapter
aux nouvelles évolutions en matière de transport susceptibles
d'engendrer pour le site portuaire une croissance forte et durable.
I. LE DEVELOPPEMENT DU PORT DU HAVRE : UNE
NECESSITE
Le transport maritime connaît, depuis la mondialisation de
l'économie favorisée par les évolutions techniques en
matière de transport, une forte progression dans le transport de
marchandises.
L'intensification des échanges internationaux a en effet
entraîné une mutation et une restructuration du transport
maritime. L'augmentation de la capacité des navires et la baisse des
coûts de transport ont poussé la marine marchande vers la
massification des infrastructures. Les ports sont désormais contraints
d'accueillir des navires de plus en plus grands avec des volumes de plus en
plus importants et de les traiter dans les meilleures conditions possibles.
Une course au gigantisme est ainsi lancée entre les
différents ports européens qui revendiquent la place de porte
d'entrée de l'Europe.
Le Port Autonome du Havre qui a des atouts à faire valoir
dans cette lutte a ainsi émis un projet de développement des
capacités de ses infrastructures afin d'attirer une part de trafic plus
importante et d'avoir des moyens efficaces et performants de
réexpédition du fret dans son hintertland.
A. La massification du transport maritime
Le transport maritime a un rôle primordial dans le nouveau
contexte de mondialisation de l'économie, processus qui se
caractérise par la multiplicité des réseaux
d'échanges transnationaux, l'intensification de la circulation des flux
de marchandises à l'échelle mondiale, la prédominance des
télécommunications et la concentration des activités de
production entre un nombre réduit de régions
économiquement dynamiques. Les échanges se développent
mais se concentrent en quelques grands pôles correspondant aux pays
développés de l'hémisphère nord et notamment les
pays de la Triade Amérique du Nord/ Union Européenne/Asie du sud
est (Japon). Les échanges mondiaux de conteneurs sont principalement
effectués entre ces régions industrialisées. Le fait est
que les échanges est/ouest sont deux fois plus importants en volume que
les flux nord/sud entre les pays industrialisés et ceux en voie de
développement.
En 1996, les trois zones géographiques réalisent
81,7% du trafic conteneurisé mondial.
Ce sont :
· l'Extrême-Orient avec 44% (69,32 Mio EVP)
· l'Europe avec 23% (36,26 Mio EVP)
· et l'Amérique du Nord avec 14,7% (23,19% Mio
EVP)
L'Asie, qui a multiplié par près de 8 son trafic en
15 ans, alors que l'Europe n'a que triplé son activité durant le
même temps, affirme désormais son hégémonie sur la
scène mondiale.
Les entreprises de leur côté s'ouvrent et
fonctionnent sur un espace de plus en plus large par-dessus les
frontières ; elles dispersent leurs activités, se
délocalisent afin de conquérir de nouveaux marchés et
trouver des conditions optimales de fonctionnement notamment pour la main
d'oeuvre. Cette évolution se réalise à l'échelle
mondiale grâce aux télécommunications et aux techniques de
transport. Ces derniers étant de plus en plus performants, les distances
temps et les coûts d'exploitation sont par conséquent
réduits
Les causes de succès du transport maritime de biens
matériels sont donc évidentes :
· nécessité d'utiliser les voies maritimes
pour des échanges de plus en plus longs et de plus en plus volumineux
à un coût avantageux
· capacité de flexibilité (le transport
maritime peut acheminer toutes sortes de marchandises)
· grande sécurité du fret
transporté
Le transport maritime est parfaitement adapté au
gigantisme des infrastructures. L'absence totale d'infrastructure
linéaire du transport maritime admet la massification des volumes par le
gigantisme des navires.
La massification est la forme la plus spectaculaire de la
mutation du transport maritime : pétroliers géants, super
porte-conteneurs, infrastructures terminales de plus en plus lourdes, aires de
stockage de plus en plus étendues.
Le gigantisme répond à la recherche d'une
productivité de plus en plus grande en matière de transport
maritime : il ne provoque pas de réduction de la vitesse, le
chargement et le déchargement se déroule plus rapidement, la
construction des navires est moins coûteuse (leur nombre est plus
réduit), l'exploitation est moins onéreuse car plus le navire est
plus grand, moins la consommation d'énergie est importante, et les
effectifs des équipages sont plus réduits.
Le transport maritime répond donc aux exigences de
l'exploitant pour qui le gigantisme réduit les coûts et permet
d'offrir aux entreprises des coûts de transport plus
compétitifs.
Le transport maritime rentre donc largement en compte dans les
stratégies logistiques des entreprises visant à fournir un
produit disponible en un lieu et au moment voulu selon le meilleur rapport
coût/efficacité.
Part du trafic conteneur dans l'ensemble du trafic
maritime en 1988 et 1995
|
1988
|
32,8%
|
1995
|
38,3%
|
L'importance des investissements nés des techniques
modernes du transport maritime (navires porte-conteneurs, parcs de conteneurs,
navires rouliers) a incité les compagnies maritimes à s'unir dans
des pools pour exploiter ces matériels. Ces accords sont aujourd'hui
très nombreux et les grandes compagnies-conférences travaillent
en pool sur la plupart des lignes qu'elles exploitent. Le stade suivant
d'intégration du transport maritime consiste à mettre en commun
l'ensemble des moyens humains et commerciaux en créant une entité
dans laquelle les compagnies s'effacent derrière une dénomination
commune et élaborent ensemble leur stratégie commerciale. Ces
conventions sont appelées « consortiums ».
Ainsi, des anciennes conférences, ententes d'entreprises
juridiquement indépendantes constituées dans les années
1970 afin d'assurer une desserte régulière à des tarifs
stables, en prévoyant les ports d'escale, la fréquence des
touchés, le partage du fret, sont nés des regroupements plus ou
moins intégrés sous forme de pools ou de consortiums allant
jusqu'à assurer en commun le financement des navires porte conteneurs. A
la différence des conférences maritimes, pools et consortia, ne
visent pas seulement à régulariser le remplissage des navires et
les taux de fret. Ils se manifestent par la création d'entités
juridiques ad hoc : G.I.E. ou sociétés, gérées
indépendamment des compagnies fondatrices.
Les pools sont des accords entre compagnies visant à
répartir le trafic conteneurisé en mettant en commun les moyens
d'exploitation et éventuellement les recettes et dépenses.
L'objet du pool porte essentiellement sur l'harmonisation horaire, les
échanges d'espaces à bord des navires (slots), chaque compagnie
conservant sa propre politique commerciale et son réseau d'agences. Au
sein d'un consortium, l'intégration porte sur les espaces navires, les
horaires, les recettes et dépenses et peut atteindre la gestion
commerciale voire financière des navires porte conteneurs.
Mais l'augmentation des immobilisations en navires avec la
généralisation des navires overpanamax et la
nécessité commerciale d'améliorer les coûts à
des fins de compétitivité, par l'optimisation des moyens
techniques, ont conduit dernièrement à l'éclatement des
consortia intégrés et à leur remplacement par des
nouvelles entités entre armements dites
« méga-alliances ». Ces méga-alliances
regroupent les capacités de transport de leurs adhérents dans une
offre de services commune à la clientèle. Elles permettent
d'offrir jusqu'à 4 départs hebdomadaires par zone
géographique.
Cinq alliances ont été ainsi créées
entre 1995 et 1998 sur la relation Europe/Extrême-Orient :
· GLOBAL ALLIANCE rassemblant les armements APL/MITSUI
OSK/NEDLLOYD MISC et OOCL
· GRAND ALLIANCE entre HAPAG LLYOD/NYK/NEPTUNE ORIENTAL
LINES/P&OCL
· ALLIANCE entre MAERSK/SEALAND
· K LINE/YANG MING & COSCO
· NORASIA/HYUNDAI & MSC
La réponse donnée par les armements aux
impératifs de productivité, qualité de service et
rentabilité, ne s'est pas limitée aux nouvelles formes de
partenariat et à l'augmentation de la taille des navires. La
réorganisation des procédures a concerné également
la configuration des dessertes portuaires en instituant une
différenciation au sein des services maritimes. Traditionnellement, les
lignes régulières maritimes étaient organisées
selon des déplacements pendulaires de navires entre deux continents.
La première innovation a été la
création de lignes autour du monde en 1984 par l'américain APL,
suivi du taïwanais EVERGREEN dont les navires enchaînent les
traversées transpacifiques et transatlantiques en circulant, pour les
uns, dans le sens « eastbound » (navire allant vers l'est),
et pour les autres, dans le sens « westbound » (navire
allant vers l'ouest). Aujourd'hui, ce concept de desserte autour du monde n'a
pas été généralisé, seuls les armements
EVERGREEN, CGM, OCL et TRICON ont adopté ce type d'organisation.
La seconde mutation qui a affecté l'ordonnancement des
lignes régulières résulte de la volonté des
armements de réduire le nombre de touchés des navires
transocéaniques et de structurer leurs dessertes entre des ports pivots
(main ports), et des ports satellites dont la hiérarchisation est en
cours de renforcement du fait de l'introduction des navires overpanamax.
Les armateurs ont donc développé des navires
porte-conteneurs d'une capacité d'environ 7000 EVP ne desservant qu'un
nombre restreint de ports ayant des fonctions très
développées de collecteur et de distributeur car les
porte-conteneurs ne desservent que des plates-formes de transbordement
multimodales desservant efficacement les UTI sur l'arrière-pays.
Les UTI (Unités de Transport Intermodal) ont
également largement contribué à la massification du
transport maritime. Appelées plus couramment conteneurs, ces
unités sont des boites normalisées qui permettent un rangement
beaucoup plus rationnel dans les navires, l'augmentation des capacités
et l'abaissement des coûts de transport. Le conteneur protège la
marchandise qu'il contient et permet grâce à ses dimensions
normalisées d'accélérer les temps de chargement et de
déchargement et la vitesse de rotation des navires. Une des principales
vertus du conteneur est d'autoriser la combinaison des différents modes
de transport, sans rupture de charge. La spécificité du conteneur
d'être standard et interchangeable en fait un moyen de transport
extrêmement pratique dès qu'il s'agît d'un transport
intermodal, d'où l'appellation d'Unité de Transport
Intermodale.
EVP= conteneur équivalent 20 pieds. Unité
servant à mesurer la capacité des navires et à quantifier
les trafics de conteneurs. Il existe deux types de conteneurs aux normes
ISO(International Standard Organisation, organisation internationale de
normalisation) : les 20 pieds et les 40 pieds. Un conteneur de 40 pieds =
40/20 = 2 EVP.
Dans un premier temps, la massification a mis l'accent sur la
taille des navires grâce à la révolution du conteneur qui a
permis la marginalisation du transport des biens diversifiés.
La massification du trafic maritime a donc entraîné
la nécessité pour les armateurs de couvrir l'ensemble du
marché mondial, car plus un navire a une grande capacité, plus la
charge est élevée, plus les escales sont longues, moins nombreux
les ports touchés, plus longues les distances entre les ports. La
concurrence entre les armateurs est aussi devenue très forte : les
plus grands s'agrandissent et les petits disparaissent. La compétition
les a contraints à augmenter la fréquence de leurs dessertes tout
en comprimant les coûts, et la solution a été la croissance
de la taille des navires et le regroupement des armements, et ce qui
entraîne l'élimination de certains ports.
Pour l'essentiel, l'économie maritime se
caractérise donc aujourd'hui dans le sillage de la globalisation et de
la croissance du commerce intercontinental, par la concentration des grands
armements qui s'associent ou fusionnent, par un changement d'échelle des
bateaux mis en ligne et des infrastructures terminales de transbordement.
Accompagnant cette évolution, le nombre des ports
touchés diminue au profit de ceux d'entre eux ayant une dimension
continentale : le volume nécessaire pour justifier l'escale
augmente en effet avec la taille des navires.
Les ports ayant des capacités d'accueil très
importantes seront donc choisis pour traiter les porte-conteneurs
géants. Se livre alors une véritable course au gigantisme
également au niveau des infrastructures terminales afin d'attirer les
navires géants empruntant les grands boulevards maritimes.
C. Concurrence entre « main ports »
Avec la multiplication des très gros navires et le
phénomène de jumboïsation que connaît la marine
marchande, on assiste à une concentration des flux en raison d'une
recherche frénétique d'économie de temps et
d'échelle, vers un nombre réduit de ports de transbordement. Ce
mouvement de concentration des trafics sur les main-ports (ports principaux) de
groupage-dégroupage au détriment de la desserte multipolaire rend
plus intenses les rivalités entre les ports européens.
Actuellement, chaque port prétend être la porte
d'Europe.
Le rôle des ports est donc particulièrement
important : les moments cruciaux d'un transport sont les
déplacements en ligne des navires (vitesse, capacité,
sécurité, fiabilité), mais aussi et surtout les
opérations aux extrémités de manutention, chargement et
déchargement, la plupart longues et coûteuses. C'est sur les
phases d'immobilité et non de mouvement que se concentre l'attention.
En effet, la mise en service de véritables
« mastodontes » flottants et leur exploitation par des
méga-consortiums ou méga-alliances ne peut que renforcer la
tendance à la concentration des trafics sur un nombre de ports de base
limité sur chaque continent, soit deux ou trois en Europe. Or, si le
port ne peut répondre à l'attente des grands armateurs, non
seulement il ne pourra suivre le taux de croissance attendu du trafic en Europe
du Nord (+8% par an du trafic conteneur) mais il sera relégué
dans la catégorie des ports secondaires (ports satellites) qui seront
desservis par de grands « feeders » de 2000 à 3000
EVP depuis les ports pivots, ou main ports, avec en perspective le
déplacement des activités industrielles et commerciales vers ces
ports principaux. L'accueil des grands porte-conteneurs de 6000 à 8000
EVP nécessitera donc des capacités nautiques que peu de ports
sont susceptibles d'offrir.
L'enjeu est donc de tout premier ordre. Les candidats aux
main-ports vont se livrer une véritable bataille pour accéder
à ce statut.
Il s'agît donc pour les grands ports européens tels
que Rotterdam, Anvers, Hambourg, Brême, Le Havre... d'être capables
de traiter dans des conditions optimales de fiabilité, les escales des
méga porte-conteneurs alignés par les grands armements.
Car, en raison de l'impérieuse nécessité de
rentabilité, le navire ne reste plus la majeure partie du temps aux
escales pour le déchargement ; il tend à être toujours
en mouvement, perpétuellement en fonctionnement. La poursuite de cet
objectif implique au sein des installations portuaires la simplification des
opérations de manutention, l'utilisation des unités de charge
(conteneurs), la spécialisation des opérations de transport par
l'introduction des techniques visant à simplifier, voir à
supprimer les opérations de manutention afin d'accélérer
la vitesse de rotation des navires. Le chargement et le déchargement des
grands navires modernes requièrent de plus des équipements
portuaires spécifiques. Ces équipements (bassins, portiques,
matériels et aires de stockage) permettent une production très
élevée (2 minutes pour l'empotage et le dépotage d'un
conteneur) mais représentent un investissement considérable.
La rentabilisation de tels équipements (navires et
installations portuaires) exige donc une concentration du trafic sur un nombre
limité de ports d'une même façade maritime, des navires de
moindre capacité, les feeders, desservant ensuite les ports secondaires
à partir de ces ports principaux. Cette concentration continuera
à s'exercer dans l'avenir au profit des ports les plus importants, et
des détournements de trafic de plus en plus amples à
prévoir, tant à l'importation qu'à l'exportation.
Le feedering consiste à organiser des
transbordements dans un port intermédiaire dit port pivot ou hub entre
un navire feeder et un navire transocéanique dit navire-mère afin
d'éviter à ce dernier d'avoir à faire escale dans tous les
ports du continent. Les Iles britanniques, la Scandinavie, la péninsule
Ibérique sont très fréquemment desservies de la sorte
depuis Rotterdam, Hambourg ou Le Havre. Le trafic feeder concerne aujourd'hui
au Havre entre 12 et 13% du trafic.
Notons que le trafic en tonnage d'un port reflète de moins
en moins la qualité des infrastructures portuaires. C'est la
diversité des marchandises traitées, les services présents
(accueil, entretien, réparation, restauration, douanes, etc...), la
gestion de stocks, du conditionnement, d'étiquetage, la qualité
des unités de manutention, la commodité des infrastructures qui
définissent la valeur des équipements portuaires. Ces
caractéristiques sont susceptibles de capter les trafics des
catégories de marchandises à forte valeur ajoutée (les
conteneurs par exemple dont la valeur ajoutée est 12 fois plus forte que
celle des hydrocarbures).
La rationalisation du travail portuaire et la réduction du
nombre des dockers sont également à l'ordre du jour afin
d'augmenter la productivité et d'offrir des tarifs d'escale
compétitifs. Les écarts du coût de la main d'oeuvre se
répercutent dans le prix de l'escale : pour décharger un
porte-conteneurs, il faut au Havre 19 hommes contre 10 seulement à
Anvers ; pour un conteneur, le coût de la manutention atteint en
1991 1125 fr. au Havre et 750 fr. à Anvers.
Les grands ports européens disposent de très vastes
espaces qui permettent la polyvalence, ce sont des organismes polyfonctionnels
offrant une diversité d'équipements marqués par la
multiplication du nombre de bassins (Hambourg : 65 bassins). La longueur
de quai est aussi un indice de capacité de réception des grands
navires (Rotterdam : 40 km de longueur de quai).
La tendance actuelle pour les autorités portuaires est de
développer les capacités d'accueil des super porte-conteneurs
dont la valeur ajoutée et la généralisation dans le
transport maritime les rendent incontournables.
En effet, le transport de conteneurs a largement contribué
à la massification du transport maritime et aux mutations qui s'en sont
suivies. Les méga porte-conteneurs utilisent un réseau de lignes
limité desservies par quelques grands ports seulement. La concurrence
entre les principaux ports d'une même façade maritime est
très forte.
Aussi, les porte-conteneurs géants ne desservent que les
ports majors qui ont la capacité d'écouler les biens grâce
à un réseau terrestre diversifié, étendu et
dense.
Le port major devient par conséquent un grand centre
d'échanges intermodal, porte d'accès au continent.
En Europe, au point de vue géographique, la
répartition des ports est asymétrique : l'essentiel des
ports est installé sur le littoral continental de la mer du Nord (le
Northern Range). La proximité géographique de ports tels que
Rotterdam, Anvers, Le Havre, Hambourg, Brême ne peut que renforcer une
concurrence déjà très forte.
Néanmoins, le port de Rotterdam apparaît comme
le main port européen.
Les critères de choix d'une
escale :
1. accueil et traitement du navire
2. traitement et évacuation ou rassemblement de la
marchandise
3. positionnement maritime de l'escale par rapport à
l'itinéraire du service
4. qualité nautique des accès et du
port
5. positionnement du port par rapport aux pôles
économiques du continent
6. qualité et dimension du système de
distribution disponibles ou offerts par le port
7. existence et localisation des autres ports substituables
pour la satisfaction de l'un ou l'autre critère le cas
échéant
C. Le port : plate-forme de transbordement
multimodale
La Commission Européenne a pris conscience du rôle
primordial des plates-formes de transbordement en travaillant sur le
schéma directeur des ports maritimes. Ces derniers représentent
un secteur clé pour le transport européen et pour
l'économie européenne puisqu'ils sont l'interface entre l'Union
Européenne et les autres continents. La fonction maritime est
l'élément moteur de l'activité économique.
Les ports représentent, pour les trafics
intercontinentaux, des points de passage obligés des marchandises qui y
sont collectées et traitées mais ce ne sont que des points de
transit où le fret change de mode de transport. Il faut ensuite
l'acheminer par voie terrestre afin de desservir l'hinterland ou le charger
à bord des navires (après le pré-acheminement terrestre)
pour l'expédier.
En cela le port maritime ressemble de beaucoup à une
plate-forme multimodale, la porte d'accès au continent. Il est
l'interface entre le transport maritime et les transports terrestres.
Ainsi, les nouvelles conditions de navigation (gigantisme)
créent des arrivées massives et par vagues de marchandises,
nécessitant de bons systèmes de transports terrestres afin
d'évacuer rapidement les zones de stockage.
La multimodalité, ou intermodalité, ou encore le
transport combiné consistent alors à utiliser deux ou plusieurs
de transport en vue de l'acheminement de marchandises groupées en
unités de charge. En effet, le transfert d'un mode de transport à
un autre peut s'effectuer sans dissociation de l'unité de charge
(conteneur) du lieu d'expédition au lieu de destination grâce
à un matériel approprié : portiques puissants,
chariots cavaliers...
Parmi les techniques utilisées dans les transports
multimodaux, la conteneurisation a de nouveau joué un rôle
très important dans le développement de la technique intermodale
: les conteneurs sont une solution en développement pour le
problème des ruptures de charge, ils sont interchangeables d'un mode de
transport à un autre et favorisent ainsi le développement de la
logistique qui requiert la complémentarité de tous les modes de
transport pour une meilleure efficacité mais aussi la réduction
des coûts de transbordement par la simplification et
l'accélération des opérations de manutention.
Dans le cadre d'un transport intermodal, on distingue trois
phases :
§ le pré- et/ou post-acheminement
§ le transport principal, sur longue distance
assurée par un mode de transport compétitif
§ à l'interface des deux, les plates-formes
intermodales s'occupant du transbordement des UTI d'un mode à l'autre
Les UTI constituent le dénominateur commun à
l'ensemble des modes de transport. Chaque acteur de la chaîne intermodale
doit obligatoirement se doter d'équipements spécifiques
permettant d'acheminer les UTI.
Ainsi, l'attraction est maximale si aux qualités
d'accessibilité et de desserte s'ajoute l'efficacité portuaire.
Dans le choix des chargeurs et des armateurs, les facilités de
transbordement, la rupture la moins sensible de la chaîne logistique sont
en effet de plus en plus décisives. Les ports cherchent ainsi à
devenir des centres intermodaux compétitifs avec des terminaux
intégrés très performants. Les techniques les plus
efficientes sont mises au service des objectifs de rapidité,
capacité et fiabilité.
La recherche de la compatibilité entre modes ou entre
techniques de transport était un objectif important pour
améliorer le rapport coût/efficacité et augmenter la
productivité : tel est le sens de la conteneurisation du transport
de marchandises. Pour les entreprises, le coût du transport est un
élément de compétitivité des produits et la
maîtrise de la chaîne, un moyen de mener une politique de
pénétration ou de contrôle des marchés.
Les super porte-conteneurs ne desservent donc que les
installations terminales de grande envergure bénéficiant
d'infrastructures terrestres importantes pour acheminer les conteneurs dans
l'arrière-pays.
La multimodalité apparaît donc comme un
élément déterminant dans la compétition que se
livrent les grands européens pour attirer les conteneurs.
Les deux grands ports du Bénélux fondent leurs
activités dans une très large mesure sur le transbordement. A
Rotterdam, la proportion de conteneurs faisant l'objet d'un transbordement est
de 50%, à Anvers de 55%. L'importance du transbordement atteste l'impact
qu'ils exercent l'un et l'autre sur le choix des grands opérateurs
maritimes.
Pour traiter le trafic de conteneurs qui progresse en moyenne de
8% par an en Europe, les grands établissements portuaires
aménagent de vastes terminaux spécialisés. La plupart des
places portuaires européennes ont des projets de développement et
d'aménagement de leurs infrastructures, à Hambourg comme à
Rotterdam avec la Maasvlakte et au Havre avec Port 2000.
D. Le projet Le Havre Port 2000
a) Présentation de la plate-forme
portuaire
Planté devant l'Atlantique, ce port de mer en eau profonde
n'est pas affecté par les marées. Tous les ports n'ont pas cette
chance. Avec une quinzaine de mètres de profondeur, plus sept
mètres de marnage, Le Havre peut recevoir les gigantesques
porte-conteneurs qui présentent un tirant d'eau de 14 mètres. Le
Havre est le seul port, pour l'instant, à pouvoir recevoir des 6000 EVP,
avec Rotterdam et ce, sans contrainte de chenalage ni de franchissement
d'écluse. Les armements ont la certitude de toujours pouvoir y utiliser
leurs navires à pleine charge. L'accueil futur d'unités de 8000
EVP ne devrait pas non plus poser de problème : elles ne
s'enfoncent guère plus ; l'augmentation de capacité est
obtenue par une plus grande largeur. Le port bénéficie
également de sa situation géographique de 1er port
touché à l'importation et de dernier à l'exportation
à seulement 15 heures de navigation de l'Atlantique.
Depuis 1986, le port du Havre est entré dans une nouvelle
phase de prospérité et ce sont aujourd'hui les marchandises
diverses qui le hissent au rang des premiers ports européens et en font
le premier port français pour le trafic conteneurisé avec 50% du
trafic national.
Le port dispose pour les importateurs et exportateurs
d'infrastructures d'accueil leur permettant toutes les fonctions logistiques
(stockage, emballage, conditionnement...).
Le Havre dispose à proximité de ses quatre km de
quai, de 150 hectares de stockage, 8 hangars totalisant 88 000 m², 13
portiques de 40 tonnes, 7 portiques ferroviaires de 42 tonnes.
La compétitivité du port a été
obtenue à la suite de la réforme législative de la
manutention : le port a vu ses prix baisser, les frais d'embarquement et
de débarquement aux terminaux à conteneurs ont été
réduits.
Certains indicateurs permettent d'estimer le poids du port du
Havre dans la dynamique économique régionale :
l'activité portuaire génère un flux économique
estimé à 800 millions de francs, la valeur ajoutée
engendrée par le port et la communauté portuaire est
estimée à 2 milliards de francs et le port apporte environ 500
millions de francs à la Seine Maritime.
Aujourd'hui, le développement du port du Havre s'inscrit
dans le cadre d'un développement régional.
Devant la nécessité d'avoir une communauté
portuaire plus soudée pour faire face à la concurrence,
l'association Port Alliance a été créée en 1986
avec l'appui pu Port Autonome. Port Alliance, dont le rôle est de
promouvoir la place portuaire sur le plan national et international
regroupe :
§ Le Port Autonome du Havre
§ La Chambre de Commerce et d'Industrie du Havre
§ La communauté portuaire du Havre : l'UMEP
(Union Maritime et Portuaire)
Le Havre représente 7,5% des parts du marché des
conteneurs du Range du Nord-Ouest (5e position mais part de
marché qui progresse le plus vite). L'objectif pour le port est
d'atteindre les 10%.
Le port normand a bénéficié de l'abondance
des vracs énergétiques qui ont pesé 46,6 millions de
tonnes dont 37 de pétrole brut, 5,2 de produits raffinés et 3,9
de charbon...
Dans le cadre d'une croissance globale à deux chiffres,
les Havrais ont également établi un nouveau record en
matière de trafic des conteneurs avec 1,32 million d'EVP, soit environ
60%du trafic spécifique total des ports de l'Hexagone.
Parmi les 66,9 millions de tonnes tarifées par le port du
Havre en 1998 (dont 16 millions de tonnes de marchandises diverses), plus de la
moitié (52% du tonnage net) concerne le transport combiné.
b) Le Projet Port 2000
Le projet répond à un enjeu de taille, qui ne
concerne pas seulement la place havraise et ses emplois, mais l'économie
française tout entière.
En effet, comment rester indifférent en effet au sort de
l'outil portuaire de l'Hexagone, alors que les trafics perdus au profit
d'Anvers et Rotterdam signifieraient à long terme délocalisations
et dépendance accrue vis-à-vis de chaînes logistiques
étrangères ?
Rappelons que l'enjeu portuaire conféré au port du
Havre répond à une stratégie économique d'avenir
très importante : les Etats de l'Union Européenne perdront
leur spécificité économique et s'unifieront en
matière de politique fiscale, monétaire et budgétaire, que
les personnes, les capitaux et les services seront de plus en plus mobiles et
ressentiront moins les frontières. Alors, de plus en plus, la bonne
dotation en infrastructures d'un pays deviendra un atout économique
encore plus important, car à l'effet macro-économique
révélant les externalités spatiales s'ajoutera l'effet de
localisation préférentielle par rapport aux autres pays. Ainsi,
dans un monde communautaire dont les règles de fonctionnement
échapperont de plus en plus aux Etats, la politique d'infrastructures
risque de devenir une des rares armes dont ils puissent disposer à leur
gré, et qui présentera pour eux d'autant plus
d'intérêt qu'elle est efficace.
Le projet Port 2000 matérialise donc l'ambition de la
communauté portuaire havraise de voir s'inscrire dans l'estuaire de la
Seine les équipements permettant d'accueillir et de traiter les plus
grands porte-conteneurs et d'en fixer durablement les escales. L'enjeu est de
taille pour la porte « océane » mais aussi pour la
France qui a besoin de places portuaires d'envergure internationale, capables
d'intégrer les impératifs communautaires et les défis
mondiaux. Car l'évolution actuelle du trafic de marchandises au Havre en
constante progression amplifie le besoin urgent de Port 2000. Avec les 1 320
000 EVP qui y ont été traités en 1998, le port du Havre se
situe honorablement sur l'échiquier européen. En 1998, le trafic
des conteneurs est en augmentation de 11,2%, croissance nettement
supérieure à celles d'Anvers et Rotterdam.
Il y a donc urgence, au rythme actuel de la croissance de
l'activité conteneur au Havre, la saturation des infrastructures
menace.
Dans cette concurrence européenne, Rotterdam, premier port
européen avec ses quelques
3 700 000 EVP est indétronable. En revanche, Le Havre -qui
a passé le million de conteneurs depuis 1996- veut tenter de se
positionner face à Anvers et Hambourg afin d'attirer sur ses quais la
massification des flux de conteneurs. Massifier est le maître mot de la
démarche, que les conteneurs viennent par terre ou par mer, et pour
fidéliser la clientèle armateuriale.
Cependant, les autres places portuaires européennes ne
restent pas l'arme au pied. Des efforts sont déployés tant
à Rotterdam qu'à Anvers, pour accélérer la vitesse
de rotation des navires et l'écoulement du fret dans
l'arrière-pays, avec des dotations publiques de loin supérieures
à ce qu'elles peuvent être dans l'Hexagone. En France, les
investissements des établissements portuaires sont majoritairement
financés par leurs recettes propres. C'est ainsi que le projet Port 2000
d'un enjeu éminemment national a été émis par la
communauté portuaire elle-même et transmis au Ministère des
Transports. L'enquête d'utilité publique est prévue fin
1999 et la décision du Ministère des Transports attendue dans la
foulée, début an 2000.
Coût de l'opération : 3,1 milliards de francs
avec la mise en service de la première tranche dès 2002 pour
éviter la saturation.
Pourquoi Port 2000 ?
D'abord, l'activité portuaire et les activités
industrielles liées représentent aujourd'hui 30%des emplois dans
le bassin d'emplois du Havre. Les conteneurs, avec 20% des tonnages et 40% des
escales, sont le principal générateur d'emplois portuaires.
L'accueil des navires, la manutention, les activités de
stockage/manutention et le transport de conteneurs emploient en gros 8000
personnes sur les 13000 occupées dans les professions portuaires et
logistiques.
Port 2000 répond à la globalisation de
l'économie, la croissance du commerce international et la massification
des transports en agrandissant ses capacités d'accueil et de traitement.
Ensuite, en jouant sur sa situation géographique -premier port
touché à l'entrée du continent, dernier port touché
en sortie-, sur ses accès nautiques, sur Port 2000, Le Havre peut
espérer revendiquer une place majeure dans le cercle restreint des
grands ports européens.
Comme ailleurs en Europe, les terminaux havrais ont
été mis en place les uns après les autres au fur et
à mesure des besoins. Ils ont été construits entre 1968 et
1994 ; 4 d'entre eux sont implantés, à raison de deux chaque
fois, au nord et au sud du bassin de marée ; deux autres se situent
derrière l'écluse François 1er. Cette
dispersion limite la productivité tant pour leur fonctionnement que pour
leurs dessertes terrestres. La longueur et la disposition des quais ne
permettent pas toujours un positionnement optimal des navires. Les terre-pleins
en retrait des quais s'avèrent insuffisants, en tout cas pas assez
profonds.
Les cinq terminaux à conteneurs du port normand sont
disséminés en plusieurs points, ce qui allonge le temps de
manutention et de formation des trains, qui doivent tous passer par le triage
havrais de Soquence. Or, le chantier de Soquence hérite d'une conception
qui date de 1925, orientée plein ouest (vers l'avant-port), alors que
les activités portuaires se sont déplacées, depuis cette
époque vers le sud et l'est (la zone industrielle). D'où un
rebroussement obligatoire et une limitation de la longueur des convois à
celle des voies, 700 mètres au maximum. Aujourd'hui, entre le chargement
d'un conteneur sur un terminal portuaire et son expédition depuis
Soquence, il faut compter jusqu'à 10 heures de délai. Des
évolutions structurelles et organisationnelles sont ainsi
nécessaires.
Par une utilisation optimale des espaces disponibles, la
restructuration de certains terre-pleins, la reconfiguration de certains
portiques, la mise en place de liaisons en site propre entre terminaux, Le
Havre a su jusqu'ici pallier ces inconvénients et accompagner
l'évolution des trafics. L'outillage sera prochainement renforcé
par l'acquisition de deux portiques overpanamax. Cependant, ces mesures
s'avèreront insuffisantes pour répondre à la demande, la
saturation menaçant.
L'évolution récente des trafics a poussé le
port à envisager une restructuration complète de ses
infrastructures pour faire face à l'intensification des échanges
internationaux. De nouvelles capacités seront donc nécessaires
pour répondre à la croissance des trafics, capacités
performantes et concentrées.
Avec des terminaux concentrés sur un même site, bien
ordonnés et bien connectés aux dessertes terrestres, le service
tant au navire qu'à la marchandise ne pourra qu'y gagner. Les temps
d'escale pourront être réduits, les coûts aussi en
évitant de nombreux transferts de boites d'une installation à une
autre. A la clé, des économies de manutention très
significatives et des gains de temps de deux à trois heures sur
l'expédition d'un conteneur, ce qui est loin d'être
négligeable pour un transitaire ou un chargeur.
En plus de la restructuration fonctionnelle du port, de
l'agrandissement des capacités d'accueil des navires et la fourniture du
matériel adéquate, l'augmentation attendue sur chaque mode
terrestre impose de développer pour les trois modes des
aménagements performants en termes de capacité et de
compétitivité pour l'accès et la desserte des terminaux.
Les infrastructures ferroviaires se situeront donc à proximité
immédiate des terminaux et permettront la constitution de trains
complets pouvant gagner directement le réseau national. Les terminaux
eux-mêmes seront concentrés, formant une suite ininterrompue de
postes à quai avec les terre pleins attenants.
Dans l'espace situé au sud de la darse de l'Océan,
de nouvelles infrastructures fluviales, ferroviaires et routières seront
réalisées à proximité immédiate des
quais.
Les études du projet Port 2000 intègrent la
desserte ferroviaire des nouveaux terminaux qui y sont envisagés. Il est
prévu, notamment, d'y créer un grand chantier ferroviaire unique,
facilitant la constitution et l'évacuation rapide des trains complets
pouvant directement rejoindre le réseau ferré national.
Pour le fluvial, le passage direct dans l'actuelle digue sud
permettrait aux barges fluviales de desservir directement les quais (terminal
dédié fluvial). La desserte routière des terminaux devrait
également être améliorée.
Objectif du PAH : 12 km de quais pour porte-conteneurs en
2050 avec en première phase l'aménagement d'un quai initial de
700 mètres de long et 35 hectares de terre-pleins et en deuxième
phase un 2e quai de 700 mètres de long. Les deux quais
réunis permettraient de traiter 700 000 EVP supplémentaires par
an.
La logique de la massification impose donc aux autorités
portuaires de développer leurs infrastructures d'accueil et de
traitement des navires, mais aussi de nouvelles dessertes proches des nouveaux
terminaux pour évacuer rapidement le fret dans l'hinterland.
En effet, pour affronter la concurrence européenne et
proposer à la clientèle française et européenne une
alternative à Anvers et Rotterdam, Le Havre a absolument besoin, outre
Port 2000, de liaisons terrestres performantes pour le pré- et
post-acheminement des marchandises. Port 2000 ne sera rien sans logistique
adéquate, sans manutention compétitive, et surtout, sans desserte
terrestre efficace, car c'est l'une des conditions majeures de
l'élargissement de la porte « océane ».
C'est ainsi que le Port Autonome du Havre soutient un projet
d'aménagement d'une ligne ferroviaire performante en termes de
coût et de rapidité, dédiée au fret, qui lui
permettrait d'étendre son aire de distribution et son influence sur
l'arrière pays européen.
Cependant on peut se demander pourquoi le mode de transport
ferroviaire suscite t'il ainsi aujourd'hui un vif intérêt alors
que le port et l'Etat ont toujours favorisé jusqu'à lors la
desserte routière ? Quels sont les atouts du fer par rapport aux
autres modes de transport ?
II. LA DESSERTE TERRESTRE DE L'ARRIERE-PAYS : LE
ROLE DU CHEMIN DE FER
Les ports européens sont aujourd'hui engagés dans
une course au gigantisme nécessitant de bons systèmes de
transport terrestre afin d'évacuer rapidement les zones de concentration
et de stockage des marchandises à proximité des ports. Le
rôle des transports terrestres dans la desserte de l'arrière-pays
est donc considérable. Leur capacité et leur étendue
seront facteur de compétitivité pour le port qu'ils desservent.
Dans ce contexte, le port du Havre doit optimiser ses réseaux terrestres
existants, et notamment développer les potentialités du mode
ferroviaire.
A. Importance de l'hinterland
L'importance de la desserte de l'arrière-pays revêt
en effet une importance capitale pour les grandes places portuaires
européennes.
La notion d'hinterland, jadis strictement régionale,
résulte désormais de la nouvelle géographie
économique de l'Europe avec l'ouverture des pays de l'Est,
l'accroissement de la dimension continentale européenne. Les grands
ports, qui doivent déjà faire face à la réduction
du nombre des escales des navires, doivent maintenant envisager un hinterland
profond de 1500 à 2000 km, à moins de perdre leur statut.
L'attention portée aux équipements nautiques et
portuaires n'a aujourd'hui d'égale que celle accordée aux
transports terrestres. Du nord au sud de l'Europe, le constat est le
même : la bataille du conteneur se gagne à terre.
Avec la dépréciation des frets maritimes, le prix
de l'acheminement terrestre gagne en importance dans la chaîne du
transport au point de devenir parfois prépondérant.
Au départ de New York par exemple, l'acheminement d'un
conteneur vers Le Havre ou Hambourg coûte sensiblement la même
chose. La plus-value se fait sur le transport terrestre. Sur un parcours
Chicago/Munich, le transport terrestre représente 45% du coût
total. Ce seront donc la vitesse du parcours terrestre et son coût
d'acheminement qui guideront le choix du port par l'armateur.
Compte tenu des délais d'empotage et de dépotage
à terre, des durées d'acheminement terrestre et des
stationnements prolongés liés aux ruptures de charge, un
conteneur passe 2/3 de sa durée de sa vie à terre et 1/3 en mer,
et les coûts. Les grands armements se sont alors eux aussi introduits
dans l'organisation des déplacements terrestres de conteneurs. En 1990,
les armements réalisaient plus du tiers de leur chiffre d'affaires hors
du transport maritime (31% pour la CMB, 44% pour la CGM et 58% pour
Nedlloyd).
Les armateurs intègrent l'acheminement terrestre des
conteneurs à leur prestation globale pendant que les chargeurs gardent
la maîtrise des flux terrestres. C'est le carrier haulage.
Celui-ci permet de dégager de nouvelles sources de profit car il permet
à la compagnie maritime (armateur) de faire sa marge sur le transport
terrestre. Les barèmes de frets étant fixés dans le cadre
des conférences, le carrier haulage a permis à la
compagnie d'offrir des prix de bout en bout inférieurs à ceux de
la concurrence, sans transgresser le barème de la conférence.
Pour ce faire, de nouveaux systèmes de cotation de bout en bout (door to
door) ont été instaurés destinés à opacifier
vis à vis des clients les composantes du prix global facturé et
tout particulièrement la répercussion d'une part non
négligeable des frais de passage portuaire (CSC Container Service
Charges et THC Terminal Handling Charges) qui sont facturés par
l'exploitant du terminal à la compagnie maritime qui en prend en charge
20% au titre du navire et redébite les 80% restant à la
marchandise, c'est à dire au chargeur.
Les transports terrestres dictent ainsi les stratégies et
les choix des grands armements. La dépendance continentale augmente par
rapport à la dépendance océanique.
Analysant l'importance grandissante de la desserte terrestre des
hinterlands des ports, André Graillot, Directeur Général
du Port Autonome du Havre, voit trois raisons pour lesquelles le choix du port
sera de plus en plus soumis au coût de la gestion des flux terrestres de
conteneurs : tout d'abord, l'accroissement de la part des coûts de
pré- et post-acheminement dans le coût global de transport qui
résulte des gains de productivité des grands navires ;
deuxièmement, la concurrence accrue sur les transports terrestres qui
résulte de leur libéralisation ; et enfin, les contraintes
des flottes dédiées de conteneurs qui obligent de retourner,
très souvent à vide, le conteneur au port maritime. Il est de
plus évident qu'un port ne peut assurer la réception ou la
livraison de flux massifs de conteneurs (500 ou 1000 par escale) sans des
moyens de transport terrestre efficaces.
Avec la massification des flux attendue dans chacun des ports
candidats au statut de port major, l'augmentation du trafic sur chaque mode
terrestre, même si la répartition modale est appelée
à se modifier en faveur du mode ferroviaire impose de développer
pour les trois modes des aménagements performants en termes de
capacité et de rapidité. Les investissements de transport
contribueront donc à modifier les flux d'échanges et les
conditions de développement des régions, voire la concurrence
internationale en faveur d'un pays ou d'une région au détriment
d'autres.
En France, seul le Nord est (Alsace/Lorraine) échappe aux
ports français au profit d'Anvers et Rotterdam. Mais l'ouverture du
marché européen risque de placer les ports français en
position délicate par rapport à la concurrence des ports de la
mer du Nord.
L'augmentation de productivité des transports terrestres
étend les hinterlands. L'arrière-pays havrais ne dépassant
guère les 500 km, le port du Havre devra donc ratisser large. La logique
de massification lui impose de renforcer son influence sur
l'arrière-pays au-delà de la région parisienne vers l'est,
le sud est, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie et d'étendre par ailleurs
son rayonnement maritime par des liaisons de cabotage sur d'autres ports en
France et en Europe.
Pour affronter cette concurrence et proposer à la
clientèle internationale une alternative à Anvers et Rotterdam,
Le Havre a donc besoin de dessertes terrestres importantes. Car avec la
position centrale qui est la sienne, Le Havre se doit de porter la plus grande
attention à la mise en place de filiales compétitives pour le
pré- et post-acheminement des marchandises. Elles sont une condition de
la massification et lui permettraient de tirer parti d'une situation maritime
privilégiée : 1er port touché à
l'import en Europe, dernière station d'approvisionnement à
l'export. Pour le chargeur ou le réceptionnaire de
l'arrière-pays, cette situation équivaut au « transit
time » le meilleur.
Avec une hausse de 11,2% du trafic conteneurs en 1998, le port du
Havre jouit tout de même d'une confiance retrouvée et peut
entrevoir l'avenir dans de bonnes conditions.
Cependant, le retour à la croissance du port du Havre et
des ports français en général reste fragile en raison de
la faiblesse de leurs dessertes terrestres par rapport à celles des
ports du Nord mais aussi au niveau des volumes traités. Avec 50% du
trafic maritime de l'Union Européenne, les ports du Range restent la
référence. Et tout d'abord en matière de desserte
ferroviaire, routière mais aussi fluviale, ils prennent l'Europe tout
entière pour hinterland. Anvers et Rotterdam bénéficient
pour leur part d'un réseau fluvial remarquablement structuré,
facilitant la pénétration jusqu'au coeur de l'Europe grâce
à la liaison Rhin-Main-Danube. La part relative de la navigation
fluviale dans le trafic maritime représente environ 50% dans les ports
du Bénélux contre 1 à 2% au Havre.
Les ports bénéficiant de la présence d'un
réseau fluvial important cherchent à améliorer encore
cette desserte car la voie fluviale sert de plus en plus au-delà de ses
acheminements traditionnels, au transport des marchandises diverses et des
conteneurs à un coût extrêmement économique. Anvers
et Rotterdam sont ainsi reliés, grâce à ces autoroutes
fluviales, à une trentaine de terminaux portuaires, relais entre les
usines et les convois fluviaux à gros gabarit, égrenés le
long du Rhin.
Desservis par d'excellents moyens de transport terrestres, les
ports du Range bénéficient également de leur bon
positionnement géographique par rapport aux pôles
économiques du continent européen. Hambourg, par exemple,
compense sa situation physique de dernier port du Range ainsi que la
remontée de l'Elbe, par un positionnement favorable vis à vis des
centres économiques allemands et l'organisation de la distribution vers
les pays d'Europe Centrale, vers la Scandinavie et les ports de la Baltique.
Cette fonction de « hub » est valorisée par la
capacité des professions portuaires à se projeter dans
l'hinterland.
On pourrait par ailleurs douter d'un avenir brillant pour le port
d'Anvers : la longueur de l'estuaire de l'Escaut, le passage des
écluses qui font perdre à un bateau d'assez fort tonnage 24H par
rapport à Rotterdam. Mais, d'un autre côté, la
remontée du fleuve entraîne, pour le réceptionnaire de
l'arrière-pays, un gain de transport de transport terrestre de plus de
100 km.
Or, le prix du transport maritime a diminué et le
transport terrestre intervient davantage, nous l'avons vu, dans le coût
total de la chaîne logistique. Anvers tire aussi avantage de son
positionnement à proximité du marché français, de
son réseau de distribution fluvial à grand gabarit vers les
grandes zones industrielles de l'Europe Centrale et de sa qualité de
port substituable, complémentaire de Rotterdam.
En terme de trafic, l'écart est très significatif
entre le port de l'estuaire de la Seine et ceux du Range et la
différence d'échelle est très sensible : Rotterdam
traite 4,5 fois plus d'EVP, Hambourg 2,8 et Anvers 2,5. Le décrochage du
Havre s'est accentué au cours de la période 1990/1997. Pourtant
Le Havre est, après Rotterdam, le plus achalandé en lignes.
Presque tous les services y font escale, mais le volume traité à
chaque touché reste limité au besoin du marché
français soit en moyenne 500 boites au lieu de 1000 à 2000 dans
les ports européens concurrents.
En effet, le positionnement du Havre par rapport aux pôles
économiques européens pose un problème. Le Havre
bénéficie du poids de la région parisienne et de l'Ile de
France (10 millions d'habitants à 250 km) mais plus excentré que
ses concurrents par rapport aux principaux centres d'activités et de
consommation en Europe. La consultation objective d'une carte des flux et d'une
carte de densité de population de l'Europe situent bien le
défi : tout se jouera sur la qualité et la dimension du
système de distribution sur l'Europe Centrale.
Si la principale force du Havre est sa situation maritime
(1er port touché à l'import, dernier à
l'export) et nautique (Le Havre peut recevoir sans contrainte tous les porte
conteneurs en service y compris les méga carriers avec un tirant d'eau
de 14 mètres), sa principale faiblesse est pesante : l'absence
quasi totale de maîtrise de maillons essentiels dans la distribution des
conteneurs en Europe par les professionnels portuaires havrais et le manque de
potentiel sérieux.
S'appuyer sur un système plurimodal et une
émulation entre modes faisant baisser les prix, bien maîtriser les
coûts de pre- et post-acheminement, telles sont les conditions
essentielles de réussite. Car, élargir son hinterland au sein des
aires d'indécision d'un espace européen où les ports de
qualité et pleins d'appétit ne manquent et sont souvent fort
proches les uns des autres, ce n'est pas seulement être bien
placé, c'est d'abord disposer d'une desserte complète, efficace
et peu coûteuse. Or, des différences apparaissent entre les ports
qui offrent des services plus ou moins séduisants.
Les ports du Bénélux ressortent par exemple les
plus compétitifs sur leur pre- ou post-acheminement terrestre en Alsace
et en Lorraine (hinterland naturel du port havrais), grâce à la
disponibilité de la voie d'eau à grand gabarit (Rhin et Moselle)
qui permet d'offrir des taux de fret fluvial inférieur de 30 à
40% au prix de transport routier vers Le Havre.
Au départ de Strasbourg, la navigation fluviale vers
Rotterdam est le mode d'acheminement le plus compétitif pour
l'expéditeur, soit 4 025 F pour un conteneur de 40' en « round
trip » à comparer à 6120 F vers Rotterdam par route et
7300 F vers Le Havre. Cette nette différence permet au transport fluvial
rhénan, avec un pre- ou post-acheminement routier, d'être
concurrentiel dans un rayon d'environ 300 km autour du terminal à
conteneurs du port autonome de Strasbourg et grâce à la flotte
actuelle, très performante, il ne faut que 48 H pour rallier Rotterdam
à partir de Strasbourg.
A l'est donc, le véritable concurrent du pre- ou
post-acheminement routier est le transport fluvial, via la voie d'eau à
grand gabarit vers les ports du nord, qui tirent les prix du marché,
quel qu'en soit le mode, vers le bas.
L'influence des moyens de transport terrestre des ports du
Bénélux diminue quand on si dirige plus au sud vers Dijon
où le prix du transport routier à partir du Havre retrouve sa
pertinence.
Les menaces ne manquent pas pour le port havrais. Les projets des
ports concurrents qui visent la position d'outsider, sont bien plus
avancés que celui de Port 2000. Mais la menace la plus forte vient du
verrouillage de fait de l'accès au marché de la longue distance
en Europe par les chemins de fer allemands dont la stratégie de
partenariat s'accompagne aussi d'une stratégie commerciale
hégémonique dont les ports de Brême et Hambourg profiteront
de facto.
Les ports du Range génèrent ainsi grâce
à leur positionnement physique vis à vis du continent et à
de bons réseaux de transport terrestre les volumes les plus importants
des ports européens.
Aussi, alors que la France continue de développer ses
relations nord/sud, les ports du Range ont privilégié les axes
ouest/est en misant massivement sur le mode ferroviaire desservant les
principaux pôles économiques européens situés dans
la « banane bleue » et l'Europe de l'est qui
présente un nouveau débouché économique.
Tous ces atouts maritimes et terrestres semblent annuler ceux
d'un port comme celui du Havre, se vantant d'être la dernière
station avant l'autoroute transocéanique. Malheur donc aux ports en
manque d'hinterland.
Le Havre devra donc, dans sa lutte pour devenir un main port
européen, fournir en concertation avec les gestionnaires et exploitants
des transports terrestres des efforts considérables afin de rivaliser
avec les atouts des ports concurrents, voire de les surpasser.
L'augmentation de productivité du transport maritime a
donc entraîné l'augmentation de la productivité des
transports terrestres ayant pour conséquences d'étendre les
hinterlands. Il s'agît donc dans la chaîne de transport de prendre
en compte un système plurimodal mettant en valeur une
complémentarité efficace entre les modes permettant de faire
baisser les prix, de devenir plus compétitif et ainsi élargir
l'étendue de son arrière-pays. Il s'agît pour les ports de
développer les capacités de séduction et les
potentialités existantes dans un espace géographique où la
concurrence est exacerbée.
B. Irrigation des trafics entre les différents
modes de transport dans l'arrière-pays havrais
Parts modales dans les pré- et post-acheminements
du port du Havre en 1997
|
ROUTE
|
866 000 EVP
|
73,1%
|
82,5%
|
FER
|
166 000 EVP
|
14%
|
16%
|
FLEUVE
|
16 000 EVP
|
1,4%
|
1,5%
|
MER (feedering)
|
136 000 EVP
|
11,5%
|
Fût-ce à une plus petite échelle qu'Anvers et
Rotterdam, Le Havre a la chance de pouvoir jouer la carte de la tri
modalité route/fer/fluvial. En effet, Le Havre dispose outre des modes
routier et ferroviaire d'une desserte fluviale par la Seine remontant le fleuve
jusqu'à la région parisienne, principal centre de distribution du
port. La batellerie permet, on le sait, des économies d'échelle,
un transbordement avantageux, des capacités de stockage temporaire
intéressantes. Ainsi, les ports situés à l'embouchure d'un
fleuve navigable ou aménageable, à l'instar du Havre, sont
privilégiés.
Cependant, le trafic terrestre de conteneurs maritimes dans
l'arrière-pays havrais est essentiellement effectué par voie
routière. Le trafic terrestre ne se partage d'ailleurs qu'entre la route
pour 82,5% en 1997 et le rail pour 16%. La voie d'eau ne réalise tout au
plus 1,5% des pré- et post-acheminements terrestres de conteneurs,
grâce au lancement d'une régulière entre Le Havre et
Gennevilliers au nord de Paris par le GIE Logiseine.
La route reste donc l'élément de base pour le
pré- et post-acheminement. Elle s'arroge près de 83% du trafic
avec quelques 250 entreprises qui effectuent plus de 5000 mouvements par jour.
La proximité de la région parisienne, 1er
marché du Havre, l'antériorité du camion dans les
transports d'approche et d'éclatement et l'atout du mode routier dans le
fonctionnement des entreprises en flux tendus expliquent cette
prépondérance. Le transport routier a, ces dernières
décennies, concentré l'essentiel des investissements publiques et
a donc connu un essor remarquable. La souplesse du tracé de la route
permet aux véhiculent qui l'utilisent d'atteindre presque n'importe quel
point géographique, c'est la quasi-ubiquité (P. Merlin).
Le transport routier est le seul mode de transport à pouvoir assurer des
prestations porte à porte, il est très performant et très
rentable sur de courtes distances car peu coûteux.
L'offre routière est donc très abondante.
Pour les transporteurs routiers, l'activité de traction de
conteneurs est essentiellement une activité régionale
puisque :
§ 10% des flux concernent des destinations
inférieures à 50 km
§ 20% des flux ont pour origine ou pour destination le
reste de la région Haute Normandie
§ 47% des trafics concernent l'Ile de France
§ 20% des flux proviennent ou sont destinés aux
autres régions françaises
§ 3% seulement des trafics concernent l'étranger
Enfin, 10 à 15% des mouvements terrestres relèvent
du brouettage portuaire, c'est à dire du transport routier
destiné à l'agglomération havraise et revendiqué
par la manutention docker.
Le maintien de la compétitivité de l'offre
routière suppose cependant que les infrastructures, en matière de
gabarit et d'interconnexion soient encore améliorées. Les axes
nord/sud surdéveloppés (A1 et A6), au détriment d'axes
ouest/est n'offrent pas de solutions au port du Havre. Pire, c'est un cadeau
inespéré aux ports du Bénélux, qui transitent ainsi
plus facilement par la France et "grattent" ainsi sur l'hinterland naturel
havrais. Pour aider au développement du port du Havre, il conviendrait
donc de conforter la desserte terrestre routière de son hinterland.
Après les progrès de ces dernières
années (dont la mise en service du Pont de Normandie) et les
améliorations prochaines vers Amiens/St Quentin d'un côté,
Caen/Rennes de l'autre, de nouveaux axes de pénétration devront
impérativement suivre : c'est le cas de l'A28 Rouen/Alençon
et de la liaison entre l'A29 et l'A28 afin de supprimer la discontinuité
existant entre le Pont de Normandie et l'axe Calais/Bayonne. Mais les havrais
sont surtout demandeurs d'un axe de contournement de la région
parisienne ; il y va de la récupération des trafics de l'est
de la France qui ont basculé vers Anvers et Rotterdam. La mise à
2x2 voies de la RN31 Rouen/Reims y contribuerait. De même,
l'amélioration de la RN154 à 2x2 voies entre l'A13 (Louviers) et
l'A10 (Orléans) -axe Rouen/Chartres/Orléans- permettrait le
contournement sud de la région parisienne en direction du sud-ouest, de
la vallée du Rhône et du sud-est de la France.
Cependant, les havrais constatent les retards pris dans
l'aménagement des tronçons les plus importants : la route
des estuaires -grande rocade allant de Dunkerque à Bordeaux- a pris deux
de retard, le grand contournement par Amiens/St Quentin/Reims ne sera mis en
service qu'en 2003.
Du côté ferroviaire, l'offre de transport est moins
importante. 16% du trafic de conteneurs a été traité par
le mode ferroviaire en 1998, la part de marché ferroviaire devrait
atteindre 20% en 2005.
Il faut noter cependant que le fer en raison de son coût
élevé n'est rentable que sur des longues distances, sa
participation est élevée dans les trafics d'apport terrestre
depuis les régions les plus éloignées. La consistance de
sa contribution apportée à la structuration de l'hinterland du
port du Havre est ainsi comprimée, l'Ile de France et la Haute Normandie
-les principaux centres de distribution du port- restant ainsi dans le domaine
de la route qui sur de courtes distances est de loin la plus avantageuse. Le
marché du pré- et post-acheminement ferroviaire des conteneurs au
Havre en 1997, grand cheval de bataille du port normand, dans un contexte de
changement permanent dû aux ajustements des stratégies
armateuriales n'a progressé que de 4% pendant que le nombre total de
boites manutentionnées sur les quais effectuait un bond historique de
17,4%.
Le mode ferroviaire représente néanmoins un
transport terrestre d'avenir permettant d'élargir le marché de
l'hinterland du Havre vers l'international.
Ce qui vaut pour la route est aussi valable pour la desserte
ferroviaire : Le Havre est demandeur avant tout d'un grand axe ferroviaire
sur Amiens, Reims et Chalons en Champagne qui permettrait, toujours en
évitant la région parisienne, de desservir l'est de la France,
l'Europe Centrale et Orientale, la Suisse et faciliterait l'accès aux
marchés italiens et espagnols. Le port havrais souhaiterait donc que
soit concrétisé l'inscription de cet axe au schéma
transeuropéen du transport combiné, ce qui implique au
préalable son inscription au schéma directeur national.
Au Havre, l'offre de service ferroviaire est le fait de deux
opérateurs :
la Compagnie Nouvelle de Conteneurs (CNC)
La CNC, filiale de la SNCF, opérateur de transport
combiné, gère des terminaux et une flotte de wagons
spécialisés. Plus orientée vers les chargeurs, elle
propose des prestations complètes de porte à porte, incluant
éventuellement la fourniture des conteneurs.
Son activité s'exerce dans deux domaines :
· le trafic maritime pour le trajet terrestre des
conteneurs vers ou depuis les ports
· le trafic continental pour le transport de fret en
conteneurs ou caisses mobiles de différents volumes en France et en
Europe.
La CNC propose à partir du Havre la desserte de 45
chantiers terminaux en moins de 24H par le réseau « COMBI
24 » qui relie toutes les agences françaises CNC grâce
à un système basé sur le point nodal de Villeneuve St
Georges et une centaine de terminaux en Europe.
Chaque jour, des dessertes par trains blocs sont assurés
par le département « Naviland European Services» de
la CNC, sur les principales destinations de l'Hexagone, de l'Angleterre, du
Bénélux, de l'Italie, de l'Espagne, de l'Allemagne et du
Portugal.
5 départs et 5 arrivées sont proposés
quotidiennement au Havre.
Le chantier CNC au Havre Soquence dit « Le
Havre-Combi » est constitué d'une plate-forme de 8000m²
en chaussée renforcée pour une exploitation avec grues mobiles
autoporteuses. Il dispose de deux voies de 350 mètres de long qui
peuvent accueillir chacune 17 wagons S60. L'activité moyenne annuelle de
ce terminal est de 12000 caisses mobiles au départ et de 6000 à
l'arrivée, essentiellement d'origine continentale. Le chantier est
pourvu de moyens importants pour la manutention des conteneurs et des caisses
mobiles (portiques de 40 tonnes, grues automobiles, élévateurs),
d'ensembles routiers grâce à un réseau de transporteurs
spécialisés pour les liaisons entre le chantier et les lieux de
production ainsi que de terre-pleins pour stocker les conteneurs, vides ou
pleins.
Intercontainer/Interfrigo (ICF)
ICF, agence supranationale commune à l'ensemble des
compagnies européennes de chemin de fer (sorte de coopérative de
réseaux), assure depuis 1967 au moyen de trains blocs les transports
massifs internationaux de conteneurs ou de caisses mobiles, et
spécialement l'approche ou l'évacuation ferroviaire de conteneurs
transitant par les ports de mer depuis ou vers quelques 650 terminaux
européens, via son réseau « Quality Net »
desservant les principaux centres industriels en Europe grâce à un
système de hub à Metz/Sablon. Ceci en fait le 1er
opérateur de transport combiné en Europe.
ICF ne commercialise que des prestations de porte à porte.
En 1997, ICF a transporté 1,3 million d'EVP.
La représentation de Inter Container Inter Frigo est
assurée en France par la SNCF (CNC) et des agences locales comme la
société Logistique Porte Océane (LPO) installée au
Havre depuis début 1998 qui prennent en charge toutes les
opérations du transport ferroviaire (organisation des chargements,
établissement des contrats de transport...).
3 départs et 3 arrivées par semaine sont
proposés au Havre par le réseau Quality Net d'ICF.
On peut également mentionner l'existence de
l'opérateur de transport combiné rail/route Novatrans
qui réalise des transports ferroviaires de semi-remorques non
accompagnées par la technique du ferroutage, de caisses mobiles et de
conteneurs.
Depuis Le Havre, Novatrans offre des services quotidiens vers
l'Italie (Novara) et 3 fois par semaine pour Perpignan desservant l'Espagne.
L'offre de transport n'est cependant pas, en raison de
l'augmentation des fréquences et la massification des trafics, assez
élevée. Les autorités portuaires havraises
réclament ainsi l'étoffement des services offerts par les
opérateurs ferroviaires et le développement d'infrastructures
supplémentaires performantes susceptibles d'accroître sensiblement
l'offre de transport ferroviaire au Havre.
Meilleur marché que le rail, la voie d'eau se
spécialise de plus en plus dans l'acheminement de marchandises
normalisées conditionnées en unités de charge sur des
relations sur lesquelles sont organisés des convois réguliers de
conteneurs : c'est le cas de la ligne Le Havre/Gennevilliers
exploitée par le GIE Logiseine.
La voie d'eau peut aussi contribuer à la massification du
trafic conteneur. Même si le démarrage de la ligne Le
Havre/Gennevilliers a été lent, elle monte en puissance. Parti de
0 en 1994, Logiseine évolue à l'heure actuelle sur un rythme de
12 000 EVP par an en provenance ou à destination de Paris-Terminal SA,
qui gère le terminal multimodal du port de Paris Gennevilliers (dont le
Port Autonome du Havre a pris une participation dans le capital afin d'apporter
son soutien au transport combiné de conteneurs sur la Seine). Trois
départs sont proposés chaque semaine, avec des convois d'environ
200 EVP, aux transitaires et au départ de Gennevilliers.
La profession fluviale, sur la Seine et ailleurs, a donc
redéployé son offre en direction des frets à forte valeur
ajoutée, en plus des matériaux traditionnellement
transportés tels que les produits pétroliers et chimiques, les
produits agricoles et alimentaires et les matériaux de construction ou
le charbon.
La voie d'eau présente un intérêt spatial
plus limité mais c'est un mode de transport sûr et
économique pour les pondéreux non périssables, en
particulier les vracs solides et liquides, et les conteneurs, des produits ne
demandant pas de livraisons rapides en raison de la lenteur du transport :
12 km/h de moyenne sans les arrêts aux écluses.
Cependant, la part du mode fluvial dans la desserte de
l'hinterland havrais est très faible, à peine 2% contre 50% pour
Anvers et 55% (700 000 EVP par an sur le Rhin) pour Rotterdam qui
bénéficient de relations directes avec le coeur de l'Europe.
Si Le Havre est si peu desservi par le transport fluvial, c'est
d'abord parce que le réseau des voies navigables français n'est
qu'une impasse. La desserte fluviale du Havre est en effet limitée
à la région parisienne. Aucun des ports français n'est
relié à un réseau fluvial de grand gabarit sur de grandes
distances desservant les grands centres économiques continentaux
européens.
Pourtant, les autorités portuaires du Havre, Port Autonome
de Paris et Logiseine s'unissent pour développer la voie d'eau, qui
peut, elle aussi contribuer à la massification de la desserte de
l'arrière-pays même si celui-ci se limite à la
région parisienne. Alors que l'approche ferroviaire de Paris butte sur
de nombreux problèmes, il serait reprochable de se priver du potentiel
que représente la voie d'eau qui permet de rendre les conteneurs aux
portes même de la capitale. C'est pourquoi le schéma
d'aménagement de Port 2000 comprend l'ouverture dans l'actuelle digue
sud du port havrais permettrait aux unités fluviales venant du bassin de
marée de gagner directement les futurs quais. En sus, un terminal
dédié au fluvial pourrait prendre place dans la darse de
l'océan. Un système de brouettage en site propre relierait aux
terminaux de Port 2000. Mais le coût élevé de ces
installations a provoqué dans les instances publiques de nombreuses
réticences qui amèneraient la restriction du projet sur certains
points et notamment la digue de protection sensiblement moins longue qui
permettrait une économie de 250 millions de francs mais aboutirait sur
l'abandon d'une desserte directe des futurs terminaux par la navigation
intérieure.
On estime d'après tous ces facteurs que le fleuve pourrait
s'approprier tout de même 3% des flux terrestres à l'horizon
2005.
C. Un nouveau contexte propice au développement du
transport ferroviaire
La desserte de l'arrière-pays havrais est dominée,
on l'a vu, par le mode routier qui a pris une place prépondérante
dans un contexte logistique de flux tendus sur de courtes et moyennes
distances. Une chose est pourtant certaine, l'option tout route paraît de
moins en moins supportable économiquement, socialement et
écologiquement aux industriels chargeurs, au public et aux politiques.
Après avoir canalisé, compte tenu de sa souplesse et des
retombées économiques immédiates, la plus grande part des
investissements en matière d'infrastructure, l'accroissement des
infrastructures routières n'est plus possible que dans une mesure
limitée, tant pour des raisons de saturation spatiale que pour des
contingences environnementales.
Le transport routier a effectivement été le symbole
de développement de la période de forte croissance
économique d'après guerre (« Trente
Glorieuses ») marquée par un changement des modes de
production industriels : les biens matériels (produits finis et
semi-finis) ont pris la place de l'industrie lourde métallurgique. Les
Etats européens ont largement centré leurs plans
d'aménagement du territoire sur l'utilisation des axes routiers pour
desservir les espaces urbanisés et relier entre eux les grands centres
industriels. En France, la Délégation à
l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale
(DATAR) a longtemps considéré et utilisé le transport
routier comme l'outil privilégié du développement des
territoires régionaux. La politique du « tout
routier » a longtemps été employée. Pendant ce
temps, le transport ferroviaire connaissait une réduction
généralisée de ses réseaux vers les axes les plus
importants et les plus rentables. Aujourd'hui, la route occupe une situation de
monopole sur les transports européens de marchandises qui était
celle des chemins de fer au 19e et au début du 20e
siècle. En 1995, la route a transporté 72% du fret de l'Union
Européenne.
Entre 1970 et 1995, le marché du transport européen
s'est accru de 70%. La part de marché du transport ferroviaire en Europe
est par contre passée de 32% à moins de 16%. C'est la route qui a
bénéficiée en priorité de cette forte croissance.
Selon les instances européennes et si aucune mesure n'était prise
pour enrayer la situation monopolistique du transport routier visant à
rééquilibrer les parts modales des transports européens,
la part du mode ferroviaire passerait de 16 à 9% dans les prochaines
années alors que l'on peut s'attendre à une croissance du fret de
30%.
Après le déclin du mode ferroviaire dans la part
modale des transports en Europe et le protectionnisme des réseaux des
Etats membres, la Commission Européenne a pris plusieurs dispositions
visant à développer le fer au niveau européen, les grandes
potentialités sur longues distances -domaine de prédilection du
fer-, les courtes et moyennes distances étant l'apanage du mode routier.
Les gouvernements donnaient au fer un rôle
prépondérant dans la défense de l'espace national, ces
mêmes espaces nationaux ferroviaires qui provoquaient au niveau
européen de nombreux dysfonctionnements qui ont causé le recul du
rail vis à vis de la route. Les Etats subissent des contraintes
budgétaires qui pèsent de plus en plus lourd et qui, à
terme, rendront la situation des chemins de fer insoutenable. Si rien n'est
fait, cette situation déboucherait à une rationalisation massive
des réseaux, c'est à dire que les réseaux se
réduiraient à quelques grands axes. Il faut, par
conséquent, mettre en place un traitement drastique pour que le rail
renaisse. L'unique solution pour que les chemins de fer renaissent est de
poursuivre la libéralisation entamée par les directives
européennes. Car seule la libéralisation peut sauver le rail. Le
voeu de la Commission Européenne est d'arriver à rendre le mode
ferroviaire aussi intéressant que les autres modes de transport,
à l'échelle européenne. Pour cela, le transport
ferroviaire doit s'ouvrir à la libre concurrence.
Depuis le 1er janvier 1993, les frontières des
Etats membres de l'Union Européenne ont été abolies.
L'Europe est entré dans le marché unique. Désormais donc,
l'échelle des transports est européenne, elle n'est
théoriquement plus tributaire des frontières qui bloquaient un
développement économique homogène grâce aux
transports ? Les échanges internationaux intracommunautaires ont
par conséquent, avec l'ouverture des frontières,
littéralement explosé : les experts prévoient donc
pour les prochaines années une croissance du fret européen de
l'ordre de 30%.
En juin 1993, les Douze membres de l'UE chargèrent le
français J. Delors, le président de la Commission, de
réfléchir sur les politiques à mener afin de sortir de la
crise économique que connaît l'Europe à cette
période. M. Delors présente alors ses réflexions lors du
Conseil Européen de Bruxelles de Décembre 1993 sous la forme d'un
Livre Blanc intitulé « Croissance,
Compétitivité, Emploi. Les défis et les pistes pour entrer
dans le 21e siècle » qui prône la mise en
place d'une politique de grands travaux d'infrastructures dans le secteur des
transports participant au développement économique de
l'Europe.
Suivant les orientations du Livre Blanc, l'Union
Européenne soutient alors, dans le cadre du marché commun, la
libéralisation de l'ensemble des modes de transport afin d'atteindre une
mobilité durable et homogène sur le territoire européen,
et ce, particulièrement au niveau ferroviaire dont les monopoles
nationaux empêchent l'ouverture des réseaux et donc le
développement des échanges intracommunautaires transnationaux par
voie ferroviaire qui présente pourtant de gros potentiels. Pour
déréglementer le transport ferroviaire et proposer une
alternative à la route et atténuer ainsi le
déséquilibre modale européen, la Commission
Européenne a instauré la directive 91/440 qui va dans le sens de
la libéralisation des chemins de fer européens.
Cette directive porte sur deux aspects principaux, à
savoir la gestion des compagnies ferroviaires et l'accès à
l'infrastructure. En résumé, la Directive impose la
séparation comptable entre l'entreprise ferroviaire et le gestionnaire
d'infrastructure. L'entreprise ferroviaire devient un quelconque
opérateur de transport et l'infrastructure est ouverte à la
concurrence pour tout opérateur de transport qui voudrait
l'emprunter.
Les opérateurs ferroviaires, bien souvent nationaux,
doivent être dotés d'un statut d'indépendance vis à
vis de l'Etat, et sont contraints, par conséquent, d'atteindre
l'équilibre financier obligatoire pour le fonctionnement de toute
entreprise (« privée »).
En France, les autorités ont mis en place la stricte
application de la Directive 91/440 : elles ont séparé
l'infrastructure de l'exploitation.
Réseau Ferré de France (RFF) est créé
le 13/12/97 pour gérer le réseau ferroviaire français.
Cependant, ce nouvel établissement public est resté très
lié à la SNCF.
Si la Commission Européenne impose aux Etats membres de
telles résolutions dans le domaine ferroviaire, c'est que ce dernier a
un rôle à jouer prédominant dans le transport en Europe et
apparaît comme un débouché au potentiel énorme dans
l'acheminement des marchandises.
Le transport routier, principal mode employé en Europe
connaît de graves difficultés. La route est d'abord source de
nuisances : pollution atmosphérique, sonore et visuelle qui sont de
moins en moins tolérées par la société. Les grands
axes routiers européens connaissent ensuite aujourd'hui des
problèmes de saturation chroniques, les routes sont sur utilisées
et les abords des grandes agglomérations souvent bloqués, alors
que les potentialités des autres modes de transport comme le chemin de
fer et la voie d'eau sont sous exploités.
C'est pourquoi la Commission Européenne a instauré
la Directive 91/440 afin de « casser » les monopoles
nationaux qui, en gérant et protégeant les trafics
intérieurs nationaux, bloquaient le potentiel ferroviaire
européen.
Car le rail est plus attractif vis à vis de la route pour
les transports massifs sur grandes distances : il peut admettre de grandes
quantités de marchandises sans augmentation proportionnelle des frais.
L'atout majeur du chemin de fer réside effectivement dans le transport
de charges lourdes (jusqu'à 3000 tonnes) sur de longues distances, avec
une consommation énergétique et un coût de transport (si le
trafic est volumineux) modérés.
Le coût du transport est un critère essentiel dans
le choix modal des chargeurs, les propriétaires de la marchandise
transportée. Celui-ci se décompose en deux termes : un fixe,
indépendant de la distance, et un proportionnel à la distance
parcourue. Le mode ferroviaire est caractérisé par un coût
fixe supérieur à la route et un coût kilométrique
inférieur à celui de son concurrent. Il en résulte que le
transport ferroviaire est plus rentable que la route sur les longues distances
et, inversement que le mode routier l'est sur de coutres et moyennes distances.
Le fer est donc facteur d'élargissement du marché.
Il faut aussi que les trafics soient massifs et
équilibrés, c'est à dire qu'ils permettent de remplir
plusieurs trains, dans les deux sens et avec une fréquence suffisante.
Les liaisons ferroviaires s'effectuent donc entre zones économiques
importantes générant beaucoup de fret.
Le mode ferroviaire présente en plus une efficacité
énergétique jusqu'à trois fois plus élevée
que celle du transport par route qui permet de réduire sensiblement les
coûts, surtout sur longues distances.
Un autre des principaux atouts du mode ferroviaire est donc sa
capacité à traiter des trafics importants, sur un même axe
de transport. Le trafic par trains complets est efficace sur des
« segments » bien précis concernant des flux
volumineux peu souhaitables sur la route. Des trains de 1200 ou 1500 tonnes de
charge utile sont courants. Face à la concurrence de la route et de
l'avion, le renouveau du rail passe cependant par l'augmentation de la vitesse
et de la capacité. Du nouveau matériel de circulation et une
coopération entre les réseaux nationaux permettant de
réduire les attentes aux frontières sont ici
nécessaires.
Comme pour les autres modes de transport, la capacité de
transport est étroitement liée à la fluidité du
trafic (nombre de voies, pente, rayons de courbure, mode de traction).
Le rail est également adapté à la tendance
nouvelle de polarisation des territoires et à la concentration des flux
sur des axes de moins en moins nombreux mais de plus en plus lourds. La double
politique du rail qui a pour orientation la suppression des lignes
jugées trop peu rentables et le maintien, voir le renforcement de la
desserte sur les grands axes accompagne cette évolution.
L'essor des échanges intercontinentaux maritimes demande
par ailleurs de nouveaux modes de transport permettant la massification des
acheminements de fret conteneurisés. Cette tendance ouvre de nouveaux
débouchés aux transports ferroviaires car les ports sont
générateurs de fret ferroviaire.
Les professionnels du transport ferroviaire le savent bien,
aujourd'hui les affréteurs pensent en terme d'intermodalité, de
complémentarité lorsqu'il leur faut imaginer l'acheminement de
leur fret. Le transport joue désormais un rôle important dans les
échanges commerciaux mondiaux, il représente les défis du
21e siècle en terme de post-acheminement des marchandises une
fois débarquées à quai et la place que le rail peut et
doit prendre dans ces transports terrestres. Car les ports savent qu'à
l'avenir, les caractéristiques du transport ferroviaire seront
indispensables à l'écoulement des flux de marchandises
massifiés en provenance des super porte conteneurs.
La recherche d'une productivité accrue pour ces grands
équipements conduit alors leurs promoteurs à intégrer
d'emblée l'outil ferroviaire nécessaire à leur
stratégie de massification des pré- et post-acheminements
terrestres des boites.
Mais sur ce marché, la concurrence est devenue et
demeurera féroce entre les divers modes en présence et les
exigences des chargeurs et armateurs exercent tout au niveau du coût
qu'à celui de la qualité de service. Dans ce domaine, la route
reste très compétitive.
Outre le fait que le transport ferroviaire peut être dans
certaines conditions plus compétitif que la route et être
substituable à celle-ci, le rail peut également être le
complément du mode routier : l'augmentation de la
fréquentation des autoroutes ferroviaires avec des volumes importants
peut réduire la congestion des autoroutes routières et optimiser
ainsi pour ce dernier la qualité ce service en réduisant le
transit time et les coûts de transport. Les deux modes de transport
peuvent également fonctionner en synergie : en additionnant les
avantages de l'un et de l'autre, on peut avoir un moyen de transport offrant
des prestations plus intéressantes et compétitives pour les
chargeurs. Le transport combiné rail/route est donc voué à
un avenir prometteur, encadré de plus par la Commission
Européenne.
L'emprise au sol, très importante pour le coût de
l'infrastructure ainsi que la pollution visuelle demeure plus modeste pour le
fer pour des masses transportées potentiellement plus importantes que le
mode routier. L'impact sur la consommation d'espace est ainsi moins fort que la
route, l'emprise au sol est d'environ six hectares par km de ligne ferroviaire
contre dix hectares par km d'autoroute.
Au niveau de la pollution atmosphérique et sonore, le fer
est là aussi plus attractif. La lutte contre la pollution est devenue
une préoccupation majeure pour les pays européens et les
sociétés, la faible consommation énergétique du
fer, sa faible emprise au sol, la réduction des nuisances sonores et des
rejets de polluants et sa grande sécurité font que le transport
de marchandises par voie ferroviaire devient incontournable.
En résumé, le rail s'adapte aux conditions
nouvelles du transport de marchandises face à la route par :
· l'augmentation de la puissance de traction de locomotives
pour l'acheminement de produits pondéreux ou non
· l'utilisation de wagons spécialisés et de
grande capacité
· la souplesse commerciale
· la concentration du trafic lourd sur des
itinéraires spécifiques, de préférence sur les
lignes à faible trafic voyageurs
· l'organisation de trains à charge homogène
(un seul produit) et de trains blocs (trains directs de la gare de formation
à la gare de destination)
· l'organisation de trains rapides et directs de produits
divers
· l'utilisation d'un matériel approprié pour
le transport combiné
Le transport ferroviaire a toutes les chances de jouer l'un des
rôles clés pour le processus d'intégration
européenne. Avec l'augmentation prévue du transport de
marchandises en Europe poussée par la massification du transport
maritime, l'efficacité du transport ferroviaire résidera dans
l'optimisation de la rapidité et de ses capacités de transport
dans un cadre géographique plus large, à l'échelle
continentale et une alternative efficace et plus performante que le mode
routier pourra être ainsi proposée.
Les instances européennes considèrent avec
l'instauration des directives européennes la solution du rail tel un
élément d'intégration à forte capacité.
L'intégration économique européenne allonge les distances
des échanges : dans ces conditions, le fer retrouve des avantages
décisifs sur les autres modes de transport. Ceci est capital, à
condition que l'intégration, l'ouverture des réseaux nationaux se
concrétise à brève échéance et que les
infrastructures soient améliorées.
Pour entraîner cette intégration communautaire, les
communautés portuaires qui misent sur un transport ferroviaire
« libéral » stimulent la mise en oeuvre de services
par navettes sur les principaux centres de production et de consommation d'un
hinterland qu'ils embrassent à l'échelle européenne. Un
arrêté interministériel du 15/03/99 a ainsi autorisé
en France le Port Autonome du Havre à prendre une participation dans le
capital de la société promotionnant la circulation de trains
blocs par liaison directe appelée Le Havre Shuttles (LHS).
D. Les navettes
L'optimisation technique et commerciale de l'offre ferroviaire
apparaît comme une priorité pour les havrais qui juge que l'offre
ferroviaire au Havre n'est pas suffisante de la part des opérateurs
présents.
Ainsi, Port Autonome du Havre oeuvre pour la mise en place de
lignes dédiées fret afin d'optimiser l'offre et proposer un
produit qui est dans la concurrence, en prix, fiabilité et temps, le
leitmotiv étant toujours le même : massifier. Pour
répondre à la demande croissante de desserte terrestre et
notamment de transport ferroviaire de la clientèle havraise, il faut
stimuler la concurrence entre les opérateurs ferroviaires afin de faire
baisser les prix du transport des pre- ou post-acheminements terrestres.
Le PAH propose ainsi de remplacer progressivement et pour des
relations pertinentes par leur volume de trafic, les trains dirigés
systématiquement vers le point nodal par un système de navettes
cadencées dès lors que le volume de trafic
généré par une région donnée justifie une
circulation directe.
Les ports d'Anvers et Rotterdam ont largement fondé la
desserte ferroviaire de leur hinterland sur la mise en place de telles
navettes.
La demande du marché est d'obtenir un enlèvement
quotidien à un coût compétitif. La réponse de
l'offre est de proposer un service quotidien et une massification de
l'acheminement.
La technique du point nodal qui n'est pas spécifiquement
ferroviaire, est la consolidation des trafics via une plate-forme centrale.
La technique de la navette est le plein emploi de deux rames de
matériels en aller/retour entre deux points.
Le passage par le point nodal implique que les horaires des
trains soient tributaires de la phase de consolidation qui dure tout de
même quelques heures et génère des coûts de
fonctionnement. La mise en oeuvre d'une navette implique que chaque jour la
relation fournisse dans les deux sens l'alimentation nécessaire à
l'équilibre financier.
Ces deux modes opératoires sont différents mais ils
ne sont pas opposés. Les deux sont des instruments de distribution, l'un
prenant appui sur l'économie générale, l'autre prenant
appui sur l'économie d'un seul axe. Ils sont parfois même
complémentaires car pas mal de navettes sont à destination de
points nodaux ou plutôt de centres de correspondance.
Le PAH, en partenariat avec les opérateurs CNC, ICF ou
Novatrans souhaite approfondir son hinterland par la multiplication de telles
navettes, dédiées aux conteneurs entre Le Havre et quelques
destinations choisies, notamment en direction de l'est et du sud-est de la
France.
La réponse de la place du Havre a pour nom « Le
Havre Shuttles » (LHS), une société anonyme à
statut de commissionnaire, (sorte de coopérative d'achat qui
achète de la capacité à la CNC), commercialisant du
transport ferroviaire, en ayant acheté au préalable des navettes
ferroviaires opérant sur grandes distances ou plus simplement des
« slots ». Les services seront ensuite revendus directement
par LHS aux clients.
L'UMEP est actuellement le principal actionnaire de LHS. Les
syndicats professionnels ont été sollicités de même
que les entreprises privées. Dans le tour de table apparaît
également le PAH pour 34% du capital.
Le PAH a déjà mis en place de tels services en
supportant le risque financier durant le temps de la montée en charge
des services :
· une navette Le Havre/Lille
· une navette Le Havre/Lyon-Vénissieux
· une navette Le Havre/Strasbourg-Cronenbourg
Navette Le Havre/Lille
Pour desservir le Nord-Pas de Calais et mettre en place un
réseau de trafics interrégionaux, Le Havre et le port fluvial de
Lille (ce dernier est commissionnaire) sont reliés en direct par un
train bloc ICF, avec une rotation par semaine.
A titre indicatif, le prix du transport ferroviaire dans chaque
sens (hors manutention) pour un conteneur plein ou vide est de 650 francs pour
un 20', de 800 francs pour un 40'. Il s'agît là de conditions
à priori attractives, mais la distance est trop courte pour permettre au
fer de jouer vraiment son rôle. D'autant plus que les prix de production
semblent plus intéressants au-delà de la frontière, c'est
à dire sur le réseau belge et ses prolongements.
Cependant, la région lilloise proche du port du Havre, est
la 2e région import-export de France après l'Ile de
France. L'enjeu est donc de taille. Le PAH souhaite ainsi, grâce à
cette ligne, faire basculer les trafics d'Anvers vers Le Havre en mettant en
valeur la situation géographique du port normand de 1er port
touché à l'import et dernier à l'export. Le Havre cherche
ainsi à conquérir de nouveaux marchés en
concurrençant les prestations du port belge sur son hinterland.
L'autre facteur majeur d'attraction des trafics est bien
évidemment le coût de transport. Les navettes ont pour but de
minimiser les coûts et les temps de transport, de rendre plus
compétitive l'offre vis à vis des ports concurrents et
générer par conséquent des volumes plus importants et
conquérir des parts de marché.
La navette Le Havre/Lille a ainsi pour but de concurrencer
l'offre de transport fluvial et fluvio-maritime au départ du port
fluvial de Lille et orientée vers Anvers et Rotterdam. Le coût de
transport d'un conteneur sur cet axe (650 francs) est néanmoins encore
trop élevé pour pouvoir rivaliser avec les prestations des ports
du nord.
Navette Le Havre/Lyon-Vénissieux
Créée en partenariat avec la CNC sous la forme d'un
service trihebdomadaire depuis 1996, en réaction à un projet de
mise en place d'une navette Lyon/Rotterdam par l'opérateur privé
européen European Rail Shuttles (ERS), la navette ferroviaire directe
entre les terminaux du port et la plate-forme de la CNC à
Vénissieux connectée aux principaux centres économiques du
sud-est de l'Europe, a permis de réduire les délais de livraison
d'environ 20 heures.
Cette navette connaît un réel succès :
50 000 EVP ont été transportés depuis son lancement. La
CNC jouant le jeu de la massification, les prix ont pu être sensiblement
baissés (jusqu'à 30%).
Navette Le Havre/Strasbourg-Cronenbourg
Strasbourg et sa région constituent un autre gisement de
trafic convoité par les havrais, mais cependant dominé par
l'offre des ports d'Anvers et de Rotterdam.
Depuis janvier 1998, une navette d'une capacité de 80 EVP
circule avec trois aller/retour par semaine entre les terminaux havrais et le
chantier ferroviaire de la CNC à Cronenbourg, connecté aux
principaux centres économiques de l'est européen. Concurrence
oblige, les prix pratiqués sont plus ou moins alignés sur ceux du
Rhin. Même s'il subsiste une légère différence,
cette navette séduit par un transit time plus court.
Le produit monte en puissance avec 600 EVP par mois, ce qui est
d'autant plus apprécié sur la place havraise qu'elle avait subie
de plein fouet la concurrence des services conteneurisés du Rhin.
LHS entend exploiter ultérieurement en propre la navette
sur Strasbourg, en mettant en concurrence CNC et ICF afin de minimiser encore
des coûts et devenir encore plus compétitif sur l'offre de
transport terrestre.
Fort du succès de ces premières expériences,
et particulièrement de la navette sur Lyon, le PAH souhaite
développer ce type de desserte et offrir une palette élargie de
destinations à travers l'Europe par trains navettes.
Il propose la mise en place de quatre nouvelles
navettes :
· Le Havre/Liège via Bruxelles
· Le Havre/Vesoul-Mulhouse
· Le Havre/Vienne-Sopron
· Le Havre/Milan
L'organisation de ces navettes et leur commercialisation seront
le fait d'une structure opérationnelle, en cours de constitution
à l'instigation de PAH, et dans laquelle le port serait majoritaire.
Statut de commissionnaire de transport pour cette opération, la
structure négocierait l'achat de trains auprès des exploitants
ferroviaires, en assurerait la commercialisation et la facturation
auprès des transitaires et armements.
A long terme, et compte tenu du nombre de trains directs que le
port estime générer, PAH revendique l'aménagement
d'itinéraires ferroviaires dédiés au fret et notamment
vers l'est.
Il s'agît en évitant la région parisienne
dont les réseaux sont saturés, d'aménager les voies
existantes entre Le Havre, Amiens, Reims, Chalons en Champagne et Metz.
Le dégagement d'un tel itinéraire suppose des
travaux d'infrastructures et des études d'exploitation.
Le choix du mode de transport ferroviaire dans la desserte de
l'hinterland paraît donc à l'heure actuelle indéniable
étant donné les potentialités existantes de ce mode de
transport et la volonté des politiques de développer cette
alternative. C'est dans cette perspective et dans ce contexte que le port du
Havre souhaite éminemment être desservi par une ligne ferroviaire
pour profiter de ces potentialités, à l'instar de ses concurrents
européens. Sur l'initiative du port du Havre, un projet a
été fondé pour répondre à cette attente et
offrir ainsi au premier port français la possibilité de
conquérir de nouveaux marchés et d'envisager, avec l'appui du
projet « Port 2000 », un avenir plus prospère.
Quel est la nature de ce projet ? Quelles sont les
conditions pour qu'il se réalise et pour qu'il soit
réellement efficace et rentable ?
III. LE PROJET DE CONTOURNEMENT FERROVIAIRE DU BASSIN
PARISIEN DANS LE CADRE DES CORRIDORS DE FRET EUROPEENS
C'est donc sur le rail que se porte l'essentiel de la
compétition pour desservir l'hinterland national et international. Le
développement du Havre nécessitera des infrastructures
performantes de liaisons avec l'est de la France ainsi que l'Europe Centrale et
du sud, permettant d'éviter une région parisienne
déjà bien engorgée. Sachant que la compétition
entre les ports maritimes va se jouer sur leurs capacités de desservir
l'hinterland européen sur des axes ouest-est, l'objectif du port du
Havre est la création d'un axe puissant vers l'est.
Le marché du transport de conteneurs est, comme nous
l'avons vu, en voie d'extension et d'intégration. La desserte de
l'hinterland se conçoit désormais à l'échelle
continentale, européenne et les ports se doivent de développer
leurs dessertes terrestres afin d'atteindre les grandes zones industrielles et
les zones de distribution et d'y conquérir des parts de
marché.
La carte des flux de conteneurs en Europe permet de
visualiser les itinéraires des flux de distribution des conteneurs par
voie maritime ou terrestre. Elle fait apparaître plusieurs zones
géographiques de diverses importances en fonction de la densité
des relations. On peut voir que le champ de compétition des grands ports
européens se situent dans la traditionnelle « banane
bleue » (Bénélux, Allemagne ex RFA, Suisse, Autriche,
Italie du nord) qui symbolise une forte concentration des régions
industrielles dynamiques de l'Europe fortement tournées vers le commerce
international.
La « banane bleue » est un lieu
privilégié pour les importations et les exportations faisant
largement appel aux infrastructures portuaires et aux dessertes terrestres pour
l'acheminement du fret. Cet ensemble forme un champ clos où s'affrontent
les ports majors du nord, Anvers, Hambourg et Rotterdam. Le principal handicap
du Havre par rapport à ses concurrents de la mer du Nord est son relatif
éloignement vis à vis de cet ensemble économique et son
proche hinterland relativement désert. Si la route est
compétitive jusqu'à 500 km, au-delà, rien ne vaut le fer
pour combler ce handicap géographique et jouer dans la même cour
que les « grands ».
Plus de 220 millions d'habitants résident dans un espace
de 1000 km de rayon autour du Havre contre 240 millions pour Rotterdam. Le port
normand, avec le développement de l'outil ferroviaire, a donc toutes ses
chances.
S'il est bon que le port soit connecté à une ligne
dédiée au fret qui le branche, au-delà de Strasbourg, sur
la « banane bleue », cette zone prospère de l'Europe
qui s'étend de Londres à Milan, en passant par Rotterdam et
Hambourg, encore faut-il que les installations terminales sur le port assurent
un tri efficace et le chargement rapide des trains et que ceux-ci dispose d'une
infrastructure suffisamment performante.
Dans un contexte ultra concurrentiel, la France a pris du retard
par rapport aux actions engagées au niveau terrestre en Europe du nord,
étant donné que les choix des grands armements dépendent
désormais, en grande partie, des dessertes ferroviaires, celles
notamment qui permettent d'innerver le centre de l'Europe.
Réaliste, A. Graillot admet que « le Rhin
crée une zone de basse pression » drainant sur Rotterdam et
Anvers un paquet substantiel de boites en provenance ou à destination de
la Suisse, de la France Rhénane et du sud de l'Allemagne. Mais
au-delà du Rhin, en allant plus à l'est, en Autriche ou en
Hongrie par exemple, le port peut de nouveau être compétitif.
Car le champ de compétition ne se restreint plus à
la traditionnelle « banane bleue », un nouvel espace qui
lui est fortement lié, apparaît, constitué de la
République Tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie,
la Croatie, la Pologne...les PECO (Pays d'Europe Centrale et Orientale) ouverts
récemment à l'Europe de l'ouest et qui sont très
demandeurs de transport et de fret. Les flux devraient ainsi se concentrer de
plus en plus entre les ports et les plates-formes terminales de transbordement
à proximité de ces pays dont le parcours s'effectuera
instinctivement par voie ferrée.
L'intégration économique progressive des PECO
à l'Europe Occidentale sont et seront le principal facteur de la
nouvelle organisation des flux en Europe. C'est sous la pression des
marchés que se construits l'Europe et sous l'influence de
l'évolution des transports.
Sous l'égide de la Commission Européenne, le groupe
TINA (Transport Infrastructure Needs Assesment group) vient de faire des
propositions pour le choix des axes et points nodaux à mettre à
niveau ou à créer dans les pays d'Europe Centrale et Orientale
afin d'assurer la continuité des réseaux transeuropéens de
transport. Ces propositions confortent concrètement l'émergence
d'un vaste espace économique en voie d'intégration rapide
à l'Union Européenne. Les ports maritimes voient donc là
un nouveau débouché apte à renforcer la dimension de leur
hinterland. Le Havre voit là une formidable opportunité pour
développer son hinterland sur un espace encore épargné par
la concurrence portuaire terrestre. Cependant, il faudra aller vite car les
autres ports ne resteront pas longtemps l'arme au pied.
A. La saturation du noeud parisien
Le réseau ferroviaire français, comme on le sait,
est pour des raisons historiques, géographiques et économiques
centré sur Paris (étoile de Legrand), tout comme ses homologues
routiers et aériens.
La région parisienne est devenue pour tout mode de
transport, le passage obligé pour les marchandises et les voyageurs.
C'est une véritable plaque tournante par laquelle transite presque tous
les échanges.
C'est pourquoi la région parisienne est devenue pour le
chemin de fer comme pour la route, de plus en plus encombrée,
l'accroissement des trafics voyageurs et marchandises évoluant plus
rapidement que l'offre de transport.
Au niveau ferroviaire, les trains, de marchandises notamment,
empruntent pour accéder au noeud parisien ou pour y transiter une ligne
ferroviaire normalement réservée au fret contournant le pole
parisien à travers la proche banlieue (la Grande Ceinture) desservant
centres de triage, chantiers de transbordement (transport combiné
rail/route) et les grands axes ferroviaires nationaux vers les principaux
pôles économiques régionaux français et
étrangers.
Cependant, la concentration et l'augmentation du trafic fret sur
le noeud parisien a provoqué une relative saturation de la Grande
Ceinture qui ne peut plus répondre efficacement à la demande de
transport. Des retards importants, des longs moments d'attente interviennent
sans cesse. Quand on connaît l'importance des délais
d'acheminement et le respect de ces derniers pour le transporteur vis à
vis du chargeur, on comprend aisément que la saturation de la Grande
Ceinture pose de nombreux problèmes. La mesure de la congestion
ferroviaire est directement liée à la notion de qualité de
service ressentie par les clients. Le respect des horaires constitue
l'élément essentiel de qualité de service ressenti par la
clientèle. Le respect des horaires traduit la fiabilité en
exploitation des horaires des trains conçus par l'exploitant et se
concrétise par un indice de régularité. Le
phénomène de congestion ferroviaire se caractérise
également par la difficulté (voire l'impossibilité) de
répondre à la demande de transport : par exemple,
l'impossibilité de tracer des sillons permettant aux trains d'arriver
dans les agglomérations aux horaires que le demande le marché, ou
l'existence de vitesses commerciales faibles malgré des matériels
adaptés à des vitesses de pointe élevées.
L'exploitation ferroviaire est également par nature
instable et fragile, compte tenu de l'absence de déviations en cas
d'incidents.
Beaucoup de trafics sont concentrés sur les lignes les
plus performantes qui sont les lignes électrifiées, à
vitesse autorisée élevée et à profil facile, avec
une forte fréquentation..
Ce constat explique aussi la concentration du trafic fret
nord-sud sur la grande Ceinture.
Les investissements de capacité de ces dernières
années ont de plus peu touché la Grande Couronne de Paris et peu
les relations fret alors que les trafics ont augmenté (+2% par an).
La congestion de la Grande Ceinture menace.
A la saturation de l'infrastructure par le trafic de marchandises
s'ajoute l'augmentation exponentielle du trafic voyageurs de banlieue à
banlieue qui fait cruellement défaut en région parisienne. Les
transports inter banlieues de voyageurs seront rouverts par jonction des
radiales entre elles via certaines branches du RER ou par emprunt de la Grande
Ceinture.
En région parisienne, le fret est le parent pauvre du
transport ferroviaire qui circule aux heures qu'arrangent l'exploitant, c'est
à dire celles où il n'y a pas de trafic voyageurs. Ceux-ci
prendront donc le pas sur les trafics de marchandises.
Le problème n'est pourtant pas de rendre la Grande
Ceinture en elle-même plus performante, puisque pour y arriver, il faut
s'approcher de la région parisienne. Or, située en zone urbaine,
où l'espace manque cruellement, cette ligne ne peut être
améliorée qu'à un coût astronomique, il faudra
compter avec l'opposition des riverains qui n'accepteront certainement pas
l'accroissement des nuisances dans leur environnement. Il est évident
que le coût au kilomètre sera prohibitif.
A la nécessité générale d'augmenter
les fréquences et afin de régler des conflits de circulation de
plus en plus nombreux sans investissements pharaoniques, une conclusion simple
s'impose : il faut éliminer de la région parisienne tout le
trafic qui n'a pas lieu d'être à savoir le trafic de transit
fret.
Le réseau ferré de France est riche de nombreuses
rocades permettant de contourner Paris à une distance de 150 à
200 km. Ces lignes, bien tracées et à double voie ont
assuré un service important, surtout dans le domaine du fret, du temps
de la traction à vapeur. Leur rôle a diminué dans les
dernières décennies en raison de la concentration du trafic
opérée sur les artères électrifiées (pour
une plus grande productivité : politique d'équipement
minimale de la SNCF qui a provoqué le rabattement sur quelques lignes de
toutes les sortes de trafic), au point qu'elles sont tombées dans un
quasi-oubli. Mais elles existent et représentent un beau capital avec un
potentiel très important. La solution serait alors de reporter des
trafics sur ces fameuses rocades sous utilisées après
modernisation et électrification. L'idée serait ainsi de
créer un grand contournement de Paris (GCP) qui serait à
même de résoudre un grand nombre de problèmes que rencontre
l'acheminement du fret et permettrait en même temps de se donner les
moyens grâce à une infrastructure efficace de conquérir des
marchés.
B. Itinéraire et évaluation du
projet
La route des trafics portuaires vers l'est relève donc du
rail. Toutefois, à raison de près de 550000 conteneurs EVP
confiés au fer à l'horizon 2010 (contre 160 000 actuellement), la
desserte dite actuelle va droit à la saturation. Elle est prévue
dès 2002. En toute logique, le projet Port 2000 a d'abord
été soumis à des choix maritimes. Très vite, les
regards se sont tournés vers l'intérieur, dans la mesure
où les ports les plus performants sont généralement ceux
où les marchandises restent le moins longtemps.
La pertinence de l'offre ferroviaire ne se mesure pas à
l'aune de la seule quantité. Il y faut aussi fiabilité,
flexibilité, compétitivité. A cet égard, l'optimum
n'est pas atteint. Question infrastructure, la desserte en profondeur de
l'arrière-pays havrais butte sur le contournement de Paris, où
les trafics entrent en conflit, on l'a vu entre autres, avec les trafics
banlieue de la région parisienne. Question exploitation, les Havrais
sont aussi demandeurs.
Si, dans le sillage de Port 2000, la part modale du fer doit
passer à 20% puis 25, il faut que l'offre ferroviaire suive. La
région parisienne ne suffit pas à fournir le pourcentage minimal
de boites justifiant l'escale d'un très grand PC : soit 15% en
règle générale d'un navire chargeant 6000 boites par
exemple. Puiser dans d'autres grands bassins de production et de consommation
est dès lors un impératif.
Etat de l'infrastructure
Le grand contournement ferroviaire commence à Motteville
sur l'axe Le Havre/Paris, à environ 60 km à l'est du grand port
normand. Cette jonction amorce le début d'une petite section à
voie unique, non électrifiée et utilisée pour la desserte
locale. Longue de quelques dizaines de kilomètres, elle rejoint toujours
plus à l'est l'axe Rouen/Amiens modernisé et
électrifié en 1984 en qualité d'itinéraire bis avec
une composante fret marquée. Cet axe permet de rejoindre l'axe
Paris/nord à gros gabarit vers le tunnel sous la manche,
l'agglomération Lilloise et le vieil axe franco-belge en direction de
Metz. L''itinéraire du GCP quitte Amiens pour une ligne orientée
plein est vers la Lorraine. La ligne Amiens-Tergnier-Laon-Reims-Chalons en
champagne est une ligne à double voie non électrifiée
nécessitant des travaux de modernisation. Il s'agît d'une ligne
à double voie bien tracée sans ouvrage d'art important à
mettre au gabarit (pas de tunnels) et dont tous les noeuds sont
déjà sous caténaires (Tergnier et Reims). De
surcroît et dans le cadre précédent d'ailleurs, aucune
sous-station 25KV nouvelle, ni ligne d'alimentation haute tension de celle-ci
ne serait à prévoir. Les sous-stations existantes au point de
croisement avec les lignes déjà électrifiées
devraient suffire après renforcement si l'on adopte la formule 25KV avec
autotransformateur. Et ceci d'autant plus qu'un bloc automatique à
cantons longs (espacement de 7/8 mm) devrait suffire. Reims/Chalons en est
d'ailleurs déjà equipé. A noter que sur ce dernier
tronçon, la section comprise entre l'échangeur avec le futur TGV
existant à hauteur de St Hiliaire au Temple et Chalons est de toute
façon programmée pour être électrifiée. Avec
ces travaux, on obtient, pour un coût bien moindre et un résultat
supérieur, un axe fret bien équipé évitant Paris et
offrant d'intéressantes possibilités d'utilisation par le
maillage qu'il permet avec le réseau existant qui amènerait
l'amélioration de la rotation du parc de matériel et
d'accroissement de la fluidité et de la régularité des
acheminements.
Il y a cependant les innovations technologiques attendues
notamment par le port du Havre de massification des pré- et
post-acheminements qui imposent des coûts d'aménagement beaucoup
plus élevés et de nombreux problèmes d'adaptation. C'est
alors tout l'itinéraire qui devra subir des travaux. Ligne
dédié au fret, l'axe pourrait être autorisé à
un poids à l'essieu de 22,5 tonnes, voire 25 tonnes d'ici à
quelques années et où pourraient circuler des trains
jusqu'à 1500 voire 2000 mètres, mais cela n'est pas simple sur le
plan technique de faire rouler des trains longs de deux kilomètres.
La ligne, même si elle n'est pas encore
électrifiée, est capable de supporter, avec un renforcement au
sol, des trains longs tout en assurant une bonne moyenne, c'est à dire
environ 50 km/h du départ à l'arrivée. Cela suppose
d'abord une étude fine sur l'optimisation des sillons et l'augmentation
de la capacité (cantonnement avec blocs automatiques), indispensables
avec le croisement de toutes les lignes radiales sur Paris. Mais il y a aussi
les trains qui nécessitent dans ce cas un système de freinage
adapté qui n'a pas encore été mis au point (l'étude
sur les trains longs n'a pas encore été réalisée).
Autre problème, celui des voies d'évitement et de garage de 750
mètres qui ne suffisent bien évidemment pas à des trains
deux fois plus longs.
La section Motteville-Montérolier Buchy est peut
être le point de départ du GCP
Embranchée d'une part à Motteville sur l'axe Le
Havre/Paris, à 60 km en aval du Havre, et d'autre part à
Montérolier, 90 km au sud d'Amiens sur l'axe Amiens-Rouen , la section
Motteville/Montérolier est aujourd'hui un élément
d'infrastructure essentiellement utilisé pour la desserte locale. Elle
rend néanmoins faisable une liaison directe de la partie avale de la
Basse Seine, avec les réseaux nord et est du pays, évitant le
passage par la gare de Rouen et la bifurcation de Darnétal,
itinéraire très utilisé actuellement. Cette ligne
représente un avantage majeur pour éliminer les conflits de
circulation de Rouen, pour les circulations de ou vers Amiens. Cependant ,
l'emploi très marginal de cette section par les plans de transports
nationaux de la SNCF, s'explique par le fait que son infrastructure n'est pas
électrifiée, ni homogène avec les artères qu'elle
est censé relier. Ses caractéristiques (voie unique non
électrifiée à cantonnement téléphonique,
à vitesse limitée à 70km/h réduite à 40
quand la charge à l'essieu atteint 22,5 tonnes) ne permettent pas
d'assurer un débit des circulations à un niveau de souplesse et
d'efficacité compatible avec celui de l'ensemble du dispositif
utilisé.
Aujourd'hui, la question de la rénovation de cette
ligne est d'actualité car elle permettrait d'offrir au fret portuaire
havrais, l'accès à un vecteur de distribution avec l'accueil
d'innovations technologiques qui hisserait l'acheminement ferroviaire à
un niveau de performance compatible avec les ambitions de développement
annoncées par le site portuaire lui-même.
La section offre ainsi une liaison directe avec Amiens et une
opportunité de contourner l'Ile de France en direction de l'est et le
sud-est de la France mais aussi vers l'Europe Centrale et Orientale. La section
contribuerait à assurer la compétitivité ferroviaire du
port normand dans l'hinterland européen. Et l'itinéraire Amiens,
Tergnier, Chalons en Champagne peut apporter une alternative sérieuse au
passage par la Grande Ceinture. Outre le raccourci considérable sur la
distance Le Havre/Amiens, la modernisation et l'électrification de
faible ampleur, qui peut être réalisée en moins d'un an,
permettrait également de soulager le noeud de Rouen et l'axe Le
Havre/Paris et de dégager des sillons supplémentaires.
La région Haute Normandie est d'ailleurs prête
à financer ces travaux dans le cadre des contrats de plan
Etat/Régions dont le coût est estimé à 250 millions
de francs.
Plusieurs questions sur la crédibilité du projet se
posent et leur résolution renvoie tantôt aux
caractéristiques ou aptitudes de l'itinéraire, tantôt
à son régime d'exploitation. Des études ont
été réalisées et définissent les types de
circulation les plus pertinents susceptibles d'emprunter l'itinéraire en
fonction d'un trafic potentiel à évaluer sur la base d'une offre
de services à déterminer en fonction des différents
scénarii d'investissements possibles, plus ou moins volontaristes en
matière de dépenses publiques. Selon les performances
recherchées pour l'itinéraire, d'une part au niveau de
l'exploitation, et d'autre part au niveau de la compétitivité
tarifaire des services offerts, il conviendra de définir les niveaux
d'investissements requis, progressifs et justifiés par la
rentabilité économique du projet.
Diverses caractéristiques d'exploitation à
rechercher doivent être examinées et leur pertinence
appréciée à la lumière de leur compatibilité
avec l'infrastructure et les autres natures de circulations sur l'axe :
· ouverture de la relation aux trains du combiné,
aux trains entiers voire aux trains lourds
· desserte par trains navettes, par batteries de trains
· priorité d'acheminement conférée aux
trains de fret vis à vis des trains de voyageurs que supportent
certaines portions de l'itinéraire assurant par endroits des dessertes
périurbaines (TER)
· circulation de trains longs et lourds
(1500mètres)
· remise en cause du plan de transport actuel de la CNC
dont l'organisation repose sur des points nodaux centralisateurs
· contribution à la décongestion de la grande
ceinture ferroviaire en Ile de France
· la facilité de circulation des itinéraires
de détournement qui sont aujourd'hui difficiles à utiliser de
jour comme de nuit (lignes fermées), ce qui nécessite
l'installation de dispositifs automatiques d'espacement des trains
Parallèlement, le traitement de quelques points singuliers
très pénalisant dans l'acheminement des trains et le
dégagement au gabarit B+ pour envisager les utilisations
complémentaires de cet itinéraire devront être
réalisés ainsi qu'un programme de
régénération des voies afin de relever progressivement la
vitesse des trains de fret à 100 ou 120 km/h.
Le volume global de ces investissements est évalué
à 2,2 milliards de francs d'ici 2006.
Les résultats des études effectuées
fournissent une analyse très précise et très bien
définie de tous les scénarii possibles selon les
prévisions de trafic de la SNCF et les investissements de modernisation
sur le grand contournement. Il serait inutile de reprendre textuellement dans
cette étude les résultats et les hypothèses des
différents travaux. Il apparaît pourtant des conclusions
intéressantes :
en raison de l'importance des investissements d'infrastructures,
les réseaux ferrés sont marqués par une grande inertie. La
rentabilité d'une voie ferrée est d'autant plus forte que le
trafic y est plus intense, le coût marginal de circulation plus faible
que le trafic est plus élevé, les frais fixes d'exploitation
étant proportionnellement très importants. En raison de l'inertie
des réseaux ferrés construits à l'aide d'investissements
lourds, ils demandent une longue période d'amortissement, le chemin de
fer a besoin de flux volumineux et stables. Et c'est là qu'interviennent
de nombreuses réticences car les prévisions de trafic du port du
Havre sur les acheminements paraissent beaucoup plus optimistes que celles de
la SNCF. Car il ne faut pas oublier que le profil de l'activité
conteneur au Havre sera encore fortement dessiné par le marché
intérieur français, que l'hinterland ferroviaire intérieur
du port est surtout au sud-est et au sud-ouest. Certes la SNCF prévoit
l'augmentation du trafic en provenance ou vers les ports français, mais
les estimations sont inférieures à celles du port qui, on peut le
comprendre dans le contexte concurrentiel portuaire actuel, doit commencer
à s'inquiéter de ne pas voir la situation évoluer
rapidement. En effet, la perspective de l'aménagement du GCP conduit,
dans la seule prise en compte du port havrais dans les trafics fret, la SNCF et
RFF à percevoir un combinatoire coût/efficacité difficile
après les investissements consentis et l'augmentation fortement probable
des péages.
A la SNCF, on n'est pas contre l'idée de cette ligne mais
on réclame en contrepartie une prise de conscience des opérateurs
portuaires et notamment des transitaires afin qu'ils s'unissent pour mettre en
place un nouveau système de commercialisation des conteneurs permettant
de faire des prix de forfait compétitifs sur les navettes.
Par ailleurs, RFF et la SNCF considèrent l'axe Le
Havre/Paris et le passage par la grande ceinture comme étant le plus
performant. L'étude sur le GCP souhaite d'ailleurs le maintien du trafic
sur la radiale de la grande ceinture qui est et restera, malgré les
retards entraînant des délais prolongés,
l'itinéraire le plus performant pour un grand nombre de destinations.
Heureusement, il existe sur cet itinéraire une
juxtaposition d'intérêts et il faut principalement aller voir du
côté de l'étranger pour relancer le projet. Quels sont les
flux concernés par le GCP ? Tout d'abord ceux de l'axe est/ouest,
en particulier l'évacuation du trafic du port du Havre, le mieux
placé sur la façade atlantique. Mais il existe aussi un potentiel
détournable venant du Royaume Uni en direction de l'Europe Centrale et
l'Italie. La Rocade peut en effet être une alternative pour les trafics
venant des ports de la Grande Bretagne et libérer ainsi la transversale
nord-est longeant en France la frontière belge, axe très
emprunté qui connaît d'inquiétants problèmes de
congestion. Les prévisions de trafics sur le GCP sont ainsi revues
à la hausse surtout dans le cadre d'une coopération entre les
réseaux nationaux (corridor de fret).
Il reste toujours le problème du financement. RFF a fait
établir un rapport sur les différents scénarii
d'aménagement de la Rocade et en a fait parvenir à chaque DRE des
régions concernés par le GCP pour les inciter à prendre
part à l'investissement. Dans un contexte de restrictions
budgétaires importantes, RFF a établi un texte qui autorise le
gestionnaire d'infrastructure à chercher de nouveaux partenaires dans
certains projets. De leur côté, les régions ne sont pas
contre l'aménagement de cet itinéraire du moment qu'elles
disposent d'une desserte, mais quant à l'investissement, elles
deviennent plus sceptiques et considèrent, sûrement à
raison, le trafic ferroviaire de transit bien peu rentable.
C. Le projet de GCP dans le cadre des corridors de fret
Le traitement d'un itinéraire ferroviaire à
priorité fret ne constitue pour la communauté portuaire havraise
qu'une réponse partielle à la question de l'amélioration
de la desserte ferroviaire du port. Les mesures de libéralisation du
transport ferroviaire sont un autre point sur lequel Le Havre doit porter son
intérêt pour développer son hinterland.
En juillet 1996, le Livre Blanc de N. Kinnock «Une
stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires »
souligne la nécessité d'introduire dans l'environnement
ferroviaire des mécanismes de marché et de tirer parti de
l'ouverture des frontières intracommunautaires. Ce document, mettant en
exergue des vitesses commerciales de trains souvent inférieures à
20 km/h compte tenu des arrêts techniques en frontières,
suggère la création de « freeways » dont le
double objectif vise, d'une part, à assurer la liberté
d'accès à tous les opérateurs ferroviaires, et d'autre
part, de faciliter et simplifier l'usage de l'infrastructure ferroviaire,
notamment pour le transport de fret transfrontalier. La libéralisation
de l'Europe ferroviaire, en application de la Directive Européenne
91/440, prévoit, outre le libre accès aux réseaux
nationaux pour tout opérateur implanté dans l'Union
Européenne et la séparation de l'exploitant d'avec la gestion de
l'infrastructure, la mise en place de structures de coopération entre
les réseaux pour simplifier l'exploitation du transport de fret
transfrontalier. Ce dernier objectif a donné lieu à la
définition d'itinéraires ferroviaires dédiés
à l'acheminement du fret, initialement appelés
« freeways » puis TERFF (Trans European Rail Freight
Freeways), couloirs réservés aux circulations de fret, ouverts
à la concurrence et régulés par une autorité
supranationale. Les TERFF doivent présenter selon le respect de la
législation européenne (Directives 91/440 et 95/18-19) quelques
caractéristiques :
· l'accès aux couloirs doit être
accordé sur la base de critères non discriminatoires à
tous les opérateurs
· les couloirs doivent être ouverts au cabotage et au
trafic international
· les terminaux de fret doivent être ouverts à
tous les opérateurs ferroviaires
· les horaires des sillons doivent être
coordonnés entre pays participants pour donner une meilleure
fluidité au passage des frontières
· la commercialisation de l'usage et la gestion du trafic
des freeways doivent être opérées par le biais d'un guichet
unique dit « one stop shop » qui assurera l'exploitation
commerciale et notamment la réservation des capacités de
transport pour chaque client en fonction des disponibilités
Le guichet unique est la structure commerciale
représentant tous les gestionnaires d'infrastructure concernés
par le corridor transeuropéen créé, chargée
d'octroyer les droits d'accès, de tracer la circulation des trains et de
percevoir les redevances d'utilisation pour l'emprunt du corridor. C'est
l'unique interlocuteur pour le client chargé de la coordination entre
les différents gestionnaires nationaux d'infrastructure.
La tarification s'effectue par l'addition des redevances
nationales. Des grilles tarifaires sont ainsi mises en place. Mais de
nombreuses différences dans les péages entre pays membres
créent de nouveau des difficultés car certains se sentent, comme
la France, lésés.
Les exploitants des chemins de fer nationaux ne percevront que
des péages.
L'impact sur les prix de transport pourrait atteindre près
de 25% de réduction. La nouvelle entente européenne devrait
réduire les temps de parcours de 20% et générer du
même coup un trafic supplémentaire de deux à trois millions
de tonnes par an.
Dans l'esprit de la Commission Européenne, les freeways ne
sont que des solutions à court terme pour renverser la situation
actuelle et marquer des points dans la bataille contre la route, en attendant
la mise en place définitive de la libéralisation.
La mise en place des premiers freeways ferroviaires a
été officiellement annoncée en 1997 par la Commission
Européenne. Trois tracés, tous orientés nord-sud ont
été définis. Ils partent respectivement de Rotterdam et de
Hambourg/Bremerhaven pour rejoindre selon le cas, l'Italie ou l'Europe Centrale
dont un vers Sopron en Hongrie. Leur mise en place se fera sur la base
d'accords de coopération entre les entreprises gestionnaires. Les
réseaux sont reliés entre eux et échangent ainsi des
trafics : ces systèmes supposent alors une normalisation technique
(écartement des voies, gabarit du véhicule, système
d'attelage et de freinage), opérationnelle (composition des
tracés et circulation du matériel), commerciale, tarifaire,
juridique et informatique...pour faire un pas en avant vers
l'interopérabilité de la circulation des trains. Les
délais d'acheminement pourront être réduits grâce
à l'amélioration technique des possibilités de transit
international en Europe et rendront le chemin de fer plus compétitif. La
vitesse commerciale des corridors pourraient s'élever de 50 à 70
km/h au lieu de 16 km/h actuellement, grâce à des
réductions d'attente aux frontières (changement d'engin de
traction et de personnel de conduite) allant jusqu'à 80%.
Ressource essentielle du transport ferroviaire, la traction
revêt une importance plus aiguë encore dans la mise en oeuvre des
corridors de fret. Apanage des entreprises ferroviaires -au sens de la
Directive Européenne-, la traction nécessite une adaptation aux
différences de courants, de signalisations existant en Europe conduisent
à imaginer pour ces axes des machines poly courant, seul passe partout
face aux frontières techniques des réseaux qui rallongent les
délais d'acheminement et baissent le niveau de
compétitivité. Comme la 36000 Aristide qui pourrait aller, en
considérant le seul captage du courant, de Belgique en Italie via la
France.
D'autres itinéraires sont également prévus
et notamment un corridor entre le Royaume-Uni et la Hongrie.
On peut remarquer que les premières applications des
freeways sont au service des grands ports européens étant
donné l'enjeu qu'ils représentent pour l'économie
européenne qu'ils alimentent par la distribution terrestre des
marchandises. Dans le contexte actuel, la massification des flux des ports vers
leurs arrière-pays sont donc une obène pour le transport
ferroviaire.
Par ailleurs, la mise en place des premiers freeways
européens suscite les réserves voire les réticences des
acteurs français, qu'il s'agisse des pouvoirs politiques ou des
opérateurs car les premiers corridors définis par Bruxelles sont
prioritairement orientés nord-sud, servant ainsi l'approfondissement des
arrière-pays hanséatiques et scaldéens et évitent
remarquablement la France. Car les projets soutenus par la Commission
Européenne contournent les pays réticents à une plus
grande libéralisation. Ainsi, la Belgique la France et l'Espagne sont
absents des projets de Bruxelles. Or, la France, du fait de l'importance de ses
flux de transit, ne peut pas rester à l'écart et voir ainsi des
trafics lui échapper. Les ports français veulent eux aussi rester
dans la course des ports européens et ont donc fait pression sur le
gouvernement français et la SNCF afin de mettre en place des corridors
de fret sur le territoire français. Il en résulte que la SNCF a
proposé sa propre vision des couloirs de fret et a lancé son
projet de « freightway ». Ce vocable a été
choisi pour montrer que ce concept diffère de celui de la Commission
Européenne. La France et ses voisins insistent plus
particulièrement sur la notion de coopération entre les
réseaux et les entreprises nationales ferroviaires offrant la même
qualité de service que les corridors européens, avec des
coûts tout aussi compétitifs. Seules les entreprises ferroviaires
et les regroupements internationaux autorisés par les gestionnaires
concernés peuvent y circuler. La différence s'exprime
également dans la conception du guichet unique : les gestionnaires
d'infrastructure de chaque Etat peuvent garder un contrôle, et restent
libres de donner ou non mandat au guichet unique en ce qui concerne les accords
techniques, administratifs et financiers définissant les conditions
d'accès à l'infrastructure. Les gestionnaires d'infrastructure
conservent un droit national (pour les besoins nationaux).
Ainsi s'annonce un combat juridique et commercial entre deux
courants : l'un prônant la voie de la coopération sur un
traitement technique des itinéraires, l'autre vers la
libéralisation et l'ouverture totales des réseaux, les deux ayant
tout de même en commun l'émancipation des mécanismes de
marché des contraintes de franchissement des frontières. Le
gouvernement français et la SNCF ne veulent pas d'une
libéralisation « sauvage », qui les priverait des
trafics les plus rentables.
En réaction à la publication de la première
carte des TERFF établie par Bruxelles, la SNCF, associée aux
chemins de fer luxembourgeois et belges, a annoncé en 1998 la
création d'un corridor ferroviaire pour le fret entre Muizen, noeud
ferroviaire desservant Anvers, et Lyon/Sibelin/Vénissieux. Ce corridor
devrait être prolongé vers l'Italie et l'Espagne.
On peut comprendre alors l'irritation du port du Havre quand il a
découvert la carte des corridors européens d'une part, la
création du freightway entre Anvers, concurrent sérieux du Havre,
et le coeur de l'hinterland du port havrais d'autre part.
Les revendications françaises concernant notamment le
dégagement d'un corridor entre Le Havre et Strasbourg et son
prolongement jusqu'à Sopron ont longtemps été
rejetées par Bruxelles du fait de l'opposition allemande. L'approche
française du corridor ferroviaire se heurte à la conception
très libérale de Bruxelles, soutenue par les allemands et les
hollandais, qui incluent le cabotage. Il semble toutefois que la copie ait
été revue et que la carte ferroviaire européenne
s'enrichira en particulier d'un corridor reliant Le Havre avec l'est. En effet,
afin de développer la part de marché du trafic fret entre la
Grande Bretagne, les ports du Havre et de Dunkerque et le centre de l'Europe,
la DB AG, Eurotunnel, les ÖBB, les RoeEE AG, Railtrack, RFF et la SNCF
sont convenus de créer un corridor de fret entre les zones de
concentration des trafics de Glasgow, de Liverpool, Manchester, Birmingham,
Londres, Dunkerque, Le Havre, Metz, Strasbourg, Francfort, Wurzburg, Nuremberg,
Passau, Wels, Linz, Vienne, Sopron.
L'accord cadre signé à Vienne le 3/3/1999 est la
concrétisation des contacts établis entre ces compagnies
ferroviaires qui avaient abouti le 3/7/1999 à la signature d'une lettre
d'intention pour la mise en place d'un corridor entre l'ouest et le centre de
l'Europe. La mise en place de ce corridor se fait en application de la
réglementation européenne, sur la base d'accords de
coopération entre les entreprises gestionnaires d'infrastructure. Quatre
sillons internationaux ont été établis et permettent de
relier quotidiennement Sopron, à Mossend près de Glasgow ou au
Havre. Le guichet unique, situé en Autriche coordonne les processus de
planification des sillons et leur attribution aux entreprises ferroviaires ou
aux regroupements internationaux respectant les dispositions des directives
91/440, 95/18-19 qui en font la demande. Cependant ce corridor n'est que
théorique et n'existe que sur un plan juridique, aucun service n'a
été commercialisé pour l'instant, les premiers trains ne
pouvant être assurés qu'après le règlement de
nombreux problèmes techniques qui rendent le parcours beaucoup trop
cher.
D. Les projets concurrents d'Anvers et Rotterdam
Des projets de création d'axes lourds
réservés à l'acheminement du fret existent
déjà à l'étranger et visent à
améliorer techniquement et commercialement les modalités de
pré- et post-acheminement des ports du Bénélux. Ils
cherchent manifestement eux aussi à rendre plus compétitive
l'évacuation des conteneurs maritimes et à repousser ainsi la
profondeur de l'hinterland des ports d'Anvers et de Rotterdam. Deux projets
sont proposés dont celui de Rotterdam qui a été
signé par le gouvernement néerlandais :
Les autorités hollandaises ont pour leur part
établi un projet de ligne ferroviaire dédiée au fret,
à l'instar du GCP en France, appelée la « Betuwe
Lijn ». Longue de 160 km, la Betuwe Lijn sera apparemment apte
à des procédures d'exploitation innovantes pour un chemin de fer
européen : trains longs et lourds affichant un poids à
l'essieu de 35 tonnes avec la technique nord américaine du double stack
(deux conteneurs superposés). Conçue comme une artère
d'évacuation massive par navettes des terminaux de la Maasvlakte
à Arnhem(extension la plus occidentale du port de Rotterdam) vers les
réseaux de distribution routiers, fluviaux et ferroviaires
européens à partir de la frontière allemande, le projet
prévoit une ligne à deux voies avec une capacité de dix
trains par heure dans chaque sens pour une vitesse commerciale de 120 km/h. Un
projet qui peut faire rêver Le Havre. La ligne est la première
étape d'un axe qui devrait être prolongé jusqu'à la
frontière suisse selon les accords pris entre les gouvernements
hollandais et allemands. Mise en service attendue en 2004.
Ce projet revêt une importance capitale pour le premier
port européen car le chemin de fer n'a pour l'instant qu'une part
très faible de la desserte terrestre de Rotterdam (4,5% en 1997) mais le
port a vite pris conscience de l'enjeu de l'outil ferroviaire sous
système de navettes pour intensifier les flux de conteneurs vers
l'arrière-pays et de répondre ainsi efficacement à la
massification du transport maritime. Actuellement sous la menace de la
congestion ferroviaire, Rotterdam pourra ainsi accompagner l'expansion du rail
et prévoit à partir de 2005-2006 de quintupler la capacité
des infrastructures.
Ce projet a été retenu parmi les 14 projets
d'infrastructures de transport prioritaires définis par Bruxelles au
Conseil Européen d'Essen en 1994 et sera entièrement
financé par l'Union Européenne.
De leur côté, les belges qui ont également
compris l'enjeu du rail poussent un « vieux projet »
concurrent, desservant la Rhur et la « banane bleue », d'un
enjeu capital pour le port d'Anvers : il s'agît du « Rhin
d'acier » ou « Ljzeren Rijn », la
réhabilitation d'une voie existante depuis l'embouchure de l'Escaut
à Anvers en direction de l'Allemagne (Mönchengladbach) et qui
serait utilisée selon les mêmes principes que ceux de la Betuwe
Lijn (trains blocs par navettes).
L'existence de cette voie réduit ainsi
considérablement le coût d'aménagement de l'infrastructure
qui s'élèverait de 300 millions à un milliard de francs
(selon électrification ou pas) contre 74 milliards pour la Betuwe
Lijn !
Ce projet est donc une formidable opportunité pour le port
belge qui pourrait rapidement concurrencer la desserte terrestre des ports
concurrents et notamment celle de Rotterdam.
Cependant, le projet belge traverse une partie du territoire
hollandais avant d'atteindre l'Allemagne. Ces derniers ont ainsi la
« chance » de pouvoir bloquer le projet belge
éminemment dangereux pour le projet de Rotterdam.
Des pourparlers sont actuellement engagés entre les deux
parties pour trouver un terrain d'entente.
La concurrence entre les ports se joue là bien à
terre.
CONCLUSION
La rationalisation du transport maritime a conféré
une importance accrue à l'organisation et à l'efficacité
des opérations à terre où la desserte intérieure et
le passage portuaire représentent à eux seuls plus de la
moitié du coût total de la chaîne de transport.
La compétitivité du transport maritime se joue
aujourd'hui à terre, et la compétitivité des places
portuaires qui s'efforcent chacune d'attirer les armements, dépend
désormais très étroitement des performances des
réseaux et de l'offre de services terrestres.
Si les performances nautiques d'accessibilité sont
essentielles à l'accueil du navire, elles ne suffisent plus à
déterminer les choix d'escale du navire et les ports de transit pour les
marchandises. Les caractéristiques de productivité, de
fréquence et de massification des vecteurs terrestres de transport sont
devenus des critères différentiels justifiant le choix final des
armements. C'est l'attractivité vis à vis des armements qui
conditionne le développement futur.
Port 2000 paraît évident pour faire face à la
concurrence dans la mesure où le port a besoin de nouveaux postes
à quai susceptibles d'accueillir les plus grands porte conteneurs,
à la fois pour des raisons quantitatives et qualitatives
(réduction de la durée des escales et massification du trafic).
Aussi, sa réalisation doit intervenir avant que les trafics ne soient
durablement stabilisés sur d'autres ports européens.
Le projet n'est pas uniquement maritime et concerne aussi
l'intégration de l'ensemble des dispositifs de desserte terrestre. C'est
pourquoi le port havrais souhaite développer en même temps la
qualité de sa desserte terrestre, au niveau du transport routier qui
constitue le premier mode de transport pour le pré- et les
post-acheminement des marchandises qui transitent par le port sur un
arrière-pays largement concentré sur la région parisienne,
au niveau du transport fluvial qui pourrait contribuer même s'il est
limité à l'Ile de France, à la massification des
acheminements, mais aussi et surtout au niveau des infrastructures de transport
ferroviaire qui permettraient au Havre de bénéficier d'une
desserte développant les atouts et avantages du transport ferroviaire,
à savoir le transport de conteneurs sur longues distances. Celui-ci
permettrait à la place portuaire, dans un contexte favorable à la
généralisation et à l'harmonisation du transport
ferroviaire à l'échelle européenne grâce à la
mise en place des freeways (TERFF) et freightways, d'approfondir son
hinterland.
A la qualité de la desserte terrestre doit s'additionner
l'extension de l'hinterland au sein duquel le port peut offrir aux armateurs
les meilleures conditions d'acheminement terrestre au meilleur prix, bref le
meilleur rapport coût/efficacité.
Pour cela Le Havre doit disposer d'une infrastructure apte
à renforcer ces éléments de compétitivité,
qui permette d'optimiser la réduction des délais d'acheminement
et des coûts.
Le grand contournement ferroviaire du bassin parisien serait une
formidable opportunité pour améliorer la fluidité du
trafic vers l'est de la France et vers l'Europe Centrale et atteindre les
grands centres industriels européens tournés vers
l'économie mondiale. Mais il ne faut pas oublier que si le fond de
commerce du port est aujourd'hui presque exclusivement français(plus de
90%), sa part de marché de 30% n'est pas satisfaisante surtout dans des
zones particulièrement et géographiquement à sa
portée comme le sud-est en plus desservi par les ports du nord. Un
accès compétitif en temps comme en prix est primordial à
garantir pour prendre un leadership incontesté dans le sud-est et une
part significative du marché vers l'Italie. L'emprunt de l'axe Le
Havre-Mantes demeure indispensable pour la compétitivité
commerciale dans ces zones. Le passage par la Rocade nord représente
vraiment un détournement d'itinéraire avec des allongements de
parcours de 20 à 40% qu'il est difficilement concevable de voir
compensés par la qualité de l'acheminement.
Il est cependant indispensable d'investir massivement pour la
modernisation de cet axe. L'observation de la situation géographique de
la section Amiens/Chalons en fait néanmoins le chaînon manquant
d'un axe d'intérêt stratégique dans les relations ouest est
ou ouest sud est (Grande Bretagne, France, Europe Centrale).
L'aménagement de cet itinéraire rapide doublant l'artère
nord-est est donc de l'intérêt général du
réseau national et encore plus du réseau européen.
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