L'existence d'une conception des droits de l'homme propre aux états musulmanspar Peggy Hermann Faculté de Droit de Montpellier 1 - DEA de Droit International 1999 |
§ 1 : La compréhension de la religion islamiqueLa Loi islamique est le coeur et le noyau de l'Islam. Il est impossible de comprendre l'Islam si l'on ne comprend pas la Loi islamique, comme il est impossible de comprendre la Loi islamique sans identifier pas les textes fondateurs de l'Islam.
Les sources égales originelles, le Coran et la Sunna constituent la Loi islamique ou Shari'à. - Le Coran Le Coran est l'ultime révélation de Dieu, car Mahomet, est considérée comme le dernier des prophètes, le dernier messager de Dieu. Il est la source fondamentale de l'enseignement et des Lois islamiques. Le Coran traite des croyances, de la moralité, de l'histoire de l'humanité, de culte, de la connaissance, de la sagesse, de la relation entre Dieu et l'homme ainsi que des rapports humains sous tous leurs aspects. Une part importante est consacrée à des enseignements de la justice sociale, de l'économie, de la politique, de la législation, de la jurisprudence, du droit et des relations internationales. Dans son ensemble, le Coran a été jugé par Dieu lui-même comme une oeuvre parfaite : « Aujourd'hui, j'ai rendu votre religion parfaite. J'ai parachevé ma grâce sur vous ; j'agrée l'Islam comme étant votre religion » (Sourate V ; Verset 3)12(*). Tel est le Coran, vision du monde selon la conception de Mahomet, créatrice d'une unité que ni les différences d'interprétation ni les diversités ethniques ne sauraient rompre. Code de vie sociale et religieuse, il a tout prévu, tout réglementé, implicitement ou explicitement. Ces principes énoncés d'intangible manière, sont immuables et toute réforme qui leur sera apportée constituerait une nouveauté blâmable, c'est-à-dire une hérésie. A vrai dire, il est le fondement du droit musulman. Six cents versets relèvent du droit proprement dit qui règlent les rapports de l'individu avec la société. - La Sunnah C'est la description de la manière d'agir, le comportement de l'Envoyé de Dieu indiqué par la parole, l'action, le silence. Témoins de la vie du Prophète, les Compagnons étaient les plus qualifiés pour rapporter ses paroles et ses gestes. Ils sont censés avoir consciencieusement observé sa conduite. Les Suivants s'appliquèrent à recueillir, consigner avec soin et communiquer tout ce qu'ils estimaient comme authentique. Une masse énorme de notations, ainsi réunies, va préciser, expliquer et compléter le Coran. Les textes sacrés de l'Islam réglementent la vie de chaque musulman sous tous ces aspects ; il faut cependant comprendre que le droit reste l'élément le plus important dans la compréhension de la religion islamique. B- L'intérêt de la Loi islamique Deux importants changements sont intervenus dans l'histoire de la Loi islamique. L'un fut l'introduction d'une théorie juridique qui ne se contentait pas d'ignorer, mais niait l'existence de la Loi de tous les éléments qui n'étaient pas islamiques au sens strict, et qui limitait les sources matérielles au Coran et à l'exemple du Prophète, la Sunnah. L'autre qui a débuté en cette fin de siècle, est la législation moderniste promulguée par des gouvernements islamiques contemporains, qui restreignent le domaine d'application de la Loi islamique, mais intervient dans la forme traditionnelle de la Loi elle-même. 1-D'un point de vue historique La Loi islamique naquit et se développa dans un contexte politique et administratif confus de l'époque pré-islamique. Elle apparaît en 610, en même temps que la première révélation du Prophète. A la mort du Prophète en 632, la période qui suit est agitée. Avant de mourir, Mohamed n'avait pas relever le problème de sa succession. La Loi islamique n'avait pas réglementé le fondement du pouvoir après sa disparition. C'est la période des califes de Médine ou « califes justes » de 632 à 661 qui étaient les Compagnons du Prophète. Ce n'est que sous le règne des Omeyades, la première dynastie de l'Islam (661-750), que les cadres d'une nouvelle société musulmane furent crées, et au sein de cette société, un nouveau mode d'administration de la justice, une jurisprudence islamique, et la Loi islamique elle-même, virent le jour. Les Omeyades furent renversées par les Abassides, et ceux-ci tentèrent de faire de la Loi islamique, qui était encore en formation, la seule Loi de l'Etat. Ils n'arriveront pas tout à fait à faire coïncider la théorie et l'application pratique. La Loi maintînt sa stabilité et fournit le principal lieu unitaire dans le monde musulman divisé. La période moderne, comme l'entendent les Occidentaux, vit le développement de deux grands Etats musulmans sur les ruines de l'ordre antérieur : l'Empire Ottoman de Moyen-Orient et l'Empire Mongol en Inde. Dans les deux, à l'époque de leur apogée (respectivement aux XVI e et au XVII e Siècles), la Loi islamique atteint son plus haut degré d'efficacité réelle. Lors de la domination politique occidentale, la symbiose de la Loi islamique et du droit occidental dans l'Inde britannique et en Algérie produisit deux systèmes légaux autonomes. Finalement, l'influence des idées politiques occidentales dans les Etats musulmans au XXème siècle a provoqué, en notre siècle, une modernisation de la législation sans précédent.
La Loi fut établie par une interprétation rationnelle et méthodique, et les normes religieuses et morales qui furent introduites dans le contenu juridique fournirent le cadre de sa cohésion interne. Elle ne se prête pas facilement aux traitements techniques ; les juristes modernes dans la majorité des Etats musulmans contemporains, tentent un amalgame des normes islamiques et des normes laïques occidentales. Le but du Prophète n'était pas de créer un nouveau système juridique, mais d'enseigner aux hommes comment agir, que faire, et ce qu'il fallait éviter pour se présenter au Jugement dernier, et entrer au Paradis. C'est pourquoi l'Islam en général, et la Loi islamique en particulier, sont un système de devoirs comprenant des obligations rituelles, morales et légales mises sur le même plan, et toutes soumises à l'impératif religieux. C'était l'idée primitive de Mahomet et on en trouve les traces dans le Coran. Ce n'est que plus tard, lors des premières décennies des Abbassides que le droit s'est imprégné des normes religieuses et morales propres à l'Islam. Les domaines de la religion, de droit et du politique peuvent difficilement être détachés les uns des autres dans les Etats musulmans.
* 12 Abu-Sahlieh (S.A.A), "Les mouvements islamistes et les droits de l'Homme", RT.D.H 34, 1998, pp.251-290 |
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