Ludovic Blin
La Réalité Virtuelle
(octobre 1999)
DESS 226
Université Paris Dauphine
Sommaire
Introduction....................................................................................
3
1. Caractéristiques d'un système de
réalité virtuelle............ 4
1.1 L'univers
virtuel............................................................... 4
1.2 L'interface
homme-machine.......................................... 11
2. Les applications de la réalité
virtuelle.......................................... 15
2.1 La science en général et la médecine
en particulier......... 15
2.2 L'éducation, la formation et la
culture.............................. 17
2.3 Le
divertissement...............................................................
21
2.4 Autres
applications............................................................ 26
3.Perspectives.................................................................................
27
3.1 Perspectives
technologiques.......................................... 27
3.2 Perspectives
économiques................................................... 29
3.3 Perspectives
sociales......................................................... 31
Conclusion.......................................................................................
35
Bibliographie....................................................................................
36
Introduction
Les ordinateurs prennent de plus en plus de places dans notre
vie courante. Ils sont de plus en plus intégrés dans les objets
du quotidien (téléphone portable, électroménager,
...). Mais l'approche d'un ordinateur pour un utilisateur moyen est rarement
intuitive et fait grandement appel à sa capacité d'abstraction.
La réalité virtuelle apporte un environnement dont chacun est
familier puisqu'il est calqué sur notre réalité.
On peut définir la réalité virtuelle
comme une combinaison de la simulation en temps réel et des interactions
entre l'utilisateur et la machine au travers de multiples canaux sensoriels,
ceux-ci correspondant aux cinq sens humains : la vue, le toucher, le
goût, l'odorat et l'ouïe. Un système de réalité
virtuelle à donc deux composantes : une
« intelligence », et un système d'interaction.
Cette technologie, a souvent été décrite
d'une manière fantaisiste dans les médias, mais fait l'objet
depuis longtemps d'une importante utilisation scientifique, militaire et
industrielle. Le système de simulation des essais nucléaires fait
ainsi appel à ces technologies, de même que les simulateurs de vol
sur lesquels se forment la plupart des pilotes.
Les progrès récents de l'informatique, ainsi que
les économies d'échelle réalisée permettent
maintenant, l'utilisation de tels systèmes sur des ordinateurs
standards. Le développement d'internet ouvre de plus la voie à
l'utilisation en réseau de cette technologie. La réalité
virtuelle paraît donc être vouée à se
développer rapidement.
Après avoir examiné les caractéristiques
d'un système de réalité virtuelle (1), nous envisagerons
ses applications (2) puis ses perspectives (3).
1. Caractéristiques d'un système de
réalité virtuelle
On peut définir un système de
réalité virtuelle par rapport à deux
caractéristiques. Tout d'abord, son univers virtuel, c'est à dire
la réalité alternative qui va être
générée. Suivant ses applications, cette
réalité peut-être le plus proche possible de notre monde,
ou encore complètement différente.
Le deuxième élément
caractéristique est l'interface homme-machine, ou encore le dispositif
utilisé pour faire communiquer l'ordinateur avec l'homme. Plus celle-ci
sera perfectionnée, plus l'impression de réel sera grande.
1.1 L'univers virtuel
Un univers virtuel répond à plusieurs
caractéristiques (1) et est crée à l'aide de diverses
technologies informatiques comme la technologie multi-agents (2), le VRML
(Virtual Reality Modeling Language) (3), et les techniques de
modélisation et de rendu 3d (4)
1.1.1 Caractéristiques
- Le degré de réalisme
Avant de pouvoir parler de réalité virtuelle, il
faut définir un univers, avec ses propres règles qui peuvent
être plus ou moins proche de celles du monde réel. Un jeu
vidéo, qui utilise des règles inspirées de notre monde
(par exemple la gravité) mais aussi d'autres totalement imaginaires,
utilise ainsi un univers virtuel qui est totalement différent de celui
généré pour satisfaire aux simulations d'essais
nucléaires.
Le degré de réalisme de l'univers virtuel est en
général fonction de la finalité de l'application, mais
aussi et surtout de la puissance de l'ordinateur faisant fonctionner l'univers.
(Le ministère américain de l'énergie utilise un
supercalculateur IBM contenant 512 processeurs RISC pour faire tourner ses
applications tandis qu'un jeux grand public en réalité virtuelle
se satisfait d'un simple PC multimédia)
Plusieurs éléments jouent sur le degré de
réalisme d'un système. On peut par exemple citer le respect des
lois de la physique (gravité...) mais aussi la vraisemblance des
comportements des habitants virtuels de l'univers gérés par
l'ordinateur
La rapidité de réaction du système (aux
actions des utilisateurs ou aux événements internes) est aussi
une condition importante. En effet, le moindre temps d'attente peut nuire
à l'impression de réalisme. Par exemple, un décalage d'un
centième de seconde est perceptible par l'utilisateur.
- La navigation
L'utilisateur doit pouvoir se mouvoir dans l'image
générée par le système. Il doit être capable
de se déplacer librement et pouvoir regarder ou il veut.
Cette liberté est rendue possible par les techniques
d'imagerie 3D (voir infra), et améliorée par plusieurs
dispositifs hardware (voir infra) qui rendent la navigation plus intuitive et
réaliste.
Cette possibilité correspond, si on l'applique, par
exemple au cinéma, à pouvoir regarder une même scène
selon divers angles.
- L'interactivité
L'interactivité est considérée comme une
composante essentielle de la réalité virtuelle. Les utilisateurs
doivent pouvoir influencer les événements qui ont lieu dans le
monde virtuel, et non plus seulement les regarder. L'homme, qui était
spectateur en devient acteur.
Divers outils qui permettent de créer des mondes
répondants à ces caractéristiques ont été
développés.
1.1.2 La technologie multi-agents
Un univers virtuel contient souvent une multitude
d'éléments qui ont chacun des propriétés
distinctes.
Par exemple, dans un jeu, tous les personnages
gérés par l'ordinateur sont des éléments
indépendants. Dans une application de simulation d'essais
nucléaires, on pourrait considérer chaque atome comme un
élément ayant ses propres propriétés.
Selon la technologie multi-agents, plusieurs composants
(appelés agents) réalisent chacun une tache spécifique,
interagissent et communiquent entre eux pour assurer
La cohérence, la complétude et la correction
d'une activité globale. On peut donc parler d'intelligence
distribuée.
On peut définir un agent intelligent comme une
entité virtuelle qui :
- est capable d'agir dans son environnement.
- peut communiquer avec d'autres agents.
- est doué d'autonomie et est mu par un ensemble de
tendances (objectifs individuels).
- possède des ressources propres.
- est capable de percevoir son environnement et de s'adapter
à ses modifications.
- Ne dispose que d'une représentation partielle de son
environnement.
- Possède des compétences et offre des
services.
- Peut éventuellement se reproduire.
On remarquera aisément que cette définition est
celle d'un organisme vivant dont le comportement qui se résume à
communiquer, à agir et à se reproduire vise à la
satisfaction de ses besoins et de ses objectifs à partir de tous les
éléments dont il dispose.
Un système multi-agents est composé d'un
ensemble d'objets situés dans un environnement (un espace). Parmi ces
objets, certains sont des agents, d'autres sont des objets passifs qui peuvent
être utilisés, détruits, modifiés, crées par
les agents. Un ensemble de relations entre les objets de l'environnement est
défini, comprenant les relations entre agents, entre objets passifs et
entre objets passifs et agents.
Cette technique correspond donc au besoins d'un univers
virtuel et permet de le faire vivre. Mais il faut d'abord le décrire.
1.1.3 Le langage VRML
Le VRML, abréviation de Virtual Reality Modeling
Langage est utilisé pour construire des mondes virtuels en 3D sur le
web. Il permet de modéliser les différents objets qui composent
l'univers. Il peut, a l'instar de HTML (Hyper Text Markup Language) contenir
des liens vers d'autres documents VRML ou HTML.
VRML est ainsi utilisé pour envoyer à un
ordinateur une description d'un monde virtuel. Il nécessite un
navigateur spécial. Il en existe plusieurs qui sont tous
distribués sous la forme d'un plug-in pour Netscape ou Internet
Explorer. Cela permet à l'utilisateur de naviguer librement dans la page
VRML qui est en fait un monde virtuel en 3D.
Cette technologie est née lors de la première
WWW conference à Genève en 1994.
La version 2.0 des spécifications à
été finalisée en 1996 par le VRML Architecture Group
1.1.4 Les technologies d'images de synthèse
La vue étant probablement le sens le plus
utilisé (en tout cas par l'informatique), les technologies permettant de
réaliser des images de synthèse sont très importantes en
ce qui concerne la réalité virtuelle.
La réalisation d'images de synthèse obéit
à 3 étapes :
- La modélisation :
L'élaboration d'une image commence par la constitution
d'un modèle de l'objet, appelé maquette numérique, qui est
la représentation informatique de cet objet à partir
d'informations géométriques. La méthode la plus classique
consiste à raisonner en termes de surfaces. Chaque objet peut être
décomposé en « facettes », ou polygones, qui,
mis bout à bout, permettent de rendre compte de l'enveloppe
extérieure d'un solide. Plus une maquette comporte de polygones, plus
l'image qui en résulte est précise.
Au moment de l'affichage, l'objet ainsi reproduit se
présente sous la forme d'une juxtaposition de facettes, dite
« structure en fil de fer ». Il s'agit d'une
représentation purement géométrique qui ne prend pas en
compte les caractéristiques optiques de l'objet. Pour prendre un
exemple, un dé comporte six faces, dont trois seulement au maximum sont
visibles en même temps, puisque chaque face masque plusieurs autres. Dans
la maquette numérique, en fil de fer, les six faces sont
représentées.
Une fois les objets modelés, ils peuvent être
animés.
- L'animation
Pour chaque objet, on indique comment il va évoluer
dans le temps et dans l'espace, avec des algorithmes qui
reproduisent des mouvements ou des lois de comportement (dynamique,
cinématique, déformation, vieillissement...). Lorsqu'un
comportement humain n'obéit à aucune « loi »
déterminée (la marche, la danse, par exemple), l'animation peut
être réalisée en partant des mouvements analysés sur
une personne déterminée. Ce procédé, dit de
« motion capture », consiste à placer sur une
personnes un certain nombres de capteurs qui vont rendre compte avec
précision des mouvements réalisés. Il est ainsi possible,
par exemple, de capturer le mouvement d'un joueur de football pour pouvoir
ensuite le reproduire sous la forme d'image de synthèses.
- Le rendu
C'est le calcul du rendu qui fabrique véritablement
l'image de synthèse. Le calcul varie selon l'utilisation de l'image,
selon le degré de réalisme que l'on cherche et la puissance de la
machine utilisée.
Le rendu se décompose en plusieurs phases :
Le texturage : Chaque objet a
un aspect, une texture, qui permet de déceler en un instant s'il s'agit
de pierre, de bois, de tissus... Le texturage consiste à appliquer sur
une surface un motif qui respecte les caractéristiques d'une
matière, pour suggérer visuellement la nature de cette surface,
comme par exemple le revêtement d'un mur ou une peau sur un squelette (en
l'espèce, le modèle géométrique). Le texturage est
l'une des principales composantes du rendu réaliste de l'image.
Une fois texturée, l'image doit faire l'objet du traitement des
ombres et des intensités de lumière (lorsque le passage de
l'ombre à la lumière se fait de manière continue : chaque
point est affecté d'une luminosité différente,
créant un dégradé de couleur qui permet de rendre compte
des éclairages). Les propriétés de réflexion des
objets rentrent aussi en jeu : chaque matériau, en effet absorbe ou
renvoie la lumière. Cette propriété va jouer sur l'objet
lui-même (les reflets, le scintillement) mais aussi sur les objets
à proximité, puisque la lumière est envoyée sur les
objets voisins.
Il existe divers techniques de rendu. Le « lancer de
rayons » ou ray tracing, permet d'obtenir un
« réalisme rutilant », par une simulation de
l'optique géométrique, les rayons se reflètent ou se
réfractent selon les matériaux. La radiosité permet
d'obtenir un « réalisme feutré »
calculé à partir des propriétés de
réflectivité des matériaux. La lumière est
analysée comme échange d'énergie entre surfaces, ce qui
permet d'obtenir des lumières tamisées et des pénombres.
- Le « temps réel »
La caractéristique qui différencie la
représentation en 3D utilisée pour la réalité
virtuelle de celle utilisée dans les films d'animations est le temps de
calcul. En effet, pour une bonne fluidité d'image, les opérations
d'animations, de texturage, d'ombrage...doivent être effectuées au
minimum 30 fois par seconde, et avec un temps de réponse aux commandes
de l'utilisateur très bref.
Il faut donc des machines suffisamment puissantes.
1.2 L'interface homme machine
Par interface homme-machine, on entend les divers dispositifs
qui sont destinés à améliorer les interactions entre
l'homme et la machine et donc à favoriser l'immersion dans l'univers
virtuel.
Il peut y avoir de nombreux types d'interfaces. Certaines sont
même conçue uniquement pour un type de simulation. Par exemple,
les simulateurs de vol utilisent comme interface le véritable cockpit de
l'avion simulé.
Il existe aussi des matériels qui peuvent avoir une
utilisation plus générale et que l'on retrouve dans de nombreux
systèmes de réalité virtuels.
1.2.1 Le casque de réalité virtuel
(Headset)
Le casque de vision a deux fonctions : il permet
l'immersion et la navigabilité dans l'image. Le premier objectif est
atteint par la disposition d'écrans situés très
près des yeux, munis d'optiques spéciales afin d'éviter la
fatigue visuelle et d'agrandir l'image pour qu'elle remplisse tout le champ de
vision de l'utilisateur, ce qui donne l'impression d'être à
l'intérieur de la scène reconstituée en images de
synthèse. En sus des difficultés techniques communes à
l'ensemble des activités relatives aux images de synthèse, la
fabrication de casques suppose des qualités de poids
d'ergonomie (aisance du port du casque), de design, et surtout de
qualité d'optique complexes. De plus, ces dispositifs sont
reliés à l'ordinateur par un fil, ce qui restreint sa
liberté de mouvement.
La seconde fonction du casque de
réalité virtuelle est d'être un outil de commande de
l'image, grâce à un dispositif de capteurs qui permettent
de traquer les mouvements de la tête qui peuvent donc être
analysés. Les capteurs sont utilisés pour déterminer
l'orientation et la vitesse de ces mouvements.
L'image dans un tel casque occupe donc la totalité de
l'angle de vision dont nous disposons. De plus, la position de la tête de
l'utilisateur étant transmise en temps réel au système,
cette technique garantit l'immersion et la navigation dans l'image puisqu'elle
donne l'impression de diriger l'image par le regard.
Ce casque dispose aussi d'un dispositif sonore qui permet
un rendu des sons en 3 dimensions.
1.2.2 Les « data gloves »
La main étant l'outil de base de l'homme,
c'est le premier élément de son corps à apparaître
dans la réalité virtuelle. Un « data glove »
ou encore gant de capture, dispose de nombreux capteurs, reliés par de
la fibre optique, qui permettent au système de
« voir » les mouvements de la main de l'utilisateur.
Celui-ci voit de même sa main en image de synthèse, celle-ci
reproduisant les mouvements de l'original.
Le « data glove » permet aussi de
commander la machine. Il est donc possible de désigner des objets,
d'exécuter des programmes, exactement comme avec le pointeur d'une
souris.
Le gant peut aussi servir à se mouvoir. Ainsi, il est
possible de se diriger en montrant du doigt la direction à suivre.
1.2.3 Les combinaisons
Elles fonctionnent selon le même principe que les
« data gloves », mais cette fois-ci, des capteurs sont
disposés sur tout le corps, ce qui permet à une personne de
rentrer entièrement dans la réalité virtuelle.
Mais ces combinaisons ont plusieurs inconvénients. En
premier lieu, leur prix est encore prohibitifs, puisqu'elles coûtent au
environ de 20 000 $ pièce pour les plus perfectionnées. De plus,
le nombre de capteurs qu'elles contiennent est encore limité, ce qui
limite la précision de la modélisation du corps de
l'utilisateur.
1.2.4 Les technologies de retour de force
Les technologies de retour de force (ou « force
feedback ») permettent de stimuler un 3ème sens
(après la vue et l'ouie), le toucher. On peut ainsi rencontrer une
résistance, lors de certaines actions.
Ces technologies sont encore peut intégrées dans
les « data gloves » et autres combinaisons, mais elles
existent tout de même au travers d'accessoires dediés. Ceux-ci
peuvent être d'une haute précision, comme les dispositifs
utilisés en chirurgie, ou bien à bas prix et accessibles au plus
grand nombre. On trouve ainsi sur le marché du jeu plusieurs acteurs qui
propose des périphériques à retour de force, comme
Microsoft avec ses joysticks, volants et paddle, ainsi que Logitech et
d'autres.
On peut d'ailleurs remarquer d'une part l'apparition
récente de cette technologie sur le marché grand public et
d'autre part les baisses de prix constantes de ces produits, qui conduisent
à penser que dans quelques années de nombreux
périphériques d'entrée seront à retour de force.
Cette technologie est de toute manière essentielle
à l'impression de réalisme et apporte un plus indéniable
(sinon nécessaire) à l'immersion de l'utilisateur dans l'univers
virtuel.
1.2.5 Le son en trois dimensions
Le son est un élément important du
réalisme. On peut penser, par exemple, au bruit des pas (les siens et
ceux des autres utilisateurs ou personnages).
Pour pouvoir être correctement rendu, le son doit d'une
part être synthétisé en même temps que son
événement générateur. Par exemple, un pas en avant
doit déclencher instantanément le bruit correspondant. Le son
doit de plus être placé au bon endroit dans l'espace.
Il existe diverses technologies qui répondent à
ces critères. Celles-ci utilisent souvent les techniques
inventées pour le cinéma ou le home cinéma (THX, Dolby
Digital, DTS...) en les adaptant au monde de l'informatique. Le son est donc
rendu en utilisant un ensemble de haut-parleurs : 2 voies avant, 2 voies
arrière, 1 voie centrale, un caisson de basses. Cela permet une
très bonne représentation tridimensionnelle du son.
Sur le marché grand public, par exemple, divers
produits sont proposés comme par exemple la technologie Aureal3D, qui
permet pour moins de 500F (hors haut-parleurs) d'obtenir un réalisme
déjà saisissant.
2. Les applications
2.1 La science en général, et la
médecine en particulier
Jean François Colona, dans son livre intitulé
Expériences virtuelles et virtualités
expérimentales, s'exprime ainsi: "L'image calculée et
interactive est un champ de découverte qu'aucun autre moyen de
communication ne peut égaler. Celui qui nierait l'intérêt
de cet outil devrait tout autant refuser à l'astronome l'usage de ces
yeux pour contempler les cieux". C'est donc sous l'angle
d'accélérateur de connaissance que nous allons évaluer les
potentialités de la réalité virtuelle appliquée au
domaine des sciences et de la médecine en particulier. Quels sont les
atouts de la réalité virtuelle en ce domaine ?
Tout d'abord, l'image libérée des contraintes
de temps et d'espace. Elle permet de visualiser l'infiniment petit et
l'infiniment grand, quelle que soit la durée du phénomène,
de la nanoseconde jusqu'aux milliards d'années. Elle permet non
seulement d'expliquer mais également de faire apparaître les
failles des modèles existants et de tenter d'y porter une solution. De
nouvelles applications y sont trouvées à un rythme qui ne semble
que s'accélérer : simulation de tremblements de terre,
simulations des climats actuels ou préhistoriques et de l'influence des
mers disparues, l'origine des moussons, la simulation des effets de
réchauffement de la planète. Analyse, modélisation et
image sont désormais indissociables..
L'image est également un outil de découverte.
L'image permet de visualiser le concret comme les choses qui le sont moins, qui
sont en tous cas invisibles à l'oeil nu, un champ magnétique par
exemple. Elle peut aussi faire surgir des formes imprécises, qui, bien
que présentes dans une équation, ne pouvaient être
appréhendées.
Enfin, l'image est elle-même source de sciences par une
sorte d'effet en retour qui fait que ce qui n'existait au début
qu'à titre d'illustration de la théorie ou de l'expérience
scientifique devient cause de la connaissance scientifique elle-même.
Envisageons par exemple le cas de la géométrie fractale, qui
permet de représenter des formes dont les caractéristiques sont
d'avoir la même structure à toutes les échelles (Ainsi une
montagne, un rocher, présentent-ils la même structure
géométrique, la même fragmentation.
L'irrégularité de la surface d'une montagne est le
résultat de l'irrégularité de la surface de chaque
élément qui la compose). Il est évident que la
géométrie fractale, comme le souligne Jean-François Colona
n'a pu prendre son envol que le jour où les outils informatiques furent
suffisamment puissants pour lui permettre de sortir de sa somnolence
stérile. Un même phénomène paradoxal pourrait
très bien avoir lieu avec la réalité virtuelle, qui se
mettrait alors à nous apprendre le monde.
La médecine :
A en croire Grigore Burdea, chercheur à la Rudgers
University, ce n'est pas dans le domaine des jeux vidéo que la
réalité virtuelle verra son développement le plus
important, mais plutôt dans la médecine, avec la création
de simulateurs médicaux.
Certes ; le simulateur de vol a été et reste
sans doute auprès du grand public l'application principale et la plus
commune des simulateurs de réalité virtuelle. Il est cependant
essentiel de percevoir que le marché de la simulation offre des
débouchés en réalité beaucoup plus vaste.
C'est certainement dans le domaine médical que
l'avancée technologique spectaculaire de ces dernières
années s'est ressentie le plus vivement.. Endoscopie, images par
résonance magnétique(IRM), scanner, autant de prouesses dont les
utilisations ont considérablement amélioré la pratique
quotidienne des gens de l'art. La chirurgie endoscopique est une bonne
illustration de ce phénomène, puisque l'image y est
couplée avec la robotique. L'image entraîne une
amélioration du diagnostic, une plus grande efficacité des des
soins et des interventions. Selon le président de la
société américaine de radiologie, "la médecine de
demain sera entre les mains de ceux qui sauront maîtriser les images
médicales". Jusqu'à présent, ces progrès ont
été réalisés grâce à des prises de
vues (par fibres optiques) ou des représentations sous formes d'images
numériques, transmises en direct, d'organes ou de parties d'organes.
L'image de synthèse ouvre de nouveaux champs d'action.
2.2 La formation, l'éducation et la
culture
La réalité virtuelle apporte un avantage
décisif aux méthodes classiques d'enseignement. En effet,
celles-ci sont axées très souvent sur l'apprentissage
théorique. Les méthodes d'apprentissage pratique (exercices...)
ne mettent que rarement leur sujet en conditions réelles de travail.
Les systèmes d'apprentissage par réalité
virtuelle mettent l'utilisateur dans une situation qui s'approche beaucoup plus
d'une situation réelle. Elles permettent ainsi d'acquérir, en
plus du savoir, le savoir-faire, ce qui représente une avancée
décisive.
Divers domaines en bénéficient
déjà :
2.2.1 La formation : les simulateurs
Le marché des simulateurs a connu un grand
développement, popularisé grâce aux simulateurs de vols des
pilotes militaires ou civils. La simulation est en effet
particulièrement adaptée à la formation à un
métier, une fonction, en milieu hostile ou comportant des risques et/ou
nécessitant l'utilisation d'un matériel coûteux, comme
c'est le cas pour l'entraînement au pilotage d'avions de chasse et de
transport.
Les simulateurs de vols ont donc été les
premiers à être expérimentés avec succès, et
ont permis de dégager certaines orientations techniques. Le simulateur
d'aujourd'hui combine un matériel aussi proche que possible du
matériel réel (cabine de pilotage représentée
à l'identique), et si possible dynamique (avec vérins
hydrauliques, bruit), et un écran de visualisation sur lequel
défilent les images du programme d'enseignement, commandées par
l'élève.
Les simulateurs de vols, dont l'usage est aujourd'hui
systématique dans la plupart des armées de l'air et des grandes
compagnies aériennes, s'adressent toutefois à un public averti,
familiarisé à l'environnement réel. Le simulateur a pour
objet de travailler les fonctions de pilotage, de provoquer les
réactions du pilote. La priorité est donnée à la
réaction de et à l'image, à l'interactivité
pilote/écran, au détriment de la qualité graphique,
secondaire dans cet exercice.
La chute des coûts des calculateurs et la
volonté d'approcher de nouveaux marchés ont permis et
imposé une amélioration significative du graphisme, sans pour
autant enlever quoi que ce soit aux deux objectifs du simulateur : faible
coût d'utilisation et qualité pédagogique.
L'argument financier est en effet important. La formation sur
simulateur évite l'utilisation de matériels extrêmement
coûteux, immobilisés ou affectés à la seule
formation alors qu'ils peuvent être exploités commercialement
(avion de transport). Les essais en vol ne sont naturellement pas totalement
abandonnés mais leur nombre est limité.
L'économie
indirecte peut être aussi importante, car le simulateur "à
domicile" permet notamment d'éviter des stages à
l'extérieur dans des centres de formation, toujours très
coûteux. Motorola a ainsi expérimenté une formation sur
simulateur d'une usine d'assemblage de composants électroniques et a
estimé l'économie ainsi réalisée à 1 million
de dollars.
En effet, les simulateurs sont utilisés dans d'autres
industries que l'aéronautique. La SNCF, par exemple, à l'occasion
de l'ouverture de la ligne Paris-Londres, a modélisé une grande
partie des voies pour permettre aux conducteurs d'être sûr et
efficaces dès l'ouverture publique en s'entraînant au
préalable à l'aide de systèmes de réalité
virtuelle.
- Un simulateur médical -
2.2.2 La culture
L'utilisation des images de synthèse en
architecture a tout naturellement conduit les opérateurs
à envisager de représenter non plus des projets, mais des
bâtiments disparus. Lorsque le bâtiment est connu par des plans
anciens, des documents et, d'une façon générale, lorsque
la connaissance de l'édifice est sérieuse, il est tout à
fait possible de le modéliser.
En 1992, la reconstitution en images de
synthèse de l'abbaye de Cluny, fruit d'une coopération entre le
conservateur du musée, les architectes de l'ENSAM et les
ingénieurs d'IBM, a été l'une des premières
opérations d'envergure ayant ouvert la voie à ce type
d'application.
Des quartiers de Paris sous la Révolution, les
pyramides d'Égypte, des cités Incas, ont également
été réalisés. La reconstitution virtuelle du
sanctuaire d'Athéna à Delphes en 1995, marque une
évolution dans les techniques. Cette opération a
été réalisée au profit de l'École
française d'Athènes, par les écoles d'architecture de
Nancy et Bordeaux, grâce à une opération de
mécénat d'E.D.F.. Le projet différait des
précédents dans la mesure où la maquette virtuelle
n'était pas réalisée à partir de plans, mais
à partir des ruines existantes, des éléments de
construction subsistant sur le terrain. Ainsi, les pierres, tuiles, sculptures
retrouvées sur place ont-elles été
modélisées, et l'ensemble des matériaux a-t-il
été assemblé comme un jeu de construction 3 D. La
construction a pris forme peu à peu. Les tâtonnements ont permis
de sortir d'impasses architecturales (pente du toit par exemple) et de
recréer le site tel qu'il était à l'origine, selon toute
vraisemblance. L'ensemble est incrusté dans une image du paysage
naturel. Dans cet exemple, la réalité virtuelle n'a pas seulement
permis de restituer ou visualiser des monuments disparus, mais aussi d'utiliser
des outils de modélisation pour faire avancer les connaissances
relatives à l'architecture du site.
De plus, ces techniques offrent l'avantage d'être
accessibles au monde entier par l'intermédiaire d'internet. Il sera
ainsi bientôt possible de visiter virtuellement depuis chez soi la
reconstitution numérique d'un site historique.
Mais, il existe d'ors et déjà des musées
virtuels, qui sont la reproduction de musée réel et qui sont
accessibles soit par internet soit par CD-Rom. Il faut noter que ces
productions utilisent le plus souvent des techniques de rotoscaping
(juxtaposition d'images bitmap 2D recréant l'illusion d'une vue à
360°) et non pas une modélisation 3D.
2.3 Le divertissement
Les jeux vidéo et autres logiciels de divertissement
constituent maintenant un marché non négligeable (le
marché des jeux devrait constituer 50% du marché de la
réalité virtuelle en 2001). Les jeux sont maintenant tous
capables de communiquer avec des serveurs internet, de manière à
pouvoir organiser des parties regroupant des joueurs de tous les endroits du
monde.
D'un autre coté, les fabricants de jeux d'arcade
proposent de plus en plus de divertissement axés sur la
réalité virtuelle.
2.3.1 Les jeux pour ordinateurs personnels
Depuis longtemps, les jeux sont considérés comme
des applications nécessitant beaucoup de puissance machine. Ceux-ci ont
effet toujours bénéficié des progrès des
microprocesseurs et intègrent désormais des techniques
sophistiquées. Un PC de joueur est ainsi plus ou moins
l'équivalent matériel d'une station de travail d'il y a quelques
années. Les circuits graphiques dédiés à la 3D ont
fait leur apparition depuis 3 ans et progressent désormais plus vite que
la loi de Moore.
Les jeux ont donc acquit des caractéristiques
intéressantes. On a vu que l'affichage avait fait de net progrès
et la plupart des jeux bénéficient maintenant d'un rendu 3D avec
l'utilisation de nombreuses techniques héritées des stations de
travail (texturage, filtrage anisotropique, mipmapping, bump mapping ...). On
peut d'ailleurs remarquer que la dernière version de DirectX de
Microsoft, la librairie de fonctions (pour Windows 95-98)
spécialisées dans les jeux, qui est incluse dans tout CD-ROM de
jeu PC, est en fait une fusion entre les versions précédentes et
la librairie graphique professionnelle OpenGL (Open Graphic Language),
utilisée depuis des années sur les stations de travail.
Les jeux ont de plus fait de net progrès en
matière d'intelligence artificielle. De nombreux jeux sont
désormais basés sur des univers virtuels, peuplés de
personnages autonomes gérés par l'ordinateur. On peut par exemple
citer Half-Life de Sierra qui utilise un moteur de réalité
virtuelle constitué d'un moteur graphique OpenGL et d'un système
gérant notamment les lois de la gravité, l'intelligence
artificielle des personnages (amicaux ou inamicaux) et le son en 3 dimensions.
Le tout est de plus totalement reprogrammable, de l'intelligence artificielle
des personnages aux propriétés des objets en incluant aussi la
modélisation graphique de l'univers.
On retrouve ainsi sur internet de nombreux passionnés
qui ont créé leur propre univers pour ce jeu. Une des nouvelles
fonctionnalités offertes par les jeux est en effet la faculté de
communication. Il est ainsi possible, à toute heure du jour ou de la
nuit, de trouver des partenaires pour une partie d'un jeu vidéo.
La plupart des éditeurs ont en effet monté des
sites qui regroupent un très grand nombre de joueurs en même temps
(des dizaines ou des centaines de milliers).
Microsoft a ainsi lancé Internet Gaming Zone (
http://zone.msn.com ). Il existe d'autres acteurs comme Blizzard
entertainment avec son site Battle.net (
www.battle.net).
- La croissance de la population de joueurs online
-
D'autres éditeurs ont eu choisi de s'intéresser
aux jeux uniquement online. Ces jeux bénéficient d'un monde
virtuel en temps réel qui ne s'arrête jamais (ou de temps en temps
pour des raisons de maintenance) et dont les joueurs sont les habitants, aux
cotés de personnages gérés par l'ordinateur. Ces jeux
accueillent plusieurs dizaines de milliers de joueurs qui paient un abonnement
mensuel dont le prix est en général d'une centaine de francs (ou
15-20 $ ou €).
Ces jeux ont suscité un engouement incroyable dans la
communauté des joueurs (on prévoit 26 millions de joueurs
connectés en 2002). Ainsi, des joueurs d' Ultima Online (Origin), un des
précurseurs de ces jeux, vendent sur eBay des propriétés
virtuelles que leur personnage a acquit dans le jeu. Les sommes peuvent
atteindrent plusieurs milliers de dollars pour des propriétés
conséquentes (un château par exemple).
D'autres éditeurs sont aussi présents sur ce
marché, comme Sony avec Everquest, et Cryo Interactive avec Mankind.
- Mankind -
2.3.2 Les jeux d'arcade
Les jeux d'arcade bénéficient traditionnellement
d'une interface homme-machine plus évoluée et adaptée
à chaque jeu. Ainsi, certaines techniques de réalité
virtuelle ont fait des salles de jeu leur terrain de prédilection.
La réalité virtuelle existe depuis longtemps
dans ce domaine. On peut citer comme précurseur le Battletech Center de
Chicago, qui propose un système de jeu en réseau basé sur
des combats de robots futuristes. Chaque joueur bénéficie d'une
cabine de pilotage dédiée et une dizaine de joueurs peuvent
s'affronter durant des parties qui durent en moyenne 30 minutes.
Ces jeux se sont depuis répandus un peu partout dans le
monde (mais très peu en France). Il existe ainsi, par exemple une salle
de jeu similaire à Montréal.
A Londres, Sega, un des plus gros acteurs du marché du
jeu vidéo a ainsi crée un centre de jeux vidéo, qui occupe
cinq étages dans le centre de la ville, et qui est organisée
autour de quelques attractions phares, toutes basées sur la
réalité virtuelle.
Il est ainsi possible d'expérimenter les accessoires
coûteux que sont les casques, gants ou combinaisons de
réalité virtuelle.
Par contre au niveau software, la différence entre ces
jeux et ceux existant sur les consoles et les ordinateurs personnels tend
à s'estomper. En effet, la production de masse de microprocesseurs
dédiés à l'affichage 3D fait baisser les coûts d'une
manière importante et rend accessibles les dernières technologies
au plus grand nombre.
Par exemple la prochaine console de Sony, la Playstation 2 est
dotée d'un microprocesseur contenant 43 millions de transistors soit
cinq fois plus qu'un Pentium III. Sa puissance de calcul en virgule flottante
dépasse le gigaflop (le dernier microprocesseur de Motorola, le G4
dispose aussi d'une telle puissance et à été interdit
à l'exportation vers des pays sensibles par le gouvernement
américain).
Les jeux d'arcade s'orientent donc vers l'intégration
de dispositifs d'interface homme-machine coûteux mais
bénéficient de la baisse des microprocesseurs et des circuits
graphiques.
2.4 Autres applications
Il existe de nombreuses autres applications de la
réalité virtuelle. Celle ci est utilisée dans :
- L'architecture
- Le domaine militaire
- La conception assistée par ordinateur
- La chimie (simulation du comportement des
molécules)
- La simulation de situations dangereuses (ex : essais
nucléaires)
- Le tourisme
- L'aide aux handicapés moteurs
De plus, le champ d'application des technologies de
réalité virtuelle ne cesse de s'étendre, et celle-ci offre
des perspectives intéressantes tant sur le plan technique que sur le
plan économique et social.
3. Perspectives
3.1 Perspectives technologiques
Nvidia, l'un des principaux acteurs, du marché des
processeurs graphiques grand public, vient d'annoncer un produit qui dispose
d'une puissance de calcul dédiée à l'affichage 3D
supérieure à un gigaflop. Le nouvel Apple, axé sur un
microprocesseur Motorola G4 ainsi que la prochaine console Sony (la Playstation
2), annoncent des puissances similaires. Sur le marché des processeurs
centraux, le renforcement de la position d'AMD, avec le lancement d'un nouveau
produit, l'Athlon entraîne un renouveau de la course aux performances. Il
devient ainsi possible d'afficher en temps réel, sur un ordinateur grand
public, des scènes 3D composée de plus de 25 000 polygones
(contre entre 5 et 10 000 actuellement), ce qui représente un
accroissement considérable de la précision et du réalisme
de l'image.
Les fabricants de cartes son, vendent déjà des
produits offrant un son 3D dont la technologie est adaptée de celles
utilisée dans le cinéma (THX...), pour l'informatique (Aureal 3D
et Environmental Sound de Creative Labs). Ces produits se vendent notamment
sous forme de pack comprenant l'électronique et les enceintes pour moins
de 1000F.
Ces perspectives, qui annoncent déjà des
progrès rapides ne sont pourtant que des perspectives à court
terme (6 mois). En effet, le rythme de progression de la puissance des circuits
intégrés devrait rester le même pendant au moins dix ans.
De plus, l'arrivée de systèmes d'exploitations plus performants
et basés sur une architecture 64 bit devrait conduire le software
à utiliser le hardware d'une manière plus efficace.
On peut donc facilement imaginer que dans cinq ou dix ans,
l'affichage des images 3D en temps réel sur un ordinateur abordable,
sera du niveau des films d'animations ou des effets spéciaux
d'aujourd'hui (voir par exemple, le réalisme des effets spéciaux
du dernier film de George Lucas, La Menace Fantôme). Les capacités
d'intelligence artificielle des ordinateurs seront de même grandement
améliorées. En effet, on estime que l'intelligence artificielle
d'un ordinateur de base sera équivalente à celle d'un homme
à partir de 2040. Sans aller aussi loin, dans moins de dix ans, le seuil
psychologique du milliard de transistors par circuit sera probablement
dépassé, entraînant un accroissement de l'intelligence des
machines dans de nombreux domaines (génération d'image 3D,
reconnaissance des formes, des visages et des voies, auto-apprentissage,
auto-réparation,...).
Les interfaces homme-machine progressent plus lentement. On
peut néanmoins penser que les dispositifs visuels vont se
répandre relativement rapidement (on trouve déjà des
lunettes à vision stéréoscopique en
« bundle » avec certaines cartes 3D). En effet, leur prix
prohibitif est souvent lié à leur fabrication en petite
série.
Mais d'autres technologies s'annoncent. En effet, par exemple,
une équipe de chercheurs a récemment expérimenté un
dispositif de connexion directe au cerveau de l'utilisateur.
L'expérience consistait à repérer à l'aide de
dispositifs d'imagerie médicale (IRM, scanner...) les zones du cerveau
qui sont en activité lorsque l'utilisateur pense à un mouvement
défini. Une fois cette opération effectuée, des
électrodes reliées à un ordinateur ont été
implantées à ces endroits précis, permettant à la
machine de saisir des pensées simples de l'utilisateur. Cette
expérience a eu des résultats satisfaisants, puisque le sujet de
l'expérimentation s'est révélé capable de faire
bouger le pointeur d'une souris de haut en bas et de bas en haut. Ces
recherches ouvrent donc la voie à des possibilités
phénoménales, d'autant plus que cette technique est aujourd'hui
limitée par la précision des dispositifs d'imagerie
médicale 3D. Mais cette précision est en progrès constant,
ce qui permet de penser que ces recherches, qui en sont encore au stade de
recherche fondamentale, ont des chances d'aboutir un jour.
Les perspectives technologiques sont donc florissantes, et de
nombreuses sociétés ont d'ors et déjà compris que
cela ouvre la porte d'un marché important.
3.2 Perspectives économiques
D'ors et déjà, le marché de la
réalité virtuelle attire de nombreux acteurs. Celle-ci s'est
jusque là développée sur la base d'applications
coûteuses, surtout utilisée dans le domaine professionnel. Mais le
progrès technique entraîne inexorablement la
démocratisation de la réalité virtuelle.
Le marché devrait donc se développer en
s'étendant d'un marché constitué de plusieurs niches,
à un marché de masse. C'est ainsi que le marché du jeu
vidéo devrait occuper la moitié du marché de la
réalité virtuelle.
Répartition des marchés
de la réalité virtuelle par produits (hors jeux
vidéo)
(millions de dollars)
|
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
Croissance annuelle
|
Services
|
40,0
|
68,7
|
86,7
|
117,0
|
156,0
|
204,0
|
276,0
|
+ 38 %
|
Périphériques
|
24,7
|
28,2
|
35,4
|
46,3
|
59,6
|
75,6
|
99,6
|
+ 26 %
|
Software
|
19,0
|
24,0
|
32,8
|
52,1
|
96,6
|
164
|
302
|
+ 58 %
|
Hardware
|
51,2
|
59,3
|
76,2
|
104,0
|
146,0
|
216,0
|
328
|
+ 26 %
|
TOTAL
|
135,0
|
180,0
|
231,0
|
319,0
|
458,0
|
659,0
|
1006,0
|
+ 40 %
|
Source : Ovum
|
|
On voit que le software dispose d'une perspective de
croissance importante. Il est possible de corréler ce fait, avec
l'implication croissante de grands acteurs de l'informatique et de
l'électronique grand public tels Microsoft ou Sony.
Répartition des marchés de la
réalité virtuelle par applications (hors jeux
vidéo)
(millions de dollars)
|
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
Croissance annuelle
|
Design
|
54,0
|
68,5
|
69,3
|
95,6
|
137,0
|
165,0
|
252,0
|
+ 33 %
|
Formation
|
27,0
|
39,7
|
57,8
|
79,7
|
91,6
|
132,0
|
201,0
|
+ 40 %
|
Visualisation de bases de données
|
6,7
|
9,0
|
23,1
|
31,8
|
68,7
|
132,0
|
201,0
|
+ 76 %
|
Vente et marketing
|
20,2
|
27,0
|
34,7
|
47,8
|
68,7
|
132,0
|
201,0
|
+ 40 %
|
Maintenance
|
27,0
|
36,0
|
46,2
|
63,7
|
91,5
|
98,8
|
151,0
|
+ 33 %
|
TOTAL
|
135,0
|
180,2
|
231,0
|
318,6
|
457,8
|
659
|
1006
|
+ 40 %
|
Source : Ovum
|
|
Plusieurs facteurs conduisent à la croissance du
marché de la réalité virtuelle :
- La disponibilité d'applications de
réalité virtuelle sur des ordinateurs standards.
- L'utilisation de la réalité virtuelle sur
internet (on peut ainsi envisager nombres d'applications liées au
commerce électronique).
- L'utilisation de la réalité virtuelle sur
réseau local.
Sur un plan géographique, le marché devrait se
répartir en deux secteurs d'un poids équivalent, l'Europe et
l'Amérique du Nord, devançant l'Asie.
Répartition géographique du marché de la
réalité virtuelle
|
|
1995
|
2001
|
Taux de
Croissance par année
|
|
M$
|
%
|
M$
|
%
|
|
67
|
50
|
370
|
37
|
+33%
|
Europe
|
52
|
38
|
351
|
35
|
+37%
|
France
|
4
|
3
|
82
|
8
|
+64%
|
Asie
|
9
|
7
|
202
|
20
|
+68%
|
Reste du monde
|
7
|
5
|
89
|
9
|
+52%
|
Total
|
135
|
100
|
1006
|
100
|
+40%
|
|
3.3 Perspectives sociales
A quel point la réalité virtuelle peut-elle
changer la vie des hommes d'aujourd'hui et de demain ? La question est rendue
plus pertinente encore au regard de l'évolution technologique
exponentielle de ces dernières années : seul un petit nombre de
personnes avaient conscience, il y dix d'ans, des progrés qu'on aurait
apporté aux machines aujourd'hui ; sommes-nous davantage aptes à
deviner l'évolution future ? Or le nerf de la guerre en matière
de réalité virtuelle, c'est bien l'avancée technologique
et sa contrepartie économiques, à savoir la diminution
progressive du prix des technologies sur un marché sans cesse croissant.
Comme le rappelle à ce propos fort utilement Grigore Burdea,
déjà cité, "aujourd'hui avec un micro-ordinateur à
5000$ il est possible de faire les mêmes choses qu'avec une machine qui
coûtait 100000$ il y a cinq ans."
C'est sans doute l'éducation qui verra d'emblée
les avancées les plus spectaculaires. L'intérêt de
l'utilisation de la réalité virtuelle dans ce domaine, c'est son
côté éminemment ludique. Ceci peut sembler
paradoxal, parce qu'on a l'habitude, dans notre société,
d'opposer travail et loisir ; mais force est de constater que cette opposition
n'est pas avérée partout, nous en voulons pour exemple la
civilisation hellénique ou les mots école et loisir avaient la
même origine. Mais il y a plus : toutes les données qu'on a pu
retirer en matière de psychologie de l'enfant plaident en faveur de
l'enseignement par le jeu, comme favorisant- mémoire et
concentration.
Il n'est en effet pas interdit de penser qu'un rapprochement
essentiel qui aura lieu aux cours des prochaines années sera celui entre
le marché de l'éducation par le virtuel et le jeu virtuel. Dans
des jeux vidéo comme Hexen, Doom, Half Life, le joueur évolue
dans un univers fantasmagorique fait des corridors, des salles, d'escaliers, de
rivières souterraines... Qu'est ce qui interdit de penser que des jeux
aussi éminement ludiques que ceux-ci auront bientôt pour univers
des monuments historiques existant réellement ou encore le corps humain,
l'univers des atomes ? Mais il y a plus : avec le développement
d'Internet ; il va devenir de plus en plus facile pour l'utilisateur moyen de
se procurer des programmes de simulation médicale, ou de pilotage pour
professionnels, etc... C'est en fait une chance et un défi
extraordinaires laissés à l'éducation que d'avoir à
se réapproprier la sphère du jeu : l'éducation du 21
ème siècle sera ludique ou ne sera pas.
" A Vr computez is a computer world that tricks the senses or
mind. A virtual glove might give you the feel of holding your hand in water or
mud or honey. VR cybersuit might make you feel as if you swam through water or
mud or honey. VR grew out of cockpit simulators used to train pilots and may
shape the home and office multimedia of the future. The idea of advanced Vr
systems as future substitutes for sex and drugs and classroom training iis the
stock and trade of modern science fiction or 'cyberpunk' writing."
Bart kosko in Fuzzi Thinking, 1993
La question a fait l'objet de plus d'un ouvrage de science
fiction : quelles garanties offrir à la morale et à
l'éthique en générale face à l'apparition d'une
technologie aux si diverses applications ? Ce n'est ici pas tant l'incitation
au crime et la violence que l'on redoute que le cloisonnement, l'autisme d'un
utilisateur perdu dans l'univers virtuel distillé par sa machine et
qu'il pourrait préférer au réel.
La question est d'autant plus pertinente que la consultation
médicale dans le domaine de la psychologie de l'enfant dénonce
depuis une dizaine d'années l'augmentation exponentielle de cas de
névroses observées chez les jeunes joueurs assidus de console et
autres jeux vidéos. On sait la liaison qui semble exister entre une
pratique excessive de jeux vidéos et certains meurtres en série
spectaculaires qui eurent lieu ces dernières années aux
Etats-Unis et ailleurs. Il est impossible que les techniques envisagées
aux cours de cet article et ayant pour fin d'optimiser l'immersion de
l'utilisateur dans l'univers virtuel de sa machine n'accroisse pas
également la dose d'affect investi par l'utilisateur sur elle. Le film
Matrix sorti récemment avec un succès incontestable au box-office
joue précisément sur l'ambivalence qui existe entre ces deux
mondes virtuels et réels qui s'affrontent dans le futur. Dans ce film,
c'est l'humanité toute entière qui est immergé dans une
"matrice", sorte de vaste univers virtuel qui semble avoir totalement
éclipsé le véritable. En étant moins alarmiste,
notons toutefois le conflit idéologique qui opposera les partisans de la
liberté de circulation des informations et ceux d'une forme plus ou
moins avérée de censure. Il est évident que ce que l'on
pressent ici c'est un vaste mouvement de réflexion sur la
régulation du phénomène Réalité Virtuelle,
et, à travers lui, une réflexion de toute une
société, de ses intellectuels, de ses spécialistes et des
citoyens sur les limites à poser, s'il en faut, face aux diverses
sollicitations qu'offrent ces technologies.
Cependant, s'il est clair que certains problèmes
d'éthique ou reliés demeurent dans l'attente d'une solution, il
faut souligner également les vastes possibilités offertes par ces
systèmes en terme de gestion du travail. L'interface d'un programme
comme Windows est conçue actuellement en 2d, mais il est clair que la
disposition des fichiers à travers une interface 3d serait encore plus
performante, elle permettrait à l'utilisateur de visualiser plus
d'informations en une fois. Dans un autre domaine, ce genre de techniques
couplées à l'utilisation d'Internet permettront à un
architecte et son client, à un ingénieur et au maître
d'oeuvre de dialoguer à distance en se promenant dans le bâtiment
virtuel au gré de leurs explications (paradoxalement, la
réalité virtuelle pourrait aussi rapprocher les gens.)
Conclusion
La réalité virtuelle paraît donc avoir une
place à prendre dans la réalité économique,
scientifique et sociale. Il apparaît que cette technologie, rodée
par un usage industriel scientifique et militaire important, commence à
accéder depuis quelques années aux marchés de masse.
La fantastique progression des technologies liées
à la réalité virtuelle, conjuguée à la fuite
en avant provoquée par le modèle économique de
l'innovation, qui est de plus en plus appliqué par les entreprises
devraient faire naître de nouveaux services. D'autant plus que la
réalité virtuelle bénéficie d'une certaine
« aura » vis à vis du consommateur moyen. C'est
aussi une technologie qui permet de ressentir des émotions,
peut-être le premier pas de l'ordinateur vers l'humanité. On peut
d'ailleurs penser que des problèmes d'éthique et de morale,
comparables à ceux engendrés par la télévision et
les jeux vidéos, se poseront.
Il est même probable que ces technologies, à long
terme, changeront encore plus l'idée de distance, abolissant ses
contraintes. Dans vingt ans, nous travaillerons dans un bureau virtuel,
entouré de nombreux collègues, tous répartis à la
surface du globe, et cela depuis chez soi.
Bibliographie :
- Les virtuoses du virtuel, Le Monde Interactif, 15 juin
1999.
- Le virtuel revient à la réalité, Le
Monde Interactif, 21 juin 1999.
- Le 6ème sens, celui du commerce, Le Monde
Interactif, 16 juin 1999.
- Trois questions à Grigore Burdea, chercheur à
la Rudgers University, Le Monde Interactif, 15 juin 1999.
- Chirurgie haptique, Le Monde Interactif, 16 juin 1999.
- Des formes pour saisir le fond, Le Monde Interactif, 16
juin 1999.
- Profil :MAA, ingénieur et artiste, Le Monde
Interactif, 15 juin 1999.
- Rapport d'information n°169, Images de synthèse
et monde virtuel, techniques et enjeux de société, Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,
1997.
- Low cost virtual reality head-mounted displays and vision,
Tom Piantanida, Virtual Perception Program, SRI International.
- A virtual reality user interface for a design information
system, Mark K.D. Coomans, Eindhoven University of Technology.
- Virtual reality, the technology and its application,
Information Market Observatory, Luxembourg.
- Intelligent product manuals, D.T. Pham, S.S. Dimov and R.M.
Setchi, University of Wales, Cardiff.
- Virtual reality in Medical Training, Patient assesment and
trauma care simulation, Research Triangle Institute, 1999.
- A framework for understanding the role of virtual reality
technology in facilitating cross-functionnal and interdisciplinary
communication, Tim Watts, Manchester Business School.
- Virtual Reality Modeling Language, paper presentation,
wuttivor@eagle.uis.edu.
|