2)
Le droit des brevets : un niveau de protection
hétérogène
L'obtention d'une protection juridique sur un brevet est un
leurre si, dans la pratique, il n'est pas possible de la faire respecter. Or
beaucoup d'entreprises mettent en doute l'efficacité de la protection
quand il s'agit de faire cesser et de réprimer la contrefaçon, en
particulier dans certains pays d'Asie.
De ce point de vue, les règles de
propriété industrielle en Europe sont jugées
inadéquates, voire dissuasives, par de nombreuses entreprises. Leur
évolution est nécessaire afin que des projets plus
stratégiques puissent être soutenus. En effet, le brevet est par
excellence l'outil de protection de l'innovation technologique, et sans doute
celui que la France et ses entreprises utilisent le moins bien.
Afin de faciliter la diffusion et l'accès à
l'information, un projet de réseau mondial d'information, baptisé
WIPOnet, a été approuvé dernièrement par les Etats
membres de l'OMPI. Le but de cette initiative est de créer des bases de
données de qualité, pouvant être mises sur le réseau
en toute sécurité par le biais de bibliothèques
numériques permettant d'extraire des données relatives aux
demandes internationales de brevet publiés. Il est ensuite
envisagé de procéder au dépôt électronique
des demandes internationales de brevet, permettant ainsi d'abaisser le
coût du dépôt. A l'échelle européenne,
l'Organisation européenne des brevets met à disposition
près de 30 millions de documents de brevets publiés dans les 19
pays membres, afin de promouvoir l'innovation dans les entreprises
européennes.
Au niveau national, une adaptation du système
judiciaire paraît nécessaire. Il faut notamment examiner les
possibilités de réévaluer les dommages et
intérêts accordés aux victimes de la contrefaçon. En
effet, en France, les indemnités sont fondées sur la
réparation du préjudice subi par le breveté et non pas,
comme aux Etats-Unis, sur la confiscation des bénéfices illicites
réalisés par le contrefacteur. Il convient donc d'engager une
réflexion sur ce thème, de façon à rendre les
sanctions plus dissuasives.
Aux Etats-Unis, la création en 1982 d'une cour
d'appel unique au niveau fédéral pour les brevets et le
triplement des sanctions financières infligées au contrefacteur
«délibéré et conscient» ont beaucoup
contribué à rendre confiance dans le brevet et à
développer son utilisation.
3)
Les conflits de droits nationaux et de régimes juridiques en
matière de noms de domaines.
· Un conflit de régimes
juridiques
La coexistence des différentes procédures
d'enregistrement de nom de domaine a été l'occasion de conflits
importants entre entreprises, en raison de l'utilisation par des tiers de leur
marque sans autorisation préalable. Ainsi, certaines entreprises se sont
vu refuser l'emploi de leur propre marque pour leur site personnel. Elles ont
été obligées de négocier d'importantes transactions
financières afin de pouvoir employer leur marque, antérieurement
enregistrée à l'Internic sous le suffixe
« .com ». Ainsi, après le rachat de Digital et de
son moteur de recherche appelé Altavista, Compacq a dû payer 3
millions de dollars à la société anglaise Alta Vista
Corporation. Cette possibilité de gains substantiels explique que des
entreprises spécialisées mais aussi des particuliers,
déposent des noms de domaine par pure spéculation. Ce piratage
est rendu possible par le fossé existant entre le droit des marques et
le droit des télécommunications. La règle dans le domaine
des Télécommunications et appliquée par l'Internic, est
celle du « premier arrivé, premier possesseur »,
alors que le droit des marques est fondé sur le principe de
spécialité. Cela signifie qu'une marque est déposée
et protégée pour désigner les produits ou services
visés à son enregistrement.
Le 12 mars 1998, le tribunal de Grande Instance de Paris a
considéré, dans ce genre d'affaire, que reconnaître la
thèse du « premier arrivé, premier servi »
est incontestablement préjudiciable à la société la
plus ancienne, qui se trouve ainsi dépossédée sur Internet
de la dénomination sociale qui l'individualise dans l'ensemble de son
existence et de ses activités, alors qu'elle jouit d'un véritable
droit de propriété sur celui-ci.
· Un conflit de droits nationaux
La grande diversité des pratiques dans la gestion des
différents noms de domaines (que ce soit au niveau de la nature de
l'organisation responsable de la gestion, de la protection du droit des
marques, des conditions d'enregistrement des noms de domaine) est à
l'origine de conflits au niveau international.
Suite à l'augmentation de ce type de
conflits, le NSI a élaboré une charte le 9 Septembre 1996, dont
le but est de prévoir des modes de règlement des litiges
concernant les noms de domaines. Elle prévoit la possibilité pour
le titulaire d'une marque, de déposer une réclamation
auprès du NSI, lorsqu'il aura été constaté
l'enregistrement par un tiers d'un nom de domaine comparable à cette
marque déposée. Le NSI adressera alors une mise en demeure au
déposant du nom litigieux, le contraignant à fournir dans les
trente jours un justificatif démontrant sa titularité sur sa
marque. Si l'organisme ou la société en question ne parvient pas
à se justifier, le NSI lui demandera d'abandonner le nom de domaine. En
cas de refus, le nom de domaine litigieux sera mis en attente et aucune des
parties ne pourra l'utiliser jusqu'à ce qu'elles trouvent un terrain
d'entente ou qu'un juge ait tranché l'affaire.
Une entreprise française pourrait
bénéficier d'une telle procédure, dans
l'éventualité ou une firme étrangère enregistre un
nom similaire à sa marque au sein de la zone
« .com ». Cependant, le dispositif risque de s'alourdir,
puisqu'il faudra soit diligenter une procédure dans l'Etat de
l'entreprise contrevenante, soit obtenir la reconnaissance de la
décision juridictionnelle française devant le tribunal
étranger.
Au niveau de la zone « .fr », le
contrôle effectué par le N.I.C-France permet d'éliminer les
cas de fraude manifeste. L'enregistrement comme nom de domaine de la
dénomination sociale d'une société concurrente sera
impossible. Rappelons qu'en vertu de l'article L711-4 du Code de la
propriété intellectuelle, il est interdit d'adopter un signe ou
une marque, s'il existe un risque de confusion avec une dénomination
sociale ou une enseigne déjà connue sur le territoire.
Cependant, des conflits peuvent survenir entre marques
similaires désignant des produits différents, mais qui souhaitent
utiliser le même nom de domaine sur le réseau. C'est pourquoi, une
société désireuse d'enregistrer le nom de son site Web
aura tout intérêt à déposer simultanément la
marque correspondante. Il semble effectivement qu'en cas de litige, une marque
déposée sera plus facilement prise en compte par un tribunal ou
le N.S.I, plutôt qu'un simple nom commercial.
Quant aux titulaires de marques françaises, souhaitant
une extension internationale, ils devront adresser une demande à
l'I.N.P.I qui sera transmise à l'O.M.P.I. Il faut cependant rappeler,
que les pays anglo-saxons et en particulier les Etats-Unis, n'adhèrent
pas aux traités administrés par l'O.M.P.I.
Enfin, la Convention de l'Union de Paris du 20 mars 1883,
où adhèrent cette fois les Etats-Unis, a mis en place un
mécanisme de priorité, autorisant le déposant d'un
enregistrement national, à procéder à des
dépôts dans les autres pays membres, dans un délai de six
mois.
On constate que le système actuel de gestion des noms
de domaines sur Internet ne pourra satisfaire longtemps tous les titulaires de
marques, ou les entités désireuses de protéger leur
dénomination sociale. « La création d'une instance
réellement internationale devient une nécessité, On peut
imaginer une structure dépendant de l'OMC afin de régler ce genre
de problèmes » estime Pierre Reboul, président de
l'Electronic Business Group.
Conclusion :
Les divers problèmes d'application qui viennent
d'être évoqués peuvent néanmoins être
résolus, tout au moins en partie. La plus grande des difficultés
réside dans le caractère transfrontalier d'Internet face au
morcellement des législations. Plusieurs solutions sont à
envisager, qu'elles soient d'ordre techniques (cryptographie), juridiques,
politiques (coopérations internationales) ou économiques
(autorégulation).
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